Décision

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Modèle de décision CLP - octobre 2008

CSSS Pierre-Boucher et Morin

2014 QCCLP 32

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

7 janvier 2014

 

Région :

Montérégie

 

Dossiers :

433394-62-1103      438170-62-1105      492366-62-1301

 

Dossier CSST :

136281516

 

Commissaire :

Lucie Couture, juge administrative

 

Membres :

Mario Lévesque, associations d’employeurs

 

Lucy Mousseau, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Marcel M. Boucher, médecin

______________________________________________________________________

 

433394          438170

492366

 

 

CSSS Pierre-Boucher

CSSS Pierre-Boucher

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

 

 

 

Christian Morin

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 433394-62-1103

[1]           Le 15 mars 2011, le CSSS Pierre-Boucher (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 7 mars 2011, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 20 septembre 2010 et déclare que le diagnostic de rupture partielle de la coiffe des rotateurs du sus-épineux droit est en relation avec l’événement du 7 juin 2010 et que monsieur Christian Morin (le travailleur) a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

Dossier 438170-62-1105

[3]           Le 10 mai 2011, l’employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 3 mai 2011 par la CSST, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 16 mars 2011 et déclare que le diagnostic de capsulite de l’épaule droite est en relation avec l’événement du 7 juin 2010 et que le travailleur a droit aux prestations prévues à la loi pour ce diagnostic.

Dossier 492366-62-1301

[5]           Le 17 janvier 2013, l’employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 11 janvier 2013, par la CSST, à la suite d’une révision administrative.

[6]           Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 13 novembre 2012 et déclare que l’imputation du coût des prestations versées au travailleur relativement à la lésion du 7 juin 2010 demeure inchangée. (La CSST refuse de reconnaître qu’il s’agit d’une blessure ou une maladie survenue par le fait ou à l’occasion des soins).

[7]           La CSST est intervenue au dossier conformément aux dispositions de la loi.

[8]           Lors de l’audience tenue le 20 décembre 2013, à Longueuil, l’employeur est présent et représenté par son procureur. Le travailleur est présent et représenté. La CSST bien que dûment convoquée est absente.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 433394-62-1103

[9]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le diagnostic de la lésion professionnelle est celui de déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite rendue symptomatique par l’événement du 7 juin 2010.

Dossier 438170-62-1105

[10]        L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la capsulite de l’épaule droite, diagnostiquée en janvier 2011, constitue une lésion survenue à l’occasion des soins reçus à la suite de la lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi et que par conséquent, l’employeur a droit à un transfert d’imputation en vertu de l’article 327 à compter de la date du premier diagnostic de capsulite.

Dossier 492366-62-1301

[11]        Finalement, en ce qui a trait à la demande de transfert et de partage d’imputation, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la totalité du coût des prestations versées au travailleur, à compter du premier diagnostic de capsulite, soit imputée à l’ensemble des employeurs. Il demande également à la Commission des lésions professionnelles d’accorder un partage d’imputation pour les autres coûts, en vertu de l’article 329 de la loi compte tenu du handicap dont était porteur le travailleur.

L’AVIS DES MEMBRES

[12]        Comme le prévoit la loi, les membres issus des associations d’employeurs et syndicaux ont donné leur avis uniquement en regard des deux premières requêtes de l’employeur, puisque la troisième requête de l’employeur concerne un sujet sur lequel le tribunal décide seul.

[13]         Le membre issu des associations d’employeurs, monsieur Mario Lévesque et la membre issue des associations syndicales, madame Lucy Mousseau, sont d’avis de faire droit à la première requête de l’employeur. Ils sont d’avis que la preuve médicale présentée permet de retenir que l’événement du 7 juin 2010 a rendu symptomatique une déchirure de la coiffe des rotateurs qui était préexistante et asymptomatique jusque-là. Ils sont aussi d’avis de faire droit en partie seulement à la seconde requête de l’employeur. Ils sont en effet d’avis que la seconde déchirure de la coiffe des rotateurs, soit celle touchant le tendon sous-épineux, diagnostiquée à compter du 7 juillet 2011, constitue une lésion attribuable aux soins reçus par le travailleur à la suite de sa lésion professionnelle du 7 juin 2010 et constitue une lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi.


 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[14]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite a été rendue symptomatique par l’événement du 7 juin 2010.

[15]        La Commission des lésions professionnelles doit également déterminer si la capsulite de l’épaule droite diagnostiquée à compter du 24 janvier 2011 constitue une lésion attribuable aux soins reçus pour la lésion professionnelle du 7 juin 2010.

[16]        Finalement, la Commission des lésions professionnelles devra déterminer si l’employeur a droit à un transfert d’imputation en vertu de l’article 327 de la loi et s’il a droit à un partage du coût des prestations en vertu de l’article 329 de la loi.

[17]        Le tribunal retient les éléments suivants :

[18]        Le travailleur, un préposé aux bénéficiaires, âgé de 35 ans, subit une lésion professionnelle le 7 juin 2010. En tournant un patient sur le côté, celui-ci a brusquement forcé dans la direction opposée ce qui a entraîné une douleur importante à l’épaule droite.  Lors de l’audience, le travailleur a bien expliqué les gestes posés lors de l’incident et la position qu’il occupait au moment où le patient a forcé dans l’autre direction.

[19]        Le travailleur cesse le travail le même jour et consulte le docteur G. Morin qui pose un diagnostic d’entorse de la coiffe des rotateurs droite. Le médecin s’interroge quant à une possible déchirure du sus-épineux. Il prescrit de la physiothérapie et un arrêt de travail jusqu’au 13 juin avec retour à des travaux légers à cette date.

[20]        Le 10 juin 2010, le docteur Gauthier pose un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs droite traumatique. Il autorise une assignation temporaire tout en prescrivant de la physiothérapie et de l’ergothérapie.

[21]        Le 28 juin 2010, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour une entorse de l’épaule droite.

[22]        Le 12 juillet 2010, le docteur Rhéaume pose un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs avec début de capsulite de l’épaule. Il effectue une infiltration sous acromiale droite et prescrit de la physiothérapie tout en recommandant d’attendre 15 jours pour débuter l’ergothérapie.

[23]        Le 23 juillet 2010, le rapport d’une échographie de l’épaule droite fait état d’une déchirure partielle de haut grade du tendon du muscle sus-épineux. La déchirure atteint 80 % de l’épaisseur du tendon. Le rapport fait mention de l’absence de signe de bursite sous-deltoïdienne et de l’intégrité des tendons du sous-épineux et du biceps.

[24]        Le 16 août 2010, le docteur Rhéaume pose un diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs (sus-épineux). Il maintient sa recommandation pour des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie tout en autorisant une assignation temporaire pour 2 jours par semaine. Il dirige le travailleur en orthopédie.

[25]        Le 20 septembre 2010, la docteure Danielle Desloges, chirurgienne orthopédiste, pose un diagnostic de déchirure partielle de haut grade du sus-épineux droit. Elle mentionne qu’une chirurgie est à venir. Elle maintient les traitements de physiothérapie jusqu’à la chirurgie et cesse les traitements d’ergothérapie. Elle autorise les travaux légers jusqu’à l’intervention chirurgicale.

[26]        Le 20 septembre 2010, la CSST accepte la relation entre le diagnostic de rupture de la coiffe des rotateurs du sus-épineux et l’événement du 7 juin 2010.

[27]        Le 30 septembre 2010, l’employeur demande la révision de cette décision.

[28]        Le 26 octobre 2010, la docteure Desloges mentionne avoir réparé la déchirure le 18 octobre 2010. Elle autorise les traitements de physiothérapie. Le protocole opératoire fait mention d’une déchirure de haut grade dont l’aspect est fibrillaire.

[29]        Le 18 décembre 2010, la docteure Desloges prolonge la physiothérapie pendant 6 semaines additionnelles.

[30]        Le 18 janvier 2011, la docteure Desloges note que les progrès sont lents, mais constants. Elle prolonge la physiothérapie.

[31]        Le 24 janvier 2011, le docteur Rhéaume fait mention d’une ankylose importante avec patron capsulaire. Il précise que le travailleur doit revoir l’orthopédiste le 11 mars 2011.

[32]        Le 7 mars 2011, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme la décision du 20 septembre 2010, d’où la première requête de l’employeur.

[33]        Le 10 mars 2011, la docteure Desloges note que le travailleur demeure avec des ankyloses. Elle recommande une arthrographie distensive. Elle autorise une assignation temporaire et continue la physiothérapie.

[34]        Le 16 mars 2011, la CSST détermine qu’il y a relation entre le nouveau diagnostic de capsulite et l’événement du 7 juin 2010 et que le travailleur continuera de recevoir des indemnités.

[35]        Le 7 avril 2011, l’employeur demande la révision de cette décision.

[36]        Le 20 avril 2011, la docteure Desloges rapporte que la capsulite du travailleur est très améliorée à la suite de la première arthrographie distensive. Elle en prévoit une seconde. Elle recommande de la physiothérapie et de l’ergothérapie.

[37]        Le 2 mai 2011, le docteur Rhéaume indique que le travailleur doit subir une troisième arthrographie le 1er juin 2011.

[38]        Le 3 mai 2011, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme la décision du 16 mars 2011 d’où la seconde requête de l’employeur.

[39]        Le 10 juin 2011, la docteure Desloges note que le travailleur a subi une réparation de la coiffe des rotateurs laquelle s’est compliquée d’une capsulite. Elle note que l’atteinte d’un plateau thérapeutique est proche. Elle désire revoir le travailleur pour effectuer le rapport d’évaluation médicale afin d’évaluer les séquelles. Elle prolonge les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.

[40]        Le 20 juin 2011, le docteur Gauthier rapporte que le travailleur demeure très limité et très souffrant.

[41]        Le 7 juillet 2011, le rapport d’une arthrographie-résonance magnétique de l’épaule droite fait état de la présence d’une déchirure complète du sous-épineux. On mentionne une morphologie acromiale de type II. Le tendon bicipital et le labrum sont intacts.

[42]        Le 26 juillet 2011, la docteure Desloges pose un diagnostic de redéchirure de la coiffe des rotateurs droite post capsulite avec arthrographie distensive et manipulation. Elle recommande des traitements de physiothérapie et précise qu’une chirurgie est à venir.

[43]        Le 13 septembre 2011, le travailleur est réopéré pour la nouvelle déchirure.

[44]        Le 10 novembre 2011, le docteur Achim prescrit de la physiothérapie.

[45]        Le 12 novembre 2011, la docteure Desloges rapporte que l’état du travailleur progresse bien en physiothérapie.

[46]        Le 31 janvier 2012, la docteure Desloges autorise une assignation temporaire à demi temps tout en continuant la physiothérapie et l’ergothérapie.

[47]        Le 9 février 2012, le docteur Achim diminue l’assignation temporaire.

[48]        Le 21 mars 2012, la docteure Desloges note qu’il y a encore de la progression. Elle autorise une assignation temporaire à raison de 3 jours non consécutifs et les 2 autres journées à demi temps tout en continuant la physiothérapie.

[49]        Le 8 mai 2012, le docteur Desloges effectue une infiltration. Elle désire revoir le travailleur pour l’évaluation des séquelles.

[50]        Le 10 juillet 2012, la docteure Desloges produit un rapport final consolidant la lésion à cette date avec atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Elle retient un diagnostic déchirure de la coiffe des rotateurs compliquée d’une capsulite. Elle recommande une réorientation professionnelle. Elle prescrit un TENS.

[51]        Le 11 juillet 2012, la docteure Desloges produit le rapport d’évaluation médicale. Elle accorde 12.5 % de déficit anatomo-physiologique et 1 % de préjudice esthétique.

[52]        Le 12 juillet 2012, le docteur Jacques Desnoyers, chirurgien orthopédiste, produit une expertise dans le but d’appuyer une demande de partage du coût des prestations. Il est d’avis que ni l’âge du travailleur, pas plus que le mécanisme de l’accident ne peuvent expliquer le type de déchirure constatée à l’échographie. Cela témoigne, selon lui, d’une dégénérescence de la coiffe incompatible avec le jeune âge du travailleur et démontrant une faiblesse du sus-épineux qui correspond à un handicap.

[53]        Il est aussi d’avis que l’évolution inhabituelle justifie également un partage. Il est inhabituel de rencontrer un patron capsulitique aussi important à la suite d’une chirurgie de reconstruction de la coiffe. Si certaines raideurs de l’épaule sont attendues après une telle chirurgie, la capsulite est une complication opératoire qui n’est pas attendue et encore moins si elle nécessite une arthrographie distensive. Ce patron de capsulite a retardé de façon importante le délai de guérison habituel.

[54]        Puis finalement, il est d’avis qu’il y a eu une complication à la suite des traitements reçus pour cette capsulite. En effet, la nouvelle déchirure résulte des traitements reçus lors de l’arthrographie distensive et des manipulations sous anesthésie subie par le travailleur. Cela ne constitue pas une faute médicale, mais justifie néanmoins une demande de partage du coût des prestations pour ces trois raisons.

[55]        Le 27 juillet 2012, la CSST rend sa décision par laquelle elle détermine que le travailleur a droit à la réadaptation.

[56]        Le 31 juillet 2012, la CSST rend sa décision sur l’indemnité pour préjudice corporel de 12 599,39 $ pour une atteinte permanente de 16,20 %.

[57]        Le 14 août 2012, l’employeur demande la révision de la décision du 31 juillet 2012.

[58]        Le 29 octobre 2012, l’employeur demande un partage du coût des prestations en vertu de l’article 329 de la loi.

[59]        Le 13 novembre 2012, la CSST refuse la demande de partage au motif que la preuve fournie ne démontre pas qu’une blessure ou une maladie est survenue par le fait où à l’occasion des soins ou de l’omission de soins.

[60]        Le 21 novembre 2012, l’employeur demande la révision de cette décision.

[61]        Le 11 janvier 2013, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme la décision du 13 novembre 2012 d’où la troisième requête de l’employeur.

[62]        Lors de l’audience, le tribunal a entendu le travailleur qui a bien expliqué les gestes et la position adoptée lors de l’incident du 7 juin 2010. Il a également indiqué suivre des cours afin de pouvoir postuler pour un poste clérical chez l’employeur.

[63]        Le docteur Desnoyers a également témoigné. Il a repris pour l’essentiel les propos tenus dans son expertise de juillet 2012. Il est d’avis que seule la présence d’une déchirure dégénérative préexistante à l’événement du 7 juin 2010 peut expliquer la symptomatologie ressentie par le travailleur à la suite de cet événement et les traitements qui ont été nécessaires.

[64]        Il estime que le geste fait par le travailleur même avec l’effort contre résistance du patient n’est pas un effort de nature à causer une déchirure de plus de 80 % du tendon sus-épineux surtout chez un travailleur âgé de 35 ans comme en l’espèce. Il est convaincu que cette déchirure devait être présente avant l’événement. Il motive cette opinion par le fait que le rapport de l’échographie subie par le travailleur seulement quelques semaines après l’événement ne fait mention d’aucun signe d’œdème ou de tendinite ou de bursite ou d’inflammation de la région. Selon lui, si la déchirure était apparue à la suite de l’événement, on aurait dû retrouver des signes d’inflammations à l’échographie. Comme aucun signe de cette nature n’est noté, c’est donc que cette déchirure était déjà présente. Il motive aussi cette opinion par le fait que dans le cas d’une déchirure traumatique le tendon aurait été complètement déchiré. De plus, il motive son opinion sur le caractère dégénératif du tendon par le fait que la docteure Desloges qualifie la déchirure en utilisant le terme « fibrillaire ». Cette mention au protocole opératoire confirme le caractère dégénératif du tendon. Il précise toutefois que l’événement est de nature à rendre symptomatique cette déchirure préexistante et justifie les traitements reçus par le travailleur.

[65]        Quant à la seconde déchirure notée à la suite de l’arthro-scan subi par le travailleur, cette seconde déchirure ne peut résulter que des traitements reçus par le travailleur. Cela n’arrive que très rarement selon lui.

[66]        Le procureur de l’employeur a repris les arguments présentés par le docteur Desnoyers pour appuyer ses requêtes. Il demande au tribunal de faire droit à ses requêtes.

[67]        Le représentant du travailleur a soumis être en accord avec les représentations de l’employeur quant au fait que l’événement a rendu symptomatique un état personnel préexistant donnant droit au travailleur aux bénéfices de la loi.

[68]        Quant aux demandes de partage et de transfert d’imputation, le procureur de l’employeur soumet que l’état préexistant observé chez le travailleur constitue un handicap donnant droit à un partage du coût des prestations. Cette déficience a joué un rôle dans l’évolution de la lésion. Il estime également que la capsulite de l’épaule droite diagnostiquée en janvier 2011 constitue une lésion attribuable aux soins reçus pour la lésion professionnelle et que par conséquent, la totalité du coût des prestations versées au travailleur après le 28 janvier 2011 doit être imputée aux employeurs de toutes les unités.

[69]        Le tribunal est d’avis de faire droit en partie aux requêtes de l’employeur.

[70]        Le tribunal doit déterminer si la déchirure du tendon sus-épineux est en relation avec l’événement rapporté par le travailleur survenu le 7 juin 2010.

[71]        Le tribunal retient les explications fournies par le docteur Desnoyers pour conclure que le travailleur était porteur d’une déchirure du tendon sus-épineux préexistante à l’événement du 7 juin 2010. Cet événement n’était pas de ceux de nature à occasionner une déchirure quasi complète de ce tendon puisque l’effort fait par le travailleur était effectué en position anatomique. Le membre supérieur était placé en élévation antérieure d’environ 60 degrés. Cette position et le contrecoup donné par le patient ne sont pas des gestes de nature à occasionner une telle déchirure du tendon sus-épineux, selon la preuve médicale entendue.

[72]        Le tribunal retient également le fait que si une telle déchirure était apparue à la suite de cet événement, le rapport de l’échographie effectuée quelques semaines après l’événement aurait démontré des signes d’une déchirure traumatique, tels de l’œdème ou des signes de tendinites ou des hématomes. Le fait que cet examen ne démontre pas de tels signes milite à confirmer le caractère préexistant de cette déchirure.

[73]        Le tribunal partage l’opinion du médecin de l’employeur selon laquelle, le traumatisme subi a été de nature à rendre symptomatique cette déchirure. Le travailleur a donc subi une lésion professionnelle le 7 juin 2010 et il a droit aux prestations prévues par la loi.

[74]        La Commission des lésions professionnelles doit également déterminer si la capsulite de l’épaule droite, diagnostiquée en janvier 2011, constitue une lésion attribuable aux soins au sens de l’article 31 de la loi. Cet article se lit comme suit :

31.  Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion :

 

1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;

 

2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).

__________

1985, c. 6, a. 31.

 

 

[75]        Le tribunal ne peut faire droit à la seconde requête de l’employeur en totalité. Malgré le témoignage du docteur Desnoyers quant au caractère inhabituel d’une capsulite de l’importance de celle diagnostiquée chez le travailleur en janvier 2011, le tribunal ne peut convenir que cette capsulite ne peut être une conséquence prévisible de la chirurgie subie par le travailleur en octobre 2010. Le docteur Desnoyers a lui-même reconnu qu’on ne pouvait affirmer qu’une capsulite ne pouvait être en lien avec la chirurgie subie par le travailleur ou être une conséquence prévisible d’une telle intervention chirurgicale.

[76]        Le tribunal ne croit pas que la sévérité de la capsulite dont a été atteint le travailleur à la suite de la chirurgie puisse être un critère qui permette de qualifier cette pathologie de lésion attribuable aux soins reçus pour la lésion professionnelle.

[77]        Le tribunal estime que lorsque l’état pathologique constitue une complication prévisible d’une telle chirurgie, cela ne permet pas de reconnaître cette pathologie comme constituant une lésion attribuable aux soins reçus pour la lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi.

[78]        Par contre, il ne fait aucun doute dans le présent dossier qu’une autre lésion attribuable aux soins est apparue dans le cours du traitement de la lésion professionnelle du 7 juin 2010. En effet, en juillet 2011, le travailleur a subi une arthro-résonance magnétique de l’épaule droite, laquelle a démontré une nouvelle déchirure de la coiffe des rotateurs, celle-ci étant située cette fois au tendon sous-épineux.

[79]        Cette nouvelle déchirure, comme l’a mentionné la docteure Desloges est consécutive aux arthrographies distensives et aux traitements de physiothérapie qu’a reçus le travailleur à la suite de sa première chirurgie d’octobre 2010.

[80]        Comme cette lésion est située à un endroit différent de celle reconnue à titre de lésion professionnelle, cette nouvelle déchirure du sous-épineux peut constituer une lésion consécutive aux soins au sens de l’article 31 de la loi.

[81]        Finalement, en ce qui a trait aux demandes de transfert et de partage d’imputation faite par l’employeur, le tribunal est d’avis d’y faire droit.

[82]        L’article 327 de la loi prévoit ce qui suit :

327.  La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations :

 

1° dues en raison d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31;

 

2° d'assistance médicale dues en raison d'une lésion professionnelle qui ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion.

__________

1985, c. 6, a. 327.

 

 

[83]        Comme le tribunal convient que la nouvelle déchirure du tendon du sous-épineux, diagnostiquée le 7 juillet 2011 lors de l’arthro-résonance magnétique, constituait une lésion attribuable aux soins tel que prévu à l’article 31 de la loi, la CSST doit imputer aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations découlant de cette lésion.

[84]        Le tribunal estime donc qu’il y a lieu d’imputer la totalité du coût des prestations versées au travailleur à compter du 7 juillet 2011 aux employeurs de toutes les unités, en application du premier alinéa de l’article 327 de la loi.

[85]        Le tribunal estime devoir accorder un transfert total du coût des prestations versées au travailleur après cette nouvelle déchirure de la coiffe des rotateurs, car il devient impossible de faire la distinction entre les soins reçus pour cette nouvelle lésion de ceux que continuait de recevoir le travailleur avant cette date, en lien avec la lésion professionnelle initiale.

[86]        Quant à la demande de partage d’imputation faite par l’employeur en vertu de l’article 329 de la loi, le tribunal est également d’avis d’y faire droit.

[87]        Cet article se lit comme suit :

329.  Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

 

 

[88]        L’employeur doit démontrer que le travailleur est handicapé au moment de la survenance de la lésion professionnelle.

[89]        La loi ne définit pas cette notion de « handicapé ». Cependant, depuis la décision rendue dans l’affaire Municipalité de Petite-Rivière-St-François et CSST[2], la Commission des lésions professionnelles a retenu la définition suivante du mot handicapé, qu’on peut lire au paragraphe [23] de cette décision :

[…] un travailleur déjà handicapé au sens de l’article 329 de la loi est celui qui présente une déficience physique ou psychique qui a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion.

 

 

[90]        Ainsi, l’employeur doit démontrer, en premier lieu, que le travailleur est porteur d’une déficience. La jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles, depuis la décision précitée, reconnaît qu’une perte de substance et une altération d’une structure ou d’une fonction physiologique, psychique ou anatomique, correspondant à une déviation par rapport à une norme biomédicale, répondent à cette notion de déficience.

[91]        La jurisprudence reconnaît également qu’un état personnel préexistant peut équivaloir à une déficience dans la mesure où cet état est suffisamment important pour être assimilable à une déviation par rapport à une norme biomédicale compte tenu, entre autres, de l’âge du travailleur.

[92]        L’employeur doit, en second lieu, démontrer que cette déficience a joué un rôle déterminant dans la production de la lésion ou dans les conséquences de celle-ci pour avoir droit à un partage en vertu de l’article 329 de la loi.

[93]        Pour apprécier la contribution de la déficience à la production de la lésion professionnelle, la jurisprudence[3] précise que plusieurs éléments peuvent être considérés, notamment la nature et la gravité du fait accidentel, le diagnostic initialement posé, l’évolution du diagnostic et de l’état du travailleur, la compatibilité entre le plan de traitement et le diagnostic reconnu en relation avec l’événement, la durée de la consolidation compte tenu de la nature de la lésion et la gravité des conséquences de la lésion professionnelle. Aucun de ces éléments n’est décisif à lui seul, mais pris dans leur ensemble, ils permettent d’apprécier le bien-fondé de la demande de l’employeur.

[94]        Dans le présent dossier, le tribunal a convenu que la déchirure du sus-épineux diagnostiquée à la suite de l’événement du 7 juin 2010 était préexistante à l’événement en question et qu’elle avait été rendue symptomatique par cet événement.

[95]        Le tribunal retient également que le docteur Desnoyers a démontré qu’une déchirure de cette importance constituait une déficience chez un travailleur de 35 ans. Une déchirure de cette importance ne se retrouve pas normalement chez un travailleur de cet âge. Il s’agit donc d’une déviation par rapport à la norme biomédicale.

[96]        L’employeur a donc démontré que le travailleur était porteur d’un handicap au moment de la lésion professionnelle. Ce handicap a joué un rôle important dans la survenance de la lésion professionnelle et dans ses conséquences puisque selon la preuve entendue et non contredite, un geste de cette nature n’aurait pas pu provoquer une telle déchirure sur un tendon sain. De plus, cet incident n’aurait pas dû entraîner une chirurgie et les conséquences qui s’en sont suivies.

[97]        Le tribunal est donc d’avis que l’employeur a droit à un partage du coût des prestations versées au travailleur pour la lésion professionnelle du 7 juin 2010 dans la proportion de 90 % aux employeurs de toutes les unités et de 10 % à son dossier.

[98]        Il y a lieu de faire droit aux requêtes de l’employeur en ce sens.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 433394-62-1103

ACCUEILLE la requête du CSSS Pierre-Boucher, l’employeur;

INFIRME la décision rendue le 7 mars 2011, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’événement du 7 juin 2010 a rendu symptomatique une déchirure du tendon sus-épineux préexistante et qu’en conséquence, monsieur Christian Morin, le travailleur, a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Dossier 438170-62-1105

ACCUEILLE en partie la requête de l’employeur;

MODIFIE en partie la décision rendue le 3 mai 2011, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la capsulite de l’épaule droite, diagnostiquée en janvier 2011, est en relation avec l’événement du 7 juin 2010 et que le travailleur a droit aux prestations prévues par la loi pour ce diagnostic;

DÉCLARE que la déchirure du tendon sous-épineux, diagnostiquée le 7 juillet 2011, constitue une lésion attribuable aux soins reçus par le travailleur pour sa lésion professionnelle du 7 juin 2010, au sens de l’article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour ce diagnostic.

Dossier 492366-62-1301

ACCUEILLE la requête de l’employeur;

INFIRME la décision rendue le 11 janvier 2013, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’employeur a droit à un partage du coût des prestations versées au travailleur à compter du 7 juin 2010 dans la proportion suivante : 90 % du coût des prestations devant être imputé aux employeurs de toutes les unités et 10 % au dossier de l’employeur;

DÉCLARE que la totalité du coût des prestations versées au travailleur après le 7 juillet 2011 doit être imputée aux employeurs de toutes les unités.

 

 

 

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Lucie Couture

 

 

 

 

Me Jean-Guy Payette

PPRM, Avocats

Représentant de la partie requérante

 

 

Monsieur Jonathan Bérubé

C.S.N. (Montérégie)

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Rébecca Branchaud

VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           [1999] C.L.P. 779.

[3]           Hôpital Général de Montréal, [1999] C.L.P. 891.

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