Décision

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Potvin c. Mécanique du Palais inc.

2018 QCCQ 9737

JG2726

 

 

 

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUCE

LOCALITÉ DE

SAINT-JOSEPH

« Chambre civile »

N° :

350-32-700039-177

 

 

 

DATE :

27 décembre 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CHANTAL GOSSELIN, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

RAYJEAN POTVIN

[...], Frampton (Québec) [...]

 

Demandeur

c.

MÉCANIQUE DU PALAIS INC.

908, avenue du Palais, Saint-Joseph-de-Beauce (Québec) G0S 2V0

 

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

[1]          Monsieur Rayjean Potvin réclame 389,17 $ à Mécanique du Palais inc. (Mécanique) en raison de malfaçons lors de la réparation du moteur de son automobile, Volkswagen Jetta 2004.

[2]          La demande initiale de monsieur Potvin de 2 305,22 $ est réduite de 1 916,05 $ correspondant à l’indemnisation reçue de la compagnie d’assurance de Mécanique pour le sinistre résultant du bris du moteur[1].

[3]          Mécanique conteste la demande aux motifs que le délai est trop long entre la réparation et le bris pour qu’une faute ou une responsabilité puisse lui être attribuée.

LA QUESTION EN LITIGE

Le garagiste a-t-il effectué une réparation fautive du moteur de l’automobile de monsieur Potvin causant un bris et justifiant une indemnisation ?

LE CONTEXTE

[4]          Sans reprendre l’ensemble des faits mis en preuve lors de l’instruction, les plus pertinents retenus par le Tribunal sont les suivants.

[5]          Le 18 février 2014, monsieur Potvin fait réparer le moteur de son automobile, Volkswagen Jetta 2004, chez Mécanique. L’odomètre indique 110 098 kilomètres (km). Les parties conviennent du remplacement de la courroie de synchronisation (timing belt), d’un joint et de la pompe à eau. Il est possible que la courroie « serpentin » doive être changée également. Après deux heures de travail, le mécanicien ne pourra compléter le travail dans la journée en raison d’un outil spécifique manquant. Monsieur Potvin ne pourra reprendre possession de son automobile que le lendemain. Il loue un véhicule de courtoisie entretemps.

[6]          Le 19 février 2014, monsieur Potvin se rend chez Mécanique pour récupérer son automobile. Il apprend qu’un engrenage s’est brisé en cours de réparation (alors que l’outil manquant la veille n’aura pas été finalement utilisé) et que la courroie « serpentin » a été changée, bien qu’il lui avait été mentionné qu’elle était en bon état. Monsieur Potvin paie la facture de réparations de 837,99 $ (taxes et rabais inclus)[2] et quitte avec son automobile. Le véhicule est laissé à l’usage principal de son amie.

[7]          Le 4 août 2014, monsieur Potvin fait faire une inspection de son automobile chez Mécanique. L’odomètre indique 115 475 km[3]. Aucune anomalie n’est constatée.

[8]          Le 30 décembre 2014, l’automobile de monsieur Potvin tombe en panne à Québec alors que son amie est au volant. Ce dernier fait remorquer le véhicule chez Mécanique. L’odomètre indique alors 119 791 km. Deux options sont envisagées, soit tenter la réparation du moteur à un coût de 1 039,68 $[4], soit procéder à son remplacement à un coût plus élevé. Monsieur Potvin préfère prendre le temps d’y réfléchir. Il paie la facture d’évaluation du véhicule de 233,90 $ à Mécanique[5].

[9]          Le 4 janvier 2015, ressentant une perte de confiance envers Mécanique, monsieur Potvin fait remorquer l’automobile chez un autre garagiste afin de faire remplacer le moteur à un coût de 1 266,05 $ (taxes incluses)[6].

[10]       Des négociations sont tentées entre les parties au sujet d’une réclamation de monsieur Potvin pour le bris subi dont il attribue la responsabilité à Mécanique, mais ne sont pas concluantes.

[11]       Le 19 février 2016, monsieur Potvin transmet à Mécanique une mise en demeure réclamant 2 305,22$ pour le coût des réparations, des frais de remorquage, d’essence de stress et d’inconvénients[7].

[12]       Mécanique informe son assureur responsabilité, Intact Compagnie d’assurance, de la mise en demeure reçue de monsieur Potvin.

[13]       Le 8 juin 2017, monsieur Potvin reçoit 1 916,05$ d’Intact Compagnie d’assurance dont 1 266,05 $ pour les frais de réparation du moteur. L’assureur refuse d’indemniser ce dernier des frais d’évaluation du véhicule de 233,90 $ du 30 décembre 2014 et des frais de réparation de la courroie « serpentin » de 160,60 $ du 19 février 2014 d’où le présent litige.

L’ANALYSE

[14]        Le Tribunal considère important de décrire les règles et les critères applicables à la preuve à l’appui d’une réclamation.

[15]        La personne qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention[8].

[16]        La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante[9]. Il doit être démontré que le fait litigieux est non seulement possible, mais bien probable. La probabilité n'est pas seulement prouvée par une preuve directe, mais aussi par les circonstances et les inférences qu'il est raisonnablement possible d'en tirer. Le degré d'une preuve prépondérante n'équivaut donc pas à une certitude ni à une preuve hors de tout doute.

[17]        Les justiciables ont donc le fardeau de prouver l'existence d'un droit.  Les règles du fardeau ou de la charge de la preuve signifient l'obligation de convaincre, qui est également qualifiée de fardeau de persuasion.  Il s'agit donc de l'obligation de faire la démonstration d’éléments de preuve d’une quantité et d’une qualité nécessaires à convaincre le Tribunal des allégations faites.

[18]        En matière civile, bien qu’à la base c’est sur monsieur Potvin, le demandeur, que repose le fardeau de la preuve suivant les principes de la simple prépondérance, un tel fardeau peut être inversé si une garantie légale le protège.

[19]        La Loi sur la protection du consommateur (L.p.c.)[10] s'applique à tout contrat conclu entre un consommateur et un commerçant dans le cours des activités de son commerce et ayant pour objet un bien ou un service[11].

[20]        Cette loi[12] s'applique à la réparation d'une automobile. Une telle réparation est garantie pour trois mois ou 5 000 km à partir du moment de la livraison du véhicule. Monsieur Potvin bénéficie également des recours de droit commun[13].

[21]        La garantie des travaux mécaniques prévue au Code civil et à la Loi sur la protection du consommateur est extrêmement sévère puisqu'elle impose une obligation de résultat au garagiste selon l’interprétation des tribunaux.

[22]        Dans les limites de ce cadre, le garagiste ne peut se dégager de sa responsabilité qu’en prouvant la force majeure ou un dommage qui résulte d'un usage abusif par le consommateur après la réparation[14].

[23]        Le Tribunal ne peut toutefois simplement inférer de la décision de l’assureur de Mécanique d’indemniser monsieur Potvin une admission de faute de la part de Mécanique alors que cette dernière s’y était spécifiquement opposée. En effet, plusieurs motifs peuvent justifier le choix de retenir la voie d’un règlement.

[24]       Le Tribunal constate que l’automobile de monsieur Potvin a circulé pendant 166 jours (plus de cinq mois) ou 5 377 km entre la réparation du 19 février 2014 et l’inspection du 4 août 2014. Le Tribunal constate que l’automobile de monsieur Potvin avait circulé pendant 148 jours additionnels (plus de quatre mois) ou 4 316 km de plus (119 791 km - 115 475 km) entre l’inspection du 4 août 2014 et le bris du 30 décembre 2014.

[25]        L’automobile de monsieur Potvin a ainsi circulé pour un total de 314 jours (plus de dix mois) ou 9 693 km (119 791 km -110 098 km) entre le 19 février 2014 et le 30 décembre 2014 lors de la survenance du bris.

[26]        La garantie des travaux mécaniques prévue à la Loi sur la protection du consommateur était expirée le 30 décembre 2014.

[27]        Il en revenait à monsieur Potvin de démontrer au Tribunal la faute de Mécanique, le préjudice subi et le lien de causalité entre les deux.

[28]       Aucune preuve prépondérante ni rapport d’expertise ne permet au Tribunal de conclure à une mauvaise réparation ou à une inspection fautive de Mécanique comme étant la cause du bris du moteur survenu le 30 décembre 2014, considérant les kilomètres parcourus depuis, alors que les circonstances mêmes de la survenance du bris n’ont pas été présentées au Tribunal puisque c’était l’amie de monsieur Potvin qui était au volant et qu’elle n’a pas été entendue.

[29]       Bien que l’on dise que des photographies valent mille mots, elles ne permettent pas au Tribunal de conclure à la faute de Mécanique ni à sa responsabilité civile[15].

[30]       Le Tribunal rejette la demande de monsieur Potvin.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

REJETTE la demande de monsieur Rayjean Potvin ;

CONDAMNE monsieur Rayjean Potvin à payer à Mécanique du Palais inc. les frais de justice de la contestation de 150 $.

 

 

 

 

 

 

CHANTAL GOSSELIN, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 



[1]     Quittance entre monsieur Potvin et Intact Compagnie d’assurance du 17 juin 2017 déposée au dossier de la Cour préalablement à l’audience

[2]     Pièce P-1

[3]     Pièce P-2

[4]     Pièce P-7

[5]     Pièce P-3

[6]     Pièce P-4

[7]     Pièce P-5

[8]     Article 2803 C.c.Q.

[9]     Article 2804 C.c.Q.

[10]    R.R.L.Q., chap. P-40.1

[11]    Article 2 L.p.c.

[12]    Articles 167 à 181 L.p.c.

[13]    Articles 1458 et 2100 C.c.Q.

[14]    Article 177 L.p.c.

[15]    Pièce P-6

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