Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

En matière de régime des rentes

 

 

Date : 5 avril 2016

Référence neutre : 2016 QCTAQ 03887

Dossier  : SAS-M-234520-1502

Devant les juges administratifs :

MICHÈLE RANDOIN

LUCIE LE FRANÇOIS

 

F… M…

Partie requérante

c.

RETRAITE QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]              La requérante conteste une décision rendue en révision le 18 décembre 2014 par l’intimée, Retraite Québec[1], qui refuse de la reconnaître invalide au sens de la Loi sur le régime de rentes du Québec[2] (la Loi).

LA PREUVE DOCUMENTAIRE

[2]              C’est le 31 août 2011, à l’âge de 49 ans, que la requérante dépose sa demande de prestations d’invalidité auprès de l’intimée. Elle a cessé son emploi de « prefill syringe technician » le 23 juillet 2009, à la suite d’une chute survenue en 2006 et pour laquelle elle fut indemnisée par la CSST[3].

[3]              Ce n’est que le 4 janvier 2013 qu’un rapport médical parvient à l’intimée. Il est rempli par un rhumatologue, le Dr Craig Watts. Outre certains antécédents médicaux, le Dr Watts note des douleurs sciatiques droites à la suite d’une fracture sacrée. Ces douleurs entravent les positions debout et assise ainsi que la marche. Il affirme qu’un Ct-scan a confirmé la présence d’une protrusion discale au niveau L4-L5 droit, mais qu’aucune chirurgie ne sera effectuée. Il est d’avis que madame ne peut faire aucun travail en raison des douleurs chroniques.

[4]              À la suite de la chute de 2006, divers tests d’imagerie sont demandés afin d’investiguer les douleurs de la requérante au niveau du sacrum. Une résonance magnétique suspecte la présence d’une fracture à la jonction sacro-coccygienne en mars 2006. Toutefois, une scintigraphie osseuse du 12 octobre 2006 permet d’écarter ce diagnostic de fracture tout comme celui de sacro-iliite. Madame aura des blocs facettaires, qui n’apportent que peu d’amélioration.

[5]              Une première imagerie par résonance magnétique (IRM) est effectuée le 14 juin 2007. Elle démontre la présence d’une protrusion discale paracentrale et intraforaminale droite qui pourrait irriter la racine L4 droite. La racine L5 ne semble pas compromise.

[6]              Un électromyogramme (EMG) est réalisé en septembre 2007. Madame rapporte des symptômes compatibles avec une radiculopathie L5 droite. De même, certains éléments de son examen physique sont compatibles avec ce diagnostic. Toutefois, l’EMG ne permet pas de confirmer d’atteinte radiculaire.

[7]              Deux expertises en orthopédie seront demandées par la CSST, l’une auprès au Dr Pierre Dupuis, le 20 décembre 2007, et l’autre auprès du Dr Alain Jodoin, le 18 mars 2008.

[8]              Les deux experts ne s’entendent pas quant au diagnostic à retenir. Le premier diagnostique une entorse sacro-iliaque droite pour laquelle il propose des blocs de la partie supérieure de la sacro-iliaque droite, suivis de manipulations précoces après les blocs. Lorsque madame est revue en orthopédie par le Dr Jodoin, elle n’a reçu aucun de ces traitements. Le Dr Jodoin croit plutôt à la présence d’une contusion lombo-sacrée et est d’avis qu’il n’y a aucun signe de radiculopathie ni d’atteinte sciatique. Il émet des limitations fonctionnelles. Le Tribunal y reviendra.

[9]              Le Tribunal note que durant cette période, la requérante est suivie par le Dr H. Daoud qui retient le diagnostic de hernie discale L4-L5, et qui émet des limitations fonctionnelles de classe 2 de l’IRSST[4].

[10]           Le 30 mai 2008, la CSST rend une décision voulant que madame soit capable de reprendre son emploi[5]. La requérante s’est désistée de la contestation de cette décision.

[11]           Le 13 août 2009, une IRM démontre la présence d’une discopathie dégénérative avec hernie discale droite avec extension foraminale, venant en contact avec la racine L4 droite[6].

[12]           Madame a subi une autre IRM le 12 février 2010. Le rapport est reproduit de façon incomplète à la page 19 du dossier. Toutefois, l’expert de la Régie, le Dr Potvin, cite le passage pertinent concernant l’espace L4-L5[7]. On peut lire :

« Hernie discale foraminale droite sous l’émergence de la racine nerveuse droite à ce niveau. Donc, je ne pense pas que la racine nerveuse droite L4 soit comprimée ou irritée par ce phénomène. Rien à signaler au niveau du canal. Pas de hernie ou sténose foraminale gauche. Très peu d’arthrose facettaire. »

[13]           Un Ct-scan réalisé le 31 juillet 2010 démontre aussi la présence d’une hernie discale L4-L5 droite, ainsi que d’une iliite condensante.

[14]           Le 10 septembre 2010, la CLP[8] rend une décision qui maintient une décision révisée de la CSST refusant de reconnaître une rechute/récidive/aggravation en 2009, en lien avec l’événement de 2006. La commissaire est plutôt d’avis qu’il s’agit des mêmes problèmes que ceux décrits au moment de la consolidation, et non d’une aggravation. De plus, des conditions médicales étrangères à celle causée par l’accident de travail sont alléguées.

[15]           En février 2012, madame subira un bloc sélectif de la racine L4 droite. À cette occasion, le radiologiste décrit que la patiente est aux prises avec des douleurs considérables et sévères.

[16]           Le 13 mars 2012, le Dr Watts complète un rapport adressé à l’ « American Bankers Life Assurance Company of Florida ». Il y déclare que madame est porteuse d’une « chronic sciatica », du côté droit, et de limitations fonctionnelles sévères, de classe 5, l’empêchant d’exercer des activités sédentaires. Le pronostic est nul.

[17]           C’est le 27 octobre 2014 que le Dr Jacques Potvin, neurochirurgien, expertise la requérante à la demande de l’intimée[9].

v  Madame souffre d’une lombalgie constante. Rien ne la soulage.

v  La sciatalgie est bilatérale, pire à droite, constante, intéresse la fesse, la face postérieure de la cuisse jusqu’au genou. Elle est augmentée par le Valsalva et les mouvements brusques.

v  Elle a beaucoup de difficultés à effectuer ses activités quotidiennes et requiert de l’aide pour ce faire.

v  Madame prend du Gabapentin et de l’Elavil. Malgré cette médication, elle souffre d’insomnie quotidienne en raison de ses malaises.

v  Madame déambule avec une discrète boiterie, protégeant son membre inférieur droit.

v  L’examen démontre une attitude en flexion de 10 degrés du rachis lombaire. L’amplitude de mouvements passe de 10 à 70 degrés. Tous les autres mouvements sont diminués. Le tripode est positif à droite. L’indice de Schoeber est diminué (12/10).

v  À l’examen neurologique, l’expert retrouve une atrophie musculaire de 2 cm de la cuisse et de 1 cm du mollet droit par rapport au côté gauche. Il estime cette différence comme étant « significative » pour une droitière.

v  L’expert rapporte la lecture radiologique de la dernière IRM de février 2010.

v  Il conclut que l’examen montre des signes de souffrance rachidienne relativement importante, sans signe de compression radiculaire périphérique.

v  Il n’explique pas davantage l’atrophie musculaire identifiée lors de son examen. Toutefois, il note surtout, dit-il, des signes de déconditionnement musculaire.

v  Il retient des séquelles de contusion du bassin avec douleur référée au membre inférieur droit.

v  Il estime que les traitements ne sont ni suffisants ni appropriés, car il n’y en a aucun. Selon lui, madame pourrait bénéficier d’infiltrations aux points gâchettes. Il propose aussi un programme de reconditionnement musculaire sous la supervision d’un physiatre.

v  En l’absence de traitement, il estime que le pronostic est très mauvais. L’état de madame semble s’être détérioré depuis 2008, moment où elle a été évaluée par le BEM[10].

v  L’expert ajoute ceci :

« Si l’on ajoute foi (?) à l’authenticité des douleurs alléguées par [la requérante], des limitations fonctionnelles de classe III de l’IRSST s’appliquent ici de façon temporaire.

Avec un traitement approprié, je crois qu’elles pourraient repasser à une classe II et permettre ainsi à [la requérante] d’occuper régulièrement un emploi à temps plein, qui respecte ces limitations de classe II. »

(Transcription conforme)

[18]           Ceci termine la preuve documentaire pertinente.

 

LE TÉMOIGNAGE DE LA REQUÉRANTE

[19]           La requérante témoigne d’abord sur sa scolarité qui est de niveau Cégep, en sciences sociales.

[20]           Comme expériences de travail, après avoir travaillé à la maison durant 20 ans, elle a occupé un poste d’inspecteur en électronique durant trois mois. Elle fut étalagiste et a travaillé dans un entrepôt, puis a travaillé dans l’assemblage de fils et de « connectors ».

[21]           Entre 2003 et 2006, son travail de « prefill syringe technician » pour une compa-gnie pharmaceutique consistait à remplir des seringues avec de l’Héparine et du sodium.

[22]           C’est en 2006 qu’elle chute sur la glace et se blesse au bassin. Elle est en arrêt de travail pour trois mois, fait de la physiothérapie. Lorsqu’elle retourne à l’emploi, ses douleurs augmentent. C’est ainsi que son médecin signe des arrêts de travail de façon épisodique.

[23]           Elle décrit ses douleurs comme étant des crampes qui partent de la fesse, irradiant à la jambe et au mollet droit quatre à cinq fois par jour. Les douleurs sont constantes et d’intensité 9/10.

[24]           La médication ne fait pas effet, selon elle. Les infiltrations n’ont rien donné non plus.

[25]           Elle témoigne de ses problèmes de sommeil. Lorsqu’elle ne prend pas de médicaments, elle passe la nuit à changer de position en raison de ses douleurs. Si elle en utilise, elle dort jusqu’à 18 heures par nuit. Elle n’est pas reposée à son lever.

[26]           Outre une hypothyroïdie et un asthme, la requérante affirme souffrir d’un syndrome de Sjögren et d’un syndrome de Raynaud.

[27]           Elle déclare que le Sjögren atteint ses nerfs et lui cause des troubles de l’équilibre, en plus d’occasionner une sécheresse des yeux et de la bouche.

[28]           Elle impute au syndrome de Raynaud une incapacité à tenir les objets longtemps. Elle affirme qu’il n’existe pas de traitement pour cette condition.

[29]           Elle ajoute souffrir de côlon irritable, récemment diagnostiqué.

[30]           La requérante fait la liste des médicaments tentés : le Gabapentin, le Celebrex, le Lyrica et le Wellbutrin. Elle utilise aussi l’Elavil au coucher.

[31]           Le Dr Watts ne lui propose plus d’autres médicaments ni aucune autre forme de traitement.

[32]           Tel est le cas également d’un nouveau médecin, le Dr Nguyen, qu’elle rencontre tous les trois mois.

[33]           La requérante fait ses tâches ménagères à son rythme. Elle ne peut demeurer debout longtemps pour faire la cuisine. Elle ne peut tenir les sacs lorsqu’elle va à l’épicerie, donc elle doit se faire accompagner.

[34]           La requérante affirme être incapable de se pencher pour passer la balayeuse, pour laver le bain ou la douche, donc elle déclare ne pas les laver.

[35]           Elle ne croit pas être en mesure d’effectuer un quelconque emploi, en raison de ses douleurs au dos, de sa difficulté à la marche et du fait qu’elle n’a pas de force dans les doigts. Elle affirme être incapable de demeurer assise tout en étant confortable. Elle finit par se lever, alterner les positions, puis se couche.

[36]           Elle n’a tenté aucun retour au travail depuis l’année 2009.

[37]           Elle n’a pas tenté d’exercice physique non plus, car son genou est très douloureux.

 

LES DISPOSITIONS APPLICABLES

[38]           Les dispositions qui s’appliquent sont celles de l’article 95 de la Loi, lesquelles se lisent ainsi :

95.  Une personne n'est considérée comme invalide que si la Régie la déclare atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée.

Une invalidité n'est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[]

Une invalidité n'est prolongée que si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.

[]

(Les reliefs sont des soussignées)

[39]           Pour être reconnue invalide, madame doit satisfaire les deux critères à la fois, soit celui de la gravité et de la durée prolongée.

[40]           Le critère de la gravité s’évalue en fonction de la capacité de la requérante à exercer tout emploi, et non seulement son emploi réel de « prefill syringe technician ». Cette analyse se fait principalement en fonction de la condition médicale de la personne. Toutefois, selon la jurisprudence de notre Tribunal, certains facteurs socio-professionnels intrinsèques à la personne peuvent être pris en considération.

[41]           Quant à lui, le critère de la durée prolongée sera rencontré si la requérante a utilisé tous les traitements médicaux et/ou paramédicaux disponibles afin de traiter ses affections médicales et que de ce fait, ces dernières dureront vraisemblablement indéfiniment.

[42]           Rappelons que c’est la requérante qui devait démontrer que la décision de l’intimée est mal fondée.

[43]           Après avoir considéré toute la preuve disponible, le Tribunal estime devoir accueillir le recours de la requérante.

LES MOTIFS

[44]           Le Tribunal est d’avis que le syndrome de Sjögren, le syndrome de Raynaud et l’hypothyroïdie de la requérante n’engendrent pas de limitations fonctionnelles significatives à exercer un emploi, selon la preuve soumise.

[45]           Le diagnostic exact expliquant les douleurs de madame est imprécis. Elles sont apparues à la suite d’une chute en 2006, en raison de laquelle madame fut indemnisée par la CSST jusqu’en mai 2008.

[46]           On a suspecté une fracture du sacrum, mais ce diagnostic n’a pas été confirmé.

[47]           Le Dr Dupuis était d’avis qu’il y avait eu entorse de l’articulation sacro-iliaque droite. Aucune suite ne semble avoir été donnée à ses propositions de traitement.

[48]           Par la suite, des diagnostics de hernie discale au niveau L4-L5 ont été portés, sur la foi de rapports d’imagerie décrivant une telle hernie du côté droit.

[49]           Selon le moment où l’imagerie est réalisée, le radiologiste décrit tantôt une compression de la racine L4 droite, tantôt aucune compression.

[50]           Cliniquement, la patiente se plaint de lombo-sciatalgies surtout du côté droit, invalidantes.

[51]           Les médecins ne s’entendent pas pour imputer celles-ci à l’image de hernie discale visualisée. En effet, les douleurs de madame ne correspondent pas au territoire d’irradiation de la racine L4. De plus, un EMG n’a pas permis d’objectiver d’atteinte radiculaire. Quant à l’examen neurologique, plusieurs médecins le décrivent comme normal, mais un neurologue trouve des signes compatibles avec une atteinte de L5.

[52]           Toutefois, aucun médecin ne remet en question la présence de ces lombo-sciatalgies chez la requérante[11].

[53]           C’est ainsi que diverses limitations fonctionnelles sont émises au fil du temps.

[54]           Le 18 mars 2008, le Dr Jodoin, pour le BEM de la CSST, reconnaît les limitations suivantes[12], soit celles d’éviter de :

« Ø   Soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 10 kilos ;

   Ø   Effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, exten-sion ou torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude ;

   Ø   Travailler en position accroupie ;

   Ø   Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale ;

   Ø   Ramper et grimper et monter fréquemment plusieurs escaliers. »

[55]           Le Tribunal note que malgré le fait que le Dr Jodoin émette des limitations de classe II, il reconnaît la présence de douleurs intenses chez la requérante[13].

[56]           Depuis ce temps, l’état de madame semble s’être détérioré. C’est du moins l’avis du Dr Potvin, expert de l’intimée.

[57]           En effet, on constate que le Dr Watts, rhumatologue, déclare à la compagnie d’assurance « American Bankers Life Assurance Company of Florida » que madame présente des limitations de classe 5[14] et que de ce fait, elle ne peut vaquer à des activités sédentaires. Le pronostic est nul selon lui.

[58]           Le radiologiste, qui fera un bloc radiculaire en février 2012, est d’avis que madame présente des douleurs considérables et sévères.

[59]           De même, l’expert de l’intimée, en 2004, reconnaît chez la requérante une souffrance rachidienne « relativement importante ».

[60]           En effet, madame présente une attitude en flexion, une ankylose dorsolombaire dans tous les sens (pire que celle identifiée lors des autres expertises, sauf pour la flexion antérieure), le déroulement lombaire est diminué et le tripode est positif.

[61]           Il n’y a pas de signe d’atteinte radiculaire.

[62]           Mais, il y a cette atrophie musculaire de tout le membre inférieur droit, que l’expert juge significative.

[63]           Toutefois, il ne commente pas cette trouvaille dans ses conclusions.

[64]           Selon les soussignées, il est peu probable que l’atrophie du membre inférieur soit imputable au seul déconditionnement, car madame ne présente qu’une « discrète » boiterie aux dépens de ce membre inférieur.

[65]           Ainsi, cette trouvaille demeure d’origine imprécise, mais bien réelle et significative, et elle s’ajoute aux autres stigmates objectivés lors de l’examen physique.

[66]           On comprend que le Dr Potvin ne retient que des séquelles post-contusion du bassin avec irradiation au membre inférieur et un déconditionnement. De prime abord, le Tribunal est étonné qu’outre un déconditionnement, le seul autre diagnostic soit celui d’une contusion au bassin, alors que le Dr Potvin reconnaît pourtant des signes d’une souffrance rachidienne importante.

[67]           L’expert ne remet pas en question la réalité des douleurs de madame ni leur sévérité.

[68]           Il s’exprime plutôt avec réserve, en disant : « Si l’on ajoute foi (?) à l’authenticité des douleurs alléguées… », mais jamais ne dira-t-il qu’il y a évidence d’exagération ni manque de crédibilité de la part de la requérante.

[69]           Or, l’expert Potvin reconnaît des limitations de classe III de l’IRSST, de façon temporaire[15].

[70]           Il ne dit pas si, compte tenu de ces limitations, madame est actuellement capable de travailler.

[71]           Mais il dit qu’avec un traitement approprié, elles pourraient repasser à une classe II et permettre ainsi à la requérante d’occuper régulièrement un emploi à temps plein, qui respecte ces limitations.

[72]           Selon leur définition, des limitations de l’IRSST de classe III pourraient théoriquement être compatibles avec l’exercice d’un emploi sédentaire.

[73]           Toutefois, les douleurs de la requérante ont, en l’espèce, un caractère continu. Elles ont également un impact significatif sur son sommeil. C’est ce que l’expert relève dans son rapport. De plus, madame en a témoigné lors de l’audience.

[74]           Or, compte tenu de ces faits, et que le médecin traitant est aussi d’avis que madame est invalide, la prépondérance va dans le sens que le critère de la gravité est rencontré au sens de la Loi.

[75]           Concernant le critère de la durée prolongée, le Tribunal estime que la condition de madame est vraisemblablement permanente.

[76]           D’abord, le BEM s’est prononcé à ce sujet, tenant compte d’un diagnostic de contusion lombo-sacrée. Le Dr Jodoin estime que les traitements sont suffisants. À cette date, madame avait déjà subi deux blocs facettaires et une infiltration foraminale.

[77]           Elle subira quand même un bloc de la racine L4 droite en février 2012.

[78]           La médication se poursuit également.

[79]           Madame a témoigné que ni le Dr Watts ni le Dr Nguyen n’envisagent d’autres traitements.

[80]           L’expert de l’intimée, le Dr Potvin, recommande pour sa part des infiltrations des points gâchettes et un reconditionnement physique.

[81]           Il est utopique de penser qu’à lui seul, un reconditionnement pourra permettre à la requérante de reprendre un emploi dans un avenir prochain compte tenu de sa condition qui perdure depuis 2006.

[82]           Quant aux points gâchettes, le Tribunal constate qu’en réalité, nulle part dans son rapport d’expertise le Dr Potvin n’en décrit. Ce dernier mentionne uniquement la présence de douleurs à la palpation de l’articulation sacro-iliaque droite. Or, d’une part, ceci ne correspond pas à la définition habituelle de « points gâchettes[16] ». D’autre part, si l’on prend pour acquis que le Dr Potvin considère les douleurs palpatoires sacro-iliaques comme étant des points gâchettes, on comprend alors qu’il recommande une infiltration à cette articulation. Toutefois, cela déborde clairement de son champs de compétence, de telles infiltrations étant réalisées par des physiatres, et parfois recommandées par des rhumatologues ou des orthopédistes.

[83]           Ainsi, son opinion quant à la pertinence de telles infiltrations n’est certainement pas prépondérante, en l’espèce, et le Tribunal ne peut la considérer afin d’évaluer le caractère de la durée prolongée.

[84]           D’autant plus que le rhumatologue traitant, dont c’est la spécialité de traiter les atteintes articulaires, n’en recommande pas. Et que l’expert Jodoin, orthopédiste, s’est aussi prononcé pour le BEM quant à leur non-utilité en l’espèce[17]. Le Dr Jodoin a écrit qu’il ne croyait pas « qu’une infiltration sacro-iliaque va modifier sa condition de façon significative. »

[85]           Pour ces raisons, les limitations fonctionnelles de classe III émises par l’expert Potvin sont vraisemblablement permanentes, tout comme sa condition douloureuse.


PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

·        ACCUEILLE le recours de la requérante;

·        INFIRME la décision en révision du 18 décembre 2014; et

·        DÉCLARE que la requérante est invalide au sens de la Loi.

 


 

MICHÈLE RANDOIN, j.a.t.a.q.

 

 

LUCIE LE FRANÇOIS, j.a.t.a.q.


 

Stormont Dundas & Glengarry Legal Clinic

Me Robert Coulombe

Procureur de la partie requérante

 

Lafond, Robillard, Laniel, avocats

Me Philippe Auger-Giroux

Procureur de la partie intimée


 



[1] Alors nommée la Régie des rentes du Québec.

[2] RLRQ, chapitre R-9.

[3] Commission de la santé et de la sécurité du travail (maintenant nommée la « CNESST »).

[4] Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail.

[5] Voir la page 150 du dossier.

[6] Voir la page 20 du dossier.

[7] Voir la page 186 du dossier.

[8] Commission des lésions professionnelles.

[9] Voir les pages 183 à 188 du dossier.

[10] Dr Jodoin.

[11] En effet, de telles lombo-sciatalgies peuvent être présentes sans pour autant provenir d’une hernie discale symptomatique.

[12] Qui correspondent à des limitations de classe II de l’IRSST.

[13] Voir la page 136 du dossier.

[14] Il s’agit d’une autre classification que celle de l’IRSST.

[15] Le Tribunal se prononcera plus bas sur le critère de la durée prolongée.

[16] Qui concernent plutôt des points douloureux situés dans les muscles.

[17] Voir la page 135 du dossier.

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