LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LESIONS PROFESSIONNELLES QUEBEC MONTREAL, le 28 février 1990 DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE: ANNE LEYDET DE MONTREAL REGION: MONTREAL DOSSIER: 04634-60-8709 DOSSIER CSST: 9601 940 AUDITION TENUE LE: 18 janvier 1990 A: Montréal STAMATOULA BOTSIS 2195 rue Dépatie St-Laurent, (Québec) H3L 4B5 PARTIE APPELANTE et V & X CRÉATION LTÉE a/s Direction du personnel 7250, Mile End, Suite 405 Montréal, (Québec) H2R 3A4 PARTIE INTERESSEE 04634-60-8709 2 D É C I S I O N La travailleuse, madame Stamatoula Botsis, dépose le 15 septembre 1987, une déclaration d'appel auprès de la Commission d'appel en matière de lésions profes- sionnelles (la Commission d'appel), à l'encontre d'une décision unanime du bureau de révision de Montréal rendue le 13 juillet 1987 et transmise aux parties le 17 août 1987.Par sa décision, le bureau de révision confirme la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, (la Commission), en date du 26 février 1987 qui rejette la réclamation de la tra- vailleuse pour le motif que celle-ci n'a pas logé sa réclamation dans le délai de six mois requis par la loi.
L'employeur, V & X Créations Ltée, bien que dûment convoqué par avis en date du 10 novembre 1989, n'était pas présent à l'audition de cette affaire.
OBJET DE L'APPEL La travailleuse demande à la Commission d'appel d'infirmer les décisions du bureau de révision et de la Commission, de déclarer que sa réclamation a été 04634-60-8709 3 logée dans les délais légaux et enfin qu'elle a subi, le 10 février 1986, une lésion professionnelle lui donnant droit aux mesures de réparation Prévues Par la loi.
LES FAITS La travailleuse a témoigné a l'audience qu'elle est de nationalité grecque et vit au Canada depuis 1966.
Elle ne Parle ni l'anglais, ni le français. Madame Dikea Sarris, interprète officiel, a traduit simul- tanément en français le témoignage offert Par la travailleuse en grec.
La travailleuse occupait, au 10 février 1986, les fonctions de couturière pour le compte de l'em- ployeur, une entreprise de manufacture de vêtements.
La travailleuse y était employée depuis environ quatre ans. On comprend de son témoignage que l'employeur fait Partie d'une industrie couverte par un décret de convention collective et qu'un comité paritaire est chargé de surveiller l'application du décret. Il n'existe toutefois pas d'exécutif syndi- cal local.
La travailleuse témoigne avoir glissé, dans l'avant- 04634-60-8709 4 midi du 10 février 1986, sur un bouton de vêtement qui traînait par terre et être ainsi tombée vers l'avant en se heurtant le genou droit sur le Plan- cher de ciment. Elle s'est évanouie. Ses compagnes de travail l'ont soulevée et assise sur une chaise ou elle est restée prostrée un certain temps avant de pouvoir reprendre ses esprits. Elle avait alors mal au genou droit ainsi qu'aux poignets, et les paumes de ses mains étaient éraflées. La travail- leuse mentionne le nom de trois compagnes de travail qui étaient auprès d'elle lorsqu'elle reprit conscience et ajoute que les superviseurs ou contre- maitres étaient présents eux aussi à ce moment. La travailleuse ne reprit pas le travail cette journée- là. Elle se rendit plutôt au bureau d'un dénommé Monsieur Philippe, un des représentants de l'em- ployeur, qui appela un taxi pour la ramener chez elle. La travailleuse déclare n'avoir eu aucune indication de l'un ou l'autre des représentants de l'employeur a l'effet que des démarches quelconques devaient être entreprises suite à cet incident. La travailleuse continua de travailler jusqu'au début du mois de mars malgré la persistance des douleurs et l'état enflé de son genou droit. Néanmoins, la travailleuse n'a pas consulté de médecin, pensant que sa condition finirait par s'améliorer. Elle 04634-60-8709 5 prenait de l'aspirine, des 222, et se frictionnait le genou avec des pommades pour soulager son mal.
Quelques temps après l'incident du 10 février 1986, la travailleuse a été mise à pied par l'employeur pour manque d'ouvrage. Elle a par la suite repris le travail suite à son rappel. Toutefois, le 7 mars 1986, la travailleuse cessait définitivement de travailler en raison des douleurs à son genou.
A cette date, la travailleuse s'est rendue à un bureau de Centre d'Emploi Canada pour formuler une demande de prestations d'assurance-chômage en raison de son incapacité. Il appert du dossier qu'elle a reçu effectivement des prestations en vertu de l'article 22 (3) de la Loi sur l'assurance-chomage jusqu'à la semaine commençant le 27 juillet 1986.
Les prestations cessaient d'être versées après la semaine en question.
C'est ce qu'il appert d'un état des prestations portant la date du 20 août 1986, avisant la travail- leuse qu'il s'agit d'un dernier paiement et où il est par ailleurs écrit de s'adresser au Centre d'Emploi pour des prestations additionnelles.
04634-60-8709 6 Entre-temps, la travailleuse consultait pour la première fois le docteur Constantin Anastasiadis, chirurgien orthopédiste. Elle affirme avoir commu- niqué avec ce médecin deux à trois mois avant sa visite du 28 juillet 1986, mais en raison des vacan- ces estivales de ce dernier, ce n'est qu'à cette date que le rendez-vous avait pu être fixé. C'est une amie, et non pas son médecin de famille, qui lui a recommandé un spécialiste.
Dans sa lettre au procureur du travailleur en date du 12 octobre 1989, le docteur Anastasiadis ne fait pas mention de cette visite du 28 juillet 1986.
Toutefois, il relate dans cette lettre son examen du 29 septembre 1986: A son examen en date du 29 septembre 1986, la patiente présentait des signes évidents de lésion méniscaie principalement combiné en une dilacération ligamentaire secondairement.
Un hydarthrose importante persistait sans amélioration, une boiterie et une douleur avec exacerbation nocturne. (sic) Le docteur Anastasiadis mentionne également: Une arthrographie fut faite en date du 2 octobre 1986 montrant une déchirure méniscale interne très évidente et une suspition de lésion du ménisque externe avec présence d'un kyste de Baker. (sic) 04634-60-8709 7 Suite à la cessation du paiement des prestations d'assurance-chomage, et sur la base des informations fournies à l'état des prestations du 20 août 1986, la travailleuse loge une nouvelle demande de presta- tions auprès du Centre d'Emploi Canada. Le docteur Anastasiadis signe un certificat d'incapacité à l'appui de cette demande. Il y a lieu de croire que ce certificat a été complété après le 3 novembre 1986, puisque le docteur Anastasiadis y inscrit cette date comme étant celle à laquelle la travail- leuse s'est rétablie de son incapacité. On lit au certificat que le diagnostic du docteur Anastasiadis est celui de lésion méniscale interne et externe du genou droit. La date de la première consultation du 28 juillet 1986 est également inscrite comme étant la date à laquelle la travailleuse est tombée ma- lade. A la question: «A votre avis, s'agit-il d'un cas relevant de la Commission des accidents du travail» le docteur Anastasiadis coche «Non».
Cette demande de prestations de la travailleuse est refusée le 26 janvier 1987 par l'agent d'assurance- chômage tel qu'il appert d'un Avis de refus d'Emploi et Immigration Canada portant la même date, pour le motif que le montant maximum de prestations a déjà 04634-60-8709 8 été versé à la travailleuse.
La travailleuse s'est rendue aux bureaux d'Emploi et Immigration Canada pour se faire donner des explica- tions. Après avoir fait état à ses interlocuteurs de toute son histoire, elle s'est fait dire qu'on ne pouvait faire plus à son endroit dans ce ministère.
On lui aurait par ailleurs recommandé de s'adresser à la Commission.
La travailleuse déclare qu'elle ne soupçonnait aucunement l'existence d'un tel organisme. Elle explique son ignorance par le fait que pendant plus de vingt ans, elle a toujours travaillé avec des grecs et en grec, et n'a jamais eu d'accidents ni d'arrêts de travail avant le 10 février 1986.
La travailleuse témoigne que, suite aux informations reçues d'Emploi et Immigration Canada, elle se rendit immédiatement aux bureaux de la Commission pour se faire remettre les formulaires d'avis de l'employeur et demande de remboursement et de récla- mation du travailleur. La travailleuse se rend chez l'employeur pour faire compléter le premier formu- laire.
L'avis de l'employeur porte la date du 30 janvier 04634-60-8709 9 1987 mais n'est pas signé par un représentant de l'employeur. Toutefois, sous la rubrique de l'éta- blissement et de la personne qui peut y être contac- tée, le nom «P. Filippopoulos» est inscrit. L'évé- nement du 10 février 1986 relaté par la travailleuse à l'audience, est résumé succinctement au formu- laire. L'heure de l'événement est inscrite comme étant 15h00. La réclamation de la travailleuse est quant à elle signée par celle-ci le 6 février 1987.
Une attestation médicale du docteur Anastasiadis est au dossier. La date de l'événement est inscrite comme étant celle du 10 février 1986 et la date de la visite, le 2 octobre 1986. Le diagnostic et les renseignements complémentaires se lisent comme suit: Lésion méniscale interne du genou droit.
Examens 28-07-1986, 29-09-1986, 02-10-1986: arthographie positive, chirurgie à faire.
Par sa décision du 26 février 1987, la Commission rejette la réclamation, la jugeant hors délais. Il est intéressant de lire les notes évolutives de la Commission rédigées à la même date: «La rechute, récidive ou l'aggravation sont considérés comme une lésion professionnelle.
Or, selon l'article 270, le travailleur a six mois pour produire sa réclamation. Si suite 04634-60-8709 10 à une évaluation médicale sommaire, le médecin du travailleur nous disait que la rechute est en relation avec l'accident original, nous serions obligé de payer presqu'un an d'IRR avant de pouvoir contester. Par conséquent, l'employeur serait lésé dans ses droits et dans les coûts supplémentaires que cela en- traînerait pour lui. Par conséquent, la réclamation est refusée pour hors délai».
Dans sa lettre du 12 octobre 1989, le docteur Anas- tasiadis écrit que la travailleuse a été opérée le 14 juillet 1987. Après quelques mois de physiothé- rapie la travailleuse accusait toujours des douleurs avec une dysfonction importante de son genou. Une seconde arthrographie mit alors en évidence la lésion du ménisque externe.
Opérée de nouveau le 12 janvier 1988, la travail- leuse suivit d'autres traitements de physiothérapie et subissait plusieurs infiltrations intra-articu- laires. Le docteur Anastasiadis procède ensuite à l'évaluation de l'atteinte permanente de la travail- leuse.
Dans cette même lettre du 12 octobre 1989, le doc- teur Anastasiadis écrit: «Mme Botsis a eu un accident de travail en date du 10 février.
En se déplaçant à son lieu de travail elle a 04634-60-8709 11 marché sur un bouton, elle a glissé et tombé sur son genou droit.
Pensant qu'elle était atteinte d'une entorse elle est retourné à son travail le lendemain tout en étant souffrante.
Ne voyant aucune amélioration dans les semai- nes suivant son accident, elle a été obligé d'arrêter de travailler.
Comme beaucoup de patients dans des cas sem- blables elle a essayé toute sorte de traite- ments et médications et comme avec le repos son genou semblait s'améliorer, elle n'a pas consulté immédiatement.
Le mécanisme de la chute tel que décrit par la patiente explique d'une façon très claire l'atteinte ligamento-méniscale du genou droit.
Elle a donc demandé un rendez-vous en orthopé- die, qui lui a été accordé assez tardivement après son accident».
Monsieur John Liopoulos, qui travaille chez l'em- ployeur depuis environ sept ans, a témoigné qu'il se souvient que la travailleuse a eu un accident sur les lieux du travail. Sans avoir été lui-même témoin de l'incident, il déclare avoir vu plusieurs compagnes de travail s'empresser auprès de la tra- vailleuse, la soulever du plancher et lui faire de l'air, la travailleuse étant presqu'inconsciente.
Monsieur Liopoulos ne se souvient pas de la date de l'événement. Toutefois, il se rappelle que l'inci- dent a eu lieu pendant l'avant-midi. Il déclare avoir constaté dans les jours qui ont suivi l'acci- 04634-60-8709 12 dent, que la travailleuse accusait une boiterie. Il affirme enfin n'entretenir aucun lien de parenté avec la travailleuse, et que l'étendue de leur rela- tion se limite à celle de simples compagnons de travail.
Monsieur Botsis, l'époux de la travailleuse, est venu corroborer le témoignage de son épouse, quant à son arrivée à domicile en taxi le 10 février 1986, ses douleurs persistantes et enfin l'obtention tardive d'un rendez-vous avec le docteur Anastasia- dis. Il a par ailleurs affirmé n'avoir jamais eu d'accidents de travail et n'avoir jamais reçu quel- que indemnité que ce soit de la Commission, contrai- rement à ce que semblait avoir compris le bureau de révision. Il a toutefois subi diverses interven- tions chirurgicales pour des conditions personnel- les, faisant en sorte qu'il ne travaille plus depuis 1984. Il reçoit une pension de vieillesse.
ARGUMENTATION DES PARTIES Le procureur du travailleur, après avoir cité l'ar- ticle 270 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q. c.A-3.001, plaide en premier lieu que la Commission a mal 04634-60-8709 13 exercé sa discrétion en rejetant la réclamation pour le motif que celle-ci a été logée hors les délais prévus par la loi. En effet, il n'y a qu'à lire le raisonnement de l'agent d'indemnisation, tel qu'il l'a consigné aux notes évolutives de la Commission, pour s'en convaincre.
Deuxièmement, le délai prévu à l'article 270 de la loi n'a, dans les faits, été dépassé que de quelques jours. Si le fait accidentel est survenu le 10 février 1986, ce n'est que le 28 juillet l986 qu'une consultation médicale a révélé l'existence de la lésion. Le délai de six mois prévu à la loi doit donc se calculer à partir de cette dernière date, auquel cas la date limite à laquelle la travailleuse devait loger sa réclamation est celle du 28 janvier 1987. Or, dès le 30 janvier 1987 la travailleuse signait l'avis de l'employeur et demande le rembour- sement.
Troisièmement, la travailleuse avait de toute façon des motifs raisonnables justifiant la Commission de relever cette dernière de son défaut de respecter les délais légaux, le tout en vertu de l'article 352 de la loi.
04634-60-8709 14 Dans un premier temps, l'accident de travail est survenu devant témoins, dont des représentants de l'employeur, qui n'ont pas agi à la suite de l'évé- nement. L'employeur, par le biais de ses représen- tants, a failli dans l'obligation qui lui incombe en vertu du deuxième paragraphe de l'article 266 de la loi d'assister le travailleur dans la communication de l'avis d'accident. L'employeur n'a pas non plus inscrit l'accident dans son registre des premiers soins comme le lui enjoint l'article 280 de la loi.
Dans un second temps, la travailleuse ne s'exprime que dans la langue grecque, et il est évident de son histoire et de son comportement qu'elle n'est pas intégrée à ce que le Procureur qualifie de «réalité sociale québécoise». Ni elle ni son époux n'avaient conscience de l'existence d'un organisme comme la Commission.
Enfin, la travailleuse a pris tous les moyens néces- saires pour loger une réclamation rapidement dès le moment où elle a été informée par Emploi et Immigra- tion Canada de l'existence de la Commission.
La Commission d'appel devrait donc relever la tra- vailleuse de son défaut d'avoir respecté le délai 04634-60-8709 15 prescrit à l'article 270 de la loi et rendre la décision qu'aurait dû rendre la Commission en pre- mier lieu.
Le procureur de la travailleuse plaide que la surve- nance de l'événement imprévu et soudain relaté par la travailleuse est corroborée par deux témoins et est donc établie. Cet événement a entraîné, selon la preuve médicale, une lésion, en l'occurrence une déchirure des ménisques interne et externe. La tra- vailleuse a donc été victime d'une lésion profes- sionnelle.
MOTIFS La Commission d'appel doit déterminer en l'espèce si la Commission, et le bureau de révision après elle, ont erré en ne relevant pas la travailleuse des conséquences de son défaut de respecter le délai légal dans lequel sa réclamation devait être logée.
En d'autres mots, la travailleuse a-t-elle, confor- mément à l'article 352 de la loi, démontré un motif raisonnable pour expliquer son retard? L'article 270 de la loi prescrit ce qui suit: 04634-60-8709 16 270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exer- cer son emploi pendant plus de 14 jours com- plets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.
L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.
Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéfi- ciaire, remet à l'employeur copie de ce formu- laire dûment rempli et signé.
L'article 271 de la loi prévoit par ailleurs: 271. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion ou celui à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durée de son incapacité, produit sa réclamation à la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion.
La lésion professionnelle est définie à l'article 2 de la façon suivante: «lésion professionnelle»: une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occa- sion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation; 04634-60-8709 17 De la lecture de ces dispositions, il y a lieu de conclure que ce n'est pas à compter de la date à laquelle l'accident de travail est arrivé que doit être calculé le délai de six mois. C'est plutôt à compter de la survenance de la blessure ou de la maladie - en effet, la date à laquelle celle-ci survient ne coïncide pas toujours avec celle du fait accidentel - ou encore à compter de la rechute, récidive ou aggravation, que le délai commence à courir.
Il faut par ailleurs garder à l'esprit la raison d'être de la réclamation à la Commission. Par le biais de celle-ci, le travailleur signifie à la Commission son intention de réclamer diverses mesu- res de réparation prévues par la loi, telles par exemple, des indemnités de remplacement de revenu, ou encore une indemnité pour réparation de prothèse.
En ce qui a trait à l'événement du 10 février 1986 en soi, la travailleuse n'avait pas à loger de réclamation auprès de la Commission. En effet, sa chute à cette date ne l'a pas rendue incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée de tra- vail au cours de laquelle s'est manifestée la bles- sure. L'article 271 de la loi, qui s'applique à un 04634-60-8709 18 tel cas, ne l'obligeait pas à loger une réclama- tion. C'est là en effet le sens à donner à l'ex- pression «s'il y a lieu» à l'article 271 de la loi.
Évidement, si la travailleuse avait endommagé une prothèse lors de sa chute et avait voulu être indem- nisée pour un tel dommage, il lui aurait fallu alors réclamer de la Commission, et ce, dans le six mois suivant la survenance de sa blessure le 10 février 1986.
La travailleuse a dû cesser de travailler toutefois le 7 mars 1986 en raison de ses douleurs au genou, devenues intolérables. A cette date, la travail- leuse aurait subi une rechute, récidive ou aggrava- tion - ces expressions sont utilisées sans présumer du bien-fondé de la réclamation - de sa lésion initiale. La travailleuse s'est absentée par ail- leurs plus de quatorze jours suivant le début de son incapacité. L'article 270 de la loi doit alors recevoir application: la travailleuse devait loger une réclamation auprès de la Commission, et c'est à compter du 7 mars 1986, date de la présumée rechute, récidive ou aggravation, que le délai de six mois commençait à courir.
La Commission d'appel ne peut retenir comme date à 04634-60-8709 19 laquelle le délai commence à courir, celle du 28 juillet 1986 à laquelle la travailleuse a été exami- née par le docteur Anastasiadis pour la première fois. Pour un, il est clair d'après le témoignage de la travailleuse, que ce n'est pas à cette date que s'est manifestée sa lésion. Ce n'est pas non plus à cette date que la travailleuse a eu connais- sance qu'elle avait été victime d'une lésion profes- sionnelle. En effet, le docteur Anastasiadis ne croyait pas à l'automne 1986 que la travailleuse souffrait d'une incapacité tombant sous le régime de la Commission, tel qu'il appert de la mention à cet effet sur le certificat d'incapacité soumis à Emploi et Immigration Canada. Il faut donc croire que ce médecin était de la même opinion en juillet 1986.
Il lui aurait donc été difficile de porter à la connaissance de la travailleuse qu'elle souffrait d'une lésion professionnelle le 28 juillet 1986.
Même si cela avait été le cas, la Commission d'appel n'aurait pas fait courir le délai de six mois à compter de cette date. En effet, l'article 270 édicte que c'est à compter de la lésion, et pas autre chose, que le délai court. Par contre, à son article 272, le législateur a pris là peine de spécifier que, dans les cas de maladies profession- 04634-60-8709 20 nelles, le délai pouvait se calculer à partir de la date où il est porté à la connaissance d'un travail- leur qu'il souffre d'une telle maladie. Si le législateur avait voulu faire de même pour les cas de lésions professionnelles couverts par l'article 270, il aurait exprimé cette intention clairement au sein de cette disposition, ce qu'il n'a point fait.
Le délai dans lequel la travailleuse devait loger sa réclamation expirait donc le 7 septembre 1986. Une période additionnelle de près de cinq mois s'est écoulée avant que la travailleuse ne loge sa récla- mation. La travailleuse n'a donc pas respecté le délai qui lui était imparti par la loi pour loger sa réclamation.
L'article 352 de la loi prévoit: 352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
La Commission d'appel est d'avis que la Commission ne s'est pas vu conférer de pouvoir discrétionnaire à cet article. En effet, lorsque la personne démon- 04634-60-8709 21 tre un motif raisonnable pour expliquer son retard, la Commission doit proroger le délai ou relever la personne de son défaut de l'avoir respecté. Encore faut-il toutefois qu'une telle démonstration ait été faite et la Commission d'appel doit déterminer si c'est le cas en l'instance.
La Commission d'appel est d'avis que les motifs sous-jacents à la décision de l'agent d'indemnisa- tion dans cette affaire sont totalement dépourvus de pertinence et reflètent une incompréhension évidente de l'article 352 de la loi. C'est comme si la Commission avait cherché en l'instance des motifs raisonnables lui appartenant pour justifier son refus de relever la travailleuse de son défaut de respecter la loi: en l'occurrence le paiement d'in- demnités pendant un an avant qu'elle puisse elle- même contester, ainsi que les coûts de ce dossier engendrés à l'employeur. Il aurait fallu que la Commission obtienne plutôt les motifs de la travail- leuse expliquant son retard et juge ensuite de leur caractère raisonnable.
Ces motifs ont été donnés à la Commission d'appel.
La travailleuse est unilingue grecque. On devine de son témoignage que son éducation est limitée, et 04634-60-8709 22 qu'elle sait à peine lire et écrire. Elle mène sa vie de famille et de travail enclavée dans la commu- nauté grecque de Montréal. Ni elle ni son époux n'ont jamais eu d'accident du travail. Il n'y a pas de représentation syndicale locale dans son milieu de travail. Sans que la Commission d'appel ne se prononce sur l'obligation qu'a l'employeur de le faire, il reste que, dans les faits, ce dernier n'a pas informé la travailleuse de ses droits et de ses obligations. Lors de son arrêt de travail, la travailleuse effectue des démarches auprès du seul organisme dont elle connaisse l'existence, soit Emploi et Immigration Canada pour obtenir des pres- tations d'invalidité. Celles-ci lui étant versées, la travailleuse n'a pas d'indications qu'il y a lieu pour elle de poursuivre ses démarches. Toutefois, elle reçoit un état des prestations en date du 20 août 1986 lui indiquant que ses prestations pour la semaine du 27 juillet 1986 constituent le dernier paiement et de s'adresser à son bureau d'assurance- chômage pour l'obtention de prestations additionnel- les, Sur la base de cette information, la travail- leuse loge une nouvelle demande de prestations pour incapacité qui lui est refusée le 27 janvier 1987.
Elle se rend sur les entrefaites aux bureaux d'Em- ploi et Immigration Canada, y explique son histoire 04634-60-8709 23 et se fait dire qu'elle doit adresser sa demande de prestations à la Commission, un organisme dont elle ne soupçonnait pas l'existence jusque-là. Aussitôt dit, aussitôt fait. Dès le lendemain, la travail- leuse s'organise pour obtenir les formulaires requis de la Commission, et se rend aux bureaux de l'em- ployeur pour que ce dernier complète l'Avis de l'employeur, ce qui est fait le même jour. Le 30 janvier 1987, la travailleuse complète la réclama- tion du travailleur.
Il s'agit là de circonstances très particulières et qui ont été relatées par la travailleuse de façon on ne peut plus crédible.
Cependant, certaines contradictions persistent.
Ainsi, la Commission d'appel se demande comment il se fait que le docteur Anastasiadis ait nié, dans le certificat d'incapacité, qu'il s'agissait en l'es- pèce d'un cas relevant de la Commission. Pourtant, il prétend le contraire dans sa lettre du 12 octobre 1989. L'inscription au certificat du 28 juillet 1986 comme date de début de l'incapacité intrigue également la Commission d'appel. Enfin, pourquoi le docteur Anastasiadis a-t-il inscrit la" date du 3 novembre 1986 comme étant celle du rétablissement de 04634-60-8709 24 sa patiente, lorsque l'on sait que le 2 octobre 1986 ce médecin prévoyait déjà une intervention chirurgi- cale au genou? Sans le bénéfice du témoignage du docteur Anastasia- dis, la Commission d'appel ne peut déduire des seuls écrits de ce médecin, des éléments pouvant lui per- mettre de douter du témoignage par ailleurs crédible de la travailleuse sur les raisons pour lesquelles elle n'a pas respecté l'article 270 de la loi.
La Commission d'appel est d'avis que la travailleuse a fait la démonstration de motifs raisonnables pouvant expliquer son retard. La Commission aurait donc dû la relever de son défaut de respecter le délai imparti par l'article 270 de la loi.
La Commission d'appel ne se prononce pas par ail- leurs sur le bien-fondé de la réclamation de la travailleuse. Les questions que lui ont suscité certaines contradictions dans la preuve, vont au mérite même de la réclamation de la travailleuse.
Or, ces mêmes questions sont restées sans réponse.
Dans ces circonstances, et vu que la Commission n'a jamais décidé en première instance du bien-fondé de 04634-60-8709 25 la réclamation de la travailleuse à son mérite, la Commission d'appel juge opportun de retourner le dossier à la Commission pour qu'elle rende une décision en premier lieu. La Commission pourra toujours faire enquête sur les aspects plus intri- guants de cette affaire si bon lui semble.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LESIONS PROFESSIONNELLES, ACCUEILLE l'appel; INFIRME la décision du bureau de révision en date du 13 juillet 1987; RELEVE la travailleuse, madame Stamatoula Botsis de son défaut d'avoir respecté l'article 270 de la loi; ORDONNE à la Commission de se prononcer sur le mérite de la réclamation de la travailleuse logée le 6 février 1987 et relative à un événement qui se serait produit le 10 février 1986.
Anne Leydet Commissaire 04634-60-8709 26 Lamy, Turbide, Lefebvre (Me Diane Turbide) 1030, rue Beaubien est, S 301 Montréal, (Québec) H2S 1T4 (représentant de la partie appelante)
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.