[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 22 mai 2018 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Donald Bisson), lequel autorise l’exercice d’une action collective en responsabilité civile extracontractuelle pour dommages-intérêts compensatoires et punitifs au nom de la membre désignée, Patricia Tulasne, et de « toutes les personnes agressées et/ou harcelées sexuellement par Gilbert Rozon »[1].
[2] Pour les motifs du juge Hamilton, auxquels souscrit le juge Vauclair, l’appel est accueilli avec les frais de justice, et la demande pour autorisation d’exercer une action collective est rejetée, avec les frais de justice.
[3] Pour sa part, la juge Bélanger aurait rejeté l'appel avec les frais de justice.
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MOTIFS DE LA JUGE BÉLANGER |
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[4] Est-il permis au Québec d’autoriser l’exercice d’une action collective visant un individu, en voulant soumettre sur une base collective qu’il a abusé de son statut, de son pouvoir et de son prestige pour agresser et harceler sexuellement les femmes et filles mineures membres du groupe, profitant de leur silence, de leur crainte, de leur honte et de l'impossibilité pour elles d'agir pour continuer sa prédation pendant des décennies?
[5] Le juge a répondu à cette question par l’affirmative, tout en reconnaissant que la preuve des agressions et l’absence de consentement devront faire l’objet d’une étude individuelle.
[6] Le présent pourvoi met en cause l’un des critères nécessaires à l’autorisation de l’exercice d’une action collective, celui de savoir si les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes[2].
[7] L’appelant soutient que le jugement est sans précédent. Il s’agirait d’un cas unique au Canada où un individu doit faire face seul à une action collective en responsabilité pour des actes allégués de nature sexuelle. Selon lui, le dossier doit être distingué des autres actions collectives autorisées en matière de sévices sexuels, car l’inclusion d’entités, tels une institution ou un employeur, permet d’appliquer les présomptions de responsabilité du commettant ou d’absence de consentement d’individus vulnérables, alors qu’aucune présomption ne s’applique en l’espèce.
[8] L’appelant reproche donc au juge d’avoir commis une erreur déterminante dans l’appréciation du premier critère de l’article 575 C.p.c., d’avoir défini le groupe de façon circulaire et d’avoir donné une importance démesurée aux considérations plus larges visant à faciliter l’émergence de la vérité en matière d’agression sexuelle, ce qui aurait dénaturé son cadre d’analyse.
[9] À mon avis, l’appelant a tort sur tous les points. Voici pourquoi.
[10] La norme d’intervention applicable à la révision d’un jugement qui autorise l’exercice d’une action collective est bien connue. Le juge autorisateur possède un large pouvoir discrétionnaire dans l’évaluation des critères d’autorisation, imposant un devoir de déférence à la Cour d’appel et limitant son intervention aux seuls cas où le juge commet une erreur de droit ou apprécie les critères d’autorisation d’une manière manifestement non fondée. Ce principe a été réitéré récemment par la Cour suprême du Canada dans l’affaire L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J.[3].
[11] Comme le rappelle à répétition la jurisprudence québécoise, l’étape de l’autorisation permet l’exercice d’une fonction de filtrage afin d’éviter que les défenderesses aient à se défendre contre des réclamations insoutenables[4].
[12] C’est en gardant à l’esprit ces principes que les moyens de l’appelant doivent être étudiés.
[13] L’intimée, Les Courageuses, est une personne morale sans but lucratif constituée en novembre 2017 dans l’objectif de « représenter, dans le contexte d’une action collective, les intérêts des victimes de Gilbert Rozon » et de « défendre les intérêts des victimes d’agression, d’abus ou de harcèlement sexuel » de manière plus générale. Son but est de regrouper les personnes ayant des réclamations similaires en raison d’agression sexuelle ou de harcèlement sexuel commis par l’appelant sur une période s’échelonnant sur un minimum de 34 ans.
[14] De fait, neuf femmes ont ouvertement et publiquement dénoncé l’appelant, affirmant avoir été victimes d’agression ou de harcèlement sexuel. Selon l’intimée, au moins vingt femmes auraient été agressées entre 1982 et 2016. Elle estime fort probable que le groupe soit composé de plusieurs dizaines de victimes qui ne se connaissent pas et dont elle ignore encore l’identité. Pour ces raisons, il lui est impossible de contacter toutes les membres et, à plus forte raison, d’obtenir le mandat de les représenter.
[15] La membre désignée, Patricia Tulasne, rapporte avoir été agressée sexuellement à l’été 1994, à la suite d’un souper avec des acteurs d’une pièce de théâtre. Elle décrit le modus operandi de l’appelant de même que les nombreux effets préjudiciables des gestes posés par celui-ci sur sa vie personnelle et professionnelle. La vague de dénonciation du mouvement « #moiaussi » a été l’élément déclencheur lui ayant fait revivre cette histoire qu’elle tentait jusqu’alors de refouler. Avant octobre 2017, elle n’avait jamais fait le lien entre tous les problèmes dans sa vie et l’agression sexuelle qu’elle a subie. Les témoignages de plusieurs autres victimes apparaissent au dossier.
[16] L’intimée soutient que l’agression et le harcèlement à caractère sexuel constituent des fautes civiles susceptibles de causer des dommages et qui engagent la responsabilité de leur auteur. Ces gestes portent également atteinte de manière intentionnelle à l’intégrité, à la sûreté et à la dignité des victimes, ce qui donne droit à des dommages punitifs. Selon elle, le comportement de l’appelant a causé des dommages similaires à toutes les membres du groupe.
[17] Outre les dommages-intérêts compensatoires de 400 000 $ recherchés pour le préjudice subi par la membre désignée et ceux à être déterminés individuellement pour les autres membres, l’intimée réclame 10 000 000 $ en dommages-intérêts punitifs à être recouvrés collectivement.
[18] Le juge souligne que l’appelant s’oppose vigoureusement à la demande en prétendant que trois des quatre conditions qui permettent l’autorisation d’une action collective sont absentes, soit l’apparence de droit, les questions identiques, similaires ou connexes et l’existence d’un groupe. Celui-ci prétend que le recours envisagé est disproportionné puisqu’il requiert l’analyse individuelle de la situation de chaque membre avant toute possibilité d’analyse commune[5].
[19] Le juge rappelle que l’action collective poursuit plusieurs objectifs, « dont, entre autres, la facilitation de l’accès à la justice, la modification des comportements préjudiciables et l’économie des ressources judiciaires »[6]. S’appuyant sur l’arrêt rendu par notre Cour dans l’affaire J.J. c. Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal[7], le juge souligne qu’un tel recours s’avère efficace dans un contexte de responsabilité pour sévices sexuels. Il conçoit cependant que le dossier comporte une spécificité qui le distingue des recours habituels en pareille matière, en ce que le recours ne vise pas une institution, mais bien uniquement l’agresseur allégué.
[20] Malgré l’opposition de l’appelant, le juge estime que la représentante désignée a démontré qu’elle a une cause défendable à faire valoir et que sa version des faits constitue une démonstration des circonstances spécifiques ayant entouré l’agression, ce qui est conforme aux principes énoncés dans l’arrêt J.J. en matière d’apparence de droit[8].
[21] Le juge souligne que la présence d’une seule question identique, similaire ou connexe est suffisante, pourvu que son importance soit susceptible d’influencer le sort du litige. Elle n’a pas à être déterminante pour la solution, il suffit qu’elle permette l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique. Il conclut que les questions proposées satisfont au critère du paragraphe 575(1) C.p.c. pour les motifs suivants :
[72] Le Tribunal est d’avis que, en fonction des allégations factuelles tenues pour avérées à ce stade les questions proposées sont identiques, similaires ou connexes au sens de la jurisprudence examinée plus haut puisque :
- La demanderesse reproche à M. Rozon un modus operandi similaire pour toutes les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel allégués : M. Rozon aurait commis plusieurs agressions sexuelles visant des victimes ciblées dans son entourage et dans la sphère artistique, politique et sociale alors qu’il jouissait d’une position de pouvoir et d’influence, commettant ainsi des abus de pouvoir systématiques depuis au moins 34 ans. Cet élément est soutenu par des allégations factuelles non contredites. Il est donc commun à tous les membres du groupe et bénéficiera d’une preuve commune. Cet élément sera également mis en preuve avant la preuve individuelle détaillée du cas de chaque victime, faisant en sorte que cet élément, s’il est prouvé, permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard. Il est évident que, cependant, plusieurs victimes devront témoigner de leur cas personnels afin de tenter de prouver ce modus operandi. Cela ne rend pas impossible l’exercice de l’action collective;
- La question de l’impossibilité d’agir est également commune puisqu’elle émane soit du statut de M. Rozon lui-même dans son milieu par rapport à ses victimes ou des résultats des accusations criminelles portées à son encontre en 1998. Ces éléments bénéficieront d’une preuve commune, et le résultat permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard;
- Le point de départ de la prescription des membres du groupe, notamment à la lumière de l’article 2926.1 C.c.Q., et l’analyse de cet article possèdent également des éléments communs, dont entre autres sur la connaissance des victimes et du rôle de M. Rozon dans la réalisation de cette connaissance;
- La demande de condamnation à des dommages moraux et pécuniaires est également d’une nature commune, puisqu’une preuve commune éclairera sûrement le Tribunal au mérite sur les types de séquelles généralement causées chez les victimes d’agressions sexuelles ou de harcèlement sexuel ainsi que sur les difficultés que ces victimes éprouvent à venir de l’avant. Encore ici, cet élément permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard;
- La demande de condamnation à des dommages punitifs repose également sur une preuve commune reliée au caractère intentionnel allégué des agressions sexuelles alléguées. Une preuve commune permettra également au Tribunal d’apprécier au mérite la gravité alléguée des gestes justifiant l’octroi de dommages punitifs. Encore ici, cet élément permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard.[9]
[22] Selon le juge, les questions proposées sont minimalement connexes, même si elles ne sont pas toutes déterminantes pour la solution du litige. Il ajoute qu’une action collective comme celle intentée permet à toutes les victimes « de comprendre qu’elles ne sont pas seules, que les agressions ne sont pas de leur faute […] », ce qui rejoint les objectifs généraux d’un tel recours dans un contexte de sévices sexuels[10].
[23] Le juge conclut aussi qu’en vertu du paragraphe 575(3) C.p.c., la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice, sans nécessité que cela soit « impossible ». Le nombre de membres constitue un facteur important, bien qu’il ne soit pas déterminant en soi. Il ajoute « qu’en cas de doute sur l’importance du groupe, ce doute doit profiter aux requérants »[11]. Il note que la demande d’autorisation fait état d’un groupe d’au moins vingt personnes connues et d’un potentiel de plusieurs dizaines de victimes inconnues ayant subi des gestes semblables. Cela est suffisant, considérant que l’intimée n’a pas à démontrer la taille exacte ou finale du groupe à ce stade des procédures. De même, la protection de l’anonymat des victimes milite en faveur de l’utilisation du véhicule qu’est l’action collective.
[24] Le juge réfère à la définition du groupe adoptée dans l’arrêt J.J., laquelle ne comporte ni limite temporelle ou territoriale au sein de la province, puis conclut que cette définition constitue la nouvelle norme[12]. Il convient qu’elle se trouve à moduler ou à renverser quelque peu les précédents en la matière, mais fait valoir que l’absence de preuve portant sur les emplacements où sont survenues les agressions ainsi que l’absence d’enquête sérieuse portant sur le nombre de victimes ne constituent pas des facteurs dirimants contre l’action collective ou contre la définition proposée[13]. Le juge du fond conserve d’ailleurs l’opportunité de revoir la composition du groupe en vue d’assurer la viabilité du recours. Il estime souhaitable de faire preuve de prudence en laissant le soin au juge du fond de fixer les balises temporelles du recours[14].
[25] L’appelant ne remet en cause qu’un seul des quatre critères d’autorisation, soit celui de l’article 575(1) C.p.c.
1- Critère de l’article 575(1) C.p.c.
[26] Les questions retenues par le juge comme étant identiques, similaires ou connexes, sont les suivantes :
1) Le défendeur Rozon a-t-il systématiquement commis des agressions sexuelles et/ou du harcèlement sexuel à l’endroit de filles et de femmes?
2) Le défendeur Rozon a-t-il abusé de son pouvoir et de sa position d’influence afin de commettre des agressions sexuelles et/ou du harcèlement sexuel?
3) Est-ce que le défendeur Rozon s’est comporté d’une manière abusive similaire à l’endroit des filles et des femmes?
4) Quels sont les types de dommages, préjudices et séquelles communs aux victimes d’agressions sexuelles et/ou de harcèlement sexuel?
5) Est-ce que le fait d’être victime d’agressions sexuelles et/ou de harcèlement sexuel occasionne des dommages en soi?
6) Quels sont les facteurs communs aux membres du groupe relativement à l’impossibilité en fait d’agir?
7) Le défendeur Rozon a-t-il intentionnellement porté atteinte au droit à la sûreté, l’intégrité et à la dignité des membres du groupe?
8) Le défendeur Rozon doit-il payer des dommages punitifs?
9) Quel est le montant de dommages punitifs auquel Rozon devrait être condamné, collectivement, le tout afin de punir et dissuader son comportement?[15]
[27] L’appelant soutient que ces questions ne sont communes qu’en apparence en raison de leur caractère vague, large et théorique et qu’aucune d’elles ne permet au litige d’avancer de façon significative, au sens de l’arrêt Vivendi[16].
[28] L’appelant nous invite à appliquer les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Rumley[17], affaire mettant en cause des agressions sexuelles survenues dans un pensionnat et dans laquelle une seule question commune aurait été retenue, soit celle de savoir si l’institution avait contrevenu à la norme de diligence.
[29] Deux commentaires s’imposent sur l’arrêt Rumley.
[30] Premièrement, dans l’arrêt Vivendi[18], la Cour suprême rappelle que la prudence s’impose avant d’importer les principes énoncés dans les arrêts Dutton et Rumley à la procédure civile québécoise, quant aux questions dites communes. Plus récemment encore, la Cour suprême a réitéré le caractère large et flexible de l’approche québécoise[19]. Je retiens de ces enseignements ce qui suit :
- La loi québécoise formule différemment le critère de la communauté de questions. En droit québécois, une question peut être simplement similaire ou connexe, sans être commune. L’analyse applicable est donc moins exigeante, et l’approche doit être plus large et flexible que celles des tribunaux des provinces de common law, de l’Angleterre et des États-Unis. Une conception souple de l’intérêt commun doit être envisagée, ce qui permet de faciliter l’exercice de l’action collective.
- L’approche préconisée par la Cour d’appel dans l’arrêt Comité d’environnement de La Baie inc. c. Société d’électrolyse et de chimie Alcan Ltée ([1990] R.J.Q. 655) est toujours d’actualité : il suffit que les réclamations des membres soulèvent certaines questions de droit ou de fait suffisamment similaires ou connexes pour justifier une action collective.
- Le recours peut être autorisé si certaines questions sont communes et si un aspect du litige se prête à une décision collective et qu’une fois cet aspect décidé, les parties auront réglé une part non négligeable du litige. Ainsi, la seule présence d’une question de droit ou de fait identique ou similaire suffit pour satisfaire au critère, sauf si cette question ne joue qu’un rôle négligeable quant au sort du recours. Autrement dit, il n’est pas requis que la question permette une résolution complète du litige.
- Une question commune n’amène pas nécessairement une réponse commune. Le critère est respecté même si des réponses nuancées doivent être apportées.
- En résumé, une question sera considérée commune si elle permet de faire progresser le règlement du litige pour l’ensemble des membres et ne joue pas un rôle négligeable quant au sort du litige.
[31] Deuxièmement, dans l’arrêt Rumley, la Cour suprême a non seulement décidé que la norme de la diligence constitue une question commune, mais aussi celle de l’octroi de dommages exemplaires lorsqu’on invoque des motifs de responsabilité à l’égard d’une faute systémique ne se rapportant pas à une victime en particulier, mais aux victimes en tant que groupe[20]. C’est précisément la demande en l’espèce. On allègue une faute directe et systémique et l’on réclame un montant global de dommages punitifs à être recouvré collectivement. Sur ce point, notre Cour a déjà affirmé qu’il est préférable de différer l’évaluation globale des dommages punitifs à une étape ultérieure, lorsque le montant total des réclamations individuelles est connu[21].
[32] L’expérience québécoise démontre que les agressions sexuelles, les dommages causés par ces gestes, l’atteinte intentionnelle à l’intégrité et à la dignité des membres du groupe, de même que la question de la prescription (quant aux paramètres applicables) sont des questions pouvant être traitées collectivement[22].
[33] Par contre, l’appelant a raison d’affirmer que le présent dossier est particulier, en ce que c’est uniquement le présumé agresseur qui est recherché en justice, et non une institution ou un employeur.
[34] Le juge a bien compris la problématique et l’a résolue en affirmant que les questions de consentement et de prescription devront être examinées, au cas par cas, dans une deuxième étape. Le juge explique bien, et en cela je ne vois pas d’erreur, que plusieurs aspects du litige seront abordés de façon commune. À ce chapitre, il retient que les éléments suivants permettront un avancement non négligeable des réclamations : 1) le modus operandi similaire pour toutes les agressions et le harcèlement allégués; 2) la question de l’impossibilité d’agir, compte tenu du statut de l’appelant dans son milieu ou des résultats des accusations criminelles portées en 1998; 3) le point de départ de la prescription, notamment à la lumière de l’article 2926.1 C.c.Q.; 4) les dommages moraux et pécuniaires car une preuve commune éclairera le tribunal sur le type de séquelles; et 5) la demande de condamnation à des dommages punitifs.
[35] Le recours proposé ne repose pas uniquement sur le fait que l’appelant aurait agressé ou harcelé sexuellement de multiples femmes. C’est toute la notion d’abus de pouvoir qui est en cause et qui pourra être évaluée de façon collective, de même que l’impact que cet abus de pouvoir aurait pu causer chez des femmes œuvrant dans l’entourage professionnel de l’appelant. En fait, la question de l’abus de pouvoir est centrale et fondamentale en l’espèce et elle est commune à chacune des membres du groupe selon les allégations. Cette question joue un rôle plus que négligeable dans la solution du litige.
[36] L’on comprend de la procédure, qu’en plus des impacts généralement reconnus chez les victimes d’agression sexuelle, il y a ici une dimension particulière à l’affaire. La difficulté de dénoncer serait amplifiée par la position professionnelle de l’appelant et le fait que les victimes font partie du même milieu professionnel. Cela fait en sorte que les paramètres de la question de l’impossibilité d’agir peuvent être décidés, du moins quant aux grandes lignes, de façon commune. À titre d’exemple, dans l’affaire Tremblay c. Lavoie, le juge Claude Bouchard a décidé de se prononcer, dans un premier temps, sur les facteurs communs à l’ensemble des membres quant à l’impossibilité d’agir (l’aspect objectif), tout en différant l’appréciation de la situation particulière de chaque membre (l’aspect subjectif) à une étape ultérieure[23].
[37] Le fait que les victimes prétendent avoir été agressées par le même agresseur dans un contexte d’abus de pouvoir présente un caractère de connexité évident. Comme le juge le souligne, le modus operandi allégué quant à de nombreuses victimes présente un caractère de similarité. En bref, si la preuve démontre que l’appelant a systématiquement et de manière répétée agressé sexuellement plusieurs filles ou femmes, dans des circonstances similaires, en abusant de sa position de pouvoir, cela fera avancer de façon significative le débat. En effet, une telle preuve pourrait difficilement être apportée dans un procès individuel.
[38] Le juge chargé d’entendre l’affaire prendra d’ailleurs les mesures qu’il estime appropriées pour tenir compte des différences entre chaque cas. C’est à l’étape du fond qu’il sera décidé du nombre de victimes alléguées qui devront être entendues. Le fait que plusieurs victimes auront à témoigner de leur cas individuel ne constitue pas un empêchement à l’action collective.
[39] Finalement, j’ajouterais que même si plusieurs évaluations individuelles devront être conduites, la règle de la proportionnalité fait en sorte qu’il est préférable qu’une partie des questions soient décidées de façon commune après avoir entendu la preuve de part et d’autre. Chaque évaluation individuelle n’en sera que raccourcie et justice pourra être rendue. En l’espèce, cela favorise l’action collective.
[40] Je souligne au passage qu’il est aussi possible qu’au terme d’un procès, le juge arrive à la conclusion que le recours doive être rejeté. En effet, si la preuve ne démontre pas que l’appelant a systématiquement abusé de son statut, de son pouvoir et de son prestige pour agresser et harceler sexuellement les femmes et filles mineures membres du groupe, ou qu’il n’a pas agressé et harcelé les membres du groupe, le recours pourra être rejeté. Comme le rappelle la Cour suprême, le seul fait d’être désigné défendeur à une action collective ne constitue pas en soi un préjudice irréparable, puisque l’action peut être rejetée au fond[24].
[41] L’appelant soutient aussi que la notion de harcèlement sexuel est mal définie et ne peut constituer une question commune, contrairement à la notion d’agression sexuelle qui est bien définie. Cet argument ne peut être retenu. Tout au contraire, le juge pourra dresser, si la preuve le permet et à la lumière du droit existant, les paramètres de ce que constitue le harcèlement sexuel et les dommages qui en découlent. La question de savoir si une victime en particulier en a été victime pourra être décidée de façon individuelle.
2- Le juge a-t-il modifié les critères de l’autorisation en voulant tenir compte d’un objectif social?
[42] L’appelant soutient que le juge ne pouvait tenir compte d’un objectif social, soit la dénonciation et l’indemnisation des actes d’agression sexuelle, sans que cela fausse son analyse.
[43] Dans l’analyse de l’article 575(3) C.p.c., le juge doit évaluer si la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instances.
[44] Le juge a retenu que les critères applicables sont les suivants : 1) le nombre probable de membres; 2) la situation géographique des membres; 3) l’état physique et mental des membres; 4) la nature du recours entrepris; 5) les aspects financiers du recours; et 6) les contraintes pratiques et juridiques inhérentes à l’utilisation du mandat et de la jonction des parties en comparaison avec l’action collective[25].
[45] Avec raison, le juge a accepté qu’un minimum de vingt personnes, et potentiellement plusieurs autres, rendent difficile l’obtention d’un mandat ou d’une procuration de chacune des membres et que la protection de l’anonymat des victimes, par l’exercice d’une action collective, milite en faveur de l’utilisation de ce moyen procédural.
[46] Le juge pouvait tenir compte des contraintes pratiques et juridiques inhérentes aux litiges individuels découlant de sévices sexuels dans l’évaluation de l’article 575(3) C.p.c. La règle de la proportionnalité dans l’étude de ce troisième critère nécessite de prendre en compte non seulement le nombre de victimes potentielles, mais aussi la difficulté inhérente à l’exercice d’un tel recours, dont la difficulté à dénoncer les actes répréhensibles et le désir de conserver l’anonymat.
[47] C’est d’ailleurs la position mise de l’avant par la Cour dans l’arrêt J.J. c. Oratoire St-Joseph[26] dans lequel le juge Guy Gagnon s’exprime ainsi :
[47] Avant de passer à l’analyse proprement dite, il me faut ajouter quelques remarques sur le contexte de cette affaire et les considérations qu’elle suscite.
[48] Par le passé, l’action collective a bien servi l’intérêt de différents groupes dont notamment ceux des consommateurs. Ces derniers ont pu profiter des régimes de présomptions que leur accorde la Loi de sorte à obtenir des réparations adéquates qui auraient pu difficilement être envisageables sur la base d’une initiative individuelle. De la même manière, il ne devrait exister aucune raison susceptible d’entraver l’efficacité de l’action collective en matière de responsabilité pour sévices sexuels. Le double objectif poursuivi par cette procédure que sont la dénonciation et l’indemnisation commande une approche contextualisée basée sur des conditions propices à l’émergence de la vérité. Les normes juridiques rattachées aux conditions de l’article 575 C.p.c. telles qu’identifiées par la Cour suprême dans Infineon et Vivendi, lorsque correctement appliquées, favorisent l’atteinte de ces buts.
[49] À ce sujet, je trouve particulièrement pertinents les commentaires suivants des auteures et professeures Nathalie Des Rosiers et Louise Langevin que je n’hésite pas à faire miens :
[…] si le recours collectif est dirigé contre un établissement, fréquenté par plusieurs personnes et pour des gestes posés sur une longue période de temps, il nous apparaît que le nombre possiblement élevé de victimes potentielles, bien qu’inconnu au début des procédures, justifie pleinement l’exercice d’un recours collectif. Il se peut qu’une seule victime se manifeste, et qu’elle décide d’exercer un recours collectif en son nom et celui de toutes les autres victimes. Si un enseignant ou un prêtre l’a agressée pendant un an, et qu’il a œuvré auprès de l’établissement pendant quelques années, n’est-il pas logique de conclure que d’autres enfants ont pu subir le même sort? Il importe peu à notre avis que cinq, dix, cinquante ou cent victimes se joignent au recours collectif une fois qu’il est autorisé. Bien qu’au départ, ce nombre ne puisse être déterminé, le recours collectif devrait être autorisé pour favoriser l’accessibilité à la justice aux victimes de violence sexuelle, qui doivent déjà surmonter d’énormes difficultés dans l’exercice de leurs recours individuels. D’ailleurs, certains tribunaux canadiens ont même conclu que le recours collectif est susceptible d’aider les victimes, qui sont particulièrement vulnérables.
[Je souligne]
[50] La mise en garde de ces auteures est d’autant plus pertinente au stade de l’autorisation alors que seul le demandeur s’expose au risque de voir son droit d’action irrémédiablement déchu par le rejet de sa demande d’autorisation.
[51] Il me semble que le juge Provencher de la Cour supérieure dans l’affaire Les frères du Sacré-Coeur fait écho à cette approche contextualisée lorsqu’il invite à voir autrement le statut de représentant en matière d’action collective menée par une victime d’agression sexuelle :
[69] Pour les victimes, s’il y a une possibilité que leur identité soit dévoilée, il y a un grand risque qu’elles ne présentent pas de réclamation, ce qui serait contraire à l’objectif social de l’action collective qui est de permettre l’accès à la justice.
[52] J’estime que la nature du recours projeté par J.J. nécessitait d’apprécier les conditions de l’article 575 C.p.c. au regard du contexte particulier dénoncé par la demande réamendée d’autorisation. L’autorité morale de certains acteurs identifiés dans les procédures de J.J. constitue un facteur important, leur lien avec les intimés l’est également, tout comme l’exacerbation du risque occasionné par les tâches qui leur ont été confiées par les autorités de la Congrégation. S’ajoute à ces éléments l’état de vulnérabilité et de soumission de J.J. qui ressort en filigrane des allégations de la demande. Sur ce plan, rien ne permet de distinguer la situation des membres du groupe de celle de J.J.
[Soulignements ajoutés]
[48] Plus loin dans son analyse, le juge Gagnon rappelle qu’une approche flexible et généreuse doit prévaloir en cas d’action collective fondée sur des agressions sexuelles :
[88] Aussi, il me semble que la vulnérabilité et l’isolement qui ont caractérisé la relation entre les membres du groupe et les membres de la Congrégation auraient dû peser plus lourd dans l’analyse de la norme juridique applicable à la seconde condition. En matière d’agression sexuelle, l’explicite est l’exception et la quête de faits concrets se heurte souvent à l’incapacité morale de la victime de dénoncer son agresseur. Ce sont pour ces raisons qu’une approche flexible et généreuse doit prévaloir en matière d’action collective si l’on souhaite atteindre les objectifs de dénonciation et d’indemnisation que poursuit cette procédure à vocation sociale.
[49] L’action collective permet à des victimes qui ne se sont pas manifestées de le faire pendant l’instance ou après jugement. Par exemple, dans le dossier Tremblay c. Lavoie, le juge Bouchard fait état qu’au moment du procès, environ 70 victimes s’étaient identifiées[27]. Le rapport final de l’adjudicateur démontre qu’il a étudié 114 réclamations et procédé à l’audition du témoignage de chacune de ces victimes, après les avoir entendues. Après avoir accepté 111 réclamations, il conclut ce qui suit :
[17] Je n’annexe pas la liste des noms au présent rapport puisque presque toutes les victimes m’ont demandé avec insistance et persistance de protéger leur identité. Plusieurs des victimes m’ont d’ailleurs déclaré que s’il y avait possibilité que leur nom soit dévoilé, elles auraient renoncé à présenter une réclamation. Je me suis engagé à leur égard à préserver la plus grande confidentialité.[28]
[50] Il est donc possible qu’en l’espèce, d’autres victimes se manifestent ultérieurement.
[51] L’un des bienfaits de l’action collective est de favoriser un meilleur accès à la justice à des victimes qui, individuellement, n’agiraient peut-être pas, que ce soit par manque de moyens financiers ou de moyens intellectuels, ou encore par crainte ou par manque de courage.
[52] Dans le présent contexte, le juge n’a donc commis aucune erreur en tenant compte de l’objectif social de l’action collective.
3- Définition du groupe
[53] Le juge a autorisé l’exercice de l’action collective pour le compte du groupe suivant :
« Toutes les personnes agressées et/ou harcelées sexuellement par Gilbert Rozon. »
[54] L’appelant reproche au juge d’avoir omis de respecter les critères énoncés dans l’arrêt George c. Québec (Procureur général)[29] pour définir le groupe. Le groupe aurait dû être limité dans le temps et dans l’espace ou en fonction d’un lien juridique spécifique.
[55] L’arrêt George c. Québec (Procureur général) établit les critères pertinents à une définition adéquate du groupe :
1. La définition du groupe doit être fondée sur des critères objectifs;
2. Les critères doivent avoir un rapport rationnel avec les revendications communes à tous les membres du groupe;
3. La définition du groupe ne doit être ni circulaire ni imprécise;
4. La définition du groupe ne doit pas s’appuyer sur un ou des critères qui dépendent de l’issue du recours collectif au fond.[30]
[56] En l’espèce, la description du groupe correspond à ces exigences. D’ailleurs, c’est de cette façon que plusieurs jugements rendus en matière de sévices sexuels ont décrit le groupe. La simplicité et la précision de la description permettent aux victimes de savoir si elles font partie du groupe, si elles ont droit aux avis et à la réparation, de même que si elles seront liées par le jugement. Puisque l’action collective permet la tenue d’une étape du règlement individuel des réclamations, il est certes possible qu’une personne qui affirme être membre échoue à prouver, selon la balance des probabilités, qu’elle a droit à une indemnité. Cela ne signifie pas pour autant qu’une telle définition est inadéquate.
[57] Il est vrai que, de façon générale, il est préférable que la description du groupe soit circonscrite dans le temps et dans l’espace afin de permettre à toute personne de savoir si elle en fait partie ou non et de décider si elle désire s’en exclure. Le juge est bien au fait de cette réalité. Considérant le fait que les lieux où les agressions auraient été commises et la période de temps sont inconnus, il a utilisé sa discrétion pour reporter cette décision à une étape ultérieure. Je ne vois pas d’erreur dans cette façon de faire dans le contexte particulier de l’affaire.
[58] Comme le souligne le juge Kasirer dans l’arrêt Sibiga c. Fido Solutions inc., il faut se garder de limiter indûment un groupe et d’exclure de façon prématurée des membres potentiels[31]. Limiter dans le temps et dans l’espace le groupe engendrerait cet effet dans le cas présent.
[59] Devant la Cour, le procureur de l’appelant a d’ailleurs décliné l’invitation qui lui était faite de suggérer un groupe circonscrit différemment.
4- Le juge s’est-il prononcé sur le fond de l’affaire?
[60] L’argument de l’appelant sur ce point est sans mérite. Le juge a tenu les allégations de la procédure pour avérées, sans plus.
[61] En conclusion, le jugement rendu est très bien motivé, répond à toutes les objections formulées par l’appelant et sa lecture ne laisse voir aucune erreur de droit ni erreur manifeste dans l’appréciation des critères d’autorisation.
[62] Je propose donc le rejet de l’appel, avec les frais de justice.
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DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A. |
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MOTIFS DU JUGE HAMILTON |
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[63] Il y a lieu de débuter le pourvoi par une remarque : le présent appel ne traite pas du fond du litige opposant les parties, sur lequel il ne m’appartient pas de me prononcer. La seule question à trancher concerne le véhicule procédural choisi par l'intimée, soit l'action collective, et, plus particulièrement, son autorisation. Ainsi, il faut déterminer si le juge de la Cour supérieure pouvait autoriser une action collective contre l’appelant en raison d’actes d’agression et de harcèlement sexuel allégués à l’égard de nombreuses personnes et sur une longue période de temps. Le juge a estimé qu’il y avait lieu d’autoriser l’action collective et ma collègue, la juge Bélanger, propose de rejeter l’appel.
[64] J’estime plutôt qu’il y a lieu d’accueillir l’appel, d’infirmer le premier jugement et de rejeter la demande pour autorisation d’une action collective. À mon avis, et avec égards, malgré la norme d’intervention exigeante en matière d’appel d’action collective autorisée, l’intervention de la Cour est justifiée en l’espèce quant à l’analyse de la première condition pour l’autorisation d’une action collective en vertu de l’article 575 C.p.c., soit celle de la présence de questions identiques, similaires ou connexes, en raison d’erreurs de droit commises par le juge et de l’appréciation du caractère commun de certaines questions qui m’apparaît manifestement non fondée.
[65] L’appelant soulève plusieurs autres moyens d’appel. Comme je propose d’accueillir le pourvoi vu l’absence de questions identiques, similaires ou connexes qui feraient avancer le litige de façon non négligeable, il ne sera pas nécessaire pour moi d’en traiter.
Les conditions pour l’autorisation d’une action collective
[66] L’action collective n’est qu’un véhicule procédural[32]. Elle est l’un des véhicules qui permet à plusieurs personnes avec des recours semblables de les poursuivre ensemble, tout comme le mandat d’ester en justice, la jonction de demandeurs ou la jonction d’instances.
[67] L’action collective permet à une personne d’agir en demande pour le compte de tous les membres d’un groupe et de les représenter sans mandat. Pour ce faire, le représentant doit obtenir l’autorisation du tribunal et cette autorisation tient alors lieu de mandat[33]. Le législateur a prévu, à l’article 575 C.p.c., quatre conditions permettant l’autorisation d’une action collective :
575. Le tribunal autorise l’exercice de l’action collective et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que: |
575. The court authorizes the class action and appoints the class member it designates as representative plaintiff if it is of the opinion that |
1° les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes; |
(1) the claims of the members of the class raise identical, similar or related issues of law or fact; |
2° les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées; |
(2) the facts alleged appear to justify the conclusions sought; |
3° la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance; |
(3) the composition of the class makes it difficult or impracticable to apply the rules for mandates to take part in judicial proceedings on behalf of others or for consolidation of proceedings; and |
4° le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres. |
(4) the class member appointed as representative plaintiff is in a position to properly represent the class members. |
[68] Chaque condition a son importance pour déterminer si une action collective doit être autorisée dans le dossier particulier :
· Les première et troisième conditions s’assurent que l’action collective est le véhicule approprié pour résoudre le litige : la première exige que l’action collective soulève au moins une question permettant une analyse collective qui pourra faire avancer le litige[34], et la troisième s’assure que l’action collective est nécessaire puisque la composition du groupe rend difficile ou peu pratique d’utiliser les autres véhicules procéduraux offerts dans le Code;
· La seconde permet d’écarter les demandes insoutenables, frivoles, ou manifestement mal fondées, c’est-à-dire qui ne présentent aucune chance de succès[35]; et
· La quatrième condition vise à s’assurer que le représentant est une personne appropriée : qu’il a un intérêt à poursuivre, qu’il est compétent et qu’il n’a pas de conflits d’intérêts avec les personnes qu’il entend représenter[36].
[69]
Ces conditions sont exhaustives, de sorte que si celles-ci sont toutes
satisfaites, le juge d’autorisation doit autoriser l’action collective. De
même, si l’une des conditions n’est pas remplie, le juge doit refuser
l’autorisation[37].
Le juge exerce « une certaine forme
de discrétion dans l'appréciation de la satisfaction des conditions
d'autorisation »[38].
[70] Enfin, l’action collective poursuit plusieurs objectifs, dont la facilitation de l’accès à la justice, la modification des conduites préjudiciables et l’économie des ressources judiciaires[39]. Le tribunal doit tenir compte de ces objectifs dans son appréciation des quatre conditions de l’article 575 C.p.c. Toutefois, ces objectifs ne remplacent pas ces conditions et il faut se garder d’autoriser, pour la simple raison que l’action rejoint ces objectifs, une action collective qui ne les remplit pas.
La question commune
[71] La première condition de l’article 575 C.p.c. exige que « les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes ».
[72] La jurisprudence interprétant cette condition établit un seuil qui est bas[40]. La juge Bélanger résume bien cette jurisprudence : le demandeur doit démontrer qu’il y a au moins une question de droit ou de fait identique, similaire ou connexe qui se prête à une décision collective, sans que la réponse soit nécessairement identique pour chaque membre du groupe proposé, qui permet de faire progresser le litige de façon non négligeable pour l’ensemble du groupe[41]. Ainsi, les juges LeBel et Wagner énoncent, dans Vivendi :
[58] Un thème se dégage de la jurisprudence québécoise : les exigences du C.p.c. en matière de recours collectif sont souples. En conséquence, même si les circonstances varient d’un membre du groupe à l’autre, le recours collectif pourra être autorisé si certaines questions sont communes : Riendeau c. Compagnie de la Baie d’Hudson, 2000 CanLII 9262 (C.A. Qué.), par. 35; Comité d’environnement de La Baie, p. 659. Pour satisfaire au critère de la communauté de questions de l’al. 1003a) C.p.c., le requérant doit démontrer qu’un aspect du litige se prête à une décision collective et qu’une fois cet aspect décidé, les parties auront réglé une part non négligeable du litige : Harmegnies, par. 54; voir également Lallier c. Volkswagen Canada inc., 2007 QCCA 920 (CanLII), [2007] R.J.Q. 1490, par. 17-21; Del Guidice c. Honda Canada inc., 2007 QCCA 922 (CanLII), [2007] R.J.Q. 1496, par. 49; Kelly c. Communauté des Sœurs de la Charité de Québec, [1995] J.Q. no 3377 (QL), par. 33. Ainsi, la seule présence d’une question de droit ou de fait identique, connexe ou similaire suffit pour satisfaire au critère énoncé à l’al. 1003a) C.p.c. sauf si cette question ne joue qu’un rôle négligeable quant au sort du recours. Il n’est pas requis que la question permette une résolution complète du litige : Collectif de défense des droits de la Montérégie (CDDM), par. 22-23.
[59] Bref, il est permis de conclure que les questions communes n’appellent pas nécessairement des réponses communes. Au stade de l’autorisation, la procédure civile québécoise retient une conception souple du critère de la communauté de questions. En conséquence, le critère de l’al. 1003a) peut être respecté même si des réponses nuancées doivent être apportées, pour les divers membres du groupe, aux questions communes soulevées par le recours collectif.[42]
[Soulignements ajoutés]
[73] Par ailleurs, le professeur Lafond explique :
La recherche de l’homogénéité parfaite du groupe disparaît au profit d’un calcul d’opportunité de l’exercice d’un recours collectif, d’une administration économique de la justice. Devient « commune » une question dont la résolution est nécessaire pour le règlement de la réclamation de chaque membre du groupe, et dont cette résolution dans le cadre d’un recours collectif permet d’éviter la duplication à de multiples reprises de l’appréciation des faits et de l’analyse du droit. Il n’est plus nécessaire que toutes les questions de droit ou de fait soient communes, ni même que la majorité d’entre elles le soient : il suffit qu’il en existe certaines qui soient suffisamment reliées entre elles et dont l’adjudication bénéficiera à tous les membres.[43]
[74] Il faut donc identifier les questions nécessaires à la résolution du recours contre l’appelant et évaluer si l’une de ces questions se prête à une décision collective qui, lorsque décidée, aura réglé une partie non négligeable du litige. Il n’est pas nécessaire que sa réponse soit la même pour tous les membres, et il est possible que de nombreux aspects du litige doivent être réglés individuellement. Il suffit que l’action présente une question qui soit susceptible d’influer de façon notable sur le sort de l’action collective[44] ou de permettre de faire avancer l’action de façon significative[45].
[75] La jurisprudence au stade de l’autorisation de l’action collective permet d’identifier les questions qui ont déjà été acceptées comme questions communes. La grande majorité des actions collectives portent sur les questions suivantes[46] :
· Droit de la consommation (clause dans un contrat de consommation ou pratique de commerce à l’encontre de la Loi sur la protection du consommateur, publicité fausse ou trompeuse, etc.);
· Responsabilité de l’État (par exemple, délais dans le système de santé, frais illégaux dans les écoles, délai dans le déblocage de l’autoroute 13, arrestations et détentions illégales de manifestants);
· Responsabilité du fabricant (produits défectueux ou dangereux, etc.); et
· Responsabilité contractuelle (clauses abusives, clauses pénales, etc. dans des contrats d’adhésion).
[76] Dans ces cas, la faute est souvent la même pour tous les membres du groupe et elle satisfait à la condition de la question commune : le procès commun tranchera la question de savoir si la clause ou la pratique est illégale, si la publicité est fausse, si l’État est responsable de l’évènement qui a causé les dommages ou si le produit est défectueux.
[77] Je souligne qu’il ne faut pas confondre deux questions: « les questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes » dont la présence est nécessaire avant d’autoriser l’action collective selon le premier paragraphe de l’article 575 C.p.c., et « les principales questions qui seront traitées collectivement » qui sont, par la suite, identifiées dans le jugement d’autorisation selon l’article 576 C.p.c. Le fait que le tribunal identifie des questions à être traitées collectivement ne signifie pas que ces mêmes questions justifient l’autorisation de l’action collective. De plus, ces questions ne seront pas nécessairement traitées collectivement au fond. Il suffit que l’une de ces questions satisfasse au premier paragraphe de l’article 575 C.p.c.
[78] Enfin, il faut noter que le refus d’autoriser une action collective puisque la condition de la question commune n’est pas satisfaite n’entraîne aucune conséquence sur le fond du litige. Cela signifie simplement que l’action collective n’est pas le véhicule procédural approprié.
Les actions collectives en matière d’abus sexuels
[79] Avant d’aborder l’analyse des questions identiques, similaires ou connexes dans le présent dossier, un mot sur les actions collectives déjà autorisées par les tribunaux en matière d’abus sexuels.
[80] Au cours des dernières années, les tribunaux ont autorisé des actions collectives en matière d’abus sexuels au sein d’écoles et d’églises[47]. La majorité de ces décisions n’ont pas été portées en appel, et pour cause : en vertu de l’ancien Code de procédure civile, le jugement qui accueillait une demande pour autorisation d’exercer une action collective était sans appel (art. 1010 a. C.p.c.). Dans toutes ces actions, le demandeur a choisi d’inclure l’institution comme défenderesse, seule ou avec des individus à titre de codéfendeurs. Lorsque l’institution est défenderesse, la question de sa responsabilité, parce qu’elle n’aurait pas surveillé le ou les individu(s) ayant commis les abus sexuels ou qu’elle n’aurait pas pris les mesures appropriées lorsque les abus sexuels ont été portés à son attention, est une question commune pour tous les membres du groupe. Elle peut être établie collectivement, en ce qu’elle vaut pour tous les membres du groupe, et participe au règlement d’une part non négligeable du recours. La Cour suprême a récemment confirmé l’autorisation d’exercer une action collective contre l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, jugeant qu’il existe des questions similaires ou connexes sur la responsabilité directe de l’Oratoire à l’égard des agressions qui y auraient été commises[48].
[81] La présente affaire est particulière puisque l’action collective ne vise qu’un seul individu pour des inconduites sexuelles alléguées à l’égard de nombreuses personnes sur une longue période de temps. Les tribunaux n’ont pas encore eu à déterminer si un recours pour des abus sexuels qui auraient été commis par un seul individu soulève une question identique, similaire ou connexe permettant l’exercice d’une action collective.
[82] Enfin, une seule action collective pour abus sexuels, du moins pour l’instant, a mené à une décision au fond, soit Tremblay c. Lavoie[49], laquelle a fait l’objet d’un règlement à l’amiable à la suite du jugement. Dans ce dossier, une action collective avait été autorisée[50] contre un prêtre, la congrégation religieuse dont il était membre et le séminaire où il œuvrait, en raison d’abus sexuels commis contre certains jeunes étudiants du séminaire. Le juge a retenu un mode de recouvrement individuel, selon lequel chaque membre du groupe qui désirait produire une réclamation devait déposer une déclaration sous serment avec une description des gestes à caractère sexuel dont il avait été victime[51].
Analyse
[83] Qu’en est-il en l’espèce?
[84] Regardons d’abord la nature du recours.
[85] Le groupe visé par l’action collective est composé de « [t]outes les personnes agressées et/ou harcelées sexuellement par Gilbert Rozon »[52]. La demande en autorisation inclut les allégations de la personne désignée, qui soutient avoir été victime d’une agression sexuelle en 1994. L’article paru dans Le Devoir du 19 octobre 2017, mis en preuve par l’intimée, relate l’histoire de sept autres femmes qui auraient été victimes de harcèlement sexuel ou d’agressions sexuelles entre 1982 et 2016. L’intimée allègue au moins 20 cas connus et « estime qu’il soit fort probable que le groupe soit composé de plusieurs dizaines de victimes »[53].
[86] Les éléments essentiels des réclamations sont la faute, les dommages (compensatoires et punitifs) et le lien de causalité. Vu les dates auxquelles les fautes auraient été commises, il faut y ajouter la question de la prescription.
[87] En première instance, l’intimée propose les questions suivantes comme questions communes :
1) Le défendeur Rozon a-t-il systématiquement commis des agressions sexuelles et/ou du harcèlement sexuel à l’endroit de filles et de femmes?
2) Le défendeur Rozon a-t-il abusé de son pouvoir et de sa position d’influence afin de commettre des agressions sexuelles et/ou du harcèlement sexuel?
3) Est-ce que le défendeur Rozon s’est comporté d’une manière abusive similaire à l’endroit des filles et des femmes?
4) Quels sont les types de dommages, préjudices et séquelles communs aux victimes d’agressions sexuelles et/ou de harcèlement sexuel?
5) Est-ce que le fait d’être victime d’agressions sexuelles et/ou de harcèlement sexuel occasionne des dommages en soi?
6) Quels sont les facteurs communs aux membres du groupe relativement à l’impossibilité en fait d’agir?
7) Le défendeur Rozon a-t-il intentionnellement porté atteinte au droit à la sûreté, l’intégrité et à la dignité des membres du groupe?
8) Le défendeur Rozon doit-il payer des dommages punitifs?
9) Quel est le montant de dommages punitifs auquel Rozon devrait être condamné, collectivement, le tout afin de punir et dissuader son comportement?
[88] Le juge de première instance les analyse ainsi :
[72] Le Tribunal est d’avis que, en fonction des allégations factuelles tenues pour avérées à ce stade les questions proposées sont identiques, similaires ou connexes au sens de la jurisprudence examinée plus haut puisque :
- La demanderesse reproche à M. Rozon un modus operandi similaire pour toutes les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel allégués : M. Rozon aurait commis plusieurs agressions sexuelles visant des victimes ciblées dans son entourage et dans la sphère artistique, politique et sociale alors qu’il jouissait d’une position de pouvoir et d’influence, commettant ainsi des abus de pouvoir systématiques depuis au moins 34 ans. Cet élément est soutenu par des allégations factuelles non contredites. Il est donc commun à tous les membres du groupe et bénéficiera d’une preuve commune. Cet élément sera également mis en preuve avant la preuve individuelle détaillée du cas de chaque victime, faisant en sorte que cet élément, s’il est prouvé, permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard. Il est évident que, cependant, plusieurs victimes devront témoigner de leur cas personnel afin de tenter de prouver ce modus operandi. Cela ne rend pas impossible l’exercice de l’action collective;
- La question de l’impossibilité d’agir est également commune puisqu’elle émane soit du statut de M. Rozon lui-même dans son milieu par rapport à ses victimes ou des résultats des accusations criminelles portées à son encontre en 1998. Ces éléments bénéficieront d’une preuve commune, et le résultat permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard;
- Le point de départ de la prescription des membres du groupe, notamment à la lumière de l’article 2926.1 C.c.Q., et l’analyse de cet article possèdent également des éléments communs, dont entre autres sur la connaissance des victimes et du rôle de M. Rozon dans la réalisation de cette connaissance;
- La demande de condamnation à des dommages moraux et pécuniaires est également d’une nature commune, puisqu’une preuve commune éclairera sûrement le Tribunal au mérite sur les types de séquelles généralement causées chez les victimes d’agressions sexuelles ou de harcèlement sexuel ainsi que sur les difficultés que ces victimes éprouvent à venir de l’avant. Encore ici, cet élément permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard;
- La demande de condamnation à des dommages punitifs repose également sur une preuve commune reliée au caractère intentionnel allégué des agressions sexuelles alléguées. Une preuve commune permettra également au Tribunal d’apprécier au mérite la gravité alléguée des gestes justifiant l’octroi de dommages punitifs. Encore ici, cet élément permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard.
[73] Bref, les questions proposées sont au minimum connexes et elles font toutes avancer d’une façon non négligeable le dossier de chacun des membres, même si elles ne sont peut-être pas toutes déterminantes pour la solution du litige, incluant l’octroi final d’un quantum défini de dommages punitifs.
[74] De plus, au niveau des questions identiques, similaires ou connexes, les questions de la prescription et la nécessité de prouver individuellement l'impossibilité d'agir ne constituent pas un obstacle au stade de l'autorisation du recours.
[75] Les aspects individuels identifiés par M. Rozon ne sont pas un obstacle à l’autorisation. Le Tribunal note que le consentement de chaque victime sera analysé un par un, au moment opportun, en fonction des déterminations factuelles pertinentes.
[89] Analysons ces éléments un à la fois pour voir ce qu’il en est.
[90] Dans ce dossier, les fautes alléguées sont des actes d’agression et de harcèlement sexuel qui auraient été commis par l’appelant envers les membres du groupe proposé. Les gestes et les paroles reprochés auraient eu lieu à différents moments sur une période d’au moins 34 ans envers différentes personnes. La nature des gestes varie grandement d’une personne à l’autre. Le contexte n’est pas toujours le même. Ces gestes devront être prouvés de façon individuelle et non de façon commune. Le juge de première instance semble en arriver à la même conclusion : il indique qu’il y aura au procès « la preuve individuelle détaillée du cas de chaque victime »[54].
[91] Toutefois, le juge retient qu’il y a un modus operandi qui est « similaire pour toutes les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel allégués » et qui est « commun[e] à tous les membres du groupe et bénéficiera d’une preuve commune », ce qui « permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard »[55].
[92] Le juge définit comme suit le modus operandi de l’appelant :
M. Rozon aurait commis plusieurs agressions sexuelles visant des victimes ciblées dans son entourage et dans la sphère artistique, politique et sociale alors qu’il jouissait d’une position de pouvoir et d’influence, commettant ainsi des abus de pouvoir systématiques depuis au moins 34 ans.[56]
[93] Dans le contexte de droit pénal, la preuve d'actes similaires pour prouver un modus operandi est en principe inadmissible et on accepte exceptionnellement de l'admettre si « la valeur probante de la preuve relative à une question soulevée est tellement grande qu’elle l’emporte sur le préjudice grave que subira inévitablement l’accusé si la preuve d’actes immoraux ou illégaux antérieurs est présentée... » au juge des faits[57]. En outre, une telle preuve ne sera admise qu'après une analyse rigoureuse de nombreux paramètres entourant les différents actes (proximité temporelle, fréquence, circonstances des gestes, tout trait distinctif et les faits subséquents et donc, en somme, l'improbabilité d'une coïncidence). Outre l'allégation bien générale des agressions ou harcèlements sexuels, le dossier ne permet pas de conclure à l'admissibilité d'une telle preuve selon les critères exigeants mentionnés.
[94] En droit civil, la preuve de faits similaires peut être recevable et pertinente afin de renforcer la preuve d'un comportement antérieur dans des circonstances analogues[58]. Dans un cas approprié, cette preuve « contribue à prouver un fait en litige »[59].
[95] Dans le présent dossier, le modus operandi retenu par le juge se limite essentiellement au statut de l’appelant, soit sa position de pouvoir et d’influence, aux similitudes entre les membres, soit qu’elles sont dans son entourage ou dans la sphère artistique, politique et sociale, et à l’impact de ce statut sur les membres du groupe.
[96] D’abord, je note que la description du groupe recherchée ne se limite pas aux personnes à l’égard de qui l’appelant était en position de pouvoir et d’influence, mais vise plutôt toutes les personnes agressées et/ou harcelées sexuellement par l’appelant sur une période d’au moins 34 ans. Cette question n’est donc pas commune à toutes les membres du groupe.
[97] De plus, le seul élément du modus operandi qui peut être déterminé de façon commune est le statut de l’appelant. Ce statut est un fait objectif et sa preuve risque de ne pas être controversée. Toutefois, la connaissance de chaque membre de ce statut et son impact sur elle sont des questions qui nécessairement devront être établies individuellement.
[98] Je suis donc d’avis que le modus operandi n’avance pas le dossier de façon non négligeable et ne remplit pas la première condition de l’article 575 C.p.c.
[99] Afin d’établir l’impossibilité d’agir, chaque membre du groupe doit établir qu’il lui était impossible de poursuivre l’appelant avant une certaine date à l’intérieur du délai de prescription. L’intimée allègue:
2.13. Or, Rozon n’en était pas à sa première agression sexuelle en 1998, ayant déjà à ce moment violé, brutalisé et harcelé de nombreuses femmes qui étaient dans l’impossibilité de le dénoncer et de le rechercher en justice;
2.14. Rozon a profité du silence, de la crainte, de la honte et de l’impossibilité d’agir de ses victimes pour continuer sa prédation sans jamais cesser de grandir en prestige et popularité;
[…]
4.1 Les personnes victimes de sévices sexuels ont énormément de difficulté à dénoncer ces gestes, surtout lorsque l’agresseur est une personne idéalisée et hautement estimée dans la société, de sorte qu’il est pratiquement certain que plusieurs victimes ne se sont pas encore fait connaître;[60]
[100] Le juge retient que l’analyse du point de départ de la prescription et de la suspension de la prescription pour impossibilité d’agir inclut des questions communes. Je reproduis à nouveau ce qu’écrit le juge sur cette question :
La question de l’impossibilité d’agir est également commune puisqu’elle émane soit du statut de M. Rozon lui-même dans son milieu par rapport à ses victimes ou des résultats des accusations criminelles portées à son encontre en 1998. Ces éléments bénéficieront d’une preuve commune, et le résultat permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard;
Le point de départ de la prescription des membres du groupe, notamment à la lumière de l’article 2926.1 C.c.Q., et l’analyse de cet article possèdent également des éléments communs, dont entre autres sur la connaissance des victimes et du rôle de M. Rozon dans la réalisation de cette connaissance;[61]
[101] À mon avis, le juge de première instance fait erreur sur ces aspects.
[102] Le point de départ de la prescription, selon l’article 2926.1 C.c.Q., est « [le] jour où la victime a connaissance que son préjudice est attribuable à cet acte ». Le juge y voit deux éléments communs : « la connaissance des victimes » et « [le] rôle de M. Rozon dans la réalisation de cette connaissance ». Or, la connaissance d’une membre que son préjudice est attribuable à l’acte n’est pas un élément qui peut être traité de façon collective : il s’agit d’un événement qui sera propre à chaque membre en fonction des circonstances. Quant au rôle de l’appelant, cet aspect de l’analyse rejoint celui de l’impossibilité d’agir.
[103] Le juge Gonthier explique dans Gauthier c. Beaumont, pour la majorité, que l’impossibilité d’agir comporte deux volets, objectif et subjectif :
[…] [une] crainte purement subjective ne peut constituer une cause d’impossibilité d’agir en vertu de l’art. 2232 C.c.B.C., tout comme elle ne peut constituer une cause de rescision du contrat (Tancelin, op. cit., à la p. 77). Pour être une cause d’impossibilité d’agir, la crainte doit porter sur un mal objectivement sérieux, exister durant toute la période d’impossibilité d’agir et être subjectivement déterminante de cette impossibilité d’agir, c’est-à-dire subjectivement telle qu’il soit psychologiquement, sinon physiquement, impossible pour la victime d’intenter un recours en justice. Cet ensemble de facteurs assure l’intégrité du régime de prescription, sans donner lieu à des injustices flagrantes.[62]
[104] Ainsi, chaque membre doit établir, individuellement, le volet subjectif, soit ses raisons de ne pas poursuivre, et par ailleurs que ces raisons ont perduré durant toute la période d’impossibilité d’agir. Chaque membre doit aussi établir le volet objectif, soit que ces raisons étaient objectivement sérieuses.
[105] Le juge explique que l’impossibilité d’agir émane « soit du statut de M. Rozon lui-même dans son milieu par rapport à ses victimes ou des résultats des accusations criminelles portées à son encontre en 1998. »[63] De plus, il conclut que « [c]es éléments bénéficieront d’une preuve commune, et le résultat permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard. »[64]
[106] La seule question commune serait le volet objectif de l’impossibilité d’agir, soit de déterminer si, d’une part, le statut de l’appelant et, d’autre part, les résultats des accusations criminelles portées à son encontre en 1998 peuvent constituer des raisons objectivement sérieuses pour ne pas le poursuivre[65]. Indépendamment de la valeur de la seconde, sur laquelle il n’y a pas lieu de se prononcer dans les circonstances, si ce volet objectif peut constituer une question commune, il ne fait pas beaucoup avancer le débat, contrairement au volet subjectif de l’impossibilité d’agir qui, lui, requerra un examen de l’état d’esprit de chacune des membres. En effet, l’impact subjectif du statut de l’appelant, de son prestige et de sa popularité, et des accusations criminelles en 1998 « par rapport à ses victimes », pour reprendre les mots du juge, variera de membre en membre, en fonction de facteurs qui leur sont propres, de sorte qu’il faudra que chaque membre démontre, individuellement, que ces raisons, si elles étaient qualifiées d’objectivement sérieuses, ont perduré durant toute la période d’impossibilité d’agir et qu’elles étaient subjectivement déterminantes. Quant à la preuve commune invoquée par le juge, elle se limite au statut de l’appelant, son prestige et sa popularité et les accusations criminelles en 1998.
[107] Je conclus donc que la question commune ayant trait au volet objectif de l’impossibilité d’agir ne ferait, au mieux, avancer le litige que de façon négligeable.
3. Les dommages compensatoires
[108] Le juge conclut que l’évaluation des dommages compensatoires est une question commune. Je reprends l’extrait pertinent du passage cité plus haut :
La demande de condamnation à des dommages moraux et pécuniaires est également d’une nature commune, puisqu’une preuve commune éclairera sûrement le Tribunal au mérite sur les types de séquelles généralement causées chez les victimes d’agressions sexuelles ou de harcèlement sexuel ainsi que sur les difficultés que ces victimes éprouvent à venir de l’avant. Encore ici, cet élément permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard;[66]
[109] À mon avis, le juge commet une erreur de droit en considérant les dommages compensatoires comme une question identique, similaire ou connexe.
[110] Une action collective en responsabilité civile doit démontrer selon les procédés de preuve habituels la faute, le préjudice et le lien causal à l'endroit des membres du groupe[67]. Les dommages compensatoires feront l’objet d’une analyse individuelle de la même manière que l’examen de la faute alléguée par chaque membre.
[111] En effet, le préjudice subi peut varier grandement d’une membre à l’autre en fonction d’un nombre considérable de facteurs, notamment la nature de l’agression ou du harcèlement subi et la gravité de celui-ci, ses impacts physique et psychologique et leurs conséquences financières selon leur situation. Il est difficile de concevoir quelle question pourra être traitée collectivement, si ce n’est une étude générale et générique de la jurisprudence québécoise en matière d’indemnisation de victimes d’agression sexuelle et de harcèlement sexuel, ce qui est déjà particulièrement vaste[68]. Il y aura de toute manière une individualisation pour chaque réclamation en fonction des circonstances. Les dommages compensatoires ne se prêtent ainsi pas à une détermination collective en raison des nombreux facteurs subjectifs à être considérés. Ils feront plutôt l’objet de multiples petits procès où chaque membre viendra décrire les dommages vécus et l’étendue de ceux-ci.
[112] Enfin, le juge retient aussi la demande de dommages punitifs comme question commune en raison du caractère intentionnel et de la gravité des gestes allégués :
La demande de condamnation à des dommages punitifs repose également sur une preuve commune reliée au caractère intentionnel allégué des agressions sexuelles alléguées. Une preuve commune permettra également au Tribunal d’apprécier au mérite la gravité alléguée des gestes justifiant l’octroi de dommages punitifs. Encore ici, cet élément permettra l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, sans une répétition de l’analyse juridique et factuelle à cet égard.[69]
[113] La demande de dommages punitifs se fonde sur le second alinéa de l’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne[70], qui prévoit qu’en « cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs ». Il y a atteinte intentionnelle lorsque « l’auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera »[71].
[114] Ma collègue cite, au paragraphe 31 de ses motifs, l’arrêt de la Cour suprême Rumley[72] à l’appui de l’argument selon lequel les dommages punitifs sont une question commune. Au contraire, la Cour affirme que les dommages punitifs ne sont pas toujours une question commune, mais le sont dans Rumley parce qu’ils étaient réclamés en raison de la faute systémique d’une institution :
Manifestement, les questions de l’octroi et du montant des dommages-intérêts exemplaires ne pourront pas être traitées dans tous les cas comme des questions communes. En l’espèce, toutefois, les intimés ont restreint les motifs possibles de responsabilité à la négligence systémique - soit la négligence ne se rapportant pas à une victime en particulier, mais aux victimes en tant que groupe. J’estime que l’octroi et le montant des dommages-intérêts exemplaires sont en l’espèce des questions susceptibles d’être résolues en tant que questions communes : voir Chace, précité, par. 30 (certifiant que les dommages-intérêts exemplaires sont une question commune au motif que l’allégation de négligence a été avancée [TRADUCTION] « en tant que proposition générale » et ne vise pas spécifiquement la conduite d’un demandeur donné).[73]
[115] Or, en l’espèce, bien qu’on allègue que l’appelant a systématiquement abusé de sa position de pouvoir et d’influence, on ne peut prétendre qu’il s’agit d’un cas analogue à la situation retrouvée dans Rumley. Les fautes alléguées en l’espèce demeurent des questions individuelles qui devront être prouvées au cas par cas, ce qui diffère grandement d’un cas de négligence systémique d’une institution envers laquelle on reproche « l’absence de procédures de gestion et de fonctionnement qui auraient vraisemblablement empêché l’agression »[74].
[116] À mon avis, le juge de première instance fait erreur en considérant que le caractère illicite et intentionnel de l’atteinte aux droits garantis par la Charte est une question commune justifiant l’autorisation de l’action collective. En effet, le présent cas se distingue de d’autres où la faute, qui pourrait être considérée comme une atteinte illicite à la Charte, est la même pour tous, et où il serait alors possible d’apprécier le caractère intentionnel de cette atteinte collectivement. Le présent cas est plutôt une série de fautes alléguées qui auraient été commises sur une période d’au moins 34 ans, chacune ayant sa propre trame factuelle. L’analyse du caractère intentionnel devra alors s’effectuer au cas par cas en fonction des circonstances de chaque atteinte jugée illicite. Il est en effet possible que certaines atteintes à la Charte soient intentionnelles et que d’autres ne le soient pas.
[117] De plus, la détermination du quantum des dommages punitifs s’apprécie en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier (art. 1621 C.c.Q.). Il s’agit donc d’une évaluation partiellement individuelle, telle que la nature des fautes et leurs gravités, et partiellement commune, telle que pourrait l’être la gravité globale du comportement et l’évaluation de la situation patrimoniale de l’appelant. L’évaluation de la situation patrimoniale de l’appelant pourrait être traitée dans le cadre d’un procès collectif, mais encore une fois il s’agit d’un élément objectif et pas nécessairement très controversé. La gravité globale du comportement ne peut s’apprécier qu’à la dernière étape de l’action collective telle que proposée, soit à la toute fin d’une série de procès individuels portant sur la responsabilité de l’appelant et les dommages subis par les membres. Elle m’apparaît, dans ce contexte, fort négligeable.
[118] À mon avis, et cela dit avec égards, le recours ne présente aucune question identique, similaire ou connexe qui permet l’avancement du litige de façon non négligeable. J’estime qu’il y a lieu d’accueillir l’appel, d’infirmer le jugement rendu par la Cour supérieure, de rejeter la demande de l’intimée pour autorisation d’exercer une action collective, avec les frais de justice.
[119] Enfin, je réitère que cette conclusion ne porte que sur le véhicule procédural choisi par l'intimée, soit l'action collective, et ne concerne en rien le fond de l'affaire, sur lequel il ne m'appartient pas de me prononcer. D'autres moyens légaux sont à la portée des membres qui souhaitent entreprendre une action contre l'appelant, le rejet de l'action collective ne devant pas nécessairement entraîner un abandon des procédures ou une négation de la responsabilité de l’appelant.
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STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A. |
[1] Les Courageuses c. Rozon, 2018 QCCS 2089.
[2] Art. 575(1) C.p.c., (art.1003 a) a.C.p.c.).
[3] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 10 et 111; Vivendi Canada c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 34-35; Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299, paragr.33-35.
[4] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 7-8, 56 et 109-110; Vivendi Canada c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 37; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, paragr. 59 et 61.
[5] Jugement entrepris, paragr. 3-5.
[6] Jugement entrepris, paragr. 8-9.
[7] J.J. c. Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, 2017 QCCA 1460, confirmé par L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35.
[8] Jugement entrepris, paragr. 21-24.
[9] Jugement entrepris, paragr. 72.
[10] Jugement entrepris, paragr. 77-80.
[11] Jugement entrepris, paragr. 81-85.
[12] Jugement entrepris, paragr. 113-114.
[13] Jugement entrepris, paragr. 115 citant J.J. c. Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, 2017 QCCA 1460, paragr. 96, confirmé par L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35.
[14] Jugement entrepris, paragr. 117-118.
[15] Jugement entrepris, paragr. 70.
[16] Vivendi c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 40-60.
[17] Rumley c. Colombie Britannique, [2001] 3 R.C.S. 184.
[18] Vivendi c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr.40-60.
[19] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 44.
[20] Rumley c. Colombie Britannique, [2001] 3 R.C.S. 184, paragr. 34.
[21] Vidéotron c. Union des consommateurs, 2017 QCCA 738, paragr. 102-109; Montréal (Ville de) c. Biondi, 2013 QCCA 404, paragr. 111-114.
[22] Voir à titre d’exemple : J.J. c. Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, 2017 QCCA 1460, confirmé par L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35; Association des amis du Patro Lokal de St-Hyacinthe c. Trudel, 2017 QCCS 3965; A. c. Frères du Sacré-Cœur, 2017 QCCS 5394; Association des jeunes victimes de l’Église c. Harvey, 2016 QCCS 2252; Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain c. Institut Raymond-Dewar, 2012 QCCS 1146; Tremblay c. Lavoie, 2010 QCCS 5945; Sebastian c. English Montreal School Board (Protestant School Board of Greater Montreal), 2007 QCCS 2107.
[23] Tremblay c. Lavoie, 2014 QCCS 3185, paragr.178-320.
[24] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 42.
[25] Jugement entrepris, paragr. 83, citant Yves LAUZON, Le recours collectif, Éd. Yvon Blais, Cowansville, 2001, p. 38-39 et 42, ainsi que Brière c. Rogers Communications, 2012 QCCS 2733, paragr. 71-72.
[26] J.J. c. Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, 2017 QCCA 1460, paragr. 47-52, confirmé par L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35. Les propos des auteures Nathalie Des Rosiers et Louise Langevin ont été cités avec approbation par la Cour suprême au paragr. 69.
[27] Tremblay c. Lavoie, 2014 QCCS 3185, paragr. 17.
[28] Dossier 200-06-000123-102, entrée 264, Rapport de l’adjudicateur l’Honorable André Forget.
[29] George c. Québec (Procureur général), 2006 QCCA 1204.
[30] George c. Québec (Procureur général), 2006 QCCA 1204, paragr. 40.
[31] Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299, paragr. 141.
[32] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 6; Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 1.
[33] Articles 571 et 574 C.p.c.
[34] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 43-44; Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 58-59; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, paragr. 72.
[35] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 11 et 56, citant Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299, paragr. 34-35; Karras c. Société des loteries du Québec, 2019 QCCA 813, paragr. 21; Charles c. Boiron Canada inc., 2016 QCCA 1716, paragr. 40-41 (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée avec dissidence (C.S. Can., 2017-05-04) 37366).
[36] Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, paragr. 149; Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, paragr. 44; Pierre-Claude Lafond, Le recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs, Cowansville, Yvon Blais, 1996, p. 419.
[37] Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 67-68; Harmegnies c. Toyota Canada inc., 2008 QCCA 380, paragr. 20-22.
[38] Pierre-Claude Lafond, Le recours collectif, le rôle du juge et sa conception de la justice: impact et évolution, Cowansville, Yvon Blais, 2006, p. 153-154; L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 10; Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 34.
[39] Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 1; Hollick c. Toronto (Ville), 2001 CSC 68, paragr. 15; Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, 2001 CSC 46, paragr. 27-29; Trottier c. Canadian Malartic Mine, 2018 QCCA 1075.
[40] Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 58 et 72; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, paragr. 72.
[41] Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 58; Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299, paragr. 128; Shaun E. Finn, L’action collective au Québec, Montréal, Yvon Blais, 2016, p. 169; Pierre-Claude Lafond, Le recours collectif, le rôle du juge et sa conception de la justice, Cowansville, Yvon Blais, 2006, p. 88-93; McCarthy Tétrault, Defending Class Action in Canada, 4e éd.,Toronto, CCH Canada Limited, 2015, p. 82-83.
[42] Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 58-59; L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 43-44; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, paragr. 72.
[43] Pierre-Claude Lafond, Le recours collectif, le rôle du juge et sa conception de la justice : impact et évolution, Cowansville, Yvon Blais, 2006, p. 92.
[44] Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (Copibec) c. Université Laval, 2017 QCCA 199, paragr. 51; Asselin c. Desjardins Cabinet de services financiers inc., 2017 QCCA 1673, paragr. 156 (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême accueillie (C.S. Can., 2019-06-27, 37898).
[45] Union des consommateurs c. Air Canada, 2014 QCCA 523, paragr. 77; Collectif de défense des droits de la Montérégie (CDDM) c. Centre hospitalier régional du Suroît du Centre de santé et de services sociaux du Suroît, 2011 QCCA 826, paragr. 17 (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-03-01) 34377).
[46] Catherine Piché, L’action collective : ses succès et ses défis, Montréal, Thémis, 2019, p. 269-284.
[47] A c. Watch Tower Bible and Tract Society of Canada, 2019 QCCS 729 (requêtes pour permission d'appeler accueillies, 2019 QCCA 968); Y. c. Servites de Marie de Québec, 2018 QCCS 4889; A c. Frères du Sacré-Coeur, 2017 QCCS 5394; Association des amis du Patro Lokal de St-Hyacinthe c. Trudel, 2017 QCCS 3965; Association des jeunes victimes de l'église c. Harvey, 2016 QCCS 2252; Tremblay c. Lavoie, 2010 QCCS 5945; Sebastian c. English Montreal School Board (Protestant School Board of Greater Montreal), 2007 QCCS 2107.
[48] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 47-50.
[49] Tremblay c. Lavoie, 2014 QCCS 3185.
[50] Tremblay c. Lavoie, 2010 QCCS 5945.
[51] Tremblay c. Lavoie, 2014 QCCS 3185, paragr. 441-450. À la suite du jugement, les parties ont conclu une entente pour régler à l'amiable leur recours, et leur requête pour approbation de l’entente de règlement a été accueillie : Tremblay c. Lavoie, 2014 QCCS 4955.
[52] L’appelant soutient en appel que cette définition est circulaire en ce qu’une personne ne peut savoir si elle fait partie du groupe que lorsque jugement est rendu au fond. Je ne me prononcerai pas sur cette question.
[53] Demande pour autorisation d’exercer une action collective et pour être représentante, 27 novembre 2017, E.A., p. 96-115, paragr. 4.2.
[54] Jugement entrepris, paragr. 72.
[55] Ibid.
[56] Ibid.
[57] R. c. Shearing, [2002] 3 R.C.S. 33, 2002 CSC 58, paragr. 34, citant R. c. B. (C.R.), [1990] 1 R.C.S. 717, p. 732.
[58] Thomas c. Transport Watson Montréal ltée, 2011 QCCA 262.
[59] Poulin c. Groupe Jean Coutu (PJC) inc., 2006 QCCA 49, paragr. 8; Thomas c. Transport Watson Montréal ltée, 2011 QCCA 262, paragr. 12.
[60] Demande pour autorisation d’exercer une action collective et pour être représentante, 27 novembre 2017, E.A., p. 96-115, paragr. 2.13-2.14 et 4.1.
[61] Jugement entrepris, paragr. 72.
[62] Gauthier c. Beaumont, [1998] 2 R.C.S. 3, p. 51.
[63] Jugement entrepris, paragr. 72.
[64] Ibid.
[65] La question commune identifiée dans les conclusions du jugement, « 6) Quels sont les facteurs communs aux membres du groupe relativement à l’impossibilité d’agir? » ne se qualifie clairement pas, étant trop large et imprécise.
[66] Jugement entrepris, paragr. 72.
[67] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, p. 229.
[68] Les questions communes sur les dommages identifiées dans les conclusions du jugement sont : « 4) Quels sont les types de dommages, préjudices et séquelles communs aux victimes d’agressions sexuelles et/ou de harcèlement sexuel? 5) Est-ce que le fait d’être victime d’agressions sexuelles et/ou de harcèlement sexuel occasionne des dommages en soi? ». Ces questions sont génériques et n’avancent pas les réclamations individuelles.
[69] Jugement entrepris, paragr. 72.
[70] RLRQ, c C-12.
[71] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, p. 262.
[72] Rumley c. Colombie-Britannique, 2001 CSC 69. Je souscris par ailleurs à son commentaire au paragraphe 30 de ses motifs selon lequel la prudence s’impose avant d’importer les principes énoncés dans cet arrêt.
[73] Rumley c. Colombie-Britannique, 2001 CSC 69, paragr. 34.
[74] Id., paragr. 30.
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