Décision

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Fuoco c. Société générale de financement du Québec

2006 QCCA 1491

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-016626-061

(500-17-020235-043)

 

DATE :

 Le 20 novembre 2006

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L'HONORABLE

JACQUES DUFRESNE J.C.A.

 

 

DINO FUOCO

REQUÉRANT-Demandeur

c.

 

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE FINANCEMENT DU QUÉBEC

HENRI A. ROY

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

INTIMÉS-Défendeurs

 

 

JUGEMENT

 

 

[1]                Le requérant, Dino Fuoco, demande la permission d'appeler des jugements interlocutoires rendus les 29 et 30 mars 2006 par l'honorable Danielle Grenier de la Cour supérieure.

[2]                Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;

[3]                Par ces jugements interlocutoires, la juge de la Cour supérieure maintenait les objections formulées lors d'interrogatoires après défense des intimés principalement au motif de non-pertinence. Les objections accueillies l'ont été dans le cadre d'interrogatoires menés en vertu de l'article  398  C.p.c. Les personnes ainsi interrogées pouvaient l'être sur tous les faits se rapportant au litige ou pour donner communication et laisser prendre copie de tout écrit se rapportant au litige.

[4]                S'il est vrai que l'interrogatoire préalable est un véritable instrument d'exploration de la preuve, encore faut-il que le fait recherché soit pertinent.

[5]                Au stade de l'interrogatoire préalable, avant ou après défense, la pertinence s'apprécie principalement par rapport aux allégations contenues dans les actes de procédure (Glegg c. Smith & Nephew Inc., [2005] 1 R.C.S. 724 , 736). Dans l'arrêt Glegg précité, le juge Louis LeBel apporte la précision suivante à propos de l'interrogatoire au préalable :

Bien employée, cette procédure peut continuer à accélérer la marche du procès et la résolution des débats judiciaires (références omises).                                 
(Je souligne)

[6]                Le concept de pertinence s'apprécie par rapport à l'obligation des parties de faire la preuve de l'ensemble des éléments de base de leur réclamation (Domaine de la Rivière Inc. c. Aluminium du Canada Ltée, [1985] R.D.J. 30 ). Ce concept s'apprécie largement et il correspond à une notion d'utilité pour la conduite de l'instance (Glegg c. Smith & Nephew Inc. précité, Westinghouse Canada Inc. c. Arkwright Boston Manufacturers Mutual Insurance Co., [1993] R.J.Q. 2735 (C.A.), p. 2741).

[7]                Par ailleurs, l'absence de pertinence (parce qu'un fait n'a pas de rapport avec le litige ou est dénué de valeur probante) et l'absence de connexité permettent d'exclure une preuve sans intérêt (Jean-Claude Royer, La preuve civile, 3e édition, Éditions Yvon Blais, 2003, paragr. 975 et 976). La seule allégation d'un fait ne suffit pas à rendre un fait pertinent (Napper c. Cité de Sherbrooke, [1968] R.C.S. 716 , 720).

[8]                En somme, si le juge doit faire preuve de prudence lorsque l'objection est fondée sur la pertinence, étant donné le caractère exploratoire de l'interrogatoire préalable (Kruger c. Kruger, [1987] R.D.J. 11 ,17 (C.A.)), l'exercice ne peut toutefois pas constituer une recherche à l'aveuglette (Blaikie c. Commission des valeurs mobilières du Québec, [1990] R.D.J. 473 , 477 (C.A.); Westinghouse Canada Inc. c. Arkwright Boston Manufacturers Mutual Insurance Co., [1993] R.J.Q. 2735 , 2738, 2739, (C.A.)).

[9]                Ces principes étant énoncés, qu'en est-il des objections accueillies en l'espèce?

[10]           Pour bien apprécier la pertinence des questions posées lors des interrogatoires après défense, il est nécessaire d'identifier la nature et l'objet du recours.

[11]           Le requérant occupait le poste de Premier Vice-Président et chef de la direction financière de l'intimée, La Société générale de financement du Québec (la SGF), jusqu'à ce qu'il soit mis fin à son emploi le 22 septembre 2003. Le requérant a reçu une indemnité de fin d'emploi. Il poursuit néanmoins son ancien employeur pour congédiement injustifié et pour atteinte à sa réputation pour la somme totale de 2 057 417,20 $. Il est acquis aux procédures que si l'entente de départ ne permet pas de contrer le recours pour congédiement injustifié, il n'est pas contesté qu'il n'y a pas de motif sérieux pour la fin d'emploi du requérant.

[12]           Tant la requête introductive d'instance que les défenses des intimés sont fort détaillées et réfèrent à un grand nombre de documents. Les interrogatoires hors Cour ont permis également au requérant d'obtenir réponse à de très nombreuses questions et la production d'un grand nombre de documents par voie d'engagements.

[13]           Il revient au juge unique, en vertu des articles  29 et 511  C.p.c., de filtrer les demandes et de s'assurer que le requérant a une chance raisonnable de réussir dans sa demande et de persuader la Cour de réformer le jugement entrepris.

[14]           Le requérant a interrogé après défense les témoins suivants : le défendeur Henri A. Roy, qui occupait le poste de président-directeur général par intérim de la défenderesse SGF au moment du congédiement du requérant; André Roy, Premier Vice-Président Administration de la SGF; messieurs Michel Audet et Yves Séguin, ministres du gouvernement du Québec à l'époque pertinente aux faits allégués dans les procédures.

[15]           En cours de présentation de la requête, les procureurs des intimés ont consenti à fournir la réponse à certaines questions, comme en fait foi le procès-verbal de l'audience.

[16]           Quant à l'interrogatoire du défendeur Henri A. Roy du 19 juillet 2005, il n'y a pas lieu d'accorder la permission d'appeler des décisions qui maintiennent lesdites objections. Les questions ayant ainsi fait l'objet d'objections relèvent davantage d'une recherche à l'aveuglette, débordent largement le cadre de l'objet du recours intenté par le requérant et paraissent, pour certaines d'entre elles, n'avoir aucun lien avec l'existence du droit réclamé. Quant à l'interrogatoire du 20 juillet 2005 du même témoin, il n'y a pas lieu non plus de faire droit à la permission d'appeler, essentiellement pour les mêmes motifs que pour les questions faisant l'objet d'objections pour l'interrogatoire du 19 juillet 2005, ajoutant au surplus que certaines des questions posées n'ont pas de lien de connexité avec l'objet du litige. Certaines demandes de production de documents paraissent d'ailleurs exorbitantes, d'autant plus que le lien de connexité n'a pas été établi.

[17]           Quant aux interrogatoires des 28 et 29 juin 2005 du défendeur André Roy, les renseignements et documents demandés en sus de ceux déjà fournis débordent l'objet du litige et constituent une recherche à l'aveuglette. Certaines questions à ce témoin de faits tiennent de l'opinion et, pour certaines d'entre elles, tiennent aussi de la spéculation, du moins à ce stade des procédures. Dans un cas au moins, la question est hypothétique (question numéro 124). Enfin, on demande à ce témoin de produire une abondante documentation, sans grandes précisions, confirmant ainsi que l'exercice constitue une recherche à l'aveuglette.

[18]           Quant à l'interrogatoire de monsieur Michel Audet du 16 septembre 2005, les questions ayant fait l'objet d'objections accueillies n'ont pas de connexité suffisante avec l'objet du recours et constituent une recherche à l'aveuglette.

[19]           Quant à l'interrogatoire de monsieur Yves Séguin du 23 septembre 2005, les questions ayant fait l'objet d'objections accueillies n'ont pas de connexité suffisante avec l'objet du recours et constituent une recherche à l'aveuglette. Ajoutons que certaines questions manquent parfois de clarté (à titre indicatif, les objections numéros 70 et 71 relatives aux questions 176 et 177).

[20]           Il me faut conclure en l'espèce que le juge de première instance n'a pas erronément exercé sa discrétion judiciaire en maintenant les objections visées par la requête. Il n'a pas non plus été démontré en l'espèce que les fins de la justice requièrent que la requête soit accueillie.

[21]           POUR CES MOTIFS :

[22]           REJETTE la requête, avec dépens.

 

 

 

 

 

JACQUES DUFRESNE J.C.A.

 

Me Chantal Perreault

Paquette Gadler

Avocate du requérant

 

Me Chantal Lamarche

Heenan Blaikie

Avocate des intimés Société générale de financement du Québec

et d'Henri A. Roy

 

Me Jocelyne Larouche

Bernard, Roy

Avocate de l'intimé Procureur général du Québec

 

Date d’audience :

Le 19 octobre 2006

 

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