Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Yamaska

SAINT-HYACINTHE, le 25 avril 2003

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

185534-62B-0206

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Marie-Danielle Lampron

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Claude Jutras

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Marcel Bédard

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

120479688

YAM01-161

AUDIENCE TENUE LE :

6 février 2003

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

18 mars 2003

 

 

 

 

 

 

À :

Saint-Hyacinthe

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

OLYMEL GRANBY

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JONATHAN SWETT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 4 juin 2002, Olymel Granby (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 27 mai 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST).

[2]               Par cette décision, la CSST accueille la plainte de monsieur Jonathan Swett (le travailleur), déclare que l’employeur a imposé au travailleur une mesure de discrimination en ne le créditant pas, dans le calcul de son ancienneté, des heures qu’il aurait normalement travaillées et ordonne à l’employeur de créditer au travailleur 875,17 heures dans le calcul de son ancienneté.

[3]               Les parties et leurs procureures respectives sont présentes à l’audience. Une réouverture d’audience a eu lieu à la suite de l’envoi, le 12 mars 2003, par la procureure de l’employeur, d’une sentence arbitrale rendue par le tribunal d’arbitrage dans un dossier concernant d’autres parties. L’enquête s’est terminée le 18 mars 2003, sur confirmation de la procureure du travailleur, qu’elle n’avait aucun commentaire additionnel à transmettre si ce n’est ceux formulés lors de l’audience.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               L’employeur demande de rejeter la plainte du travailleur et de déclarer qu’il n’a pas, dans le calcul de l’ancienneté du travailleur, à créditer à celui-ci des heures non travaillées.

LES FAITS

[5]               Les parties ont admis les faits suivants lors de l’audience devant le conciliateur-décideur de la CSST et elles réitèrent ces admissions :

1. Le 11 juin 1999, le travailleur était embauché par l'employeur à titre de salarié à temps partiel.

 

2. À compter de son embauche, et en tout temps pertinent aux présentes, le travailleur a été un salarié compris dans l'unité de négociation détenue par le Syndicat des salariés de Salaison Expo Granby (CSD).

 

3. À ce titre, en tout temps pertinent au présent litige, le salarié était couvert par une Convention collective de travail (ci-après la «convention collective») conclue entre le Syndicat des Salariés de Salaison Expo Granby (CSD) et Olymel, Société en commandite et Olymel inc. (son commandité).

 

4. En tout temps pertinent au présent litige, l'annexe « C » de la convention collective prévoyait ce qui suit:

 

« 1. Les conditions de travail de la présente convention collective de travail s'appliquent intégralement aux salariés temps partiel à l'exception des articles 10, 11, 13.07 a) et b), 14.12, 16, 18, 21.01 9), 26 et 28 et de ceux modifiés par la présente annexe.  

( … )

 

2. Ancienneté

 

L'ancienneté signifie la durée de service calculée en heures travaillées d'un salarié à temps partiel depuis son dernier embauchage.

 

L'employeur fournit au syndicat mensuellement la liste de disponibilité des salariés à temps partiel ainsi qu'une liste d'ancienneté à jour de ces salariés.»

 

5. L'article 10 dont il est question dans la liste des exceptions énumérées à la clause 1., précitée, est l'article relatif à l'ancienneté.

 

6. Le 26 mai 2001, le travailleur a subi un accident du travail.

 

7. À la date de son accident de travail, le travailleur avait accumulé à titre d'ancienneté un total de 2 194.78 heures travaillées au sens de la convention collective.

 

8. Pendant la durée de son incapacité, le travailleur a été partiellement affecté soit en assignation temporaire (« travaux légers »), en formation ou en retour au travail progressif, le tout pour un total de 102 heures travaillées, à savoir:

 

.           semaine finissant le 16 juin 2001: 24.00 heures travaillées;

.           semaine finissant le 7 juillet 2001: 8.00 heures travaillées;

.           semaine finissant le 28 juillet 2001: 24.00 heures travaillées;

.           semaine finissant le 24 novembre 2001: 26.00 heures travaillées;

.           semaine finissant le 1er décembre 2001: 20.00 heures travaillées.

 

9. Outre ces périodes d'affectation, le travailleur a été en arrêt de travail.

 

10. Le travailleur a repris son travail régulier le 30 novembre 2001, date de consolidation de sa lésion.

 

11. Pendant sa période d'incapacité, s'étendant de la date de l'accident (26 mai 2001) au 29 novembre 2001, soit la veille de son retour au travail régulier, le travailleur, conformément à l'article 2 de l'annexe « C» de la convention collective, a accumulé une ancienneté de 102 heures travaillées, telles que ci-haut détaillées.

 

12. Outre ces 102 heures, le travailleur, conformément à l'article 2 de l'annexe « C » de la convention collective, n'a pas accumulé d'ancienneté pendant les arrêts de travail survenus dans le cadre de sa période d'incapacité.

 

13. Ainsi, à la date du retour au travail du travailleur le 30 novembre 2001, l'employeur lui a reconnu un ancienneté totale de 2 296.78 heures travaillées.

 

14. L'employeur calcule l'ancienneté de tous les salariés à temps partiel conformément aux dispositions de l'article 2 de l'annexe « C », soit en fonction de leurs heures travaillées et tout salarié à temps partiel qui s'absente du travail, quel que soit le motif de son absence, n'accumule aucune ancienneté pendant son absence.

 

15. Quant à la durée de service continu du travailleur, cette question ne fait pas l'objet de la présente plainte, le service continu du travailleur n'ayant pas été affecté par son absence pour accident de travail, ayant été accumulé au sens de la Loi sur les normes du travail.

 

 

[6]               Lors de la présente audience, les parties admettent qu’aucune procédure de grief n’a été logée. Ils admettent également ce qui suit :

1. N'eut été de son accident de travail, le travailleur aurait travaillé 875.17 heures de plus au cours de la période du 26 mai 2001 (date de l'accident de travail) au 30 novembre 2001 (date de retour au travail régulier).

 

1.5 Au moment de la survenance de son accident de travail, le travailleur précédait immédiatement M. Simon Tardif dans le rang d'ancienneté.

 

2. À son retour au travail au 30 novembre 2001, le salarié était derrière M. Simon Tardif dans le rang d'ancienneté.

 

3. Si les 875.17 heures avait été comptabilisées par l'employeur, le salarié aurait obtenu une ancienneté supérieure à celle de M. Simon Tardif et serait donc passsé devant lui dans le rang d'ancienneté.

 

4. L'ancienneté a un impact sur l'horaire de travail, le choix des vacances et les chances d'obtention d'un poste régulier.

 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[7]               Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis que l’article 32 de la loi ne trouve pas application compte tenu de l’interprétation de la Cour d’appel qui conclut que ne constitue pas une mesure de représailles ni tout autre type de sanction le fait de prétendre qu’on n’est pas obligé de payer une prestation en vertu de la loi. Quant à la question au fond, le membre est d’avis que l’ancienneté a bien été calculée selon la convention collective applicable, conformément à l’article 235 de la loi, c’est-à-dire en fonction des heures travaillées, et ce, compte tenu du statut du travailleur (temps partiel). Le membre est d’avis qu’interpréter autrement l’article 235 équivaudrait à confondre la notion de service continu et celle de l’ancienneté, deux notions qui sont distinctes.

[8]               Le membre issu des associations syndicales est d’avis que l’article 32 de la loi doit recevoir une interprétation large et que la plainte logée est le bon véhicule puisque le travailleur précise sur son formulaire de plainte à la CSST qu’il fait l’objet d’une mesure discriminatoire, à savoir qu’il a perdu certaines heures dans le calcul de son ancienneté, ce qui est contraire à l’article 235 de la loi. Le membre est d’avis qu’en précisant au premier alinéa de l’article 235 de la loi, que l’ancienneté s’accumulait au sens de la convention collective applicable, le législateur voulait que l’ancienneté continue de s’accumuler durant l’absence pour lésion professionnelle et qu’il y avait lieu de se référer à la convention quant aux modalités de calcul, que ce soit en heures, jours, semaines, pourcentage etc. mais non pour restreindre l’ancienneté à des heures travaillées d’autant plus que l’objet de la loi vise la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[9]               La Commission des lésions professionnelles doit décider, dans un premier temps, si la plainte logée par le travailleur en vertu de l’article 32 de la loi est le véhicule approprié et, le cas échéant, si l’employeur a exercé des mesures discriminatoires ou des représailles envers le travailleur ou lui a imposé une sanction parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle en refusant de lui créditer 875.17 heures au niveau de son ancienneté et si ceci est contraire à l’article 235 de la Loi Loi sur les accidents et les maladies professionnelles[1] (ci-après la loi ou la LATMP).

[10]           Pour que le travailleur ait gain de cause dans sa plainte logée en vertu de l’article 32 de la loi, il doit démontrer, par une preuve prépondérante, qu’il a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa de l’article 32 de la loi, à savoir un congédiement, une suspension, un déplacement ou encore de mesures discriminatoires ou des représailles au motif qu’il a subi une lésion professionnelle.

[11]           Si le travailleur réussit à démontrer qu’il a été l’objet d’une sanction ou d’une mesure visée à l’article 32 de la loi et que cette mesure ou cette sanction a été prise dans les six mois de la date de la lésion professionnelle, la sanction ou la mesure visée à l’article 32 de la loi est présumée, en vertu de l’article 255 de la loi, avoir été prise parce que le travailleur a subi une lésion professionnelle. C’est alors à l’employeur de prouver, par une preuve prépondérante, qu’il a pris cette sanction ou cette mesure pour une autre cause juste et suffisante.

[12]           Les articles 32, 253 et 255 de la loi se lisent comme suit :

32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.

 

Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253.

 

253. Une plainte en vertu de l'article 32 doit être faite par écrit dans les 30 jours de la connaissance de l'acte, de la sanction ou de la mesure dont le travailleur se plaint.

 

Le travailleur transmet copie de cette plainte à l'employeur.

 

255. S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d'une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice de ce droit.

 

Dans ce cas, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.

________

1985, c. 6.

 

 

[13]           Le travailleur n’invoque pas avoir été victime d’un congédiement, ni d’une suspension ou d’un déplacement mais avoir fait l’objet d’une mesure discriminatoire ou de représailles ou d’une sanction, à savoir avoir perdu 875.17 heures au niveau de l’ancienneté parce qu’il s’est absenté en raison d’une lésion professionnelle et que ceci contrevient à l’article 235 de la loi, qui se lit comme suit :

235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle :

 

1°  continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N - 1.1);

2°  continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.

 

Le présent article s'applique au travailleur jusqu'à l'expiration du délai prévu par le paragraphe 1° ou 2°, selon le cas, du premier alinéa de l'article 240.

 

 

[14]           L’employeur soumet, dans un premier temps, que la plainte logée en vertu de l’article 32 de la loi n’est pas recevable puisqu’il n’y a pas eu de sanctions, ni de mesures discriminatoires ni de représailles exercées à l’encontre du travailleur, l’employeur n’ayant qu’appliqué la convention collective librement négociée, comme il estime que lui permet l’article 235 de la loi. À cet égard, il soumet l’affaire Marin c. Société canadienne de métaux Reynolds[2] (affaire Marin) et l’affaire Olymel St-Simon et Chamberland[3] ainsi que plusieurs autres décisions dont il sera traité plus loin.

[15]           Le travailleur soumet, pour sa part, que l’article 32 est le bon véhicule puisque l’employeur a appliqué une mesure discriminatoire et illégale à son égard en ne le créditant pas des heures qu’il aurait normalement travaillées durant son absence pour lésion professionnelle et que ceci est contraire à l’article 235 de la loi, qui prévoit qu’il continue d’accumuler l’ancienneté durant son absence pour lésion professionnelle. Il soumet la décision Gagné & Roy inc. et Maltais[4] et plusieurs autres décisions rendues dans le contexte de l’article 242 de la loi.

[16]           La procureure de l’employeur soumet que la Cour suprême a rejeté la permission d’en appeler dans l’affaire Purolator Courrier Ltée et Hamelin et al[5] (affaire Purolator), dont fait état la décision Gagné & Roy inc. et Maltais, de sorte que le droit est maintenant établi, à savoir que l’article 32 de la loi n’a pas été conçu pour couvrir les divergences de vue opposant un employeur à une victime au sujet de l’interprétation de la loi et qu’un tel cas ne constitue pas une sanction ni des représailles, le comportement de l’employeur ne pouvant, en pareil cas, constituer une sanction au sens de cet article.

[17]           Cet argument a déjà été traité dans l’affaire Major-Benoît et C.H. Régional du Suroît[6] et n’a pas été retenu pour les motifs suivants :

36. Quant aux allégations de la représentante de l’employeur à l’effet que l’article 32 de la  loi ne confère pas le pouvoir à la Commission des lésions professionnelles de décider qu’un travailleur a droit à une prestation en vertu de la loi ni de déterminer l’étendue de cette prestation puisque le non-paiement d’une prestation ne constituerait pas une mesure discriminatoire, allégation appuyée sur les « obiter dictum » de la Cour d’appel dans les affaires Purolator Courrier et François Hamelin et CSST et Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, la Commission des lésions professionnelles ne peut y faire droit. En effet, la Commission des lésions professionnelles constate que ces commentaires de la Cour d’appel ont été émis pour démontrer que l’article 32 ne confère pas plus de pouvoir à la CSST que ne le fait l’article 349 de la loi. La Commission des lésions professionnelles rappelle qu’elle a ici les mêmes pouvoirs que la CSST en vertu de l’article 377 de la loi qui lui permet de confirmer, modifier ou infirmer la décision, l’ordre ou l’ordonnance contesté et s’il y a lieu rendre la décision, l’ordre ou l’ordonnance qui à son avis aurait dû être rendu en premier lieu. De plus, la Commission des lésions professionnelles note que ces commentaires de la Cour d’appel dans Purolator Courrier qui rappelaient l’affaire Marin ont été repris dans la cause CSST et Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique où il s’agissait de déclarer si l’article 32 de la loi s’appliquait à une entreprise relevant de la compétence fédérale. La décision fut à l’effet que l’article 32 ne s’appliquait pas à une telle entreprise.

 

[18]           Considérant que cette décision a été portée en révision, la Commission des lésions professionnelles entend référer plus loin à ces jugements pour une meilleure compréhension de la question puisque les dernières décisions de la Cour d’appel peuvent permettre de comprendre l’obiter dictum dans l’affaire Marin, à savoir que l’article 32 était inapplicable au cas puisqu’il ne s’agissait pas de sanction. Comme la Cour d’appel avait décidé de ne pas intervenir en cas de controverse jurisprudentielle sur l’article 242 de la loi, certains y avaient vu une contradiction avec l’énoncé sur l’absence de sanction au sens de l’article 32 de la loi.

[19]           Dans l’affaire Vallières et Fromagerie de Corneville[7] (Vallières), rendue après Marin, la Cour d’appel conclut que si elle devait tenir pour acquis (sans le décider) que l’article 32 n’était pas le bon recours pour obtenir réparation d’une violation à l’article 235 de la loi, ceci n’écarte pas la compétence exclusive prévue à l’article 349 de la loi, qui permet à l’employé de soumettre sa demande à la CSST puis à la Commission des lésions professionnelles :

1. Tenant pour acquis, mais sans le décider, que l’article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q.,chap. A-3.001), (ci-après désignée la « Loi ») ne serait pas le véhicule approprié pour obtenir réparation de la violation à l’article 235, il faut néanmoins reconnaître que l’article 349 de la Loi permet à l’employé de soumettre sa demande à la Commission de la santé et de la sécurité du travail et éventuellement à la Commission des lésions professionnelles.

 

2. En l’espèce, l’employé estimait que l’employeur contrevenait à son obligation de participer au régime de retraite selon l’article 235 de la Loi. Cette question est manifestement au cœur de la compétence de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et, en appel, de la Commission des lésions professionnelles. (…)

 

 

[20]           Dans l’affaire Purolator, rendue après l’affaire Vallières, la Cour d’appel casse une sentence arbitrale en raison de l’inapplicabilité à l’appelante (entreprise fédérale) de l’article 32 de la loi. La Cour d’appel réitère que cet article n’a pas été conçu pour couvrir les divergences de vues opposant un employeur à une victime au sujet de l'interprétation de la loi. La Cour réfère expressément à l’affaire Marin où elle estime avoir été claire quant à la non application de l’article 32  au cas puisque l’employeur n’avait pas imposé de sanction. La juge Deschamps s’exprime ainsi:

48. En l'espèce, l'article 32 comporte deux aspects: le premier, substantif, le deuxième, de procédure.

 

49. L'article 32 LATMP protège la victime d'une lésion professionnelle contre un congédiement, une suspension, un déplacement, des actes de représailles ou un comportement discriminatoire d'un employeur.  Le droit créé par cet article est en sus de l'indemnité que peut verser la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).  La prestation due à la victime n'a pas de lien direct avec le comportement de l'employeur en entreprise.  En effet, l'indemnité est une compensation due à la victime et calculée conformément à la LATMP alors que le droit conféré à l'article 32 est à la fois préventif et curatif.  Il agit tantôt comme outil de dissuasion contre l'employeur tantôt comme outil pour sanctionner un comportement prohibé.  Dans les deux cas, il n'a pas d'effet direct sur l'indemnité reçue par la victime mais, à long terme, peut protéger une indemnité à recevoir.

(…)

52. L’article 32 comporte aussi un volet procédural. (…) Ce n’est qu’exceptionnellement que cette loi accorde directement compétence à un autre forum que la CSST ou à ses mécanismes propres. Cela est d’autant plus frappant que l’article 349 LATMP désigne la CSST comme tribunal exclusif pour toute question visée par la LATMP.

(…)

54. Par ailleurs, sur le volet de la procédure et au-delà du droit substantif conféré par le premier alinéa, l'article 32 n'accorde pas plus de pouvoir à la CSST que ne le fait l'article 349 LATMP.  En fait, ce volet de procédure n'est qu'une répétition de la compétence initiale et exclusive qui est attribuée à cet organisme.

 

55. Je note d'ailleurs que, au-delà des divergences notées au sein des tribunaux administratifs concernant le paiement des heures supplémentaires dans le contexte de l'article 180 LATMP, ce n'est que par interprétation, et à défaut de prendre appui sur l'article 349 LATMP, que les recours des victimes sont fondés sur l'article 32 LATMP.  Cet article n'a, de toute évidence, pas été à l'origine conçu pour couvrir les divergences de vues opposant un employeur à une victime au sujet de l'interprétation de la LATMP.  Notre Cour l'a noté à l'occasion d'un litige portant sur une divergence d'interprétation de l'article 242 LATMP concernant l'accumulation des heures de travail pendant l'absence d'un employé.  Dans l'affaire Marin c. Société canadienne de métaux Reynolds ltée [1996] C.A.L.P., la Cour le mentionne clairement (à la page 1341):

 

La Cour estime qu'ici l'article 32 n'a pas d'application puisqu'il ne peut s'agir de sanction.  Cet article traite des sanctions que l'employeur ne peut imposer à un travailleur en raison d'une lésion professionnelle subie.

 

 

[21]           Le juge Beauregard, qui est d’accord avec la juge Deschamps, s’exprime ainsi:

10. L'article 32 trouve application lorsqu'un employeur pose des actes de représailles.  Or, prétendre qu'on n'est pas obligé de payer une prestation ne constitue pas une mesure de représailles. V. Marin c. Société canadienne de métaux Reynolds Ltée [1996] C.A.L.P. 1339 .

 

11. En conséquence le grief est irrecevable en autant qu'il est fondé sur l'article 32.

 

13. Si un litige survient quant aux prestations auxquelles un accidenté a droit, il appartient uniquement à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de le régler. C’est ce que dispose expressément l’article 349 de la loi. L’arbitre de grief n’a absolument aucune juridiction à cet égard, encore moins pour décider, pour le cas où cela serait contesté, si c’est la Commission ou l’employeur qui doit payer la différence entre le salaire effectivement gagné par l’accidenté et ce à quoi celui-ci aurait eu droit si l’employeur n’avait pas choisi de tirer profit de l’article 179 qui lui permet de rappeler au travail l’accidenté.

(…)

Bref, l’article 349 confère une juridiction exclusive à la Commission pour toute question concernant l’application de la loi, alors que l’article 32 ne peut conférer juridiction à la Commission ou à un arbitre de grief dans le cas où les mesures de représailles sont exercées par une entreprise relevant de la compétence fédérale.

 

 

[22]           Dans l’affaire CSST c. Compagnie de Chemin de fer canadien et al.[8] (Chemin de fer), la Cour d’appel conclut dans le même sens que dans l’affaire Purolator. Le juge Beauregard partageant l’opinion de la juge Deschamps, s’exprime ainsi concernant la compétence de la Commission des lésions professionnelles pour décider de la question en litige vertu de l’article 349 :

5. Je partage la conclusion du juge de première instance et celle du juge Deschamps.

 

6. En application de l’article 349 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles L.R.Q., c. A-3.001, les questions de savoir si un travailleur a droit à une prestation et de savoir quelle est l’étendue de cette prestation sont de la compétence exclusive de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et ne peuvent être réglées par un arbitre de grief en application de l’article 32 de la Loi.

 

7. L’article 32 de la Loi ne confère pas le pouvoir de décider si un travailleur a droit à une prestation en application de la Loi ni de déterminer l’étendue de cette prestation. Il s’agit seulement d’une disposition qui offre un recours au travailleur dans le cas où l’employeur a exercé une mesure de représailles contre lui. La prétention par un employeur qu’il ne doit pas une prestation ne constitue pas une mesure de représailles.

 

 

[23]           C’est ainsi que l’on peut être amené à conclure que la Cour d’appel s’est fait une idée sur la question et qu’en pareil cas, il ne peut s’agir d’une sanction ou de représailles au sens de l’article 32 de la loi.

[24]           Concernant des mesures discriminatoires exercées par un employeur au sens de l'article 32 de la loi, la Cour supérieure s’exprime ainsi dans l’affaire Sobeys et C.L.P. et Gauthier et al[9]:

Il est évident que les mesures discriminatoires dont il est question aux articles 32 et 255 de la Loi comprennent des mesures allant à l'encontre de cet article 242, et que l'espèce s'y rattache de façon rationnelle; ainsi, rien n'empêchait l'intimée d'utiliser les prescriptions de l'article 242 de la Loi pour, en l'espèce, préciser ce que pouvait constituer une mesure discriminatoire au sens des articles 32 et 255.

 

Pour le surplus, l'intimée agissait à l'intérieur de sa compétence spécialisée et rien n'indique qu'elle ait erré de façon manifestement déraisonnable, que sa décision soit clairement irrationnelle.

 

 

[25]           Dans l’affaire Gemme c. Sidbec-Dosco et al[10], la Cour d’appel s’exprime ainsi concernant la l’article 32 de la loi  et les mesures discriminatoires :

1. L’article 32 LATMP

 

Sidbec admet que le programme offrait aux employés actifs un traitement différent de celui offert aux employés visés par l’exclusion. Sidbec prétend toutefois qu’une telle distinction n’est pas prohibée par l’article 32 LATMP parce que les prestataires ne sont pas écartés en raison du fait qu’ils sont accidentés mais parce qu’ils reçoivent des prestations d’une autre forme. En ce sens, l’objet de l’exclusion n’est pas de priver les accidentés d’un droit ni de les défavoriser parce qu’ils sont accidentés. La CALP se serait méprise sur l’objet de l’exclusion et sur le lien de causalité prévu à l’article 32 et aurait omis de se prononcer sur l’existence d’une autre cause juste et suffisante.

 

La CALP a conclu que la comparaison devait être faite entre les travailleurs en bonne santé et les accidentés peu importe que d’autres prestataires soient aussi discriminés. La décision dans le dossier connexe, à laquelle réfère le commissaire saisi du présent dossier, comporte le passage suivant :

 

Il importe peu de déterminer si les travailleurs ayant subi une lésion professionnelle ont été traités de façon équitable comparativement aux autres travailleurs devenus invalides pour une autre raison. Ce qui importe selon la Commission d’appel, c’est qu’il sont traités différemment des autres travailleurs « en bonne santé » parce qu’ils ont subi une lésion professionnelle qui les a rendus invalides. Et ça, c’est de la discrimination.

 

 

Cette interprétation relève d’une analyse globale du programme et de la preuve versée par l’employeur voulant que l’exclusion visait à prévenir la réception d’une double indemnité par un employé.

 

Comme les accidentés reçoivent une première indemnité en raison de l’exercice de droits prévus à la LATMP, il paraît évident que leur exclusion trouve son fondement dans l’exercice de ces droits et qu’une intervention des tribunaux judiciaires par voie de révision n’est pas justifiée.

 

La CALP a aussi conclu comme suit au sujet du choix au programme sur la base de la réception d’une indemnité d’une autre source:

 

Finalement, la Commission d’appel ne retient pas l’argument de l’employeur à l’effet que l’exclusion des appelants de l’application du PAE visait à empêcher qu’ils reçoivent une double indemnité. La Commission d’appel considère que le fait pour un travailleur de recevoir une indemnité de remplacement du revenu de la Commission ne doit pas l’empêcher de pouvoir retirer une rente en vertu du régime de retraite de l’organisme pour lequel il a travaillé le nombre d’années nécessaires pour en bénéficier. D’ailleurs, les dispositions de l’article 235 de la loi prévoient qu’un travailleur, qui s’absente de son travail en raison d’une lésion professionnelle, continue de participer, à certaines conditions, aux régimes de retraite et d’assurances qui lui sont offerts par son employeur.

 

Décidant ainsi, la CALP se prononçait tant sur l’objet de l’exclusion que sur la cause juste et équitable. La question de savoir si l’indemnité prévue au programme constituait un dédoublement avec les prestations découlant de la loi peut, au mieux, être considérées comme une question controversée (…) l’intervention des tribunaux judiciaires n’est pas justifiée sur cette conclusion.

 

2. Les critères de l’arrêt Andrew[11]

 

Sidbec fait grief à la CALP de ne pas avoir exigé la preuve de son intention de discriminer les accidentés et d’avoir ainsi aveuglément appliqué l’arrêt Andrew.

 

Dans le présent cas, le texte même du programme vise les accidentés du travail. Sans même faire référence au principe de l’arrêt Andrew voulant que l’intention de discriminer ne soit pas pertinente, il est évident que Sidbec voulait distinguer les accidentés au motif qu’ils recevaient des prestations en vertu de la LATMP. Même s’il ne s’agit pas d’une discrimination malicieuse ou de mauvaise foi, comme l’a fait remarquer la CALP, il s’agit tout de même d’une discrimination intentionnelle. La référence à l’arrêt Andrew, dans ces circonstances n’était pas nécessaire.

                                                                                                          (nos soulignés)

 

[26]           Considérant les motifs exprimés par la Cour supérieure dans Sobeys et par la Cour d’appel dans Gemme, la Commission des lésions professionnelles considère que des mesures discriminatoires au sens de l’article 32 de la loi incluent des mesures qui vont à l'encontre de l’article 235 de la loi, de sorte que le recours logé en vertu de l’article 32 est un véhicule approprié.

[27]           Pour décider si l’employeur a exercé contre le travailleur des mesures discriminatoires au sens de l’article 32 de la loi, la Commission des lésions professionnelles doit décider de l’interprétation à donner au premier paragraphe de l’article 235 de la loi dans le contexte de la disposition de la convention collective applicable concernant la question de l’ancienneté du travailleur durant la période d’absence pour lésion professionnelle puisque de cette interprétation dépend l’application de la présomption de l’article 255 de la loi et de son renversement par l’employeur pour une cause juste et suffisante.

[28]           Un rappel de l’article s’impose :

235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle :

 

1°  continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (…)

 

 

[29]           Voici l’interprétation retenue par la CSST dans la décision contestée :

Pendant qu’un travailleur est en incapacité de faire son travail à cause d’un accident du travail, il accumule de l’ancienneté au sens de sa convention collective. L’article 235 de la LATMP ne dit pas que la convention collective s’applique pour accumuler l’ancienneté mais elle spécifie qu’elle s’accumule. Lorsqu’il est question qu’elle s’accumule au sens de la convention collective, ce n’est que pour identifier l’ancienneté dont il est question et non pour définir la mécanique avec laquelle elle est accumulée. C’est ainsi que le travailleur en accident de travail doit être crédité en ancienneté pour les heures qu’il aurait normalement travaillées. Considérant la preuve faite, il manque un total de 875.17 heures qu’il aurait normalement travaillées.

 

 

[30]           L’employeur soumet que l’utilisation des termes « continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable » à l’article 235 de la loi réfère à ce que les parties ont convenu au sujet de l’ancienneté dans leur convention collective. Il soumet qu’à titre d’employé à « temps partiel », le travailleur n’a pas perdu des heures au niveau de l’ancienneté puisqu’il ne pouvait en accumuler durant une absence de travail, l’ancienneté d’un travailleur à temps partiel étant calculée en fonction des heures travaillées, ceci s’appliquant indistinctement du motif de l’absence, que celle-ci soit de nature personnelle ou professionnelle.

[31]           L’employeur soumet qu’interpréter autrement les termes « au sens de la convention collective applicable » équivaudrait à vider ces termes de leur sens. Il souligne de plus qu’il ne faut pas confondre la notion d’ancienneté et celle de service continu, qui sont deux notions distinctes.

[32]           Le travailleur soumet, pour sa part, que la loi est d’ordre public et que la convention collective ne peut offrir des conditions moins avantageuses que la loi, laquelle a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires, de sorte qu’un travailleur ne doit pas être pénalisé du fait d’avoir eu une lésion professionnelle. Il réfère aux articles 1 et 4 de la loi, lesquels se lisent comme suit :

1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

 

4. La présente loi est d'ordre public.

 

Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.

________

1985, c. 6, a. 1 et 4.

 

 

[33]           Le travailleur soumet que le sens de l’article 235 de la loi impose de faire comme si le travailleur avait été présent au travail durant son absence pour lésion professionnelle et avait réellement travaillé, ce qui a été reconnu à plusieurs occasions dans le cadre de l’application de l’article 242 de la loi, pour ne pas qu’il soit pénalisé d’avoir subi une lésion professionnelle.

[34]           L’article 242 de la loi se lit comme suit :

242. Le travailleur qui réintègre son emploi ou un emploi équivalent a droit de recevoir le salaire et les avantages aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficierait s'il avait continué à exercer son emploi pendant son absence.

 

Le travailleur qui occupe un emploi convenable a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à cet emploi, en tenant compte de l'ancienneté et du service continu qu'il a accumulés.

________

1985, c. 6, a. 242.

 

 

[35]           Soulignons que l’abondante jurisprudence soumise par les parties traite de recours logé en vertu de l’article 32 de la loi. Il en ressort néanmoins que la controverse qui existait à l’époque du jugement rendu dans l’affaire Marin subsiste encore. Les deux courants jurisprudentiels se résument ainsi : certains, comme l’affaire Bombardier Aéronautique et Frégeau-Corriveau et al[12], appliquent somme toute le raisonnement suivi dans l’affaire Marin et concluent que cet article impose une fiction selon laquelle il faut considérer comme des heures travaillées les heures d’absence pour lésion professionnelle afin que l’article prenne son sens et que le travailleur ne soit pas pénalisé du fait de sa lésion professionnelle.

[36]           Voici ce qu’énonce la Commission d’appel dans Marin, décision qui a été considérée par la Cour d’appel comme étant rationnelle et fondée sur les textes pertinents et qui a eu pour effet de considérer parmi les avantages visés par l’article 242 de la loi, l’indemnité calculée en incluant les heures d’absence en raison de lésion professionnelle :

Le premier alinéa de cet article est à l’effet que le retour au travail doit s’effectuer de telle manière que le travailleur se retrouve dans une situation similaire à celle où il se serait retrouvé en l’absence de lésion professionnelle, et ce, eu égard à son salaire et à ses avantages. Ainsi, si le salaire du travailleur a été majoré (nouvelle convention collective, échelon annuel, etc.) il touchera le nouveau salaire à son retour.

 

De l’avis de la Commission d’appel, le terme « avantages » de l’article 242 couvre les divers bénéfices prévus dans la convention collective ou ailleurs et auxquels un travailleur a droit. Les vacances payées sont définitivement l’un de ces avantages.

 

Le travailleur avait donc droit à son retour de bénéficier de vacances « aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficiait s’il avait continué à exercer son emploi pendant son absence ».

 

Le but de cet article et aussi des diverses dispositions de la loi ( art. 235, 236, 240, 244, 245, 259, 261 ) relatives au retour au travail visent, répétons-le, à permettre au travailleur de ne pas être pénalisé en raison de sa lésion professionnelle.

 

D’autre part, la Commission d’appel ne peut retenir l’avis de l’employeur à l’effet que la demande du travailleur a un aspect rétroactif non couvert par l’article 242. La Commission d’appel considère que la paie de vacances dont il est question ici a été établie et remise au retour ou après le retour au travail du travailleur et que l’élément antérieur (accumulation des heures) dans ce dossier se confond avec les termes « s’il avait continué à exercer son emploi pendant son absence » et en est indissociable.

 

Dans les circonstances, la Commission d’appel est d’avis que, dans cette situation, l’application de l’article 11.13-2b) de la convention collective n’est pas conforme aux dispositions de la loi en matière de retour au travail et ne saurait avoir préséance sur cette loi, qui est d’ordre public. Dès lors, la Commission d’appel ne peut que conclure que l’employeur n’a pas prouvé une cause juste et suffisante au sens de l’article 255 de la loi. »

 

 

[37]           D’autres, le second courant jurisprudentiel, comme l’affaire La Société Lucas Aérospace et Malandrakis[13], suivent le raisonnement de la Cour supérieure dans l’affaire Marin et considèrent que l’article 242 ne permet pas de transformer en heures travaillées celles qui ne l’ont pas été, et que le faire confère une rétroactivité à l’article, qui ne s’applique qu’après le retour au travail et non durant l’absence, l’article 235 énonçant les avantages dévolus durant l’absence.

[38]           Voici le raisonnement tenu par la Cour supérieure dans Marin :

«L’intimé Perreault conclut que le terme « avantages » comprend les heures qu’aurait accumulées le travailleur au cours de ses jours de travail où il a été absent à cause de son accident. Avec égards, le Tribunal ne peut convenir que l’intimé puisse ainsi ajouter à la loi ce qui n’y apparaît d’aucune façon. Même une interprétation rationnelle de la disposition législative elle-même ne peut permettre d’en arriver à cette conclusion. Avec égards, une telle façon de procéder pourrait facilement donner lieu à introduire dans la loi, sous l’expression « avantages », une foule de bénéfices que les employeurs devraient accorder à leurs salariés, sans que ces bénéfices soient prévus par le législateur. Le tribunal ne peut concevoir qu’il puisse ainsi être ajouté au texte législatif du seul fait de l’interprétation d’un tribunal administratif. Si spécialisé soit-il, il n’a pas cette juridiction de remplacer le législateur.

 

L’article 1 de la loi en indique clairement l’objet, de même que le champ d’application, et confère au travailleur certains droits « dans les limites prévues au chapitre VII ». L’article 235 indique notamment que pendant son absence au travail, le travailleur :

1. continue d’accumuler de l’ancienneté [...] et du service continu [...]

2. continue de participer aux régimes de retraite et d’assurances.

 

Le législateur a indiqué dans cet article quels sont les avantages du travailleur qui réintègre son emploi, au moment de sa réintégration. La référence précédemment citée quant à la décision de Me Lyse Tousignant faite par le commissaire Cuddihy dans Baker est tout à fait pertinente et le Tribunal, acceptant les conclusions de cette dernière, fait également siens ces propos. Il conviendrait aussi d’ajouter l’opinion de l’arbitre, Me François Hamelin, dans The Gazette c. Syndicat des communications graphiques qui a le mérite aussi de reprendre ce qu’il appelle « une jurisprudence majoritaire » à laquelle il adhère quant à l’interprétation de l’article 242, dont il dit que :« Les bénéfices concernent exclusivement les salaires et conditions de travail applicables à partir du moment où le travailleur réintègre son emploi après une absence causée par un accident de travail. À sa réintégration, les salaires et conditions de travail du travailleur ne doivent pas être affectés par son absence; ceux-ci seront ceux dont il aurait normalement bénéficié s’il n’avait pas été absent du travail. »

 

Ainsi, le Tribunal ne peut convenir que le terme « avantages » contenu à l’article 242 de la loi permet au travailleur qui réintègre son emploi d’accumuler pendant son absence des heures de travail. C’est là faire dire à cet article plus que ce qu’il comprend et c’est même aller à l’encontre du dernier paragraphe de l’article 1 cité précédemment, qui circonscrit aux limites prévues au chapitre VII les droits au retour au travail du travailleur victime d’une lésion professionnelle.

 

 

[39]           Ce dernier courant jurisprudentiel réitère des motifs exprimés par la Commission d’appel dans l’affaire Nadeau et Chemins de fer nationaux[14] :

(…) L’article 242 (…). Cet article ne dit pas que le travailleur a droit de récupérer le salaire et les avantages rattachés à sa période d’absence. Il ne dit pas non plus qu’il a le droit de recevoir le salaire et les avantages qu’il aurait eu s’il ne s’était pas absenté. Cet article dit simplement que le travailleur a alors droit de retrouver le salaire et les avantages reliés à son emploi aux mêmes taux et conditions que s’il ne s’était pas absenté.

 

 

ainsi que dans l’affaire Poudrier et produits forestiers Domtar inc.[15], où l’on indique que :

La Commission d'appel ne peut faire sienne, en l’espèce, l’interprétation soutenue par le travailleur sans pour ce faire ajouter à la loi.

 

En effet, cette approche soutient que l’article 242 de la loi ne vient aucunement ajouter de façon rétroactive aux éléments protégés par la loi pendant l’absence du travailleur, en raison d’une lésion professionnelle, et énoncés à l’article 235 de cette même loi.

 

Par ailleurs, par le biais d’une «fiction», les tenants de cette interprétation précisent qu’il faut à certains égards considérer comme travaillées des heures d’absence au travail.

 

Cette théorie évacue, de cette fiction, sans préciser les raisons d’une telle distinction, le versement du salaire durant cette période d’absence.  Il est pour le moins difficile de par les termes employés à l’article 242 de la loi d’expliquer une telle déduction.  En effet, le législateur indique que le travailleur a droit de recevoir «le salaire et les avantages» aux «mêmes taux et conditions» de ceux dont il «bénéficierait» s’il avait continué à travailler.

 

S’il est vrai que ce dernier a droit à une rémunération de ses vacances comme s’il avait réellement travaillé, en vertu de quel principe d’interprétation, celui-ci ne pourrait-il pas requérir la différence entre son indemnité de remplacement du revenu et le salaire qu’il aurait gagné s’il avait travaillé?  Aurait-il droit par ailleurs à une rétroactivité salariale calculée en partie sur des heures écoulées durant son absence au travail et en partie depuis sa réintégration?

 

Sous principe de vouloir éviter de désavantager le travailleur victime d’une lésion professionnelle, une telle interprétation, comme considérer les heures d’absence comme réellement travaillées, amène, selon la Commission d'appel, à ignorer la réalité, à savoir des absences de nature personnelle, médicale ou autre et une discrimination envers les autres travailleurs.  Si telle avait été l’intention du législateur, pourquoi celui-ci ne l’aurait-il pas précisé?

 

 

[40]           Outre le fait qu’il y ait deux courants jurisprudentiels sur l’article 242 de la loi, la Commission des lésions professionnelles constate que les tenants du second courant distinguent les avantages de l’article 242 par rapport à ceux énoncés à l’article 235 de la loi. Ainsi, dans la Courchesne et C.H. Hôtel-Dieu de Sherbrooke; Després et C.H. Hôtel-Dieu de Sherbrooke; Pelchat et C.H. Hôtel-Dieu de Sherbrooke; Houde et C.H. Hôtel-Dieu de Sherbrooke; Smith et C.H. Hôtel-Dieu de Sherbrooke[16], on indique ceci:

L’article 242 L.A.T.M.P. vise à accorder au travailleur qui réintègre son emploi les mêmes conditions de travail que celles dont bénéficient les autres travailleurs.  Il s’applique donc au moment de la réintégration du travailleur.  Par conséquent, il ne s’agit pas de considérer les jours d’absence comme étant des jours travaillés et d’accorder rétroactivement au retour du travailleur tout ce qu’il lui serait dû en vertu de la convention collective comme s’il s’agissait des heures effectivement travaillées pendant cette période.  Les jours d’absence, sous réserve de l’article 235 L.A.T.M.P., ne peuvent être considérés comme travaillés en vertu de l’article 242 avantages prévus à l’article 235 L.A.T.M.P., soit l’accumulation de son ancienneté et de son service continu, ainsi que le droit de participer aux régimes de retraite et d’assurances offerts par l’employeur.  On doit donc conclure que le refus par l’employeur de créditer aux travailleurs et à la travailleuse les journées de congé-maladie accumulées durant leur absence, ne constitue pas une sanction illégale contraire à l’article 32 L.A.T.M.P.  L’employeur n’a fait qu’appliquer la convention collective et elle ne contrevient pas à l’interprétation faite des articles 235 et 242 L.A.T.M.P.  D’ailleurs, la convention collective précise que les travailleurs n’on pas le droit d’être indemnisés pour leurs congés-maladie s’ils s’absentent pour une période de plus de trente jour.

                                                                                                               (nos soulignés)

 

 

[41]           La Commission des lésions professionnelles considère que le présent cas diffère de ceux soumis puisqu’il ne s’agit pas, en l’espèce, de décider de l’existence ou non d’un avantage en vertu de l’article 242 de la loi mais de déterminer la situation du travailleur au niveau de l’accumulation de l’ancienneté dans l’application précise de l’article 235 à son cas, à savoir durant la période de son absence pour lésion professionnelle compte tenu des dispositions de la convention collective applicable en la matière.

[42]           Soulignons que l’article 62 du Code du travail prévoit qu’une convention collective peut contenir toute disposition relative aux conditions de travail qui n’est pas contraire à l’ordre public ni prohibée par la loi et que l’article 87.2 de la Loi sur les Normes du travail[17] indique qu’une condition du travail fondée sur l’ancienneté ou la durée du service n’est pas dérogatoire au sens de l’article 87.1[18]

[43]           Comme déjà mentionné précédemment l’article 4 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles énonce le caractère d’ordre public de la loi et qu’une convention peut prévoir pour un travailleur des conditions plus avantageuses que celles prévues à la loi.  C’est dire qu’a contrario, une convention ne peut comporter des conditions moins avantageuses que celles prévues à la loi. 

[44]           L’article 1 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles précise que l’objet de loi est la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires. Cet article énonce également que la loi confère en outre, « dans les limites prévues au chapitre VII, le droit de retour au travail du travailleur victime d’une lésion professionnelle ». Il en ressort que le législateur a voulu imposer certaines limites dans la section du droit au retour au travail puisque le chapitre VII se libelle: « Droit au retour au travail ».

[45]           Plusieurs dispositions du chapitre VII réfèrent aux conventions collectives. L’article 235 de la loi fait partie du chapitre VII et il traite notamment de l’ancienneté au sens de la convention collective. Est-ce à dire que lorsque le législateur parle de convention collective que celle-ci prévaudra à tout coup?

[46]           Dans l’affaire Vallières, la Cour d’appel retient que la décision du commissaire sur la question de l’article 235 paragraphe 2 ne comporte non seulement pas d’erreur mais qu’elle est la seule qui s’arrime au droit consenti en application de l’article 116[19] de la Loi. 

[47]           Dans cette décision accueillant la plainte du travailleur logée en vertu de l’article 32, le commissaire[20] a considéré la jurisprudence de l’article 242 de la loi qui prévoit qu’il y avait lieu de « considérer comme une période réelle de travail celle durant laquelle le travailleur doit s’absenter en raison de sa lésion professionnelle», notamment l’affaire Laprade et Zimmer Groupe inc.[21], et a conclu que l’employeur violait les dispositions de l’article 235 de la loi, précisant que la loi avait préséance sur la convention collective et qu’il n’y avait lieu de référer à celle-ci que pour les modalités de versement de la part que chacun devait apporter au REER durant la période d’absence en raison d’une lésion professionnelle.

[48]           La Commission des lésions professionnelles note que le raisonnement dans l’affaire Vallières est semblable à celui dans l’affaire Marin quant à considérer comme une période réelle de travail celle durant laquelle le travailleur doit s’absenter en raison de sa lésion professionnelle. Or, contrairement à ce qu’indiquait le juge de la Cour supérieure qui considérait ce raisonnement irrationnel, la Cour d’appel a, au contraire, considéré ce raisonnement comme étant rationnel et fondé sur les textes pertinents et n’est pas intervenue.

[49]           Quant à l’ancienneté dont il est question à l’article 235 de la loi, la Commission des lésions professionnelles constate que contrairement à la notion de service continu, définie dans la Loi sur les normes du travail, la notion d’ancienneté n’y est pas définie pas plus que dans le Code du travail ou le Code civil. Il y a donc lieu de se référer au sens commun et à ce qui peut être indiqué à cet égard dans une convention collective.

[50]           Il va de soi que l’employé auquel réfère l’article 235, paragraphe 1 de la loi, est un travailleur qui n’effectue pas des heures de travail puisque l’article précise qu’il s’agit du travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle.

[51]           Si l’on devait suivre le raisonnement de l’employeur quant à l’interprétation des termes « au sens de la convention collective » et référer tout simplement et uniquement à la définition d’ancienneté contenue à la convention collective pour déterminer le droit sur la question, il suffirait d’indiquer à la convention collective que l’ancienneté s’accumule en fonction des heures travaillées pour éviter à tout coup qu’un travailleur absent du travail en raison d’une lésion professionnelle puisse accumuler de l’ancienneté, rendant ainsi inapplicable les dispositions de l’article 235 de la loi. Or, le législateur n’a pas indiqué que l’article 235 s’appliquait « à moins de disposition contraire dans la convention collective » ni sous réserve des dispositions d’une convention collective. Soulignons également que l’ancienneté peut s’acquérir de différentes façons selon les types de convention collective : ex : en heures, jours, semaines, mois, pourcentage, etc. 

[52]           Dans le présent cas, la convention collective applicable prévoit que l’ancienneté d’un employé à temps partiel signifie « la durée de service calculée en heures travaillées d’un salarié à temps partiel depuis son dernier embauchage ». Est-ce à dire qu’il y a lieu de faire une distinction du fait que la convention collective traite différemment un employé régulier ou un employé à temps partiel ? La Commission des lésions professionnelles ne le croit pas. Le présent cas se distingue d’ailleurs de ceux énoncés dans la jurisprudence soumise par l’employeur.

[53]           Dans la sentence arbitrale Le regroupement des travailleurs et travailleuses du Québec et Les Services d’aide Remue-Ménage[22] transmise après l’audience, l’arbitre Sylvestre s’exprime ainsi concernant l’article 235 de la loi :

(…), l’article 235 de la loi prévoit que l’employé qui s’absente en raison de sa lésion professionnelle « continue d’accumuler de l’ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable » L’expression « continue d’accumuler de l’ancienneté est importante car elle exige que cet employé ait commencé, avant la lésion d’en accumuler. À ce chapitre, le paragraphe 15.2 de la convention prévoit que l’ancienneté s’acquiert après qu’un salarié a complété sa période d’essai prévue à l’article 4.1.6. Or, tel n’était pas le cas (…) car, le 2 avril, jour de sa lésion, elle n’avait effectué que 233.85 heures de travail chez l’employeur. Elle était donc loin du compte des 360 heures nécessaires pour se prévaloir d’un poste régulier.

 

Par ailleurs, le 9 octobre, madame Lalonde comptait 318.5 heures de travail effectuées chez les clients. Pour exercer le droit de loger un grief, elle devait avoir cumulé 360 heures de travail travaillées selon l’entente ci-haut à l’effet « qu’aux fins du calcul de la période d’essai » prévue à la convention collective…les seules heures de travail qui peuvent être comptabilisées dans les 360 heures de la période d’essai sont les heures travaillées… ». Donc, faute d’avoir cumulé ces heures (…), madame (..) ne pouvait avoir recours à la procédure de grief.

(…)

Comme l’arbitre Hamelin dans la sentence Provigo[23], l’article 235 de la loi « n’accorde pas au salarié victime d’un accident du travail un droit plus grand que celui que lui reconnaît la convention collective.

 

 

[54]           Dans l’affaire Morrisseau et Domtar inc. (Division papiers fins)[24] à laquelle réfère l’arbitre Sylvestre, la Commission d’appel a néanmoins accueilli la plainte du travailleur au motif que l’employeur aurait dû, une fois la période de probation terminée au mois de juillet 1988, accorder au travailleur la date d’ancienneté qu’il aurait obtenue n’eût été de son absence pour lésion professionnelle, à savoir le 29 mars 1988. La commissaire Harvey a précisé que la décision ne devait pas être interprétée de façon à priver l’employeur de son droit à la période de probation, qui permet d’éprouver les aptitudes d’un travailleur à occuper un emploi et que le travailleur n’aurait pu se soustraire à son obligation de fournir une prestation de travail de 60 jours.

[55]           Soulignons que dans l’affaire Laprade et Zimmcor Groupe inc, (à laquelle a référé le commissaire Dubois dans l’affaire Vallières, qui a été confirmée par la Cour d’appel), la commissaire Harvey avait accueilli la plainte au motif que la loi protégeait, entre autre, la participation du travailleur aux régimes de retraite et d’assurance et que la loi avait préséance sur toute disposition qui aurait pour effet d’empêcher son application et que « l’article 242 de la loi prévoit qu’il faut considérer comme une période réelle de travail celle pendant laquelle le travailleur s’est absenté en raison d’une lésion professionnelle ».

[56]           Dans Langevin et Via Rail inc[25], le travailleur s’est vu attribuer son ancienneté conformément à l’article 235 de la loi, en fonction des listes d’ancienneté déposées. Par contre, le calcul de l’admissibilité à la garantie d’emploi prévue à l’entente se faisant en fonction du nombre d’heures de service rémunéré cumulatif, la Commission des lésions professionnelles a conclu qu’en pareil cas, l’article 235 de la loi n’avait pas pour effet de transformer les heures de service continu en heures effectivement travaillées. La Commission des lésions professionnelles a conclu à l’absence de mesures discriminatoires notamment puisque le travailleur n’avait pas été traité différemment des autres employés de sa catégorie ni privé de droits accordés aux autres travailleurs qui sont dans sa situation et que conclure autrement, aurait pour effet de mettre le travailleur victime d’une lésion professionnelle dans une situation plus avantageuse que le seraient les autres employés absents de leur travail pour cause de maladie ou d’invalidité. La Commission des lésions professionnelles réfère à l’affaire Sydbec-Dosco à l’époque où le jugement de la Cour d’appel n’était pas encore rendu.

[57]           Dans C.P.E. Les Soleils de Mékinac et Diane Lynch[26], la Commission des lésions professionnelles a conclu que le refus de l’employeur, d’accumuler l’ancienneté de la travailleuse, était relié au statut d’occasionnel et aux conditions de travail qui s’y rattachent et non à son droit au retrait préventif. La Commission des lésions professionnelles note qu’il s’agissait d’une plainte logée en vertu de l’article 227 de Loi sur la santé et la sécurité du travail (L.R.Q., c. S-2.1) (loi LSST) et que l’objet de cette loi diffère de celui de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles[27].

[58]           Dans Sauvageau et A.F. G. Ltée (Glaverbec)[28], il s’agit d’un travailleur en probation au moment de la survenance de sa lésion professionnelle et toujours en probation lors de la mise à pied. Il devait effectuer 500 heures pour avoir droit à l’ancienneté et n’avait pu les effectuer étant absent pour lésion professionnelle. La Commission d'appel a rejeté la plainte et décidé que l’ancienneté ou le service continu qu’un travailleur accumule durant sa période d’absence pour lésion professionnelle ne correspond pas à des heures travaillées et qu’il s’agit de deux notions distinctes. La Commission d’appel a conclu qu’étant en probation, le travailleur ne pouvait accumuler d’ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable puisqu’au moment où il a subi une lésion professionnelle il n’avait pas droit à l’ancienneté. La Commission d’appel note que la politique de l’entreprise était de mettre à pied les employés temporaires sur appel avant que la période de probation ne se termine et tous les employés étaient traités de la même façon.

[59]           Dans Lévesque et C.A. François Saguenot[29], le travailleur prétendait que la CSST devait reprendre le processus de la détermination de la question à savoir s'il y avait ou non chez l'employeur un emploi convenable disponible en ne tenant pas compte du statut d'occasionnel qu'occupait le travailleur chez l'employeur mais strictement sur la base de son ancienneté. La Commission des lésions professionnelles a eu à décider si la détermination de la disponibilité d'un emploi convenable chez l'employeur devait s'analyser strictement sur la base de l'ancienneté sans tenir compte du statut d'«occasionnel» du travailleur.

[60]           Dans cette décision Lévesque, la Commission des lésions professionnelles a conclu que les dispositions de la convention collective ne révélaient pas qu’un statut d’occasionnel limitait le droit de retour au travail du travailleur au premier poste disponible. Selon la convention collective, le droit de retour s’exerce en fonction des règles relatives à l’ancienneté et l’employé à temps partiel l’acquiert proportionnellement au nombre d’heures effectuées. La Commission des lésions professionnelles a considéré qu’aucune disposition de la convention collective n’avait désavantagé le travailleur dans son droit de retour au travail.

[61]           Soulignons que les dispositions législatives appliquées dans Lévesque et C.A. François Saguenot sont l’article 239 de la loi, qui précise spécifiquement « sous réserve des règles relatives à l'ancienneté prévues par la convention collective applicable au travailleur » et l’article 244 de la loi qui prévoit que le droit au retour au travail d'un travailleur est mis en application de la manière prévue par la convention collective qui lui est applicable. Les articles 239 et 244 de la loi se lisent comme suit :

239. Le travailleur qui demeure incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle et qui devient capable d'exercer un emploi convenable a droit d'occuper le premier emploi convenable qui devient disponible dans un établissement de son employeur.

 

Le droit conféré par le premier alinéa s'exerce sous réserve des règles relatives à l'ancienneté prévues par la convention collective applicable au travailleur.

 

244. Une convention collective peut prévoir des dispositions relatives à la mise en application du droit au retour au travail prévu par la présente section.

 

Le droit au retour au travail d'un travailleur est mis en application de la manière prévue par la convention collective qui lui est applicable, si celle-ci contient des dispositions prévues par le premier alinéa ou des dispositions relatives au retour au travail après un accident ou une maladie.

 

Dans ce cas, le travailleur qui se croit lésé dans l'exercice de son droit au retour au travail peut avoir recours à la procédure de griefs prévue par cette convention.

________

1985, c. 6

 

 

[62]           Après analyse, la Commission des lésions professionnelles considère que les dispositions de la convention collective applicable concernant l’ancienneté ne peuvent faire en sorte qu’un travailleur ne puisse continuer d’accumuler de l’ancienneté durant la période de son absence pour lésion professionnelle. C’est ce qui ressort de l’article 235 de la loi, puisque le législateur a précisé que le travailleur « continue » d’accumuler, impliquant par le fait même, qu’il y aura accumulation de l’ancienneté durant la période d’absence en raison d’une lésion professionnelle.

[63]           Il ressort, en effet, du journal des débats de l'assemblée nationale[30], que le législateur a voulu ne pas pénaliser un travailleur de son ancienneté durant la période d’absence pour lésion professionnelle :

(…)

 

Droit de retour au travail

 

(…)

 

M. Fréchette:

 

(…)

 

Évidemment, dans ces cas, les principes reconnus à l'intérieur des conventions collectives vont continuer de s'appliquer à la condition cependant que les conventions collectives contiennent des dispositions qui sont ou bien l'équivalent de ce que prévoit la loi ou alors des dispositions ou ces conditions qui sont plus avantageuses que ce que contient la loi.

 

Voilà, Mme la Présidente, pour les principes, les motivations ou les préoccupations d'ordre général. Il faut allier à tout cela ou ajouter à ce que je viens de dire que le chapitre sur le droit de retour au travail prévoit également que l'ancienneté du travailleur va continuer de s'accumuler pendant la période prévue pour l'exercice de son droit de retour au travail. Il faut également retenir qu'à partir de l'indemnité de remplacement de revenu qu'il retirera, il pourra continuer de participer à son régime de retraite, à son régime d'assurances ou à quelque autre régime qui pouvait exister chez son employeur au moment où il a eu son accident. Il pourra continuer de le faire et s'il décide de continuer de le faire, l'employeur devra, quant à lui, continuer de souscrire ou enfin de participer aux différentes cotisations qui sont exigées pour ces régions-là.

 

                                                                                                          (CET-832)

(…)

 

M. Fréchette: Mme la Présidente, lorsque, au mois de novembre 1983, nous avons procédé au dépôt du projet de loi pour les fins de le faire connaître aux principaux intervenants et de leur demander leur évaluation, dans ce premier projet de loi de novembre 1983, nous retenions le principe que l'accidenté de retour au travail, ayant exercé son droit de retour au travail, avait préséance sur quiconque, indépendamment des principes habituels de l'ancienneté, enfin, de tous les principes habituels que l'on retrouve dans les conventions collectives. Après la commission parlementaire de février et mars 1984 et à partir des observations, des commentaires et des demandes qui nous ont été soumis par les gens que nous avons entendus, nous avons "retraité" à cet égard-là et convenu avec l'ensemble des intervenants que le phénomène de l'ancienneté devait continuer de primer, d'être celui qui serait retenu lorsque arriverait le temps d'exercer le droit de retour au travail. C'est donc ce qui a effectivement été retenu et c'est à partir du respect du droit à l'ancienneté et de ce qu'il confère généralement que le droit de retour au travail va être exercé.

 

                                                                                                          (CET-834)

(…)

 

M. Bisaillon: Les travailleurs forestiers. Alors, tous ces travailleurs ont des contrats à durée déterminée. On ne leur reconnaît pas les mêmes droits. Il me semble que l'on devait regarder la possibilité de couvrir l'ensemble des travailleurs, peu importe leur situation et puisque le projet de loi est dans cet esprit, les replacer dans la situation où ils seraient avant l'accident du travail.

 

                                                                                                          (CET-835)

(…)

 

M. Fréchette: Mme la Présidente, c'est ce dont on parlait d'une façon plus générale ce matin. Ce que l'article 221 signifie de façon expresse, c'est que, pendant la période prévue pour l'exercice du droit au retour au travail, l'ancienneté de l'accidenté va continuer de s'accumuler et il pourra continuer de participer au régime de retraite et au régime d'assurances qui sont offerts dans son établissement à la condition, évidemment, qu'il paie ses cotisations. Dans ces cas, l'employeur devra continuer, quant à lui, à assumer sa cotisation à ces différents régimes.

 

L'amendement a pour seul effet de faire la référence à l'article 225, c'est-à-dire de déterminer la période pendant laquelle l'ancienneté sera accumulée ou la possibilité de participer aux régimes de retraite et d'assurances.

 

                                                                                                          (CET-845)

(…)

 

M. Lincoln: J'avais quelque chose à vous demander par rapport à l'article 221, la concordance entre les articles 221 et 222. Je pourrais vous dire quel est le sujet que je voulais aborder et peut-être que demain vous pourrez aussi considérer cela, et à moins que vous n'ayez des réponses qui vont éclairer la question. C'est toute la question de ce qu'on veut dire par "l'ancienneté au sens de la convention collective". Je pensais, par exemple, à des endroits où il n'y a pas de syndicat, pas de convention collective, mais tout de même il y a un principe d'ancienneté qui est établi. Est-ce que le non syndiqué, lui, aura droit au maintien de l'ancienneté? Comment régit-on cette question s'il n'y a pas de convention collective et aussi comment est-ce qu'on rattache cela au fait qu'à l'article 222 le travailleur a l'option, d'après ce que je peux voir, de réintégrer son emploi dans l'établissement où il a déjà été employé ou un autre établissement du même employeur?

 

Prenons le cas d'Eaton aujourd'hui qui a une succursale qui est syndicalisée et une succursale qui n'est pas syndicalisée. Comment rattache-t-on tout cela à la définition de "l'emploi équivalent" qui dit: "…aux qualifications professionnelles requises, au salaire, aux avantages sociaux, à la durée et aux conditions d'exercice"? Il me semble qu'il y a des contradictions là-dedans par rapport aux syndiqués et aux non syndiqués, par rapport aux établissements syndiqués et non syndiqués.

 

M. Fréchette: Mme la Présidente…

 

La Présidente (Mme Juneau): M. le Ministre.

 

M. Fréchette: … vous allez sans doute vous souvenir et comprendre que le genre de discussion qu'on est en train d'amorcer, selon mon évaluation, on l'avait faite ce matin avec le député de Portneuf.

 

M. Lincoln: Ah, je m'excuse. Bon! Cela va

 

M. Fréchette: Je n'ai pas d'objection, quant à moi, à revenir sur le phénomène.

 

M. Lincoln: Non, non.

 

M. Fréchette: Ce qu'essentiellement on a dit, c'est que, dans les conventions collectives où l'ancienneté est définie de façon stricte, cela ne présente pas de problème. Dans les cas où il n'y en a pas, évidemment, il faut lui donner le sens commun des choses. Mais en tout état de cause, lorsqu'il arrive des difficultés au niveau del'interprétation de quelque phénomène que ce soit que l'on retrouve à l'intérieur du chapitre du Droit au retour au travail, il y a des mécanismes qui sont prévus pour essayer de régler les litiges qui peuvent survenir entre les parties, autant là où il y a des conventions collectives que là où il n'y en a pas.

 

Ce qu'on a également retenu dans les dispositions de la loi - et cela a semblé ce matin donner satisfaction au député de Portneuf - c'est que c'est l'ancienneté qui doit prévaloir. L'ancienneté doit prévaloir. Le premier projet de loi contenait des stipulations à savoir que, losqu'un accidenté exerçait son droit au retour au travail, il le faisait sans égard aux droits de ses compagnons de travail, même au droit et aux avantages que l'ancienneté confère. Après les auditions en commission, on a convenu que le principe de l'ancienneté devait prévaloir et que le droit au retour au travail s'exercera lorsqu'un emploi devient possible. On trouve cela à l'article 224, d'ailleurs.

 

                                                                                                          (nos soulignés)

                                                                                                          (CET 854-854)

(…)

 

M. Bisaillon: …On a compris le principe de ce que le droit au retour au travail donne. On a compris que l'ancienneté qui fait foi, qui jouerait, qui s'appliquerait, sauf qu'on n'a pas d'assurance quant aux droits des autres travailleurs…

 

                                                                                                          (CET 856)

(…)

 

M. Fréchette: …Quatrièmement, Mme la Présidente, je pense qu'on va s'entendre sur le fait que notre préoccupation, dans l'étude de cette loi, doit être celle qui vise le travailleur accidenté. Je pense que c'est notre premier objectif qui doit assurer que le travailleur accidenté puisse utiliser autant de droits que c'est possible de le faire.

 

                                                                                                          (CET 856-857)

 

[64]           La Commission des lésions professionnelle note qu'à l'analyse des dispositions concernant le droit de retour au travail du travailleur de la construction, certaines questions se sont posées quant à une exigence d'heures travaillées. On y retrouve ceci:

 

M. Fréchette: Mme la Présidente, l'article 232 se réfère de façon spécifique à l'apprenti, comme on le voit à la deuxième ligne de l'article. L'objectif de l'article 232, c'est très précisément d'éviter la difficulté, dont parle le député de Saguenay, qui ferait en sorte que quelqu'un se trouve pénalisé en termes du nombre d'heures nécessaire pour la classification parce qu'il a été absent en accident du travail ou en maladie professionnelle.

 

M. Maltais: M. Le ministre, j'avais compris que c'était pour les cas où, par exemple au début de l'année, le travailleur commence à travailler et ne peut pas faire ses heures pour conserver sa carte. J'avais compris l'article dans ce sens. Étant donné qu'il subit une lésion, s'il n'a pas fait les 500 ou 300 heures - cela a été  modifié dernièrement - je pensais qu'il fallait qu'il fasse ses heures avant.

 

M. Fréchette: C'est important ce que vous me soulevez.

 

M. Maltais: C'est très important parce que c'est là que…

 

M. Fréchette: Procédons par un exemple, si vous me le permettez. Le travailleur qui aurait besoin - j'utilise un chiffre à tout hasard - de 2000 heures pour obtenir une classification, quelle qu'elle soit, au moment où intervient l'accident a accumulé 1500 heures. Je comprends très bien. Il va falloir couvrir cette situation.

 

M. Bisaillon: M. le ministre, j'avais le même commentaire que le député de Saguenay. Là on parle de ceux qui n'ont pas complété le nombre d'heures, il y a ceux qui peuvent le perdre si leur consolidation est longue, par exemple, si c'est quatre ans. Si on enlevait tout simplement "et qui redevient capable d'exercer son emploi", on couvrirait cela.

 

M. Fréchette: L'objectif est essentiellement d'arriver à faire en sorte que personne ne soit pénalisé à cause du phénomène d'un accident du travail. Cela, c'est l'objectif. On va refaire un texte qui essayer de couvrir la situation globale.

 

M. Maltais: J'aimerais peut-être donner une information supplémentaire. Au niveau de certaines classifications de métiers, ils ont des examens à passer; par exemple, les opérateurs de bouilloire, c'est quant même rare, il n'en pleut pas. Après tant d'heures, il ne faudrait pas que le gars soit pénalisé. Je ne sais pas, c'est le ministère du Travail, je crois, qui accrédite cela. Il faudrait peut-être regarder ce côté aussi pour celui qui a des examens périodiques à passer.

 

M. Fréchette: Est-ce que vous voulez nous dire qu'il faudrait faire en sorte qu'il soit exempté de l'examen ?

 

M. Maltais: non, mais je veux dire qu'il puisse passer l'examen après sa consolidation sans être pénalisé.

 

M. Fréchette: On va essayer de faire une espèce d'article omnibus qui va tout couvrir.

 

M. Maltais: C'est cela.

 

La Présidente (Mme Juneau): On suspendrait donc l'article 232.

 

M. Fréchette: Oui.

 

M. Maltais: J'espère que vous comprenez bien le sens.

 

M. Fréchette: Très bien. Je vous remercie de l'avoir soulevé parce que c'est très important.

 

                                                                                              (nos soulignés)

                                                                                              (CET 872 et 873)

 

[65]           L'article 249 de la loi précise depuis le droit au renouvellement du certificat même si le travailleur n'a pas accumulé le nombre d'heures de travail requis.

[66]           La Commission des lésions professionnelles considère donc qu'il se dégage de l'ensemble des débats ci-dessus relatés que l'intention du législateur est de ne pas pénaliser le travailleur au niveau de son ancienneté et ce, durant le délai prévu à la loi pour l'exercice de son droit de retour.

[67]           La Commission des lésions professionnelles considère que pour que l’article 235 de la loi puisse trouver un sens, il faut comprendre que c’est l’ancienneté « dont il est question à la convention collective », qui « continue de s’accumuler » durant la période d’absence au travail en raison d’une lésion professionnelle. Interpréter autrement l’article 235 de la loi équivaudrait à laisser l’accumulation de l’ancienneté au gré des conventions collectives, ce qui ne correspond pas à l’intention du législateur lorsqu’il a adopté cet article.

[68]           Ainsi, comme il va de soi que l’employé qui s’absente pour une lésion professionnelle ne peut effectuer des heures de travail pour accumuler l’ancienneté dont il est question à la convention collective, la Commission des lésions professionnelles considère qu’aux fins du calcul de l’ancienneté du travailleur, tant l’esprit que la lettre de la loi, permettent de conclure que l’article 235 de la loi vise à permettre au travailleur victime d’une lésion professionnelle de continuer pendant son absence du travail en raison de sa lésion professionnelle, d’accumuler des heures comme s’il les avait travaillées et ce, même si la convention collective dit le contraire, puisque celle-ci doit céder le pas, devant l’article 235 de la loi, qui est d’ordre public.

[69]           Or, comme la preuve démontre que la disposition de la convention collective applicable au travailleur concernant l’accumulation de son ancienneté durant son absence pour lésion professionnelle est contraire aux dispositions de l’article 235 de la loi, puisqu’elle requiert qu’il effectue des heures de travail durant son absence pour lésion professionnelle, la Commission des lésions professionnelles considère que l’employeur doit créditer au travailleur dans le calcul de son ancienneté les heures que ce dernier aurait accumulées n’eût été de sa lésion professionnelle.

[70]           Dans Centre hospitalier des Laurentides c. CALP et al., la Cour supérieure[31] a conclu que la Commission d’appel n’avait pas commis un excès de juridiction en décidant que les mécanismes en application chez l’employeur heurtaient les dispositions de la loi en matière de retour au travail et qu’ils ne sauraient avoir préséance sur cette loi qui est d’ordre public et qui prévaut sur toute convention collective ou entente qui lui serait moins avantageuse :

(…) Il ne peut s’agir d’une décision déraisonnable. La Commission intimée n’a fait qu’appliquer la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles, sur laquelle la plainte de la mise-en-cause était fondée. La Commission intimée n’a pas commis d’erreur en exerçant sa compétence.

 

Si la convention collective ne répond pas aux exigences de cette loi, elle devra être amendée par la requérante et ses employés.

 

 

[71]           Dans Corp Outils Québec inc. c. Dupont[32], le jugement de la Cour supérieure est au même effet :

L’employé n’était pas un employé « ordinaire », mais il était un employé absent avec justification juridique et légale de l’être.

 

En s’attribuant juridiction et en décidant du litige, le commissaire ne commet aucune erreur d’ordre juridictionnel.

(…)

Le commissaire tient compte de la convention collective, et ce n’est qu’en fonction des articles de sa loi qu’il a compétence et juridiction d’appliquer qu’il rend sa décision.

(…)

La décision du commissaire apparaît comme un syllogisme qui comporte la bonne conclusion. L’excès de juridiction n’existe pas dans la mesure où le commissaire n’a ni directement ni indirectement heurté la convention collective. L’excès de juridiction n’existe pas dans la mesure où le commissaire a appliqué une loi qu’il est habileté à appliquer et dont la juridiction ne peut être mise en doute et qui n’a d’ailleurs jamais été mise en doute.

 

 

[72]           Comme le nombre d’heures ne pose pas ici problème puisqu’il y a admission quant au nombre d’heures d’ancienneté que le travailleur aurait accumulées n’eût été de sa lésion professionnelle, la Commission des lésions professionnelles considère que l’employeur doit créditer au travailleur un total d’heures de 875.17 dans le calcul de son ancienneté.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de l’employeur, Olymel Granby;

CONFIRME la décision rendue le 27 mai 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

DÉCLARE que le travailleur, Jonathan Swett, a continué d’accumuler 875.17 heures pendant son absence pour lésion professionnelle;

ORDONNE à l’employeur Olymel Granby de créditer au travailleur, Jonathan Swett, 875.17 heures dans le calcul de son ancienneté.

 

 

 

Marie-Danielle Lampron

 

Commissaire

 

 

 

DESJARDINS, DUCHARME & ASSOCIÉS

(Lucie Guimond, avocate)

Représentant de la partie requérante

 

C.S.D.

(Marie-Anne Roiseux, avocate)

Représentant de la partie intéressée

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          [1996] C.A.L.P. 1339 (C.A.)

[3]          [1999] C.L.P. 197

[4]          16575-72-0108, 2002-07-09, C-A. Ducharme

[5]          2002T-197 (500-09-007114-986, 2002-01-31, jj.Beauregard, Deschamps et Letarte); requête pour permission d’en appeler à la Cour suprême rejetée le 2002-12-02 : 299119

[6]          193527-62C-0211, 2003-01-21. M. Sauvé : requête en révision pendante

[7]          500-09-007481-989 (500-05-043041-985), 2001-12-11, jj.Gendreau, Deschamps et Chamberland

[8]          500-09-007594-997 (500-05-040355-982), 2002-01-31, jj.Beauregard, Deschamps et Letarte

[9]          [1999] C.L.P. 697 , désistement de la requête en Cour d’appel.

[10]         J.E. 1999, no.50, CLPE 1999, no. 08 (jj. Deschamps, Nuss et Pidgeon); requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (2000-08-31, 27716).

[11]         Andrew c. Law Society of British Columbia [1989] 1 RCS 143

[12]         154450-61-0101, 2002-04-19 & 2002-05-23, Anne Vaillancourt; Sobey’s inc. et Gauthier 102134-09-9808, 1999-02-05, Y. Vigneault; Centre Hospitalier St-Augustin et Boiteau et Carbonneau, 121385-32-9908 & 122493, 2001-02-14, M. Beaudoin; Jacques Dubois et Institut Philippe Pinel de Montréal, 169591-64-0110, 2002-02-22, R. Daniel; Robinson et Industries Davie inc, 145792-03B-0009, 2001-03-20, M. Cusson; Beaudoin et Industries Mil Davie inc. et Gérald Robitaille et associés, 145878-04B-0009, 2002-12-10, M. Cusson.

[13]         125481-61-9910, 2000-02-23, M. Denis

[14]         45877-62-9209, 1993-08-31, T, Giroux

[15]         37463-08-9203, 1992-11-10, S. Moreau

[16]         C.A.L.P. 34720-05-9112, 34721-05-9112, 34722-05-9112, 34723-05-9112, 1992-09-29, Jean-Pierre Dupont, commissaire

[17]         L.R.Q., N-1.1

[18]         L’article 87. 1 stipule qu’une convention ou un décret ne peuvent avoir pour effet d’accorder à un salarié visé par une norme du travail, uniquement en fonction de sa date d’embauche et au regard d’une matière sur laquelle porte cette norme prévue aux sections I à VI et VII du présent chapitre, une condition de travail moins avantageuse que celle accordée à d’autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement. N.B.: La section IV traite du salaire, la durée du travail, les jours fériés, chômés et payés, les congés annuels payés.

[19]        116. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est atteint d'une invalidité visée dans l'article 93 a droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l'établissement où il travaillait au moment de sa lésion.  Dans ce cas, ce travailleur paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, et la Commission assume celle de l'employeur, sauf pendant la période où ce dernier est tenu d'assumer sa part en vertu du paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 235.

[20]         [1998] C.L.P. 265

[21]         [1992] C.A.L.P. 912 , révision rejetée, 34133-62-92111, 1993-01-25, S. Moreau

[22]         Tribunal d’arbitrage, 2002-12-19, A. Sylvestre

[23]         Provigo Distribution inc. Centre de distribution St-Laurent, Boucherville et TUAC, section locale 501, 1999-03-15

[24]         [1992] C.A.L.P. 273

[25]         [1998] C.L.P. 809

[26]         [2002] C.L.P. 159

[27]         art. 2. LSST. : La présente loi a pour objet l’élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs. Elle établit les mécanismes de participation des travailleurs et de leurs associations ainsi que des employeurs et de leurs associations à la réalisation de cet objet.

[28]         [1997] C.A.L.P. 831

[29]         130394-71-0001, 2000-07-07, M. Cuddihy

[30]         Journal des débats, Commissions parlementaires, Commission permanente de l'économie et du travail. Étude détaillée du projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (12). Mardi 18 décembre 1984, no.16. Mardi 5 février 1985 no.17. Jeudi 14 mars 1985 no.27. Mercredi 3 avril 1985 no.34. N.B.: L'article 221 du projet de loi 42 correspond à l'actuel article 235 LATMP.

[31]         D.T.E 90T-638

[32]         [1991] C.A.L.P. 80

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