Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Moody Industries Inc.

2006 QCCA 887

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-014290-043

(500-05-056569-005)

 

DATE :

 28  JUIN 2006

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

LOUISE MAILHOT J.C.A.

JACQUES CHAMBERLAND J.C.A.

PIERRE TESSIER J.C.A. (AD HOC)

 

 

THE BOILER INSPECTION AND INSURANCE COMPANY OF CANADA

APPELANTE - défenderesse

c.

 

MOODY INDUSTRIES INC.

INTIMÉE - demanderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                La Cour; - Statuant sur l'appel principal et l'appel incident d'un jugement rendu le 4 février 2004 par la Cour supérieure, district de Montréal (l'honorable Marie-France Courville) qui a condamné l'appelante à payer à l'intimée 426 282 $ avec les intérêts légaux et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. depuis le 15 mars 2000 et qui a déclaré l'intimée déchue de son droit à une indemnité pour l'interruption de ses affaires et pour les dépenses supplémentaires aux termes de la police d'assurance, avec dépens.

[2]                Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;

[3]                Pour les motifs du juge Tessier, auxquels souscrivent madame la juge Mailhot et monsieur le juge Chamberland;

[4]                REJETTE  l'appel principal, avec dépens;

[5]                REJETTE l'appel incident, avec dépens.

 

 

 

 

LOUISE MAILHOT J.C.A.

 

 

 

 

 

JACQUES CHAMBERLAND J.C.A.

 

 

 

 

 

PIERRE TESSIER J.C.A. (AD HOC)

 

Me Ronald W. Silverson

GASCO, GOODHUE

Avocat de l'appelante principale et de l'intimée incidente

 

Me Guy P. Martel

Me Pierre-Paul Daunais

STIKEMAN, ELLIOTT

Avocats de l'intimée principale et de l'appelante incidente

 

Date d’audience :

28 mars 2006


 

 

MOTIFS DU JUGE TESSIER

 

 

[6]                L'appelante principale (« l'assureur »), The Boiler Inspection and Insurance Company of Canada, assureur de l'intimée, Moody Industries inc. (« l'assurée »),  appelle d'un jugement du 4 février 2004 de l'honorable Marie-France Courville de la Cour supérieure du district de Montréal qui la condamne à payer 426 282 $ avec intérêts, indemnité additionnelle et dépens, à titre d'indemnité réclamée par l'assurée en vertu d'une assurance de dommages.  Dans un appel incident, celle-ci demande à la Cour d'infirmer le dispositif du jugement qui l'a déclarée déchue de son droit à une indemnité pour l'interruption de ses affaires et pour les dépenses supplémentaires aux termes de la police d'assurance, au motif de déclarations mensongères, et d'accueillir en conséquence son action selon les conclusions de la déclaration réamendée.

[7]                Ce litige, provoqué par l'effondrement du toit de l'un des immeubles de l'assurée, soulève en deux volets distincts l'applicabilité de la garantie d'assurance souscrite, soit (1) le droit à une indemnité pour dommages matériels causés par l'effondrement à un immeuble adjacent, auquel l'assureur oppose une exclusion, et (2) le droit de l'assurée à une indemnité pour perte de productivité et dépenses supplémentaires, auquel l'assureur oppose la déchéance pour cause de déclarations mensongères à cet égard.

[8]                L'assureur conteste le droit à une indemnité pour dommages matériels à cet autre immeuble, dommages qu'il impute à un état préexistant, au motif de l'exclusion fondée sur l'usure et la détérioration antérieures de ce bien.  Il conteste le droit à une indemnité pour dommages reliés à l'interruption des activités de l'entreprise au motif que les déclarations de l'assurée à ce sujet sont non seulement inexactes, mais aussi mensongères.

[9]                Examinons dans une première étape les éléments pertinents à l'appel principal qui met en question le lien de causalité entre le sinistre survenu dans un immeuble de l'assurée et l'état d'un autre immeuble adjacent.

APPEL PRINCIPAL  :  LA CAUSALITÉ

[10]           Le rappel des faits en preuve permet de mieux situer dans leur contexte les moyens d'appel soulevés par l'assureur.

 

1.         CONTEXTE FACTUEL ET PROCÉDURAL

[11]           L'assurée fabrique à Terrebonne du matériel de manutention utilisé dans des aéroports, tels des convoyeurs et des chariots.

[12]           Le 14 janvier 1999, en fin d'après-midi, le toit de l'un de ses immeubles désigné comme bâtiment numéro 2 s'effondre.  Cet événement en soi ne suscite aucun litige, puisque le débat porte sur l'immeuble adjacent, désigné comme bâtiment numéro 1.  En effet, l'assureur applique à ce sinistre évident survenu dans le bâtiment numéro 2 la garantie d'assurance prévue et paiera une indemnité pour les dommages matériels ainsi causés à ce bâtiment numéro 2.

A.        La garantie d'assurance

[13]           Ces immeubles sont couverts par une assurance multirisques (ou « tous risques ») qui assure contre tous risques de pertes physiques ou dommages directs à la propriété assurée découlant d'un risque non autrement exclu.  La garantie d'assurance couvre toute perte ou dommage à un immeuble assuré causé par une séquence d'événements, sans l'intervention de toute autre cause indépendante, provoquée par un dommage direct à tout autre immeuble assuré.

[14]           Afin de mieux comprendre la suite des événements et de mieux saisir la position des parties, il convient de citer dès maintenant les clauses pertinentes du contrat d'assurance, dont la signification ou la portée n'est pas controversée.  D'abord, la clause de garantie d'assurance :

«  A.  Perils insured

This Policy insures against all risks of direct physical loss or damage to the Property Insured from perils not otherwise excluded, subject to the terms and conditions of this Policy.

In the event of direct damage to any Property Insured on the described premises insured by this Policy and such damage, without the intervention of any other independent cause, results in a sequence of events which causes physical damage to other Property Insured by this Policy, then this Policy will cover such resulting loss or damage.  Nothing in this clause shall be deemed to extend this insurance to property which is otherwise specifically excluded from coverages by the terms of this Policy. »

[15]           L'assurée, à l'égard du bâtiment numéro 1 en litige, invoque le second alinéa cette disposition dans le contexte de cet événement impliquant manifestement le bâtiment numéro 2.  Selon sa position, l'effondrement du toit du bâtiment numéro 2 a causé des dommages au bâtiment adjacent numéro 1, auquel il est rattaché par un mur mitoyen.  Le débat porte sur la cause des dommages constatés au bâtiment numéro 1, dans ce contexte de l'effondrement du toit du bâtiment contigu numéro 2.  L'assureur réplique que les dommages au bâtiment numéro 1 sont minimes, ne nécessitant que quelques réparations au toit.  Toute autre faiblesse structurale, tout autre dommage invoqué résulterait de l'intervention d'une cause indépendante (« without the intervention of any independent cause ») rattachée au piètre état préexistant de cet immeuble vétuste qui en affecterait auparavant la solidité, ce qui exclurait dès lors l'application de la garantie d'assurance.  À cet effet, il invoque l'exclusion d'usure normale et de détérioration progressive de l'immeuble assuré, plaidant qu'il n'est pas tenu d'indemniser toute perte provenant d'un vice propre au bien assuré ou de la nature de celui-ci.

[16]           Le contrat d'assurance contient à ce sujet la clause d'exclusion suivante :

«  This Policy does not insure against :

    […]

    (ii)  wear and tear, deterioration, rust, corrosion or erosion;  gradual cracking, settling, shrinkage, bulging, expansion or other gradually developing defects;  all unless loss by a peril otherwise insured against hereunder ensues and then the Company shall be liable only for such ensuing loss. »

[17]           L'assurée réplique que cet événement a affecté la solidité de l'immeuble, au point de requérir le remplacement complet de la structure de la toiture, la réfection partielle de murs porteurs et le renforcement de cet immeuble, au prix réclamé de 426 282 $ depuis accordé par jugement en première instance.  Décrivons maintenant l'immeuble en cause.

                        B.        L'immeuble assuré

[18]           Le bâtiment numéro 1 est un immeuble centenaire de trois niveaux de planchers construit vers la fin du 19e siècle, semble-t-il en 1892, doté d'un mur de 4 ou 5 briques d'épaisseur, large d'environ 18 pouces, et d'une charpente en bois composée de poutres, de colonnes et de solives.  Le sous-sol et l'étage supérieur sont utilisés comme lieux d'entreposage;  les bureaux de l'entreprise sont situés au rez-de-chaussée où loge l'administration.  Des colonnes en acier ont été ajoutées au rez-de-chaussée à une époque inconnue pour renforcer la structure.

[19]           Le sous-sol et le rez-de-chaussée n'ont pas été affectés par l'effondrement du toit de l'immeuble voisin et ne requièrent aucune réparation significative.  Le litige porte sur la solidité de la structure de bois qui supporte la toiture à l'étage.

[20]           Le bâtiment numéro 1 est perpendiculaire au bâtiment numéro 2.  Une partie du toit du bâtiment numéro 1 se prolonge sur le toit du bâtiment numéro 2.  Ces deux immeubles mitoyens dotés d'une charpente en bois n'ont aucun joint de dilatation entre eux.  Des poutres continues de dimension six pouces par six pouces (6" x 6") à l'étage rattachées à la structure en bois de la toiture traversent d'un bâtiment à l'autre et s'y prolongent, comme s'il s'agissait de la charpente d'un même toit.  Le plancher de l'étage est composé d'une dalle de béton mince d'environ un pouce et demi qui repose sur une structure de bois.  Sous la toiture d'une longueur de 196 pieds et qui en supportent le pontage sont érigées 16 fermes triangulaires en bois d'une longueur de 43.5 pieds (soit la largeur du bâtiment) et d'une hauteur de 7.5 pieds, constituées de pièces de bois de diverses dimensions telles des 6" x 6", 3" x 6".  Six de ces fermes sont supportées au centre par des poutres de douze pouces par douze pouces (12" x 12") (composées de quatre poutres réunies de 6" x 6"), que supportent quatre colonnes.  La plus longue de ces poutres mesure environ 26 pieds et la plus courte 10 pieds.  Cinq autres fermes sont supportées par une colonne de six pouces par douze pouces (6" x 12") et une tige d'acier, désignée comme tirant, traverse cinq autres fermes reliant leur extrémité supérieure à la poutre supportant le plancher de l'étage.  Ces tirants auraient comme fonction de retenir le plancher de l'étage.

[21]           Étant donné la longueur de cet étage, les poutres horizontales sous les fermes ne peuvent évidemment être d'une seule pièce continue.  Elles s'imbriquent l'une dans l'autre et sont traversées en leur extrémité par une connexion sous forme de deux goujons carrés en chêne qui les retient et les unit ainsi en les serrant en jonction.  L'extrémité de ces poutres ainsi rattachées par goujons n'est pas supportée.  L'absence d'une telle connexion pourrait entraîner la disjonction des poutres, l'affaissement des fermes triangulaires désormais sans support et éventuellement l'effondrement du toit, puis, par ricochet, le fléchissement et la chute du plancher de l'étage retenu par les tirants.  Les fermes avec ces tirants retiennent par cette méthode le plancher de l'étage qu'elles supportent.  De l'avis des témoins experts, un goujon est une pièce importante et essentielle à la solidité de la charpente de la toiture.

[22]           De façon plus précise, le litige se situe au niveau de cette connexion sous forme de goujon.  Toute faiblesse des connexions résulterait de l'usure normale de cet immeuble vétuste, plaide l'assureur, alors que l'assurée l'impute au sinistre dans l'immeuble voisin.

[23]           Les pièces inclinées d'une ferme travaillent en compression alors que les pièces horizontales travaillent en traction.  Les goujons, en traction, tiennent donc deux poutres ensemble pour former un support continu sous les fermes.  Ces dernières, en leur extrémité, reposent dans le mur de briques qui sert de point d'appui.  Le bois à cet endroit est altéré par suite d'infiltration d'eau et présente des signes de début de pourriture.  Des joints de mortier se sont détériorés au fil des années, de l'eau s'est infiltrée dans les murs, les membrures de bois sont fissurées de façon longitudinale, les planchers sont dénivelés et des poutres fléchissent.  Cependant, aucun fléchissement n'excède les normes applicables du Code national du bâtiment.  Au sous-sol, comme l'affirme Philippe Grenon, à l'emploi de l'assurée depuis 1963, les colonnes étaient déjà fissurées depuis au moins quarante ans.  Les poutres étaient aussi fissurées depuis longtemps.  Il y a, dit-il, des fissures longitudinales préexistantes sur les colonnes à l'étage, de la pourriture superficielle en quelques endroits à l'extrémité des fermes encastrées dans le mur de briques et des anciennes traces d'eau sur le bois.

[24]           Il va sans dire que l'assureur, pour justifier l'applicabilité de la clause d'exclusion, met l'accent sur ce caractère vétuste de cet immeuble centenaire.

[25]           Le toit du bâtiment numéro 1 est refait en 1994 et les fenêtres du rez-de-chaussée et de l'étage sont aussi remplacées à cette époque par des fenêtres hermétiques modernes.  Depuis 1972, il n'y a jamais eu de modifications, ni aucune colonne ajoutée, affirme ce témoin.

[26]           Quatre témoins experts, tous ingénieurs, ont examiné le bâtiment numéro 1 après ce sinistre du 14 janvier 1999 dans le bâtiment numéro 2, soit Boris Deich et Giovanni Cipolla à la demande de l'assurée, Mario Lévesque et Maurice D'Arcy pour le compte de l'assureur.  Les deux experts de l'assurée concluent à un lien de causalité entre l'effondrement du toit voisin et les dommages constatés à la charpente de la toiture à l'étage du bâtiment numéro 1;  les deux experts de l'assureur imputent cette situation à la détérioration antérieure de l'immeuble, notamment eu égard à son âge avancé.

[27]           Boris Deich témoigne que le bois des poutres et des fermes est sain.  Une coupe des fermes à l'étage du bâtiment numéro 2, de nature semblable à celle du bâtiment numéro 1, effectuée à la demande de Mario Lévesque, révèle que le bois est très sain, affirme ce dernier.

[28]           Après cette description de l'immeuble, abordons maintenant l'événement déclencheur de la réclamation de l'assurée.

C.        Le sinistre

[29]           Présent dans le bureau de l'administration au rez-de-chaussée du bâtiment numéro 1, Philippe Grenon, trésorier de l'assurée, témoigne que, vers 17 h 30 - 17 h 45, « ça fait vroum »;  « on a senti en même temps vibrer et c'est comme s'il y avait quelqu'un au second étage qui lançait de la gravelle avec une pelle sur le plancher ».  Fernand Lépine, directeur de la production, à l'emploi de l'assurée depuis 1970, aussi présent dans le bureau, rapporte entendre comme une explosion, il tombe de la poussière, « on a comme un tremblement de terre qui dure à peu près entre cinq et dix secondes ».  Philippe Grenon entend la conduite principale des gicleurs d'un diamètre de six pouces qui se vide, entend beaucoup d'eau couler, il y a beaucoup d'eau à l'étage des bureaux, dit-il;  l'eau coule pendant une demi-heure.  Il constate que le plafond du bâtiment numéro 2 s'est effondré sur le toit de l'étage du bâtiment numéro 1.  Le mur mitoyen est ouvert à la grandeur, dit-il.  Une partie du mur mitoyen s'est effondrée, rapporte Richard Pagotto, ingénieur et gestionnaire de projets de construction qui visite l'immeuble quelques jours plus tard sur invitation de l'assurée.  Le toit du bâtiment numéro 1 est endommagé.  Une fenêtre est cassée à l'étage, à proximité du bâtiment numéro 2, constatent Richard Pagotto ainsi que Gaby Talbot, vice-président exécutif de l'assurée.  Ce qui frappe ce dernier, c'est la quantité de mortier sur le plancher.  Il voit des poutres qui ont craqué, dit-il, et une poutre étirée.  Richard Pagotto voit des fermes du toit du bâtiment numéro 1 où la connexion entre les poutres est lâche.

D.        Les dommages

[30]           Boris Deich pour le compte de l'assurée visite le bâtiment numéro 1 le 16 janvier, soit deux jours après cet événement.  Il constate que les dommages les plus importants se situent dans la partie la plus proche du bâtiment numéro 2.  Il voit une fissure au-dessus d'une fenêtre dans le mur porteur.  Giovanni Cipolla effectue une première visite le 18 janvier 1999 à la demande de l'assurée.  Il constate des dommages à quelques fermes, particulièrement à la troisième ferme depuis le mur mitoyen, des dommages aux goujons et aux solives.  Des solives se sont déclouées, constatera Mario Lévesque quelques semaines plus tard.  À cause des dommages à la structure en bois de la toiture et parce qu'il le considère désormais non sécuritaire, Cipolla recommande par lettre du 19 janvier à l'assurée l'évacuation du bâtiment.  Il y écrit que « l'effondrement du toit peut provoquer l'effondrement de l'étage et du rez-de-chaussée ».  Les matériaux entreposés à l'étage seront enlevés;  les employés de bureau travailleront temporairement dans des roulottes louées.

[31]           L'immeuble présente une particularité architecturale significative et déterminante aux yeux des deux experts de l'assurée.  En effet, des poutres continues traversent à l'étage les bâtiments numéro 1 et numéro 2, comme s'il s'agissait d'un seul et même immeuble.  Trois poutres continues de six pouces par six pouces (6" x 6"), communes aux deux bâtiments à l'étage qui les traversent et s'y prolongent, se sont sectionnées à l'intérieur du bâtiment numéro 2, par suite de l'effondrement du toit.  Comme le mentionne Mario Lévesque dans son rapport du 3 mars 1999 à l'assureur, la connexion rattachant des poutres dans le bâtiment numéro 1 exhibe des signes de déplacement et de fractures du bois en certains endroits.  Boris Deich témoigne qu'en certains endroits le joint a tourné ou est fissuré.  Giovanni Cipolla constate qu'à la jonction de la membrure inférieure de la ferme des goujons se sont déplacés de leur encoche originelle.  Des boulons se sont aussi desserrés.  Boris Deich ne voit aucun signe de pourriture dans les goujons;  Mario Lévesque ne voit aucune trace d'eau au niveau des connexions;  Maurice D'Arcy confirme que les goujons n'ont pas été affectés par l'eau.  Mario Lévesque voit un goujon exhiber une fissure horizontale;  c'est le seul goujon endommagé qu'il a vu.  Il voit deux fermes qui ont été renforcées avec des plaques d'acier et voit aussi un goujon qui a déjà été changé.

[32]           Boris Deich témoigne que le goujon dans la troisième ferme, supportée par une poutre, est partiellement cisaillé et sorti de ses encoches.  À cause des goujons endommagés, la troisième et la sixième fermes, cette dernière étant non supportée par une colonne, peuvent s'effondrer à n'importe quel moment, dit-il, ce qui a justifié à son avis l'évacuation de l'immeuble.  Le cisaillement dans un goujon affaiblit la connexion, affirme Giovanni Cipolla.  Les fermes les plus sollicitées sont celles dépourvues de colonnes pour les supporter.  Puisque les goujons tendent à perdre contact avec les pièces de la ferme, les poutres chevauchantes n'ont plus de contact étroit entre elles, ce qui affecte la solidité de la charpente de la toiture qui risque d'être chancelante.

[33]           Giovanni Cipolla procède à une analyse de la structure du toit les 21, 25 et 28 janvier 1999 avec le logiciel de modélisation SAFI, un logiciel d'analyse structurale, pour mesurer les contraintes et les efforts dans les membrures, dont les résultats ne sont pas contestés, d'autant plus que les deux experts de l'assureur n'ont pas effectué une telle analyse scientifique.  Cette analyse permet de modéliser les éléments structuraux en vue d'évaluer l'effet de l'effondrement d'une ferme de la toiture.  Le Code national du bâtiment exige une analyse de toute la structure de la toiture.  Il découle de cette étude que la capacité de charge est de 10 à 15 % inférieure à la norme requise par le Code national du bâtiment, édition 1995, à cause de l'état de faiblesse des connexions de bois dur.  Les fermes en soi sont cependant sécuritaires.  Puisque des goujons se sont déplacés, Cipolla analyse les forces qu'ils peuvent supporter pour constater, de concert avec Deich, que le support est presque minime, de sorte que n'importe quelle surcharge plus ou moins importante sur le toit risque d'en provoquer l'effondrement ainsi que l'effondrement du plancher de l'étage.  À la lumière de cette vérification, Cipolla conclut que les membrures sont sollicitées à la limite de leurs capacités et ne sont plus sécuritaires;  une ferme ne peut plus supporter de charge en vertu des normes applicables du Code national du bâtiment.  Les goujons emprisonnés entre deux extrémités de poutre qui les rattachent, soumises à des forces de traction, ne peuvent offrir de résistance à l'arrachement.

[34]           Giovanni Cipolla a calculé la résistance des goujons dans la connexion centrale de la ferme en utilisant un goujon avec cisaillement, ce qui lui a permis de constater qu'un tel goujon est incapable de supporter la pleine charge pour laquelle il a été fabriqué.  Certaines fermes ont perdu presque en totalité la capacité de reprendre un effort à cause du déplacement des goujons, conclut-il.

[35]           Boris Deich est d'avis que les efforts transmis lors de l'effondrement du toit du bâtiment numéro 2 par les trois poutres 6" x 6" continues traversant les deux bâtiments, tirées en horizontal par une force de traction, causent leur rupture et une déformation élastique de la charpente de la toiture du bâtiment numéro 1, ce qui crée une force dynamique sous forme de vibrations, source de fortes contraintes dans les pièces de bois.  Ce phénomène de traction excessive suffit à son avis à entraîner le déplacement de goujons dans les poutres ainsi soumises à de telles contraintes, lesquelles travaillent toujours en traction.  D'ailleurs, Mario Lévesque constate que la poutre commune aux deux bâtiments a été tirée vers le bâtiment numéro 2 et qu'il y a eu rupture de sa connexion, puisqu'elle s'est fissurée.  Une rupture dans les goujons qui unissent deux poutres peut entraîner la chute des fermes et du toit.  Les fermes les plus sollicitées sont celles dépourvues de colonnes pour les supporter, affirme Boris Deich;  plus on s'éloigne du bâtiment numéro 2, moins importants sont les dommages, ajoute-t-il.  Suivant les calculs effectués à l'audience par Mario Lévesque durant son contre-interrogatoire, 67.5 tonnes métriques, soit 135 000 livres, sont requises pour faire céder ces trois poutres, alors que la toiture du bâtiment numéro 2 pèse 93.5 tonnes métriques.  La connexion sous forme de petit cube, soit le goujon, peut supporter une tension d'environ 25 000 livres, affirme Maurice D'Arcy.

[36]           Les deux experts de l'assurée concluent que, à cause de la faiblesse d'une seule de ces connexions qui rattachent deux poutres ensemble, ces dernières peuvent se détacher l'une de l'autre.  Laissée ainsi sans support, une ferme tombera et, par un effet domino, entraînera l'effondrement de toutes les autres fermes et, partant, l'effondrement du toit et du plancher auparavant retenus par des tirants.  Si la connexion centrale cède, les membrures inférieures ne sont plus capables de reprendre les charges.

[37]           Les deux experts produits par l'assureur ne voient pas un tel danger, incarné par cet effet d'entraînement.  Mario Lévesque ne relève aucun signe de déplacement des fermes.  Les supports de poutres, soit les colonnes, devraient suffir pour empêcher l'effondrement des fermes et du toit.  Ces derniers excluent tout lien de causalité entre l'effondrement du toit voisin et l'état des connexions, lequel état, selon la position de l'assureur, était préexistant et causé par l'usure normale de cet immeuble centenaire.

E.        Le jugement

[38]           La première juge accepte l'opinion des deux experts de l'assurée, qu'elle considère plus fiable que celle des experts de l'assureur.  Elle écrit notamment : 

«  [72]  La thèse élaborée par les experts Deich et Cipolla s'articule et se défend mieux, surtout qu'ils ont réalisé des calculs pour connaître la capacité structurale du bâtiment no 1 et soutenir leurs prétentions.

[73]  Il est vraisemblable que l'effondrement du bâtiment no 2 ait causé des chocs et des vibrations importantes au bâtiment no 1 puisque les trois poutres de 6 x 6 qui reliaient les deux structures ensemble ont cédé sous les forces latérales.  D'autant plus vraisemblable qu'il a été démontré, au cours de l'interrogatoire de M. Lévesque, qu'une force d'au moins 67,5 tonnes était nécessaire pour les faire céder et qu'il n'existait aucun joint de dilatation entre les bâtiments nos 1 et 2.

[…]

[75]  Ce sont sûrement les vibrations et les forces dynamiques qui ont également affaibli les connexions des membrures car plus on s'éloigne du bâtiment no 2 moins les connexions sont affectées.  L'absence de signe de vieillissement, d'infiltration d'eau ou de pourriture des connexions accrédite cette thèse.  Surtout que M. Lévesque est d'accord avec Messieurs Deich et Cipolla que les extrémités des fermes comportaient, tout au plus, un début de pourriture qui n'en affectait nullement la stabilité. »

[39]           La première juge conclut ainsi à un lien de causalité entre le sinistre au bâtiment numéro 2 et les dommages constatés au bâtiment numéro 1;  elle écarte donc la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur, condamné à payer l'indemnité réclamée de 426 282 $ pour travaux de réfection.

2.         QUESTIONS EN LITIGE ET MOYENS D'APPEL

[40]           L'assurée a-t-elle établi un lien causal entre le sinistre survenu dans l'immeuble voisin et la faiblesse des connexions des poutres dans le bâtiment numéro 1?  Si oui, cette situation risque-t-elle d'entraîner l'effondrement d'une partie importante de cet immeuble?  En parallèle, l'assureur a-t-il démontré par preuve prépondérante que toute faiblesse structurale ne résulte que de l'usure normale et la détérioration progressive de l'immeuble?  La juge aurait-elle dû s'abstenir de se prononcer sur le montant de l'indemnité à payer et renvoyer cette question à l'arbitrage, à la suite de la nomination judiciaire d'un arbitre après l'institution de l'action?

[41]           Dans son mémoire, l'assureur propose quatre moyens de nature à infirmer le jugement :

1.      La première juge aurait erronément imposé à l'assureur le fardeau d'établir l'état de l'immeuble avant l'événement, alors que ce fardeau incombe à l'assurée;

2.      La première juge aurait erronément conclu que l'effondrement du toit de l'immeuble adjacent a altéré la solidité de l'immeuble en litige, alors que la preuve établit l'existence antérieure de cette situation causée par la vétusté et l'usure normale;

3.      La première juge aurait erronément conclu que l'assureur, à cause de l'inspection annuelle axée sur la prévention des incendies, avait renoncé à invoquer l'exclusion de garantie fondée sur l'usure normale du bien assuré;

4.      La première juge n'avait plus compétence pour statuer sur le prix des travaux de réparation de l'immeuble, au motif que cette question avait été confiée à un tribunal d'arbitrage, seul habilité à la trancher

3.         ANALYSE

[42]           L'effondrement du toit adjacent provoque vraisemblablement des vibrations qui se propagent à l'étage de l'immeuble en litige :  tremblement de la structure, chute significative de mortier, bris d'une fenêtre encastrée, revêtement de briques endommagé, desserrement de boulons, phénomène de traction de trois poutres vers l'extérieur de l'immeuble en direction du bâtiment numéro 2 qui tend à les disjoindre, solives déclouées, dommage au toit.

[43]           L'état plutôt statique de cet immeuble affecté à l'entreposage et à la gestion de l'entreprise, donc fort peu assujetti à des vibrations importantes internes, même soumis à l'usure naturelle, peut difficilement expliquer le déplacement spontané ou le cisaillement de goujons en bois dur.  Par le jeu des présomptions de faits, il est raisonnable de conclure que l'effondrement d'une masse d'au moins 93.5 tonnes provoque de façon probable le desserrement des poutres adjacentes par le relâchement de ces petits goujons.  Aucun autre événement probable n'est de nature à affecter la solidité de la structure du toit.  Le début de pourriture aux extrémités des fermes n'affecte pas la capacité structurale;  elles n'ont pas bougé, ce que confirme la peinture, intacte et sans ligne de démarcation.  Les fissures longitudinales dans le bois sont normales à cause du rétrécissement naturel du bois et ne peuvent affecter les goujons.  Aucune fissure transversale n'est vue.  La structure avait déjà été renforcée à une époque lointaine inconnue pour en maintenir la solidité.

A.        Fiabilité de l'expertise

[44]           Les témoins experts produits par l'assureur procèdent à un examen plus sommaire et superficiel que ceux de l'assurée.  Ils fondent leur croyance sur certaines observations visuelles, moins approfondies que celles des experts de l'assurée.  Ils n'effectuent aucun calcul, aucun essai ou simulation par modélisation.  Comme en témoigne Mario Lévesque, il a effectué « un survol général avec des signes ».  Ces deux experts semblent attacher peu d'importance aux goujons qui retiennent les poutres ensemble, pourtant essentiels dans ce mode de construction d'une autre époque.

[45]           Vers le 10 février 1999, l'assureur donne mandat à Mario Lévesque de vérifier les dommages au bâtiment numéro 1.  Auparavant, il n'a fait que marcher dans ce bâtiment pour accéder au bâtiment numéro 2 afin de déterminer la cause de l'effondrement du toit de cet immeuble.  Il aborde ce second mandat avec une ouverture d'esprit mitigée, empreinte de scepticisme :  il n'en revenait pas, dit-il, de voir que l'assurée ait fait une réclamation pour le bâtiment numéro 1, qu'il y ait un potentiel de causalité entre les deux bâtiments.  Il procède à une simple inspection visuelle, sans rechercher toute information utile auprès d'employés de l'assurée, telle sur l'état antérieur de l'immeuble ou portant sur les constatations des occupants du bâtiment numéro 1 au moment de l'événement, et s'abstient de communiquer avec les experts de l'assurée pour s'enquérir par exemple des causes de l'évacuation de l'immeuble.  Malgré ce manque d'information, il croit que l'évacuation n'est imputable qu'à la piètre condition préexistante de l'immeuble.

[46]           Maurice D'Arcy effectuera une première visite le 16 juin 1999, soit quelque cinq mois après l'événement, et procèdera à des vérifications locales.  D'Arcy et Lévesque ne voient pas de fenêtre brisée, pourtant visible sur une photo, bris qui pour ce dernier n'est pas significatif.  Celui-ci ne voit aucun dommage au mur de briques mitoyen, puis constate au procès qu'il est localement endommagé sur vue d'une photo;  il ne s'est pas concentré sur le mur de maçonnerie, explique-t-il.  Il ignore si le mur mitoyen a bougé et n'a pas fait de calcul à cette fin;  il n'a pas calculé si le mur de maçonnerie avait bougé, sur lequel repose les membrures de bois.  Il n'a pas mesuré l'ampleur des fléchissements et n'a fait aucun calcul de charge.  Il n'a pas calculé à cette époque les forces qui peuvent être supportées par le mur de briques mitoyen, ni les déformations qui auraient pu survenir par l'application d'une force de traction de 65 tonnes, suffisante à faire céder une poutre de 6" x 6", force néamoins importante à son avis.

[47]           Maurice D'Arcy est d'avis que l'effondrement du toit contigu n'affecte pas l'intégrité structurale de l'autre immeuble.  Pourtant, il ne voit le 16 juin 1999 aucune poutre qui traverse le mur mitoyen et ignore si les poutres du bâtiment numéro 2 se prolongeaient dans le bâtiment numéro 1 ou si elles ont subi une rupture lors du sinistre.  L'absence d'un joint de dilation, qui aurait pu assurer un certain tampon entre les deux immeubles, ne retient pas son attention.

[48]           Sans autre analyse ni vérification, Mario Lévesque croit que les vibrations n'ont causé aucun dommage à la structure.  Il écarte l'effet domino susceptible d'être provoqué par la chute d'une ferme, sans pour autant avoir effectué un test à cette fin, une simulation sur ordinateur ou un calcul pour confirmer cette croyance.  Il n'a pas cherché à mesurer l'impact de cet effondrement sur le bâtiment numéro 1 qui génère des forces dynamiques considérables.  « Quand on veut sécuriser quelque chose, on n'a pas besoin de faire une étude exhaustive », dit-il.  Pourtant, comme l'affirme Maurice D'Arcy, pour déterminer si le bâtiment est sécuritaire, il faut analyser les efforts.  C'est ce qu'à fait Giovanni Cipolla qui conclut que le bâtiment n'est plus sécuritaire.

[49]           Mario Lévesque ajouterait des membrures pour renforcer la structure.  Pourtant, il n'a pas consulté le manuel de charpente en bois auquel renvoie le Code national du bâtiment, parce que, dit-il, il n'avait pas à déterminer la capacité des renforts.  Comme il l'affirme, si on lui donne le mandat de renforcer le bâtiment, il va pousser très loin son investigation, ce qu'il n'a pas fait et ce qu'a fait l'expert de l'assurée.

[50]           On ne peut ajouter des colonnes parce que le plancher maintenu par les tirants ne peut supporter une charge additionnelle, affirment les experts de l'assurée.  Mario Lévesque exprime son désaccord :  les tirants, à son avis, ont plutôt une vocation de renfort que de support, de sorte que le plancher ne s'effondra pas dans l'hypothèse de leur enlèvement.  Cette croyance ne s'appuie sur aucun calcul, aucun test, aucun enseignement reconnu, aucune expérience vécue.

[51]           Tout remplacement des goujons doit être approuvé et certifié par un ingénieur, afin de s'assurer que les fermes ne tomberont pas durant les réparations, affirment les experts de l'assurée.  Aucune telle certification n'est en preuve, ni indication qu'elle pourrait être fournie.

[52]           Dans son rapport du mois d'août 1999, Maurice D'Arcy omet de considérer l'effet potentiel des vibrations sur la solidité de la structure et ne traite aucunement de l'état des goujons qu'il semble ignorer.  Il a regardé certains goujons, dit-il à l'audience, « et ça ne m'a pas frappé plus que ça ».  Il n'a pas vu deux goujons non peinturés, donc antérieurement remplacés, dont l'un lui est montré sur une photo;  il constate que ce goujon est déplacé, sans être fissuré.

[53]           Mario Lévesque, qui déclare avoir vérifié la connexion centrale des fermes, n'a vu qu'un seul goujon.  Reconnaissant que la connexion centrale par goujon constitue le point le plus faible des fermes de bois, il déclare n'avoir fait aucune analyse à ce sujet.  Il n'a pas mesuré l'état des connexions de chacune des fermes, état dont il ne peut se souvenir à l'audience.

[54]           Les experts de l'assurée ont donc procédé à une analyse plus rigoureuse et complète de la situation.  Ils attachent une plus grande attention et importance aux goujons, soit l'élément le plus important d'une ferme.  Ils savent que tout dommage aux connexions rattachant des poutres en traction les affaiblit et crée une faiblesse structurale dangereuse de la charpente de la toiture.  Aucun goujon en chêne n'exhibe de signes de pourriture, donc de détérioration.  Un goujon cèdera avant la ferme.  Il suffit qu'une ferme cède pour provoquer, en rétrospective, l'écroulement de la portion supérieure de l'immeuble.

[55]           Il est vraisemblable de conclure que par le phénomène de traction des poutres lors de l'effondrement du toit voisin, source d'une force dynamique causant des vibrations, les connexions situées à proximité du mur mitoyen se sont délogées de leur cubicule dans lequel elles étaient depuis longtemps emprisonnées.  Toutes choses étant égales, l'usure aurait probablement affecté de façon similaire tous les goujons sans égard à leur distance de l'immeuble voisin.  L'écoulement du temps témoigne de la sécurité antérieure du bâtiment, qui a supporté des charges pendant plus de cent ans, sans intervention pendant les trente ou quarante années précédant l'événement.  Aucun expert n'affirme qu'un goujon de bois dur, intact et inerte, emprisonné entre deux poutres, peut se déloger, se déplacer, se cisailler spontanément dans ce lieu d'entreposage, phénomène qu'une force extrinsèque explique de façon vraisemblable.  L'analyse des contraintes sur les fermes par logiciel de modélisation indique l'effet provoqué par le sinistre voisin.

[56]           La fiabilité des conclusions des experts de l'assurée l'emporte sur celle des experts de l'assureur, dont l'opinion ne dépasse guère le seuil de la croyance ou de l'hypothèse, insuffisante à faire échec à la réclamation de l'assurée.  Le poids du témoignage d'un expert dépend des prémisses de faits qu'il a considérées, de la fiabilité et de la pertinence des normes qu'il a appliquées et des motifs au soutien de son opinion.  C'est donc avec raison que la juge d'instance accorde une plus grande valeur probante à la preuve de l'assurée qu'à celle de l'assureur.

B.        Fardeau de preuve

[57]           La première juge a attentivement examiné les divers éléments de preuve, à la fois de nature profane et technique, pour déterminer où se situe la vérité.  Cette vérité demeure relative plutôt qu'absolue, sans avoir à atteindre un niveau de certitude, puisque s'applique la norme de la prépondérance de preuve fondée sur la probabilité (art. 2804 C.c.Q.), soit celle qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence, laquelle excède la simple possibilité.

«  Lorsque la preuve offerte de part et d'autre est contradictoire, le juge ne doit pas s'empresser de faire succomber celui sur qui reposait la charge de la preuve mais il doit chercher d'abord à découvrir où se situe la vérité en passant au crible tous les éléments de conviction qui lui ont été fournis et c'est seulement lorsque cet examen s'avère infructueux qu'il doit décider en fonction de la charge de la preuve. »[1]

[58]           L'assurée démontre de façon prépondérante qu'un risque couvert par le contrat d'assurance a causé un dommage au bâtiment numéro 1.  L'article 2471 C.c.Q. énonce notamment que, « À la demande de l'assureur, l'assuré doit, le plus tôt possible, faire connaître à l'assureur toutes les circonstances entourant le sinistre, y compris sa cause probable, la nature et l'étendue des dommages… ».  L'assurée fait ainsi connaître à l'assureur l'existence d'un sinistre couvert par le contrat d'assurance et sa cause probable.  Le plus souvent, cette preuve de cause probable est établie par présomptions de faits « laissées à l'appréciation du tribunal qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes » (art. 2849 C.c.Q.).  Les faits sont graves lorsque le fait à déterminer s'infère logiquement du fait connu;  ils sont précis lorsque le fait inconnu découle forcément du fait connu et ils sont concordants lorsque, à la lumière de l'ensemble de la  preuve, ils tendent à établir l'existence du fait inconnu.[2]  C'est l'exercice auquel s'est livrée la première juge dans son appréciation de la preuve.

[59]           La clause pertinente du contrat d'assurance, précitée, sous le titre « Perils Insured », appliquée et adaptée au présent dossier, signifie que l'assureur couvre tout dommage à un immeuble assuré, soit le bâtiment numéro 1, qui résulte d'une séquence d'événements provoqués par un dommage direct à un autre immeuble assuré, soit celui manifestement causé au bâtiment numéro 2 par l'effondrement du toit, sans l'intervention d'une autre cause indépendante, soit celle rattachée à la détérioration de l'immeuble par l'usage de ce dernier au fil du temps.  L'assurée établit donc la cause probable, la nature et l'étendue du dommage, ce qui rend applicable la garantie d'assurance.  Ce dommage résulte d'une séquence d'événements déclenchée par un événement fortuit accidentel qui en est la cause déterminante, sans laquelle ce risque ne se serait pas réalisé.  Un tel dommage au bâtiment numéro 1 ne se serait pas produit n'eût été l'effondrement imprévu et accidentel du toit de l'immeuble voisin, ce qui constitue une perte fortuite.[3]

[60]           « La règle générale est que l'assurée doit prouver la couverture et l'assureur l'exclusion. »[4]  Il incombe à l'assureur de démontrer par preuve prépondérante la cause d'exclusion qu'il invoque,[5] soit que le dommage est causé par un vice propre au bien assuré ou la nature de celui-ci, résultant de son usage usuel ou de sa détérioration, suivant la clause précitée au chapitre des risques exclus au contrat d'assurance.  L'article 2465 C.c.Q. énonce que « L'assureur n'est pas tenu d'indemniser le préjudice qui résulte des freintes, diminutions ou pertes du bien et qui proviennent de son vice propre ou de la nature de celui-ci ».  Ce fardeau incombe donc à l'assureur (art. 2803 C.c.Q.) qui doit s'en décharger au moyen d'une preuve prépondérante (art. 2804 C.c.Q.).  Une simple possibilité, et encore moins l'hypothèse ou l'expression d'une croyance, ne suffit pas face à cette norme de preuve fondée sur la probabilité de l'existence d'un fait.  La preuve de l'assureur ne quitte pas en l'instance le territoire de la possibilité, sans franchir celui de la probabilité.

[61]           La première juge infère de l'ensemble de la preuve que l'assurée a réussi dans son fardeau de preuve et que l'assureur a échoué dans le sien.

                        C.        Premier moyen d'appel :  imposition du fardeau de preuve

[62]           Comme premier moyen d'appel, l'assureur reproche à la première juge de lui avoir imposé le fardeau d'établir l'état de l'immeuble avant l'événement, alors que ce fardeau incombe à l'assurée.

[63]           Une preuve non controversée établit que cet immeuble centenaire est vétuste.  Cependant, un environnement d'usure ne suffit pas en soi pour l'application de l'exclusion, puisqu'il faut établir par preuve prépondérante l'existence probable de la cause d'exclusion.[6]  De l'ensemble de la preuve, la première juge tire la présomption de faits que les goujons sont en bon état avant l'événement, mais qu'ils sont ensuite altérés.  « L'effondrement constitue donc l'élément déclencheur et la cause déterminante des dommages au bâtiment numéro 1. »[7]  Elle définit correctement le fardeau de preuve respectif des parties.

 « [79]  B.I. & I. a émis une couverture d'assurance tous risques (D-1).  Le mécanisme applicable à ce type de couverture est le suivant:  dès que l'assuré démontre qu'il y a eu accident, il appartient à l'assureur d'établir que les dommages réclamés font l'objet des exclusions apparaissant à la police sans que l'assuré n'ait à démontrer la cause exacte de l'accident.[8]  En l'espèce, l'effondrement du bâtiment no 2 constitue un événement couvert par la police d'assurance, B.I. & I. ayant indemnisé Moody de la perte subie.

[80]  Pour bénéficier de la clause d'exclusion d'usure normale à l'égard du bâtiment no 1, B.I. & I. devait prouver que l'usure normale est la cause déterminante ayant mené à l'évacuation du bâtiment et à la reconstruction de la toiture. »

[64]           La preuve, de nature dynamique, peut être directe ou indirecte.  Ni le contrat ni la loi n'impose aux parties le fardeau d'administrer une preuve directe de nature testimoniale ou matérielle de l'état des goujons avant l'événement, à l'exclusion de tout autre mode de preuve indirecte, soit la preuve par présomption de faits.  L'assurée doit démontrer l'existence d'un risque couvert, soit que l'effondrement du toit voisin a vraisemblablement provoqué des dommages à la structure de cet immeuble qui en affecte la solidité et, partant, la sécurité.  De son côté, l'assureur doit prouver qu'il ne s'agit pas d'un risque couvert et donc établir que l'état de faiblesse des goujons et de la membrure existait de façon probable avant le sinistre voisin.  La question en litige porte sur le lien de causalité.  L'assurée doit établir que ces dommages sont fortuits et accidentels, l'assureur doit établir qu'ils découlent d'un vice propre à la chose.

[65]           La première juge tire de la preuve des conclusions de faits, sans imposer à l'assureur un fardeau indu ou erroné en droit.  « B.I. & I. a donc failli à son fardeau de prouver, selon les règles de la prépondérance, que les dommages subis par le bâtiment no 1 résultent d'un risque exclu, soit l'usure normale. »[9]  Elle détermine correctement la norme de preuve applicable.

[66]           En l'absence d'erreur de droit, il y a donc lieu d'écarter ce premier moyen d'appel.

D.                Second moyen d'appel  :  appréciation de la preuve

et norme d'intervention

[67]           Le second moyen d'appel vise l'appréciation de la preuve;  il se rattache au premier moyen.  La première juge aurait erronément conclu que l'effondrement du toit de l'immeuble numéro 2 a affecté la solidité de l'immeuble numéro 1, alors que suivant la preuve, elle aurait dû conclure que tout dommage pertinent au litige ne pouvait provenir que de la vétusté et de l'usure normale du bâtiment, plaide l'assureur.

[68]           L'accueil de ce moyen requiert de la part du juge d'instance la commission d'une erreur manifeste et dominante dans l'appréciation des faits.  La norme de contrôle en appel est bien connue :  les conclusions de faits ne peuvent être infirmées que si une cour d'appel est convaincue que le juge d'instance a commis une erreur manifeste et dominante.  La révision de la preuve en appel n'a pour seul objectif que la vérification de l'existence ou de l'absence d'une telle erreur, puisqu'une cour d'appel n'a pas à refaire le procès, ni à substituer son appréciation de la preuve à celle du premier juge.[10]  Elle examine donc la preuve, comme en l'espèce, pour vérifier s'il existe ou non une erreur manifeste et dominante dans les conclusions de faits du juge d'instance, et non pour substituer son appréciation en matière de prépondérance de preuve aux conclusions déjà tirées par le premier juge.

 « Il est maintenant bien établi qu'une cour d'appel ne doit modifier les conclusions d'un juge de première instance sur des questions de fait que si celui-ci a commis une erreur manifeste et dominante.  En principe, une cour d'appel n'interviendra que si le juge a commis une erreur manifeste, s'il n'a pas tenu compte d'un élément de preuve déterminant ou pertinent, s'il a mal compris la preuve ou en a tiré des conclusions erronées:  voir P. (D) c. S. (C), [1993] 4 R.C.S. 141 , aux pp. 188 et  189 (le juge L'Heureux-Dubé), et toute la jurisprudence qui y est citée, de même que les arrêts Geffen c. Succession Goodman, [1991] 2 R.C.S. 353 , aux pp. 388 et 389 (le juge Wilson), et Stein c. Le navire «Kathy K», [1976] 2 R.C.S. 802 , aux pp. 806 à 808 (le juge Ritchie).  Une cour d'appel n'est manifestement pas autorisée à intervenir pour le simple motif qu'elle perçoit la preuve différemment.  Il appartient au juge de première instance, et non à la cour d'appel, de tirer des conclusions de fait en matière de preuve.  »[11]

[69]           La première juge n'omet pas de prendre en considération certains éléments de preuve pertinents, ce qui autrement dans certains cas pourraient constituer une erreur dominante et déterminante dans l'appréciation de la prépondérance d'une preuve.[12]  La norme de contrôle, même en matière de présomption de faits, fondée par définition sur une inférence, demeure celle de l'erreur manifeste et dominante, et non la raisonnabilité de la conclusion tirée à partir de faits acceptés en première instance.

 « Premièrement, selon nous, la norme de contrôle ne consiste pas à vérifier si l'inférence peut être raisonnablement étayée par les conclusions de fait du juge de première instance, mais plutôt si ce dernier a commis une erreur manifeste et dominante en tirant une conclusion factuelle sur la base de faits admis, ce qui suppose l'application d'une norme plus stricte.

[…]

Comme nous l'avons dit précédemment, les tribunaux de première instance sont dans une position avantageuse pour apprécier et soupeser de vastes quantités d'éléments de preuve.  Pour tirer une inférence factuelle, le juge de première instance doit passer les faits pertinents au crible, en apprécier la valeur probante et tirer une conclusion factuelle.  En conséquence, lorsque cette conclusion est étayée par des éléments de preuve, modifier cette conclusion équivaut à modifier le poids accordé à ces éléments par le juge de première instance.

Nous rappelons qu'il n'appartient pas aux cours d'appel de remettre en question le poids attribué aux différents éléments de preuve.  Si aucune erreur manifeste et dominante n'est décelée en ce qui concerne les faits sur lesquels repose l'inférence du juge de première instance, ce n'est que lorsque le processus inférentiel lui-même est manifestement erroné que la cour d'appel peut modifier la conclusion factuelle.  La cour d'appel n'est pas habilitée à modifier une conclusion factuelle avec laquelle elle n'est pas d'accord, lorsque ce désaccord résulte d'une divergence d'opinion sur le poids à attribuer aux faits à la base de la conclusion. »[13]

[70]           La première juge ne commet pas d'erreur manifeste et dominante en tirant cette conclusion factuelle sur la base des faits qu'elle accepte.  Elle examine les faits pertinents, en apprécie la valeur probante et tire une conclusion de faits étayée par des éléments de preuve qu'elle considère comme suffisamment probants à cette fin.  Il n'y a donc pas lieu d'intervenir, de sorte que doit être rejeté ce second moyen d'appel.

[71]           En conséquence, il faut respecter cette conclusion que l'effondrement du toit de l'immeuble numéro 2 a affecté la solidité de la charpente de la toiture du bâtiment numéro 1 et que cette situation ne résulte pas de l'usure normale de cet immeuble.

E.        Troisième moyen d'appel :  inspection annuelle

[72]           Comme autre moyen d'appel, l'assureur plaide que la première juge aurait erronément conclu que ce dernier aurait renoncé à invoquer l'exclusion de garantie fondée sur l'usure normale de l'immeuble assuré, parce qu'il en connaissait bien l'état à la suite d'inspections annuelles, alors que ces inspections ne portaient que sur la prévention des incendies.

[73]           Depuis 1994, Richard Delfino procède à une inspection annuelle des immeubles de l'assurée en vue de vérifier principalement l'état des systèmes d'incendie, dont les gicleurs, pour la prévention d'incendie.  Une dernière inspection a lieu le 12 janvier 1999, deux jours avant le sinistre.

[74]           L'article 18 des conditions de la police autorise l'assureur à inspecter l'immeuble, sans définir l'étendue ou l'objet de cette inspection.  Cette clause énonce que l'inspection ne garantit pas pour autant que l'immeuble soit sécuritaire.

[75]           L'assureur est libre d'exercer ce droit d'inspection suivant les modalités et la portée qu'il lui incombe de définir, sans y être obligé.

[76]           Un assureur est censé connaître la nature et l'état du bien qu'il assure et serait irrecevable à invoquer, par exemple, un aveuglement volontaire ou l'absence d'inspection.  L'assureur connaît ici l'état général de l'immeuble et s'intéresse surtout au risque d'incendie, sans doute à cause de la charpente de bois qui le rend plus vulnérable face à un tel risque.  L'exercice de ce droit d'inspection n'entraîne certes pas pour autant une renonciation à invoquer l'exclusion d'usure normale de l'immeuble assuré.  La première juge ne dit pas que l'assureur est irrecevable à invoquer une telle exclusion pour ce motif.  Au contraire, elle examine et tranche ce moyen de contestation, nonobstant toute inspection, jugeant après analyse de la preuve que l'usure de l'immeuble n'a pas causé le dommage invoqué par l'assurée.  L'assureur, en effet, doit non seulement établir une situation de détérioration progressive par l'usage du bien, mais aussi de façon prépondérante un lien de causalité entre ce vice propre au bien assuré et la perte réclamée.  Les parties et la juge ont visiblement bien compris ce fardeau de preuve, comme le reflète le jugement.

[77]           L'assureur ne peut se borner à invoquer la vétusté de l'immeuble, dont il connaît l'état grâce à cette inspection, pour se libérer de ses obligations;  il aurait pu auparavant résilier le contrat d'assurance s'il avait été d'avis qu'il lui était impossible pour ce motif d'accorder la garantie stipulée au contrat.[14]

[78]           La première juge, après examen de la preuve et détermination correcte du fardeau de preuve, conclut que l'assureur n'a pas établi que les dommages subis par le bâtiment numéro 1 résultent d'un risque exclu.  Elle ne nie aucunement à ce dernier le droit d'invoquer cette exclusion, sans égard à toute inspection.  Elle ne conclut pas que l'inspection annuelle emporte une renonciation à soulever une telle cause d'exclusion qu'elle n'écarte pas en vue de modifier ainsi le contenu du contrat d'assurance.  Il y a donc lieu de rejeter ce troisième moyen d'appel.

F.                 Quatrième moyen d'appel :  arbitrage et compétence de la

Cour supérieure

[79]           Comme dernier moyen, l'assureur plaide que la première juge n'avait plus compétence pour statuer sur le prix des travaux de réfection, au motif que cette question relevait de la compétence d'un tribunal d'arbitrage et qu'elle ne pouvait ainsi le condamner à payer à l'assurée la somme réclamée.  Elle pouvait uniquement se prononcer sur le lien de causalité, mais non sur le quantum.

[80]           Il convient de noter au départ que l'examen de l'état de l'immeuble ou des dommages subis est étroitement associé à la question du lien de causalité et, partant, à celle de l'applicabilité de la garantie d'assurance, ce que reflète la preuve présentée de part et d'autre.  La première juge doit forcément s'intéresser à cet aspect pour tirer une conclusion valable, selon la position respective des parties qui y réfèrent , sans scission artificielle ou ignorance volontaire.

[81]           La première juge se fonde sur une entente entre les parties quant à la nature et au prix des travaux de réparation à effectuer, entente conclue dans l'hypothèse de l'application de la garantie d'assurance, sous réserve de la contester, de sorte que, à son avis, les parties ont renoncé à l'arbitrage à cette fin, désormais sans objet utile.  Le dispositif du jugement quant à ce volet de la demande énonce :

«  DÉCLARE que l'effondrement du toit du bâtiment no 2 constitue la cause déterminante des dommages subis par le bâtiment no 1 assuré par la défenderesse;

DÉCLARE que la nature et la valeur des travaux de reconstruction ont fait l'objet d'une entente entre les parties;

DÉCLARE que les parties ont renoncé à soumettre ce volet de la réclamation à l'examen d'un arbitre;

CONDAMNE en conséquence la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 426 282 $ avec les intérêts légaux et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. depuis le 15 mars 2000.  »

[82]           Le contrat d'assurance contient à l'article 10 des conditions générales une clause d'arbitrage, sous le titre « Disagreement ».  Cette disposition prévoit que tout différend quant à la nature, étendue, montant de la perte ou suffisance des réparations devra être décidé par arbitrage, peu importe que le droit à l'indemnisation soit ou non en litige.  Cette clause énonce au premier alinéa :

«  Any disagreement as to the nature, extent, amount of the loss or the adequacy of repairs or replacement, shall be determined by arbitration whether the right to recover on the contract is disputed or not. »

[83]           Rappelons que la véritable question en litige porte d'abord sur la cause des dommages :  détérioration naturelle pour l'assureur (soit un vice propre au bien assuré ou la nature de celui-ci), effondrement du toit voisin pour l'assurée (soit un sinistre couvert).  Aucune divergence significative n'existe au niveau de la nature des réparations, sans égard à leur cause, sous réserve d'identifier la partie qui devra en absorber le prix.

[84]           Pour solidifier la structure et pallier le problème de goujons, des profilés en acier auraient pu être ajoutés et fixés par boulons de chaque côté d'une ferme, témoigne Boris Deich.  Cependant, cette méthode présenterait à son avis beaucoup d'inconvénients et s'avère peu pratique  :  il faudrait en effet monter à la main à l'étage ces pièces d'acier sans l'aide d'une grue, à cause de la nature et de la configuration des lieux.  Mario Lévesque affirme que le renforcement des fermes par l'ajout de profilés d'acier implique une démolition locale.

[85]           Toute intervention structurale majeure, comme celle requise en l'instance, doit être conforme aux normes contemporaines en vigueur qu'énonce le Code national du bâtiment de 1995.  Si on juxtapose par exemple une ferme à la troisième et sixième fermes, pour la doubler et la solidifier, solution envisagée par les experts de l'assureur, il faut alors rendre toutes les autres fermes conformes aux normes applicables du Code national du bâtiment à l'époque de ces réparations.  Mario Lévesque confirme que tout renfort doit être conforme aux normes actuelles.  L'on sait que la charpente du toit, sans égard aux causes de cette faiblesse, ne répond pas aux normes actuelles du Code national du bâtiment, suivant l'étude non contestée de Giovanni Cipolla.  Par contre, lorsque tous les goujons sont dans un état satisfaisant, il n'est pas nécessaire de procéder à des calculs suivant les exigences du Code national du bâtiment de 1995, puisque aucuns travaux majeurs n'est alors requis.  Il faut donc utiliser le Code national du bâtiment pour calculer la capacité de charge de la structure, ce qu'a fait Giovanni Cipolla.  Pour cette raison, Boris Deich juge qu'il est plus avantageux de démolir le toit, les fermes et des portions de mur, plutôt que de rafistoler la structure du toit à un coût indéterminé.

[86]           Une entente est intervenue entre les deux mandataires des parties quant aux coûts des travaux de réparation.  Richard Pagotto pour le compte de l'assurée rencontre le 21 juin 1999 Étienne Plante, un ingénieur qui représente l'assureur, pour analyser les coûts de restauration du bâtiment numéro 1.  Ce dernier a déjà eu mandat de procéder aux réparations du bâtiment numéro 2 à la charge de l'assureur.  Par lettre du 25 juin 1999, Pagotto présente à Plante une évaluation au montant de 470 000 $, signalant que cette dernière inclut des coûts pour la mise aux normes puisque les travaux de restauration sont considérés comme majeurs et que le bâtiment doit être restauré selon les critères normatifs d'aujourd'hui.  Plante lui répond par lettre du 6 juillet 1999 où il réduit les coûts à 426 282 $ sans modification à la nature même et au contenu des travaux projetés.  Par lettre du 12 juillet 1999, Pagotto confirme son accord avec cette évaluation du coût de réparation du bâtiment à cette somme de 426 282 $.  Personne ne désavoue, ni ne conteste cette entente à cette époque.

[87]           Cet échange de correspondance établit donc une entente en date du 12 juillet 1999 entre l'assureur et l'assurée quant au prix des travaux nécessaires, sous réserve d'en identifier le débiteur à l'occasion d'un débat judiciaire potentiel portant sur l'applicabilité de la garantie d'assurance.  Ces travaux de restauration seront terminés vers la fin février 2000.

[88]           Au procès, Étienne Plante, témoin produit par l'assureur, confirme cette entente avec Richard Pagotto au montant de 426 282 $.

[89]           À la lumière de ce qui précède, il semblerait logique de conclure qu'aucun différend n'existe à compter du 12 juillet 1999 quant à la nature et quant au montant des réparations, de sorte qu'un arbitrage à ce sujet deviendrait sans objet utile, à la lumière de la clause précitée du contrat d'assurance, sous réserve de la détermination judiciaire du droit de l'assurée à obtenir paiement auprès de l'assureur, que ce dernier conteste.

[90]           Ce qui semble pourtant clair devient ensuite confus puisque les parties par leur conduite semblent ignorer ou vouloir remettre en question cette entente, ce qui provoque un imbroglio.

[91]           L'action de l'assurée est émise le 10 mars 2000, donc après cette entente, où cette dernière réclame notamment dans sa déclaration 750 467 $ pour la restauration du bâtiment numéro 1.  Dans sa déclaration amendée du 12 mai 2000, l'assurée précise que le prix des réparations s'élève à 471 875 $, sans réduction du montant total auparavant réclamé.  Dans une allégation, elle se réserve le droit de faire déterminer par arbitrage prévu au contrat d'assurance le montant de cette perte.

[92]           Par requête du 30 mai 2000 pour la nomination d'un arbitre introduite en vertu de l'article 941.1 C.p.c., l'assurée allègue que l'assureur a omis de nommer un arbitre malgré l'avis signifié à cette fin le 27 avril 2000 et demande au juge de nommer un arbitre, soit Douglas F. Cutbush.  Cette requête est accueillie le 14 juin 2000, semble-t-il sans opposition.  L'assureur plaidera au procès que la Cour supérieure perd dès lors compétence pour évaluer et liquider les dommages réclamés.

[93]           Le 11 juillet 2000, l'avocat de l'assureur expédie une lettre à l'avocat de l'assurée au sujet de cet arbitrage, l'avisant qu'il n'entend pas procéder devant l'arbitre unique nommé par la Cour (la clause d'arbitrage prévoit en effet la nomination de deux autres personnes).  Il se demande si l'assurée considère toujours qu'un différend existe quant aux coûts de réparations de cet immeuble et rappelle l'échange de correspondance l'été précédent entre Etienne Plante et Richard Pagotto qui établit une entente au montant de 426 282 $.  L'avocat de l'assureur semble s'en déclarer satisfait, puisqu'il considère inutile d'entreprendre un arbitrage à cette fin.  « Frankly, I see no basis to reopen this discussion and question why it would be part of the arbitration issues. »  L'assureur semble donc ainsi vouloir renoncer à l'arbitrage sur cette question désormais non litigieuse.

[94]           Dans sa déclaration de mise au rôle d'audience du 13 novembre 2000, l'avocat de l'assurée mentionne que le quantum sera réglé par arbitrage ou par consentement.  Il s'infère de l'inventaire des témoins éventuels de l'assurée qu'aucune preuve ne sera présentée sur la nature et le prix des réparations.  Le même constat découle de la déclaration de mise au rôle d'audience de l'avocat de l'assureur, qui n'entend présenter aucune preuve sur la valeur des dommages, omettant même de mentionner Étienne Plante comme témoin, lequel témoignera néanmoins à l'instruction.  L'exposé concis des questions de faits et de droit en litige de l'assureur mentionne que la principale question en litige porte sur la couverture des dommages, au motif exprimé que la liquidation des dommages a été exclue par l'assurée dans sa déclaration en vertu de la règle 15 R.P.C.S. mat. civ..

[95]           Aucune autre démarche ne sera entreprise pour la constitution d'un tribunal d'arbitrage à être composé de trois personnes et, à plus forte raison, aucune procédure d'arbitrage ne sera amorcée avant procès.  La nomination judiciaire de l'arbitre du 14 juin 2000 demeure sans suite.

[96]           Par lettre du 20 novembre 2001, l'avocat de l'assureur rappelle à l'avocat de l'assurée l'entente entre Richard Pagotto et Étienne Plante au montant de 426 282 $ dans l'hypothèse de l'application de la garantie d'assurance (« in the event that coverage would be in order »).  Il l'avise ne pas être toutefois prêt à faire une admission quant à la réclamation pour interruption d'affaires, pertes de productivité et dépenses additionnelles.  Un différend persiste donc à cet égard qui pourrait être éventuellement tranché par arbitrage.

[97]           Il s'infère de cette séquence d'événements que l'assureur, débiteur potentiel, admet que les dommages au bâtiment numéro 1 ont une valeur de 426 282 $, sous réserve évidemment de contester toute responsabilité contractuelle quant au paiement de cette somme.

[98]           Dans une dernière déclaration réamendée du 3 octobre 2003, trois jours avant le début du procès, l'assurée allègue avoir subi une perte de 426 282 $ représentant le coût des réparations à cet immeuble et demande au tribunal de condamner l'assureur au paiement de cette somme.  L'assurée semble donc finalement s'accorder avec l'assureur pour reconnaître que le montant des réparations s'élève au montant convenu par Richard Pagotto et Étienne Plante le 12 juillet 1999.  Aucun différend potentiel ou réel ne subsiste à l'égard du coût des réparations.  L'article 10 des conditions générales du contrat d'assurance, pertinent à l'arbitrage, ne s'applique qu'en cas de différend (« any disagreement… shall be determined by arbitration »).  En l'absence de différend, tout arbitrage devient sans objet et inutile.

[99]           Les parties effectuent au procès un virage à 180 degrés :  l'assureur plaide alors que le tribunal ne devrait pas se prononcer sur la valeur des dommages à l'immeuble, à être liquidés par un tribunal d'arbitrage, et l'assurée, qui invoque cette entente, invite la juge à liquider les dommages suivant les conclusions à cet effet de la déclaration réamendée.

[100]       C'est dans ce contexte factuel que l'assureur soulèvera à l'instruction l'absence de compétence du tribunal à se prononcer sur la valeur des dommages réclamés.  Analysons maintenant la justesse de cet argument.

[101]       La signification à l'assureur de l'avis de l'assurée le 27 avril 2000 enclenche la procédure arbitrale (art. 944 C.p.c.).  Bien qu'aucune requête ne soit présentée pour renvoi des parties à l'arbitrage, l'octroi d'une demande de nomination d'un arbitre constitue un renvoi implicite à l'arbitrage[15] et le tribunal judiciaire perd dès lors compétence à statuer sur une question au sujet de laquelle les parties ont conclu la convention d'arbitrage,[16] soit en l'instance la valeur des dommages.

[102]       Les parties peuvent cependant renoncer d'un commun accord à l'arbitrage et décider de soumettre le litige à un tribunal judiciaire.[17]  L'inscription de la cause pour enquête et audition après contestation liée (art. 274 C.p.c.) emporte renonciation à l'arbitrage;[18]  c'est la raison pour laquelle aucun renvoi à l'arbitrage n'est permis après l'inscription (art. 940.1 C.p.c.).  Ce renvoi en l'instance a lieu avant inscription pour enquête et audition, mais après conclusion de cette entente portant sur l'un des objets de l'arbitrage éventuel.

[103]       En début de procès, l'assurée demande au tribunal de condamner l'assureur à lui payer ce coût des réparations au montant convenu de 426 282 $.  Dans sa défense amendée du 6 octobre 2003, l'assureur ne traite aucunement de l'arbitrage ni ne soulève l'incompétence du tribunal à se prononcer sur la valeur des dommages à l'immeuble;  il allègue succintement que les dommages réclamés sont exagérés.  L'avocat de l'assurée annonce alors au tribunal que les parties sont parvenues à une entente sur le quantum à ce sujet et lui demande de liquider les dommages à la somme convenue.  L'avocat de l'assureur réplique que cette entente a été conclue sous réserve de faire trancher la question de la couverture par le tribunal et aussi sous réserve de la détermination par ce dernier de l'étendue des dommages causés par l'effondrement du toit.  « Il est possible que vous arriviez à un jugement à l'effet qu'une partie des dommages seulement serait due à l'effondrement de la bâtisse numéro 2 et, donc, qu'est-ce qu'on fait avec le 426 000 $?   Ça va être beaucoup moins que 426 000 $. »[19]  Cette réserve prudente ne peut s'expliquer que dans la mesure où l'assureur entend prévenir tout jugement qui aurait pu accorder de façon arbitraire, sans preuve suffisante, toute indemnité autre que celle convenue et réclamée, dans l'hypothèse où la juge aurait pu conclure à la nécessité de travaux de restauration d'ampleur autre que ceux déterminés par les deux ingénieurs chargés de régler cette question à l'été 1999.  Dans ce cas, un tribunal d'arbitrage pourrait en déterminer le prix, selon la position exprimée par l'assureur.  Cette éventualité demeure théorique puisque l'entente porte à la fois sur la nature des travaux nécessaires et leur prix.  Au cas  contraire, comme en l'espèce, les parties s'accordent sur le prix, soit celui réclamé, tel qu'auparavant indiqué à leur déclaration de mise au rôle d'audience.  Elles renoncent à l'arbitrage à ce sujet.  Cette question aurait été irrecevable devant le tribunal d'arbitrage, puisque ne subsiste aucun différend.  Cette entente est de la nature d'une transaction (art. 2631 C.c.Q.) qui met fin à tout différend à ce sujet, de sorte qu'un tribunal d'arbitrage ne pourrait plus se prononcer sur cet élément.  L'arbitrage ne pourrait porter que sur les autres postes de la réclamation dont le montant est contesté, à l'égard desquels l'assureur invoque en première instance la déchéance du droit de l'assurée à l'indemnisation.

[104]       La première juge, après examen de la preuve, conclut que les réparations nécessaires causées par cet effondrement sont celles qui ont fait l'objet de cette entente, lesquelles visent la réfection totale de la charpente du toit, ce qui écarte toute réparation d'ampleur et de coûts moindres et, partant, la nécessité de tout arbitrage à cet effet.  Dans son jugement, elle rappelle avec justesse que la seule preuve des travaux nécessaires est celle émanant du témoignage de Étienne Plante et des pièces produites par ce dernier et que l'assureur ne voyait pas la nécessité de soumettre cette question en arbitrage, étant donné cette entente intervenue entre messieurs Pagotto et Plante concernant ces réparations.  « Manifestement les parties se sont entendues sur les travaux à accomplir et sur leurs coûts et n'avaient pas l'intention de porter ce volet de la réclamation à l'examen de l'arbitre comme le prévoyait la police.[20]

[105]       Les parties reconnaissent la compétence du tribunal à liquider ces dommages, étant liées par cette entente de la nature d'une transaction, au cas où ce dernier conclurait à un lien de causalité comme le réclame l'assurée.

[106]       Le renvoi implicite à l'arbitrage ne peut porter que sur les autres postes de la réclamation de l'assurée, puisque tout différend au sujet du coût des réparations à l'immeuble a été réglé le 12 juillet 1999, soit avant la nomination de l'arbitre le 14 juin 2000, de sorte que la Cour supérieure ne perd pas compétence à cette date pour condamner l'assureur au paiement de cette somme convenue entre les parties, dans l'hypothèque de l'applicabilité de la garantie d'assurance, en accord avec les conclusions de la déclaration réamendée.

[107]       La première juge était compétente à se prononcer ainsi sur cette question, exclue de tout arbitrage, de sorte qu'elle ne commet aucune erreur de droit.  Il y a donc lieu d'écarter ce dernier moyen de l'appel principal.

[108]       Pour tous ces motifs, je conclus que l'appel principal formé par l'assureur doit être rejeté, avec dépens.

APPEL INCIDENT  :  DÉCLARATIONS MENSONGÈRES

[109]       Dans sa déclaration initiale du 10 mars 2000 et sa déclaration amendée précisée du 12 mai 2000, l'assurée réclame 789 389 $ pour perte de productivité et de profits à la suite de l'interruption des affaires et 237 749 $ pour dépenses supplémentaires, demande qu'elle maintient intégralement jusqu'au 3 octobre 2003.  La perte de profits réclamée porte principalement sur la prétendue perte d'un contrat anticipé avec Purolator Courrier Ltd., que l'assurée, selon sa position maintenue jusqu'à la veille du procès, aurait probablement obtenu, ce qui lui aurait procuré un profit évalué à 690 089 $, contrat qu'elle n'a pu obtenir par suite de ce sinistre du 14 janvier 1999, étant alors dans l'impossibilité de l'exécuter dans les délais requis, de sorte que ce contrat a été plus tard octroyé à un tiers.

[110]       Dans sa déclaration réamendée du 3 octobre 2003, l'assurée n'allègue plus avoir subi une telle perte de profit, se désistant ainsi de cette demande pour perte de profits.  Ne subsiste en début de procès le 6 octobre 2003 que la réclamation pour perte de productivité d'un montant allégué de 139 410,38 $, pour dépenses supplémentaires et honoraires professionnels, susceptibles d'être éventuellement évalués et liquidés par le tribunal d'arbitrage dans l'hypothèse du droit à une telle indemnisation reconnue de façon judiciaire.

[111]       La première juge décide que cette réclamation est couverte par la police d'assurance, mais conclut à la déchéance du droit de l'assurée à l'indemnisation à l'égard de la perte de productivité et dépenses supplémentaires, au motif de déclarations mensongères de l'assurée sanctionnées par l'article 2472 C.c.Q., donnant ainsi effet aux conclusions de la défense amendée du 6 octobre 2003 de l'assureur qui en demande le rejet pour ce motif.

[112]       Examinons les faits à l'origine de cette conclusion de déchéance.

            1.         SCÉNARIO FACTUEL

[113]       L'assurée, moyennant soumissions, a déjà exécuté des contrats de fourniture d'équipements à la suite de quatre appels d'offres de Purolator Courrier Ltd. en 1996 et 1997, livrés à Montréal, Moncton, Winnipeg et Vancouver.  Richard Sztuder, vice-président chez l'assurée, responsable de ces projets, s'occupe du processus de soumissions et des relations avec Purolator.  Cette dernière désire obtenir de l'équipement, dont des convoyeurs, pour l'agrandissement d'un centre de tri à Toronto (désigné comme « Ontario hub expansion project »), projet que dirige en 1998 Gary Robinson, directeur des aménagements chez Purolator, responsable des appels d'offres à cette fin.  À la suite de l'appel d'offres à l'automne 1998, Richard Sztuder expédie à Gary Robinson chez Purolator à Mississauga, Ontario, une soumission portant la date du 20 novembre 1998 d'un montant total de 2 860 550,25 $.  Le projet entier se divise en trois sous-systèmes qu'identifie la soumission assortie d'un prix distinct.

[114]       Suivant la recommandation de Soren Jensen, un consultant externe affecté à l'analyse des soumissions, Purolator décide d'octroyer le contrat pour le sous-système C à D.S. Handling Systems Ltd., une entreprise en Ontario, qui a présenté une soumission de 636 997 $ à cet égard, alors que celle de l'assurée s'élève à 842 601,55 $, d'où un écart de 205 604 $.

[115]       Purolator avise à la mi-décembre 1998 D.S. Handling de l'acceptation de sa soumission, que confirmera un bon de commande du 6 janvier 1999;  le contrat entre Purolator et ce tiers entrepreneur sera signé le 12 janvier 1999, deux jours avant le sinistre chez l'assurée.

[116]       Par lettre du 16 décembre 1998 expédiée par la poste à l'adresse de l'assurée, à l'attention de Richard Sztuder, Gary Robinson l'avise que le contrat a été accordé à D.S. Handling Systems.  Sztuder témoigne n'avoir jamais reçu cette lettre qu'il voit pour la première fois quelques jours avant le début du procès. 

[117]       À l'approche du procès, copie de cette lettre du 16 décembre 1998 et le bon de commande du 6 janvier 1999 sont repérés chez Purolator qui les expédie le 23 septembre 2003 à l'avocat de l'assureur, lequel les communique à l'avocat de l'assurée.  Ces documents établissent de toute évidence que l'assurée ne peut avoir subi la perte de ce contrat, ce qui explique le retrait de ce poste de la réclamation par amendement de la déclaration trois jours avant le début du procès.  Jusqu'au 3 octobre 2003, l'assurée réclame donc auprès de l'assureur une indemnité pour perte de profits de 690 089 $ à l'égard de ce contrat qui selon sa position lui aurait probablement été accordé, n'eût été ce sinistre du 14 janvier 1999 qui a perturbé le cours normal de ses affaires.

[118]       Suivant l'évolution de son témoignage imprécis à l'audience, Richard Sztuder apprendra par hasard d'un sous-traitant, soit à la fin janvier 2000, soit dans la dernière partie de 1999, soit en septembre 1999 que le contrat a été octroyé à D.S. Handling en janvier 1999.  Or, Sztuder a connaissance de ce fait avant le 13 septembre 1999 puisque cette information est transmise à l'assureur dans un écrit du 13 septembre 1999.

[119]       Par l'entremise de John Vena, son expert en sinistres, l'assureur retient en mars 1999 les services de Roman Boyko, expert comptable spécialisé dans les réclamations pour interruption d'affaires, aux fins d'enquêter au sujet de la perte de ce contrat anticipé avec Purolator.  Comme seul document au soutien de sa réclamation, l'assurée communique à Roman Boyko la soumission du 20 novembre 1999.

[120]       Dans un écrit du 13 septembre 1999 préparé par Richard Sztuder, l'assurée présente à l'assureur un sommaire des contrats intervenus avec Purolator accompagné de commentaires explicatifs.  Ce document mentionne qu'à l'époque de la soumission en question, les services d'ingénierie et d'évaluation étaient en train de se reloger, à cause du sinistre.  Purolator a alors exigé une révision du prix de la soumission et une réduction du délai de livraison, ce que l'assurée a été dans l'impossibilité de faire à cause de ce sinistre, de sorte que le contrat a été accordé à une autre entreprise, soit D.S. Handling.  Si l'assurée avait été en mesure de fournir l'information et l'engagement requis en janvier 1999, ce contrat lui aurait été probablement accordé.  Voici l'extrait pertinent de cet écrit, au cœur du litige : 

«  At the time of bidding and engineering of the last quoted system (Toronto), Moody's Engineering and Estimating departments were in the process of moving and relocating, due to the building accident.  Purolator Courier requested that we analyse our pricing and delivery schedule in an effort to advance the final delivery date.  The impact of the roof collapse on manufacturing and administration made it impossible to properly review these items nor make any firm commitments during January 1999.  As a direct result of our inability to respond adequately to pricing and delivery requests, the contract was awarded to another company.

Since Moody was unable to promise and advanced delivery, preference was given to another bidder.  Subsequently, it has been learned that the project was scheduled to be completed in July 1999, not as previously demanded for the month of May 1999.  If Moody was able to provide concise answers in January 1999, based on the previous contract awards, our probability of being awarded these contracts was quite high.  »

[121]       Au tableau des contrats auparavant octroyés, l'écrit précise que ce contrat anticipé d'une valeur approximative de 2 487 435 $ a été accordé à D.S. Handling et que le contrat date du 29 janvier 1999.  Comme en témoigne Sztuder, le sous-traitant lui a dit que le contrat avait été obtenu à la fin janvier, à une date inconnue, et comme il doit écrire une date dans cet écrit, il mentionne au hasard celle du 29 janvier, sans en avoir vérifié l'exactitude.

[122]       Cette déclaration incite l'assureur à en contrôler la véracité du contenu.  De façon logique, Purolator devrait être en mesure de fournir la date d'octroi du contrat.  Roman Boyko a des discussions avec Richard Sztuder entre septembre et décembre 1999.  Il lui pose une simple question évidente :  À quelle date, avant ou après le 14 janvier 1999, le contrat anticipé a-t-il été octroyé à cet autre soumissionnaire?  Il désire communiquer avec Purolator pour vérifier cette information essentielle à la recevabilité de la réclamation de l'assurée.  Sztuder, au motif exprimé qu'il ne veut pas importuner Purolator au sujet de cette réclamation, interdit à John Vena ou Roman Boyko de communiquer avec cette dernière à Toronto.  Dans une lettre du 4 novembre 1999 portant sa signature, Philippe Grenon informe John Vena que « Purolator nous avise que pour diverses raisons elle ne veut pas s'asseoir avec nos assureurs et leurs comptables concernant notre réclamation de l'interruption d'affaires suite aux événements de janvier 1999 ».  Cette lettre demande à l'assureur de lui faire connaître sa position finale au plus tard le lendemain.

[123]       Étant donné l'exigence persistante de Roman Boyko, Richard Sztuder informe John Vena par lettre du 14 janvier 2000 qu'il peut communiquer avec Steve Vitella, en charge des projets impliquant des systèmes de convoyeurs, au siège social de Purolator à Mississauga, mentionnant que ce dernier « was involved in project discussions ».  Auparavant, Sztuder a parlé à Vitella, un consultant, vers la fin de l'année 1999, sans lui poser une seule question pertinente à ce contrat et sans chercher à en connaître la date d'adjudication.

[124]       Roman Boyko rencontre Steve Vitella à Toronto le 26 janvier 2000 afin d'obtenir l'information pertinente à ce contrat.  Il rapporte que Vitella a été surpris de voir que Sztuder a cessé toute communication avec Purolator quelque temps avant Noël 1998, contrairement à sa conduite antérieure concernant les autres contrats.  Boyko apprend de Vitella que le contrat avec D.S. Handling est intervenu le 12 janvier 1999.

[125]       Accompagné de Vena, Boyko rencontre Sztuder le 16 février 2000 afin de l'informer du contenu de son entretien avec Vitella.  Il l'avise que le contrat a été octroyé à un autre soumissionnaire avant la date du sinistre. Boyko témoigne que Sztuder ne manifeste alors aucun émoi :  « I don't think that he sort of fell off his chair or nor did he sort of be in total shock ».  Il l'avise que l'assureur ne détient aucune preuve justificative d'une telle perte de contrat.  Au procès, Sztuder témoigne ne pas se souvenir d'avoir discuté du contrat en janvier ou février 2000 avec Roman Boyko.  L'assureur ne reçoit ensuite aucune information de l'assurée susceptible d'indiquer que l'information fournie le 26 janvier 2000 serait erronée.  Nonobstant cette information non contredite, l'assurée réclamera ensuite une indemnité pour perte de ce contrat dans sa déclaration initiale du 10 mars 2000, réclamation qui sera maintenue jusqu'au 3 octobre 2003, que l'assurée abandonne alors par amendement à la déclaration, à la suite de l'apparition de la fameuse lettre du 16 décembre 1998.

[126]       Le 14 juin 2000, l'assurée présente une requête pour nomination d'un arbitre afin que l'évaluation de cette prétendue perte soit notamment soumise à l'arbitrage.

[127]       À l'approche du procès, l'assureur doit donc se préparer à contester à l'instruction cette réclamation, visiblement mal fondée en faits.

 

2.         POSITION DES PARTIES

[128]       L'assureur plaide que l'assurée, par la conduite de ses préposés, est l'auteure d'une déclaration mensongère qui entraîne la déchéance de son droit à l'indemnisation à l'égard de l'interruption des affaires, soit pour perte de productivité et dépenses supplémentaires, malgré le retrait tardif de la réclamation pour pertes de profit.  Cette déclaration mensongère aurait une double origine, soit l'écrit du 13 septembre 1999 et le maintien de cette déclaration sans rétractation jusqu'au 3 octobre 2003, malgré la connaissance par l'assurée le 16 février 2000 que le contrat a été octroyé à un tiers avant le sinistre du 14 janvier 1999.  La conduite de Richard Sztuder tend à confirmer la réception de la lettre du 16 décembre 1998 et donc sa connaissance de la véritable situation avant le sinistre et cette réclamation.

[129]       L'assurée réplique que toute inexactitude découle d'une erreur de bonne foi et que l'assureur n'a pas prouvé que cette dernière a eu l'intention de le frauder.  À défaut de preuve suffisante, la première juge aurait donc erronément conclu à la déchéance de ce droit, de sorte qu'elle aurait dû accueillir la demande rattachée à ce volet de la réclamation, dont l'évaluation est susceptible d'être soumise à l'arbitrage.

3.         NORME JURIDIQUE

[130]       L'appel porte sur l'applicabilité du premier alinéa de l'article 2472 C.c.Q. qui énonce :  «  Toute déclaration mensongère entraîne pour son auteur la déchéance de son droit à l'indemnisation à l'égard du risque auquel se rattache ladite déclaration ».  L'assurée a-t-elle été l'auteure d'une déclaration mensongère lorsqu'elle réclame jusqu'au 3 octobre 2003 une indemnité pour perte de ce contrat avec Purolator?

[131]       Selon la définition du dictionnaire Le Petit Robert, un mensonge est une « assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans l'intention de tromper ».  Par une déclaration contraire à la réalité, de façon consciente et délibérée, l'assuré a l'intention de frauder son assureur en voulant obtenir une indemnité à laquelle il n'aurait pas droit, s'il avait agi de façon honnête et de bonne foi.[21]  Par mensonge, l'assuré tente de façon dolosive de frustrer l'assureur d'une somme d'argent.  L'assureur doit écarter la présomption de bonne foi rattachée à la conduite de l'assurée (art. 2805 C.c.Q.) et établir de façon prépondérante (art. 2804 C.c.Q.) une intention frauduleuse de la part de ce dernier en vue de le tromper et de s'avantager à ses dépens.[22]  La simple exagération, l'erreur de bonne foi ne suffit pas;  ce qui est faux n'est pas nécessaire mensonger.[23]

[132]       Puisque l'on ne peut examiner le cerveau d'une personne pour en découvrir l'intention, cette preuve de l'intention sera le plus souvent déduite de la conduite de cette personne, suivant le principe qu'une personne consciente et saine d'esprit est présumée rechercher les conséquences prévisibles et probables de ses actes volontaires.  L'intention peut s'inférer des actes d'une personne, dans le contexte d'une preuve par présomption de faits.  Il convient à cette fin d'examiner la conduite d'un assuré à la lumière de l'ensemble des faits pertinents.[24]  Il y a donc lieu de vérifier la portée de la conduite de l'assurée dans ce contexte factuel en vue de la qualifier à la lumière de la norme posée par l'article 2472 C.c.Q.

4.         ANALYSE

[133]       Richard Sztuder adopte une conduite suspecte, empreinte de réticence et de manque de transparence.  Dans l'hypothèse de l'absence de réception de la lettre du 16 décembre 1998 de Gary Robinson, il s'abstient d'effectuer tout suivi auprès de Purolator afin de vérifier le résultat de ce processus de soumissions, bien qu'il s'agisse de la plus importante soumission de l'assurée auprès de cette cliente pour qui elle exécute d'autres contrats en 1999;  lors des précédents quatre appels d'offres, un délai variant de 12 à 94 jours s'est écoulé entre la date de la soumission et l'octroi du contrat à l'assurée.  Étrangement, malgré l'écoulement du temps et ce silence apparent, Sztuder semble se désintéresser complètement du sort de cette fort lucrative soumission.

[134]       Ce dernier n'effectue aucune vérification auprès de Purolator avant la présentation de la réclamation à l'assureur, ni ne communique à cet effet avec Steve Vitella, auparavant responsable des autres soumissions, à qui il référera Boyko.  Il aurait pu aisément communiquer avec Gary Robinson pour connaître la date du contrat, non en soi confidentielle.  Il apprend avant le 13 septembre 1999 d'un sous-traitant que le contrat a été octroyé à D.S. Handling, semble-t-il à la fin janvier 1999, mais s'abstient de tenter d'en découvrir la date précise, pourtant essentielle à la validité de cette réclamation, présumant aveuglément qu'il s'agit du 29 janvier, date qu'il imagine sans vérification aucune.

[135]       Gary Robinson n'a jamais entretenu de relation d'affaires avec Sztuder et ne lui a pas parlé avant ou après l'adjudication du contrat.  Dans l'écrit du 13 septembre 1999, Sztuder explique néanmoins que, à l'époque de la soumission, le service qu'il dirige est perturbé par ce sinistre.  Ce fait s'avère impossible puisque la soumission date du 20 novembre 1998 et que le contrat est accordé à la mi-décembre, soit un mois avant le sinistre du 14 janvier 1999.  Sztuder affirme dans cet écrit que Purolator exige alors un engagement aux fins notamment d'abréger le délai de livraison de l'équipement.  Il faudrait alors logiquement présumer que cette communication a lieu après le 14 janvier 1999.  Or, une telle demande verbale n'aurait pu avoir eu lieu qu'avant le 15 décembre 1998, soit un mois avant le sinistre.  On sait cependant que Gary Robinson, seul responsable de ce projet, n'a eu aucune communication téléphonique avec Sztuder.  Aucune telle demande n'est formulée par Purolator à l'assurée en janvier 1999.

[136]       Richard Sztuder affirme un fait qu'il sait être faux dans cet écrit du 13 septembre 1999, le seul présenté par l'assurée à l'assureur, hormis la soumission du 20 novembre 1998, au soutien de cette réclamation.  L'on ne parle pas ici de simples inexactitudes, d'insouciance, d'exagération, d'erreur de bonne foi.  L'assurée invente une histoire, en concoctant un événement qui ne s'est jamais produit avant le sinistre, pour induire l'assureur en erreur, en expliquant ainsi cette prétendue perte aux fins de percevoir une indemnité substantielle.

[137]       La lettre du 4 novembre 1999 signée par Philippe Grenon informe l'expert en sinistres que Purolator a avisé l'assurée de son refus d'être impliquée dans cette réclamation, étant sous-entendu que cette dernière ne fournira aucune information utile relative à ce contrat.  Cette affirmation est fausse, puisqu'il n'y a eu aucun contact entre l'assurée et Purolator à ce sujet.  Gary Robinson n'a jamais avisé l'assurée qu'il ne voulait pas rencontrer l'enquêteur de l'assureur, ni n'a refusé toute collaboration.  L'assurée tente de diriger l'assureur vers une voie d'évitement et tente de le tromper en inventant un scénario qu'elle sait être faux afin d'empêcher toute recherche de la vérité.

[138]       Finalement, n'ayant guère le choix après plusieurs mois de tergiversations suspectes, Sztuder réfère Roman Boyko à Steve Vitella, un consultant externe qui pour le compte de Purolator s'est déjà occupé des projets de Montréal, Moncton, Winnipeg et Vancouver en 1996 et 1997, mais qui n'est nullement impliqué dans le projet à l'origine de la soumission et du contrat, sous la seule responsabilité de Gary Robinson, le destinataire de cette soumission.  Sztuder omet de préciser qu'il n'a jamais eu de discussions avec Vitella au sujet de ce projet.  Il est surprenant de constater qu'il ne réfère pas Boyko à Robinson, après lui avoir auparavant interdit de communiquer avec Purolator.  Plus d'une année s'écoule après le sinistre avant la tenue de cette rencontre avec Vitella.

[139]       Sztuder, s'il ne le sait déjà, apprend le 16 février 2000 que le contrat a été octroyé avant le sinistre à un tiers, de sorte que la réclamation pour perte de ce contrat est vraisemblablement vouée à l'échec.  L'assurée persistera néanmoins à réclamer une indemnité de 690 089 $ pendant plus de trois ans et demi après la communication de cette information, soit jusqu'au 3 octobre 2003.  N'eût été la communication de cette lettre du 16 décembre 1998 à l'approche du procès, que Sztuder prétend n'avoir jamais reçue, cette réclamation n'aurait sans doute jamais été abandonnée, que l'assureur s'apprêtait à combattre à l'audience.

[140]       En aucun temps, l'assurée n'avise l'assureur que l'information transmise dans l'écrit du 13 septembre 1999 est inexacte et erronée, ce qui oblige ce dernier à déployer des efforts pour contrer cette réclamation sans fondement jusqu'à la veille du procès, alors que l'assurée persiste à réclamer une indemnité pour perte de ce contrat que, selon sa prétention, elle aurait probablement obtenu, n'eût été ce sinistre.

[141]       L'assurée plaide avoir commis une erreur de bonne foi, dans l'ignorance que le contrat avait été octroyé à un tiers avant le 14 janvier 1999;  elle ne l'aurait appris que quelques jours avant le procès, lors de la communication de la copie de la lettre du 16 décembre 1998 de Gary Robinson.  Or, dans l'hypothèse où Sztuder n'aurait pas reçu cette lettre et n'aurait pas ensuite manifesté un aveuglement volontaire, il apprend d'une source qu'il considère lui-même fiable, à qui il réfère Boyko, que le contrat a été conclu avant la date du sinistre.  Sztuder ne conteste pas la véracité de cette information ni n'effectue aucune démarche de vérification à ce sujet.  L'assurée maintient délibérément pendant plus de trois ans cette même déclaration, sachant qu'elle est fausse.

[142]       L'ensemble des faits pertinents dans le contexte de la conduite de l'assurée autorise la déduction raisonnable que celle-ci a délibérément tenté de tromper l'assureur en vue d'obtenir une indemnité à laquelle elle n'avait pas droit.  L'amendement en début de procès ne rétablit pas la bonne foi de façon rétroactive.  Cette réclamation et cette déclaration sous-jacente à son soutien sont maintenues durant toute l'enquête de l'assureur ainsi que durant la période de mise en état du dossier et de préparation du procès, sans rétractation en temps opportun.

[143]       La première juge pose correctement la norme juridique applicable en matière de preuve de déclaration mensongère, ce que ne conteste pas l'assurée qui lui reproche d'avoir erronément conclu à l'existence d'une déclaration mensongère, sans preuve suffisante à cette fin.  Elle se prononce comme suit quant à la connaissance préalable de la lettre du 16 décembre 1998  :

«  En fait, l'on peut penser que M. Sztuder l'a su, dès le 16 décembre 1998, lorsque M. Robinson l'a avisé personnellement par lettre (D-3) que la soumission de la compagnie D.S. Handling Systems avait été retenue de préférence à celle de Moody.  Même s'il n'a jamais reçu cette lettre, comme il le prétend, sa conduite n'est pas plus excusable. »[25]

[144]       De cette preuve, elle conclut  :

«  Il découle de l'ensemble de ces circonstances que la demande de compensation pour le contrat de Purolator ne constituait pas une simple exagération, un oubli ou une erreur de bonne foi.  C'était une réclamation non crédible et malhonnête. »[26]

[145]       Cette révision de la preuve et du jugement démontre que la première juge ne commet aucune erreur de droit, ni d'erreur manifeste et dominante à l'égard des conclusions de faits.[27]  Le processus inférentiel n'est pas manifestement erroné, à la lumière de la conduite de l'assurée.  Il n'y a pas matière à intervention.

[146]       L'assureur a établi de façon prépondérante l'existence d'une déclaration mensongère qui entache tout le volet de cette réclamation pertinent à l'interruption d'affaires, laquelle entraîne la déchéance du droit de l'assurée à l'indemnisation à l'égard du risque auquel elle se rattache, comme le sanctionne l'article 2472 C.c.Q.. 

[147]       Pour ces motifs, je suis d'avis que l'appel incident formé par l'assurée devrait être rejeté avec dépens.

[148]       En résumé, je propose donc le rejet de l'appel principal et de l'appel incident, avec dépens.

 

 

 

 

PIERRE TESSIER J.C.A. (AD HOC)

 



[1]     Daunais c. Farrugia, [1985] R.D.J. 223 (C.A.), p. 228, j. Monet.

[2]     RCA Limitée c. Lumbermen's Mutual Insurance Compagny, [1984] R.D.J. 523 (C.A.), p. 527, j. Chouinard.

[3]     C.C.R. Fishing Ltd. c. British Reserve Insurance Co., [1990] 1 R.C.S. 814 .

[4]     Fils à coudre Allied Threads inc. c. Liberty Mutual Fire Insurance Co., J.E. 97-1473 (C.A.), p. 3, j. Deschamps.

[5]     Commercial Union Cie d'assurance du Canada c. Pentagon Construction Canada inc., [1989] R.J.Q. 1399 (C.A.).

[6]     Commercial Union Cie d'assurance du Canada c. Pentagon Construction Canada inc., précité.

[7]     par. 85.

[8]     2842-1733 Québec inc. c. Allstate du Canada, [1998] R.R.A. 596 (C.S.).

[9]     par. 86.

[10]    Stoneham et Tewkesbury c. Ouellet, [1979] 2 R.C.S. 172 .

[11]    Toneguzzo-Norvell c. Burnaby Hospital, [1994] 1 R.C.S. 114 , p. 121, j. McLachlin.

[12]    Schwartz c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 254 , p. 281, j. La Forest.

[13]    Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235 , p. 253,254, jj. Iacobucci et Major.

[14]    Consolidated-Bathurst c. Mutual Boiler, [1980] 1 R.C.S. 888 , p. 903, j. Estey.

[15]    La Sarre (Ville de) c. Gabriel Aubé inc., [1992] R.D.J. 273 (C.A.).

[16]    Wolray Hotels Ltd. c. Quebec City Hotel Partner-ship, [1992] R.D.J. 349 (C.A.).

[17]    La Sarre (Ville de) c. Gabriel Aubé inc., précité.

[18]    Les Peintures Larvin inc. c. Mutuelle des fonctionnaires du Québec, [1987] R.D.J. 402 (C.A.), p. 405, j. Tyndale.

[19]    m.a., vol. IV, p. 539, l. 14-19.

[20]    par. 99.

[21]    Bureautique Nouvelle-Beauce inc. c. Compagnie d'assurance Guardian du Canada, [1995] R.R.A. 307 (C.A.).

[22]    Groupe Commerce (Le), Cie d'assurance c. 133294 Canada inc., [1990] R.R.A. 162 (C.A.);  General Accident, compagnie d'assurances du Canada c. Marceau, [1992] R.R.A. 402 (C.A.).

[23]    Bernier c. Union québécoise (L'), compagnie d'assurances inc., [2003] R.R.A. 78 (C.A.).

[24]    Jutras c. Société mutuelle d'assurance générale du Lac St-Pierre, [1996] R.R.A. 63 (C.A.).

[25]    par. 126.

[26]    par. 132.

[27]    Housen c. Nikolaisen, précité.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.