DÉCISION
[1] Le 13 mars 2003, le travailleur, monsieur Marshall Edinborough, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 20 janvier 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST en maintenait une autre rendue initialement le 19 juin 2002; la CSST suspendait le versement à monsieur Edinborough d'une indemnité de remplacement du revenu parce qu'il omettait ou refusait sans raison valable de se prévaloir des mesures de réadaptation prévues à son plan de réadaptation.
[3] Une audience était prévue à Montréal le 6 août 2003. L’employeur, Camion & Remorque H.K. inc., et monsieur Edinborough étaient absents bien que convoqués. La CSST avait transmis ses représentations à l’avance en prévenant qu’elle ne se présenterait pas.
L'OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Monsieur Edinborough demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il avait un motif valable pour ne pas se prévaloir des mesures de réadaptation prévues à son plan individualisé de réadaptation.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] L’article 142 (2) d de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi) prévoit :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1 si le bénéficiaire :
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2 si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.
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1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[6] Les faits démontrent que le 19 novembre 1999, monsieur Edinborough est victime d’un accident du travail à l’occasion duquel il subit une blessure au dos. Il est mécanicien et alors âgé de 25 ans. Le diagnostic de hernie discale semble avoir été retenu au moment de la consolidation.
[7] Monsieur Edinborough est incarcéré le 20 février 2000 pour une période se terminant en avril 2003.
[8] Le docteur Coche a déclaré la lésion consolidée le 22 avril 2002, avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il a confirmé cette consolidation par une conversation téléphonique avec la CSST le 18 juin 2002.
[9] Avant même que les séquelles ne soient précisées, la CSST a admis monsieur Edinborough en réadaptation compte tenu de la nature de la lésion subie et de l’emploi prélésionnel.
[10] La difficulté est survenue lorsque monsieur Edinborough a dû rencontrer un médecin pour évaluer les séquelles et un conseiller en réadaptation pour élaborer son plan individualisé de réadaptation, la maison de détention refusant de le laisser sortir.
[11] Le 19 juin 2002, la CSST a donc suspendu le versement au travailleur de son indemnité de remplacement du revenu parce qu’il omettait ou refusait de se prévaloir des mesures de réadaptation prévues par la CSST sans motif raisonnable.
[12] Le 26 juin 2002, monsieur Edinborough a contesté cette décision comme suit :
[…]
As you know, I am still seeking treatment for my back problem of 1999 11 19. Hence, I would not be available anyway for vocational rehabilitation. My understanding, from our discussions is that treatment must be over with respect to my injury prior to being referred for the rehabilitation in question. As you are well aware, a specialist, Dr. Raja Kumar, has recently recommended further treatment with Dr. Sammime. While my situation has made it impossible to see this particular Doctor, I will be seeing Dr Morin shortly. »
[sic]
[13] Monsieur Edinborough demandait que son indemnité lui soit versée rétroactivement.
[14] Le 21 août 2002, la CSST a convoqué monsieur Edinborough à un examen pour que les séquelles de la lésion subie en 1999 soient évaluées. La maison de détention a refusé de le laisser sortir, en raison d’un danger d’évasion.
[15] Le 29 août 2002, la CSST a réécrit à monsieur Edinborough pour lui laisser savoir :
« This letter is to update you concerning your file at the Commission de la santé et de la sécurité du travail. Since you are not available at this present time for your Medical Evaluation and Subsequent Vocational Rehabilitation, your file will remain open yet inactive.
It will be your responsability come March 2003, to inform us and to provide proof of your availability. A decision regarding the suspension of your payments is still pending.
[…]
[sic]
[16] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que cette lettre ne constitue pas une nouvelle décision, comme l’a plaidé la CSST, puisque la suspension de l’indemnité n’a jamais été interrompue depuis juin 2002; il ne s’agit pas d’une nouvelle suspension. Cette lettre ne fait qu’informer monsieur Edinborough et lui expliquer quoi faire lorsqu’il sera à nouveau disponible.
[17] L’article 224 de la loi prévoit qu’un travailleur ne peut contester les conclusions de son médecin traitant. Il n’est pas contesté que le docteur Coche ait été le médecin traitant de monsieur Edinborough bien que ce dernier ait consulté plusieurs médecins. Selon le dossier, un médecin a supervisé les soins pendant la détention et demandé au docteur Coche de déterminer la date de consolidation et s’il y avait des séquelles.
[18] Puisque les conclusions du docteur Coche ne peuvent être contestées, il faut conclure que la lésion était consolidée en avril 2002. Les motifs de contestation allégués par monsieur Edinborough sont donc rejetés, car la lésion étant consolidée, il n’y a pas d’indication que d’autres soins étaient nécessaires et que monsieur Edinborough ne pouvait être admis en réadaptation.
[19] La Commission des lésions professionnelles doit plutôt décider si la détention constitue, pour monsieur Edinborough, un motif raisonnable au sens de l’article 142 de la loi d’omettre de se prévaloir des mesures prévues à son programme individualisé de réadaptation?
[20] La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a déjà statué qu’une incarcération ne constitue pas une raison valable de ne pas être disponible aux mesures de réadaptation prévues à un plan individualisé de réadaptation[2].
[21] Dans le présent cas, monsieur Edinborough ne peut même pas collaborer à l’élaboration de ce plan; la maison de détention le juge à risque d’évasion.
[22] L’article 146 de la loi prévoit :
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
[23] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que collaborer à l’élaboration du plan individualisé de réadaptation est aussi important que de se prévaloir des mesures qui y sont prévues parce que l’article 142 de la loi vise à éviter qu’un travailleur profite indûment d’indemnités versées par la CSST pour des raisons non reliées à la lésion professionnelle subie.
[24] Un travailleur incarcéré ne peut collaborer à l’élaboration de son programme individualisé de réadaptation ni à sa mise-en-oeuvre.
[25] La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a déjà statué que la CSST pouvait unilatéralement, en l’absence de collaboration du travailleur, déterminer un emploi convenable si elle était adéquatement informée de ses besoins et pouvait évaluer correctement ses possibilités[3].
[26] Dans le présent cas, il est impossible pour la CSST d’évaluer les possibilités de monsieur Edinborough parce qu’elle ne peut le rencontrer ni évaluer les séquelles; elle n’a pas les informations requises.
[27] La seule et unique cause qui empêche la CSST de procéder dans le dossier de monsieur Edinbourough en 2002 est son incarcération qui dure jusqu’en 2003. Il n’y a aucune relation entre la lésion subie le 19 novembre 1999 et cette incarcération.
[28] Il serait contraire à l’objectif recherché par la loi que de continuer à verser à monsieur Edinborough une indemnité de remplacement du revenu à partir du moment où son droit à la réadaptation est reconnu alors qu’il n’est pas disponible et ne collabore pas à son programme individualisé de réadaptation parce qu’il est en détention.
[29] Sa requête doit être rejetée.
[30] De plus, bien que les parties n’ont pas soulevé cette question, il apparaît prima facie que monsieur Edinborough a contesté hors le délai de 45 jours prescrit par l’article 359 de la loi puisqu’il a contesté le 13 mars 2003 une décision rendue le 20 janvier 2003 à la suite d’une révision administrative. Étant absent à l’audience, il n’a pas fait valoir de motifs raisonnables de le relever de son défaut, tel que l’article 429.19 de la loi le permet; sa requête est donc irrecevable.
L'AVIS DES MEMBRES
[31] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la requête de monsieur Edinborough doit être rejetée parce qu’il n’a pas de motif valable pour justifier sa non-disponibilité aux mesures prévues à son plan individualisé de réadaptation.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête du travailleur, monsieur Marshall Edinborough;
CONFIRME la décision rendue le 20 janvier 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité est bien fondée de suspendre le versement à monsieur Edinborough de son indemnité de remplacement du revenu à compter du 19 juin 2002.
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Yolande Lemire |
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Commissaire |
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PANNETON LESSARD (Me Claude Turpin) |
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Représentant de la partie intervenante |
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