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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 13 décembre 2005, monsieur Gérald Fortin (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il demande la révision de la décision que la Commission des lésions professionnelles a rendue le 17 octobre 2005.
[2] Cette décision confirme celle qu’a prononcée la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 30 janvier 2004, à la suite d’une révision administrative, et déclare que le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente à son intégrité physique ni limitations fonctionnelles lui résultant de sa lésion professionnelle du 8 décembre 2002 et qu’il n’a droit à aucune indemnité pour préjudice corporel.
[3] Le travailleur est absent à l’audience qui s’est tenue à Joliette le 12 juin 2006 mais il est représenté. L’employeur, Administration Portuaire de Montréal, y est également représenté.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser sa décision du 17 octobre 2005 et de déclarer qu’il conserve une atteinte permanente de 2,2 % à son intégrité physique, lui résultant de sa lésion professionnelle du 8 décembre 2002.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie. La Commission des lésions professionnelles a commis une erreur manifeste et déterminante en déclarant que la CSST ou l’employeur n’avait aucune obligation de transmettre au médecin ayant charge le rapport du docteur Chérif Tadros dans le cadre du processus d’évaluation médicale portant sur la question de l’atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur, ce qui n’a pas permis au médecin ayant charge de produire un rapport complémentaire. Cette erreur constitue un accroc aux règles de justice naturelle.
[6] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis contraire. Le premier commissaire devait interpréter l’article 212.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et c’est ce qu’il a fait à l’intérieur de sa compétence et en s’appuyant sur de la jurisprudence pertinente. Dans les faits, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision de substituer sa propre opinion à celle rendue, ce que le recours en révision ne permet pas.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider en l’instance s’il y a matière à réviser ou révoquer la décision qu’elle a prononcée le 17 octobre 2005.
[8] Les articles 429.49 et 429.56 de la loi prévoient ce qui suit :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] L’article 429.49 de la loi énonce clairement le caractère final, exécutoire et sans appel des décisions de la Commission des lésions professionnelles. Par cet article, le législateur a voulu assurer la stabilité et la sécurité juridique des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles.
[10] Toutefois, l’article 429.56 de la loi permet la révision d’une décision de la Commission des lésions professionnelles.
[11] C’est ainsi qu’un manquement aux règles de justice naturelle et la découverte d’un fait nouveau existant lors de l’audition mais qu’une partie était dans l’impossibilité de fournir et qui serait de nature à modifier la décision rendue sont des motifs qui peuvent donner ouverture à la révision d’une décision de la Commission des lésions professionnelles.
[12] Ce n’est pas là ce que le travailleur invoque en l’espèce. Il allègue plutôt que la décision est entachée d’erreurs manifestes de faits et de droit équivalant à un vice de fond au sens du 3e paragraphe de l’article 429.56 de la loi.
[13] L’orientation depuis plusieurs années de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles sur la notion de «vice de fond» est en ce qu’il doit s’agir d’une erreur de droit ou de faits qui est manifeste et qui a un effet déterminant sur l’objet de la contestation[2].
[14] Dans l’affaire Bourassa[3], la Cour d’appel énonce la règle applicable en ces termes :
[21] La notion [de vice de fond] est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d’une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.
[22] Sous prétexte d’un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments(4).
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(4) Yves Ouellette. Les tribunaux administratifs au Canada : procédure et preuve. Montréal : Éd. Thémis, 1997. P. 506-508 ; Jean-Pierre Villagi. « La justice administrative », dans École du Barreau du Québec. Droit public et administratif. Volume. 7 (2002-2003). Cowansville : Y. Blais, 2002. P. 113, 127-129.
[15] Plus récemment, la Cour d’appel, dans les arrêts CSST c. Fontaine[4] et CSST c. Touloumi[5], a réitéré qu’une décision attaquée pour le motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle «est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision».
[16] La Cour d’appel n’en est pas demeurée là. Dans l’arrêt Fontaine[6], elle insiste particulièrement sur la primauté ou l’autorité à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative. Siégeant en révision, la Commission des lésions professionnelles doit donc faire preuve d’une très grande retenue à l’égard de la décision contestée.
[17] Cela étant dit, qu’en est-il dans le cas sous étude?
[18] Le premier commissaire devait décider de l’existence ou non d’une atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur, lui résultant de sa lésion professionnelle du 8 décembre 2002.
[19] Le travailleur a soulevé un moyen préalable visant l’irrégularité du processus d’évaluation médicale qui a mené à l’avis rendu par le Bureau d’évaluation médicale le 18 novembre 2003 et partant, de la décision du 26 novembre 2003 de la CSST qui l’a entériné. Le premier commissaire a conclu que cet avis avait été rendu de façon régulière et, procédant à évaluer l’ensemble de la preuve médicale versée au dossier, a finalement confirmé cet avis, déclarant que le travailleur ne conservait pas d’atteinte à son intégrité physique, faisant suite à sa lésion professionnelle du 8 décembre 2002.
[20] Le travailleur reproche au premier commissaire d’avoir commis des erreurs manifestes et déterminantes dans sa décision portant sur la régularité de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 18 novembre 2003.
[21] Un rappel des faits pertinents s’impose pour bien apprécier la nature du moyen préalable que le premier commissaire devait trancher.
[22] Le 25 mars 2003, l’employeur s’adresse à la CSST pour que le dossier soit soumis au Bureau d’évaluation médicale. S’appuyant sur un rapport d’expertise du 14 mars 2003 de son médecin désigné, le docteur Chérif Tadros, l’employeur demande à ce que le Bureau d’évaluation médicale se prononce sur la date de consolidation de la lésion, la nécessité des soins ainsi que l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur et de limitations fonctionnelles. La lettre de l’employeur fait mention du fait que le rapport d’expertise du docteur Chérif a été transmis au médecin ayant charge du travailleur, le docteur Allen Payne. Rien n’indique toutefois qu’un rapport complémentaire sur un formulaire de la CSST ait été fourni par la même occasion au docteur Payne.
[23] Faisant suite à cet envoi, le dossier ne fait état d’aucun rapport complémentaire produit par le docteur Payne.
[24] Un premier avis est rendu par le Bureau d’évaluation médicale le 15 mai 2003 sur les seuls sujets de la date de consolidation de la lésion et de la nécessité de traitements. La CSST n’a pas demandé au Bureau d’évaluation médicale de se prononcer sur les sujets de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Le 2 juin 2003, la CSST entérine cet avis, décision qui n’est pas contestée.
[25] Le 10 juin 2003, le docteur Payne produit un rapport d’évaluation médicale dans lequel il accorde une atteinte permanente de 2,2 % à l’intégrité physique du travailleur et qui est acheminé à l’employeur le 5 août suivant. Deux jours plus tard, l’employeur demande à la CSST que le Bureau d’évaluation médicale se prononce sur la question de l’atteinte permanente et il soumet à ce sujet le même rapport d’expertise du 14 mars 2003 du docteur Tadros. Le rapport n’est pas transmis au docteur Payne, pas plus que le rapport complémentaire sur un formulaire de la CSST.
[26] À l’audience tenue devant le premier commissaire, le travailleur a déposé une lettre signée par le docteur Payne le 26 avril 2005 (pièce T-1). Le médecin indique n’avoir «jamais reçu de rapport complémentaire» mais avoir en sa possession «les résultats des BEM, point 1, 2, 3 et 4 (2 différents)». Il ajoute avoir «reçu le document du Dr. Tadros mais aucune note ne parle d’un rapport complémentaire, le document était pour information tout simplement».
[27] Dans le cadre de la présente requête, le travailleur ne remet pas en cause la décision du premier commissaire qui a déclaré que l’employeur pouvait, à bon droit, opposer au rapport d’évaluation médicale du 10 juin 2003 du docteur Payne le rapport antérieur du 14 mars 2003 du docteur Tadros.
[28] Le travailleur reproche plutôt à la décision contestée une erreur qu’il dit manifeste et déterminante dans l’interprétation de l’article 212.1 de la loi qui se lit comme suit :
212.1. Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
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1997, c. 27, a. 5.
[29] Le travailleur plaide en effet que le premier commissaire commet une erreur manifeste et déterminante en déclarant que la CSST ou l’employeur, dans le cadre de la deuxième demande d’arbitrage sur la question de l’atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur, n’avait pas à transmettre de nouveau au docteur Payne le rapport du 14 mars 2003 du docteur Tadros, ce qui avait été fait dans le cadre du premier arbitrage. En vertu de l’article 212.1 de la loi, l’obligation de faire parvenir au docteur Payne une copie du rapport d’expertise du docteur Tadros demeurait pour permettre à celui-ci, dans le cadre d’une nouvelle contestation initiée par l’employeur, d’étayer ses conclusions dans un rapport complémentaire qui, là non plus, ne lui a pas été fourni. Puisque le docteur Payne n’a pas eu cette possibilité, le processus d’évaluation médicale est entaché d’une irrégularité qui rend nul l’avis du Bureau d’évaluation médicale et la décision qui l’a entériné.
[30] En concluant comme il l’a fait, le premier commissaire a ajouté à la loi.
[31] Le premier commissaire s’est exprimé comme suit à ce sujet :
[27] Dans l’affaire Lapointe et Pélican International inc.3, la Commission des lésions professionnelles a de plus précisé qu’un rapport médical d’un médecin désigné qui avait déjà servi à engager une première procédure d’évaluation médicale pouvait à nouveau être opposé aux conclusions du médecin qui a charge du travailleur et pouvait permettre une seconde procédure d’évaluation médicale auprès du membre du Bureau d’évaluation médicale. Dans cette affaire, la commissaire émet l’avis qu’il serait déraisonnable d’exiger que l’employeur transmette de nouveau le rapport du médecin désigné à la CSST et, qu’en pareilles circonstances, le dernier paragraphe à l’article 212 de la loi doit se lire en faisant les adaptations qui s’imposent pour retenir que l’employeur peut simplement signifier à la CSST qu’il conteste le rapport médical du médecin traitant en opposant celui-ci à un rapport médical déjà obtenu de son médecin désigné et préalablement transmis. Le soussigné adhère à cette interprétation.
[28] Dans la présente affaire, conformément à l’article 212 de la loi, l’employeur a obtenu un rapport médical du docteur Tadros, lequel infirmait les conclusions du docteur Payne, médecin qui avait charge du travailleur. L’employeur a également transmis copie de ce rapport à la CSST dans les 30 jours de la date de réception du rapport qu’il désirait contester. La seconde contestation est également adressée à la CSST dans le délai de 30 jours de la réception du rapport contesté, en y opposant le rapport du docteur Tadros déjà acheminé à la CSST ainsi qu’au médecin traitant. Les exigences prévues à l’article 212 de la loi ont été rencontrées.
[…]
[32] Le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l’article 212 de la loi infirmait les conclusions du docteur Payne et ce dernier pouvait donc, dans les 30 jours de la date de réception de ce rapport, fournir un rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions. Le docteur Payne n’a pas produit un tel rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions. La loi ne prévoit pas que le médecin qui a charge du travailleur doive recevoir un rapport complémentaire, c’est plutôt une opportunité qui lui est offerte de transmettre un tel rapport complémentaire suite à la réception d’un rapport médical qui infirme ses conclusions.
[33] Dans l’affaire Deokie et Centre de soins prolongés de Montréal4, la commissaire Mireille Zigby se prononce sur le même moyen soulevé, soit la régularité du processus ayant mené à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. Dans cette affaire, la travailleuse invoquait l’illégalité du processus d’évaluation médicale au motif que la procédure prévue à l’article 212.1 de la loi n’avait pas été suivie, de sorte que le médecin qui avait charge avait été dans l’impossibilité de jouer son rôle. La commissaire considère que, dans les faits, le médecin qui a charge a eu l’opportunité de jouer son rôle et qu’il pouvait produire un rapport complémentaire s’il l’avait jugé utile. La commissaire Zigby s’exprime ainsi :
(…)
[101] La preuve révèle, en effet, que le rapport du docteur Desjardins, lequel a examiné la travailleuse le 22 avril 1998 à la demande de l’employeur, a été transmis au docteur Yee par l’employeur lui-même le 6 mai 1998. Même si c’est l’employeur au lieu de la CSST qui a fait parvenir le rapport du docteur Desjardins au docteur Yee, il reste que ce rapport a bel et bien été transmis au docteur Yee et que ce dernier pouvait, dès lors, produire un rapport complémentaire pour étayer ses conclusions s’il le jugeait utile même s’il n’avait peut-être pas en sa possession le formulaire prescrit par la CSST. Ce qui est essentiel, selon l’article 212.1 de la loi, c’est que le médecin qui a charge reçoive le rapport obtenu en vertu de l’article 212 de la loi et qu’il puisse y répondre. Cela a été fait et le docteur Yee a eu cette opportunité. Le reste n’est que formalité et n’entraîne pas la nullité du processus. Le tribunal considère donc que la première référence au Bureau d’évaluation médicale a été faite conformément à la loi et que l’avis de ce Bureau d’évaluation médicale est régulier.
(…)
[34] En accord avec l’avis exprimé par la commissaire Zigby, le soussigné est d’avis que, sur réception d’un rapport médical qui infirme ses conclusions, le médecin qui a charge du travailleur a l’opportunité de transmettre un rapport complémentaire. Si un tel rapport complémentaire est produit, la CSST doit alors le transmettre au Bureau d’évaluation médicale. C’est là l’essence de l’article 212.1 de la loi. Le docteur Payne a reçu le rapport médical produit par le docteur Tadros et avait alors l’opportunité de produire un rapport complémentaire mais il ne l’a pas fait. La procédure est conforme à la loi et on ne peut considérer comme étant invalide la procédure d’évaluation médicale au motif que le médecin qui a charge du travailleur n’a pas produit de rapport complémentaire alors qu’il en avait la possibilité.
[35] La seule mention à l’article 212.1 de la loi que le médecin peut produire un rapport complémentaire sur le formulaire que la CSST prescrit, ne fait pas en sorte que le médecin qui a charge du travailleur doive attendre un formulaire particulier de la CSST avant de fournir un rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions.
[36] La référence à un formulaire prescrit par la CSST se retrouve aux articles 199, 200, 201, 202 et 203 de la loi :
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et:
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
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1985, c. 6, a. 199.
200. Dans le cas prévu par le paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 199, le médecin qui a charge du travailleur doit de plus expédier à la Commission, dans les six jours de son premier examen, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport sommaire comportant notamment:
1° la date de l'accident du travail;
2° le diagnostic principal et les renseignements complémentaires pertinents;
3° la période prévisible de consolidation de la lésion professionnelle;
4° le fait que le travailleur est en attente de traitements de physiothérapie ou d'ergothérapie ou en attente d'hospitalisation ou le fait qu'il reçoit de tels traitements ou qu'il est hospitalisé;
5° dans la mesure où il peut se prononcer à cet égard, la possibilité que des séquelles permanentes subsistent.
Il en est de même pour tout médecin qui en aura charge subséquemment.
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1985, c. 6, a. 200.
201. Si l'évolution de la pathologie du travailleur modifie de façon significative la nature ou la durée des soins ou des traitements prescrits ou administrés, le médecin qui a charge du travailleur en informe la Commission immédiatement, sur le formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
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1985, c. 6, a. 201.
202. Dans les 10 jours de la réception d'une demande de la Commission à cet effet, le médecin qui a charge du travailleur doit fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport qui comporte les précisions qu'elle requiert sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
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1985, c. 6, a. 202; 1992, c. 11, a. 12.
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant:
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
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1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.
[37] À l’exception de l’article 202 de la loi où il est précisément fait mention d’une demande émanant de la CSST relativement à des précisions requises sur des sujets mentionnés, on ne peut considérer que le médecin qui a charge du travailleur doive attendre un formulaire particulier que doit lui acheminer la CSST, que ce soit avant d’émettre une attestation médicale prévue à l’article 199 de la loi, des rapports d’évolution prévus aux articles 200 et 201 de la loi ou un rapport final prévu à l’article 203 de la loi. Le médecin qui a charge du travailleur est en mesure de se procurer ces formulaires et on ne peut justifier l’absence d’un rapport complémentaire prévu à l’article 212.1 de la loi au motif que le médecin qui a charge n’aurait pas reçu un rapport complémentaire. Tout rapport médical sur lequel le médecin traitant aurait étayé ses conclusions aurait répondu aux exigences de l’article 212.1 de la loi et aurait pu être soumis au membre du Bureau d’évaluation médicale. Le docteur Payne n’a cependant pas soumis un tel rapport complémentaire dans le délai prévu et, en l’absence d’un tel rapport complémentaire, le membre du Bureau d’évaluation médicale a rendu son avis suite à une procédure d’évaluation médicale conforme à la loi.
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3 Lapointe et Pélican International inc., C.L.P. 237155-61-0406, 21 mars 2005, G. Morin
4 Deokie et Centre de soins prolongés de Montréal, C.L.P. 126367-71-9911, 22 septembre 2000, M. Zigby
[32] Force est de constater que le premier commissaire a largement répondu aux arguments du travailleur. S’appuyant sur de la jurisprudence pertinente, le premier commissaire fait une interprétation possible et raisonnable du texte de loi de l’article 212.1 de la loi et cette interprétation doit prévaloir sur celle que le présent tribunal pourrait avoir. Le travailleur ne fait pas la preuve d’une erreur évidente et déterminante dans l’interprétation que le premier commissaire fait de l’article 212.1 de la loi eu égard aux faits auxquels il était confronté. Le travailleur cherche manifestement plutôt à rouvrir le débat devant le présent commissaire siégeant en révision en lui demandant de substituer sa propre opinion à celle du premier commissaire, ce que le recours en révision ne permet pas.
[33] En d’autres termes, les prétentions du travailleur ne sont sûrement pas sans fondement sur le fond de l’affaire mais relèvent d’une question d’interprétation de l’article 212.1 de la loi.
[34] En effet, d’aucuns pourraient prétendre que dans le cadre de la nouvelle contestation initiée par l’employeur en août 2003 sur le sujet de l’atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur, une contestation qui était nouvelle par rapport à celle qui avait fait l’objet du premier avis du Bureau d’évaluation médicale en mars 2003 portant sur la date de consolidation de la lésion et de la nécessité des traitements, l’employeur ou la CSST devait tout de même transmettre au docteur Payne le rapport d’expertise du 14 mars 2003 du docteur Tadros, accompagné du formulaire de la CSST, même si le docteur Payne avait déjà cette expertise en sa possession et avait eu l’occasion de produire un rapport complémentaire. C’est là l’interprétation littérale de l’article 212.1 de la loi que défend le travailleur.
[35] D’autres pourraient soutenir le contraire. En effet, si la jurisprudence[7] estime qu’il serait déraisonnable d’exiger que l’employeur transmette de nouveau le rapport du médecin désigné de l’employeur à la CSST, celle-ci l’ayant déjà en sa possession, pourquoi faudrait-il que ce même rapport soit transmis au médecin ayant charge qui, comme dans le cas sous étude, l’a déjà en sa possession? Ne serait-ce pas là alourdir le processus d’évaluation médicale, d’autant qu’en l’instance, le docteur Payne a eu l’occasion mais n’a jamais produit de rapport complémentaire lorsqu’il a reçu le rapport d’expertise du docteur Tadros en mars 2003? Pourtant, à cette époque, l’employeur manifestait déjà son désaccord sur la question de l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur et demandait l’avis du Bureau d’évaluation médicale à ce sujet, ce que le docteur Payne savait pertinemment.
[36] Le premier commissaire a donc retenu une interprétation défendable de l’article 212.1 de la loi dans les circonstances particulières qui lui étaient soumises. Le présent tribunal n’interviendra pas dans ce choix qui n’a rien d’arbitraire et qui ne constitue pas en soi une erreur manifeste et déterminante en droit. Siégeant en révision, la Commission des lésions professionnelles n’a pas à se demander si elle est d’accord ou non avec la décision rendue car il est toujours possible qu’un autre décideur, saisi de la même question, aurait pu en arriver à des conclusions différentes. Elle n’a pas non plus à substituer sa propre opinion, d’autant que des interprétations différentes s’offraient au premier commissaire. Celui-ci en a choisi une défendable et elle doit prévaloir sur celle que le présent tribunal pourrait avancer.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête du travailleur, monsieur Gérald Fortin.
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Bernard Lemay |
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Commissaire |
Monsieur Jacques Morency |
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C.S.N. |
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Représentant de la partie requérante |
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Monsieur Martin Légaré |
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MEDIAL CONSEIL SANTÉ SÉCURITÉ INC. |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783
[3] Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 601 (C.A.)
[4] [2005] C.L.P. 626 (C.A.)
[5] C.A. 500-09-015132-046, 6 octobre 2005, jj. Robert, Morissette, Bich, 05LP-159
[6] Précitée, note 4
[7] Lapointe et Pellican International inc., C.L.P. 237155-61-0406, 21 mars 2005, G. Morin
AVIS :
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