Lemieux c. CDP Capital - Technologies Gestion inc. |
2011 QCCS 3900 |
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JM1838 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-11-020723-033 |
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DATE : |
Le 1er août 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
ROBERT MONGEON, J.C.S. |
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Guy Lemieux |
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Demandeur |
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c. |
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CDP Capital - Technologies Gestion Inc. |
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Marc Ferland |
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William J. Meder |
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Jean-David Bégin |
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Défendeurs |
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-et- |
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Nertec Design Inc. |
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La Société Innovatech du Sud du Québec |
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Bruno Plante |
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Gestion Nertec Inc. |
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Paul Aubin |
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Mis-en-cause |
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JUGEMENT |
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INTRODUCTION
[1] Guy Lemieux poursuit les défendeurs sur la base d’un recours en oppression (article 241 LCSA) et pour dommages résultant de son congédiement de la mise-en-cause Nertec Design Inc. (Nertec). Il demande aussi l’autorisation du Tribunal pour instituer une action dérivée (article 238 LCSA) contre ces mêmes défendeurs en compensation des dommages qu’ils auraient causés à Nertec.
[2] Pour les motifs qui suivent, le recours du demandeur est rejeté dans sa totalité. Celui-ci a, en effet, failli à son obligation de démontrer une oppression à son égard, une quelconque mauvaise foi dans le processus de son congédiement de Nertec ou encore une faute des défendeurs à l’endroit de Nertec donnant ouverture à une action dérivée.
[3] De fait, le demandeur n’a pu faire la preuve d’un quelconque comportement oppressif ou fautif à son endroit ou à l’endroit de Nertec. Il a plutôt démontré que la situation dans laquelle il se trouve aujourd’hui est le résultat de ses propres manquements à son obligation de fiduciaire envers Nertec, de loyauté envers son employeur et de la priorisation de ses intérêts personnels devant ceux de l’entreprise qu’il devait servir.
LES PARTIES
a) Le demandeur
[4] Guy Lemieux (Lemieux) est l'ancien président et chef de la direction de Nertec. Il a occupé ce poste du 15 mai 2001 au 16 juin 2003, date de son congédiement. Avant d'accéder à la présidence de Nertec, Lemieux a siégé à son conseil d'administration à compter du 27 janvier 1998.
b) Les défendeurs
[5] CDP Capital-Technologies Gestion Inc. (CDP), anciennement connue sous le nom de Sofinov Société d'Innovation Inc., est une société de capital de risque et est une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec. CDP est devenue actionnaire de Nertec le 11 septembre 1997.
[6] Marc Ferland (Ferland), William J. Meder (Meder) et Jean-David Bégin (Bégin) sont des employés et/ou consultants de CDP et ont, pendant la période critique des faits de la présente cause, siégé au conseil d'administration de Nertec. Lemieux prétend que CDP, Ferland, Meder et Bégin sont les artisans et les personnes directement responsables de l'oppression qu'il prétend avoir subie, ainsi que de son congédiement.
c) Les mis-en-cause
[7] Nertec est la corporation qui, selon Lemieux, est la victime (avec lui) des agissements des défendeurs. Quant à la Société Innovatech du Sud du Québec (Innovatech) et Gestion Nertec Inc. (Gestion Nertec), ces deux sociétés sont les autres actionnaires de Nertec, avec CDP.
[8] Nertec a été fondée, notamment par Paul Aubin et d'autres créateurs, dans le but de développer et de commercialiser des systèmes de lecture à distance de compteurs d'eau, de gaz et d'électricité, tant à des fins de lecture qu'à des fins de commercialisation des produits ainsi mesurés, avec une tarification variable selon la demande et l'utilisation (commerciale, résidentielle ou institutionnelle) de l'eau, du gaz ou de l'électricité.
[9] Quant à Bruno Plante (Plante), il est le représentant de Innovatech au conseil de Nertec.
[10] Paul Aubin (Aubin) est l'un des fondateurs de Nertec et, par l'entremise de sa société Gestion Paul Aubin Inc., un important actionnaire indirect de Nertec. Aubin a été, au début de la période factuelle critique du présent dossier, l'allié de Lemieux mais vers la fin de cette même période, Aubin …"avait posé une série d'actes qui ont eu pour effet de l'avantager personnellement au détriment de Guy Lemieux"…[1]
[11] Lemieux est, en tous temps pertinents, détenteur de 284 000 options d'achat d'actions de Nertec, à un prix d'exercice variant de 5,00$ à 10,00$ l'action. Selon le demandeur, ces options, une fois exercées, lui permettaient de détenir environ 7% (avant dilution subséquente) du capital-actions de Nertec. Donc, pour que ses options soient exerçables avec profit (dans le jargon: "in the money"), la valeur capitalisée de Nertec doit approcher les 21 millions de dollars[2].
[12] Pour une description complète des actionnaires et détenteurs d'options d'achat d'actions de Nertec, voir les paragraphes 19, 20 et 21 de la Requête. Notons, cependant, que Gestion Nertec détient 55.27% des actions de Nertec, CDP en détient 39.47% tandis qu'Innovatech en détient 5.26%.
LES FAITS PERTINENTS AU LITIGE
[13] Le résumé qui suit couvre les seuls faits pertinents à l'élaboration et à la solution du litige. Les autres faits ont été omis. Ce résumé contient aussi les commentaires du Tribunal sur l'appréciation de ces faits.
[14] Nertec a été fondée en février 1985 par MM. François Tanguay et Paul Aubin.
[15] Hormis l'année 1991 où Nertec a réalisé un profit de 2 083 000$ et l'année 1992 (profit de 992 000$), l'entreprise a réalisé des pertes d'opération variant de 501 000$ à 3 330 000$ de 1992 à 2001. Les années 2002 et 2003 n’ont pas été meilleures que les précédentes. Au moment où Lemieux accède au conseil d'administration en janvier 1998, la compagnie a des revenus légèrement supérieurs à 1 million$ et des pertes de l'ordre de 608 000$.[3] Les profits des années 1991 et 1992 sont dus à un contrat d'Hydro-Québec dans le cadre d'un projet-pilote qui n'a pas eu de suite au cours des années subséquentes.
[16] En 1997, juste avant l'arrivée de Lemieux au conseil, CDP et Innovatech deviennent actionnaires de Nertec. CDP investit 7 500 000$ et Innovatech investit 1 000 000$. Ces fonds sont dirigés vers la recherche et le développement ainsi que vers la commercialisation, surtout vers le marché américain. L'arrivée de CDP et de Innovatech a un effet dilutif important sur l'actionnariat des autres actionnaires, notamment Gestion Nertec (dont le principal actionnaire est Paul Aubin).
[17] Lemieux arrive chez Nertec après une longue carrière chez Bell.
[18] Après neuf ans chez Bell Mobilité, de avril 1992 à mai 2001, Lemieux sent le besoin de réorienter sa carrière et de quitter la famille Bell où il a œuvré pendant de nombreuses années. Lemieux est à la recherche d'un travail où ses compétences pourraient lui permettre d'augmenter ses revenus et de lui assurer de meilleures conditions de retraite.
[19] Vers la fin des années 1990, Lemieux rencontre alors plusieurs représentants et/ou gestionnaires de sociétés de capital de risque qui sont à la recherche d'administrateurs indépendants. Ces sociétés ont besoin d'administrateurs compétents pour représenter leurs intérêts auprès des conseils d'administration des sociétés dans lesquelles elles investissent.
[20] Il rencontre alors certaines personnes reliées à la Caisse de dépôt et placement du Québec (la Caisse) et, à la demande de Sofinov, alors société de capital de risque de la Caisse, il accepte de siéger au conseil d'administration de Nertec à compter du 27 janvier 1998.
[21] Il rencontre aussi les deux fondateurs de Nertec, MM. François Tanguay et Paul Aubin.
[22] De 1998 à 2001, Lemieux apprend à connaître le domaine d'activité de Nertec et se fait connaître par les membres du conseil d'administration et, notamment, par les deux administrateurs-fondateurs. Il est perçu comme un candidat idéal à assumer la fonction de président et chef de la direction de l'entreprise. A l'époque, Nertec est impliqué dans le design et la fabrication d'équipement et de pièces de télémétrie permettant la lecture à distance de différents types de compteurs d'eau, d'électricité ou de gaz tant pour des installations industrielles que résidentielles. On se souviendra qu'il y a quelques années, ce genre de compteurs étaient lus visuellement par un préposé de l'entreprise de service qui devait se déplacer à l'arrière ou à l'intérieur des résidences pour effectuer ces lectures. Depuis quelques années, ces compteurs sont équipés de pièces de télémétrie qui permettent la transcription à distance de ces mêmes lectures, ce qui sauve énormément de temps à la compagnie de service pour recueillir les données essentielles à sa facturation. Cependant, en 1998, ce genre de technologie était à ses débuts.
[23] Nertec était donc à une époque où elle avait grand besoin de la mise en place d'un plan d'affaire et au développement de sa force de vente et de mise en marché.
[24] De plus, la compagnie Nertec avait grand besoin d'un leadership non pas axé sur la créativité ou le développement des produits mais bien sur leur distribution et leur vente.
[25] Lemieux correspondait donc parfaitement au profil recherché par l'entreprise.
[26] Après avoir été sollicité une première fois[4], approche qu'il a décidé de ne pas accepter, Lemieux apprend vers l'année 2001 que Bell entend offrir à ses cadres supérieurs des facilités intéressantes de pré-retraite. Après avoir examiné les conditions d'une possible pré-retraite de chez Bell, Lemieux reprend contact[5] avec les dirigeants de Nertec pour leur faire savoir que s'ils étaient toujours intéressés à ce qu'il occupe les fonctions de président et chef de la direction, il était, dorénavant, prêt à accepter un tel mandat. Tout est alors mis en place et Guy Lemieux devient donc le président de Nertec le 29 mars 2001.
[27] A l'époque, Nertec vivait presqu'essentiellement du financement que lui fournissaient les deux sociétés de capital de risque précitées (CDP et Innovatech). Les ventes de Nertec étaient nettement insuffisantes pour couvrir les frais d'opération. La valeur capitalisée de Nertec était donc peu élevée, sinon inexistante, tant et aussi longtemps que Nertec ne réussirait pas à débloquer sur le plan des ventes.
[28] D'ailleurs, la décision de Lemieux d'agir comme administrateur de l'entreprise, avait été positivement facilitée par la décision des deux investisseurs institutionnels précités d'injecter un total de 8,5 millions$ sous forme de capital dans la société (à noter que ces injections de capital étaient assujettis à certaines facilités de conversion en actions de la société, question sur laquelle le Tribunal reviendra plus tard).
[29] Tous réalisaient aussi que, pour continuer à évoluer, Nertec devait pouvoir commencer à compter sur sa propre capacité de générer des revenus par opposition à ne rechercher que du capital de risque, lequel risquait toujours de devoir être remboursé ou encore être transformé en actions, ce qui pouvait provoquer avec le temps une prise de contrôle des investisseurs institutionnels par rapport aux dirigeants fondateurs de la compagnie.
[30] Ainsi, le 6 mars 2001, Nertec propose les termes d'un contrat d'emploi à Lemieux qui les accepte le 29 mars 2001. La date de son entrée en fonction est le 15 mai 2001[6]. Outre la rémunération de base, les avantages sociaux et clauses usuelles de bonis de performance, Lemieux se voit offrir l'accès à un Régime d'options d'achat d'actions de Nertec dans les termes suivants:
…
Dans le cadre du Régime d'options d'achat d'actions de la société, vous aurez le privilège d'obtenir des options vous permettant d'acquérir jusqu'à 7% du capital action de la société au prix de la dernière ronde (post ratchet) de financement, soit environ $5 par action (nombre exact d'options et prix à déterminer). Exceptionnellement, les options seront exerçables au taux de 1/36 à la fin de chaque mois au cours de votre première année à l'emploi de la société, 1/3 à la fin de votre deuxième année à l'emploi de la société, puis le solde (1/3) à la fin de votre troisième année à l'emploi de votre société. Toutes vos options seront accélérées et deviendront exerçables advenant une vente, fusion complète ou partielle de la société, ou dans le cas d'une OPA (IPO). Une copie du Régime d'options d'achat d'actions de la société est jointe à cette lettre. La société vous autorisera à acheter des actions supplémentaires de la société jusqu'à concurrence d'un montant global de $100 000, et ce à la juste valeur marchande telle que définie dans le Régime d'options d'achat d'actions.
…
(soulignements ajoutés)
[31] Tel qu'indiqué précédemment, ces options n'avaient de valeur positive que si Nertec atteignait une valeur capitalisée de l'ordre de 21 millions$.
[32] Ce régime pouvait donc, mais de façon purement aléatoire, fournir à Lemieux un intéressant capital dans l'éventualité où Nertec réussirait à percer le marchée et à être vendue à une tierce entreprise pour un montant supérieur à 21 millions$.
[33] Le contrat est à durée indéterminée mais prévoit que si Nertec devait mettre fin au contrat d'emploi dans les trois ans de la date du début d'emploi de Lemieux (15 mai 2001) et autrement que pour cause, Lemieux aurait alors droit à une prime de départ équivalente à un an de salaire.
[34] Du 15 mai 2001 au 29 août 2002, les relations entre Lemieux et le conseil d'administration de Nertec ainsi qu'avec CDP et Innovatech sont relativement bonnes.
[35] Lemieux propose que la double fonction qu'il occupe soit celle de président du conseil et celle de président et chef de la direction de Nertec, soit scindée et que deux personnes soient affectées à ces deux fonctions. Il propose que le président du conseil soit une personne de l'extérieur avec un profil d'entrepreneur axé sur la vente et la commercialisation des produits créés et fabriqués par Nertec. M. Thomas Cantwell est recruté et nommé au poste de président du conseil. Cantwell possède le profil d'entrepreneur que Lemieux souhaitait.
[36] Au début de l'année 2002, Nertec constate qu'elle a besoin de fonds. Une nouvelle "ronde de financement" commence donc. Le but est double: apporter des capitaux neufs à l'entreprise et fixer la valeur de conversion des débentures (souscrites en mai 2001 par CDP et Innovatech) en actions de la compagnie, cette valeur de conversion étant fonction de la valeur attribuée à la compagnie par un nouvel acquéreur d'actions de Nertec.
[37] Lemieux et la direction de Nertec contactent alors une série d'investisseurs potentiels et notamment le Fonds de Solidarité FTQ (F.S.F.T.Q.)
[38] En date du 26 juillet 2002[7], Nertec reçoit du F.S.F.T.Q. une lettre portant sur un investissement éventuel de 2 millions$ avec option de 1 million$ supplémentaire à certaines conditions. Cette lettre ne constitue pas une offre formelle de financement mais, plutôt, une invitation à Nertec de fournir les renseignements nécessaires à la poursuite de l'étude du dossier.
[39] L'invitation du F.S.F.T.Q. a été acceptée par Lemieux au nom de Nertec, le 1er août 2002.
[40] En annexe à la lettre P-33, on retrouve comme condition essentielle à un éventuel investissement du F.S.F.T.Q., la nécessité pour CDP et Innovatech d'investir, ensemble ou séparément, un montant total de 1 million$ en même temps que le F.S.F.T.Q. investirait une somme de 2 millions$, et ce, aux mêmes conditions.
[41] L'invitation P-33 prévoit, en outre, que l'investissement se fera sur la base d'une valeur d'entreprise de Nertec de 14 millions$ (valeur pré-investissement).
[42] Préalablement à l'invitation P-33, Nertec avait aussi reçu une offre de financement de la Banque nationale du Canada[8] sous forme de prêt garanti par une hypothèque mobilière sans dépossession pour un total de 2 millions$ avec possibilité d'extension à 2.5 millions$.
[43] Lemieux croit beaucoup à l'invitation du F.S.F.T.Q. qui, combinée au prêt de la Banque nationale et, selon lui[9], à l'engagement de CDP et de Innovatech d'investir un montant additionnel pouvant atteindre 1,5 million$, pouvait fournir à Nertec des fonds, tant sous forme de dette que d'équité, totalisant près de 6 millions$ et pouvant même aller jusqu'à 6.7 millions$[10].
[44] Dès ce moment, Lemieux considère (à tort) que l'offre du F.S.F.T.Q. est une offre formelle de financement aux conditions énoncées dans le document P-33. Or, ce n'est pas le cas. De fait, jamais l'offre du F.S.F.T.Q. n'atteindra le stade d'une offre formelle.
[45] Il faut noter aussi que si l'invitation du F.S.F.T.Q. se concrétisait selon les termes de la lettre P-33, les actionnaires de Nertec (et les détenteurs d'options) verraient leurs positions respectives sensiblement diluées car les débentures détenues par CDP et Innovatech seraient alors converties en actions sur la base d'une valeur d'entreprise attribuée à Nertec de l'ordre de 14 millions$[11]. Or, l'invitation du F.S.F.T.Q. est loin d'être finale et risque d'être substantiellement modifiée une fois que le processus de vérification diligente aura été complété. En d'autres termes, une fois cette vérification complétée, le F.S.F.T.Q. aurait pu déposer une offre modifiée avec une valeur d'entreprise moindre, des conditions de financement plus onéreuses, etc… ou même décider de ne pas financer Nertec.
[46] Lemieux fait rapport de ce qui précède au conseil d'administration de Nertec mais le 28 août suivant, Marc Ferland annonce à Lemieux que CDP entend refuser l'offre du F.S.F.T.Q., notamment parce que la valeur de l'entreprise (à 14 millions$ avant ajustements) est beaucoup trop élevée.
[47] En effet, lorsque cette valeur d'entreprise est utilisée dans la détermination de la valeur de conversion des débentures déjà détenues par CDP, cela a pour effet de diminuer le nombre d'actions émises en contrepartie de la conversion. L'intérêt de CDP d'obtenir du financement externe à une valeur d'entreprise plus basse permet donc à CDP d'obtenir plus d'actions lors de la conversion des débentures qu'elle détient déjà. CDP recherchait donc une valeur d'entreprise plus basse que 14 millions$ de manière à augmenter le nombre d'actions qui seraient émises à son nom.[12]
[48] Rapport est fait au conseil d'administration de Nertec le 29 août 2002.[13]
[49] Lors de la réunion du 29 août 2002, Lemieux exprime son désaccord avec la décision de CDP et laisse paraître clairement son intérêt pour le projet de financement du F.S.F.T.Q. Le procès-verbal de la réunion du conseil (P-35) indique effectivement que:
- lors d'une réunion tenue le 28 août précédent, CDP a indiqué qu'elle n'était pas confortable avec le projet en question et que CDP n'était pas prête à investir à de conditions où la valeur d'entreprise serait fixée à 14 millions$;
- CDP est prête à continuer à soutenir Nertec mais sur la base d'une valeur d'entreprise plus basse et ainsi obtenir une plus grande part d'équité dans la compagnie;
- CDP est aussi prête à couvrir les besoins de liquidités à court terme de Nertec.
[50] Malgré cela, la décision du conseil surprend: le conseil se prépare au pire contre une éventuelle crise financière et prend les moyens pour protéger les administrateurs contre une éventuelle responsabilité personnelle.
[51] Les moyens utilisés sont les suivants:
…
After discussions amongst board members, it has been decided to:
Open a bank account "in trust". Management will make sure that the amount in this account is covering accrued payroll, vacations and any applicable taxes.
§ Board members mandated Mr. Guy Lemieux to rapidly obtain a written response from CDP confirming their intent to refuse the terms and conditions specified in FSTQ term sheet.
§ Borad instructed management to continue discussions with CDP Capital and also to contact FSTQ to explore other avenues.
§ Board asked management to seek legal counsel about the fiduciary responsibilities of directors regarding this specific situation.
§ Board asked management to review the subscription and shareholders agreements in order to assess the applicability of the stated intentions and their effect on the above.
§ Board also requested to be informed of any on going developments by e-mail or phone calls s applicable.
…
[52] Ces mesures indiquent deux craintes importantes : la première est une possible faillite de Nertec et les administrateurs veulent protéger leur responsabilité personnelle. La seconde est que le financement de Nertec se fasse sur le dos des actionnaires et/ou détenteurs d’options. Par contre, Nertec n’a pas tellement d’options : elle doit se financer à court et à moyen terme et le seul véritable prêteur disposé à la financer est CDP. Le F.S.F.T.Q. n’a pas d’offre formelle à déposer au moment où l’offre de CDP est annoncée. De plus, l’offre du F.S.F.T.Q. est conditionnelle au financement de CDP et de Innovatech à hauteur de 1 million$.
[53] La prochaine réunion du conseil d'administration de Nertec est prévue pour le 12 septembre 2002. Une heure avant la réunion, CDP dépose son offre de financement (P-37). Celle-ci propose des conditions avantageuses pour CDP en cas de vente de l'entreprise. Les conditions d'emprunt sont aussi plus onéreuses que celles annoncées par le F.S.F.T.Q. Rappelons, cependant, que l'invitation du F.S.F.T.Q. ne s'est pas encore concrétisée en une offre formelle et rien n'assure que le F.S.F.T.Q. aurait éventuellement accepté de financer Nertec aux mêmes conditions que celles de sa lettre P-33. Il est même tout à fait possible que le F.S.F.T.Q. décide de ne pas financer Nertec, une fois sa vérification diligente complétée.
[54] A leur corps défendant, Lemieux et les autres membres du conseil de Nertec[14] n'ont pas le choix que de considérer et d'accepter l'offre de CDP. La réunion du conseil est néanmoins ajournée au lendemain 13 septembre, afin de permettre à tous les administrateurs de réfléchir à la situation.
[55] Le soir du 12 septembre 2002, Marc Ferland invite Lemieux à le rencontrer au Ritz pour poursuivre les discussions. Lemieux est alors fortement préoccupé par l'effet de dilution important que la nouvelle proposition de financement de CDP provoque sur ses options. Comme question de fait, Ferland réitère à Lemieux que malgré l'effet de dilution important de l'offre de CDP sur ses options, Lemieux n'en serait pas substantiellement affecté, Ferland laissant clairement entendre que ses droits seraient ré-évalués. Ferland ajoute, par contre, qu'avant de discuter des options du demandeur, il fallait "fermer" la transaction de financement proposée par CDP.
[56] L'offre de CDP a été acceptée lors d'une assemblée du conseil de Nertec le 13 septembre 2002.[15]
[57] L'offre de CDP est sous forme de débentures convertibles en actions convertibles sur la base d'une valeur d'entreprise pré-investissement de 6 millions$ (par rapport à une valeur annoncée (dans P-33) de 14 millions$ pour la proposition du F.S.F.T.Q.), ce qui permet à l'investisseur de pouvoir mettre la main sur beaucoup plus d'actions de Nertec et de diluer beaucoup plus les positions des autres actionnaires ou détenteurs d'option. C'est là sa plus importante différence. Cependant, la preuve (non contredite) révélera que le chiffre de 14 millions$ doit être ramené à une valeur qui se situe entre 8 millions$ et 9,4 millions$ car il faut tenir compte du remboursement des débentures convertibles de CDP. Ainsi, la différence de valeur d'entreprise entre la proposition du F.S.F.T.Q. et l'offre de CDP n'est pas aussi considérable que Lemieux le prétend et l'effet de dilution sur les options de Lemieux demeure considérable, quelle que soit la source de financement (F.S.F.T.Q. ou CDP). Par contre, si CDP finance Nertec à ses conditions, Lemieux sait déjà que son régime d’options sera ré-évalué, ce qui n’est pas acquis si le F.S.F.T.Q. finance Nertec.
[58] Un autre élément non négligeable pour Nertec était que l'offre de CDP était formelle et réglait les besoins financiers de Nertec à court et moyen terme, tandis que la proposition du F.S.F.T.Q. n'était qu'une invitation à poursuivre les discussions et l'exercice d'une vérification diligente du dossier par le F.S.F.T.Q. avant que l'invitation de cette dernière ne se concrétise en une offre formelle. Tel qu'indiqué ci-haut, rien ne garantissait que le FS.F.T.Q. serait même disposé à avancer quelque montant que ce soit à Nertec après cet exercice.
[59] Il faut aussi préciser que l'offre de CDP, telle que proposée et acceptée par Nertec empêchait Nertec d'accepter l'offre de financement de la Banque Nationale (prêt de 2 millions$). Cette situation sera éventuellement corrigée: CDP renoncera à son rang prioritaire sur les actifs de Nertec pour permettre la mis en en place de ce financement.
[60] Donc, pour Nertec, l'acceptation de l'offre de CDP ne semble pas poser de difficultés particulières. L'impact négatif de ce financement est au niveau des actionnaires et des détenteurs d'options.
[61] Paul Aubin, un des actionnaires-fondateurs de Nertec, est durement affecté.
[62] Le 17 octobre 2002, Aubin institue un recours en oppression contre CDP.
[63] Parallèlement à ce recours, Lemieux rencontre Denis Dionne, grand patron de CDP, le 28 octobre 2002, pour tenter de le convaincre d'atténuer l'impact du financement sur ses options. Lemieux soumet une liste de doléances (P-40). Ses demandes restent sans résultat tangible, si ce n'est une liste d'ajustements proposée par CDP le 5 novembre 2002 (P-42). Entre-temps, la mise en place du financement CDP ne peut procéder vu l'opposition de Aubin et la réaction négative de Lemieux. Par contre, CDP et Innovatech continuent de supporter Nertec financièrement au moyen de prêts temporaires ("bridge loans").
[64] Le recours en oppression de Paul Aubin illustre l'impact de la décision de CDP de financer Nertec selon les termes de l'offre du 13 septembre 2002 (P-37). Cependant, entre le 17 octobre 2002 (date du dépôt du recours) et sa présentation devant le Tribunal, plusieurs tractactions et négociations se tiennent. Aubin veut, d'une part, protéger sa position d'actionnaire fondateur et Lemieux cherche par tous les moyens à éviter d'être fortement dilué. Quant à CDP, celle-ci est consciente du problème et n'est pas fermée à l'idée de régler le sort des actionnaires et de la direction de Nertec qui doivent subir les conséquences du financement proposé par CDP.
[65] La période du 17 octobre au 13 décembre 2002 donna lieu à de nombreux échanges et de nombreuses réunions entre les parties au cours desquelles plusieurs scénarios de règlement possible de la question des options d'achat d'action du Demandeur, des options d'achat à être accordées aux autres employés de Nertec ainsi que de la question spécifique de la situation particulière de Paul Aubin, furent abordées.
[66] Le différend impliquant Paul Aubin a cependant pu faire l'objet d'une entente, non sans difficultés. Les demandes de Lemieux ont été remises à plus tard après analyse de la situation par un consultant en rémunération indépendant.
[67] Lemieux sera informé d'une entente conclue entre CDP et Aubin vers 17h30, le 27 novembre 2002. Étant donné que l'entente nécessite l'intervention de Nertec Lemieux est invité à venir le rencontrer avec les gens de CDP.
[68] Lemieux refuse, car il n'est pas satisfait de voir le dossier Aubin/CDP réglé sans que le sien et ceux des autres membres de son équipe de direction, en ce qui a trait à leurs options d'achat, ne fassent pas aussi l'objet d'un règlement. Lemieux tente donc de forcer la main de CDP en tentant de bloquer le règlement CDP/Aubin.
[69] Lemieux semble alors se préoccuper uniquement de sa situation personnelle en tant que détenteur d'options (ainsi que, dit-il, de celle des membres de son équipe) plutôt que de sa position de membre du conseil d'administration et de président et chef de la direction de Nertec. Le règlement du dossier de Paul Aubin n'affectait pas ses droits et ne nuisaient aucunement à la position de Nertec. Lemieux n'avait donc aucun motif de s'opposer à la transaction sauf si ce n'est dans le but de créer une pression additionnelle sur Aubin et les autres actionnaires de Nertec afin de les forcer à régler le sort des autres détenteurs d'options, et plus spécifiquement, le sort de Guy Lemieux personnellement.[16]
[70] Suivra alors ce que Lemieux appellera "la nuit des longs couteaux".[17]
[71] Appelé à se rendre au cabinet des avocats de CDP pour tenir une réunion d'urgence du conseil d'administration de Nertec afin de ratifier l'entente de règlement entre Paul Aubin et les autres actionnaires, Lemieux invoque d'abord un vice de procédure pour éviter que la réunion ne se tienne. Pourtant, l'entente se doit d'être ratifiée avant le lendemain matin, date à laquelle tous les intervenants devaient retourner devant le Tribunal pour ratifier la transaction.
[72] Lemieux continue de résister le plus longtemps possible et prend tous les moyens pour retarder la réunion du conseil, espérant qu'on "achète la paix" et qu'on lui redonne des options d'achat non-diluées. Il tient mordicus à son "son 7%" et est furieux de voir que Nertec a réglé avec Aubin, lui octroyant 5% de son capital-actions (non dilué). Or, Aubin est l’un des fondateurs de Nertec détenant à l’origine le tiers des actions. Sa position a été diluée au fur et à mesure des financements de Nertec par des sociétés à capital de risque. Lemieux aurait dû comprendre que tout financement additionnel de Nertec devait comporter une dilution plus ou moins importante de ses droits d’options.
[73] Certaines concessions sont faites à Nertec (paragraphes 261 et suivants de la Requête modifiée) mais aucune offre formelle n'est faite à Lemieux, si ce n'est la promesse renouvelée que son cas et celui des autres serait réglé ultérieurement à leur satisfaction.
[74] D'ailleurs, le ou vers le 12 novembre 2002, Marc Ferland, représentant de CDP et membre du conseil d'administration de Nertec, a offert à Lemieux une rémunération additionnelle de 500 000,00$ payable sur plus ou moins cinq ans (voir paragraphe 270 de la Requête modifiée) en compensation de la perte de ses droits d'option.
[75] Lemieux répond le même jour à William Meder, autre membre du conseil, et lui transmet des chiffres qui lui auraient assuré une rémunération possible variant de 500 000,00$ si Nertec était vendue 10 millions de dollars, jusqu'à $3 millions si la vente s'effectuait à $50 millions (voir P-45).
[76] Lemieux refusera l'offre de Ferland, justifiant son refus par le fait qu'il se sentait mal à l'aise d'être le seul employé bénéficiant de bonis substantiels alors que les autres employés de l'entreprise n'en toucheraient vraisemblablement pas.
[77] Le 28 novembre 2002, l'entente négociée entre Paul Aubin et les actionnaires de Nertec est présentée à la Cour pour adjudication. En l'absence d'une résolution de Nertec approuvant et ratifiant cette entente vu le refus de Lemieux de collaborer, l'affaire est reportée au 1 décembre 2002.
[78] Lemieux continue de s'opposer à la transaction disposant de la réclamation de Paul Aubin. Son avocat intervient d'ailleurs en ce sens devant le tribunal et ce, malgré le fait que les actionnaires de Nertec sont tous d'accord. L'attitude de Lemieux et de son avocat sont difficilement explicables sauf, encore une fois, si ce n'est de forcer le règlement des demandes de Lemieux. Ferland et les autres administrateurs de Nertec ont beau représenter à Lemieux qu'ils sont conscients du problème et qu'ils sont prêts à l'étudier et à "recalibrer" les options de Lemieux, rien n'y fait. Ce dernier persiste dans son "bras de fer" avec les Défendeurs: il insiste à tout prix pour qu'on règle immédiatement son cas et celui des autres dirigeants de Nertec comme si la question de ses options était plus importante que le sort de l'entreprise dont il était le principal dirigeant. Comme question de fait, Lemieux a non seulement mal évalué la situation mais son refus systématique de régler le différend Aubin/CDP fait en sorte qu'il a choisi de tenter de protéger sa position personnelle au détriment de celle de Nertec. Cette erreur de sa part (alimentée par l'attitude de son conseiller juridique) sonnera pour Lemieux le commencement de la fin dans ce dossier.
[79] Malgré les objections véhémentes de Lemieux à la ratification de la transaction P-46, celle-ci comportait des éléments positifs visant à régler le problème de la dilution des droits d'option de Lemieux suite au financement des opérations de Nertec et au rejet du projet de financement proposé par le FSFTQ.
[80] D'abord, l'entente règle certains irritants entre Nertec et CDP, notamment la conversion d'un prêt de 210 000,00$ en actions privilégiées selon les mêmes normes applicables à la conversion de l'investissement de $1 million préalablement effectué par CDP et Innovatech.
[81] De plus, CDP s'engage à céder sa priorité en faveur de toute institution financière disposée à investir jusqu'à $2 millions à titre de prêt ou de ligne de crédit.
[82] Le conseil d'administration passe alors à 7 membres.
[83] Finalement, un comité du conseil est mis en place afin de faire les recommandations appropriées quant à une "rémunération adéquate" pour les cadres de Nertec (incluant le Demandeur). Cet élément confirmait l'intention de CDP de rectifier l'impact de la dilution des options de Lemieux et aurait dû sinon satisfaire le Demandeur, au moins calmer le jeu. Malheureusement, rien ne pouvait dorénavant réparer les pots cassés.
[84] Fait inusité, l'article 5 de la transaction mentionne ceci:
5. Les honoraires raisonnables des avocats impliqués dans le présent dossier, soit Heenan Blaikie, Fournier associés, Ogilvy Renault et Paquette Gadler (sous réserve, pour ces derniers, que les clients de Paquette Gadler cessent leurs revendications dans le cadre du présent dossier) seront payés par Nertec.
[85] Cette mention a été rendue nécessaire par l'attitude difficilement justifiable du procureur de Lemieux et de Lemieux lui-même. En effet, tout au cours des discussions qui ont précédé l'entente devant le tribunal, Lemieux et son procureur ne recherchaient qu'une chose: faire dérailler le processus de règlement de Paul Aubin en espérant qu'une offre plus globale soit déposée par CDP, le tout alors que CDP lui répétait que son intention était de régler le dossier Aubin pour ensuite analyser la situation des autres dirigeants de Nertec, incluant le Demandeur. Au surplus, l’avocat de Lemieux insistait pour que ses honoraires soient payés par Nertec. Nertec a accepté à condition que Lemieux cesse ses manœuvres et permette que le règlement du recours de Aubin soit ratifié.
[86] Suite à la transaction du 13 décembre 2011 (P-46), un consultant en rémunération est effectivement mandaté pour examiner l'ensemble de la rémunération des dirigeants de Nertec, en la personne de Jacques Martineau. Celui-ci déposera son rapport le 7 janvier 2003.
[87] Dans une lettre du 24 janvier 2003 (P-48), Lemieux réfute et rejette les recommandations du consultant Martineau.
[88] La lettre P-48 commence ainsi:
"My colleagues, Normand Nadeau and Normand Chartrand, and myself are in receipt of the Board of Directors preliminary offer to its top management to entice them in creating value and being rewarded in the long-term for it. On behalf of that team, I am expressing the disbelief, deception and repeated frustration generated by the terms and conditions of this offer and the way we have been treated since the decision by CDP to reject the offer from FSTQ and invest in its place, under fair market value."
[89] Lemieux ne démontrera pas, lors de sa preuve, que la valeur d’entreprise de 6 millions$ retenue par CDP était … "under fair market value”…
[90] Puis, suit un long exposé de Lemieux où il explique son propre processus décisionnel l'ayant amené à se joindre à Nertec. Il discute ensuite les propositions du conseil envers Normand Nadeau et Normand Chartrand avant de critiquer la proposition qui lui est faite personnellement comme étant inacceptable, ce qui démontre que Lemieux met ses intérêts personnels bien en avant ceux de l'entreprise qu'il dirige en tant que président.
[91] Le ton et le contenu de la lettre P-48 démontrent que Lemieux prend pour acquis et à tort que le F.S.F.T.Q. aurait prêté les sommes annoncées dans sa lettre P-33 sans aucun changement et sans que la valeur d'entreprise (annoncée à 14 millions$ mais se chiffrant réellement entre 8 et 9.4 millions$) ne soit modifiée. Or, il est clair que la lettre du F.S.F.T.Q. est tributaire du document préparé par Frédéric Vezon en mars 2002 et qui prévoit des chiffres de vente plutôt irréalistes compte tenu des résultats antérieurs de Nertec. Lemieux prétend aussi à tort que CDP et/ou Innovatech seront prêts à investir un million$ additionnel aux mêmes conditions que celles auxquelles le F.S.F.T.Q. acceptera de prêter 2 millions$ ce qui est loin d'être acquis.
[92] Pour sa part, CDP n'était pas obligée d'attendre que le F.S.F.T.Q. ait terminé son processus de vérification diligente avant de faire une offre à Nertec. Nertec n'a peut-être pas eu le choix d'attendre la décision finale du F.S.F.T.Q. et a vraisemblablement été contrainte d'accepter les conditions de CDP mais cela fait partie des aléas d'un financement venant de sociétés de capital de risque. Les conditions d'un tel financement sont souvent directement reliées au risque qui, dans la présente instance, était loin d'être négligeable.
[93] Mais, l'opposition de Lemieux aux tentatives du conseil de régler la situation et de rétablir un contexte propice à la progression de Nertec, ne prend pas uniquement sa source dans son opposition au règlement du contentieux opposant Paul Aubin aux autres actionnaires de Nertec. Sa source est aussi alimentée par le (mauvais) pari de Lemieux et de son avocat de "forcer la main" de CDP, le tout pour l'avantage personnel de Lemieux au détriment de Nertec et en contradiction des obligations de nature fiduciaire que Lemieux doit assumer envers Nertec.
[94] Après le règlement du litige Aubin/CDP, faisant en sorte que tous les actionnaires de Nertec avaient trouvé un terrain d'entente, il ne restait plus à Lemieux (qui n'est pas actionnaire) d'accepter la situation, surtout lorsqu'il était assuré que CDP prenait les moyens nécessaires pour ré-évaluer le régime d'options d'achat d'actions offert aux dirigeants de la compagnie et corriger l’effet de dilution provoqué par le financement du 13 septembre 2002.
[95] Cela était doublement nécessaire: d'abord parce qu'il fallait conclure un accord définitif avec Lemieux avant de finaliser le financement de Nertec et ensuite parce que CDP reconnaissait l'inéquité de la dilution des options de Lemieux et qu'elle était prête à prendre les moyens appropriés pour corriger la situation.
[96] C'est ainsi que Lemieux se verra proposer, dans les premiers mois de 2003, un nouveau contrat d'emploi et un nouveau plan d'options.
[97] Contre toute attente, Lemieux (sur les conseils de son avocat) refusera les termes de son nouveau contrat d'emploi (offrant des conditions légèrement améliorées par rapport à celles qui prévalaient alors) ainsi que les termes du nouveau plan d'options et ce, même si ce nouveau plan lui offrait des possibilités de gain nettement supérieures à celles qu'il aurait eues si le F.S.F.T.Q. avait éventuellement déposé une offre de financement conforme aux termes de sa lettre P-33. Cela était loin d'être acquis, compte tenu de la situation réelle de Nertec et surtout de son incapacité à rencontrer les objectifs de ventes sur lesquels le F.S.F.T.Q. avait déjà basé son hypothèse de financement.
[98] Plutôt que de faire preuve du réalisme le plus élémentaire, Lemieux a continué à se liguer contre CDP et ses représentants au conseil.
[99] Alors que CDP montrait de son côté une approche raisonnable, compte tenu de la réalité des faits, Lemieux a choisi de continuer son escalade, au point où, pressé de signer son nouveau contrat d'emploi ou alors de faire face aux conséquences[18], Lemieux n'a rien trouvé de mieux à faire que de mettre CDP et ses représentants en demeure d'accepter de lui octroyer le droit d'acquérir 7% (non dilué) des actions de Nertec faute de quoi il poursuivrait les Défendeurs en dommages, avec des conclusions additionnelles en injonction demandant plusieurs "redressements", supportés par des allégations de comportement de mauvaise foi de la part du principal bailleur de fonds de Nertec.
[100] Cette mise en demeure était incompatible avec le maintien de Lemieux à son poste de président et chef de la direction de Nertec.
[101] La signification de l'action de Lemieux alors qu'il était en poste fut la goutte qui a fait déborder le vase: Lemieux a donc lui-même rompu le lien de confiance entre Nertec et lui, rendant son congédiement inévitable.
[102] Voici la chronologie et le résumé précis des faits survenus après la "nuit des longs couteaux" et la réfutation des arguments de Lemieux:
a) Lemieux base la quasi-totalité de son recours sur la violation de ses attentes raisonnables comme détenteur d'options. Or, lorsqu'il se joint à Nertec, Lemieux sait que l'entreprise n'est pas profitable. Il prend le pari de réaliser cet objectif et ne peut espérer réaliser des gains importants comme détenteur d’options que si les ventes de Nertec augmentent au point où les objectifs de rentabilité de Nertec sont atteints.
b) Or, les attentes raisonnables de Lemieux se résument à la possibilité d’exercer ses droits d’options lui permettant d’acquérir 7% du capital-actions de Nertec pour un prix d’environ 1 510 000,00$. Pour qu’une telle opération soit rentable, il faut que 100% du capital-actions de Nertec ait une valeur d’environ 21 millions$. Pour que Nertec atteigne une telle valeur, il faut, soit qu’elle détienne une technologie de pointe pouvant intéresser un investisseur, ou encore que ses ventes augmentent et dépassent ses coûts de production de manière à ce qu’un prix de vente de l’entreprise à 20 millions$ soit envisageable.
c) Ni CDP ni Innovatech n'avaient l'obligation de supporter Nertec financièrement de manière inconditionnelle ou pour plus longtemps qu’elles ne l’entendaient ou qu’elles le voulaient bien et Lemieux devait savoir que toute injection additionnelle de capital dans Nertec entraînerait une dilution de sa position initiale comme détenteur d'options. Lemieux ne peut donc formuler une quelconque "attente raisonnable basée sur son seul droit d'acquérir 7% du capital-actions de Nertec.
d) Lemieux avait, par contre, le droit d'être traité équitablement. Or, il l'a été.
e) Lemieux a effectivement reçu une offre d'options d'achat d'actions qui lui donnait un meilleur rendement lors de la vente de Nertec que si le F.S.F.T.Q. avait financé Nertec selon les termes de la lettre P-33[19].
f) CDP, de son côté, a toujours représenté à Nertec qu'elle entendait la supporter financièrement et, de fait, CDP a rempli cette promesse. Donc, si Lemieux a été lésé par le financement CDP, alors qu’un financement F.S.F.T.Q. était (possiblement) disponible, CDP a corrigé la situation.
g) De même, CDP a toujours répété à Lemieux qu'elle était non seulement consciente de l'effet dilutif du financement qui était mis en place mais que cet effet serait corrigé par une re-calibration appropriée des options de Lemieux.
h) En tous temps pertinents, CDP n'a donc pas agi de façon abusive, ni à l'endroit de Nertec, ni à l'endroit de Lemieux. Au surplus, CDP n'a pas agi de manière à causer un préjudice ni à l'une, ni à l'autre. De fait, aucun préjudice ne leur a été causé. D’ailleurs :
i) malgré les demandes totalement inappropriées de Lemieux et de son avocat (qui recherchaient plus ou moins 40% des actions de Nertec pour les dirigeants et les employés), CDP a, dès la fin de septembre 2002[20], accepté de revoir les conditions du financement du 13 septembre;
ii) CDP a conclu un règlement avec Aubin, suite à la forte dilution des actions détenues par ce dernier, l'un des fondateurs de Nertec; Ce règlement assurait à Aubin 5% des actions de Nertec sur une base non diluée.
iii) CDP s'est engagée à retenir les services d'un conseiller en rémunération indépendant de manière à fixer le plus équitablement possible les termes du nouveau contrat de travail de Lemieux ainsi que du régime d'options dont il pourrait bénéficier[21];
iv) En janvier 2003, le consultant en rémunération dépose son rapport. Celui-ci comporte deux scénarios: le scénario le plus avantageux pour Lemieux est retenu et offert à ce dernier[22]. Un nouveau contrat d'emploi conforme aux conclusions du rapport de l'expert lui est soumis[23];
v) Ce contrat et ce nouveau régime d'options comporte un salaire légèrement supérieur au salaire de Lemieux, un système de boni comparable et un régime d'options d'achat d'actions lui permettant d'acquérir 4,8% des actions de Nertec (soit 487 000 actions plutôt que 284 000, selon l'ancien régime) à un prix d'exercice de 0,83$ (plutôt qu'à 5$ et 10$, selon l'ancien régime). Une telle offre, refusée sans raison valable par Lemieux (et son avocat) aurait donné à Lemieux un gain plus élevé dans l'éventualité d'une vente de Nertec que si la compagnie avait été financée par le F.S.F.T.Q[24]. Ce constat n’est pas contesté par Lemieux qui n’a offert aucune preuve au contraire. Rappelons que Nertec n’avait aucune obligation d’offrir à Lemieux un tel nouveau contrat d’emploi. Quant à l’ajustement de son régime d’options, cela était justifiable dans les circonstances et l’obligation de CDP et/ou de Nertec se limitait à un réajustement dudit régime pour que la position de Lemieux ne soit pas affectée négativement suite à l’imposition par CDP de ses conditions de financement.
vi) Plutôt que de constater ce qui précède, Lemieux décide de continuer et même d'augmenter la pression sur CDP et sur les administrateurs défendeurs, dans le but d’obtenir une meilleure offre. A compter de février 2003, il se met à transmettre des mises-en-demeure[25] aux défendeurs dont le ton et le contenu sont totalement incompatibles avec sa position de président et chef de la direction de Nertec. A compter de ce moment, le lien de confiance entre lui et son employeur commence à s'effriter dangereusement. Au lieu d'accuser les défendeurs de mauvaise foi et de traitement inéquitable à son endroit, Lemieux aurait dû mesurer ses commentaires et agir au meilleur intérêt de Nertec, ce qu'il ne faisait pas. Ni lui (ni son avocat) n'ont alors mesuré la réelle portée des gestes posés, et ce, malgré les conseils et avertissements de ses collègues (notamment Bill Meder et Bruno Plante[26]).
vii) Alors que Lemieux et son avocat s'affairaient à envoyer des mises-en-demeure et à préparer le recours qui devait suivre quelques semaines plus tard, les ventes de Nertec ne progressaient pas[27]. Pour les dirigeants de Nertec, Lemieux avait tout simplement cessé de faire progresser Nertec, à mesure que ce dernier réalisait que ses chances de forcer la main des Défendeurs, en vue d'obtenir une meilleure offre, diminuaient et disparaissaient.
viii) Le 15 mai 2003, Lemieux institue son recours. Lemieux occupe toujours la fonction de président de Nertec. Ses attaques contre les Défendeurs seront telles que Lemieux a définitivement rompu les derniers liens de confiance nécessaires au maintien de son emploi et de sa fonction de président.
ix) Le 16 juin 2003, le conseil de Nertec (par vote unanime) décide de congédier Lemieux.
x) Néanmoins, Nertec décide de respecter les termes de son contrat d'emploi et de lui verser l'année de salaire qui y était prévue. Par contre, à cause des difficultés financières de la compagnie, l'indemnité lui a été remise par versements hebdomadaires plutôt qu'en un seul paiement. Or, comme Nertec cessera ses opérations à la fin de 2003 faute de moyens, la totalité de l'indemnité payable à Lemieux ne lui a pas été versée.
xi) Lemieux a reçu son dernier paiement hebdomadaire le 27 novembre 2003 (P-61).
xii) Nertec a été contrainte de cesser ses opérations parce que malgré les dernières injections de capital de CDP/Innovatech, les ventes n’étaient toujours pas au rendez-vous. La fermeture de Nertec a fait en sorte que tous les intervenants y ont perdu quelque chose. De fait, Lemieux est peut-être celui qui s’en est le mieux tiré. Il n’a pas perdu son capital, n’ayant rien investi dans Nertec. Il a perdu environ 50% de son indemnité de départ, ce qui est mieux que bien d’autres employés qui n’en n’ont eu aucune.
xiii) Après la cessation des opérations de Nertec en décembre 2003, la quasi-totalité des employés de la compagnie ont été mis à pied, sans indemnité de départ. En février 2004, CDP et Innovatech ont entrepris des procédures en délaissement forcé des actifs de Nertec. Jugement a été rendu (Pièce CDP-10) et par la suite CDP et Innovatech ont vendu les actifs de Nertec à Paul Aubin et B. Vogel pour 450 000,00$.
xiv) La perte combinée de CDP et de Innovatech dans l'aventure a donc été d’environ 14 000 000,00$.
xv) Malgré cela, Lemieux réclame plus de 7.5 millions$ en dommages de la part des défendeurs et continue de prétendre que ces derniers sont responsables de sa perte relative à ses droits d’options et à son congédiement, alors que Nertec, malgré tous les efforts de ses bailleurs de fonds, n’a jamais pu faire ses frais.
[103] Voilà donc les faits pertinents de ce dossier. Pour Lemieux, sa relation avec Nertec est terminée. Nertec ne s’est jamais développée de façon à permettre à Lemieux d’exercer ses droits d’options. La compagnie n’a jamais pu faire ses frais et n’a pas été vendue. Nertec a cessé ses opérations et a dû fermer ses portes. CDP et Innovatech ont perdu les sommes qu’elles y ont investies et n’ont pu récupérer qu’un maigre 450 000,00$ sur la vente des actifs de l’entreprise, contre des investissements de plus de 14 000 000,00$. Aucun des défendeurs poursuivis en l’instance ne s’est enrichi de l’exercice.
[104] Poursuivre les défendeurs en oppression et rechercher une autorisation d’intenter une action dérivée au nom de Nertec contre ces mêmes défendeurs nécessitait de faire la preuve d’un comportement particulièrement répréhensible de leur part à l’endroit du demandeur.
[105] Lemieux n’a rien prouvé de tel. Il a plutôt démontré une absence totale de réalisme doublée d’un acharnement à poursuivre une cause qu’il savait ou qu’il aurait dû savoir perdue.
[106] ANALYSE
Les conclusions recherchées par Lemieux
[107] Suite aux faits précités, Lemieux suggère que les Défendeurs ont agi abusivement à son égard en imposant à Nertec un financement dont les conclusions étaient oppressives. Lemieux prétend en effet que la non-poursuite par CDP de l'offre du F.S.F.T.Q. de poursuivre l'analyse en vue de formuler une offre à Nertec constitue un geste oppressif à son égard et à l’égard de Nertec. Au surplus, les conditions de l'offre de financement de CDP (que Nertec n'a pas eu le choix d'accepter) étaient aussi abusives pour Nertec que pour lui-même.
[108] Lemieux prétend en outre que son congédiement en juin 2003 était aussi inapproprié et abusif et qu'il constitue aussi un élément du comportement oppressif des Défendeurs à son égard. Il demande donc au Tribunal de condamner les défendeurs (qui ne sont pas son employeur) au paiement du solde impayé de son indemnité de départ et de ses vacances accumulées. A noter que l’employeur, Nertec, n’est pas poursuivie eu égard au non-paiement de cette indemnité de départ.
[109] Le Tribunal doit donc déterminer si les Défendeurs ont adopté un comportement abusif, répréhensible, fautif ou oppressif à l'endroit de Lemieux ou de Nertec. En l'absence d'oppression (que celle-ci provienne de la question du financement de Nertec que du congédiement de Lemieux) et en l'absence d'un quelconque comportement fautif des Défendeurs à son endroit, le recours de Lemieux se doit d’être rejeté.
[110] Dans l'éventualité d'une réponse affirmative à l'une des questions précitées, le Tribunal aurait alors dû examiner l'impact du comportement oppressif ou fautif des Défendeurs et déterminer le ou les remèdes appropriées, incluant les dommages réclamés par le Demandeur.
[111] Pour les raisons déjà élaborées dans l'analyse des faits et pour les raisons qui suivent, le Tribunal est d'avis que les Défendeurs n'ont fait preuve d'aucun comportement abusif, répréhensible, fautif ou oppressif à l'endroit du Demandeur ou de Nertec.
[112] Plus encore, le Tribunal est d'avis que le congédiement de Lemieux était à la fois inévitable et parfaitement justifié. Ce congédiement résulte des seuls faits et gestes du Demandeur qui n'a qu'à s'en prendre à lui-même. Plus encore, les Défendeurs ont démontré que, n'eût été de leur bonne volonté et de leur bonne foi, le Demandeur n'aurait eu droit à aucune indemnité de départ.
[113] Le Tribunal n'a donc pas analysé le volet des dommages réclamés car aucune conclusion donnant ouverture à de tels dommages n'est retenue.
[114] Le Tribunal n’a pas, non plus, à analyser l’argument de Lemieux voulant que la compagnie Trilliant, créée par Aubin après le rachat par ce dernier des actifs de Nertec, soit le modèle sur lequel la Cour devrait se pencher pour déterminer l’ampleur de la perte de Lemieux, advenant que le Tribunal ait conclu à une quelconque responsabilité des défendeurs. Trilliant a, selon la preuve, développé des produits connexes mais procédant d’une technologie différente et plus évoluée que celle de Nertec. De plus, Trilliant a su allier des sources de financement considérables (par exemple, près de 100 millions$ de G.E. Capital) qui ont forcé les dirigeants et actionnaires fondateurs comme Aubin à voir leurs positions considérablement diluées comme suite de ces importants investissements. L’ensemble de cette preuve n’étant pertinent que dans la mesure où aucune faute ni comportement oppressif ne soit retenu à l’encontre des défendeurs, les conclusions d’absence de faute ou d’oppression des défendeurs rendent inutile une telle analyse.
[115] D’ailleurs, sur la question des dommages, s’il avait eu à le faire, le Tribunal aurait endossé intégralement la position des défendeurs sur la question, telle qu’élaborée aux pages 16 à 31 de leur Plan d’argumentation du 19 octobre 2010 et aurait conclu à l’absence d’une quelconque perte financière subie par Lemieux.
[116] Pour ce qui est de la perte de Lemieux résultant du non-paiement intégral de son indemnité de départ, le Tribunal est d’avis que seule Nertec est responsable de ce non paiement. Or, Nertec n’est pas poursuivie et n’a plus d’actifs. Aucune faute ne peut être reprochée aux défendeurs relativement au congédiement de Lemieux, lequel, répétons-le, était parfaitement justifié dans les circonstances. Même si Lemieux aurait pu obtenir une condamnation à l’encontre de Nertec, aucune telle conclusion n’a été formulée.
[117] Toute cette cause est basée non pas sur le traitement inéquitable du Demandeur Lemieux par les Défendeurs (individuellement ou collectivement) mais par la totale incompréhension de Lemieux de la réalité des faits survenus de septembre 2002 à juin 2003.
[118] Lemieux a cru qu'il avait un droit inaltérable au maintien d'un intérêt à acquérir pas moins de 7% de Nertec au moyen des options d'achat d'actions qui lui ont été consenties lors de son embauche comme président et chef de la direction de Nertec. Pour Lemieux, rien ne pouvait diluer cet intérêt, pas même les investissements subséquents des bailleurs de fonds existants et futurs de Nertec.
[119] Or, Nertec ne rencontrait pas ses objectifs de ventes. Il lui était donc impossible de croître et de développer ses produits autrement qu'en empruntant des capitaux ou en attirant des investissements en équité. Dans un cas comme dans l'autre, la position initiale de Lemieux aurait été diluée par ces investissements subséquents.
[120] Lemieux a complètement éludé l'impact sur ses options d'un potentiel investissement du F.S.F.T.Q. dans Nertec. Lemieux a aussi complètement éludé l'impact du nouveau programme d'options qui lui a été offert par les Défendeurs par rapport à la situation dans laquelle il se serait retrouvé si le F.S.F.T.Q. avait effectivement financé Nertec aux conditions de sa lettre P-33. A partir du moment où CDP et les administrateurs de Nertec ont proposé ce nouveau plan d'options, Lemieux ne subissait plus l'impact négatif résultant de l'imposition du financement de CDP à Nertec. Ce dossier aurait dû se terminer dès le dépôt du nouveau contrat d'emploi assorti du nouveau plan d'options. Cela ne s'est pas produit à cause de l'incompréhension de Lemieux et à cause de son acharnement à poursuivre une cause perdue.
[121] Voyons, néanmoins, le détail des conclusions recherchées par Lemieux.
[122] Ces conclusions sont à la fois multiples et complexes. Elles sont essentiellement de quatre ordres:
a) une série de déclarations à l'effet que les Défendeurs ont agi de façon abusive à l'endroit du Demandeur et plus particulièrement qu'ils ont agi abusivement en le congédiant sans cause juste et suffisante;
b) Une déclaration à l'effet que les Défendeurs Marc Ferland, William J. Meder et Jean-David Bégin sont, en raison de leurs manquements graves à leurs obligations d'administrateurs, inhabités à occuper une telle fonction auprès d'une compagnie au Québec pour une période de cinq ans;
c) Une série de condamnations monétaires contre les Défendeurs, se détaillant comme suit:
i) dommages moraux, stress humiliation et atteinte
à la réputation: 250 000,00$
ii) dommages exemplaires et punitifs: 500 000,00$
iii) indemnité de départ et vacances non payées: 117 305,68$
iv) perte économique sur options d'achat d'actions: 6 670 000,00$
v) honoraires judiciaires et extra-judiciaires sur la base avocat-client.
d) une déclaration autorisant Guy Lemieux à instituer une action dérivée au nom et pour le compte des dommages et pertes de Nertec contre les mêmes Défendeurs pour faire cesser l'abus de droit dont Nertec serait victime et en compensation des dommages subis par Nertec suite aux divers agissements prétendument abusifs de ces mêmes Défendeurs. Cette action dérivée comporterait des conclusions tant de la nature d'injonctions permanentes qu'en dommages.
[123] Voyons maintenant les arguments de Lemieux un à un.
Premier argument :
[124] Dans un premier temps, Lemieux allègue que les administrateurs défendeurs Ferland, Meder et Bégin auraient manqué à leur devoir de loyauté envers Nertec en ce qu'ils auraient agi de mauvaise foi et à l'encontre des intérêts de la société. Plus spécifiquement, ces trois administrateurs "désignés" par CDP auraient plutôt servi les intérêts de l'actionnaire qui les a nommés au conseil d'administration de Nertec plutôt que de servir les intérêts de Nertec elle-même.
[125] Les principes gouvernant les devoirs des administrateurs envers la société qu'ils administrent ne sont pas contestés. Un administrateur, qu'il soit "nommé" par un actionnaire ordinaire ou un investisseur institutionnel a les mêmes devoirs envers la société.
[126] Le problème ici ne se situe pas au niveau des principes[28] mais au niveau des faits pouvant donner ouverture aux principes.
[127] Les administrateurs défendeurs ont-ils agi à l'encontre des intérêts de Nertec? Voilà la question.
[128] Il ne s'agit pas de démontrer que les administrateurs défendeurs ont agi au meilleur intérêt de l'actionnaire qui les a "désignés" ou "nommés" pour qu'il y ait violation de leurs obligations. Il faut démontrer que les décisions et gestes posés par ces derniers ainsi que le mobile déterminant de ces décisions est étranger à l'intérêt de la société qu'ils administrent[29].
[129] Dans l'affaire Peoples[30], le principe voulant que l'administrateur "désigné" par un investisseur institutionnel ou par un autre actionnaire soit tenu de balancer les intérêts de l'actionnaire et de tous les intervenants intéressés ("stakeholders") d'une société a été consacré en ces termes[31]:
"Nous considérons qu'il est juste d'affirmer en droit que, pour déterminer s'il agit au mieux des intérêts de la société, il peut être légitime pour le conseil d'administration, vu l'ensemble des circonstances dans un cas donné de tenir compte des intérêts des actionnaires, des employés, des fournisseurs, des créanciers , des consommateurs,, des gouvernements et de l'environnement."
[130] Il faut donc se poser la question suivante: les administrateurs défendeurs ont-ils servi leur "mandant", c'est-à-dire l'actionnaire qui les a "nommés", en l'occurrence CDP, au détriment et à l'encontre des intérêts de Nertec?
[131] Avec égards, le Tribunal est d'avis que rien dans la preuve n'indique que MM. Fernad, Meder et Bégin ont agi à l'encontre des intérêts de Nertec.
[132] Lemieux identifie les fautes alléguées de CDP et de ses représentants aux paragraphes 387 et suivants de sa requête.
[133] La première faute serait d'avoir imposé à Nertec un plan de refinancement contraire aux meilleurs intérêts de Nertec et qui préjudicie de façon "irrémédiable" les bénéficiaires du régime d'options P-12 (paragraphe 392). Aucune preuve n’a été faite démontrant que Nertec a subi une quelconque perte résultant de ce financementj.
[134] La seconde faute serait d'avoir fait en sorte de se débarrasser de Lemieux (paragraphe 393). La preuve démontre plutôt que Lemieux a lui-même provoqué son propre congédiement.
[135] Ces deux fautes auraient, au surplus, été commises au moyen de faits et gestes empreints de …"la plus totale mauvaise foi" (paragraphe 398).
[136] Les faits ne soutiennent en aucune façon de telles allégations.
[137] Tout d'abord, le conseil d'administration a choisi de ne pas donner suite à l'approche faite par le FSFTQ et c'est là une décision qui ne comportait aucune conséquence néfaste pour Nertec, puisque CDP et Innovatech étaient disposées à soutenir Nertec par des prêts temporaires et à mettre en place un financement à long terme. Au surplus, CDP et Innovatech ont soutenu Nertec et ont fourni à Nertec les mêmes ressources que celles qui auraient été disponibles à cette dernière, si le F.S.F.T.Q. avait financé Nertec aux termes de sa lettre P-33.
[138] Il faut se rappeler que, de toutes façons, la proposition du FSFTQ n'était qu'une manifestation d'intérêt et non une offre formelle de financement. Pour que cette manifestation d'intérêt se transforme en une offre concrète, il aurait fallu que le FSFTQ complète sa vérification diligente et soit satisfaite que la situation financière de Nertec justifie les paramètres de sa lettre d'intention. Rien n'assurait CDP ou Nertec que le F.S.F.T.Q. donnerait suite à son ouverture de financement quelques que soient les conditions d'une éventuelle offre formelle de financement.
[139] L'obligation générale des administrateurs d'une société en est une de fiduciaire ou encore d'administrateur du bien d'autrui. Ce rôle ne les oblige pas à analyser tous les impacts d'une décision sur tous les employés et dirigeants de la société qu'ils administrent. Ils doivent cependant en tenir compte.[32] En l'instance, les administrateurs ont approuvé un financement à l'endroit de Nertec qui avait un effet négatif sur le plan d'options des demandeurs. Les administrateurs avaient le devoir d'examiner cet impact et d'en tenir compte. C’est ce qu’ils ont fait et ils ont donc proposé un nouveau plan d'options qui s'est avéré plus profitable pour Lemieux que si ce dernier avait gardé son ancien plan et si le F.S.F.T.Q. avait financé Nertec.
[140] En effet, le financement de CDP n'a qu'un seul "défaut": son effet apparemment plus dilutif sur les actions de Nertec que l'effet résultant de la proposition du FSFTQ. Ce "défaut" n'affecte pas la société mais plutôt ses actionnaires ou ses détenteurs d'options. Pour Nertec, le financement que lui impose CDP n'affecte pas sa capacité de développement ou de fonctionnement. Les administrateurs défendeurs avaient donc tous les droits de voter en faveur de ce financement sans enfreindre leurs obligations en faveur de Nertec.
[141] En conséquence, en votant en faveur du financement proposé par CDP, les administrateurs agissaient dans l'intérêt de Nertec qui recevait le financement dont elle avait besoin. Ils agissaient aussi dans l'intérêt de CDP et de Innovatech, deux des trois actionnaires de Nertec. En réglant avec Aubin, tous les actionnaires se trouvaient donc d’accord avec les faits et gestes de CDP et des autres défendeurs. Lemieux aurait dû comprendre que son intérêt résidait aussi dans son acceptation du nouveau contrat de travail et du nouveau régime d’options qu’on lui offrait, plutôt que dans l’institution d’une procédure incendiaire et dont il a été incapable de prouver le contenu.
[142] La transaction Aubin/CDP réglait en même temps un autre "irritant" de l'offre de CDP en ce que cette dernière renonçait à son rang prioritaire sur les actifs de Nertec jusqu'à concurrence de $2 millions, permettant ainsi à Nertec de s'entendre avec la Banque Nationale pour l'obtention d'un financement additionnel sous forme de crédit à court terme.
[143] En conséquence, vis-à-vis de Nertec, le financement de CDP lui fournissait les sommes nécessaires à son fonctionnement et sécurisait Nertec qui pouvait continuer à compter sur son principal actionnaire et bailleur de fonds.
[144] Le premier argument de Lemieux doit donc être écarté. Les administrateurs de Nertec et plus spécifiquement les administrateurs défendeurs n'ont pas enfreint leurs obligations à l'égard de Nertec et n'ont pas agi de mauvaise foi, ni envers Nertec, ni envers Lemieux lui-même.
Deuxième argument :
[145] Lemieux prétend que les administrateurs défendeurs ainsi que CDP ont agi à l'encontre des principes des articles 241 et suivants de la Loi fédérale sur les sociétés par actions (LCSA) en faisant preuve d’oppression inappropriée à l’endroit du demandeur.
[146] Cet argument s'applique aux deux principales questions factuelles dont se plaint Lemieux:
a) la dilution de ses options d'achat d'actions;
b) son congédiement qu'il considère abusif et sans cause juste et suffisante.
[147] Aux termes de l'article 238(b) LCSA[33], Lemieux est un "plaignant" reconnu comme tel. Il est en effet un ancien administrateur et un dirigeant de Nertec.
[148] Par contre, une personne non-actionnaire et non-détentrice d'options d'achat d'actions qui ne serait ni un administrateur ou dirigeant d'une entreprise, ne se qualifierait pas comme "plaignant" aux termes de LCSA, sauf si le Tribunal jugeait bon de lui octroyer le statut de "plaignant" aux termes de l'article 238(d) LCSA[34].
[149] Mais, pour que Lemieux puisse obtenir une quelconque réparation du préjudice qu'il allègue et être indemnisé de tel préjudice[35], il doit tout d'abord prouver qu'il en a subi un.
[150] Or, le premier préjudice qu'il allègue est le fait que son régime d'options d'achat d'actions a été dilué à un point tel que toutes ses attentes raisonnables en tant qu’employé et de détenteur d’options de Nertec ont été anéanties. Lemieux plaide, en effet, que ce qui l'avait motivé à accepter le poste de président de Nertec était la possibilité pour lui de réaliser un gain substantiel lors de la vente de l'entreprise.
[151] Les faits ne soutiennent en rien la position de Lemieux.
[152] Tout d'abord, en refusant d'accepter le nouveau plan d'option d'achat d'actions de Nertec qu'on lui a proposé en février/mars 2003, plan qui lui aurait permis de réaliser un gain plus important que celui dont il aurait pu bénéficier si le financement du FSFTQ avait été réalisé selon les termes de la lettre P-33, Lemieux s'est littéralement coupé de toute chance d'alléguer une quelconque perte au niveau de son plan d'option d'achat d'actions. S’il y avait (théoriquement) oppression résultant de la dilution de ses droits d’options, cette oppression a été corrigée.
[153] Lemieux a tout simplement omis de mesurer quel aurait été l’impact d’un financement F.S.F.T.Q. sur ses options. Lorsque confronté à cette réalité, Lemieux a dû reconnaître qu’il "…n’avait pas fait le calcul …" [36]
[154] Lemieux ne peut à la fois prétendre que le refus de CDP d'accepter l'éventuel plan de financement du FSFTQ lui cause une perte au niveau de la dilution de ses options et refuser l'offre de CDP qui lui propose un plan d'options d'achat d'actions qui lui aurait permis de réaliser un plus fort gain que si le plan (fort incertain) de financement du FSFTQ avait été mis en place.
[155] Quant à l'argument voulant que son congédiement constitue une forme d'oppression, là encore, les faits ne supportent pas la thèse du Demandeur[37].
[156] Lemieux a été congédié uniquement à cause de ses propres agissements contraires aux intérêts de son employeur, et ce, même si son employeur a choisi de respecter son contrat d'emploi en acceptant de lui payer l'indemnité de départ qui y était prévue.
[157] Le tableau des faits, tel qu'énoncé dans la requête modifiée et établi par Lemieux et par les autres témoins entendus en demande, peut parfois laisser planer un certain questionnement sur les intentions des défendeurs mais le contre-interrogatoire de Lemieux et la preuve en défense ont démontré que la thèse de Lemieux ne tient pas et que sa poursuite avait fort peu (sinon aucune) de chance de succès.
[158] En effet, les défendeurs ont été en mesure d'établir, sans que Lemieux ne les conteste sérieusement, les faits suivants.
[159] Au cours des années où Lemieux était président de Nertec, les chiffres de ventes projetées ont toujours été utopiques et inatteignables, comme s'ils avaient été établis dans le seul but d'attirer des investisseurs potentiels. Ces chiffres de ventes projetées sont les suivants:[38]
pour 2002 : 7,7 million$
pour 2003 : 15 millions$
pour 2004 : 28 millions$
[160] Les états financiers[39] de l'entreprise démontrent que les ventes ont toujours été considérablement inférieures à ces chiffres (sauf pour une année suite à un projet pilote de Hydro-Québec). En d'autres termes, les projections de ventes n'étaient basées sur rien de concret[40].
[161] Le problème des ventes de Nertec a toujours été l'élément problématique qui a privé l'entreprise d'un développement adéquat et surtout qui a fait en sorte que les investisseurs n'ont jamais été à ce point attirés vers Nertec.
[162] L'offre du FSFTQ (qui n'est en fait qu'une ouverture en vue de procéder à l'analyse du dossier) ne peut être considérée comme un élément valide et concret parce qu'une fois la vérification diligente du FSFTQ complétée, les conditions de financement offertes dans leur lettre auraient fort probablement été modifiées au détriment de Nertec. Au surplus, l'offre du FSFTQ posait comme condition que CDP et/ou Innovatech investissent un montant additionnel de 1 million$ aux mêmes conditions, chose que CDP et Innovatech ne pouvaient accepter sans connaître les conditions définitives de l'offre du FSFTQ[41].
[163] Néanmoins, même si le FSFTQ avait financé Nertec aux conditions de sa lettre, ce financement aurait eu un effet dilutif important sur les options de Lemieux (ainsi que sur celles de tous les autres détenteurs d'options ou d'actions de Nertec).
[164] Le contre-interrogatoire de Lemieux a aussi permis d'établir que:
a) la valeur d'entreprise de Nertec proposée par le FSFTQ (pour fins de conversion en actions des débentures convertibles détenues par CDP et Innovatech) n'était pas de 14 millions$ mais plutôt de 8 millions$[42], après déduction de la dette de 4,6 millions$ qui se trouverait effacée suite au financement (une fois la vérification diligente de FSFTQ complétée, ce montant aurait pu être révisé à la baisse);
b) l'effet dilutif de l'offre du FSFTQ, si elle avait été concrétisée et acceptée telle quelle, aurait permis à Lemieux de ne réaliser qu'un maigre profit en cas de vente de l'entreprise. La preuve révèle, en effet, qu'une vente de Nertec à 30 millions$ n'aurait pas permis à Lemieux de réaliser quelque profit que ce soit car l'exercice de ses options (à un prix de 5$) aurait résulté en un coût supérieur de 200 000,00$, au profit réalisable. Une vente à 50 millions$, le profit de Lemieux n'aurait été que de 215 000,00$[43];
c) lors de la réunion du 12 septembre 2002 avec Marc Ferland, celui-ci lui confirma que l'impact du financement de CDP sur le régime d'options n'avait pas été considéré et que cela avait été une erreur de bonne foi. Ferland reconnaîtra aussi la nécessité d'apporter des correctifs à la situation de manière à satisfaire Lemieux et les autres dirigeants de Nertec;
d) ce constat amènera CDP à retenir les services d'un conseiller en rémunération et à mettre en place un plan d'options d'achat d'actions qui, sans être équivalent à l'ancien, permettrait à Lemieux de réaliser un gain substantiellement plus important lors d'une éventuelle vente de l'entreprise, que si le FSFTQ avait financé Nertec aux conditions de sa lettre. Une fois corrigée, la question de la dilution des options de Lemieux est devenue caducque.
e) le rapport du conseiller en rémunération des cadres préparé par l’expert André Perrault de PCI Perrault Conseil (pièce CDP-11) a été produit par les défendeurs à titre d’expertise justifiant les conclusions du rapport de l’expert Martineau retenu par Nertec en 2002. Il appuie les conclusions du rapport Martineau tant sur le salaire versé à Lemieux pour l’année 2003[44] (182 000,00$) que sur la bonification[45].
f) sur le volet "Intéressement à long terme" sous forme d’options d’achat d’actions, l’expert Perrault endosse aussi les recommandations du rapport Martineau[46]. L’expert Perrault conclut en ces termes :
« Ce rapport visait à déterminer la pertinence des recommandations et/ou suggestions formulées par Martineau Conseil à l’égard de la rémunération du chef de la direction.
A notre avis, le salaire proposé était adéquat, la bonification cible était concurrentielle alors que la bonification maximale était plus élevée que les pratiques pour ce genre d’entreprise. L’intéressement à long terme suggérait une emprise concurrentielle et les gratifications étaient adéquates.
Il en résulte, à notre avis, que les suggestions par Martineau Conseil correspondaient, dans leur ensemble, à offrir une enveloppe de rémunération concurrentielle pour un président et chef de la direction d’une entreprise de la taille et du stade de développement de Nertec Design. »
g) Les pièces CDP-14 et CDP-14A établissent quelles auraient été les sommes que Lemieux aurait pu recevoir, advenant une vente de Nertec :
i) aux termes de son ancien régime d’options d’achat d’actions suite à un financement par le F.S.F.T.Q. aux termes de sa lettre P-33 (après dilution);
ii) aux termes du nouveau régime d’options d’achat d’actions suite au financement de CDP (après dilution et après la re-calibration du régime antérieur, tel que promis par Marc Ferland dès le 12 septembre 2002).
h) Lemieux a toujours prétendu (et c’est là sa principale doléance) qu’il avait été traité injustement et que CDP et les administrateurs de Nertec nommés par CDP avaient manqué à leurs obligations à son égard parce qu’on l’avait privé de ses gains potentiels en diluant ses droits d’options, ce qui allait à l’encontre de ses "attentes raisonnables" (au sens de l’article 241 LCSA). Or, les pièces en question, le témoignage de Guy Lemieux en contre-interrogatoire et l’absence de contestation des chiffres présentés par la défense confirment sans équivoque que le nouveau régime d’options d’achat d’actions mis de l’avant par le rapport Martineau aurait donné à Lemieux un bien meilleur rendement que si le F.S.F.T.Q. avait financé Nertec et que Lemieux avait gardé son ancien régime d’options. Ainsi, une fois cela constaté, Lemieux n’avait plus d’argument à faire valoir résultant d’un quelconque préjudice suite à une prétendue oppression de la part des défendeurs.
i) Selon la pièce CDP-14A, dans le cas d’une vente de Nertec à 20 millions, Lemieux aurait pu réaliser un gain d’environ 112 494,78$ en vertu du plan d’options proposé (et qu’il a refusé) alors que si le financement de Nertec avait été assuré par le F.S.F.T.Q. (selon P-33) son gain aurait été nul (ses options n’étant pas "in the money").
j) A 30 millions$, Lemieux aurait réalisé un gain de 582 226,41$ selon le plan proposé, alors que le financement F.S.F.T.Q. ne lui aurait permis aucun gain. Si la vente avait eu lieu à 40 millions$, alors le profit de Lemieux serait passé à 1 051 958,03$ alors que le financement F.S.F.T.Q. lui donnait toujours zéro.
k) Ce n’est que si Nertec avait été vendue 50 millions$ ou plus que le financement F.S.F.T.Q. aurait permis à Lemieux de réaliser un gain sur ses options. Ce gain aurait alors été de 215 293,93$ mais le nouveau plan proposé à Lemieux lui aurait permis de réaliser un gain de 1 944 448,11$ soit 1 729 154,18$ de plus.
l) Il en va de même dans des scénarios de vente (utopiques) à 60, 70, 80, 90 ou 100 millions$. Dans tous les cas, Lemieux avait un grand avantage à accepter la proposition de Nertec tant au niveau des termes de son nouveau contrat d’emploi qu’au niveau de son nouveau régime d’options.
[165] Il ne faut pas oublier de toutes façons que tout ce débat est devenu utopique une fois que CDP et Innovatech eurent pris la décision de ne plus financer Nertec (après le départ de Lemieux) et de forcer la cessation des opérations de la compagnie, faute de la capacité de cette dernière de réaliser des ventes suffisantes pour lui permettre de fonctionner.
[166] Dans ce contexte, les démarches judiciaires de Lemieux ont perdu tout leur sens. Tel qu’indiqué au début de l’analyse de ce dossier, ce recours n’aurait jamais dû être entrepris et si entrepris (pour des raisons stratégiques à l’époque), il aurait dû être retiré une fois qu’il devenait évident que les propres arguments économiques de Lemieux ne tenaient pas la route.
[167] Comme l’élément dilution des options d’achat d’actions de Lemieux est l'élément le plus important de ce litige pour le demandeur, force est de constater que s'il y a eu oppression à l'égard des attentes raisonnables de Lemieux suite au financement de CDP, cette oppression est disparue à compter de la mise en place du nouveau régime d'options de Nertec. Malgré cela, Lemieux refusera de signer son nouveau contrat d'emploi et refusera d'accepter le nouveau régime d'options. Ainsi, si les attentes raisonnables de Lemieux ont été brimées par CDP par le refus de cette dernière d'accepter le FSFTQ comme financier potentiel de Nertec, ces attentes raisonnables ont été satisfaites par la suite par l'offre d'un régime d'optons permettant à Lemieux de réaliser un gain potentiel appréciable. Or, la preuve a aussi révélé que Lemieux n'avait même pas fait l'exercice de calculer ses gains potentiels en fonction de ses propres hypothèses et en fonction de l'offre qui lui a été soumise avec son contrat d'emploi et qu'il a refusé.
[168] Sur le comportement de Lemieux face aux divers événements qui surviennent entre fin août 2002 et juin 2003 (et qui provoquera son congédiement) plusieurs faits ont déjà été mis en perspective et qui démontrent que le congédiement de Lemieux est devenu inévitable, et ce, de la propre faute du Demandeur. Plus spécifiquement:
a) tout d'abord, Lemieux s'est élevé contre la proposition du financement de CDP et en faveur de celle (éventuelle) du FSFTQ, prenant ainsi une position contraire aux intérêts de Nertec, le tout dans le but de favoriser ses intérêts personnels et alors qu'il était président et chef de la direction de Nertec;
b) après la réaction de Paul Aubin, actionnaire-fondateur de Nertec qui se voyait aussi dilué comme actionnaire et comme détenteur d'options et alors qu'une entente était négociée pour régler ce différend à l'amiable, Lemieux a entrepris une série de manœuvres dilatoires pour empêcher que ce différend se règle:
i) en faisant avorter une réunion de négociation chez les avocats de CDP et plus spécifiquement en exprimant des positions tellement inacceptables (véhiculées par son procureur) que toute discussion devenait impossible;
ii) en refusant de convoquer une assemblée du conseil de Nertec pour ratifier l'entente;
iii) après que l'entente soit finalement intervenue, en se présentant à la Cour avec son avocat dans le but d'éviter que le Tribunal ne sanctionne la transaction.
c) lorsque questionné sur ce qu'il n'acceptait pas et ce qui ne convenait pas à Nertec dans l'entente, Lemieux déclare qu'il était contre le principe d'accorder à Paul Aubin 5% (non dilué) de l'actionnariat de Nertec alors que son propre contentieux n'était ni adressé, ni négocié et, encore moins, réglé. De plus, Lemieux se plaindra du choix de l'expert en rémunération chargé de fixer son revenu et ses droits à des options (ainsi que ces mêmes questions pour les autres dirigeants de Nertec);
d) en refusant de signer son nouveau contrat d'emploi et en refusant d'accepter le nouveau plan d'options malgré le fait que
i) son salaire (légèrement augmenté) ainsi que ses conditions de travail étaient maintenus;
ii) le nouveau plan d'options d'achat d'actions qu'on lui offrait lui aurait accordé considérablement plus que si le FSFTQ avait financé Nertec.
e) en persistant à entretenir un climat de confrontation entre lui et les autres actionnaires et administrateurs de Nertec au point ou Lemieux n'a rien trouvé de mieux que de les poursuivre en dommages pour plusieurs millions de dollars et en les accusant de malversations de toutes sortes qui, lors du procès, n'ont pu être prouvées.
[169] Ces faits et gestes de Lemieux ont eu pour effet de détruire de façon irrémédiable le lien de confiance entre Nertec et lui. En effet, comment pouvait-il poursuivre les principaux actionnaires et bailleurs de fonds de Nertec (et les accuser des faits énumérés à la requête introductive d'instance originale) et espérer continuer à agir comme président et chef de la direction de la compagnie? Devant une telle évidence, le conseil de Nertec n'a pas eu d'autre choix que de mettre fin à l'emploi de Lemieux.
[170] La décision unanime de congédier Lemieux était donc tout à fait bien fondée et Lemieux ne doit son indemnité de départ (payée en partie) qu'à la générosité de Nertec et des défendeurs, qui avaient toutes les raisons nécessaires et suffisantes de le congédier avec cause et sans lui verser d'indemnité.
CONCLUSION
[171] Les deux principaux arguments de Lemieux, étant non prouvés et mal fondés en fai, font en sorte que son recours doit être rejeté, sans qu'il soit nécessaire ou opportun d'examiner le détail de sa réclamation en dommages.
[172] Si le Tribunal avait eu à poursuivre cette analyse, il n'aurait, de toutes façons, pu retenir l'hypothèse de Lemieux prétendant que la société Trilliant est effectivement la continuation de Nertec par Aubin et ses nouveaux associés. Trilliant œuvre peut-être dans le même contexte mais ses produits sont différents et résultent d'une évolution de la technologie qui a été réalisée grâce à des investissements massifs d'autres sociétés de capital de risque avec des conséquences sur la dilution de ses droits d'options. A preuve, la très forte dilution des droits de Aubin dans cette nouvelle entreprise, où, de partenaire à 50%, il n'en détient aujourd'hui que 5% du capital-actions. On peut facilement imaginer l'impact dilutif sur les 7% de Lemieux…
[173] Malheureusement pour lui, Lemieux a accepté de travailler pour Nertec en espérant que la valeur de l'entreprise exploserait. Cela ne s'est pas produit. Lemieux n'a rien perdu. Il a reçu son salaire et son indemnité de départ jusqu'à ce que Nertec ne puisse continuer à opérer, faute de ressources.
[174] Tous les intervenants dans ce dossier ont perdu de l'argent, du moins tous ceux qui ont investi dans Nertec. Les pertes de CDP, de Innovatech et de Aubin sont substantielles. Lemieux, lui, n'a rien perdu parce qu'il n'a jamais investi un seul dollar dans Nertec.
[175] Sa poursuite a été alimentée par l'espoir d'un pactole, lors d'une éventuelle et très hypothétique vente de l'entreprise à 20, 30 ou même 50 millions$, chose qui ne s'est pas réalisée (ni avec Nertec, ni avec Trilliant). Cette hypothèse a alimenté cette poursuite qui, somme toute, n'aurait jamais dû voir le jour.
[176] Quant au solde impayé de son indemnité de départ et de ses vacances, les défendeurs n'en sont pas responsables. Quant à l'employeur, Nertec, cette compagnie n'est pas poursuivie. Il n'y a donc pas lieu de se pencher plus loin sur cette réclamation.
La demande d'autorisation d'instituer une action dérivée au nom de Nertec
[177] Lemieux veut poursuivre au nom de Nertec les mêmes Défendeurs et recherche, au nom de la compagnie, sensiblement les mêmes conclusions que dans son recours en oppression (sauf les conclusions relatives à son congédiement).
[178] Non seulement aucune preuve n'a été apportée au soutien des conclusions recherchées, mais au surplus, aucune preuve du refus ou de la négligence de Nertec d'instituer un tel recours. Pour qu’une action dérivée soit envisageable, il faut prouver faute de la part des défendeurs.
[179] Autant Lemieux n'a pas réussi à démontrer que les Défendeurs étaient responsables de quoique ce soit à son égard, autant Lemieux n'a été capable de faire une telle démonstration à l'endroit de Nertec.
[180] Cette démarche n'a donc aucun fondement factuel.
[181] Lemieux ne recherche que son intérêt personnel et non l'intérêt d'une compagnie (qui n'a d'ailleurs plus d'actifs et qui est fortement endettée envers ses bailleurs de fonds) qui n'a subi aucun préjudice de la part de ces mêmes Défendeurs.
[182] Dans cette démarche, Lemieux n'est pas confronté à une inaction de Nertec dans le but de protéger des tiers. Lemieux doit donc démontrer qu'il agit de bonne foi pour le bien-être de Nertec et non pour ses intérêts personnels.
[183] Martel[47]:
31-98 Quant à l'exigence de la bonne foi du plaignant, elle est décrite en ces termes:
"The test for good faith is whether the action is primarily for the purposes of pursuing a claim on the company's behalf, and factors to be considered in applying this test include the applicant's belief in the merits of the proposed claim, existing disputes between the parties, and alleged ulterior motives."
Il a été établi par la jurisprudence que le plaignant n'est pas de bonne foi lorsque son action est motivée par une «vendetta privée» ou lorsqu'elle est frivole ou vexatoire; son intérêt personnel («self-interest») ne constitue pas de la mauvaise foi lorsqu'il ne fait que coïncider avec l'intérêt de la société. L'action dérivée peut coexister avec un recours pour oppression intenté par le même plaignant; ces recours ne sont pas mutuellement exclusifs, et le fait d'intenter le recours pour oppression n'est pas un signe de mauvaise foi de la part du plaignant.
31-99 Ainsi que l'a bien exprimé un tribunal,
«The question is whether the petitioner has the best interests of the company, or self-interest or ulterior motives as its primary objective in advancing the claims».
[184] Pour être autorisé à intenter un tel recours, Lemieux doit démontrer que l'action dérivée a des "chances raisonnables de succès"[48]. Telle démonstration n'a pas été faite.
[185] S'il y avait chances de succès, il faudrait aussi démontrer que le résultat ne serait "pas insignifiant". Cette démonstration n'a pas été faite.
[186] Cet exercice semble n'avoir qu'un but: poursuivre encore plus loin et encore plus longtemps des défendeurs qui n'ont commis aucune faute envers Lemieux ou Nertec et qui n'ont causé aucun préjudice ni à l'un ni à l'autre.
[187] Cette démarche n'ayant ni fondement juridique ni une quelconque chance de succès doit être refusée.
[188] POUR L'ENSEMBLE DE CES MOTIFS, le Tribunal
[189] REJETTE le recours du demandeur;
[190] AVEC DÉPENS, y compris les frais d'experts de la partie défenderesse entendus par le Tribunal et dont les factures d'honoraires ont été produites.
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__________________________________ ROBERT MONGEON, j.c.s. |
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Me Guy Paquette |
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Me Karine St-Louis |
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M. Mathieu Charest-Beaudry (stagiaire) |
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Paquette Gadler Inc. |
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Procureurs du demandeur |
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Me Marie-Josée Hogue |
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Me Michel Taillefer |
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Heenan Blaikie |
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Procureurs des défendeurs |
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Date d’audience : |
9, 13, 14, 15, 16, 17, 22, 23, 27, 28, 29, 30 septembre 1er, 13, 14, 20, 21 octobre 2010 |
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[1] Voir paragraphe 65, Requête Ré-Amendée du Demandeur, datée du 17 août 2007 (la Requête).
[2] 284 000 actions dont 18 000 à 10$ et 266 000 à 5$ = 1 510 000,00$ représentent 7% de la valeur de Nertec. Donc 100% est égal à 1 510 000 x 100 = 21 571 430,00$.
7
[3] Paragraphe 74, Requête et pièce P-30 en liasse.
[4] A l'automne 1997 - voir paragraphe 93 de la Requête.
[5] En mars 2001 - voir paragraphe 105 de la Requête.
[6] Pièce P-32.
[7] Voir pièce P-33.
[8] Pièce P-34.
[9] CDP nie avoir souscrit un tel engagement, même verbal.
[10] Pièces P-33, P-34 et paragraphe 161 de la Requête.
[11] Cette valeur doit être ramenée à plus ou moins 8 millions$ selon les défendeurs, après avoir pris en compte le remboursement des sommes déjà avancées à Nertec par CDP et Innovatech. Voir à ce sujet le Plan d'argumentation des défendeurs, pages 10 et 19. Ce réajustement n'a pas fait l'objet d'une contestation par Lemieux.
[12] La preuve démontrera cependant que "l'offre" du F.S.F.T.Q. correspondait plutôt à une valeur d'entreprise de 8 à 9,4 millions$ (la preuve n’est pas déterminante sur la valeur exacte de cette valeur mais elle se situe à l’intérieur de ces deux chiffres) et non de 14 millions$. Le financement que CDP imposera par la suite à Nertec sera sur la base d'une valeur d'entreprise de 6 millions$.
[13] Pièce P-35.
[14] Frédéric Vezon, porte-parole de CDP s'est retiré des délibérations du conseil ainsi que Bill Meder, les deux invoquant une possible situation de conflit d'intérêt.
[15] Pour visualiser les principaux éléments des offres de CDP et de FSFTQ, voir le tableau comparatif du paragraphe 203 de la Requête. Voir aussi pièces P-33 et P-37.
[16] Voir notamment les allégations des paragraphes 241 à 244 de la Requête modifiée.
[17] Voir les allégations des paragraphes 249 à 261 de la Requête modifiée.
[18] Lemieux avait été clairement avisé par Bill Meder que s'il persistait à refuser de suivre la ligne de direction du conseil de Nertec, il pourrait difficilement continuer à occuper la fonction de président.
[19] Voir pièces CDP-14 et CDP-14A
[20] P-46, P-83
[21] P-46, article 4
[22] P-88 (Rapport Martineau)
[23] P-90
[24] Voir pièce CDP-14A. Voir aussi commentaires de l'expert André Perreault, pièce CDP-11
[25] Pièce P-52
[26] Voir notamment P-91
[27] P-100, P-89, P-30, P-30A
[28] Voir les autorités citées par le Demandeur, pp. 2 à 7 de ses notes et autorités (20 octobre 2010)
[29] Pour paraphraser R. Crête et S. Rousseau, Droit des sociétés par actions, 2ième édition, Montréal, Éditions Themis 2008, no. 907
[30] [2004] 3 RCS, 461
[31] Paragraphe 42
[32]
BCE Inc. c. Détenteurs d'obligations de 1976
[39] Selon l'arrêt Magasins à rayons Peoples de notre Cour, bien que les administrateurs doivent agir au mieux des intérêts de la société, il peut également être opportun, sans être obligatoire, qu’ils tiennent compte de l’effet des décisions concernant la société sur l’actionnariat ou sur un groupe particuliers de parties intéressées. Comme l’ont indiqué les juges Major et Deschamps au par. 42 :
Nous considérons qu’il est juste d’affirmer en droit que, pour déterminer s’il agit au mieux des intérêts de la société, il peut être légitime pour le conseil d’administration, vu l’ensemble des circonstances dans un cas donné, de tenir compte notamment des intérêts des actionnaires, des employés, des fournisseurs, des créanciers, des consommateurs, des gouvernements et de l’environnement.
On verra plus loin que la jurisprudence sur les recours en cas d’abus a clarifié davantage le contenu de l’obligation fiduciaire des administrateurs quant à l’éventail des intérêts qu’ils doivent prendre en compte pour déterminer ce qui est au mieux des intérêts de la société, en agissant de façon équitable et responsable.
[40] En déterminant ce qui sert au mieux les intérêts de
la société, les administrateurs peuvent examiner notamment les intérêts des
actionnaires, des employés, des créanciers, des consommateurs, des
gouvernements et de
l’environnement. Les tribunaux doivent faire preuve de
la retenue voulue à l’égard de l’appréciation commerciale des
administrateurs qui tiennent compte de ces intérêts
connexes, comme le veut la « règle de l’appréciation
commerciale ». Cette règle appelle les tribunaux à respecter une
décision commerciale, pourvu qu’elle s’inscrive dans un éventail de
solutions raisonnables possibles : voir Maple Leaf Foods Inc.
c.
Schneider Corp. 1998 CanLII 5121 (ON C.A.),
(1998), 42 O.R. (3d) 177 (C.A.); Kerr c. Danier Leather Inc.,
[33] 238. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.
“ action ”
« action » Action intentée en vertu de la présente loi.
« plaignant »
“ complainant ”
« plaignant »
a) Le détenteur inscrit ou le véritable propriétaire, ancien ou actuel, de valeurs mobilières d’une société ou de personnes morales du même groupe;
b) tout administrateur ou dirigeant, ancien ou actuel, d’une société ou de personnes morales du même groupe;
c) le directeur;
d) toute autre personne qui, d’après un tribunal, a qualité pour présenter les demandes visées à la présente partie.
[34] Martel, La société par actions au Québec - les aspects juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, no. 31-163, page 31-50: Le détenteur d'une option d'achat ou de souscription d'actions ne peut être un "plaignant" car l'option n'est pas une "valeur mobilière". Voir jurisprudence, note infrapaginale no. 165.
[35] Article 241(3)(j) LCSA.
[36] Contre-interrogatoire de Lemieux
[37] La jurisprudence a évolué sur la question de traiter le congédiement d'un employé comme élément d'oppression au sens de l'article 241 LCSA. Dans certains cas, le congédiement doit être traité comme un simple recours régi par les dispositions du droit civil. Dans d'autres situations, lorsque le congédiement est utilisé pour faire perdre des droits d'actionnaire (actuel ou futur) à un "plaignant", alors celui-ci peut constituer une forme d'oppression.
Voir Laviolette c. Prud'honmme,
Or, rien dans la preuve ne révèle un tel comportement de la part des Défendeurs.
[38] Voir le document de présentation de Nertec préparé par F. Vezon, le 28 mars 2001, pièce P-71
[39] Pièce P-30
[40] En 2003, Lemieux aurait réussi à réaliser des ventes d'environ 4,8 millions$, non sans s'aliéner certains clients en leur "refilant" des pièces dont ces clients n'avaient aucun besoin immédiat, le tout dans le but de générer des ventes et sans pour autant mesurer l'impact négatif de ces ventes sur des clients importants de Nertec.
[41] Sur le prétendu engagement de CDP d'investir cette somme additionnelle, la preuve est fortement contradictoire. Le Tribunal ne peut considérer que CDP avait souscrit un tel engagement, contrairement aux prétentions de Lemieux à cet égard.
[42] Voir page 10 du Plan d'Argumentation des défendeurs. Certains aspects de la preuve fixent la valeur d’entreprise à 9,4 millions$. De toutes façons, Lemieux n’a pas évalué l’offre du F.S.F.T.Q. à une valeur d’entreprise à 8 ou à 9,4 millions$.
[43] Pièce CDP-14A
[44] Pièce CDP-11, page 6
[45] Pièce CDP-11, page 7
[46] Pièce CDP-11, page 8
[47] La société par actions au Québec - Les aspects juridiques, Wilson & Lafleur, édition 2011, pp. 31-27 et 31-28, nos. 31-98 et 31-99.
[48] Martel, op. cit, no. 31-100
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