Décision

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Montréal-Est (Ville de) c. Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301

2015 QCCA 1957

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-024615-148

(500-17-076700-130)

 

DATE :

Le 26 novembre 2015

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

FRANÇOIS PELLETIER, J.C.A.

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

 

VILLE DE MONTRÉAL-EST

APPELANTE - mise en cause

c.

 

SYNDICAT DES COLS BLEUS REGROUPÉS DE MONTRÉAL, section locale 301

INTIMÉ - demandeur

et

FRANÇOIS HAMELIN, en sa qualité d’arbitre de griefs

MIS EN CAUSE - défendeur

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 4 juillet 2014 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Danielle Grenier), qui a accueilli la requête en révision judiciaire de l’intimé et retourné le dossier au mis en cause Me François Hamelin, afin qu’il oblige l’appelante à négocier de bonne foi avec l’intimé afin de permettre à la salariée d’être affectée à un poste dont elle pourra remplir les exigences normales ou à toute autre fonction qu’elle est capable d’accomplir.

[2]           Ce pourvoi soulève la question de savoir qui, de l’arbitre de griefs ou des instances spécialisées chargées d’appliquer la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles[1] (la « L.a.t.m.p. »), a compétence pour régler les différends émanant des dispositions de la convention collective relatives au retour au travail d’un salarié lorsque la CSST a déjà analysé la capacité et les limitations fonctionnelles de ce salarié et a déterminé un emploi convenable, que l’employeur ne peut toutefois lui offrir. Se pose également la question de savoir si la juge de première instance a eu raison de conclure que l’arbitre a erré en décidant qu’en l’espèce, les dispositions de la convention collective liant le Syndicat des cols bleus (« le Syndicat ») à la Ville de Montréal-Est (la « Ville ») ne sont pas plus avantageuses pour le salarié que les dispositions contenues à la L.a.t.m.p., ce qui explique pourquoi il a décliné compétence.

[3]           Les faits ne sont pas contestés et sont bien décrits par la juge de première instance. Il est donc opportun de référer à sa décision[2] :

[3]    La plaignante, France Gagnon, entre au service de la Ville le 1er janvier 2002 à titre de chauffeur opérateur C.

[4]    Le 5 mai 2003, elle se blesse au travail et produit une réclamation auprès de la CSST qui est acceptée.

[5]    Le 2 février 2007, Gagnon se blesse à nouveau et dépose une réclamation auprès de la CSST qui est refusée le 3 mai 2007.

[6]    Gagnon conteste la décision de la CSS T et, le 24 mars 2009, la CLP entérine une entente entre la Ville et le Syndicat.

[7]    Le 12 avril 2010, après une série de procédures, la CLP confirme une décision de la CSST du 14 septembre 2009 et déclare que la lésion professionnelle de Gagnon est consolidée depuis le 16 juillet 2009 sans nécessité d’autres soins et traitements, bien que Gagnon conserve de celle-ci une atteinte permanente à son intégrité physique et des limitations fonctionnelles.

[8]    Le 4 mai 2010, la CSST détermine que Gagnon pourra avoir recours à des services professionnels dans le cadre d’une recherche d’emploi.

[9]    Le 6 mai 2010, la CSST avise Gagnon qu’elle a été jugée incapable de reprendre son emploi prélésionnel, que l’employeur n’a aucun emploi convenable à lui offrir et que, par conséquent, des démarches de réadaptation seront entreprises avec elle afin d’identifier un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail (pièce P-3).

[10] Le 14 juin 2010, le conseil municipal de la Ville met fin à l’emploi de Gagnon (pièces P-4 et P-5).

[11] Le 23 juin 2010, le Syndicat conteste la fin du lien d’emploi de Gagnon par le dépôt d’un grief.

[12] Le grief du Syndicat est contesté par la Ville le 6 décembre 2010. Dans un premier temps, cette dernière prétend que l’arbitre n’a pas compétence pour décider si la convention collective accorde aux salariés des conditions plus avantageuses que la LATMP. L’arbitre conclut qu’il a cette compétence. Cette décision fait l’objet d’une requête en révision judiciaire qui est rejetée tout comme la requête pour permission d’en appeler de la Ville (pièce P-7 en liasse).

[13]  Lors de la deuxième journée d’audience, le 14 février 2013, la Ville soulève une nouvelle objection préliminaire et demande à l’arbitre de rejeter le grief sans entendre le fond.

[14]  Le 15 mars 2013, l’arbitre conclut, sans entendre le fond, que les dispositions de la convention collective invoquées par le Syndicat ne sont pas plus avantageuses que celles comprises dans la LATMP.

[…]

[16]  L’arbitre a conclu que les articles 4, 32 et 244 de la LATMP accordent une compétence résiduaire aux arbitres.

[17]  L’arbitre précise que l’article 4 de la LATMP qui dispose qu’une convention peut inclure pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la LATMP lui confère compétence. Il rejette ainsi la prétention de la Ville selon qui seule la CSST a compétence pour faire appliquer ces dispositions plus avantageuses. Il écrit :

« Il faut en effet rappeler que l’article 349 confère à la CSST « compétence exclusive pour […] décider de toute question visée dans la présente loi ». Par définition, une disposition plus avantageuse que celles prévues par la loi n’est pas une disposition prévue par cette loi et ne peut donc être visée par cette loi qui relève de la compétence exclusive de la CSST. »

[18]  Par la suite, l’arbitre donne raison à la Ville en concluant que les paragraphes 9.01 et 9.11 de la convention collective ne prévoient pas un avantage supérieur à ceux accordés par la LATMP.

[19]  Dans un deuxième temps, l’arbitre se livre à l’analyse des paragraphes 9.01 f) et 9.11 de la convention collective pour conclure que ces dispositions ne sont pas plus avantageuses que celles prévues dans la LATMP.

[20]  Son analyse du paragraphe 9.01 f) l’amène à conclure ainsi :

[47]  Avec égard pour la position contraire, cette disposition n’est pas contraignante. En effet, elle ne prévoit aucune obligation précise pour l’employeur qui ne s’y est engagé qu’à « collaborer, si possible » et à des conditions qu’il aura préalablement acceptées.

[48]  En fait, la clause représente une déclaration d’engagement, sans obligation.

[49]  Pour ces motifs, je conclus que les dispositions du paragraphe 9.01 f) ne sont pas plus avantageuses que celles prévues par la LATMP.

[21]  Quant au paragraphe 9.11 de la convention collective, l’arbitre écrit :

[54]  Avec respect, je suis d’avis que cette clause ne prévoit pas un avantage supérieur à ceux accordés par la LATMP, parce que lorsque la LATMP fait référence à un « emploi convenable », elle fait référence à toute espèce de fonction que le travailleur est en mesure d’accomplir en fonction de ses limitations fonctionnelles et de ses qualifications. Cette définition est générale et englobe manifestement tous les cas particuliers de fonctions, à l’exception, évidemment, des emplois adaptés ou composés spécialement pour un salarié, ce qui n’est pas en cause ici.

[55]  En fait et en droit, la clause 9.11 ne fait que réitérer l’engagement de la Ville à rechercher, pour un travailleur, une fonction « qu’il est capable d’accomplir » et qui, par définition, se trouve à être un emploi convenable au sein de la LATMP.

[56]  Je tiens par ailleurs à souligner que le paragraphe 9.11 ne stipule pas que « la Ville le réinstalle » dans une « tâche », mais bien dans une « fonction » qui, selon les définitions fournies par les paragraphes 2.01 j) et l) de la convention collective, est un regroupement finalisé de tâches.

[57]  En l’espèce, la CSST a décidé qu’il n’existait, à la Ville, aucun emploi convenable disponible qui respecte les limitations fonctionnelles de la réclamante, mais seulement différentes tâches qui ne sont pas regroupées dans un seul et même emploi et dont le total n’équivaut qu’à 770 heures par année, soit à peine 40% d’un emploi permanent à temps complet.

[58]  Pour ces motifs, je suis d’avis que les dispositions du paragraphe 9.11 ne sont pas plus avantageuses que celles prévues par la LATMP.

 [59] En raison des précédentes conclusions, il n’y a pas intérêt à trancher la prétention de la Ville selon laquelle le grief est théorique et sans objet.

[référence omise]

[4]           Le Syndicat se pourvoit en révision judiciaire de la décision arbitrale. La Cour supérieure lui donne raison, casse la sentence arbitrale et retourne le dossier à l’arbitre « afin qu’il oblige (…) la Ville de Montréal-Est à négocier de bonne foi avec le Syndicat afin de permettre à Madame Gagnon d’être affectée à un poste dont elle pourra remplir les exigences normales ou à toute autre fonction qu’elle est capable d’accomplir »[3].

[5]           La juge de première instance détermine que l’arbitre avait bel et bien compétence pour se saisir du grief. Elle poursuit ensuite son analyse et, appliquant la norme de révision de la décision raisonnable, conclut essentiellement que l’arbitre a erré en concluant que les paragraphes 9.01 f) et 9.11 de la convention collective n’étaient pas des dispositions plus avantageuses que celles prévues dans la L.a.t.m.p. Celles-ci ne comportent pas la limite qu’on retrouve à la L.a.t.m.p. quant au fait qu’il doit s’agir d’un emploi « convenable » au sens que donne la L.a.t.m.p. à cette expression et elles imposent une obligation à l’employeur de négocier de bonne foi avec le Syndicat. Ces erreurs sont déterminantes puisqu’elles font en sorte que l’arbitre refuse d’exercer la compétence qui est la sienne. Ce résultat n’est pas, de l’avis de la juge, une issue possible acceptable pouvant se justifier au regard des faits et du droit et nécessite que la décision arbitrale soit cassée.

[6]           La Ville a été autorisée à se pourvoir.

Analyse

[7]           Quoique la plupart des questions que soulève ce pourvoi aient jusqu’à récemment fait l’objet d’une controverse jurisprudentielle, celle-ci a été réglée par cette Cour dans l’affaire Université McGill c. McGill University Non Academic Certified Association (MUNACA)[4]. Cette décision n’avait pas encore été rendue lorsque la Ville fut autorisée à faire appel du jugement de première instance et ne l’avait pas encore été lors de l’audition du pourvoi. Les motifs de notre collègue la juge Bich permettent de décider des questions soulevées ici. Les procureurs renvoient d’ailleurs au dossier McGill et ont eu l’occasion de plaider sur les questions soulevées dans cette affaire.

La norme de contrôle

[8]           La Ville et le Syndicat soutiennent tous deux que c’est la norme de contrôle du caractère raisonnable de la décision arbitrale qui est applicable ici. Il y a lieu de nuancer cette affirmation. C’est en effet plutôt la norme de la décision correcte qui est applicable à la révision de la portion de la décision traitant de la compétence de l’arbitre pour se saisir du grief. La norme de la décision raisonnable est, quant à elle, applicable à la seconde portion de la décision traitant du caractère plus avantageux ou non des dispositions de la convention collective.

[9]           Au sujet de la norme de contrôle, les propos de la juge Bich dans McGill[5] sont judicieux et s’appliquent tout autant en l’espèce :

[22] À mon avis, l'affaire soulève une problématique à deux volets :

-  L'article 4 L.a.t.m.p. permet-il aux parties à une convention collective de prévoir, au bénéfice du travailleur, des conditions plus avantageuses que celles de la L.a.t.m.p. et, dans l'affirmative, qui a compétence pour régler les mésententes résultant de telles dispositions conventionnelles?

-  En l'espèce, et dans la mesure où la première question recevrait une réponse affirmative, la convention collective unissant les parties contient-elle pareille disposition?

[23] Le premier volet se rattache 1° à l'interprétation de la L.a.t.m.p., loi d'ordre public, 2° aux rapports entre cette loi et la convention collective, 3° à la compétence (au sens vires du terme) de l'arbitre de se saisir de questions relatives à un salarié victime d'une lésion professionnelle et, conséquemment, 4° aux champs d'intervention respectifs de la CSST et de la CLP, d'une part, et de l'arbitre de griefs d'autre part. Il s'agit là d'éléments indissociables, le dernier dépendant entièrement des trois premiers. Le débat portant en définitive sur les compétences respectives d'instances potentiellement concurrentes, il y a lieu d'appliquer la norme de la décision correcte.

[24] À l'instar du juge de première instance, et comme on le verra, je conclurai que l'article 4 autorise l'insertion à la convention collective de dispositions plus avantageuses pour le travailleur, dispositions dont l'interprétation et l'application relèvent de la compétence arbitrale.

[25] Le second volet requiert plutôt l'application de la norme de la décision raisonnable. Comme le rappelle l'arrêt Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), sous la plume majoritaire du juge Gascon, il est tout à fait possible que les diverses questions que soulève un litige doivent être examinées en fonction de normes différentes. C'est ici le cas. Ayant conclu que c'est de l'arbitre que relève l'application de l'article 4, 2e al., L.a.t.m.p., c'est encore à lui que reviendra de répondre à la question de décider si, en l'espèce, la convention collective contient bel et bien une disposition plus avantageuse pour le salarié que la L.a.t.m.p. et, le cas échéant, de la mettre en œuvre. La détermination du sens et de la portée, dans les faits, d'une disposition conventionnelle particulière est en effet au cœur de la mission que lui confie le législateur et, sur ce point, sa sentence ne pourra être révisée que sous l'angle de la décision raisonnable, aucune des exceptions prévues par la jurisprudence n'étant pertinente.

[26] La question de savoir si une convention collective particulière comporte, dans les faits, une disposition accordant au travailleur plus de droits que la L.a.t.m.p. n'est en effet pas une question constitutionnelle, elle ne se rapporte pas à la compétence de tribunaux concurrents et elle n'a pas les caractéristiques de la question de droit revêtant une importance capitale pour le système juridique et étrangère à la compétence du tribunal spécialisé. Il ne s'agit pas non plus d'une question de compétence stricto sensu (c.-à-d. au sens vires du terme) : l'arbitre chargé de statuer sur cette question ne s'arroge pas de compétence en décidant que la convention contient une disposition plus avantageuse que la L.a.t.m.p., pas plus qu'il ne refuse d'exercer sa compétence lorsqu'il statue que la convention n'en contient pas. Dans les deux cas, il exerce sa compétence décisionnelle et, en révision judiciaire, on ne peut que se demander s'il a statué de manière raisonnable.

                                                                                        [références omises]

La compétence de l’arbitre de griefs

[10]        Appliquant le critère de la décision correcte, c’est à bon droit que la juge a conclu que l’arbitre de griefs avait compétence pour se saisir du différend. Ce dernier a, en effet, compétence sur les désaccords relatifs à l’interprétation ou à l’application des dispositions contenues à la convention collective qui ajoutent aux droits conférés à un salarié par la L.a.t.m.p., conformément aux articles 100 et s. du Code du travail (« C.t. »)[6]. De nouveau les propos de la juge Bich dans l’affaire McGill offrent un éclairage pertinent :

[63] Le législateur confie en effet à l'arbitre de grief une mission particulière, spécialisée et exclusive sur « toute mésentente relative à l'interprétation ou à l'application d'une convention collective » (« any disagreement respecting the interpretation or application of a collective agreement »), c'est-à-dire tout grief au sens de l'article 1 C.t., peu importe l'objet de ce grief. Si une telle mésentente porte sur l'interprétation et l'application de dispositions conventionnelles accordant au travailleur des droits qui s'ajoutent à ceux que lui confère la L.a.t.m.p., elle est sujette à la procédure de grief, qui culmine avec l'arbitrage. Pour paraphraser le juge Bastarache, au nom de la Cour suprême, dans Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, l'essence du litige concernant une matière visée par la convention collective et qui n'existe que grâce à celle-ci, l'arbitre a compétence et, même, compétence exclusive.

                                                                                                    [références omises]

[11]        L’arbitre ayant conclu en ce sens, la juge, à bon droit, lui a donné raison.

Les dispositions de la convention collective sont-elles plus avantageuses?

[12]        Il ne reste donc qu’à déterminer si la juge a eu raison de conclure que la décision de l’arbitre de décliner compétence, au motif que les paragraphes 9.01 f) et 9.1.1 de la convention collective ne sont pas des dispositions plus avantageuses que celles prévues à la L.a.t.m.p., est déraisonnable, la justifiant ainsi d’intervenir et de lui retourner le dossier. À notre avis, elle l’est.

[13]        Ces dispositions sont ainsi rédigées :

9.01 f)  Dans le cas où un employé, victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, devient incapable, de façon permanente, de reprendre son poste de travail, les parties s’engagent à collaborer, si possible, afin de permettre à cet employé d’être affecté à un poste dont il pourra remplir les exigences normales et ce, à des conditions au préalable acceptées par les parties.

9.11     Lors du retour au travail d’un employé accidenté ou victime d’une maladie professionnelle, lorsqu’il est consolidé, les parties conviennent de ce qui suit :

a)  Nonobstant les dispositions de l’article 18, dès qu’un employé titulaire est considéré apte au travail, suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, la Ville le réinstalle d’abord dans sa fonction s’il est en mesure de l’accomplir ou dans toute autre fonction qu’il est capable d’accomplir, sans diminution de salaire;

b)  L’employé bénéficiant, du présent alinéa, ne peut être déplacé par un autre employé.

            Par la suite, l’employé est couvert par les dispositions du régime d’assurance-salaire, s’il y a lieu.

[14]        Comme le mentionne la juge, l’arbitre a jugé que le paragraphe 9.01 f) de la convention collective ne constitue « qu’une déclaration d’engagement, sans obligation » et que le paragraphe 9.11 ne confère pas un avantage supérieur à ceux accordés par la L.a.t.m.p. puisque le terme fonction qui y apparaît en limite la portée. De son côté, elle conclut que les notions « d’exigences normales » (9.01 f) et de « fonction qu’il est capable d’accomplir » (9.11) sont beaucoup moins contraignantes que la notion « d’emploi convenable » au sens de la L.a.t.m.p. et que l’employeur a l’obligation de collaborer avec le syndicat afin de trouver une solution qui pourrait permettre à un salarié d’être affecté à un autre poste, qui par ailleurs n’a pas à satisfaire au critère de « l’emploi convenable » prévu à la L.a.t.m.p. Elle poursuit en concluant que le résultat auquel est parvenu l’arbitre n’est pas une issue possible acceptable pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Le problème avec l’interprétation et l’analyse de l’arbitre tient en bonne partie à une conception erronée et trop large de la notion de l’emploi convenable, qui ne correspond pas à celle définie à la L.a.t.m.p. La juge a donc raison et son analyse est sans faille. L’analyse de l’arbitre est erronée à deux égards comme elle le mentionne[7] :

[51] Le Tribunal est d’avis que l’arbitre a erré en concluant que les paragraphes 9.01 f) et 9.11 de la convention collective n’étaient pas des dispositions plus avantageuses que celles prévues dans la LATMP. Cette erreur est déterminante puisqu’elle fait en sorte que l’arbitre refuse d’exercer sa compétence aux termes de l’article 4 de la LATMP et des paragraphes 9.01 f) et 9.11 de la convention collective. Il ne s’agit pas d’une issue possible acceptable pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[52] L’arbitre a fait une lecture restrictive de la convention collective et son approche mène à un constat inacceptable : les parties auraient parlé pour ne rien dire. Il a ainsi erré en assimilant les termes « toute autre fonction qu’il est capable d’accomplir » (paragr. 9.11 de la convention collective) à la notion d’emploi convenable. Les termes utilisés au paragraphe 9.11 octroient au travailleur un plus large éventail d’emplois que ne peut le faire la CSST qui doit composer avec les restrictions législatives imposées par la définition de la notion « d’emploi convenable ».

[53] Quant au paragraphe 9.01 f) de la convention collective, contrairement à ce que l’arbitre affirme, il est contraignant. Le Syndicat et l’employeur sont liés par une promesse. Ils s’engagent à collaborer afin de trouver une solution qui permettra peut-être à un salarié qui a été déclaré incapable, de façon permanente, de reprendre son poste de travail, d’être affecté à un poste dont il pourra remplir les exigences normales. Il se peut qu’un tel poste n’existe pas. Mais là n’est pas la question. Encore faut-il le chercher sans être lié par la définition « d’emploi convenable », c’est-à-dire sans être obligé de respecter les facteurs énumérés à l’article 2 de la LATMP.

            [référence omise]

[15]        Elle était donc justifiée d’accueillir la requête en révision du Syndicat, de casser la décision de l’arbitre et de lui retourner le dossier pour qu’il exerce sa compétence. Les deux parties conviennent toutefois que ce renvoi doit être fait sans que des instructions autres que d’exercer sa compétence lui soient données. Nous sommes d’accord.

[16]        Le dossier doit être retourné à un arbitre pour qu’il exerce sa compétence. L’arbitre mis en cause s’étant déjà prononcé quant au sens à donner aux dispositions applicables en l’espèce, il est préférable qu’un autre arbitre soit saisi du grief. Ainsi ni l’une ni l’autre des parties ne pourra craindre quant à sa neutralité, même s’il ne s’agit essentiellement que d’une question d’apparence. L’intérêt de la justice commande néanmoins que ces apparences soient préservées et ainsi que le dossier soit retourné à un autre arbitre, sauf si les parties, d’un commun accord, décident de le lui confier de nouveau.

[17]        Il n’y a pas lieu par ailleurs de lui donner des instructions autres que celles d’exercer sa compétence.

[18]        Le pourvoi doit en conséquence être accueilli, à la seule fin toutefois d’ordonner le retour du dossier à un nouvel arbitre.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[19]        ACCUEILLE l’appel, à la seule fin de remplacer le paragraphe [56] du jugement attaqué par le suivant :

[56] RETOURNE le dossier à un nouvel arbitre, sauf si les parties conviennent d’en ressaisir le défendeur, Me François Hamelin, afin qu’il exerce sa compétence;

[20]        AVEC DÉPENS, contre l’appelante, calculés sur la base d’un appel rejeté.

 

 

 

 

 

FRANÇOIS PELLETIER, J.C.A.

 

 

 

 

 

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

Me Frédéric Poirier

Me Stéphanie Lalande

Bélanger Sauvé

Pour l’appelante

 

Me Isabelle Leblanc

Lamoureux, Morin, Lamoureux

Pour l’intimé

 

 

Date d’audience :

5 octobre 2015

 



[1]     RLRQ, c. A-3.001.

[2]     Jugement de première instance, paragr. 3 à 21.

[3]     Jugement de première instance, paragr. 55 et 56.

[4]     AZ-51232736 (C.A.), 2015 QCCA 1943.

[5]     Ibid., paragr. 22 à 26.

[6]     RLRQ, c. C-27.

[7]     Jugement de première instance, paragr. 51 à 53.

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