[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 31 janvier 2018 par la Cour supérieure, district de Québec (l’honorable Alain Michaud), qui rejette l’action collective contre l’intimée.
[2] Pour les motifs de la juge Gagné, auxquels souscrivent les juges Thibault et Hogue, LA COUR :
[3] REJETTE l’appel, sans frais de justice.
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MOTIFS DE LA JUGE GAGNÉ |
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I. Aperçu
[4]
L’appelant, M. Réal Maltais, à titre de représentant d’un
groupe de résidents de la ville de Charlesbourg (aujourd’hui un arrondissement
de la ville de Québec), poursuit l’intimée, la procureure générale du Québec
agissant pour le ministère des Transports du Québec (« MTQ »), pour
des troubles de voisinage découlant de la circulation automobile sur
l’autoroute Laurentienne. Il reproche au MTQ son inaction dans la gestion du
bruit de l’autoroute et invoque, à la fois, le régime de responsabilité sans
faute de l’article
[5] La Cour supérieure, dans un jugement étoffé, reconnaît qu’il existe un rapport de voisinage entre le MTQ et les membres du groupe et que les inconvénients subis par certains résidents dépassent les limites de la tolérance que se doivent les voisins. Elle rejette néanmoins l’action collective en se fondant sur la règle de l’immunité relative de l’État qui protège ce dernier contre les poursuites en responsabilité civile découlant de décisions de politique générale.
[6]
Pour l’essentiel, il s’agit de décider si la règle de l’immunité
relative de l’État s’applique sous le régime de l’article
[7] Je réponds par l’affirmative à l’ensemble de ces questions et, pour les motifs qui suivent, propose de rejeter l’appel.
II. Contexte
[8] Le juge de première instance trace ainsi l’historique du litige :
[3] L’autoroute Laurentienne [l’Autoroute 73, ou l’A-73] est inaugurée en 1963 et se rend alors jusqu’à Notre-Dame-des-Laurentides. Plus tard prolongée, elle dessert les municipalités situées au nord de la région, comme Lac-Beauport, Lac-Saint-Charles et Stoneham-et-Tewkesbury, et devient à cette dernière jonction la route 175, menant au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
[4] Les demandeurs originaux Charles Carrier et Réal Maltais acquièrent une propriété sur l’avenue Trudelle en 1968, et Maurice Filion fait de même en 1974. L’avenue Trudelle est immédiatement voisine de l’A-73, sur son côté est, et les demandeurs commencent à se plaindre de cette proximité au début des années 1980 : l’autoroute est de plus en plus bruyante.
[5] Les événements pertinents au litige surviennent alors selon la séquence suivante :
a) le 6 octobre 1985, à l’initiative du demandeur Réal Maltais, une centaine de résidents du secteur signent une pétition et « demandent aux autorités de la Ville de Charlesbourg de trouver avec les autorités provinciale et fédérale, s’il y a lieu, une solution à la pollution causée par les bruits du boulevard Laurentien »; la ville s’engage dès le lendemain à transmettre la pétition au ministère des Transports du Québec [MTQ];
b) le 11 novembre 1985, le MTQ informe la Ville de Charlesbourg qu’il a pour politique « de contribuer à 50 % des coûts de construction des murs antibruit ou écrans d’insonorisation lorsque les études techniques le justifient »;
c) le 25 novembre 1985, la Ville de Charlesbourg adopte une résolution visant à informer le MTQ de son intention de ne pas contribuer à la construction du mur d’insonorisation réclamé par la pétition, « considérant que la pollution par le bruit est causée par le boulevard Laurentien, lequel est la propriété du ministère des Transports »;
d) en 1987, une étude de pollution sonore commandée par le MTQ conclut qu’une « zone résidentielle, à l’est de l’autoroute 73, entre la 76e Rue et le boulevard Jean-Talon, a été identifiée comme zone problématique, avec en moyenne un niveau équivalent de 24 heures dans les cours arrière de la première rangée de maisons de 66,0 dBA »;
e) le 3 octobre 1988, les demandeurs rassemblent 751 signatures de résidents du quadrilatère et réclament à nouveau l’intervention de la Ville de Charlesbourg pour « réactiver l’étude du dossier demeurée en suspens au niveau de la municipalité, afin d’en arriver à une solution équitable »;
f) le 5 février 1990, le Conseil municipal de la Ville de Charlesbourg « accepte le principe de participer à 50 % du coût de financement de la construction d’un mur antibruit le long du boulevard Laurentien, à la condition que ces travaux soient réalisés sur deux années ».
[6] Malgré cette acceptation de principe de la municipalité, aucune avancée concrète ne survient au dossier jusqu’à l’automne 2005, alors que la Ville de Québec demande au MTQ de réaliser une nouvelle étude de pollution sonore, cette fois en regard du tronçon de l’A-73 (allongé vers le sud) situé entre les boulevards de l’Atrium et Jean-Talon.
[7] Mandatée par le MTQ, la firme Dessau Soprin produit son rapport final le 25 avril 2007, lequel conclut que « comme les niveaux de bruit Leq24h sont supérieurs à la limite d’intervention à certaines des résidences, soit un Leq24h de 65 dBA, il est recommandé d’aménager des mesures d’atténuation sonore ». […]
[8] Parallèlement à ces démarches sur le terrain, le MTQ adopte à différentes époques des politiques relatives au bruit routier.
[9] En 1994, le ministère publie d’abord sa Politique sur l’environnement, laquelle annonce l’emploi de moyens pour assumer ses responsabilités environnementales, dont celui d’« atténuer le bruit et les autres formes de pollution générés par la construction, l’utilisation et l’entretien des infrastructures de transport ».
[10] En 1996, un groupe de travail réunissant les intervenants de trois ministères, dont le MTQ, publie un document intitulé « Combattre le bruit de la circulation routière », visant à présenter un guide sur les différentes techniques accessibles pour amoindrir le bruit de la circulation routière.
[11] En mars 1998, le Service de l’environnement du MTQ publie son importante Politique sur le bruit routier, laquelle « vise essentiellement à atténuer le bruit généré par l’utilisation des infrastructures de transport routier ». Comme nous le verrons plus loin, les mesures d’atténuation des impacts sonores de la politique adopteront une approche corrective pour la pollution sonore existante, ou encore une approche de planification intégrée, quand il s’agit de l’organisation des axes futurs de circulation routière.
[12] Finalement, le MTQ produit en 2005 une publication intitulée « Le bruit routier sous observation », comme complément à sa Politique sur le bruit routier de 1998. L’analyse précise les niveaux de bruit au-delà desquels des interventions s’imposeront, dans le cadre de projets de construction ou de reconstruction de routes.[3]
[Renvois omis]
[9] Le 1er mai 2009, l’appelant[4] demande l’autorisation d’exercer une action collective contre l’intimée. Outre des conclusions de nature déclaratoire, il réclame des mesures d’atténuation de bruit ainsi que des dommages-intérêts pour les inconvénients anormaux et excessifs subis par les membres du groupe.
[10] Le 17 mai 2010, le juge Gilles Blanchet de la Cour supérieure rejette la demande d’autorisation, jugeant que l’action proposée se heurte « à cet obstacle décisif que constitue l’immunité de l’État agissant dans la sphère politique de ses activités »[5].
[11] La Cour infirme ce jugement le 4 juillet 2011[6]. Le juge Gagnon, qui rédige les motifs de l’arrêt, est d’avis que « le juge s’est montré trop exigeant lors de l’analyse du critère portant sur l’apparence de droit en faisant primer de manière prématurée un moyen de défense » et qu’il convenait dans les circonstances de réserver au juge du fond le soin de trancher la question de l’immunité de l’État[7]. Partant, la Cour autorise l’exercice de l’action collective et décrit ainsi le groupe pour lequel l’appelant obtient le statut de représentant :
Toutes les personnes physiques qui résident ou ont résidé, au cours des trois (3) années précédant l'introduction de la présente procédure (1er mai 2009), dans le quadrilatère borné à l'ouest par l'autoroute Laurentienne direction nord (A73 nord), à l'est pour une délimitation se trouvant à 300 mètres à l'est de l'autoroute Laurentienne direction nord (A73 nord), au nord par le boulevard Jean-Talon et au sud par le boulevard de l'Atrium, aux adresses suivantes : […].[8]
[12] Pendant l’instance, la Ville de Québec conclut une entente de collaboration avec le MTQ pour la construction d’un écran antibruit d’une longueur approximative de 250 mètres en bordure de l’autoroute Laurentienne. Il s’agit d’un projet pilote visant à déterminer l’efficience de la solution retenue.
[13] Les résultats s’avérant concluants, l’appelant accepte, le 2 juin 2016, que « le mur antibruit soit construit dans son prolongement suivant les plans et devis du MTQ et de la Ville de Québec qui ont servi au mur témoin »[9]. Il modifie sa demande introductive d’instance afin qu’il soit ordonné à l’intimée de construire le mur antibruit projeté. Dès lors, demeurent en litige les conclusions déclaratoires ainsi qu’une réclamation d’environ 170 millions de dollars en dommages-intérêts[10].
III. Jugement entrepris
[14]
Le juge regroupe les questions en litige de façon à traiter de la
responsabilité sans faute du MTQ (art.
[15]
Sur la question de la responsabilité sans faute, il conclut à
l’existence d’un « rapport de voisinage entre le MTQ et les résidents du
quadrilatère ici concerné »[12].
Le juge rejette ainsi l’argument de l’intimée voulant que le MTQ ne soit que le
gestionnaire de l’autoroute et que le régime de responsabilité sans faute de
l’article
[16] Après une revue détaillée de la preuve et une analyse de la normalité des inconvénients[14], le juge en vient à la conclusion que seuls les résidents chez qui les niveaux sonores ont été calculés à 65 dBA Leq24h et plus[15] subissent des inconvénients anormaux et excessifs de façon continue. Selon lui, la « persistance de cette atteinte sonore est lourde, et […] dépasse les limites de la tolérance »[16].
[17] Sur la question de la responsabilité avec faute, le juge ne voit aucune contravention du MTQ à ses politiques et directives en matière de bruit routier[17], ni aucune faute de sa part selon la norme prévue à l’article 1457 C.c.Q.[18].
[18]
En particulier, le juge est d’avis que le MTQ s’est acquitté de son
obligation de moyens en agissant de façon proactive et en s’impliquant auprès
des résidents du secteur[19].
Il ajoute que le « devoir qui s’impose au MTQ, selon l’article
[19]
Concernant la contravention du MTQ aux articles
[20] Enfin, le juge examine l’argument selon lequel le MTQ a contrevenu aux articles 6, 46.1 et 49 de la Charte[22]. Il rappelle qu’il ne s’agit pas d’un régime indépendant et autonome de responsabilité civile et que « l’ingrédient essentiel de la faute est toujours requis »[23]. Il ne retient donc pas la responsabilité du MTQ en vertu de la Charte.
[21] Sur la question de l’immunité relative de l’État, le juge considère que le MTQ n’était pas tenu, dans sa gestion et son opération de l’autoroute, de réaliser des mesures d’atténuation de bruit. Il s’agit selon lui d’une décision de nature politique influencée par divers facteurs autres que la simple présence de bruit[24].
[22] Le juge précise que les critères à partir desquels le MTQ a décidé d’encadrer l’atténuation du bruit routier, soit les préoccupations sociales et politiques ainsi que les enjeux économiques et budgétaires, permettent de qualifier la décision de politique[25].
[23] En l’absence de preuve de mauvaise foi ou de décision irrationnelle, il conclut que la règle de droit public que constitue l'immunité relative de l’État prime sur les règles du droit civil, faisant obstacle à toute allégation de faute à l’encontre du MTQ[26].
[24]
Par ailleurs, le juge se questionne à savoir si cette immunité couvre
également la responsabilité sans faute prévue à l’article
[25] En définitive, le juge conclut que l’immunité relative de l’État constitue une fin de non-recevoir globale permettant au MTQ d’échapper à toute condamnation en lien avec la présente action collective[29].
[26] Enfin, bien que la question du quantum soit théorique, le juge livre certains commentaires. Dans un premier temps, il fixe à 5 000 $ la valeur monétaire de base qui représenterait la juste indemnisation des inconvénients anormaux du voisinage, pour un résident s’étant installé dans le secteur avant l’inauguration de l’autoroute en 1963.
[27] Il analyse ensuite la contribution des résidents à leurs dommages en raison de la prévisibilité raisonnable qu’ils pouvaient avoir des inconvénients futurs. Cela l’amène à former quatre groupes de résidents, à savoir les « anciens »[30], les « nouveaux arrivants »[31], les « conscients du problème »[32] et les « très avertis »[33]. Il détermine que les membres de ces quatre groupes auraient eu droit à des dommages-intérêts équivalant à 100 %, 80 %, 50 % et 20 % de la valeur de base de l’indemnité fixée à 5 000 $ par année[34].
IV. Questions en litige
[28] L’appelant soutient que la règle de l’immunité relative de l’État n’est pas applicable en matière de troubles de voisinage, de contravention à la L.q.e. ou d’atteinte illicite à un droit reconnu par la Charte. Le juge aurait également erré en concluant que le MTQ n’a commis aucune faute et en considérant l’antériorité de la pollution comme facteur de réduction de l’indemnisation des victimes.
[29]
L’intimée, de son côté, soutient que le juge a erré dans ses motifs en
appliquant l’article
[30] Pour décider du pourvoi, il suffit d’examiner les questions suivantes :
A. Le juge a-t-il erré en
appliquant l’article
B. La règle de l’immunité
relative de l’État s’applique-t-elle sous le régime de responsabilité sans
faute prévu à l’article
C. L’État peut-il invoquer cette immunité en cas de contravention à la L.q.e. ou d’atteinte illicite à un droit reconnu par la Charte?
D. L’omission du MTQ de mettre en place des mesures d’atténuation de bruit s’inscrit-elle dans une politique générale fondamentale?
V. Analyse
A.
L’application de l’article
[31]
Avant d’aborder la règle de l’immunité relative de l’État, il me faut
dire quelques mots sur l’application de l’article
[32]
Je rappelle le texte de l’article
976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux. |
976. Neighbours shall suffer the normal neighbourhood annoyances that are not beyond the limit of tolerance they owe each other, according to the nature or location of their land or local usage. |
[33] Dans un arrêt récent, la juge Savard résume le fondement et l’objectif recherché par cette disposition :
[54] […] L’objectif recherché par cette
disposition est de trouver cette « solution intermédiaire » qui
permet « d’équilibrer l’exercice social du droit de propriété et de
jouissance entre voisins ». Voici comment le professeur Sylvio Normand
résume la teneur de l’article
Des relations de voisinage harmonieuses supposent la tolérance. Un voisin doit accepter des inconvénients qui, en dehors d’une situation de voisinage, pourraient éventuellement donner lieu à un recours en responsabilité civile (1457 C.c.Q.). Si le droit encourage l’indulgence entre voisins, il reconnaît, en revanche, que l’usage d’un immeuble causant des inconvénients qui dépassent ceux que les voisins peuvent être appelés à supporter, dans des conditions normales de voisinage, constitue un trouble susceptible d’être sanctionné par les tribunaux (976 a contrario C.c.Q.). Le franchissement d’un seuil - qui correspond à ce qui se situe au-delà des limites de la tolérance - rend possible un recours judiciaire.
[55] Cette disposition ne met pas en place un régime de responsabilité où la seule preuve des dommages serait suffisante, pas plus qu’il ne s’agit d’un régime de responsabilité pour faute. Il s’agit plutôt d’un « régime de responsabilité autonome et distinct » en vertu duquel les appelants doivent établir l’existence d’inconvénients anormaux ou excessifs de voisinage. Dans Ciment du St-Laurent Inc. c. Barette (Ciment du St-Laurent), les juges LeBel et Deschamps, au nom d’une cour suprême unanime, écrivent :
[86] Malgré son caractère apparemment
absolu, le droit de propriété comporte néanmoins des limites. Par exemple,
l’article
[Soulignements et renvois omis]
[34]
Ainsi, l’article
[35]
La notion de « voisin » de l’article
[36]
Cet élément essentiel de la responsabilité du voisin soulève la question
de l’application de l’article
[37]
Les auteurs Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore
sont d’avis que l’article
Enfin, il importe de limiter l’application de
l’article
Une question similaire se pose en matière de
responsabilité d’une municipalité. Si celle-ci peut agir, dans certaines
circonstances, à titre de propriétaire, la jurisprudence s’oppose sur la
question de savoir si elle agit à ce titre lorsqu’elle opère en tant que
puissance publique, dans la gestion du territoire ou l’entretien de la voie
publique ou du système d’égout. À notre avis l’article
[Caractères gras ajoutés]
[38]
Pour résoudre cette question, j’estime utile d’examiner la jurisprudence
et la doctrine avant et après l’adoption de l’article
(1) État du
droit avant l’adoption de l’article
[39] Comme l’observent les juges LeBel et Deschamps dans l’arrêt Ciment du Saint-Laurent c. Barrette[42] :
[39] En dépit de l’absence d’une disposition législative régissant les rapports de voisinage dans le Code civil du Bas Canada (« C.c.B.C. »), plusieurs jugements ont explicitement reconnu, sinon la thèse de la responsabilité sans faute en matière de rapports de voisinage, du moins le principe selon lequel le propriétaire qui cause des inconvénients excessifs à son voisin doit l’indemniser.[43]
[40] Sur le fondement de ce principe, les tribunaux n’ont pas hésité à condamner l’administration publique à indemniser ses voisins troublés par l’exploitation d’un ouvrage public, qu’il s’agisse d’une usine à gaz, d’une centrale électrique, d’un dépotoir ou d’une décharge publique[44].
[41] Deux jugements traitent plus spécifiquement de la responsabilité de l’État pour des dommages découlant de l’usage de son fonds par le public.
[42] Dans l’affaire Dupont c. Sintra Inc.[45], le propriétaire d’une pépinière prétend avoir subi des dommages à l’occasion de la construction d’une route. Il poursuit le procureur général, aux droits de la province, et l’entrepreneur ayant exécuté les travaux. Les dommages auraient été causés par la poussière abondante provenant d’un chemin de détour aménagé temporairement à l’ouest de sa pépinière. Le juge Marcel Nichols, alors à la Cour supérieure, conclut qu’il s’agit de dommages dont le ministre des Transports serait responsable et renvoie la demande au Tribunal de l’expropriation qui, seul, a compétence pour l’entendre en vertu de l’article 96 de la Loi de la voirie[46]. Ses motifs sur la responsabilité du ministre des Transports sont éclairants :
Ainsi, comme propriétaire d'un chemin adjacent à la propriété du demandeur, cette responsabilité peut découler des simples obligations de voisinage. La règle a été formulée en termes clairs et précis par M. le juge Lajoie de la Cour d'Appel, dans Katz c. Reitz :
L'exercice du droit de propriété, si absolu soit-il, comporte l'obligation de ne pas nuire à son voisin et de l'indemniser des dommages que l'exercice de ce droit peut lui causer. Cette obligation existe, même en l'absence de faute, et résulte alors du droit du voisin à l'intégrité de son bien et à la réparation du préjudice qu'il subit, contre son gré, de travaux faits par autrui pour son avantage et profit.
Dans le cas qu'avait à décider le juge Lajoie, il s'agissait de dommages résultant de travaux d'étançonnement réalisés à l'aide d'un procédé inadéquat. On avait causé la ruine de l'héritage voisin. C'est pourquoi le juge Lajoie parle, en fin de citation, « de travaux faits par autrui pour son avantage et profit ».
La règle vaut tout autant, à mon avis, à l'égard de l'autorité publique qui est propriétaire d'un réseau routier mis à la disposition de ceux qui paient des droits et des taxes pour en faire usage.
Les usagers d'une route de gravier ne commettent pas de faute lorsque leurs véhicules soulèvent un nuage de poussière. Ils font usage du réseau dans l'état où le propriétaire le maintient. Mais si cet usage cause un préjudice à un riverain, le propriétaire du fonds est responsable même s'il n'a commis aucune faute.
Il n'existe aucune servitude légale obligeant le
voisin d'une route à souffrir les inconvénients de la poussière. Les servitudes
qui ont pour objet l'utilité publique (art.
Je ne connais aucune loi ni aucun règlement particulier qui créent pareille servitude en faveur de l'autorité publique. Et je dois ajouter qu'on n'en a cité aucune. […]
Je conclus donc qu'il s'agit de dommages dont le ministre des Transports serait responsable.[47]
[Caractères gras ajoutés]
[43] Le second jugement est Fortier c. Chicoutimi (Ville de). Dans cette affaire, une citoyenne poursuit sa municipalité pour des dommages causés à sa résidence. Elle attribue l'apparition de fissures dans le solage à un défaut de construction de la rue. D’après elle, ce vice fait en sorte que le passage de véhicules lourds, et plus particulièrement d'autobus, propage des secousses affectant la solidité de la structure de sa propriété. La Cour supérieure conclut que l'infrastructure de la rue a été faite selon les règles de l'art et que la preuve ne permet pas de relier les fissures au passage des autobus. La Cour, sous la plume du juge Baudouin, confirme cette conclusion, mais accueille l’appel en partie afin d’accorder à l’appelante une indemnité pour les troubles et inconvénients subis :
Quant aux dommages réclamés pour "trouble et inconvénients de toute nature", je suis d'avis qu'une indemnité compensatoire doit être accordée à l'appelante. Certes, les citoyens sont tenus, dans une ville, de tolérer au nom du bien public, le passage des transports en commun et les inévitables ennuis que ceux-ci peuvent apporter à leur quiétude. Cependant, en l'espèce, les inconvénients subis ont, à mon avis, dépassé la norme acceptable. La Ville de Chicoutimi a, en effet, vu très tôt les inconvénients majeurs que subissaient les riverains au passage des autobus. C'est seulement en novembre 1984, grâce à un accord intervenu avec la C.I.T.S., que le passage des autobus a été finalement interrompu. La demanderesse a intenté son action le 30 décembre 1981, après qu'elle ait signalé les inconvénients qu'elle subissait. Des pétitions des résidents de la rue Beauvoir avaient d'ailleurs été adressées à la ville le 5 décembre 1980, puis le 11 mai 1981. Dans les circonstances, et arbitrant cette compensation d'après la preuve au dossier, je la fixerais à 2 000 $.[48]
[Caractères gras ajoutés]
[44]
Ainsi, avant même l’adoption de l’article
(2) État du
droit depuis l’adoption de l’article
[45]
La question ne s’est pas posée de façon aussi pointue sous le régime de
l’article
[46] Si la doctrine et les tribunaux s’entendent pour dire « que le comportement qui est à la source des inconvénients reprochés doit être lié à l’exercice du droit de propriété ou du droit de jouissance »[50], la nature du lien qui doit exister entre les deux n’a pas fait couler beaucoup d’encre.
[47] Pour le professeur Pierre-Claude Lafond, cet élément pose la question de l’accident ou du délit :
1034 - Pour exister, la responsabilité civile exige la preuve d’un lien de causalité entre le dommage et l’acte reproché. Il est essentiel que le comportement du propriétaire ou le fait des biens dont il a la garde soit la cause du dommage. Il importe, en outre, que ce comportement soit lié à l’exercice du droit de propriété ou du droit de jouissance, sinon il ne saurait être question de trouble de voisinage. Ainsi, un propriétaire ne peut être tenu responsable de l’effondrement du mur privatif de son voisin en raison des travaux d’excavation effectués sur son propre terrain, s’il est démontré que ces travaux ne constituent pas la cause de cet effondrement, mais uniquement l’occasion, la véritable cause étant la vétusté du mur en question. […]
1035 - L’exigence d’un lien avec
l’exercice du droit de propriété pose incidemment la question de l’accident ou
du délit. En l’absence d’un tel lien, tout au plus s’agit-il d’un accident ou
d’un délit qui obéit aux règles d’usage de la responsabilité civile en cette
matière. Dans cette hypothèse, les règles relatives à l’exercice du droit
de propriété n’ont plus lieu de s’appliquer. En pareil cas, l’application du
principe de l’article
[Caractères gras ajoutés; renvois omis]
[48] C’est précisément en raison de la nature accidentelle de l’incendie ayant endommagé les installations de l’appelante que la Cour conclut, dans Vidéotron c. Titus, à l’absence d’un lien de causalité entre la source de l’inconvénient et l’exercice par l’intimé de son droit de propriété :
[18] En l’espèce, l’existence, l’occupation ou la location de l’édifice de l’intimé n’est pas la source des dommages subis à l’équipement de l’appelante. C’est l’incendie dont la cause est inconnue ou « accidentelle » (comme disait la juge) qui a provoqué le dommage.[52]
[49] Ainsi, bien que cet arrêt reconnaisse la nécessité « qu’il y ait un acte ou une omission à la source des inconvénients et que celui-ci ou celle-ci soit lié(e) à l’exercice du droit de propriété »[53], il ne résout pas la question qui nous occupe.
[50]
L’arrêt Groupe CRH Canada inc. c. Beauregard[54]
s’en rapproche davantage. Dans cette affaire, des résidents riverains d’un
tronçon du chemin de la Butte-aux-Renards à Varennes subissent des
inconvénients découlant de la circulation intense des camions qui empruntent
cette voie publique pour se rendre à la carrière de pierre exploitée par CRH.
La Cour supérieure conclut à la présence de troubles de voisinage au sens de
l’article
[50] Le camionnage en cause en l’espèce
est donc indissociable des activités de chargement qui, elles, font partie de
l’exploitation même des entreprises des appelantes. Ainsi, un tribunal peut
conclure à l’existence d’un trouble de voisinage contraire à
l’article
[51]
Elle s’abstient toutefois de se prononcer sur la responsabilité
du gestionnaire ou du propriétaire d’une route en vertu de
l’article
[52] La question demeure donc entière.
[53] L’intimée propose une analogie avec l’arrêt Ouimette c. Canada (Procureur général)[58]. Dans cette affaire, la Cour examine la question de savoir si l’érosion des berges d’un lac causée par la gestion d’un barrage par le gouvernement fédéral peut constituer un trouble de voisinage. Le juge Rochette, qui rédige les motifs de l’arrêt, observe que « l’inconvénient que l’on prétend anormal n’a pas pour origine la propriété de l’intimé mais serait plutôt une conséquence […] de l’action de l’eau maintenue à un niveau trop élevé par le barrage »[59]. Il ajoute cependant, dans ce qui me paraît être la ratio decidendi de l’arrêt sur ce point, que près de 100 kilomètres séparent les riverains du barrage, de sorte qu’ils ne sont pas des voisins du gouvernement[60]. Aussi, l’analogie avec la présente affaire ne me convainc pas.
[54] Pour ce qui est de l’intérêt public de l’activité ou de l’ouvrage à la source des inconvénients, la jurisprudence refuse d’y voir une fin de non-recevoir à une poursuite fondée sur des troubles de voisinage. Il s’agit plutôt « d’une circonstance pertinente pouvant avoir pour effet de hausser le seuil de tolérance attendu »[61].
(3) Conclusion sur l’application
de l’article
[55]
Tout bien considéré, je ne vois pas de raison de principe de ne pas
appliquer l’article
[56] Sous réserve de la règle de l’immunité relative de l’État dont il sera question plus loin, les voisins d’une route qui subissent des inconvénients anormaux ne devraient pas être privés de toute indemnisation seulement parce que leur voisin se trouve à être le MTQ plutôt qu’une carrière de pierre privée, pour reprendre l’exemple donné par le juge de première instance :
[42] Serait-ce raisonnable de soutenir
que l’assiette bruyante de l’autoroute - site d’utilité publique - est
un no man’s land au sens de l’article
[57]
Quant à l’exigence d’un lien entre le comportement à la source des inconvénients
et l’exercice du droit de propriété, elle sert à exclure du champ d’application
de l’article
[58] En l’espèce, les inconvénients sont causés par les usagers de l’autoroute. Cet usage est autorisé par le MTQ à titre de propriétaire.
[59]
De plus, l’appelant reproche au MTQ son inaction dans la gestion du
bruit de l’autoroute. Il y a donc une omission à la source des
inconvénients - l’omission de prendre des mesures
d’atténuation - et celle-ci est liée à l’exercice du droit de
propriété. L’omission n’a pas à être fautive sous le régime de
l’article
[60]
Le juge de première instance n’a donc pas erré en concluant à
l’existence d’un rapport de voisinage et en appliquant l’article
B.
La règle de l’immunité relative de l’État sous le régime de
responsabilité sans faute prévu à l’article
[61]
L’appelant soutient que la règle de l’immunité relative de l’État est
implicitement exclue du régime de responsabilité sans faute de
l’article
[62]
Ces arguments nous amènent « aux confins du droit privé »[66],
là où s’entremêlent droit public et droit privé de tradition civiliste. Il
s’agit de décider si l’application des règles du droit privé à l’État et aux
personnes morales de droit public a pour effet d’abolir la règle de l’immunité
relative issue de la common law publique, sauf en droit des obligations vu
l’article
***
[63] L’État et les personnes morales de droit public sont en principe régis par le droit public[67]. Ce constat ne signifie pas qu’ils ne peuvent en aucun cas être soumis au droit civil du Québec. Seulement, c’est le droit public qui détermine « la mesure de leur assujettissement »[68].
[64] Au Québec, le droit public se compose du droit écrit et de la common law publique[69]. Les arguments de l’appelant sont fondés sur la première composante.
[65]
L’article
300. Les personnes morales de droit public sont d’abord régies par les lois particulières qui les constituent et par celles qui leur sont applicables; les personnes morales de droit privé sont d’abord régies par les lois applicables à leur espèce. Les unes et les autres sont aussi régies par le présent code lorsqu’il y a lieu de compléter les dispositions de ces lois, notamment quant à leur statut de personne morale, leurs biens ou leurs rapports avec les autres personnes. |
300. Legal persons established in the public interest are primarily governed by the special Acts by which they are constituted and by those which are applicable to them; legal persons established for a private interest are primarily governed by the Acts applicable to their particular type. Both kinds of legal persons are also governed by this Code where the provisions of such Acts require to be complemented, particularly with regard to their status as legal persons, their property or their relations with other persons. |
[66]
Cette disposition est complétée par l’article
1376. Les règles du présent livre s’appliquent à l’État, ainsi qu’à ses organismes et à toute autre personne morale de droit public, sous réserve des autres règles de droit qui leur sont applicables. |
1376. The rules set forth in this Book apply to the State and its bodies, and to all other legal persons established in the public interest, subject to any other rules of law which may be applicable to them. |
[67]
L’appelant invoque également l’article
6. Les routes construites ou reconstruites par le gouvernement en vertu de la présente loi ou de la Loi sur la voirie (chapitre V‐8) sont, restent ou deviennent la propriété des municipalités locales sur le territoire desquelles elles sont situées. Toutefois, le ministre peut, à l’égard d’une route dont il n’est pas propriétaire mais dont il a la gestion, poser tous les actes et exercer tous les droits d’un propriétaire; il est investi des pouvoirs nécessaires à ces fins et assume les obligations y afférentes. |
6. Roads built or rebuilt by the Government under this Act or the Roads Act (chapter V-8) are, shall remain or shall become the property of the local municipalities in whose territories they are situated. However, the Minister may, in respect of a road which is not his property but which is under his management, perform all the acts and exercise all the rights of an owner; he shall have all the necessary powers for such purposes and shall assume all the related obligations. |
[68] Ces dispositions législatives, je le répète, relèvent du droit public (écrit)[71]. La question est de savoir si l’application du Code civil du Québec à l’État et aux personnes morales de droit public modifie les règles de common law qui composent également le droit public.
[69] À mon avis, non.
[70] D’abord, il faut « présumer qu’un législateur n’a pas l’intention de modifier les règles de common law existantes à moins d’une disposition claire à cet effet »[72]. Dans l’arrêt Slaight Communications Inc. c. Davidson, le juge Lamer, plus tard Juge en chef, écrit que « le législateur n’est pas censé, à défaut de disposition claire au contraire, avoir l’intention de modifier les règles de droit commun pré-existantes »[73].
[71]
L’application du Code civil du Québec à l’État et aux personnes
morales de droit public n’indique pas clairement que le législateur a voulu
modifier les règles de droit issues de la common law publique en matière
de responsabilité civile de l’État. La réserve énoncée à
l’article
[72] Au contraire, tout indique qu’on a voulu, à cet article, codifier le droit antérieur tout en préservant les règles de droit public applicables à l’État.
[73] En effet, selon les commentaires du ministre de la Justice :
Cet article est nouveau, mais ne fait que codifier le droit antérieur, où il était globalement admis que l'État et les personnes morales de droit public étaient assujettis, en l'absence de règles de droit contraires provenant, entre autres, de dispositions législatives ou de prérogatives, au droit commun des obligations applicable à toute personne. […][74]
[74] Le professeur Claude Masse est du même avis :
Pour la première fois, le législateur reconnaît
expressément dans le Code civil, à l’article
[Caractères gras ajoutés]
[75] Dans l’arrêt Prud’homme c. Prud’homme, la Cour suprême, sous la plume des juges L’Heureux-Dubé et LeBel, décrit le nouveau contexte de l’action en responsabilité intentée contre une autorité publique à la suite de l’entrée en vigueur du Code civil du Québec :
27 L’entrée en vigueur du Code civil du Québec
en 1994 situe l’action en responsabilité intentée contre une autorité publique
dans un nouveau contexte. Bien que l’art.
[…]
31 Somme toute, l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du Code civil du Québec, et de l’art. 1376 plus particulièrement, ne permet plus de retenir la méthode prescrite par l’arrêt Laurentide Motels, précité, dans la mesure où celle-ci imposait au particulier l’obligation d’identifier une règle de common law publique rendant le droit privé applicable à son action en responsabilité contre l’administration publique. Dorénavant, le régime civiliste de la responsabilité s’applique en principe à l’acte fautif de l’administration. Il revient alors à la partie qui entend se prévaloir du droit public pour éviter ou restreindre l’application du régime général de responsabilité civile de démontrer, le cas échéant, que des principes de droit public pertinents priment sur les règles du droit civil.[76]
[Renvois omis; caractères gras ajoutés]
[76]
En d’autres termes, l’objectif de l’article
27 L’examen de
la responsabilité de l’administration publique part donc en principe de
l’application du régime de responsabilité établi par le Code civil du Québec.
Cependant, l’art.
[Caractères gras et soulignement ajoutés]
[77]
Il ressort de ce qui précède que l’article
[78] Parmi ces règles de droit public figure l’immunité relative de l’État pour ses décisions de politique générale ou de puissance publique[81]. Selon la démarche proposée par la Cour suprême dans les arrêts Prud’homme et Entreprises Sibeca Inc. c. Frelighsburg (Municipalité), il importe de vérifier si cette règle prime les règles du droit civil en matière de troubles de voisinage et, s’il y a lieu, de l’intégrer à ce droit[82].
[79] Pour ce faire, il faut se reporter à l’origine et au fondement de la règle de l’immunité relative de l’État.
[80] Dans l’arrêt Laurentide Motels Ltd. c. Beauport (Ville), le juge Beetz écrit pour la majorité :
Lorsque le législateur confère un pouvoir à une autorité publique, ce pouvoir est généralement énoncé sous la forme d'un pouvoir discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire est nécessaire pour donner à l'autorité publique toute la latitude voulue pour prendre des décisions que l'on peut qualifier de décisions de nature politique dont l'autorité devrait être comptable non aux tribunaux, mais à l'électorat ou à la législature.[83]
La juge L’Heureux-Dubé abonde dans le même sens :
L'exercice de ce pouvoir relève de la volonté ou de l'opportunité politique d'une corporation municipale dont la décision est fonction de divers facteurs, tels l'étendue de son territoire, sa population, ses ressources financières, les pressions de son électorat, etc. La corporation municipale ne répondra de sa décision politique d'instaurer ou non un tel service qu'envers son électorat.[84]
[81] Dans Québec (Procureur général) c. Deniso Lebel inc.[85], le juge LeBel, alors à la Cour, discute l’évolution de la règle depuis le vieil adage « The King can do no wrong » :
On reconnaît ainsi la possibilité d'une responsabilité de l'État pour détournement de pouvoir dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Cependant, l'exigence d'une faute qualifiée est lourde. Elle protège l'État contre des réclamations qui découleraient des effets des choix inévitables dans la direction politique d'une société.
Le droit administratif s'est certes écarté aujourd'hui du vieil adage de « The King can do no wrong » ou des théories qui auraient restreint la sanction des actes de l'administration, à la seule vengeance de l'électorat, lors des élections. Son évolution a dégagé une zone d'intervention judiciaire. Dans les décisions qualifiées d'opérationnelles ou de simple gestion, les pouvoirs publics répondent de leurs gestes suivant la norme de la simple faute.
Cette question de la distinction entre les actes de simple gestion et les décisions politiques a fait l'objet de débats intenses en Cour suprême du Canada, comme en témoignent particulièrement les arrêts récents de Just et de Brown. Malgré la tendance marquée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Just à élargir la sphère des actes dits de simple gestion et sa réévaluation dans l'arrêt Brown, cette jurisprudence reconnaît l'existence d'une sphère proprement politique, dans laquelle l'intervention de la responsabilité civile demeure contenue dans des limites étroites.
En principe, dans ce domaine, lorsque l'État exerce un pouvoir véritablement discrétionnaire, le caractère politique de la décision le soustrait à l'appréciation des tribunaux qui ne peuvent exercer un contrôle d'opportunité. Ils ne peuvent que sanctionner la mauvaise foi et l'intention de nuire, une fois celles-ci démontrées. Comme le professeur Garant le rappelle bien, en citant une opinion du juge Cory, la Couronne, à cet égard, n'est pas une personne ordinaire. Son rôle politique exige le respect et la réserve des tribunaux. Elle doit être libre de gouverner, sans encourir pour autant une responsabilité délictuelle, à chaque fois qu'elle pose un acte de puissance publique :
« Cependant la Couronne n'est pas une personne [ordinaire] et elle doit pouvoir être libre de gouverner et de prendre de véritables décisions de politique sans encourir pour autant une responsabilité délictuelle. »[86]
[Caractères gras ajoutés; renvois omis]
[82] Enfin, dans Cilinger c. Québec (Procureur général), après avoir souligné que l’objectif de l’action est de « démontrer que le gouvernement a eu tort dans ses choix politiques parce qu’il aurait dû accorder une plus grande priorité à la lutte au cancer », le juge Gendreau a cette phrase lapidaire : « [c]ertes, le citoyen peut le penser et l’affirmer mais les tribunaux ne peuvent pas s’immiscer dans ce domaine »[87].
[83] En somme, la règle de l’immunité relative de l’État est fondée sur le principe de la séparation des pouvoirs[88]. Comme l’écrit la professeure Lara Khoury :
Les tribunaux considèrent que la mise en balance des intérêts conflictuels sous-tendant la prise de décision en matière politique doit être laissée à ceux qui sont redevables à l’électorat. Ils justifient ainsi l’immunité par le principe de la séparation des pouvoirs : le pouvoir judiciaire ne doit pas s’immiscer dans le travail de l’exécutif.[89]
[84] Ces considérations valent tout autant dans le cas d’une décision politique à la source d’inconvénients anormaux du voisinage. L’État doit pouvoir jouir de toute la latitude voulue pour prendre des décisions de nature politique, notamment en matière d’aménagement de son territoire et d’infrastructure routière, sans crainte d’être poursuivi devant les tribunaux, et ce, qu’importe le régime de responsabilité applicable (avec ou sans faute).
[85] Voilà qui rejoint les propos du juge Gascon, alors à la Cour, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Imperial Tobacco Ltd. :
[124] Dans cette perspective, que les concepts de faute ou de négligence varient selon qu’il s’agit de la common law ou du droit civil importe peu. Comme en témoigne l’analyse de l’arrêt Impérial, l’immunité qui place le gouvernement fédéral à l’abri de toute poursuite en responsabilité civile se situe en amont de la faute. Autrement dit, peu importe la présence ou l’absence de faute, l’immunité se dresse en fin de non-recevoir s’il s’agit d’une ligne de conduite du gouvernement qui relève de décisions de politique générale fondamentale.[90]
[Caractères gras ajoutés]
[86] Il reste à vérifier si cette immunité peut s’intégrer dans le « régime québécois de la responsabilité civile sans attenter à sa cohérence »[91].
[87]
Dans la mesure où l’article
[88]
C’est plutôt le fait de ne pas reconnaître la règle de l’immunité
relative de l’État en matière de troubles de voisinage qui porterait atteinte à
la cohérence du régime de la responsabilité civile du Québec. En effet, l’État
qui, de bonne foi, commet une faute dans l’exercice de son droit de propriété
en adoptant une politique générale serait protégé contre les poursuites en
responsabilité civile fondées sur l’article
[89] Il m’apparaît que si l’État peut ne pas être responsable du préjudice causé à autrui par sa faute en raison de la nature politique de sa décision, il peut, a fortiori, être exempté de sa responsabilité sans faute.
[90] J’en viens donc à la conclusion que la règle de l’immunité relative de l’État s’applique en matière de responsabilité civile pour cause de troubles de voisinage.
C. La règle de l’immunité relative de l’État en cas de contravention à la L.q.e. ou d’atteinte illicite à un droit reconnu par la Charte
[91]
L’appelant soutient que l’État a renoncé explicitement à son immunité en
matière d’obligations environnementales. Il se réfère à la prohibition générale
contenue dans la dernière partie de l’article
20. Nul ne peut rejeter un contaminant dans l’environnement ou permettre un tel rejet au-delà de la quantité ou de la concentration déterminée conformément à la présente loi. La même prohibition s’applique au rejet de tout contaminant dont la présence dans l’environnement est prohibée par règlement ou est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l’être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité de l’environnement, aux écosystèmes, aux espèces vivantes ou aux biens. |
20. No one may release or allow the release into the environment of a contaminant in a quantity or concentration greater than that determined in accordance with this Act. The same prohibition applies to the release of any contaminant whose presence in the environment is prohibited by regulation or is likely to adversely affect the life, health, safety, welfare or comfort of human beings, or cause damage to or otherwise impair the quality of the environment or ecosystems, living species or property.
[Caractères gras ajoutés] |
[92]
La renonciation explicite à l’immunité de l’État se trouverait à
l’article
126. Nonobstant toute disposition inconciliable de toute loi générale ou spéciale, la présente loi s’applique au gouvernement de même qu’à ses ministères et organismes. |
126. Notwithstanding any inconsistent provision of any general law or special Act, this Act applies to the Government and its departments and bodies. |
[93] Là encore, l’appelant me semble confondre l’immunité d’application des lois[92] et l’immunité qui protège l’État contre les poursuites en responsabilité civile découlant de décisions de politique générale. La première a pour origine l’ancienne prérogative royale de common law selon laquelle la Couronne n’est pas affectée par les lois du Parlement, sauf mention expresse à cet effet[93]. Cette prérogative est aujourd’hui consacrée par les lois d’interprétation fédérale et provinciale. Aussi lit-on à l’article 42 de la loi québécoise[94] :
42. Nulle loi n’a d’effet sur les droits de l’État, à moins qu’ils n’y soient expressément compris. De même, nulle loi d’une nature locale et privée n’a d’effet sur les droits des tiers, à moins qu’ils n’y soient spécialement mentionnés. |
42. No statute shall affect the rights of the State, unless they are specially included. Similarly, no statute of a local and private nature shall affect the rights of third parties, unless specially mentioned therein. |
[94]
C’est dans ce contexte que l’article
Pour distinguer cette immunité de poursuite de l’immunité d’application des lois sauf disposition expresse ou implicite à cet effet, rappelons les propos du juge Dickson dans l’affaire Eldorado Nucléaire Ltée:
Si une personne accomplit un acte interdit par une loi et que le procureur général cherche à intenter des poursuites relativement à la violation de cette loi, il faut se demander à titre préliminaire si cette personne est liée par la loi en question. Si elle n’est pas liée, la personne ne commet tout simplement pas une infraction à la loi. On ne dit pas que la personne ne peut pas être poursuivie même si un acte illégitime a été commis, mais plutôt qu’il n’y a pas eu d’infraction à la loi.[96]
[Italiques dans l’original]
[95]
L’article
Cet article est important puisque c’est par ce biais que les projets des ministères et organismes du gouvernement du Québec sont soumis à l’obligation d’obtenir les certificats, certificats d’autorisation ou permis prévus à la Loi.[98]
[96] Ainsi, sans nier l’importance que revêt cette disposition en droit de l’environnement, elle ne modifie pas les règles de droit public en matière de responsabilité civile de l’État, tout comme l’article 54 de la Charte selon lequel « [l]a Charte lie l’État » ne fait pas disparaître ces règles.
[97]
Dans l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse) c. Communauté urbaine de Montréal, alors qu’il est
question des immunités rattachées à l’action législative ou réglementaire, le
juge LeBel écrit que « [l]e recours au régime de responsabilité civile
pour sanctionner les violations de la Charte québécoise ne saurait
faire abstraction de ces règles de base […] »[99].
La même logique s’impose en matière d’obligations environnementales. Le recours
au régime de responsabilité civile, avec ou sans faute, pour sanctionner les
contraventions à l’article
[98] Aussi suis-je d’avis que l’État peut invoquer son immunité en cas de contravention à la L.q.e. ou d’atteinte illicite à un droit reconnu par la Charte.
D. La nature de l’omission du MTQ de mettre en place des mesures d’atténuation
[99] Il reste à décider si l’omission du MTQ de mettre en place des mesures d’atténuation de bruit participe d’une décision politique ou opérationnelle[100].
[100] L’appelant soutient que l’État a les mêmes obligations que n’importe quel autre propriétaire, de sorte que les décisions qu’il prend à ce titre relèvent de la sphère opérationnelle. Il s’appuie sur l’article 6 de la Loi sur la voirie[101] que je reproduis de nouveau :
6. Les routes construites ou reconstruites par le gouvernement en vertu de la présente loi ou de la Loi sur la voirie (chapitre V‐8) sont, restent ou deviennent la propriété des municipalités locales sur le territoire desquelles elles sont situées. Toutefois, le ministre peut, à l’égard d’une route dont il n’est pas propriétaire mais dont il a la gestion, poser tous les actes et exercer tous les droits d’un propriétaire; il est investi des pouvoirs nécessaires à ces fins et assume les obligations y afférentes. |
6. Roads built or rebuilt by the Government under this Act or the Roads Act (chapter V-8) are, shall remain or shall become the property of the local municipalities in whose territories they are situated. However, the Minister may, in respect of a road which is not his property but which is under his management, perform all the acts and exercise all the rights of an owner; he shall have all the necessary powers for such purposes and shall assume all the related obligations. |
Et sur l’article 14 de cette loi qui « impose une obligation positive »[102] au MTQ en matière de travaux de voirie :
14. Le ministre effectue les travaux de construction, de réfection et d’entretien des routes. Toutefois, il n’a pas à entretenir les trottoirs, les feux de circulation ou autres ouvrages ou installations dont il n’a pas la propriété, à moins qu’une entente avec la municipalité concernée n’y pourvoie autrement. |
14. The Minister shall carry out building, rebuilding and maintenance work on roads. However, he is not bound to maintain sidewalks, traffic lights or other works or installations that are not the property of the Minister, unless otherwise provided for in an agreement with the municipality concerned. |
[101] À mon avis, cette obligation ne s’étend pas à la réalisation de mesures d’atténuation de bruit. Je suis d’accord avec le juge de première instance qu’« [i]l n’y a pas de nécessaire inférence entre la gestion d’une autoroute et le fait de s’assurer que le niveau sonore chez ses voisins immédiats ne dépassera pas 55 ou 65 dBA »[103].
[102] Par ailleurs, tous les actes posés et les droits exercés par le MTQ à titre de propriétaire d’une route n’appartiennent pas nécessairement à la même catégorie (politique ou opérationnelle). Tout dépend de la nature véritable des actes (ou omissions) en cause et s’ils représentent ou non « une ligne de conduite fondée sur une mise en balance de considérations économiques, sociales et politiques »[104].
[103] Comme le souligne le juge Cory dans l’arrêt Just c. Colombie-Britannique, il peut être difficile de distinguer le « politique » et l’« opérationnel » :
[…] En raison de la complexité croissante de la vie, les organismes gouvernementaux interviennent dans presque tous les aspects du quotidien. Cette présence gouvernementale accrue a donné naissance à des incidents qui auraient entraîné une responsabilité civile délictuelle s'ils étaient survenus entre particuliers. L'immunité gouvernementale initiale en matière de responsabilité délictuelle était devenue intolérable. C'est pourquoi des lois ont été adoptées pour imposer de façon générale à la Couronne la responsabilité de ses actes comme si elle était une personne. Cependant, la Couronne n'est pas une personne et elle doit pouvoir être libre de gouverner et de prendre de véritables décisions de politique sans encourir pour autant une responsabilité civile délictuelle. On ne saurait, par contre, restaurer l'immunité complète de la Couronne en qualifiant de "politique" chacune de ses décisions. D'où le dilemme qui a donné lieu à l'incessante bataille judiciaire autour de la différence entre "décision de politique" et "décision opérationnelle". La distinction sera particulièrement difficile à faire dans les cas où on peut s'attendre à des inspections gouvernementales.
Il est difficile d'établir la ligne de démarcation entre le "politique" et l' "opérationnel", mais il est essentiel de le faire. […][105]
[Caractères gras ajoutés]
[104] La jurisprudence permet néanmoins de dégager certains facteurs que le juge Cory résume ainsi dans l’arrêt Brown c. Colombie-Britannique (Ministère des Transports et de la Voirie) :
Les véritables décisions de politique générale comportent des facteurs sociaux, politiques et économiques. Lorsqu’elle prend des décisions de cette nature, l’autorité publique s’efforce d’établir un équilibre entre l’efficacité et l’économie, dans le cadre de la planification et de la détermination préalable des limites de ses engagements et de leur mise en oeuvre réelle. Les véritables décisions de politique générale seront habituellement dictées par des considérations ou contraintes d’ordre financier, économique, social et politique.
L’aspect opérationnel est celui de la mise en oeuvre des politiques ainsi formulées; il concerne principalement l’exécution ou l’implantation d’une politique. Les décisions opérationnelles sont habituellement le produit d’une directive administrative, de l’opinion d’un expert ou d’un professionnel, ou encore de normes techniques ou de la norme générale de ce qui est raisonnable.[106]
[105] Le Jugement entrepris[107] donne quelques exemples de décisions de nature politique :
[326] Voici quelques exemples pertinents de décisions que la jurisprudence a consacrées comme étant de nature politique :
a) la décision de ne pas effectuer l’inspection de phares, au motif que les fonds publics ont été attribués à d’autres besoins (Just, pages 1242 et 1243)[108];
b) la décision de maintenir l’horaire d’été jusqu’à une date déterminée, en matière d’inspection de routes (Brown, pages 441 et 442)[109];
c) la décision d’inspecter les arbres et de marquer ceux qui sont dangereux (Swinamer, pages 465 et 466)[110];
d) la décision de transférer une concession forestière à une coopérative, plutôt qu’à un entrepreneur (Deniso Lebel, paragraphes 37 à 40)[111];
e) la décision d’ériger un barrage et celle d’établir les niveaux cibles des eaux pour la gestion du barrage (Ouimette, paragraphes 38 à 42)[112];
f) les décisions prises quant aux fonds alloués aux hôpitaux et à leurs départements de radio-oncologie, et quant à l’utilisation de ces fonds selon les objectifs et priorités établis (Cilinger, paragraphes 12 et 16)[113];
g) la décision de concevoir des souches de tabac à faible teneur en goudron et les déclarations gouvernementales visant à inciter les fumeurs à opter pour ces cigarettes, qui seraient moins nuisibles pour la santé (Imperial Tobacco, paragraphes 95 et 116)[114];
h) les décisions prises quant à la manière de gérer la qualité des tests pathologiques dans le traitement du cancer du sein (Tonnelier, paragraphes 36, 87 et 88)[115];
i) la décision de se doter d’un service de prévention d’incendie, ainsi que la mise en œuvre des mesures de prévention, dont la fréquence des visites de quartier (Harvey, paragraphes 44 à 50)[116];
j) la décision d’adopter une stratégie et des mesures de mitigation des risques de collisions orignal-véhicule (George, paragraphes 60, 148 et 163)[117].
[Soulignement dans l’original]
[106] Le juge conclut que les décisions du MTQ concernant la réalisation de mesures d’atténuation de bruit sur son territoire s’apparentent à ces précédents, en plus de correspondre aux facteurs dégagés par la jurisprudence aux fins de cerner les décisions de politique générale :
[341] Selon l’énoncé plus récent de la juge en chef du Canada, dans l’arrêt Imperial Tobacco, ces décisions du MTQ « se rapportent à une ligne de conduite et reposent sur des considérations d’intérêt public ». Elles s’apparentent d’ailleurs à celles des précédents jurisprudentiels relatifs à la gestion d’autoroute : on parle ici du maintien de l’horaire d’été de l’arrêt Brown, de la décision d’inspecter les arbres de l’arrêt Swinamer et de celle de gérer les risques de collision avec les orignaux de l’arrêt George.
[342] Dans l’ensemble, la preuve soumise à l’audience permet de constater que les critères et objectifs déterminés par le MTQ, dans la préparation de sa Politique sur le bruit routier, sont tout à fait compatibles et cohérents avec les préalables déterminés par la Cour suprême du Canada aux fins de l’application de l’immunité relative de droit public.[118]
[107] Je partage ce point de vue.
[108] La Politique sur le bruit routier du MTQ constitue une décision réfléchie qui « traduit une “politique générale” dans le sens d’une règle ou orientation générale appliquée dans une situation précise »[119]. De plus, l’orientation adoptée par le MTQ repose sur des considérations d’ordre financier, économique, social et politique. Sur ce sujet, la preuve est limpide. Voici ce qu’elle démontre.
[109] D’abord, avant même l’adoption de la Politique sur le bruit routier, le MTQ avait déjà opté pour une approche prévoyant le partage des coûts à parts égales entre le ministère et les municipalités concernées. En 1989, lorsque la Ville de Charlesbourg sollicite la construction d’un écran acoustique en bordure de l’autoroute Laurentienne, le ministre délégué aux Transports de l’époque, M. Yvon Vallières, justifie la politique du MTQ en s’appuyant sur des considérations financières et politiques :
Compte tenu de nombreuses demandes semblables générées par la construction de résidences le long des axes routiers utiles mais aussi bruyants, nous nous devons de les traiter de façon identique. En ce sens, je ne peux réviser la politique du Ministère qui est de contribuer à 50 % des coûts de construction des murs anti-bruit lorsque les études techniques le justifient.[120]
[110] Par ailleurs, la preuve se rapportant au contexte de l’adoption de la Politique sur le bruit routier en mars 1998 illustre bien la prise en compte par l’administration publique de plusieurs préoccupations sociales, politiques et budgétaires, dans le souci « d’établir un équilibre entre l’efficacité et l’économie, dans le cadre de la planification et de la détermination préalable des limites de ses engagements et de leur mise en œuvre réelle »[121].
[111] En effet, il appert que les autorités compétentes au MTQ ont étudié trois approches différentes quant à l’orientation ministérielle à adopter en matière de bruit causé par la circulation routière[122]. Elles sont alors conscientes que l’adoption de la Politique sur le bruit routier aura un impact financier :
Au point de vue financier, le coût total de l’implantation des mesures d’atténuation nécessaires pour corriger, à moyen et long terme, les principaux problèmes de pollution sonores existants, soit environ 135 km de zones problématiques, est de l’ordre de 174,7 millions de dollars (1994).
La part du Ministère pourrait donc représenter environ 87,3 millions de dollars (1994) puisque le coût des mesures d’atténuation est partagé à parts égales avec les municipalités. Compte tenu de cette exigence, il est peu probable que le Ministère ait à prévoir, à court terme, des sommes importantes. Cependant, si le Ministère devait faire face à un nombre important de demandes, celui-ci pourrait fixer un plafond budgétaire pour ces interventions.[123]
[112] Notons au passage que ces considérations budgétaires sont également partagées par d’autres autorités publiques, comme la Ville de Québec[124], dans la décision de prendre ou non des mesures d’atténuation du bruit routier.
[113] De plus, l’approche corrective adoptée par le MTQ dans sa Politique sur le bruit routier est fondée sur une mise en balance de divers facteurs permettant d’encadrer l’adoption de mesures d’atténuation de bruit afin que les investissements soient justifiés par rapport aux résultats. Ainsi, le MTQ indique que les mesures d’atténuation seront mises en œuvre dans les secteurs avec une certaine densité de population et requérant un climat sonore propice aux activités humaines. Le niveau de bruit extérieur devra atteindre le seuil de 65 dBA Leq24h et la réduction anticipée devra être d’au moins 7 dBA Leq24h. En outre, le partage des coûts à parts égales avec les municipalités mise sur une prise de conscience par ces dernières de l’importance de prendre en compte la problématique des transports dans l’aménagement du territoire.
[114] Il y a là un exercice éminemment politique de recherche d’un équilibre entre plusieurs considérations d’intérêt public. Comme le remarque le juge Becker de la Cour de District des États-Unis, cité avec approbation par le juge Cory dans l’arrêt Just, ce n’est pas le rôle des tribunaux de s’immiscer dans ce domaine qui relève davantage de la « sagesse sociale », de la « faisabilité politique » et de ce qui est « efficace économiquement »[125].
[115] Selon l’appelant, si tant est que la décision de construire ou non un mur antibruit relève de la sphère politique, « la décision de n’apporter aucune mesure d’atténuation à un problème d’inconvénients anormaux et excessifs relève de la sphère opérationnelle et est, par nature, fautive »[126]. Il avance que la construction d’un mur n’était pas « la seule solution possible » et renvoie aux autres mesures d’atténuation mentionnées dans la Politique sur le bruit routier, par exemple la plantation de végétaux ou la pose d’un nouveau revêtement de la chaussée[127].
[116] Or, la Politique sur le bruit routier considère ces mesures d’atténuation comme faisant partie de l’approche corrective, au même titre que les écrans antibruit. Leur mise en œuvre est dictée par les mêmes considérations d’ordre financier, économique, social et politique, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire des distinctions entre elles. Par ailleurs, il n’est pas démontré que d’autres mesures relevant véritablement de la sphère opérationnelle auraient permis de réduire le bruit de l’autoroute de façon appréciable.
[117] Je termine en faisant un parallèle avec l’arrêt Laurentide Motels Ltd. Dans cette affaire, la négligence d’un client est à l’origine de l’incendie qui a endommagé un complexe hôtelier de la ville de Beauport. À leur arrivée sur les lieux, les pompiers se heurtent rapidement à un problème d’approvisionnement en eau causé par un défaut de raccordement et un mauvais entretien des bornes-fontaines. Se pose alors la question de savoir si la municipalité peut être tenue responsable des dommages subis. Le juge Beetz, qui rédige les motifs majoritaires, note « qu'aucune décision politique réelle n'a jamais été prise à l'égard de l'inspection et de la réparation des bornes-fontaines »[128]. Il conclut que la responsabilité de la municipalité pouvait donc être engagée pour les motifs suivants :
Il ne fait aucun doute que la municipalité aurait pu, en principe, établir un programme d'inspection et de réparation. Cependant, l'omission de prendre une telle décision politique ne permet pas à la municipalité d'échapper à l'application du droit privé. Le juge Wilson, s'exprimant au nom de la Cour à la majorité dans l'arrêt Ville de Kamloops c. Nielsen, précité, affirme à la p. 24 :
À mon sens, la passivité non motivée ou mal motivée ne peut être une décision de politique prise dans l'exercice de bonne foi d'un pouvoir discrétionnaire.
Ainsi donc, en l'absence d'une décision politique à laquelle pourrait être attribuée l'omission qui aurait causé un préjudice, l'inspection et la réparation des bornes-fontaines doivent être considérées comme relevant du domaine opérationnel, puisqu'elles représentent la mise à exécution pratique de la décision politique de la municipalité d'établir un système d'aqueduc et d'affecter personnel et deniers à l'entretien du système. Les normes du droit privé s'appliquent donc à la conduite de la municipalité.[129]
[Caractères gras ajoutés]
[118] En l’espèce, la situation est tout autre. L’omission du MTQ de réaliser des mesures d’atténuation de bruit ne découle pas de « la passivité non motivée ou mal motivée » de l’administration publique, mais bien d’une décision de politique générale fondamentale, soit l’adoption de la Politique sur le bruit routier. De plus, le juge de première instance, loin de conclure à la passivité du MTQ, constate que le soutien de ce dernier « à la réalisation du mur écran ici projeté, depuis les premières manifestations de 1985, n’a jamais fléchi » et que « [c]e sont plutôt les “oui” et les “non” de la municipalité, le plus souvent associés à des motifs budgétaires, qui ont retardé d’une vingtaine d’années la construction du mur »[130].
[119] Le même parallèle peut être tracé avec les commentaires suivants du juge Cory dans l’arrêt Just :
Supposons par exemple qu'à un haut niveau, on a pris une décision de politique au sujet de l'inspection des phares. Si par ailleurs une autre décision de politique était prise de répondre aux besoins de la sécurité aérienne en construisant des installations aéroportuaires additionnelles et qu'en conséquence il n'y aurait pas de fonds disponibles pour l'inspection des phares, cette dernière décision de politique constituerait alors l'exercice réel d'un pouvoir discrétionnaire et serait, à ce titre, inattaquable. Si un phare s'éteignait par suite d'un défaut d'inspection et qu'un naufrage survenait, aucune responsabilité ne pourrait être imputée à l'organisme gouvernemental. Le résultat serait le même dans le cas où l'inspection des phares n'aurait pu se faire que tous les deux ans par suite d'une décision de politique d'augmenter les fonds alloués à la formation continue de la main-d'œuvre et de réduire les fonds consacrés à l'inspection des phares. Encore une fois, il s'agirait de l'exercice réel d'un pouvoir discrétionnaire. Ainsi, il est possible que la décision de ne pas faire d'inspections ou de réduire leur fréquence soit une décision de politique inattaquable, pourvu qu'elle constitue l'exercice raisonnable d'un pouvoir discrétionnaire réel, fondé par exemple sur la disponibilité des fonds.[131]
[120] Les décisions du MTQ en cause ici font clairement partie de cette catégorie de décisions inattaquables, étant entendu que l’appelant ne prétend pas qu’elles ont été prises de mauvaise foi ou qu’elles sont irrationnelles.
[121] Le juge de première instance n’a donc pas erré en concluant que l’immunité relative de droit public constitue une fin de non-recevoir globale à l’action collective.
VI. Conclusion
[122] Pour ces motifs, je propose de rejeter l’appel, sans frais de justice vu l’importance et la nouveauté des questions soulevées.
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SUZANNE GAGNÉ, J.C.A. |
[1] Loi sur la qualité de l'environnement, RLRQ, c. Q-2 [L.q.e.].
[2] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 [Charte].
[3] Maltais
c. Procureure générale du Québec,
[4] Il y avait initialement trois représentants, soit l’appelant Réal Maltais ainsi que messieurs Charles Carrier et Maurice Filion. Monsieur Carrier s’est retiré le 1er mai 2014, alors que monsieur Filion est décédé le 28 juillet 2017.
[5]
Carrier c. Québec (Procureure générale),
[6] Carrier
c. Québec (Procureur général),
[7] Id., paragr. 34 et 45.
[8] Id., paragr. 6.
[9] Jugement entrepris, paragr. 16, citant la lettre transmise aux avocats du MTQ par celui de l’appelant.
[10] Id., paragr. 2 et 18.
[11] Id., paragr. 21.
[12] Id., paragr. 44.
[13] Id., paragr. 24-45.
[14] Id., paragr. 46-250.
[15] Il s’agit de 43 bâtiments (51 adresses) auxquels le juge ajoute 10 résidences ayant construit un mur antibruit artisanal. Voir : Jugement entrepris, paragr. 251-253.
[16] Jugement entrepris, paragr. 248.
[17] Id., paragr. 254-274.
[18] Id., paragr. 275-293.
[19] Id., paragr. 287-291.
[20] Id., paragr. 292.
[21] Id., paragr. 294-305. Le juge précise, au paragr. 304, que ce « n’est pas parce que le MTQ est le gestionnaire de l’Autoroute 73 qu’il serait fautif en "permettant" l’émission du contaminant "bruit" dans l’environnement ».
[22] Jugement entrepris, paragr. 306-314.
[23] Id., paragr. 311.
[24] Id., paragr. 330-337.
[25] Id., paragr. 338-343.
[26] Id., paragr. 344-348.
[27] Canada
(Procureur général) c. Imperial Tobacco Ltd.,
[28] Jugement entrepris, paragr. 349-352.
[29] Id., paragr. 352.
[30] Les membres qui se sont installés dans le secteur avant l’inauguration de l’autoroute en 1963.
[31] Ceux qui s’y sont installés entre le 1er janvier 1963 et le 31 décembre 1985.
[32] Ceux qui s’y sont installés entre le 1er janvier 1986 et le 31 décembre 2004.
[33] Ceux qui s’y sont installés après le 1er janvier 2005.
[34] Par exemple, les « très avertis » auraient eu droit à une indemnité de 1 000 $ par année d’occupation.
[35] Vidéotron
c. Titus,
[36]
Laflamme c. Groupe Norplex inc.,
[37]
Cayouette c. Boulianne,
[38]
Lefebvre c. Granby Multi-Sports,
[39]
Homans c. Gestion Paroi inc., supra, note 35, paragr. 165
citant avec approbation Michel Gagné, « Les recours pour troubles de
voisinage : les véritables enjeux », (2004) 214 Développements récents en
droit de l'environnement 65, p. 73. Voir également : Pierre-Claude
Lafond,
[40] Vidéotron c. Titus, supra, note 35, paragr. 14.
[41] Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 1 « Principes généraux », Cowansville, Yvon Blais, 2014, p. 244-245, no 1-252.
[42] Ciment
du Saint-Laurent inc. c. Barrette,
[43] Id., paragr. 39.
[44] Voir : Le Maire et le Conseil de la Ville de Sorel c. Vincent, [1889] 32 L.C.J. 314 (B.R.); Carpentier c. La Ville de Maisonneuve, [1897] 11 C.S. 242; Ducker c. Cité de Sherbrooke, [1934] 40 R.L. 418 (C.S.); Cité de Québec c. Turgeon, [1936] 61 B.R. 458.
[45] Dupont
c. Sintra Inc.,
[46] Loi de la voirie, S.R.Q. 1964, c. 133, art. 96.
[47] Dupont c. Sintra Inc., supra, note 45, p. 568-569.
[48]
Fortier c. Chicoutimi (Ville de)
[49] Hayes
c. Québec (Ville de),
[50] Homans c. Gestion Paroi inc., supra, note 35.
[51]
Pierre-Claude Lafond,
[52] Vidéotron c. Titus, supra, note 35, paragr. 18.
[53] Id., paragr. 14.
[54]
Groupe CRH Canada inc. c. Beauregard,
[55] Id., paragr. 17 et 47.
[56] Id., paragr. 50.
[57] Id., paragr. 51, renvoyant expressément au Jugement entrepris.
[58] Ouimette
c. Canada (Procureur général),
[59] Id., paragr. 102.
[60] Id., paragr. 105.
[61] J.-L.
Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 41, no
1-258. Voir également : Benoît Moore (dir.), Code civil du
Québec : annotations - commentaires 2019-2020, 4e
éd., Montréal, Yvon Blais, 2019, p. 982; Jean Teboul, « Troubles de
voisinage : l’article
[62] Jugement entrepris, paragr. 42.
[63] J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 41, no 1-262.
[64] Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, supra, note 42, paragr. 71.
[65] Il
renvoie aux articles
[66] Daniel Jutras, « Cartographie de la mixité : La common law et la complétude du droit civil au Québec », (2010) 88:2 R. du B. can. 247, p. 252.
[67] Prud'homme
c. Prud'homme,
[68] Ibid.
[69] Id., paragr. 46.
[70] Loi sur la voirie, RLRQ, c. V-9.
[71] Prud'homme c. Prud'homme, supra, note 67, paragr. 28.
[72] Lizotte
c. Aviva, Cie d’assurance du Canada,
[73] Slaight
Communications Inc. c. Davidson,
[74] Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice : Le Code civil du Québec, t. 2, Québec, Publications du Québec, 1993, art. 1376.
[75] Claude Masse, « La Responsabilité civile (Droit des obligations III) », dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil, vol. 2 « Obligations, contrats nommés », Québec, Presses de l’Université Laval, 1993, 241, p. 267-268, no 38.
[76] Prud’homme c. Prud’homme, supra, note 67, paragr. 27 et 31. Voir également : D. Jutras, supra, note 66, p. 253.
[77] J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 41, no 1-130.
[78]
Finney c. Barreau du Québec,
[79] D. Jutras, supra, note 66, p. 255.
[80] Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, supra, note 42, paragr. 3, 20 et 75.
[81] Le
professeur Patrice Garant différencie les « actes de puissance
publique » des « actes de gestion », tout en notant que d’autres
utilisent les expressions « décisions de politique » et
« décisions opérationnelles » ou « mise en œuvre
opérationnelle ». Voir Patrice Garant,
[82] Entreprises
Sibeca Inc. c. Frelighsburg (Municipalité),
[83]
Laurentide Motels Ltd. c. Beauport (Ville),
[84] Id., p. 732.
[85] Québec
(Procureur général) c. Deniso Lebel inc.,
[86] Id., p. 1838.
[87]
Cilinger c. Québec (Procureur général),
[88] Id., paragr. 14.
[89] Lara
Khoury, « Crises sanitaires et responsabilité étatique envers la
collectivité »,
[90] Canada (Procureur général) c. Imperial Tobacco Ltd., supra, note 27, paragr. 124.
[91] Prud'homme c. Prud'homme, supra, note 67, paragr. 54. Voir également : Entreprises Sibeca Inc. c. Frelighsburg (Municipalité), supra, note 82, paragr. 24.
[92]
Il s’agit d’un principe fondamental issu du droit britannique, et maintenant
codifié à l’article
[93] P. Garant, supra, note 81, p. 76.
[94] Loi d'interprétation, RLRQ, c. I-16.
[95] Voir par exemple : Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 54; Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2.1, art. 6; Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c. A-3.001, art. 3; Loi sur l’équité salariale, RLRQ, c. E-12.001, art. 3; Loi sur le bâtiment, RLRQ, c. B-1.1, art. 5; Loi sur la conservation du patrimoine naturel, RLRQ, c. C-61.01, art. 3; Loi concernant l’impôt sur le tabac, RLRQ, c. l-2, art. 2.1.
[96]
Michel Bélanger,
[97] Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale : Précis de droit des institutions gouvernementales, 4e éd., Montréal, Yvon Blais, 2020, p. 1486; M. Bélanger, supra, note 96, p. 12-13.
[98]
Michel Yergeau,
[99] Québec
(Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c.
Communauté urbaine de Montréal,
[100] L’appelant reconnaît que la décision de construire l’autoroute est un acte de puissance publique. Voir : Argumentation de l’appelant, paragr. 69. Il en va de même de la décision d’autoriser l’usage de l’autoroute par le public.
[101] Loi sur la voirie, supra, note 70.
[102]
Bouchard c. St-Félicien (Corporation municipale de),
[103] Jugement entrepris, paragr. 333.
[104] R.
c. Imperial Tobacco Canada Ltée,
[105]
Just c. Colombie-Britannique,
[106] Brown
c. Colombie-Britannique (Ministère des Transports et de la Voirie),
[107] Jugement entrepris, paragr. 326.
[108] Just c. Colombie-Britannique, supra, note 105, p. 1239 à 1241 et 1245.
[109] Brown c. Colombie-Britannique (Ministre des Transports et de la Voirie), supra, note 106.
[110]
Swinamer c. Nouvelle-Écosse (Procureur général),
[111] Québec (Procureur général) c. Deniso Lebel inc., supra, note 85.
[112] Ouimette c. Canada (Procureur général), supra, note 58, paragr. 100 à 105.
[113] Cilinger c. Québec (Procureur général), supra, note 87.
[114] R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, supra, note 104.
[115]
Tonnelier c. Québec (Procureur général),
[116]
Harvey c. Trois-Rivières (Ville de),
[117]
On parle ici de « MVCs », ou Moose Vehicle Collisions
(George v. Newfoundland and Labrador,
[118] Jugement entrepris, paragr. 341-342.
[119] R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, supra, note 104, paragr. 87.
[120] Pièce D-10, Lettre du ministre délégué aux Transports du 13 novembre 1989.
[121] Brown c. Colombie-Britannique (Ministre des Transports et de la Voirie), supra, note 106, p. 441.
[122] Pièce D-11, Mémoire au Comité de direction du ministère des Transports du 21 octobre 1996.
[123] Id., p. 3 de la pièce non paginée.
[124] Pièce D-8, Sommaire décisionnel de la Ville de Québec, 4 mai 2010.
[125] Blessing v. United States, 447 F.S. 1160, p. 1170, cité par le juge Cory dans Just c. Colombie-Britannique, supra, note 105, p. 1240. Voir également : Cilinger c. Québec (Procureur général), supra, note 87, paragr. 14.
[126] Argumentation de l’appelant, paragr. 70.
[127] Id., paragr. 75.
[128] Laurentide Motels Ltd. c. Beauport (Ville), supra, note 83, p. 726.
[129] Id., p. 726-727.
[130] Jugement entrepris, paragr. 273.
[131] Just c. Colombie-Britannique, supra, note 105, p. 1242-1243.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.