Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Rouyn-Noranda

27 octobre 2004

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossiers :

214956-08-0308      214957-08-0308

 

Dossier CSST :

123359739

 

Commissaire :

Me Pierre Prégent

 

Membres :

Marcel Grenon, associations d’employeurs

 

Daniel Laperle, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

214956

214957

 

 

Forage Orbit inc.

Denis Lagrois

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Cogesis inc.

Denis Lagrois

Forage Orbit inc.

Parties intéressées

Partie intéressée

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

214956

 

[1]                Le 19 août 2003, l’employeur, Forage Orbit inc., dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 12 août 2003 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme trois décisions déjà rendues les 19 février 2003, 14 mai 2003 et 11 juillet 2003.  Elle déclare qu’il y a relation entre le diagnostic d’épicondylite au coude droit et le travail exercé par monsieur Denis Lagrois, le travailleur.  Elle déclare aussi qu’il n’y a pas ouverture à la reconsidération administrative de la décision rendue le 23 décembre 2002 au sujet de l’admissibilité de la lésion professionnelle reconnue comme une déchirure du tendon du coude droit.  La CSST déclare enfin qu’elle ne peut appliquer rétroactivement une suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu en vertu des dispositions de l'article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

214957

[3]                Le 26 août 2003, monsieur Denis Lagrois, le travailleur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 12 août 2003 à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme deux décisions initialement rendues les 23 décembre 2002 et 16 juillet 2003.  Elle déclare que le revenu brut annuel retenu aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu est équivalent à 26 075,00 $.  Elle déclare également que l’assignation temporaire à des travaux légers proposée par l’employeur est conforme aux dispositions de l'article 179 de la loi et que le travailleur est en mesure d’exercer le travail allégé proposé.

[5]                À l’audience tenue à Rouyn-Noranda le 8 décembre 2003, les parties sont présentes et elles sont représentées par avocats.  L’employeur se désiste de sa contestation concernant le refus de la CSST d’appliquer rétroactivement une suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu selon les dispositions de l'article 142 de la loi.  À la suite de la tenue de l’audience, le représentant du travailleur dépose deux requêtes en réouverture d’enquête sur des objets différents.  La Commission des lésions professionnelles a reçu des parties des documents aux dates suivantes : 18 décembre 2003, 15 janvier 2004, 26 janvier 2004, 27 janvier 2004, 24 février 2004, 5 mai 2004, 21 mai 2004, 30 juillet 2004, 1er septembre 2004, 10 septembre 2004 et 28 septembre 2004.  Le dossier est pris en délibéré le 5 octobre 2004 après indication du représentant du travailleur qu’il n’avait plus de commentaire à apporter.

LES OBJETS DES CONTESTATIONS

[6]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le revenu brut annuel à retenir aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit est équivalent à 56 364,00 $.  Il lui demande également de déclarer que l’assignation temporaire à des travaux légers proposée par l’employeur n’est pas conforme à la loi (dossier 214957).

[7]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic d’épicondylite au coude droit et le travail exercé par le travailleur.  Il lui demande également de déclarer qu’il y a ouverture à la reconsidération administrative de la décision d’admissibilité de la lésion professionnelle de déchirure du tendon du coude droit rendue le 23 décembre 2002.

L’AVIS DES MEMBRES

SUR LA REQUÊTE EN RÉOUVERTURE D’ENQUÊTE

[8]                Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs considèrent que le représentant du travailleur ne s’est pas objecté au moment opportun au témoignage du docteur Fradet.  D’ailleurs, il a commencé par annoncer qu’il n’avait pas de question à poser après le témoignage du docteur Fradet.  Puis, après avoir obtenu un ajournement pour s’entretenir avec le travailleur, il n’a pas jugé pertinent de questionner plus à fond le docteur Fradet sur ses conclusions médicales dont certaines étaient déjà connues au dossier à la suite de la production de rapports écrits.

[9]                Le représentant du travailleur ne peut donc produire une expertise médicale du docteur Bergeron, après audience, pour contredire les conclusions du docteur Fradet qui étaient déjà connues au dossier de la Commission des lésions professionnelles.

[10]           La réouverture d’enquête est une mesure exceptionnelle et elle ne doit pas servir à corriger une mauvaise performance, une omission ou une erreur commise à l’audience ni une préparation inadéquate du dossier et de la preuve.

[11]           Il n’est pas démontré, à la revue des éléments mis en preuve, que le représentant du travailleur est pris par surprise.

[12]           Enfin, la Commission des lésions professionnelles a tous les éléments requis pour disposer des objets des contestations.

SUR LE FOND DU DOSSIER

[13]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que le revenu brut retenu aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu est équivalent au salaire minimum compte tenu que, dans la réalité, le travailleur n’aurait pas travaillé au-delà du 7 mars 2003 et que, dans l’industrie du forage aux diamants, la jurisprudence des tribunaux supérieurs précise qu’il n’y a pas d’annualisation du traitement.

[14]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que l’assignation temporaire à des travaux légers n’est pas conforme aux dispositions de l'article 179 de la loi.  En effet, la durée du travail proposé n’est pas favorable à la réadaptation du travailleur.

[15]           Les membres sont d’avis qu’il y a relation entre le diagnostic d’épicondylite au coude droit et l’événement survenu au travail le 5 décembre 2002.  C’est le premier diagnostic retenu au dossier et c’est le seul qui est confirmé à la chirurgie.  Il s’agit d’une blessure subie au travail dans le cadre de l’adaptation du travailleur à ce nouvel emploi et qui est reconnue par un autre chirurgien-orthopédiste au dossier, ce qui vient contredire les propos du docteur Fradet à l’audience.

[16]           Enfin, les membres sont d’avis qu’il n’y a pas ouverture à la reconsidération administrative de la décision rendue le 23 décembre 2002, car les faits avancés par l’employeur sont connus depuis la survenance de la lésion professionnelle et les faits invoqués sont erronés.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[17]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si elle doit accueillir la requête en réouverture d’enquête déposée par le représentant du travailleur pour admettre en preuve le rapport médical du docteur Bergeron préparé après audience.  Elle doit également déterminer quel est le revenu brut à retenir aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu.  Elle doit aussi déterminer si l’assignation temporaire à des travaux légers proposée par l’employeur est conforme à la loi.  Elle doit déterminer en plus si le diagnostic d’épicondylite au coude droit est relié à l’événement survenu le 5 décembre 2002.  Enfin, elle doit déterminer si la CSST est justifiée de ne pas reconsidérer sa décision du 23 décembre 2002 d’admettre à titre de lésion professionnelle une déchirure du tendon du coude droit.

LA REQUÊTE EN RÉOUVERTURE D’ENQUÊTE

[18]           Avant de procéder à l’analyse des faits relatifs à cette requête, il y a lieu de préciser que le représentant du travailleur s’est désisté d’une première requête en réouverture d’enquête déposée le 26 janvier 2004 afin de mettre à preuve des faits et des données relatives à l’équipement soulevé par le travailleur le 5 décembre 2002.

[19]           Dans sa lettre de désistement du 9 septembre 2004, le représentant du travailleur introduit une seconde requête en réouverture d’enquête afin de faire admettre en contre-preuve l’opinion médico-légale du docteur Bergeron obtenue après audience.

[20]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis de rejeter cette requête en réouverture d’enquête et elle s’explique.

[21]           À l’audience tenue le 8 décembre 2003, le docteur Fradet, expert qui témoigne à la demande de l’employeur, conclut que l’épicondylite au coude droit n’est pas reliée à l’événement survenu le 5 décembre 2002.  À son avis, il s’agit d’une pathologie purement personnelle qui s’est manifestée au travail plutôt qu’ailleurs.  La Commission des lésions professionnelles demande au docteur Fradet de produire la littérature médicale appropriée pour corroborer sa conclusion que l’épicondylite est uniquement une condition personnelle.  La Commission des lésions professionnelles s’engage à accorder au représentant du travailleur le délai nécessaire pour commenter ou faire commenter par un médecin de son choix la littérature médicale requise du docteur Fradet.

[22]           Le 15 janvier 2004, la Commission des lésions professionnelles reçoit la copie d’un éditorial paru dans The Journal of Bone and Joint Surgery[2] où il est indiqué que l’épicondylite survient normalement de façon spontanée et généralement chez des personnes âgées entre 35 et 55 ans.  Une copie est adressée au représentant du travailleur à qui la Commission des lésions professionnelles accorde un délai raisonnable avec extension de délai pour commenter ou faire commenter la littérature médicale reçue.

[23]           Le 21 mai 2004, la Commission des lésions professionnelles reçoit un rapport médical rédigé le 17 décembre 2004 par le docteur Bergeron.  Il y est indiqué que, à la demande de Me Rolland, le docteur Bergeron procède à l’évaluation de l’expertise médicale du docteur Fradet datée du 10 avril 2003, du rapport médical complémentaire du docteur Fradet du 2 mai 2003 et de la littérature médicale acheminée par le docteur Fradet.

[24]           Dans son rapport médical, le docteur Bergeron explique quelques notions anatomiques de base, puis procède à une discussion, c'est-à-dire à une analyse des éléments soulevés par le docteur Fradet dans ses rapports du 10 avril et du 2 mai 2003.  Il émet ensuite ses opinions en contradiction avec celles du docteur Fradet pour finalement conclure que l’épicondylite au coude droit est reliée à l’événement survenu le 5 décembre 2002.  En annexe à son rapport médical, le docteur Bergeron ajoute des extraits du livre Anatomie pour le mouvement, par Blandine Calais-Germain, qui décrivent les structures anatomiques de la main, du poignet et de l’avant-bras et la force musculaire de la région de l’avant-bras.

[25]           Dans son document reçu à la Commission des lésions professionnelles le 10 septembre 2004, le représentant du travailleur allègue qu’il a été pris par surprise par les propos du docteur Fradet au sujet de l’absence de mouvement de supination malgré que le travailleur a reproduit les mêmes gestes que dans son bureau et que, en conséquence, le mouvement de supination serait un mécanisme de production d’une épicondylite au coude droit.  Or, en son absence, la relation est inacceptable entre l’épicondylite et l’événement survenu le 5 décembre 2002.

[26]           Le représentant du travailleur considère que ce changement complet d’opinion, qui le prend par surprise, porte sur une question technique d’ordre médical et que cela justifie qu’il puisse vérifier auprès d’un médecin l’étiologie de l’épicondylite.

[27]           Il conclut que la Commission des lésions professionnelles se trouve en présence de circonstances exceptionnelles, par opposition à frivoles, et que ce n’est qu’après avoir discuté avec le docteur Bergeron qu’il a compris la problématique d’ordre médical et les incohérences du témoignage du docteur Fradet.

[28]           La Commission des lésions professionnelles considère que la réouverture d’enquête constitue une mesure exceptionnelle puisque, si elle est accueillie, elle permet à une partie de présenter une nouvelle preuve pertinente à la solution d’un litige alors qu’elle avait annoncé sa preuve close à l’audience.

[29]           La Cour supérieure, dans l’affaire Temco Produits électriques inc. c. Budy et le Syndicat des salariés de Temco et Thompson[3], précise que la justice naturelle est une affaire de gros bon sens.  Elle exige que le tribunal entende les parties, ce qui comprend de les réentendre lorsque les circonstances exceptionnelles le justifient.  Toutefois, la requête ne doit pas être frivole.  Elle ne doit pas résulter manifestement de la négligence de son auteur.  Enfin, elle doit porter sur un élément essentiel de la preuve ou du débat.

[30]           Dans son rapport d’évaluation médicale du 11 avril 2003, le docteur Fradet rapporte, à la section mécanisme de production, que le travailleur a fait un effort avec la main en supination et qu’il ne s’agit pas d’un mécanisme habituel pour provoquer une épicondylite ou un étirement des muscles épicondyliens.  Compte tenu que le travailleur lui déclare avoir levé un équipement d’environ 80 livres, il conclut que la relation est acceptable entre le diagnostic et l’événement survenu le 5 décembre 2003.

[31]           Toutefois, le 2 mai 2003, le docteur Fradet modifie son opinion après que l’employeur l’eut informé que le poids levé n’est plus que 13 livres.  Dans ce contexte, il considère qu’un tel poids n’est pas suffisant pour provoquer une traction au niveau des muscles épicondyliens.  À la section mécanisme de production, le docteur Fradet mentionne qu’un fait traumatique peut provoquer une épicondylite.  En soi, il s’agit d’une enthésopathie, une condition personnelle.  Il indique qu’un mouvement de traction imposé par un poids important avec le poignet en flexion peut occasionner une épicondylite.  Il est d’avis qu’il n’y a pas de mécanisme de production dans ce dossier.  Il précise que le travailleur lui déclare avoir forcé avec la main en supination, ce qui va à l’encontre d’un tel mécanisme de production.

[32]           À l’audience, le docteur Fradet indique que, au moment de lever la pièce d’équipement, l’avant-bras du travailleur est déjà en position de supination et qu’il n’y a pas de mouvement du poignet.  Il n’est pas dévié, en flexion ou en extension, il est en position neutre.  Donc, le poignet n’est pas en supination active.  Il conclut que le travailleur n’a pas exercé de mouvement à risque pour générer une épicondylite au coude droit.

[33]           Le docteur Fradet conclut donc que l’épicondylite au coude droit constitue simplement un processus de vieillissement qui peut survenir entre 40 et 55 ans à tout moment.

[34]           S’il se sentait pris par surprise par le témoignage du docteur Fradet, le représentant du travailleur a bien caché ses émotions.  À la fin du témoignage du docteur Fradet, il annonce, sur un ton neutre, qu’il n’a pas de question à lui poser.  La Commission des lésions professionnelles lui accorde tout de même une suspension d’audience pour discuter avec le travailleur.  Après quelques minutes, il revient pour contre-interroger le docteur Fradet au sujet de la déchirure du tendon au coude droit, diagnostic initialement retenu par la CSST.

[35]           Profitant du fait que la Commission des lésions professionnelles l’autorise à consulter un médecin pour produire des commentaires sur l’extrait de littérature médicale produite par le docteur Fradet pour corroborer son opinion que l’épicondylite est une condition personnelle, le représentant du travailleur obtient une opinion médico - légale du docteur Bergeron qui, après examen des faits du dossier et de la littérature médicale, conclut à la relation entre l’épicondylite et l’événement survenu le 5 décembre 2002.

[36]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le rapport médical obtenu du docteur Bergeron excède ce qu’elle a autorisé à la fin de l’audience et par la suite.  En effet, le fait que le docteur Bergeron procède à sa propre analyse des éléments contenus au dossier du travailleur pour conclure à la survenance d’une lésion professionnelle constitue de la preuve obtenue hors instance pour pallier un manque de préparation du dossier.  Il était loisible pour le représentant du travailleur d’obtenir une telle expertise avant la tenue de l’audience.

[37]           Manifestement, le représentant du travailleur a eu la possibilité et l’opportunité de faire éclaircir ou nuancer les conclusions du docteur Fradet à l’audience.  Il a même consulté son client pendant une suspension d’audience accordée par la Commission des lésions professionnelles et il n’est pas revenu à la charge.  Il avait même le loisir de demander un ajournement pour obtenir une opinion contradictoire ou une expertise.  D’ailleurs, la Commission des lésions professionnelles a déjà accordé au représentant du travailleur des remises d’audiences afin qu’il fasse produire une expertise pour la bonne administration de sa preuve.

[38]           Bien que le témoignage du docteur Fradet porte sur un élément important à la solution du litige, la Commission des lésions professionnelles considère que la requête en réouverture d’enquête, pour faire admettre dans son intégralité le rapport médical produit par le docteur Bergeron, est déposée pour corriger une lacune dans l’administration de la preuve par le représentant du travailleur.

[39]           La requête en réouverture d’enquête ne doit pas constituer une seconde chance pour une partie afin de parfaire sa preuve ou convaincre le tribunal du bien-fondé de sa réclamation.

[40]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis de rejeter la requête en réouverture d’enquête présentée par le représentant du travailleur afin de faire admettre en preuve le rapport médical du docteur Bergeron.

[41]           La Commission des lésions professionnelles considère que les éléments contenus au dossier du travailleur et les témoignages entendus sont suffisants pour lui permettre de trancher le litige au sujet de la relation entre le diagnostic d’épicondylite au coude droit et l’événement survenu le 5 décembre 2002.

SUR LE FOND DU DOSSIER

[42]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer quel doit être le revenu brut retenu aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle a droit le travailleur.

[43]           De la preuve documentaire et testimoniale, la Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur est engagé le 2 décembre 2002 pour un contrat de forage aux diamants à Wawa, dans la province d’Ontario, pour la compagnie minière River Gold.

[44]           Le contrat d’embauche précise que le taux horaire est de 12,50 $ l’heure avec un boni de 0,90 $ du mètre foré et que le premier quart de travail débute le 5 décembre 2002.

[45]           La période de travail est de 14 jours consécutifs à raison de onze heures par quart de travail suivie d’une période de sept jours de congé.  Quant au boni de rendement, la moyenne de mètres forés par jour se situe aux environs de soixante.

[46]           Bien que le contrat ne précise pas la durée de l’embauche, il n’est pas contredit que, le 15 décembre 2002, l’employeur cesse les opérations d’une des trois foreuses en activité à la River Gold.  De plus, il est démontré que le foreur Martel, pour qui le travailleur est engagé à titre d’aide-foreur, est mis à pied temporairement par manque de travail le 7 mars 2003.

[47]           La Cour d’appel dans l’affaire Héroux et Forage Major[4] rappelle les faits pertinents à l’industrie du forage.  Les contrats de forage sont donnés à différentes compagnies spécialisées par des compagnies minières généralement.  Ces contrats de forage sont pour des durées précises dans le temps.  La durée se calcule au nombre de pieds à forer en tenant compte du nombre et de l’épaisseur des trous à percer, ainsi que des types de sol et de l’approvisionnement d’eau nécessaire.

[48]           La Cour d’appel ajoute que les contrats de forage peuvent varier de dix jours à quelques mois.  L’industrie est caractérisée par la mobilité géographique.  Selon l’ampleur du contrat, l’employeur a besoin de plus ou moins de personnel, essentiellement des aides-foreurs et des foreurs.  À chaque contrat, c’est une nouvelle embauche et à la fin du contrat, une nouvelle mise à pied.  De façon générale, le foreur et l’aide-foreur peuvent travailler de cinq à six mois, parfois même sept mois, dans une année.  Personne ne travaille à l’année, sauf que l’employeur rappelle prioritairement certains de ses plus anciens employés pour faire le travail de préparation de chantier, ce qui peut allonger leur période d’emploi.

[49]           La Cour d’appel ne retient pas le principe d’annualisation à partir du traitement prévu au contrat de travail.  Elle motive sa conclusion par l’excentricité des contrats dans l’industrie du forage.  L’horaire de travail n’est pas régulier.  Il est davantage dicté par le contrat de forage à exécuter.  Le contrat de forage peut être court et exécuté en entier par une seule équipe ou long et exécuté par plus d’une équipe.

[50]           Pour la Cour d’appel, il est impensable que le salaire annuel retenu pour déterminer l’indemnité de remplacement du revenu dépende principalement des aléas du contrat particulier exécuté au moment de la lésion.  Elle accepte le principe suivant lequel l’indemnité est destinée à compenser la perte de gains futurs et l’incapacité d’exercer un emploi.  Une interprétation favorable au travailleur doit prévaloir.

[51]           Cependant, la Cour d’appel est d’avis qu’il faut tenir compte du fait que le législateur a retenu le concept du revenu annuel qui correspond normalement à une donnée qui trouve sa corrélation dans la réalité.

[52]           Par contraste, le résultat de l’opération mathématique (annualisation du traitement prévu au contrat de travail) retenu par le représentant du travailleur n’a rien de commun avec la réalité.

[53]           En effet, la preuve non contredite démontre que, au maximum, le travailleur, qui est le dernier engagé, aurait travaillé jusqu’au 7 mars 2003, date de la mise à pied du foreur qu’il devait aider.

[54]           Du 5 décembre 2002 au 7 mars 2003, sans tenir compte du congé du temps des fêtes, le travailleur aurait travaillé durant les périodes suivantes (14 jours de travail, 7 jours de congé) :

Période                                                                                           Nombre de jours

 

5 au 18 décembre 2002                                                                        14 jours

19 au 25 décembre 2002 (congé)                                                              -

26 décembre 2002 au 8 janvier 2003                                                  14 jours

9 au 15 janvier 2003 (congé)                                                                       -

16 au 29 janvier 2003                                                                            14 jours

30 janvier au 5 février 2003 (congé)                                                           -

6 au 19 février 2003                                                                               14 jours

20 au 26 février 2003 (congé)                                                                    -

27 février au 7 mars 2003                                                                       9 jours

 

 

Total                                                                                                        65 jours

 

 

 

Perte de gains - Salaire :

 

                 65 jours x 11 heures/jour x 12,50 $/heure =                                      8 937,50 $

 

Boni de rendement :

 

                 65 jours x 60 mètres/jour en moyenne x 0,90 $/mètre foré =          3 510,00 $

 

 

Total                                                                                                                    12 447,50 $

 

 

 

 

 

[55]           L’article 67 de la loi précise ce qui suit :

67. Le revenu brut d'un travailleur est déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de travail et, lorsque le travailleur est visé à l'un des articles 42.11 et 1019.4 de la Loi sur les impôts (chapitre I-3), sur la base de l'ensemble des pourboires que le travailleur aurait déclarés à son employeur en vertu de cet article 1019.4 ou que son employeur lui aurait attribués en vertu de cet article 42.11, sauf si le travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de l'emploi pour l'employeur au service duquel il se trouvait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle ou du même genre d'emploi pour des employeurs différents pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.

 

Pour établir un revenu brut plus élevé, le travailleur peut inclure les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations pour heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèces n'est pas incluse dans le salaire, les rémunérations participatoires, la valeur en espèces de l'utilisation à des fins personnelles d'une automobile ou d'un logement fournis par l'employeur lorsqu'il en a perdu la jouissance en raison de sa lésion professionnelle et les prestations en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23).

__________

1985, c. 6, a. 67; 1997, c. 85, a. 4.

 

 

[56]           Le travailleur n’a pas démontré avoir gagné un revenu d’emploi supérieur dans les douze mois précédant la survenance de sa lésion professionnelle.

[57]           L’article 65 de la loi stipule toutefois ce qui suit :

65. Aux fins du calcul de l'indemnité de remplacement du revenu, le revenu brut annuel d'emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lésion professionnelle ni supérieur au maximum annuel assurable en vigueur à ce moment.

__________

1985, c. 6, a. 65.

 

 

[58]           En conséquence, le revenu brut retenu pour les fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu est équivalent à celui du salaire minimum en vigueur le 5 décembre 2002, date de la survenance de sa lésion professionnelle.

[59]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si l’assignation temporaire à des travaux légers est conforme à la loi.

 

 

 

[60]           L’article 179 de la loi stipule ce qui suit :

179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:

 

1°   le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2°   ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3°   ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

[61]           Le 18 juin 2003, le médecin qui a charge reçoit un formulaire d’assignation temporaire du travailleur à des travaux légers identifiés comme suit :

-            commissionnaire;

-            menus travaux en atelier;

-            menus travaux d’entretien;

-            inventaire;

-            identification de divers produits.

 

 

[62]           Le médecin qui a charge du travailleur est d’avis qu’il ne peut utiliser son membre supérieur droit pour les menus travaux en atelier et d’entretien.  Il indique que le travailleur est raisonnablement en mesure d’accomplir le travail proposé, que ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion professionnelle et que ce travail est favorable à sa réadaptation.

[63]           La preuve testimoniale prépondérante révèle que le travailleur est assigné aux travaux légers à peine deux heures par jour et qu’il est plutôt laissé à lui-même jugeant ce qu’il doit faire ou ne pas faire à la limite de sa capacité résiduelle.  Le reste du temps, il tourne en rond comme il le précise au réviseur de la CSST.

[64]           Après s’être plaint à son employeur, le travailleur est assigné à la conduite d’un camion avec boîte de vitesse manuelle, ce qui l’oblige à utiliser constamment son membre supérieur droit durant les déplacements.  Il en informe son employeur également.

[65]           Il est alors assigné à un travail de boulonnage où il tient une clé avec le membre supérieur droit pour retenir un boulon qu’il enfonce avec une boulonneuse pneumatique.  Il accomplit ce travail durant une heure.

[66]           Tel que rapporté par le réviseur au dossier, l’assignation temporaire à des travaux légers dure trois jours non consécutifs.  À chaque jour, la durée du travail est de 1,5 à 2 heures.  Cela n’est pas contredit par l’employeur.  Comme il le dit lui-même, le reste du temps, le travailleur tourne en rond ou se cherche quelque chose à faire.  Le directeur des ressources humaines ajoute même à l’audience qu’il n’y a pas eu de communication entre lui et le travailleur au sujet de ses insatisfactions.

[67]           Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles retient que l’assignation temporaire proposée est différente de celle réalisée par le travailleur.  L’assignation temporaire, dans les faits, peut être raisonnablement accomplie par le travailleur et elle est sans danger pour lui.

[68]           Toutefois, la Commission des lésions professionnelles considère que cette assignation temporaire n’est pas favorable à sa réadaptation.  En effet, comment une assignation temporaire qui nécessite à peine 1,5 à 2 heures de travail léger par jour alors que, le reste du temps, le travailleur doit se chercher du travail ou tourner en rond, peut-elle contribuer à la réadaptation du travailleur?  Poser la question, c’est y répondre.

[69]           Le fait que le travailleur n’aime pas le travail proposé en assignation temporaire n’est pas un critère dont on doit tenir compte pour apprécier si l’assignation temporaire proposée est conforme aux dispositions de l'article 179 de la loi[5].

[70]           Pour apprécier si l’assignation temporaire est favorable à la réadaptation du travailleur, il faut vérifier si elle lui permet de garder le contact avec son milieu de travail et de conserver ses habitudes de travail[6].

[71]           Le fait que l’employeur soit peu familier avec l’assignation temporaire n’est pas un motif à retenir ici.  Il faut plutôt constater que le travailleur a eu du travail pour 1,5 à 2 heures sur trois jours non consécutifs, ce qui, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, ne constitue pas une mesure appréciable pour qu’il garde contact avec son milieu de travail et maintienne ses habitudes de travail.

[72]           La Commission des lésions professionnelles se demande même, compte tenu que le travailleur apparaît être davantage laissé à lui-même chez l’employeur, s’il s’agit d’une véritable assignation temporaire.

[73]           Bien que cette question en litige soit plutôt théorique au moment de l’audience, la Commission des lésions professionnelles conclut donc que l’assignation temporaire proposée au travailleur n’apparaît pas conforme à la loi.  Même si le médecin qui a charge conclut qu’elle est favorable à la réadaptation du travailleur, la réalité est toute autre et le peu de temps consacré au travail pendant la durée de l’assignation temporaire est fatal au respect de la troisième condition, soit que l’assignation doit être favorable à la réadaptation du travailleur.

[74]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que l’assignation temporaire à des travaux légers proposée le 18 juin 2003 n’est pas conforme à la loi.

[75]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si le diagnostic d’épicondylite du coude droit est relié à l’événement survenu le 5 décembre 2002.

[76]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que ce diagnostic est relié à l’événement survenu le 5 décembre 2002 et elle s’explique.

[77]           L’article 28 de la loi précise ce qui suit :

28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 28.

 

 

[78]           Afin de bénéficier de la présomption de lésion professionnelle, le travailleur doit démontrer qu’il a subi une blessure au travail alors qu’il était sur les lieux de son travail et qu’il accomplissait le travail pour lequel il était engagé.

[79]           La preuve prépondérante démontre que le travailleur ressent une douleur au coude droit le 5 décembre 2002 après avoir levé deux tiges de forage vissées ensemble.  Au bout des tiges est assemblée une virole à l’eau (water swivel) et un boyau à eau.  Le travailleur prétend que le tout pèse entre 60 et 80 livres tandis que, à l’aide de fiches techniques, l’employeur précise que l’ensemble pèse entre 50 et 55 livres.

[80]           Au moment de soulever cette pièce d’équipement, le travailleur la saisit avec sa main droite en supination tandis que les doigts en flexion s’agrippent à la tige de forage à environ 15 à 18 pouces de son extrémité.  Sa main gauche, qui agrippe la tige de forage plus bas, se retrouve en position de pronation par-dessus la tige.

[81]           Le travailleur effectue un effort en levier de son membre supérieur droit pour porter le bout de la tige de forage avec la virole à l’eau sur son épaule droite tandis que sa main gauche assure le ballant.

[82]           La Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur a démontré que le diagnostic d’épicondylite au coude droit, retenu pour la première fois le 10 décembre 2002 à son retour de Wawa, constitue une blessure qui survient dans une galerie de la mine River Gold à la suite d’un effort alors qu’il exécute son travail d’aide‑foreur pour le compte de l’employeur. D’ailleurs, la Commission des lésions professionnelles a déjà reconnu que l’épicondylite constitue une blessure[7].

[83]           Le travailleur doit donc bénéficier de la présomption de lésion professionnelle de l’article 28 de la loi.

[84]           L’employeur peut renverser cette présomption en démontrant qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic d’épicondylite du coude droit et l’événement survenu le 5 décembre 2002.

[85]           Le docteur Fradet estime que la charge levée par le travailleur avec le membre supérieur droit est équivalente à 40-45 livres  et à 10 à 15 livres pour le membre supérieur gauche.

[86]           Le docteur Fradet est d’avis que le poignet droit du travailleur est en position neutre au moment de soulever la tige de forage et que la position de supination n’est donc pas active.  Il nuance davantage ses propos en indiquant que le poignet n’est pas en position de flexion ou d’extension ni en position de déviation radiale ou cubitale.  Associé au fait que la charge à soulever n’est pas importante, la position neutre du poignet n’est pas à risque de générer une épicondylite au coude droit.

[87]           Le docteur Fradet conclut donc que l’épicondylite au coude droit du travailleur est en soi une enthésopathie qui est une condition personnelle qui peut se manifester à tout moment entre 40 et 55 ans.

[88]           La Commission des lésions professionnelles retient que le docteur Fradet est d’avis initialement que le fait de lever un poids de 80 livres avec la main en supination peut générer une épicondylite au coude droit même si cette position n’est pas habituellement reconnue pour constituer un mécanisme de production d’une telle lésion.

[89]           Il modifie son opinion, par la suite, lorsque le représentant de l'employeur l’informe que le poids soulevé n’est plus que de 13 livres.  La charge à soulever n’est pas suffisante pour provoquer une traction au niveau des muscles épicondyliens.

[90]           La Commission des lésions professionnelles considère que le fait de lever une charge d’environ 45 livres, avec la main droite en position de supination, est suffisante pour générer une traction significative sur les muscles épicondyliens et causer une épicondylite.

[91]           Il faut également tenir compte du fait que le travailleur en est à sa première journée de travail pour l’employeur, qu’il a eu une très brève formation, qu’il n’a pas de véritable méthode sécuritaire de travail et qu’il n’est pas habitué de forcer dans cette position.

[92]           Contrairement au docteur Fradet, la Commission des lésions professionnelles considère que l’épicondylite survient alors que le travailleur s’adapte à un nouveau travail.

[93]           La Commission des lésions professionnelles retient également que le docteur Loranger, chirurgien-orthopédiste, après la revue des faits, conclut que le travailleur a subi une épicondylite classique en tentant de soulever la pièce d’équipement, le tout confirmé par son examen physique réalisé le 31 janvier 2003.  Même le médecin de la CSST reconnaît la relation entre le diagnostic d’épicondylite au coude droit et l’événement décrit par le travailleur le 5 décembre 2002.

[94]           Ces opinions contradictoires à celles du docteur Fradet affaiblissent également la force probante de son opinion médico-légale.

[95]           La Commission des lésions professionnelles considère que l’employeur n’a pas renversé la présomption de lésion professionnelle et que, en conséquence, le travailleur a subi une lésion professionnelle le 5 décembre 2002.

[96]           Enfin, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a ouverture à la reconsidération administrative le 14 mai 2003.

 

 

[97]           L’article 365 de la loi stipule ce qui suit :

365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.

 

Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.

 

Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.

__________

1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.

 

 

[98]           Un bref rappel des faits est nécessaire pour disposer de cette question.

[99]           Le 23 décembre 2002, la CSST accueille la réclamation du travailleur et conclut que la déchirure du tendon du coude droit constitue une lésion professionnelle.  Elle applique la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi tel qu’il apparaît des notes de l’agent du 20 décembre 2002.

[100]       Cette décision n’est pas contestée par l’employeur.  Le 8 mai 2003, le représentant de l'employeur demande la reconsidération administrative de la décision d’admissibilité rendue le 23 décembre 2002.  Il motive sa décision par le fait que le travailleur déclare au docteur Fradet qu’il s’est blessé au coude droit en levant un poids de 80 livres alors que le poids serait plutôt de 13 livres.  Il réfère la CSST au rapport complémentaire produit par le docteur Fradet, le 2 mai 2003, afin qu’elle modifie sa décision et refuse plutôt la réclamation du travailleur.

[101]       La Commission des lésions professionnelles retient de la preuve documentaire que la CSST n’a pas considéré le poids de la pièce d’équipement au moment d’appliquer la présomption de lésion professionnelle le 20 décembre 2002.

[102]       Le 8 mai 2003, le représentant de l'employeur soumet qu’une tige de forage ne pèse que 13 livres, ce qu’il considère être un fait essentiel non connu lors de la décision rendue par la CSST le 23 décembre 2003.

[103]       L’information fournie par le représentant de l'employeur n’est pas exacte.  Le travailleur soulève deux tiges de forage, une virole à l’eau et un bout du boyau à l’eau dont le poids total est estimé à 50-55 livres environ selon les fiches techniques produites par l’employeur à la Commission des lésions professionnelles.  Or, les données avancées par l’employeur sont en sa possession bien avant la survenance de la lésion professionnelle, car le travailleur utilise, le 5 décembre 2002, des équipements qui ne sont pas nouveaux.

[104]       Il est reconnu depuis longtemps par un courant de jurisprudence majoritaire que le délai de 90 jours prévu à l’article 365 de la loi s’applique également à la partie qui demande la reconsidération administrative[8].  Or, au 8 mai 2003, le représentant de l'employeur s’exécute bien tardivement, car il a toujours eu connaissance du poids de la pièce d’équipement soulevé par le travailleur et de plus, il transmet une information erronée qui, si elle avait été retenue, aurait pu causer un préjudice grave au travailleur.

[105]       De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, la demande de reconsidération administrative ne peut constituer un moyen pour corriger l’omission de contester une décision qui porte sur l’admissibilité d’une lésion professionnelle.

[106]       Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il n’y a pas ouverture à la reconsidération administrative le 14 mai 2003.  La CSST était justifiée de ne pas reconsidérer sa décision d’admissibilité du 23 décembre 2002 et le réviseur était justifié de la confirmer.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

214956

REJETTE la requête en réouverture d’enquête déposée le 9 septembre 2004 par le représentant de monsieur Denis Lagrois, le travailleur;

REJETTE la requête de l’employeur déposée le 19 août 2003;

CONFIRME la décision de la CSST rendue le 12 août 2003 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le diagnostic d’épicondylite au coude droit est relié à l’événement survenu le 5 décembre 2002 et qu’il constitue une lésion professionnelle;

DÉCLARE qu’il n’y a pas ouverture à la reconsidération administrative le 14 mai 2003.

 

214957

ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Denis Lagrois, le travailleur, déposée le 26 août 2003;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 12 août 2003 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le revenu brut retenu, pour calculer l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit, est équivalent au salaire minimum en vigueur le 5 décembre 2002;

DÉCLARE que l’assignation temporaire à des travaux légers proposée par l’employeur le 18 juin 2003 n’est pas conforme aux dispositions de l'article 179 de la loi.

 

 

 

__________________________________

 

Me Pierre Prégent

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Stephan Ferron

CAIN, LAMARRE ET ASSOCIÉS

Représentant de Forage Orbit inc.

 

 

Me Michel Rolland

Représentant de monsieur Denis Lagrois

 


JURISPRUDENCE DÉPOSÉE

 

 

PAR L’EMPLOYEUR :

 

Généreux et Les Plastiques Simport ltée, CALP, 27208-62B-9102, 1993-02-15, Y. Tardif

 

Mircevska, et Marconi Canada inc., CALP, 52469-60-9303, 1994-12-05, B. Lemay

 

Bouchard-Lavigne et Chaussures H. H. Brown Canada ltée, CALP, 77615-05-9603, 1998‑03‑02, R. Jolicoeur

 

Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal c. Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, [1994] CALP 423 (CS), AZ-94029066 , J6‑03‑11, juge Ginette Piché

 

Héroux c. Groupe Forage Major et Commission des lésions professionnelles, CA, 500‑09-006750-988, 2001-08-15, T. Rousseau-Houle

 

Guyon et Terminal maritime Sorel-Tracy et CSST, CLP, 125580-62B-9910, 2001-03-15, N. Blanchard

 

Fabricville CO. inc. et Goubran, CLP, 135999-71-0004, 2000-12-11, H. Rivard

 

Charbonneau et Réno-Dépôt inc. et CSST, CLP, 88764-72-9705 et 94272-72-9802, 1999‑12-20, D. Lévesque

 

Arno Électrique ltée et Dallaire, CLP, 147223-32-0009, 2001-07-10, M. Cusson

 

Restaurants McDonald du Canada ltée et Barchichat, CLP, 173703-72-0111, 2002‑10‑11, Y. Lemire

 

Laflamme et Construction C. Ricci & Fils inc., CLP, 192364-62-0210, 2003-06-09, H. Marchand

 

Construction Arno inc. et Rousseau, CLP, 191641-05-0210, 2003-11-03, F. Ranger

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR LE TRAVAILLEUR :

 

Goulet et Best Food, [1991] CALP 105 à 110

 

Cyr et Bombardier inc., [1993] CALP 1545 à 1561

 

Hôpital d’Argenteuil et Masse, [1994] CALP 662 à 671

 

Boulé et Comité paritaire de l’industrie automobile de Montréal et CSST, [1994] CALP 1684 à 1687

 

Guigue et CSST et Forage George Downing (Succession), [1995] CALP 1370 à 1378

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          Vol. 73-B, No. 4, July 1991, pp. 536 et 537

[3]          CS, juge Michel Côté, 1993-11-09, 90T460 [1998] CALP, 285 et 286

[4]          CA, 500-09-006750-988, 2001-08-15

[5]          Létourneau et Agrégats Dany Morissette inc., CLP, 124923-04-9910, 1999-11-23, A. Vaillancourt; Fortin et Accessoires d’ameublement AHF ltée, CLP, 146022-72-0009, 2001-05-31, F. Juteau

[6]          Fortier et AFG Industries ltée, CLP, 116416-32-9905, 1999-12-23, G. Tardif; Blier et Olymel Princeville, CLP, 125927-04B-9911, 2000-05-23, P. Brazeau; Fortin et Accessoires d’ameublement AHF ltée, clp, 146022-72-0009, 2001-05-31, F. Juteau; Gagné et Centres jeunesse Chaudière-Appalaches, CLP, 195365-03B-0211, 2003-04-09, M. Cusson (03LP-37)

[7]          Ville de Trois-Rivières Ouest et Piché, CLP, 117143-04-9905, 2000-03-31, P. Simard; Épiciers Unis Métro-Richelieu et Toussaint, CLP, 92484-32-9711, 1999-02-10, H. Thériault

[8]          Létourneau et Gestion P. Galipeau, [1996] CALP 357 ; Centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont et Stationnement Idéal inc., CALP, 67282-60-9503, 1996-06-12, F. Dion-Drapeau, révision rejetée, 1997-02-25, L. Boucher; Hydro-Québec et CSST, [1996] CALP 1609 ; Hydro-Québec et CSST, CALP, 63053-02-9410, 1995-10-05, J.-M. Dubois, révision rejetée, 1996-06-04, C. Bérubé

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