Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Paré et Quantum-loc.entrepôt, atelier, usine

2015 QCCLP 5488

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

14 octobre 2015

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

515698-62-1307

 

Dossier CSST :

119071140

 

Commissaire :

Michel Watkins, juge administratif

 

Membres :

Robert Dumais, associations d’employeurs

 

Nicole Milhomme, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Daniel Paré

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Quantum-loc.entrepôt,atelier,usine

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 6 novembre 2014, monsieur Daniel Paré (le travailleur) dépose une requête en révision ou révocation à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 21 octobre 2014 (CLP-2).

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille une requête en révision/révocation produite le 7 mars 2014 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à l’encontre d’une décision rendue le 27 janvier 2014 par la Commission des lésions professionnelles (CLP-1), décision visant deux dossiers.

[3]           Par cette décision du 27 janvier 2014, dans le dossier 515698-62-1307, CLP-1 accueillait la requête du travailleur et déclarait que celui-ci a droit au remboursement du coût des traitements dentaires de 59 $ réclamés ainsi qu’à la réparation des dents pour les traitements dentaires estimés à 406 $. Dans le dossier 530103-62-1312, CLP-1 accueillait également la requête du travailleur et déclarait qu’il a droit au remboursement pour le service d’audiologie réclamé.

[4]           Dans la première requête en révision/révocation déposée par la CSST à l’encontre de la décision rendue le 27 janvier 2014, requête qui ne visait que les seules conclusions retenues dans le dossier 515698-62-1307, la CSST soutenait que la décision de CLP-1 était entachée d’erreurs de faits et de droit manifestes au sens du troisième paragraphe de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[5]           Le 9 septembre 2014, une audience a eu lieu devant CLP-2, en présence de la procureure de la CSST, alors que le travailleur, ainsi que l’employeur, sont absents.

[6]           Le 21 octobre 2014, CLP-2 a accueilli cette première requête en révision/révocation, révisé la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 27 janvier 2014 et déclaré que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût des traitements dentaires de 59 $ réclamés ainsi qu’à la réparation des dents pour les traitements dentaires estimés à 406 $ pour la réparation de ses dents numéros 34, 43 et 33.

[7]           L’audience de la présente requête en révision ou révocation s’est tenue à Longueuil le 13 octobre 2015 en présence du travailleur, qui n’est pas représenté, et de la procureure de la CSST. L’employeur est absent, bien que dument convoqué. Le dossier est mis en délibéré le même jour.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[8]           Le travailleur demande de révoquer la décision de la Commission des lésions professionnelles du 21 octobre 2014 au motif que s’il a été absent lors de l’audience tenue le 9 septembre 2014, c’est parce qu’il n’avait pas reçu l’avis de convocation pour cette audience. Il invoque donc au soutien de sa requête l’application du second paragraphe de l’article 429.56 de la loi.

[9]           Quant au fond du litige, le travailleur demande au tribunal de rétablir la décision initiale de CLP-1 rendue le 27 janvier 2014 et de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût des traitements dentaires de 59 $ réclamés ainsi qu’à la réparation des dents pour les traitements dentaires estimés à 406 $.

L’AVIS DES MEMBRES

[10]        Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs partagent le même avis et croient que la requête en révocation ou en révision du travailleur doit être rejetée.

[11]        Les membres sont d’avis qu’aucun « motif suffisant », au sens du second paragraphe de l’article 429.56 de la loi, n’a été démontré par le travailleur. À cet égard, les membres sont d’avis que le témoignage du travailleur qui allègue simplement « ne pas avoir reçu l’avis de convocation » pour la tenue de l’audience du 9 septembre 2014 n’est nullement convaincant, alors que l’analyse du dossier révèle que cet avis a dûment été envoyé au travailleur, comme à toutes les parties au dossier et qu’aucun retour de courrier n’est parvenu au tribunal.

[12]        Quant à la possibilité que l’avis de convocation en question ait « peut-être été perdu », tel que le laisse entendre le travailleur, les membres sont d’avis qu’il ne s’agit en l’espèce que d’une pure hypothèse. De même, la possibilité que ledit avis ait été mis par erreur dans la boîte postale d’un voisin du travailleur n’expliquerait pas son absence à l’audience dans la mesure où, toujours selon le témoignage du travailleur, lorsqu’une telle erreur se produit, le voisin concerné remet au travailleur le courrier qui lui appartient.

[13]        Subsidiairement, les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont également d’avis que dans tous les cas, à la lumière du témoignage du travailleur, ils auraient maintenu la décision rendue par CLP-2 le 21 octobre 2014, la décision rendue par CLP-1 contenant une erreur manifeste et déterminante ayant mené à la conclusion retenue.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[14]        La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision doit décider s’il y a lieu de révoquer la décision CLP-2 rendue le 21 octobre 2014.

[15]        L’article 429.49 de la loi rappelle le caractère final et sans appel d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles. Cet article se lit comme suit :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[16]        Toutefois, le législateur a prévu l’exercice d’un recours en révision ou révocation à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles en présence de circonstances bien précises. Ce recours, qualifié d’exceptionnel, est prévu à l’article 429.56 de la loi qui énonce :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

[17]        Par ces dispositions, le législateur a voulu assurer la stabilité juridique des décisions rendues par le tribunal. En conséquence, il y a lieu d’interpréter celles-ci de façon à respecter les objectifs législatifs.

[18]        Comme l’a rappelé la Cour supérieure, dans le cadre des anciens articles 405 et 406 de la loi, mais dont le principe s’applique intégralement aux articles 429.49 et 429.56 qui les ont remplacés, les décisions du tribunal sont finales et sans appel et la Commission des lésions professionnelles, en révision, ne peut agir comme un tribunal d’appel[2].

[19]        Dans l’affaire Franchellini et Sousa[3] , il a été précisé que le pouvoir de révision ne peut servir de prétexte à une réappréciation de la preuve. De même, dans l’affaire Bourassa c. CLP[4], la Cour d’appel a rappelé que le recours en révision ou en révocation ne constitue pas un appel sur la base des mêmes faits et la Cour a précisé qu’il ne s’agit pas pour le tribunal en révision de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation. Il a de plus été énoncé que le recours en révision ou en révocation ne doit pas être vu comme une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments à ceux présentés initialement.

[20]        Dans le même sens, la Cour d’appel du Québec a réitéré, dans l’affaire Tribunal administratif du Québec c. Godin[5], que le recours en révision ne doit pas être une répétition de la procédure initiale ni un appel déguisé sur la base des mêmes faits et arguments.

[21]        Tout récemment, dans l’affaire Moreau et Régie de l’assurance maladie du Québec[6], la Cour d’appel du Québec a réitéré les circonstances où un tribunal administratif doit procéder à une révision ou une révocation de sa décision. Cette affaire impliquait le Tribunal administratif du Québec (TAQ) qui est régi par l’article 154, paragraphe 3, de la Loi sur la justice administrative[7] (LJA) qui offre un recours s’apparentant à celui prévu à l’article 429.56 de la présente loi. Dans cette affaire, la Cour d’appel du Québec a rappelé ce qui suit :

[42]      Tenant compte de sa propre réalité et de l’intérêt supérieur de la justice administrative [22], le TAQ doit considérer que l’article 154 (3) LJA s’applique de façon exceptionnelle.

 

 

[22]        Il n’est pas fréquent qu’une seconde requête en révision ou révocation soit produite dans un même dossier. Une seconde requête est toutefois toujours possible dans la mesure où la partie qui exerce son recours est en mesure de démontrer une nouvelle cause de révision par rapport à la première décision rendue en révision[8].

[23]        Par ailleurs, les motifs permettant la révision demeurent les mêmes, que ce soit dans le cadre d’une deuxième demande de révision ou révocation ou d’une première demande[9], d’autant plus qu’il ne s’agit pas de la même partie requérante, ni du même motif allégué au soutien de la requête.

[24]        Dans sa courte requête manuscrite du 5 novembre 2014, le travailleur demande au présent tribunal de « réviser » la décision rendue par CLP-2 le 21 octobre 2014 « puisque nous n’avons jamais reçu l’avis de comparution » pour l’audience qui a eu lieu le 9 septembre 2014. Il soutient donc qu’il n’a pu être entendu par le tribunal le 9 septembre 2014 et, en définitive, il invoque à sa requête le second paragraphe de l’article 429.56 de la loi.

[25]        La loi prévoit le droit pour une partie d’être entendue :

429.13.  Avant de rendre une décision, la Commission des lésions professionnelles permet aux parties de se faire entendre.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[26]        Pour ce faire, l’article 9 du Règlement sur la procédure et la preuve de la Commission des lésions professionnelles10 (le règlement) prévoit que « les avis », dont l’avis de convocation à l’audience, doivent être transmis par le tribunal aux parties à un litige et, le cas échéant, à leurs représentants.

9.  La Commission communique à la partie les procédures, les éléments de preuve, les avis et les autres informations relatifs au cheminement du dossier. Si une partie est représentée, les communications sont transmises au représentant.

 

Toutefois, même si elle est représentée, la partie reçoit communication des procédures qui ont un impact sur le maintien ou la fermeture du dossier de contestation ou sur la tenue de l'audience, ainsi que de la décision.

__________

D. 217-2000, a. 9; D. 618-2007, a. 8.

 

 

[27]        Les auteurs Pépin et Ouellette11 précisent que le « droit d’être entendu comprend généralement le droit pour l’administré d’obtenir un préavis, celui de présenter une preuve ou de faire des représentations et de contre-interroger, le droit de recevoir communication de la preuve utilisée contre lui et le droit d’obtenir un ajournement préventif de déni de justice ».

[28]        Ces principes sont repris dans le traité Droit administratif12 dans lequel les auteurs soulignent que la « règle audi alteram partem est la première de ces règles issues des principes de justice naturelle ou fondamentale » et que « son importance est telle qu’on doit la considérer comme la règle d’or du droit administratif ».

[29]        Selon ces auteurs13, avoir l’occasion de se faire entendre signifie essentiellement avoir le « droit de faire valoir ses moyens », autrement dit « avoir au minimum la possibilité de faire valoir ses représentations ou son point de vue, quelle que soit la méthode utilisée : un tribunal quasi judiciaire de même qu’une autorité administrative doit ainsi prendre connaissance des prétentions et arguments de l’administré avant de rendre une décision ».

[30]        Le deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi vise à protéger une partie qui n’aurait pas eu l’occasion, pour des raisons jugées suffisantes, d’être entendue par le tribunal avant qu’une décision, en principe finale et sans appel, ne soit rendue.

[31]        Lorsque la Commission des lésions professionnelles est saisie d’une requête en révocation qui s’appuie sur le deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi, elle doit apprécier la preuve en vue de déterminer si des raisons jugées suffisantes ont été démontrées pour expliquer que la partie n’a pu se faire entendre14.

[32]        Dans l’affaire Les viandes Du Breton inc. et Dupont15, la Commission des lésions professionnelles a rappelé que l’article 429.13 de la loi prévoit qu’avant de rendre une décision, le tribunal permet aux parties de se faire entendre. De plus, elle a rappelé que le droit d’être entendu à l’audience est un droit fondamental reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne16. Dans cette affaire, le tribunal a également précisé que les raisons jugées suffisantes ne correspondent pas à une impossibilité d’exercer son droit d’être entendu puisque le libellé utilisé par le législateur est plus souple.

[33]        Par ailleurs, dans l’affaire Hall c. C.L.P.17, la Cour supérieure a fait ressortir l’importance du droit d’être entendu, mais a souligné que cette règle n’a pas un caractère absolu puisqu’un « individu peut y renoncer, soit expressément, soit implicitement, ou par sa négligence »18, d’où la nécessité pour la partie qui invoque le deuxième paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi de démontrer qu’il n’y a pas eu négligence de sa part19.

[34]         Ceci étant, le fait qu’une partie n’ait pas été convoquée pour une audience, en raison d’une erreur administrative du tribunal ou d’une omission de sa part de faire parvenir un avis d’audience, a été retenu comme étant un « motif jugé suffisant » au sens du second paragraphe de l’article 429.56 de la loi20.

[35]        Il en va de même lorsqu’une partie établit, à l’aide d’une preuve jugée prépondérante, qu’elle n’a pas reçu un avis d’audience dûment envoyé par le tribunal, comme un envoi à une mauvaise adresse21 ou lorsqu’un représentant du travailleur qui, lui, avait été informé de la tenue de l’audience et qui a cessé de le représenter, a informé le tribunal que le travailleur ne pouvait être joint22.

[36]        Qu’en est-il en l’espèce ?

[37]        L’analyse du dossier et le témoignage du travailleur permettent de constater que monsieur Paré réside au […] dans la ville de Longueuil, et ce, depuis plusieurs années.

[38]        Tel qu’il appert du dossier, le tribunal a fait parvenir au travailleur le 23 décembre 2013, à cette adresse, un avis de convocation pour l’audience tenue le 17 janvier 2014 par CLP-1. Aucun retour de courrier ne fut noté au dossier et monsieur Paré était présent lors de cette première audience23.

[39]        Le 28 janvier 2014, le tribunal a fait parvenir au travailleur la décision rendue par CLP-1 le 17 janvier précédent, toujours à la même adresse.

[40]        Le 7 mars 2014, la CSST a produit une requête en révision à l’encontre de la décision du 17 janvier 2014. Le 10 mars, le tribunal faisait parvenir au travailleur une copie de ladite requête en révision, toujours à son adresse du […], à Longueuil.

[41]        Le 28 mai 2014 le tribunal, conformément à l’article 9 des Règles de preuve et de procédure, cité précédemment, a fait parvenir au travailleur l’avis d’enquête et d’audition en vue de la tenue d’une audience le 9 septembre 2014 et portant sur la requête en révision du 7 mars 2014 produite par la CSST. Aucun retour de courrier pour cet envoi par le tribunal, à l’adresse du travailleur, n’a été enregistré.

[42]        Le 3 juillet 2014, la CSST a informé le tribunal d’une substitution de procureur à son dossier. Le 4 juillet 2014, le tribunal a fait parvenir au travailleur, toujours à son adresse postale, une copie de cet avis de substitution de procureur.

[43]        Le 9 septembre 2014, une audience a été tenue par CLP-2 qui a noté au procès - verbal d’audience que le travailleur était absent. Le soussigné a écouté le début de l’enregistrement de l’audience tenue par CLP-2 et a pu constater que le juge a mentionné avoir constaté l’absence du travailleur, ainsi que de l’employeur, alors que ces parties auraient été « dûment convoquées ».

[44]        Le 21 octobre 2014, CLP-2 a rendu la décision par laquelle elle révisait la décision initiale du tribunal du 27 janvier 2014. Le même jour, le tribunal expédiait par la poste une copie de cette décision au travailleur, décision qu’a reçue monsieur Paré quelques jours plus tard, selon son témoignage.

[45]        Appelé par le tribunal a expliquer pourquoi il n’aurait pas reçu l’avis de convocation expédié par le tribunal le 28 mai 2014 l’avisant de la tenue d’une audience le 9 septembre 2014, audience portant sur la requête en révision produite par la CSST, alors qu’il a reçu tous les autres avis et communications écrites, monsieur Paré n’a pour toute réponse qu’il ne l’aurait pas reçu et qu’il ne peut expliquer la chose.

[46]        Le travailleur a par ailleurs confirmé qu’en tout temps l’adresse utilisée par le tribunal pour l’envoi des divers documents le concernant est la bonne puisqu’il habite à la même adresse depuis environ trois ans. De plus, le travailleur indique qu’il ne s’est pas absenté de son domicile à la période visée par l’envoi de l’avis de convocation en question.

[47]        Il suggère qu’il soit possible que le document ait été livré par erreur dans la boîte postale d’un voisin, le travailleur habitant dans un « bloc appartement ».

[48]        Interrogé plus avant sur cette possibilité, le travailleur reconnaît qu’il arrive en effet qu’il reçoive dans sa propre boîte postale du courrier appartenant  à un voisin, tout comme il arrive que son courrier soit mis dans la boîte postale d’un voisin. Toutefois, il convient que lorsque cela se produit, ses voisins lui apportent son courrier déposé par erreur dans une mauvaise boîte postale.

[49]        Avec égards, le tribunal estime que le travailleur n’a pas démontré un motif suffisant au sens du second paragraphe de l’article 429.56 de la loi.

[50]        Pour le tribunal, les explications fournies par le travailleur à l’effet qu’il n’aurait pas reçu l’avis de convocation pour l’audience du 9 septembre 2014 demeurent, au mieux, au stade de la pure hypothèse, alors que le dossier révèle que tous les documents envoyés par le tribunal au travailleur, sans exception, à l’adresse qui est la sienne depuis plusieurs années, ont tous été reçus par monsieur Paré.

[51]        Par ailleurs, aucun retour de courrier pour une livraison postale à une mauvaise adresse dudit avis de convocation du 28 mai 2014 n’a été enregistré au dossier et au surplus, si l’envoi en question avait été livré par erreur dans la boîte postale d’un voisin du travailleur, il ressort du témoignage même de monsieur Paré qu’en toute probabilité, ce voisin le lui aurait remis.

[52]        Lorsqu’une personne doit expliquer pourquoi elle n’aurait pas reçu un document qui la concerne, il est évident que celle-ci ne peut prouver les raisons ou les causes qui feraient en sorte que cette situation s’est produite. Par exemple, en l’espèce, le travailleur ne peut que difficilement prouver que le tribunal aurait omis de lui faire parvenir l’avis de convocation pour l’audience du 9 septembre 2014 alors même que le dossier montre que cet avis fut expédié à toutes les parties.

[53]        C’est pourquoi le soussigné doit apprécier le témoignage de celui qui affirme sous serment qu'il n'a pas reçu un document comme, en l’espèce, le fait le travailleur en regard de l’avis de convocation du 28 mai 2014 qu’il dit ne pas avoir reçu. Cette analyse du témoignage du travailleur doit se faire de façon globale, en considération de l’ensemble des éléments dont dispose le tribunal, dont le dossier « physique » soumis à son attention.

[54]        De l’avis du soussigné, le travailleur n’a établi aucune erreur ou omission de la part du tribunal à son égard dans l’envoi de la correspondance le concernant. En effet, l’ensemble du dossier montre bien que tous les documents adressés au travailleur par le tribunal lui ont été notifiés, sous réserve de l’avis de convocation pour l’audience du 9 septembre qui, selon le travailleur, ne l’aurait pas été, ce que ne croit pas le soussigné.

[55]        L’établissement d’un « motif jugé suffisant » au sens du second paragraphe de l’article 429.56 requiert minimalement une démonstration de circonstances particulières qui permettent d’inférer, sur la base de la prépondérance de la preuve, par exemple qu’un problème est survenu, qu’un manquement par le tribunal s’est produit dans l’expédition d’un document, qu’une partie n’a pu prendre connaissance d’un document, comme un avis de convocation, parce qu’elle était déménagée, absente, malade ou autrement empêchée de ce faire.

[56]        Rien de semblable n’a été soulevé par le travailleur en l’espèce.

[57]        Pour le soussigné, la preuve prépondérante au dossier milite davantage à retenir que le travailleur a fait preuve d’insouciance ou de négligence en regard de la tenue d’une audience dans son dossier. Le travailleur a été informé par le tribunal du dépôt d’une requête en révision par la CSST à l’encontre de la décision du 27 janvier 2014 qui lui était alors favorable et du fait qu’une substitution de procureur à la CSST dans ledit dossier avait été faite.

[58]        Il incombait au travailleur de démontrer un « motif jugé suffisant » pour lequel il n’aurait pu être entendu lors de l’audience du 9 septembre 2014. Or, le travailleur n’a pas établi, à la satisfaction du soussigné, un tel motif jugé suffisant.

[59]        Pour ce seul motif, la requête en révision ou en révocation produite par le travailleur le 5 novembre 2014 doit être rejetée.

[60]        Par ailleurs le tribunal, lors de la présente audience, après avoir reçu le témoignage du travailleur quant aux circonstances invoquées relativement au fait qu’il n’aurait pas reçu l’avis de convocation, éléments dont il a été discuté précédemment, lui a indiqué qu’il prenait sous réserve cette question de l’établissement d’un « motif jugé suffisant » au sens du second paragraphe de l’article 429.56 de la loi et, dans la mesure où le travailleur demandait de « réviser » la décision rendue par CLP-2 le 21 octobre 2014 pour rétablir les conclusions de CLP-1 du 17 janvier 2014, il lui a donc permis de témoigner quant aux faits relatifs aux frais et traitements pour lesquels il a produit une réclamation à la CSST.

[61]        À cet égard, le travailleur a réitéré les faits soumis au premier juge lors de l’audience tenue initialement le 17 janvier 2014 et rapportés à la décision du 27 janvier 2014.

[62]        Le soussigné tient à indiquer au travailleur, à la lumière de son témoignage et des faits rapportés par le premier juge à la décision du 27 janvier 2014, que dans tous les cas, il aurait rejeté sa requête en révision de la décision rendue le 21 octobre 2014 puisqu’il apparaît que cette dernière décision était bien fondée. La décision initiale du 27 janvier 2014 devait être révisée puisqu’elle contenait des erreurs de fait et de droit manifestes et déterminantes, comme retenu par CLP-2.

[63]        Pour l’ensemble de ces motifs, la présente requête en révision ou en révocation du travailleur doit être rejetée.

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision ou en révocation déposée par monsieur Daniel Paré, le travailleur, le 5 novembre 2014.

 

 

__________________________________

 

Michel Watkins

 

 

 

 

Me Lucie Rouleau

PAQUET THIBODEAU BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]          RLRQ, c. A-3.001

[2]        Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, C.S. Montréal 550-05-008239-991, 15 novembre 1999, j. Dagenais. Voir aussi Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.

[3]        Supra note 2.

[4]        [2003] C.L.P. 601 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 22 janvier 2004, (30009).

[5]        [2003] RJQ 2490 (CA).

[6]        2014 QCCA 1067.

[7]        RLRQ, c. J-3.

[8]        Tardif et Services ménagers Roy ltée, 2011 QCCLP 3386; Gadoury et Serres Gallichan ltée, 2011 QCCLP 7634; Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec et Établissement de détention de New Carlisle, 2013 QCCLP 190.

[9]        Canadien Pacifique et Scalia, C.L.P. 147844-71-0010, 2 juin 2005, L. Nadeau.

10       RLRQ, c. A-3.001, r. 12.

11       Gilles PÉPIN et Yves OUELLETTE, Principes de contentieux administratif, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1982, pp. 237-238.

12       Patrice GARANT avec la collaboration de Philippe GARANT et Jérôme GARANT, Droit administratif, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, pp. 609 et 621.

13       Patrice GARANT avec la collaboration de Philippe GARANT et Jérôme GARANT, loc. cit. note 12.

14       Imbeault et S.E.C.A.L., CLP 84137-02-9611, 24 septembre 1999, M. Carignan.

15       C.L.P. 89720-01A-9707, 18 décembre 2000, M. Carignan.

16       RLRQ, c. C-12.

17       [1998] C.L.P. 1076 (C.S.).

18       Beacon Plastics Ltd c. C.R.O., [1964] BR. 177.

19       Bérubé et G.D.S. Valoribois inc. (Div. Degelis) (F), 2014 QCCLP 748.

20       Voir par exemple : Gagnon et Couche-Tard inc. (Restaurant), 2014 QCCLP 4284.

21       Voir par exemple : Rioux et IEC Holden inc, C.L.P. 292191-64-0606, 12 novembre 2007, L. Nadeau (décision en révision pour cause); CSSS de la Matapédia, C.L.P. 333279-01A-0711, 6 octobre 2008, M. Lamarre (décision en révision pour cause);  Azimut Services NC et Jolicoeur, C.L.P. 325274-61-0708, 8 juillet 2008, S. Moreau (décision en révision pour cause).

22       Houle et Plomberie Dany Descoteaux inc., 2011 QCCLP 6963; Bérubé et G.D.S. Valoribois inc. (Div. Dégelis) (F), supra note 19.

23       Note du tribunal : tel qu’il appert du document « procès-verbal » du 17 janvier 2014.

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