Décision

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     LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE
     DE LESIONS PROFESSIONNELLES

     QUEBEC    MONTREAL, le 13 mars 1991

     DISTRICT D'APPEL  DEVANT LA COMMISSAIRE:   Anne Leydet
     DE MONTREAL

     REGION: HULL
     DOSSIERS: 09763-07-8810
          03226-07-8705

     DOSSIER CSST: 8478 341  AUDIENCE TENUE LE:        23 janvier 1991

     A:                       Hull

     Mme Pierrette Talbot
     25 Des Flammes #8
     Gatineau, (Québec)
     J8T 5V5

                               PARTIE APPELANTE

     ET

     C.H. La Pieta
     Direction du personnel
     273, rue Laurier
     Hull, (Québec)
     J8X 3W8
                              PARTIE INTERESSEE

     ET

     CSST - Outaouais
     Direction régionale
     15, boul. Gamelin
     Hull, (Québec)
     J8Y 6H5

                             PARTIE INTERVENANTE

                              D E C I S I O N

     La  travailleuse, madame Pierrette  Talbot, en appelle  le 20 mai
     1987,  auprès  de la  Commission  d'appel en  matière  de lésions
     professionnelles   (la   Commission   d'appel)   d'une   décision
     majoritaire du  bureau de révision  de l'Outaouais en date  du 24
     mars  1987.   Par sa  décision, le  bureau de  révision maintient
     celle rendue par la Commission de  la santé et de la sécurité  du
     travail  (la  Commission), en  date  du  11  novembre 1986.    La
     Commission   refuse  dans   celle-ci  de   faire  bénéficier   la
     travailleuse de mesures de réadaptation.
     

La travailleuse en appelle également auprès de la Commission d'appel, le 29 septembre 1988, d'une décision rendue par la Commission le 17 août 1988. La Commission décide qu'il n'y a eu, suite à la récidive du 25 septembre 1985, aucune aggravation de l'atteinte permanente reconnue à la travailleuse. Celle-ci n'a donc pas droit à une indemnité pour dommages corporels.

OBJET DE L'APPEL La travailleuse demande à la Commission d'appel d'infirmer les décisions mentionnées ci-dessus, et de déclarer que la travailleuse a subi une atteinte permanente en relation avec sa lésion, qu'elle a donc droit à une indemnité pour dommages corporels, ainsi qu'à la réadaptation.

LES FAITS Le 25 septembre 1985, la travailleuse, une préposée aux bénéficiaires à l'emploi du Centre hospitalier La Pieta, l'employeur, subit une douleur au bas du dos en soulevant un patient. Le docteur Grondin, consulté le même jour, pose le diagnostic de hernie discale L4 - L5 probable, et réfère la travailleuse au docteur Bourdeau, qui prend celle-ci en charge le 4 octobre 1985. Il pose à cette date le diagnostic d'entorse lombaire, et réfère la patiente en physiothérapie.

La réclamation faite par la travailleuse auprès de la Commission, est acceptée et la travailleuse est indemnisée.

Les traitements de physiothérapie commencent le 13 novembre 1985, à raison de quatre fois par semaine, pour ce qui est qualifié de «entorse lombaire ainsi que début de hernie discale». Dans un rapport d'étape du 19 décembre 1985, il est noté par le physiothérapeute que la travailleuse va relativement bien et que la douleur ressentie à sa jambe droite se fait de plus en plus occasionnelle. La travailleuse étant un peu plus fonctionnelle, il est décidé de lui faire faire ses exercices à domicile. Un autre rapport d'étape du 16 janvier 1986 révèle que la condition de la travailleuse s'est améliorée, qu'elle ne ressent plus de douleur dans la jambe droite mais qu'un engourdissement demeure persistant.

Dans un rapport du 24 janvier 1986, le docteur Bourdeau mentionne le diagnostic de hernie discale, indique qu'un traitement de physiothérapie de six semaines additionnelles sera tenté, et qu'à défaut d'amélioration, il faudra envisager la chirurgie. Le docteur Bourdeau demande de plus une consultation au docteur Roberge. Ce dernier examine la travailleuse le 30 janvier 1986, et note que l'amélioration est graduelle. Une radiographie prise le même jour démontre un bon alignement vertébral. Il existe une minime ostéophytose marginale au niveau de la partie supérieure de L4. Les corps vertébraux et les espaces sont préservés. Il y a de minimes gouttelettes de contraste radio-opaque au niveau lombaire post-myélographie. Il n'y a pas, par ailleurs, d'anomalie significative démontrée.

Le 27 février 1986, le docteur Roberge note une bonne amélioration de l'entorse lombaire droite et suggère qu'il soit mis fin aux traitements de physiothérapie. Toutefois, selon le rapport final du physiothérapeute, il n'est mis fin à ces traitements que le 14 avril 1986. La travailleuse ressent toujours à cette date une douleur lombaire basse sans signes neurologiques. Un CT Scan lombaire est obtenu le 19 avril 1986; les disques aux niveaux L3, L4 et L5 sont d'apparence normale.

Le 18 juin 1986, le docteur Bourdeau complète un rapport final dans lequel il indique ce qui suit: «Douleur sacro-iliaque droite (ostéoarthrite) Diète pour perdre du poids débutée, devrait être réorientée dans un travail plus léger.» La lésion est jugée consolidée au 18 juin 1986. Le docteur Bourdeau suggère une évaluation médicale par un autre médecin.

Ce médecin indique qu'il n'y a pas selon lui d'atteinte permanente à l'intégrité physique. Mais il coche que la lésion entraîne encore des limitations fonctionnelles, mais que les limitations fonctionnelles antérieures n'ont pas été aggravées.

Le 20 juin 1986, la Commission demande au docteur Bourdeau de compléter une évaluation médicale sommaire sur les séquelles objectivables et les restrictions au travail qu'elles entraînent.

Le 22 juillet 1986, le docteur Bourdeau répond: «A l'examen légère limitation de flexion antérieure (3 pouces du sol) qui reproduit une douleur à la région sacro-iliaque droite. Par ailleurs, rachis normal.

Ne peut faire de travail en position debout de façon prolongée ni lever des charges.» Le docteur Bourdeau inscrit que lors de son examen, la travailleuse n'était pas en état de reprendre son travail, mais que l'accident ne laissera pas de séquelles permanentes.

Le 11 novembre 1986, la Commission rend la décision suivante: «Après étude de votre dossier, nous regrettons de vous informer que nous ne pouvons vous accorder le droit à la réadaptation. En effet, votre lésion n'a pas laissé de séquelles objectives laissant prévoir une atteinte permanente.

Par ailleurs, vous êtes protégée par le droit du retour au travail, conformément aux articles 234 à 246 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.» Le 13 novembre 1986, le docteur Bourdeau complète un second rapport final dans lequel il indique, cette fois-ci, qu'il y a atteinte permanente. Il écrit que la douleur lombaire persiste, et que sa patiente devrait être bénéficiaire d'une réorientation professionnelle.

Le 21 novembre 1986, la travailleuse conteste la décision de la Commission en date du 11 novembre 1986.

Le 2 mars 1987, le docteur Bourdeau écrit ce qui suit: «Madame Pierrette Talbot souffre actuellement d'une sciatalgie droite suite à un accident de travail en septembre 1986.

Cette douleur est une récidive d'un accident de travail de janvier 1980. Actuellement il n'y a aucune amélioration prévue de sa condition. Il s'agit d'un déficit permanent et elle ne pourra pas reprendre un travail régulier exigeant de soulever des charges.

Donc cette patiente mérite d'être réhabilitée dans un autre travail.» Le 24 mars 1987, le bureau de révision rend la décision dont appel.

Le 9 novembre 1987, la Commission transmet la lettre suivante à la travailleuse: «A la suite de l'entrée en vigueur du Règlement sur le barème des dommages corporels, il est maintenant possible pour la CSST de traiter votre dossier en regard de vos séquelles permanentes.

Vous avez cependant la responsabilité de prendre rendez-vous avec votre médecin traitant pour qu'il fasse l'évaluation de vos séquelles. Lorsque vous communiquerez avec votre médecin, n'oubliez pas de lui mentionner qu'il s'agit d'une évaluation de l'atteinte permanente à votre intégrité physique ou psychique.

Pour nous permettre de suivre l'évolution de votre dossier, auriez-vous l'obligeance de répondre au questionnaire ci-joint «Demande de renseignements pour évaluation» et de la faire parvenir d'ici 15 jours à l'adresse indiquée plus haut.

Si votre médecin traitant ne peut faire votre évaluation et qu'il est dans l'impossibilité de vous fournir le nom d'un autre médecin, n'oubliez pas de nous l'indiquer à la question 2 de la «Demande de renseignements pour évaluation». Nous communiquerons à nouveau avec vous dans les meilleurs délais. Cette démarche est importante pour que nous puissions acheminer le dossier médical à votre médecin si cela s'avérait nécessaire.

Quant à la troisième lettre »Evaluation des dommages corporels» également jointe, vous devez inscrire les coordonnées de votre rendez-vous et la remettre à votre employeur si vous devez vous absenter de votre travail pour vous faire évaluer.

Dans le cas où cette évaluation vous occasionnerait des frais de déplacement ou autres, ils vous seront remboursés par la CSST sur présentation des pièces justificatives originales accompagnées du formulaire ci-joint «Réclamation de frais».

Nous vous remercions de votre collaboration et si vous désirez des renseignements supplémentaires, n'hésitez pas à communiquer avec nous.

Le 26 février 1988, le docteur Couillard examine la travailleuse en vue de compléter le formulaire d'évaluation médicale et bilan des séquelles de la travailleuse. Il signera cette évaluation le 12 avril 1988. Celle-ci se lit comme suit: «1. DIAGNOSTIC PREEVALUATION; Lombalgie A.E. Hernie disco-lombaire L4-L5 2. PLAINTES ET PROBLEMES: Douleurs chroniques à la fesse droite radiant au genou droit «pression à la fesse droite» douleurs à la région sacrée gauche «picottement à la cuisse droite», brûlements au bas- dos. Douleurs à l'effort causant des sensations de «brûlures» surtout à la fesse supérieure droite.

3. ANTECEDENTS PERTINENTS A LA LESION PROFESSIONNELLES: Incident de 1981 où la patiente a subie des douleurs au bas-dos avec sensation de «brûlures» récidivantes en 1985 où la patiente traumatise son dos lors d'un transfert de patient.

4. MEDICATION: Tylénol, Motrin 400mg, la patiente n'est actuellement sous aucune thérapie active. Aucune chirurgie antérieure. La patiente s'est déjà prêtée à des traitements de physiothérapie pour une période de 5 mois sans aucun résultat positif ni amélioration. La myélographie lombaire du 10 septembre 1980 démontrait une encoche à la hauteur de L4-L5 compatible avec une hernie discale. Le CT Scan de la région lombo-sacrée en date du 19 avril 1986 par ailleurs indiquait une apparence normale des disques au niveau L3-L4-L5. On ne pouvait pas identifier aucune hernie discale ou sténose spinale.

5. EXAMEN PHYSIQUE: La patiente pèse 209 lbs, l'examen O.R.L. est sans particularité, la thyroide n'est pas palpable, aucune adénopathie cervicale, l'oscultation des poumons est sans particularité, l'examen du système cardio-vasculaire indique une tension artérielle à 130/80, le poul est à 84 et régulier, aucune distention jugulaire. La poitrine et l'abdomen démontrent une obésité importante, aucune évidence de hernie, aucune masse palpable à l'abdomen, les extrémités inférieurs sont sans particularité, les pouls sont symétriques, les réflexes tendineux sont brisques au genou droit, le signe Lasègue ne peut pas être élicité du fait que la patiente est obèse. L'examen du rachis ne démontre aucune scoliose, la flexion du tronc se fait à 70 .

L'extension du tronc se fait à 30 . La flexion latérale droite est normale à 30 de même que la flexion latérale gauche, la rotation du tronc est normale à 30 .

6. EXAMEN DE LABORATOIRE: Myélographie 1980 (encoche à la hauteur L4-L5). Le CT Scan 1986 (espaces discaux L3-L4-L5 d'apparence normale, aucune évidence d'hernie discale, aucune évidence de sténose spinale).

7. Aucune aggravation 8. BILATERALITE: N.A.

9.SEQUELLES: La patiente ne peut soulever aucun poids de plus de 5 kilos sans difficultés ou douleurs apparentes. Rotation à droite douloureuse, station debout prolongée (plus de 5 minutes) douloureuse, extension du tronc douloureuse. Engourdissement en position assise prolongée (5 à 10 minutes) à la fesse droite. Marche à distance réduite, douleurs et brûlements à plus de 100 pieds.

10. N/C 11. CONCLUSION: Maladie disco-lombaire. Obésité importante.» (SIC) Au chapitre des séquelles, le docteur Couillard inscrit, 2% pour une entorse avec des séquelles fonctionnelles, et 3% pour une ankylose incomplète.

Le 6 juin 1988, le médecin régional de la Commission, le docteur Raymond Dion, transmet la lettre suivante au docteur Couillard: «Nous avons reçu récemment votre rapport d'évaluation médicale de l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique (A.P.I.P.P.) du bénéficiaire ci- haut mentionné.

Après étude de ce rapport, nous croyons qu'il y aurait certaines corrections à y apporter. Nous les indiquons en annexe. Si vous êtes d'accord avec ces modifications, veuillez compléter le nouveau formulaire ci-joint, inscrire la date, signer et nous le retourner sans délai.» Les corrections suggérées par le médecin de la Commission au bilan des séquelles se lisent comme suit: «Séquelles actuelles -Entorse avec séquelles fonctionnelles: 204 004 2% -«Ankylose» ne s'applique pas.

Séquelles antérieures -Hernie discale L4 L5 prouvée par myélographie : 204 148 2% -Ankylose incomplète: 207 608 3% flexion antérieure 6" planche (70 ).» Les séquelles antérieures sont, selon une note du docteur Dion, afférantes à une évaluation effectuée le 11 février 1981, dans le dossier 7142 360.

Le 22 juin 1988, le docteur Couillard approuve les modifications suggérées par le médecin de la Commission à son bilan des séquelles.

Le 17 août 1988, la Commission rend la décision dont appel, décision qui se lit ainsi: «A la suite de la récidive que vous avez subie le 25 septembre 1985, l'évaluation médicale de votre état de santé faite par le docteur Serge Couillard le 22 juin 1988 démontre qu'il n'y a aucune aggravation de votre atteinte permanente. Par conséquent, vous ne pouvez donc pas recevoir une indemnité pour dommages corporels.» Il appert de la preuve faite à l'audience, que la travailleuse a subi un premier accident de travail à la colonne lombaire en janvier 1980, alors qu'elle occupait le même emploi, quoique de jour. Une myélographie lombaire faite à l'époque a révélé la possibilité d'une hernie discale en L4-L5. Après avoir subi divers traitements, la travailleuse a réintégré son emploi de préposée aux bénéficiaires, cette fois-ci sur le quart de soir, quelque dix-huit mois après cet accident. La travailleuse ne s'est vue allouer aucun déficit anatomo-physiologique en raison de cette lésion.

La travailleuse témoigne devoir entre autres servir les repas aux patients du Centre, les baigner, et, le cas échéant changer les couches. Ses tâches l'amènent à transférer les patients de leur lit à une chaise et vice versa, à les changer de côté lorsque couchés, pour éviter les plaies de lit, etc... La travailleuse doit également être sur ses gardes pour éviter toute violence d'un patient agressif. Il s'agit là d'un travail qu'elle qualifie de lourd.

Depuis sa lésion professionnelle survenue en 1985, la travailleuse dit être limitée dans ses activités, telles le ménage, les sports, l'épicerie. La travailleuse n'a pas autant de force, et la position assise prolongée lui cause une sensation de brûlure au bas du dos. Tout mouvement de rotation du tronc l'affecte.

La travailleuse précise qu'elle était préposée aux bénéficiaires sur appel, mais qu'elle était ainsi appelée à travailler 8 à 10 jours par deux semaines. Lorsqu'elle fut avisée du refus de la Commission de lui procurer des services de réadaptation, elle a communiqué avec l'employeur qui finit par l'affecter, après entraînement, à un poste de téléphoniste, sur appel, en janvier 1986. Dans ce dernier emploi, la travailleuse n'est toutefois appelée à travailler qu'un à deux jours par deux semaines.

La travailleuse signale enfin que son médecin, le docteur Bourdeau, n'aimait pas la nouvelle paperasse requise pour l'application de la loi à compter de 1985. Toutefois, elle reconnaît que «ça à bien fonctionné», malgré les difficultés rencontrées par le docteur Bourdeau, et qu'elle a été indemnisée.

Le docteur Raymond Dion est le médecin régional de la Commission pour le bureau de Hull. Il rappelle qu'à l'époque où le docteur Couillard a transmis son bilan des séquelles permanentes de la travailleuse, le nouveau Barème de déficits anatomo- physiologiques venait d'être mis en vigueur. Il arrivait que les médecins ayant charge de travailleurs communiquent avec le médecin régional - la seule instance au sein de la Commission qui soit disponible - pour obtenir de l'information sur les modalités d'application du Barème. Toutefois, la grande majorité de ces médecins, plus ou moins au fait de ces modalités, se contentent de transmettre leur bilan des séquelles à la Commission, bilan qui, dans les premiers temps, n'était souvent pas conforme aux dispositions du Barème. Dans ces circonstances, le docteur Dion a pris sur lui de communiquer avec ces médecins pour les informer de la façon appropriée d'appliquer le Barème. Le docteur Dion donnait son opinion sur l'application du Barème en référence avec le cas en cause et, s'il en arrivait à une entente avec son interlocuteur, lui faisait ensuite parvenir une demande de corrections sur la lettre formulaire de la Commission préparée à cette fin.

Le docteur Dion qualifie le rôle qu'il a ainsi joué dans l'évaluation des séquelles de divers travailleurs, de rôle d'«informateur» et non de «moralisateur». Le docteur Dion valide ainsi la «qualité» de l'information reçue, mais non pas son «bien-fondé» (ex. à savoir si, oui ou non, le travailleur est véritablement porteur de séquelles X, plutôt qu'Y).

C'est dans ce contexte qu'on a présenté pour validation au docteur Dion, l'évaluation du docteur Couillard. Le docteur Couillard ayant fait référence dans celle-ci, à la hernie discale constatée en 1980, il lui fallait spécifier, au bilan des séquelles, l'existence de cette séquelle antérieure, justifiant le calcul d'un taux de déficit anatomo-physiologique de 5% selon le code prévu du Barème. De plus, il se trouve que l'ankylose incomplète à laquelle fait référence le docteur Couillard dans son bilan, avait également été constatée à l'occasion d'une expertise effectuée en février 1981 à la demande de la Commission. Donc, cette ankylose, par ailleurs correctement évaluée à 2%, devait être inscrite sous la rubrique des séquelles antérieures. Reste la séquelle «actuelle», soit une entorse dont les séquelles fonctionnelles ont été objectivées, et que le docteur Couillard évalue correctement à 2%. En effet, on ne peut plus parler de hernie discale, celle-ci n'étant plus évidente selon le rapport de la tomodensitométrie effectuée en 1986.

L'ankylose incomplète constatée déjà en 1981 ne peut être incluse sous le vocable des séquelles actuelles, le Barème ne permettant pas l'attribution d'un déficit anatomo-physiologique à cet égard dans le contexte où seule une entorse a été diagnostiquée, ce qui est le cas en ce qui a trait à la lésion professionnelle subie en 1985. Le docteur Dion explique enfin que la reconnaissance dans les faits, ou non, de l'existence d'une atteinte permanente par la Commission pour ce qui est d'une lésion antérieure, n'a aucun impact sur l'évaluation que doit faire le médecin ayant charge, de la lésion actuelle. Le Barème l'oblige à tenir compte, du point de vue médical, des séquelles antérieures.

Le docteur Dion a donc communiqué ses observations au docteur Couillard, qui a convenu de modifier dans le sens des remarques du docteur Dion, son évaluation. Par la suite, le docteur Dion a transmis au docteur Couillard sa demande de corrections. Le docteur Dion explique que c'est ainsi qu'il a opéré pour valider les évaluations transmises par les médecins ayant charge des travailleurs dans tous les cas. Il dépose un «livre de bord» énumérant quelque soixante évaluations ainsi validées pendant une période de six mois allant de novembre 1988 à mai 1989.

ARGUMENTATION Le procureur de la travailleuse rappelle que, dans son rapport du 18 juin 1986, le docteur Bourdeau a reconnu l'existence de limitations fonctionnelles chez la travailleuse nécessitant la réorientation professionnelle de cette dernière. L'existence de limitations fonctionnelles sera réaffirmée par le docteur Bourdeau dans son évaluation médicale sommaire du 22 juillet 1986.

Or, la jurisprudence est à l'effet que si des limitations fonctionnelles demeurent, c'est que la travailleuse a subi une atteinte permanente à son intégrité physique: Jolin - Gagnon et Hôpital Marie-Claret (1989) CALP 319 ; Villeneuve et Centre hospitalier Régina (1988) CALP 494 ; Enair et Turchek Construction Inc. CALP 08215-60-8806, 30/10/90; Morel et Centre Routhier Inc.

(1988) CALP 523 ; Couto et Construction Salvador et Couto Inc.

(1988) CALP 569 .

Il est vrai que dans son rapport final du 18 juin 1986, le docteur Bourdeau a inscrit qu'il ne demeurait pas d'atteinte permanente. Toutefois, le 13 novembre 1986, le docteur Bourdeau a corrigé cette erreur dans un rapport final amendé. Qui plus est, ce médecin a rédigé par la suite une lettre dans laquelle il confirme l'existence d'une atteinte permanente.

La Commission a fait, à tort, une lecture littérale du rapport final du 18 juin 1986. Puisque l'atteinte permanente existe bel et bien, la travailleuse a droit à la réadaptation.

La travailleuse a, de surcroît, droit à une indemnité pour dommages corporels. La Commission, en vertu de l'article 224 de la loi, était liée par les conclusions du docteur Couillard relatives aux taux de déficit à allouer pour les séquelles énumérées à son bilan. Le seul moyen de contestation à la disposition de la Commission était celui prévu à la loi, à son article 214. L'intervention du docteur Dion était tout à fait irrégulière, et la Commission a excédé sa juridiction en faisant reposer sa décision sur les résultats de l'intervention illégale du docteur Dion: Lepage et CSST, C.S. 405-05-000158-898, 23/02/90, jge A. Biron.

La Commission d'appel doit exercer la compétence que lui confèrent les articles 400 et suivants de la loi, et rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. Les conclusions du docteur Couillard doivent être rétablies, et le droit à une indemnité pour dommages corporels reconnue.

L'employeur soumet que seul le premier rapport final du docteur Bourdeau en date du 18 juin 1986, devait être retenu par la Commission. En effet, l'article 203 de la loi n'envisage que l'émission d'un seul et unique rapport final faisant état des conclusions médicales qui sont énumérées à cet article. De plus, en l'espèce, la preuve médicale au dossier est prépondérante à l'effet qu'il n'y a pas d'atteinte permanente. Le docteur Bourdeau, le premier, n'en prévoit aucune. Loin d'avoir commis une erreur dans son rapport final du 18 juin 1986, le docteur Bourdeau a affirmé de nouveau dans une évaluation médicale sommaire du 22 juillet 1986, qu'il n'y avait pas d'atteinte permanente.

Ce n'est que quatre mois plus tard qu'un rapport final modifié est soumis par le docteur Bourdeau, et il y a lieu de mettre en doute la légitimité des motifs ayant poussé ce médecin à agir ainsi.

La Commission était donc liée par la conclusion émise dans le rapport final du 18 juin 1986, et en l'absence d'atteinte permanente, ne pouvait reconnaître à la travailleuse, un droit à la réadaptation, vu le libellé de l'article 145 de la loi: Michaels et O.M. Truck Center Inc., (1987) CALP 581 .

De toute façon, la travailleuse s'est bel et bien réadaptée, et a réintégré un emploi équivalent, en l'occurrence un emploi de téléphoniste sur appel, comme l'était son emploi de préposée aux bénéficiaires.

La Commission a par ailleurs mal formulé sa décision du 17 août 1988, relative au refus d'une indemnité pour dommages corporels.

En effet, si la Commission a refusé de verser une indemnité pour dommages corporels, c'est parce que l'existence d'une atteinte permanente n'a jamais été reconnue. En fait, l'évaluation des séquelles été reconnue. En fait, l'évaluation des séquelles permanentes n'aurait jamais dû être demandée, en l'absence d'un rapport final du docteur Bourdeau concluant à une atteinte permanente.

La loi ne prévoit aucun mécanisme au moyen duquel un travailleur peut contester un rapport final émis par le médecin qui en a charge. L'obtention par la travailleuse d'un second rapport final du docteur Bourdeau constitue un moyen détourné pour contester les conclusions émises par ce médecin, contestation que ne permet aucunement la loi.

Le procureur de l'employeur conclut que la Commission n'était liée que par le seul rapport final valable, soit, le premier en date du 18 juin 1986. L'atteinte permanente n'y étant pas reconnue, aucune indemnité pour dommages corporels ne pouvait être versée à la travailleuse.

Le procureur de la Commission rappelle que le bureau de révision n'avait pas compétence pour se saisir de l'aspect de la décision de la Commission du 11 novembre 1986 relatif à la question d'atteinte permanente, cette question ne pouvant être soumise qu'à un arbitre.

Le bureau de révision devait donc, à partir de la prémisse posée par le rapport final du 18 juin 1986, conclure qu'il n'est demeuré aucune atteinte permanente en relation avec la lésion subie en 1985. Le bureau de révision n'avait donc d'autre choix, vu le libellé de l'article 145 de la loi, que de constater l'absence de droit à la réadaptation.

Le procureur de la Commission rappelle également qu'aucun droit d'appel n'est reconnu par la loi à un travailleur insatisfait de l'avis de son médecin traitant sur des questions médicales. La contestation de la travailleuse auprès du bureau de révision de la décision du 11 novembre 1986 était irrécevable, et la Commission d'appel doit elle aussi conclure à l'absence de droit à la réadaptation.

Le procureur de la Commission rappelle également qu'aucun droit d'appel n'est reconnu par la loi à un travailleur insatisfait de l'avis de son médecin traitant sur des questions médicales. La contestation de la travailleuse auprès du bureau de révision de la décision du 11 novembre 1986 était irrecevable, et la Commission d'appel doit elle aussi conclure à l'absence de compétence sur cet appel: Guilbert et Service de ressorts Gilbert Inc. CALP 08904-04-8808, 1er octobre 1990; Pronovost et Prinoduc Inc. CALP 12277-02-8807, 30 octobre 1990.

Le procureur de la Commission soumet que la Commission était bien fondée de rendre une décision sur le pourcentage de l'atteinte permanente. En attente de procéder sur l'appel de la décision du bureau de révision, la Commission n'avait d'autre choix que de faire évaluer la travailleuse «au cas où».

La décision de la Commission en date du 17 août 1988 était finale, quant à la travailleuse. Cette dernière ne pouvait contester cette décision en vertu des articles 358 et 359 de la loi. La Commission d'appel n'a donc pas plus compétence pour se saisir de la question de l'évaluation du pourcentage d'atteinte permanente.

Subsidiairement, et quant au fond, la Commission plaide qu'elle a agi dans le cadre des pouvoirs qui lui sont décernés par la loi, en rendant la décision du 17 août 1988.

Le procureur de la Commission dépose la jurisprudence traitant de la légalité de la procédure administrative par laquelle la Commission obtient du médecin ayant charge qu'il fasse des corrections sur ses rapports. Celle-ci n'est pas unanime: Produits American Biltrite Ltée et CSST, C.S. 450-05-000927-893, l'honorable Juge Toth, 19/01/90; Lepage et CSST, C.S. 405-05- 000168-898, l'honorable Juge Biron, 23/02/90, en appel; Vorselle et Ministère du revenu, CALP 12111-03-8906, 7/09/90; Lavoie- Therrien et Les Centres d'accueil Laval, CALP 15578-61-8912R1, 25/10/90; Madore et CSST, CS 250-05-000130-898, l'honorable Juge Boisvert, 27/11/90.

Le procureur de la Commission souligne que cette dernière se porte garante du fonds d'accidents. La procédure administrative en cause reflète le souci de bonne gestion de la Commission.

Cette procédure n'a pour seul objet que d'assurer la conformité des évaluations aux exigences requises par le Barème, et non pas de mettre en doute le bien-fondé de l'évaluation en soi. Cette procédure est raisonnable et permet d'éviter des arbitrages inutiles. En l'espèce, la Commission était bien fondée de faire appel à cette procédure, le rapport du docteur Couillard étant incomplet, puisqu'il ne tenait pas compte des séquelles antérieures.

En réplique, le procureur de la travailleuse soumet que l'accident de 1985 a dû nécessairement aggraver la condition de la travailleuse suite à son premier accident de 1981.

L'existence d'une atteinte permanente est évidente, eu égard aux limitations fonctionnelles reconnues par le docteur Bourdeau. La travailleuse n'a pas été réadaptée dans un emploi équivalent, comme voudrait le laisser croire le procureur de l'employeur.

Enfin, la travailleuse pouvait parfaitement en appeler auprès de la Commission d'appel des deux décisions de la Commission, puisque celles-ci ont été irrégulièrement rendues. C'est non pas le rapport de son médecin que la travailleuse conteste, mais bien les vices de procédure commis par la Commission qui ont pour effet de rendre les décisions rendues, nulles et non avenues.

MOTIFS DE LA DECISION Il importe, avant qu'il ne soit traité des diverses questions dont la Commission d'appel est saisie, de bien cerner les faits et la portée juridique de ceux-ci.

Dans son rapport final du 18 juin 1986, le docteur Bourdeau inscrit qu'il n'existe pas d'atteinte permanente. En soi, cette inscription ne surprend pas. Dans deux des rapports médicaux précédents, le docteur Bourdeau avait déjà indiqué qu'il ne prévoyait pas d'atteinte permanente. Le docteur Roberge, à qui la travailleuse avait été référée, a émis cette même opinion à trois reprises. Seul le docteur Morin, dans son rapport du 2 avril 1986, prévoit une telle atteinte... mais attend le résultat du scan, qui s'avèrera négatif, et en tout état de cause, retourne la travailleuse au médecin qui en a charge, le docteur Bourdeau.

Ce dernier, on l'a vu, écrit le 18 juin 1986, qu'il n'y a pas d'atteinte permanente, mais qu'il demeure encore des limitations fonctionnelles. Cette mention de limitations fonctionnelles pousse précisément la Commission à requérir du docteur Bourdeau qu'il précise les séquelles objectivables et, le cas échéant, les restrictions qu'elles entraînent.

Dans son évaluation médicale sommaire complétée le 22 juillet 1986, le docteur Bourdeau réitère qu'il ne croit pas que l'accident pourrait laisser des séquelles permanentes. Sans la production de cette évaluation, on aurait peut-être pu penser que le docteur Bourdeau avait commis une simple erreur d'écriture dans son rapport du 18 juin 1986. Mais ce n'est pas le cas, puisque ce médecin indique clairement une deuxième fois, son opinion à l'effet qu'il n'existe pas d'atteinte permanente.

Mais, dira-t-on, le docteur Bourdeau énonce du même souffle des séquelles objectivables (légère limitation de flexion antérieure) et des restrictions (éviter la position debout prolongée et ne pas lever de charges).

A ce sujet, il est intéressant de constater d'une part que la limitation de flexion antérieure constatée par le docteur Bourdeau est la même que celle notée par le docteur Morin le 6 novembre 1980, alors que ce médecin traitait la travailleuse consécutivement à un accident de travail subi le 12 janvier 1980.

D'autre part, il faut également remarquer que le docteur Bourdeau avait, au préalable, mentionné dans son rapport final du 18 juin 1986, la présence d'ostéoarthrite. Rappelons que la radiographie faite le 30 janvier 1986 avait révélé une minime ostéophytose marginale au niveau de L4. Il avait été auparavant fait mention de cette ostéoarthrite dans un rapport du docteur Morin en date du 29 janvier 1980.

Enfin, dans ce même rapport final du 18 juin 1986, le docteur Bourdeau mentionne que la travailleuse a entrepris une diète.

L'état d'obésité de la travailleuse avait déjà été constaté par le docteur Morin le 19 février 1980, et les 26 septembre et 6 novembre 1980, ce médecin recommandait à la travailleuse de perdre environ cent livres, ce qui semble ne pas avoir été le cas.

Au 22 juillet 1986, le docteur Bourdeau n'élabore pas sur la cause précise des limitations qu'il énumère.

Mais, comme on peut le constater, les limitations fonctionnelles dont fait état le docteur Bourdeau peuvent être facilement reliées à l'une ou l'autre des trois considérations mentionnées ci-haut... tout comme elles peuvent être reliées à l'accident de travail du 25 septembre 1985.

Ce qui est certain, c'est qu'à pas moins de quatre reprises, en particulier au moment de la consolidation et un mois après cette date, le docteur Bourdeau certifie d'abord qu'il ne prévoit pas, et ensuite qu'il n'y a pas d'atteinte permanente en relation avec la lésion. Il est donc permis de penser que les limitations fonctionnelles dont il fait mention sont plutôt reliées à une condition personnelle ou encore à un accident de travail antérieur, et que dans un tel contexte, la suggestion d'une réorientation de la travailleuse dans un emploi moins exigeant découle plutôt d'une étude d'ensemble du cas de la travailleuse, et non pas de la lésion professionnelle subie le 25 septembre 1985, comme telle.

La Commission d'appel ne peut accepter l'argument que, puisque le docteur Bourdeau constatait l'existence de limitations fonctionnelles, c'est qu'il pensait sûrement qu'il demeurait une atteinte permanente. Une telle déduction pourrait être faite dans certaines circonstances, par exemple dans le cas où le médecin est demeuré silencieux sur la question d'existence de l'atteinte. Mais le faire dans l'espèce, équivaudrait à ignorer totalement deux déclarations écrites du docteur Bourdeau qui sont sans contredit à l'effet contraire.

La Commission d'appel conclut de la preuve médicale au dossier que le docteur Bourdeau était, à tout le moins jusqu'à la veille du 13 novembre 1986,d'avis qu'il n'existait aucune atteinte permanente à l'intégrité physique de la travailleuse, conclusion émise entre autres dans un rapport final du 18 juin 1986.

La travailleuse soumet que la Commission aurait dû modifier sa décision sur réception du rapport final modifié du docteur Bourdeau, en date du 13 novembre 1986, qui prévoit l'existence d'une atteinte permanente.

Dans sa note du 2 mars 1987, le docteur Bourdeau énonce que la sciatalgie persistante de la travailleuse est une récidive de l'accident de travail de janvier 1980. Or, tant dans le premier que le second rapport final, le docteur Bourdeau coche l'indication que les limitations fonctionnelles antérieures ne se sont pas aggravées. Est-ce à dire que le déficit permanent dont ce médecin fait mention le 2 mars 1987, en est un qui remonte à 1980? Bref, même s'il pouvait être tenu compte de ce rapport final, il n'est pas sûr qu'il faudrait en conclure que la travailleuse demeure avec une atteinte permanente en relation avec sa lésion professionnelle.

Quoi qu'il en soit, la Commission d'appel n'a pas à décider de ce point, car elle croit qu'il ne peut être tenu compte, en l'espèce, de ce second rapport final.

Il est vrai qu'en vertu du premier alinéa de l'article 224 de la loi, la Commission est liée par les conclusions du médecin ayant charge: 224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212.

Cependant, si un arbitre rend un avis en vertu de l'article 221 infirmant le diagnostic ou une autre conclusion de ce médecin, la Commission devient liée par cet avis et modifie sa décision en conséquence, s'il y a lieu.

L'article 203 de la loi expose par ailleurs ce qui suit: 203. Dans le cas du paragraphe 1 du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2 du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant: 1 le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règle ment; 2 la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion; 3 l'aggravation des limitations fonctionnelles du travailleur qui résultent de sa lésion; Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

Le but juridiquement poursuivi par l'émission d'un rapport final, est entre autres, celui de la détermination, par la Commission, après arbitrage le cas échéant, de la poursuite du droit à l'indemnité de remplacement de revenu après la consolidation, ainsi que du droit éventuel à une indemnité pour dommages corporels... sans parler du droit à la réadaptation.

L'usage par le législateur du terme «final» indique, par ailleurs, l'intention de ce dernier d'encourager les médecins ayant charge de travailleurs à apporter, en autant que faire se peut, aux opinions émises par ceux-ci dans leurs rapports sommaires et rapports d'évolution de la pathologie, une conclusion définitive, et ce, dès que la lésion est consolidée.

La Commission d'appel n'a pas été mise au fait de circonstances qui lui permettraient de conclure qu'il y a lieu de reconnaître que c'est le rapport du 13 novembre 1986, et non pas celui du 18 juin 1986, qui constitue le rapport reflétant les conclusions finales par lesquelles la Commission est liée en vertu de l'article 224 de la loi.

On ne peut dire dans le cas présent que le deuxième rapport final se veut être une correction apportée diligemment à une erreur d'écriture commise au préalable par le médecin qui a charge. La Commission d'appel s'est exprimée plus haut à ce sujet.

Il ne s'agit pas non plus d'un changement d'opinion fondé sur une évolution inattendue de la pathologie après l'émission d'un premier rapport final.

Ce sont là, parmi d'autres, deux situations factuelles particulières qui pourraient amener la Commission d'appel à retenir un rapport final amendé ou modifié, aux fins de rendre une décision sur, par exemple, le droit d'un travailleur à la réadaptation.

Le cas en espèce est tout différent.

Pour un, la Commission note que ce second rapport final a été émis immédiatement après la décision du 11 novembre 1986, refusant la réadaptation en l'absence d'une atteinte pertinente, décision qui a été communiquée verbalement à la même date à la travailleuse, selon ce qu'il appert des notes évolutives de la Commission. De plus, ce second rapport apparaît au dossier, près de quatre mois après le premier, quatre mois pendant lesquels aucune autre consultation n'a eu lieu, et pendant lesquels aucun autre traitement n'a été administré.

La Commission d'appel conclut plutôt qu'en obtenant un second rapport final du docteur Bourdeau, la travailleuse cherche à faire annuler le premier rapport émis le 18 juin 1986, étant insatisfaite des conséquences qu'a ce rapport, sur son droit à la réadaptation, de l'avis du docteur Bourdeau sur la question d'atteinte permanente.

Ce faisant, la travailleuse fait usage d'un moyen détourné pour contester l'avis de son propre médecin, sur l'atteinte permanente, ce que la loi ne permet pas: Pronovost et Pronoduc Inc., supra; Guilbert et Service de ressorts Guilbert Inc., supra. En effet, le travailleur ne peut, en aucun temps, remettre en question les conclusions apparaissant au rapport de son propre médecin. Ce principe se dégage des articles 206, 212 et 214 de la loi, qui limitent les contestations à celles formulées par le travailleur, lorsqu'il s'agit d'un rapport d'un médecin désigné par la Commission, ainsi qu'à celles formulées par l'employeur, ou la Commission même.

Pour tous ces motifs, la Commission d'appel ne peut faire reposer sa décision sur le rapport du 13 novembre 1986, le seul rapport final valable au dossier étant celui du 18 juin 1986.

Indépendamment de tout cela, la travailleuse plaide, jurisprudence à l'appui, que l'existence reconnue des limitations fonctionnelles qui l'affligent, fait en sorte que l'on doive lui reconnaître une atteinte permanente, et donc le droit à la réadaptation.

Dans Morel c. Centre Routhier Inc. (supra), la Commission avait décidé que le travailleur n'avait pas droit à la réadaptation, parce que son médecin n'avait pas identifié de séquelles permanente. De fait, le médecin s'était limité dans ses rapports à «recommander» l'affectation à d'autres tâches et à identifier une limitation fonctionnelle, sans par ailleurs conclure qu'il existait une atteinte permanente.

La Commission d'appel déclare ce qui suit: «La Commission d'appel considère qu'il n'est pas absolument nécessaire que le médecin qui a charge du travailleur énonce dans un rapport de façon spécifique les mots «atteinte permanente» pour qu'on puisse conclure qu'il est d'avis que ce travailleur présente une telle atteinte.

On peut en effet induire une telle conclusion lorsque le médecin, tout en indiquant que la lésion professionnelle dont un travailleur a été victime est consolidée, indique, à titre d'exemple, que le travailleur ne peut reprendre le travailleur exercé avant la lésion professionnelle parce qu'il présente une limitation fonctionnelle permanente, c'est-à-dire une limite permanente aux structures ou aux fonctions atteintes par rapport à ce qui est considéré normal sur le plan psychique, physiologique ou anatomique.

(...) La Commission d'appel conclut donc qu'en l'instance la preuve révèle que le travailleur conserve une atteinte permanente à son intégrité physique en raison de la maladie professionnelle dont il a été victime, cette atteinte permanente consistant en la réaction qu'entraînent certaines substances présentes dans l'atmosphère de son milieu de travail.» La Commission d'appel croit effectivement qu'en l'absence d'indication formelle d'existence d'une atteinte permanente par le médecin traitant, on puisse néanmoins inférer des autres commentaires de ce même médecin que telle est la conclusion à laquelle il en arrive. Mais en l'espèce, le docteur Bourdeau a spécifiquement énoncé à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas d'atteinte permanente.

Dans Jolin-Gagnon et Hôpital Marie-Claret, supra, la Commission d'appel a déclaré, p. 327: «...la Commission d'appel est d'avis que les limitations fonctionnelles permanentes de la travailleuse qui font suite à sa lésion professionnelle et qui l'empêchent de reprendre son travail normal impliquent nécessairement la présente de séquelles, d'une atteinte permanente à l'intégrité physique.

(Nous avons souligné) En l'espèce, la travailleuse présente des limitations fonctionnelles. Mais il est loin d'être évident que ces limitations fonctionnelles font suite à la lésion subie le 25 septembre 1985.

Comme il l'a été dit plus haut, il est permis de penser le contraire, puisque le docteur Bourdeau déclare par ailleurs qu'il n'y a pas d'atteinte permanente.

Dans l'affaire Jolin-Gagnon, la Commission d'appel était saisie d'une décision de la Commission faisant suite à l'arbitrage demandé par l'employeur, à l'effet qu'aucune atteinte permanente ne lui étant reconnue, la travailleuse n'avait pas droit à la réadaptation sociale. Le médecin ayant charge de la travailleuse avait suggéré la réadaptation et accordait à la travailleuse une pourcentage d'atteinte permanente.

De même, dans Enair et Furchek Construction Inc., CALP 08215-60- 8806, 8 août 1990, la Commission d'appel était là aussi saisie d'une décision de la Commission faisant suite à un arbitrage, à l'effet qu'il ne demeurait aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Le médecin ayant charge du travailleur avait prévu à son rapport final l'existence d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Tel n'est pas le cas en l'instance.

Enfin dans Villeneuve et Centre Hospitalier Régina, (supra), la Commission d'appel était également saisie d'une décision de la Commission, faisant suite à l'avis d'un arbitre, refusant l'admission de la travailleuse au service de réadaptation sociale, celle-ci n'ayant subi aucune atteinte permanente. Dans cette affaire, les divers médecins ayant examiné la travailleuse étaient d'opinion qu'elle était incapable d'exercer ses fonctions habituelles de préposée, en raison de sa lésion professionnelle.

Le médecin en ayant charge avait prévu, à son rapport final l'existence d'une atteinte permanente. Encore une foi, les faits sont tout autres en l'espèce.

Bref, la jurisprudence citée au soutien de la position de la travailleuse, n'est pas applicable en l'espèce.

De tout ce qui précède, il y a lieu de conclure qu'aux fins de rendre une décision sur le droit à la réadaptation, la Commission était liée par l'avis du docteur Bourdeau émis le 18 juin 1986, quant à l'existence d'une atteinte permanente.

L'article 145 de la loi édicte: 145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

C'est donc à bon droit que la Commission a rendu la décision du 11 novembre 1986.

La travailleuse a contesté directement auprès de la Commission d'appel la décision de la Commission du 17 août 1988, lui refusant toute indemnité pour dommages corporels pour le motif qu'elle n'a pas subi d'aggravation de son atteinte permanente.

L'article 397, premier paragraphe, de la loi, énonce ce qui suit: 397. La Commission d'appel connaît et dispose exclusivement à toute autre tribunal, de: 1 tout appel interjeté en vertu de la présente loi; 2 tout appel interjeté en vertu des articles 37.3 et 1983 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).

(...) Il ressort du dossier et de la preuve, que la travailleuse conteste le fait qu'aucune atteinte permanente ne lui ait été reconnue, et par le fait même, en l'absence d'un pourcentage d'atteinte permanente, qu'aucune indemnité pour dommages corporels ne lui ait été versée.

Le sujet de l'existence d'une atteinte permanente et, le cas échéant, d'un pourcentage d'atteinte permanente, sont parmi les sujets énumérés à l'article 212 de la loi, à propos desquels seule une contestation à l'arbitrage en vertu des articles 212, 206 t 214 est permise.

Comme il l'a été dit plus haut, la travailleuse ne peut elle-même contester cette question à l'arbitrage. Or, en vertu de l'article 360 de la loi, seules les questions médicales qui ont été déterminées par un arbitre, peuvent-elles faire l'objet d'un appel direct à la Commission d'appel.

La Commission d'appel doit conclure à l'absence de compétence dans toute autre cas: Guilbert et Service de Ressorts Guilbert Inc. (supra).

Mais, de plaider la travailleuse, c'est plutôt la procédure irrégulière dont s'est servie la Commission pour rendre sa décision, et non pas la question médicale d'atteinte permanente en soi, qui constitue l'objet de son appel.

Dans cette hypothèse, il faudrait conclure que ce sont les articles 358 et 359 de la loi qui s'appliquent: 358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision par un bureau de révision constitué en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou 233 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de l'article 256.

359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par un bureau de révision à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut en interjeter appel devant la Commission d'appel dans les 60 jours de sa notification.

La travailleuse n'a jamais demandé la révision de la décision du 17 août 1988. En l'absence d'une décision du bureau de révision sur son bien-fondé, on voit mal comment il pourrait en avoir été interjeté appel valablement auprès de la Commission d'appel en vertu de l'article 359 de la loi.

Encore là, la Commission d'appel devrait conclure à l'absence de compétence.

Mais le procureur de la travailleuse va plus loin, et soumet qu'en faisant valider l'évaluation du docteur Couillard, par son médecin régional, le docteur Dion, la Commission a, en quelque sorte, contesté elle-même la conclusion du médecin ayant charge sur le pourcentage de l'atteinte permanente. Le docteur Dion s'est ainsi, de façon fictive et illégale, érigé en arbitre dans ce dossier. Et ce serait par l'avis qu'il a émis sur l'évaluation du pourcentage d'atteinte permanente, que la Commission se serait implicitement déclarée liée dans sa décision du 17 août 1988. Sous un tel angle, la décision en question en serait une concernant «une question d'ordre médical déterminée par l'arbitre en vertu de l'article 221» à l'encontre de laquelle un appel pouvait être interjeté en vertu de l'article 360 de la loi.

La Commission d'appel ne peut se rallier à cet argument et ce, pour les raisons suivantes.

Il est peut-être vrai que, comme l'écrit l'Honorable juge Biron dans l'affaire Lepage et CSST, supra, en appel, que la Commission ne peut, sans passer outre à sa juridiction, agir sur le médecin ayant charge d'un travailleur et obtenir une évaluation modifiée lorsqu'elle n'est pas d'accord avec les conclusions de ce médecin.

Mais, en l'espèce, l'intervention du docteur Dion ne procède aucunement d'un désaccord avec l'évaluation faite par le docteur Couillard, mais plutôt de la constatation que cette évaluation est incomplète, puisqu'elle omet de faire mention des séquelles antérieures.

Le docteur Dion ne conteste même pas l'opinion du docteur Couillard que la travailleuse ait pu subir une entorse avec des séquelles fonctionnelles... Ironiquement, on voit à quel point le docteur Dion, dans ces actions et dans son témoignage devant la Commission d'appel, prend ses distances par rapport à la décision antérieure de la Commission, qui constate l'absence d'une atteinte permanente.

Si, au contraire, le docteur Dion avait exprimé au docteur Couillard une opinion visant à faire radier la mention d'une entorse avec séquelles fonctionnelles, ou celle d'une ankylose, la Commission d'appel en serait peut-être arrivée à la conclusion que la Commission par la voie de son médecin, avait cherché à passer outre la procédure d'évaluation médicale prévue à la loi, pour les motifs exposés dans l'affaire Lepage, supra.

Dans le cas qui nous occupe, la Commission n'a fait qu'user de son pouvoir administratif de gérance du régime de réparation et d'indemnisation des accidentés du travail.

Dans l'exercice de ce pouvoir, la Commission doit respecter les règles de justice naturelle. La Commission d'appel n'a aucune indication de ce que ces règles n'aient pas été respectées. Le docteur Dion a donné son opinion au docteur Couillard, puis lui a laissé le libre choix de corriger ou non son évaluation. Aucune preuve n'a été faite à l'effet que le docteur Dion ait fait quelque pression que ce soit sur le docteur Couillard pour qu'il modifie son évaluation, ou que le docteur Dion ait induit le docteur Couillard en erreur. En cela, les faits sont différents de l'affaire Urgel Côté et C.I.P. Inc, CALP 08305-07-8807, 19 décembre 1990.

Dans un tel contexte le fait que la travailleuse n'ait pas été informée de la communication entre le médecin de la Commission et le médecin ayant charge n'enfreint pas la règle audi alteram partem, de l'opinion de la Commission d'appel, puisque, dans tous les cas un travailleur n'a jamais voix au chapitre dans la détermination par son médecin des questions d'ordre médical mentionnées à l'article 212 de la loi.

La Commission d'appel est d'avis, tout comme l'Honorable juge Biron, que le législateur n'a pas donné juridiction à la Commission «d'établir des politiques qui vont à l'encontre du système établi, de la procédure établie par la loi.» Toutefois, et avec respect, la Commission d'appel est d'opinion que le législateur a donné à la Commission le pouvoir d'établir des politiques visant à rendre l'administration d'une loi techniquement complexe, plus efficace. La politique dont a fait état le docteur Dion, ne contrevient pas, en soi, à la procédure d'évaluation médicale prévue par la loi. Elle permet plutôt à la Commission d'assurer en équité, d'après le mérite réel et la justice du cas, le traitement d'un dossier.

Il se peut cependant, que la façon d'appliquer dans certains cas d'espèce, une telle politique, contrevienne à la loi. C'est peut-être ce qui s'est produit dans l'affaire Lepage. Il restera à la Cour d'appel d'en décider.

En l'espèce, la Commission d'appel ne croit pas que la Commission ait agi illégalement. Et sa décision du 17 août 1988 ne peut être interprétée comme ayant été «fictivement» rendue suite à l'avis d'un arbitre, donnant ainsi ouverture à l'appel en vertu de l'article 360 de la loi.

Quoi qu'il en soit, la Commission d'appel, si elle avait compétence sur le second appel, ne pourrait que constater que la décision de la Commission en date du 17 août 1988 est sans objet vu sa conclusion sur le premier appel concernant la décision du 11 novembre 1986. L'absence de toute atteinte permanente en relation avec la lésion ayant été confirmée par la Commission d'appel plus avant dans cette décision, il en découle qu'il n'existe aucun pourcentage d'atteinte permanente, ni aucun droit à une indemnité pour dommages corporels en relation avec la lésion professionnelle du 25 septembre 1985.

On comprend mal d'ailleurs pourquoi la Commission a requis, en 1987, l'évaluation du pourcentage d'une atteinte permanente, dont elle avait par ailleurs déjà confirmé l'inexistence le 11 novembre 1986...

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LESIONS PROFESSIONNELLES: REJETTE l'appel de la travailleuse, madame Pierrette Talbot dans le dossier 03226-07-8705; CONFIRME la décision du bureau de révision du 24 mars 1987, ainsi que celle rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail en date du 11 novembre 1986; DECLARE que la travailleuse, n'ayant subi aucune atteinte permanente en relation avec sa lésion professionnelle subie le 25 septembre 1986, elle n'a pas droit à la réadaptation prévue à l'article 145 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles; ET DECLARE irrecevable l'appel de la travailleuse, madame Pierrette Talbot, dans le dossier 09763-07-8810.

_______________________ Anne Leydet Commissaire C.S.N. - OUTAOUAIS a/s Me Pierre Gauthier 1601, avenue de Lorimier Bureau 164 Montréal, (Québec) H2K 4M5 Représentant de la partie appelante Me Charles Saucier 31 rue Bourque Hull, (Québec) J8Y 1X2 Représentant de la partie intéressée Chayer, Panneton, Lessard a/s Me Daniel Malo 1199 De Bleury, 12e étage Montréal, (Québec) H3B 3H9 Représentant de la partie intervenante

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.