Décision

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Hernandez-Gallardo c. Bouchard (Air Fusion)

2018 QCCQ 880

COUR DU QUÉBEC

(Division des petites créances)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

(Chambre civile)

N° :

500-32-153638-160

 

 

DATE :

21 février 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE DOMINIQUE GIBBENS, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

saray hernandez-gallardo

-et-

david mederos-de-la-nuez

Demandeurs

c.

FRANÇOISE BOUCHARD (f.a.s.n. Air fusion)

-et-

ACTIVE ÉLECTRIQUE INC.

Défenderesses

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Les demandeurs réclament 2 500 $ à Françoise Bouchard (faisant affaire sous le nom d’Air Fusion), dont ils ont retenu les services pour fournir et installer chez eux un nouveau système de chauffage biénergie, ainsi qu’à Active Électrique inc. (« Active Électrique »), à qui les travaux d’installation électriques ont été sous-contractés.

[2]           Ils soutiennent que les travaux d’installation électrique n’ont pas été exécutés correctement et qu’Hydro-Québec a exigé des correctifs avant de leur permettre de bénéficier du tarif réduit propre à ce type de système tel qu’on leur a promis.

[3]           Le montant réclamé correspond au coût des travaux correctifs requis par Hydro-Québec (753,09 $) et à l’économie dont ils auraient été privés vu le retard à pouvoir bénéficier des tarifs réduits d’électricité (1 746,91 $).

[4]           Mme Bouchard n’a pas répondu à l’assignation; la preuve révèle qu’elle a été mise en faillite. Conformément à l’article 69.3 (1) de Loi sur la faillite et l’insolvabilité[1], lequel prévoit qu’à compter de la faillite, les créanciers d’un débiteur ne peuvent intenter ou continuer quelque recours, le Tribunal doit suspendre les procédures à son endroit.

[5]           Quant à Active Électrique, elle nie toute responsabilité envers les demandeurs. Elle plaide que le contrat invoqué par les demandeurs est intervenu avec Mme Bouchard et que cela fait obstacle à tout recours contre elle. Subsidiairement, elle soutient que l’installation du système a été effectuée selon les règles de l’art, que les correctifs requis par Hydro-Québec étaient des travaux additionnels à ceux qui lui ont été confiés à l’origine et qu’elle n’était pas tenue de les exécuter sans compensation additionnelle que les demandeurs ont refusé de payer.

QUESTIONS EN LITIGE

[6]           Le litige soulève les questions suivantes :

a)       Les demandeurs ont-ils un droit de recours contre Active Électrique?

b)       Le cas échéant, ont-ils droit aux montants réclamés?

CONTEXTE FACTUEL

[7]           En octobre 2015, un contrat intervient entre les demandeurs et Mme Bouchard, qui fait alors affaire sous le nom d’Air Fusion (le « Contrat »), aux termes duquel Air Fusion doit fournir et installer un système biénergie composé d’une thermopompe à eau chaude, d’une nouvelle entrée électrique et d’un panneau électrique de 200 ampères, le tout pour un prix total de 10 387,75 $, incluant 2 500 $ (taxes en sus) pour l’installation électrique[2].

[8]           M. Daniel Pitre, représentant d’Air Fusion, leur représente qu’après vérification de l’installation du système, Hydro-Québec installera un nouveau compteur et qu’ils pourront dès lors bénéficier de tarifs d’électricité réduits.

[9]           Le système est installé le 15 octobre 2015. Les travaux d’installation électrique sont sous-contractés à Active Électrique et sont effectués par M. Rénald Lefebvre.

[10]        Trois mois plus tard, Hydro-Québec n’a toujours pas vérifié les installations. Les demandeurs communiquent alors eux-mêmes avec Hydro-Québec et sont avisés qu’il y a une défectuosité dans l’installation électrique et que des correctifs doivent être apportés au niveau du câble de branchement pour rencontrer les exigences d’Hydro-Québec.

[11]        Les demandeurs contactent M. Lefebvre afin qu’il effectue les correctifs et sont avisés que Mme Bouchard est en faillite et qu’il n’a pas été payé pour les travaux effectués chez eux. Il exige un paiement de 500 $ plus taxes pour procéder aux travaux requis par Hydro-Québec. Les demandeurs ne veulent pas payer et insistent qu’il s’agit de corriger des travaux qu’il a mal effectués. M. Lefebvre ne veut rien entendre.

[12]        Le 15 juin 2016, les demandeurs mettent Mme Bouchard en demeure de procéder aux travaux correctifs dans un délai de 10 jours[3]. Leur lettre demeure sans réponse et, le 10 août 2016, ils déposent leur demande en l’instance à la fois contre Mme Bouchard et Active Électrique.

[13]        La demande est initialement fondée sur un estimé du coût des travaux correctifs à effectuer[4]. Les travaux sont éventuellement effectués en novembre 2016 au coût de 753,09 $[5].

ANALYSE

a)            Les demandeurs ont-ils un droit de recours contre Active Électrique?

[14]        Pour faire obstacle à la réclamation, Active Électrique soumet dans un premier temps que puisque le Contrat qu’ils invoquent est intervenu avec Mme Bouchard, les demandeurs n’ont aucun droit de recours contre elle.

[15]        Active Électrique a raison de soutenir qu’elle n’a pas contracté avec les demandeurs et, partant, que ces derniers ne peuvent fonder leur recours contre elle sur un manquement au Contrat intervenu avec Mme Bouchard.

[16]        Cela ne signifie pas pour autant que les demandeurs soient sans recours possible contre Active Électrique.

[17]        En effet, l’article 2120 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») impose au sous-entrepreneur une responsabilité légale pour les malfaçons (défauts ou imperfections dans l’ouvrage) affectant les travaux qu’il a exécutés et ce, même en l’absence d’un lien contractuel avec le client[6]. Active Électrique est donc tenue envers les demandeurs à une garantie contre les malfaçons existant au moment de la réception de ses travaux ou découvertes dans l’année suivante[7].

[18]        Pour avoir gain de cause contre Active Électrique aux termes de cette garantie, les demandeurs doivent démontrer par une preuve prépondérante[8] l’existence de malfaçons dans les travaux d’installation électrique. Ils soutiennent avoir démontré que tel est le cas. La défectuosité ou malfaçon serait due au fait que l’installation électrique n’était pas conforme aux exigences d’Hydro-Québec et qu’un nouveau branchement a dû être fourni et installé par un autre entrepreneur électricien pour corriger la situation[9].

[19]        Active Électrique nie qu’il y ait eu malfaçon. Elle soutient que les travaux requis par Hydro-Québec ne visent pas à corriger des travaux mal faits, mais sont plutôt des travaux additionnels à ce qui a été fait à l’origine. Selon la contestation, M. Lefebvre aurait en effet avisé les demandeurs et le représentant d’Air Fusion au moment de l’installation en octobre 2015 d’une « anomalie » pouvant amener Hydro-Québec à refuser de raccorder le nouveau système et nécessiter des travaux additionnels, dont le coût aurait été estimé à l’époque à 500 $ (taxes en sus).

[20]        Les demandeurs nient catégoriquement avoir été avisés de quelque anomalie dans les travaux électriques effectués par M. Lefebvre. Ils affirment que si la possibilité qu’Hydro-Québec refuse l’installation électrique telle qu’effectuée, ils auraient exigé que cela soit corrigé immédiatement de manière à assurer l’installation rapide d’un compteur biénergie par Hydro-Québec.

[21]        Le Tribunal accepte leur version des faits. Ils ont offert un témoignage crédible, franc et convaincant, alors que M. Lefebvre n’a pas été entendu. Par ailleurs, il semble improbable aux yeux du Tribunal que les demandeurs auraient accepté de prendre quelque chance que ce soit qu’Hydro-Québec refuse l’installation électrique. Aussi, les termes du Contrat et ceux du sous-contrat d’Active Électrique[10] tendent à confirmer que les travaux électriques devaient inclure tout ce qui était requis pour permettre le branchement d’Hydro-Québec.

[22]        Le Tribunal conclut donc à la lumière de la preuve à l’existence de malfaçons au sens de l’article 2120 C.c.Q. dont Active Électrique doit être tenue responsable, n’ayant pas démontré que ces malfaçons étaient dus au client ou tombaient complètement en dehors du champ de la garantie[11].

 

b)           Le cas échéant, les demandeurs ont-ils droit aux montants réclamés?

[23]        La responsabilité d’Active Électrique doit toutefois être limitée au coût des travaux correctifs qu’ont dû faire effectuer les demandeurs, à savoir 753,09 $[12].

[24]        En effet, les demandeurs n’ont pas prouvé à la satisfaction du Tribunal le montant de l’économie de consommation d’électricité dont ils auraient été privés. Au surplus, le retard subi dans le branchement de leur système à Hydro-Québec est dû en partie à leur décision d’attendre avant de faire effectuer les travaux correctifs.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie de la demande;

SUSPEND les procédures en ce concerne la défenderesse Françoise Bouchard (f.a.s.n. Air Fusion);

CONDAMNE Active Électrique inc. à payer à Saray Hernandez-Gallardo et David Mederos-de-la-Nuez la somme de 753,09 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’assignation (10 août 2016);

LE TOUT, AVEC FRAIS DE JUSTICE au montant de 100 $ représentant les frais judicaires payés sur la demande.

 

 

__________________________________

DOMINIQUE GIBBENS, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

23 octobre 2017

 



[1]     L.R.C. 1985, c. B-3

[2]     Pièce P-1.

[3]     Mise en demeure du 15 juin 2016 (pièce P-5).

[4]     Estimé de Marivid Électrique inc. (pièce P-9).

[5]     Facture de Marivid Électrique inc. (pièce P-10).

[6]     Vincent KARIM, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), Contrat de prestation de services et l’hypothèque légale, 3e édition, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, no 1484, p. 604.

[7]     Article 2120 C.c.Q.

[8]     Articles 2803 et 2804 C.c.Q.

[9]     Pièces P-9 et P-10.

[10]    Pièce D-1.

[11]    Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, para. 39-40, pp. 50 à 53; J. DESLAURIERS, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 2013, para. 2499 à 2503, pp. 824-826.

[12]    Pièce P-10.

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