Bergeron c. Mariette Clermont inc. |
2014 QCCQ 3843 |
||||||
COUR DU QUÉBEC |
|||||||
« Division des petites créances » |
|||||||
CANADA |
|||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||||
DISTRICT DE |
LAVAL |
||||||
LOCALITÉ DE |
LAVAL |
||||||
« Chambre civile » |
|||||||
N° : |
540-32-025606-128 |
||||||
|
|
||||||
|
|||||||
DATE : |
9 mai 2014 |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
YVAN NOLET, J.C.Q. |
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
|
|||||||
KARYNE BERGERON |
|||||||
Partie demanderesse |
|||||||
c. |
|||||||
MARIETTE CLERMONT INC. |
|||||||
Partie défenderesse |
|||||||
|
|||||||
|
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
JUGEMENT |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
[1] Karyne Bergeron réclame à Mariette Clermont inc. (« Magasin M.C. ») l'annulation de la vente d'un ensemble de fauteuils « Bergerac sectionnel by cast Testa di Moro » (« l'ensemble ») et le remboursement de la somme de 2 874,47 $ payée pour celui-ci.
[2] En défense, Magasin M.C. soutient avoir vendu un grand nombre de ces ensembles sans aucun problème. Son représentant ajoute avoir offert à madame Bergeron diverses modalités afin de régler le litige, sans succès.
[3] Magasin M.C. soutient enfin que la demande de madame Bergeron est injustifiée, compte tenu des circonstances.
LES FAITS
[4] Début janvier 2006, madame Bergeron recherche des fauteuils en cuir pour son salon. Son choix s'arrête sur l'ensemble qu'offre la défenderesse. À l'origine, le prix régulier de cet ensemble est de 3 899 $, mais la vente est effectuée au prix de 2 874,47 $.
[5] Le vendeur lui recommande de laver les fauteuils uniquement avec de l'eau chaude, ce qu'effectue la demanderesse lorsque requis.
[6] Le technicien de la demanderesse mentionne que le cuir de cet ensemble peut demeurer sans problème en très bon état pour une durée d'environ une douzaine d'années.
[7] Madame Bergeron ajoute que l'ensemble est installé dans son salon et que cette pièce n'est pas fréquentée régulièrement par ses enfants qui bénéficient d'une salle familiale. Ainsi, ce n'est certes pas l'usure due à une utilisation intensive de l'ensemble qui peut être à l'origine de la détérioration du cuir.
[8] En août 2011, madame Bergeron constate que le cuir est fendillé à un endroit précis de l'ensemble. Un technicien de la demanderesse se rend chez elle et l'informe de la possibilité de réparer le cuir au coût de 200 $, mais lui précise que cette réparation paraîtra.
[9] Madame Bergeron n'est pas convaincue que la réparation est la solution. Diverses propositions sont effectuées par la défenderesse à la demanderesse. Malgré des échanges entre les parties en 2011, aucune solution n'intervient.
[10] La demanderesse effectue des démarches afin de savoir ce qu'il en coûterait de recouvrir d'une nouvelle peau de cuir l'ensemble compte tenu que la structure de celui - ci est en très bon état.
[11] Elle met en demeure la défenderesse de lui payer la somme de 2 000 $ afin de faire recouvrir d'une nouvelle peau de cuir l'ensemble. Sans réponse de la défenderesse, elle intente son recours contre la défenderesse en décembre 2012.
DISCUSSION ET CONCLUSION
[12] Ce dont se plaint madame Bergeron, c'est que le cuir de l'ensemble acheté est affecté d'un problème de durabilité.
[13] L'article 2803 du Code civil du Québec indique que « Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. […] ». Ainsi, il revient donc à madame Bergeron de prouver ses prétentions concernant les problèmes du cuir de l'ensemble.
[14] L'article 2804 du Code civil du Québec précise une règle importante qui doit guider le Tribunal dans l'analyse de la preuve présentée par les parties. Cet article précise :
La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[15] Cet article consacre le principe à l'effet que dans un procès civil, la prépondérance d'une preuve concernant un fait est suffisante afin de prouver l'existence de ce fait. Le Tribunal doit donc analyser l'ensemble de la preuve en s'interrogeant sur l'existence d'une preuve prépondérante soutenant le problème de durabilité du cuir de l'ensemble.
[16] Le contrat intervenu entre la demanderesse et Magasin M.C. constitue un contrat régi par la Loi sur la protection du consommateur[1] (« L.p.c. »). Cette Loi traite de la garantie de qualité d'un bien en abordant le volet de la durabilité de celui-ci.
[17] Cette durabilité du bien doit permettre au consommateur de l'utiliser pour l'usage auquel il le destine. De plus, le consommateur doit bénéficier d'un usage normal de ce bien pendant une durée raisonnable en regard au prix payé pour celui-ci.
[18] C'est aux articles 37 et 38 de la L.p.c. que ces dispositions indiquent précisément :
37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
[19] Dans l'affaire Phaneuf c. 9064-5433 Québec inc.[2], le juge Patrick Théroux de notre Cour mentionnait le fait qu'un « vendeur professionnel d'un bien neuf est donc tenu à un très haut standard quant à la garantie légale qui lui incombe. La garantie de durabilité est une spécification de la garantie de qualité ».
[20] Le Tribunal partage ce point de vue du juge Théroux dans l'affaire précitée.
[21] L'ensemble acheté par madame Bergeron a été payé 2 874,47 $ incluant les taxes applicables. Bien que la durabilité du cuir de l'ensemble varie en fonction de l'utilisation de celui-ci, rien dans la preuve ne permet de conclure à un usage abusif des fauteuils.
[22] Selon le témoignage de la demanderesse, elle a entretenu avec soin l'ensemble, et ce, conformément aux recommandations de son vendeur.
[23] Le prix payé pour l'ensemble est important et la demanderesse était en droit de s'attendre à ce qu'il puisse servir sans problème à un usage normal pendant une durée supérieure à 6 années.
[24] La preuve prépondérante démontre un problème évident de détérioration du cuir laminé. Bien que cette situation semble assez rare, la preuve ne révèle aucune cause de détérioration du cuir imputable à madame Bergeron.
[25] L'article 272 de la L.p.c. précise que si le commerçant manque à l'une de ses obligations prévues à cette Loi, le consommateur peut se prévaloir de différents recours, dont la résolution de la vente. Toutefois, compte tenu des délais qui se sont écoulés depuis la vente de l'ensemble, la résolution de la vente n'est pas la solution en l'instance.
[26] Le Tribunal considère que la demanderesse a plutôt droit à des dommages. En effet, la durabilité normale du cuir de l'ensemble est évaluée à 12 années. La preuve prépondérante démontre ainsi qu'elle n'a pu bénéficier de son ensemble pour une durée raisonnable par rapport au prix payé pour celui-ci. Madame Bergeron a donc bénéficié de son ensemble pour la moitié de la durabilité à laquelle elle était en droit de s'attendre.
[27] Selon la mise en demeure adressée par la demanderesse à Magasin M.C. et la preuve versée au dossier de la cour, le coût afin de recouvrir l'ensemble de nouvelles peaux de cuir serait de 2 000 $.
[28] Considérant que madame Bergeron a bénéficié de son ensemble pendant 6 ans sur les 12 ans de la durabilité estimée par le Tribunal, Magasin M.C. assumera donc la moitié du coût requis afin de recouvrir l'ensemble.
[29] Il y a lieu d'accueillir la réclamation de la demanderesse pour un montant de 1 000 $.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[30] ACCUEILLE en partie la demande;
[31] CONDAMNE Mariette Clermont inc. à payer à Karyne Bergeron la somme de 1 000 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l'an, plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 8 août 2012, date de la mise en demeure, ainsi que les frais judiciaires de 103 $.
|
||
|
__________________________________ YVAN NOLET, J.C.Q. |
|
|
||
|
||
|
||
Date d’audience : |
4 avril 2014 |
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.