Concept éco-plein-air La Baluchon inc. (Arrangement relatif à)

2012 QCCS 312

JC2308

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-11-041863-115

 

 

 

DATE :

2 février 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CHANTAL CORRIVEAU, J.C.S.

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DANS L'AFFAIRE DE L'ARRANGEMENT DE CONCEPT ÉCO-PLEIN-AIR LE BALUCHON INC., 9061-7838 Québec inc., 9146-6227 québec inc., 9095-6822 québec inc., EN VERTU DE LA SECTION II DE LA LOI SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS (QUÉBEC) (L.R.Q. c. S-31.1):

 

CONCEPT ÉCO-PLEIN-AIR LE BALUCHON INC.

-et-

9061-7838 Québec inc.

-et-

9146-6227 Québec inc.

-et-

9095-6822 QUÉBEC INC.

Requérantes

et

L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Mis en cause

et

MONIQUE CHARLAND

GILLES LESSARD

JACQUES LESSARD

CLAUDE LESSARD

LOUISE MILOT

MARC LESSARD

MARTINE LESSARD

LUC HAINSE

MICHEL PELLERIN

ISABELLE VADEBONCOEUR

Intervenants

______________________________________________________________________

 

ORDONNANCE FINALE RELATIVE À UN ARRANGEMENT

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INTRODUCTION

[1]           Les requérantes désirent réaliser un arrangement en vertu de la section II de la Loi sur les sociétés par actions (Québec)[1] (la «LSAQ») conformément à la convention et au plan d’arrangement (collectivement, le «Plan d’arrangement»)[2].

LES REQUÉRANTES

[2]           Les requérantes sont des personnes morales régies par le régime de la LSAQ.

[3]           Concept Éco-Plein-Air le Baluchon inc. (le «Baluchon») exploite à partir de son complexe touristique situé à St-Paulin, dans la Mauricie, une entreprise touristique multi-vocationnelle.

[4]           En 1982, la première compagnie à but non lucratif nommée Le Baluchon a été constituée, pour ensuite être continuée sur la Partie IA de la Loi sur les compagnies du Québec et fusionnée à la compagnie 2868-5550 Québec inc. en 1998.  La compagnie résultante, qui a porté le même nom que le Baluchon a ensuite été fusionnée en 2004 avec la compagnie 9009-6371 Québec inc. pour finalement être connue sous sa forme actuelle.

[5]           Afin de financer son développement et sa croissance, trois sociétés de placements dans l’entreprise québécoise ont été constituées en vertu de la Loi sur les sociétés de placement de l’entreprise québécoise (la «SPEQ») qui permettait, à cette époque, à un investisseur de bénéficier d’un avantage fiscal, ont été créées aux fins de permettre certains développements dans le Baluchon :

a)    En 1990, une première SPEQ a été mise en place afin d’émettre 50 020 actions à 10 $ par action pour une levée de fonds totalisant 500 020 $;

b)    En 1997, une deuxième SPEQ a été mise en place afin d’émettre 31 175 actions à 20 $ par action pour une levée de fonds totalisant 623 500 $;

c)    En 2000, une troisième SPEQ a été mise en place afin d’émettre 21 880 actions à 25 $ par action pour une levée de fonds totalisant 547 000 $;

(collectivement, les « Placements »)

[6]           Par la suite, certains actionnaires des deux premières SPEQ ont eu la possibilité de se faire racheter, selon les conventions d’actionnaires et de souscription dont les modalités ont été établies conformément à la SPEQ, et ceux qui ne se sont pas prévalus de cette possibilité sont devenus des actionnaires de 9061-7838 Québec inc. (« Gestion I ») ou de 9146-6227 Québec inc. (« Gestion II »), le cas échéant.

[7]           En date des présentes, la requérante soutient que l’actionnariat du Baluchon est composé de 34 actionnaires directs et 81 actionnaires indirects.

[8]           Les actionnaires indirects sont regroupés dans les trois sociétés de portefeuille de régime provincial, soit Gestion I qui compte 32 actionnaires, Gestion II qui compte 13 actionnaires et 9095-6822 Québec inc. (« SPEQ III ») qui compte 47 actionnaires. Gestion I, Gestion II et SPEQ III détiennent un nombre égal d’actions émises et en circulation au nombre respectif d’actions qu’elles détiennent dans le Baluchon «le Groupe Baluchon».

MISE EN CONTEXTE

[9]           Le 4 novembre 2005, Mme Monique Charland («Mme Charland»), actionnaire notamment de Baluchon et de SPEQ III, a déposé une requête introductive d’instance en jugement déclaratoire, en passation de titres et pour l’émission d’ordonnances de sauvegarde et en injonction provisoire, interlocutoire et permanente à l’encontre de certains Actionnaires dans le dossier de la Cour supérieure portant le numéro 500-11-027663-067 («Recours en oppression»).  L'audition de cette affaire soumise à la soussignée débutera le 6 février prochain.

[10]        Les sociétés du Groupe le Baluchon sont mises en cause dans le cadre du recours en oppression.

[11]        Dans le recours en oppression, Mme Charland allègue que certains actionnaires auraient commis des actes dommageables en ayant tenté de manière délibérée de l’empêcher d’acquérir des actions additionnelles qui auraient été mises en vente par des actionnaires.

[12]        Mme Charland allègue également que la validité des SPEQ, mises en place afin d’investir dans le Baluchon, serait douteuse.

[13]        Ainsi, le Tribunal se prononce sur la preuve présentée dans le cadre de la demande d'approbation finale du plan d'arrangement.  Il est à prévoir que certaines questions qui seront soulevées dans le cadre du recours en oppression concernent des sujets traités aux présentes.

[14]        Dans le contexte de l'évaluation du bien fondé du recours en oppression, le Tribunal ne pourra pas et n'a pas l'intention de remettre en question la structure corporative à être implantée qui découlera des effets du présent jugement.

[15]        Cependant, le présent jugement ne doit pas être interprété comme empêchant la preuve à être faite dans le recours en oppression concernant certains gestes passés dans ce dossier.

[16]        Le 12 décembre 2005, l’honorable juge Michel Richard a rendu un jugement dans le cadre du recours en oppression afin d’émettre, à la suite du consentement des parties, des « ordonnances de sauvegarde et d’injonctions provisoires […] valides et en vigueur jusqu’à ce qu’un jugement ait été rendu sur les demandes d’ordonnances d’injonctions interlocutoires ou jusqu’à ce qu’elles aient autrement été levées par le Tribunal » (le «Jugement»).

[17]        Par ailleurs, le 29 novembre 2005, Mme Charland a demandé à l’Autorité des marchés financiers (l’«AMF») d’effectuer une enquête relativement à la structure corporative du Groupe Baluchon.

[18]        Certains des placements effectués par le Groupe Baluchon auraient été faits en contravention à la LVMQ et ses règlements.  À cet égard, une somme d’environ 988 520 $ aurait été recueillie auprès d’investisseurs dans le cadre de placements irréguliers par le biais des SPEQ.

[19]        Après avoir procédé à l’étude du dossier, l’AMF a convenu d'une entente administrative (l’«Entente administrative») avec le Groupe Baluchon afin que cette dernière s'engage à restructurer entièrement sa structure corporative et donc son actionnariat.

[20]        L’entente administrative a été approuvée par le conseil d’administration de chacune du Groupe Baluchon.

[21]        Aux termes de l’entente administrative, Baluchon s’est engagé à faire en sorte que tous les actionnaires des sociétés du Groupe Baluchon soient regroupés au sein d’une même entité à l’issue d’une opération corporative déterminée par le Groupe Baluchon.

[22]        Dans le cadre de l’opération corporative à compléter, le Groupe Baluchon a souscrit aux engagements suivants :

11.        Dans le cadre de cette opération corporative, le Groupe Baluchon souscrit aux engagements suivants :

a)         L’opération corporative devra respecter le principe d’égalité de traitement entre les actionnaires en vertu de la réglementation applicable;

b)         Un comité spécial dûment formé aux fins de l’opération corporative devra superviser celle-ci et désigner un évaluateur indépendant. L’évaluateur indépendant établira une évaluation officielle des actions ordinaires du Baluchon conformément au Règlement 61-101 sur les mesures de protection des porteurs minoritaires lors d’opérations particulières;

c)         Le document utilisé pour la présentation de l’opération corporative proposée aux actionnaires de Groupe Baluchon devra contenir toute l’information exigée par la réglementation applicable, incluant un historique des faits ayant mené à l’entente;

d)         La documentation au soutien de l’opération corporative devra être soumise au préalable au personnel de la Direction du financement des sociétés de l’Autorité pour fins d’analyse.  Cette documentation devra être conforme à la réglementation en valeurs mobilières.;

12.        Par ailleurs, la résultante de l’opération corporative souscrit aux engagements suivants :

a)            Transmettre à ses actionnaires et à l’Autorité des états financiers annuels vérifiés au plus tard le 120e jour après la fin de chaque exercice;

b)            Transmettre à ses actionnaires et à l’Autorité des états financiers semestriels au plus tard le 60e jour après la fin de chaque période; et

c)            Tenir une assemblée annuelle de ses actionnaires conformément aux lois applicables.

13.        Les obligations de transmettre à l’Autorité les informations financières mentionnées au paragraphe précédent s’éteindront au 2e anniversaire de l’entente. 

LE PLAN D’ARRANGEMENT

[23]        Le plan d’arrangement vise à regrouper les actionnaires du Groupe Baluchon au sein d’une seule entité corporative par le biais d’une fusion intervenue à la suite d’un processus d’arrangement, de sorte que ceux-ci détiennent directement leur participation dans une seule entité corporative.

[24]        Dans le cadre de l’arrangement, les actionnaires du Groupe Baluchon ont diverses options, soit de maintenir leur participation en actions ordinaires de la société résultante de l’arrangement; soit de se voir émettre des actions privilégiées ou des actions privilégiées et des débentures non convertibles subordonnées de la société résultante de l’arrangement; ou de vendre leur participation dans l’une ou l’autre du Groupe Baluchon;

[25]        Le Plan d’arrangement prévoit notamment ce qui suit :

a)            La création de Baluchon 2011;

b)            L’échange ou l’achat des actions détenues par les Actionnaires pour du comptant, des actions ou des titres de Baluchon 2011;

c)            Les sociétés du Groupe Baluchon deviennent des filiales à part entière de Baluchon 2011;

d)            La fusion de Baluchon 2011, Baluchon, Gestion I, Gestion II et SPEQ III pour former la société résultante;

e)            Au moment de la fusion, toutes les actions émises et en circulation du capital-actions de Baluchon 2011 suite aux échanges seront converties en actions émises entièrement libérées du capital-actions de la société résultante;

[26]        Dans le cadre du plan d’arrangement, chaque actionnaire du Groupe Baluchon pourra, à titre de contrepartie, exercer l’une des options suivantes :

a)            les actionnaires du Groupe Baluchon qui ont effectué le choix de recevoir des actions ordinaires de la société résultante recevront une action ordinaire de la société résultante pour chaque action qu’ils détiennent dans les sociétés du Groupe Baluchon;

b)            les actionnaires du Groupe Baluchon qui ont effectué le choix de recevoir des actions privilégiées recevront une action privilégiée de la société résultante pour chaque action qu’ils détiennent dans les sociétés du Groupe Baluchon;

c)            les actionnaires du Groupe Baluchon qui ont effectué le choix de recevoir des actions privilégiées et des débentures recevront 0,5 action privilégiée et une débenture d’un montant en capital de 18 $ pour chaque action qu’ils détiennent dans les sociétés du Groupe Baluchon;

d)            les actionnaires qui ont choisi de voir leur participation rachetée recevront, lors de la mise en œuvre de l’arrangement, 30 $ par action, jusqu’à concurrence d’un montant total de 1 250 000 $, disponible à des fins d’achat dans le cadre de l’arrangement.

e)            Les actionnaires du Groupe Baluchon devront effectuer un choix alternatif entre les trois autres options, à défaut de quoi, ils recevront des actions ordinaires de la société résultante pour toute action qui ne serait pas rachetée dans le cadre de l’arrangement si des actionnaires détiennent un nombre supérieur d’actions du Groupe Baluchon.

[27]        Selon la preuve et les représentations faites, tous les actionnaires bénéficient des mêmes choix à l’égard de l’ensemble de leur participation du Groupe Baluchon et sont traités entre eux de la même façon et aucun de ceux-ci ne s’est vu offrir un intérêt ou tout autre bénéfice additionnel.

[28]        Les conseils d’administration des requérantes ont conclu que le plan d’arrangement est dans le meilleur intérêt des actionnaires du Groupe Baluchon et ont ainsi recommandé à ces derniers de voter en sa faveur.

[29]        L'AMF, présente à l'audience, a indiqué avoir analysé la documentation d’arrangement, par l’entremise du personnel de la Direction du financement des sociétés, afin de s’assurer de sa conformité à la réglementation applicable en matière de valeurs mobilières et conformément à l’entente administrative.

[30]        Un comité spécial a été mis en place par le Groupe Baluchon pour superviser le processus et un évaluateur a été désigné qui a établi une évaluation officielle des actions ordinaires du Baluchon, conformément au Règlement 61-101 sur les mesures de protection des parties minoritaires lors d’opérations particulières.

COMITÉ SPÉCIAL 

[31]        Le comité spécial est constitué de M. Marcel Bergeron.

[32]        Le 4 octobre 2011, monsieur Bergeron a mandaté Fortin Gaignard Groupe Conseil inc. («FGGC») afin d’obtenir une évaluation de la juste valeur marchande de la totalité des actions ordinaires émises et en circulation de Baluchon en date du 31 août 2011.

L'ÉVALUATION

[33]        Le 16 novembre 2011, FGGC a transmis au comité spécial et à Baluchon un rapport portant sur la juste valeur marchande de la totalité des actions émises et en circulation de Baluchon.

[34]        Selon l’évaluation, la valeur marchande de la totalité des actions émises et en circulation de Baluchon est évaluée de 8,3M $ à 9M $ soit de 35 $ à 38 $ par action du Baluchon;

[35]        Le 16 décembre 2011, la soussignée a prononcé une ordonnance provisoire relativement à la mise en place d'un processus d'arrangement visant le Groupe Baluchon en vertu de la Section II de la Loi sur les sociétés par actions du Québec.

[36]        Madame Céline Lessage a supervisé la préparation et a mis à la poste des documents de l'assemblé et de la requête.

[37]        Le 21 janvier 2012, l'assemblée a eu lieu conformément à l'ordonnance provisoire et 99,47% des actionnaires y étaient présents ou représentés par procuration, et ce, sur la base de 237 199 actions, en excluant les actions détenues par Gestion I, Gestion II et SPEQ III dans le Baluchon.

[38]        Les actionnaires présents ou représentés par procuration lors de l'assemblée ont approuvé la résolution des actionnaires relative à l'arrangement dans les propositions suivantes:

a) Concept Eco-Plein-Air Le Baluchon :

80,84 %

b) 9061-7838 Québec inc. (Gestion I) :

67,75 %

c) 9146-6227 Québec inc. (Gestion II) :

100,00 %

d) 9095-6822 Québec inc. (SPEQ III) :

82,19 %

d) l'ensemble des actionnaires des sociétés du Groupe Baluchon votant en tant qu'un seul groupe sur la base du nombre total d'actions émises et en circulation des sociétés du Groupe Baluchon, et ce, sur la base de 237 199 actions, en excluant les actions détenues par Gestion I, Gestion II et SPEQ III dans Baluchon :

74,64 %

[39]        Quatorze actionnaires, détenant collectivement 21,30 % d'actions des sociétés du Groupe Baluchon, ont avisé le Groupe Baluchon de leur intention d'exercer leurs droits à la dissidence à l'égard de la résolution des actionnaires relative à l'arrangement conformément au chapitre XIV de la LSAQ, du plan d'arrangement et de l'ordonnance provisoire.

[40]        La requête pour ordonnance finale de sauvegarde a été contestée par Mme Charland quant à ses conclusions.  De plus, certains actionnaires représentés par Me Paul Yanakis ont fait valoir qu'ils ne contestaient pas la demande, mais qu'ils se réservaient leurs droits d'obtenir de l'information additionnelle notamment pour contester, le cas échéant, la valeur de leurs créances chirographaires.

[41]        Un autre actionnaire, M. Gilles Lessard, représenté par Me Benoit Lapointe a indiqué qu'il ne s'opposait pas à l'émission de l'ordonnance finale relative à l'arrangement tout en se réservant le droit de contester la valeur du prix offert pour le rachat de ses actions.

[42]        Mme Charland a soulevé comme motif de contestation le fait qu'elle se dit insatisfaite du mandat du comité spécial constitué de monsieur Bergeron, de l'évaluation de la juste valeur marchande des actions faites par la firme FGGC et du manque de transparence dans la documentation transmise.  Cependant, Mme Charland ne s'oppose pas à l'adoption du plan, mais souhaite que certaines réserves soient ajoutées.

[43]        Au stade final, les requérantes doivent démontrer, de façon satisfaisante, qu’elles rencontrent les exigences suivantes, soit :

a)    La procédure énoncée dans l’ordonnance provisoire a été correctement suivie;

b)    Le plan d’arrangement est soumis de bonne foi;

c)    L’arrangement est équitable et raisonnable.  Selon les critères énoncés dans l'arrêt BCE[3] :

La société qui demande l’approbation d’un arrangement doit convaincre le tribunal que : (1) la procédure prévue par la loi a été suivie, (2) la demande a été soumise de bonne foi et (3) l’arrangement est équitable et raisonnable : voir Trizec Corp., Re reflex, (1994), 21 Alta. L.R. (3d) 435 (B.R.), p. 444.

·         La procédure énoncée dans l’ordonnance provisoire a-t-elle été correctement suivie?

[44]        Le Tribunal appelé à examiner un plan d’arrangement doit s’assurer que toutes les formalités légales ont été satisfaites, ainsi que la procédure prévue dans l’ordonnance provisoire.

[45]        En l’espèce, la preuve est à l’effet que la procédure énoncée dans l’ordonnance provisoire a été correctement suivie par les requérantes.

·         Le plan d’arrangement est-il soumis de bonne foi?

[46]        Le plan d’arrangement a été soumis afin de donner suite à l’entente administrative intervenue avec l'AMF, puisque le plan d’arrangement est une condition essentielle afin de donner suite à l’entente administrative, tel qu’il appert notamment des articles 9 et 14 de l’entente administrative.

[47]        Par ailleurs, en vertu de l’article 2805 C.c.Q., la bonne foi se présume et la preuve n'a pas renversé cette présomption en démontrant de la mauvaise foi de la part du Groupe Baluchon dans le cadre du plan d’arrangement;

[48]        Selon la preuve et les représentations faites, le Tribunal estime que le plan d’arrangement a été soumis de bonne foi.

·         L’arrangement est-il équitable et raisonnable?

1)    Principes juridiques applicables

[49]        Le caractère équitable et raisonnable du plan d’arrangement est le principal critère retenu par les tribunaux dans le cadre de l’approbation d’un plan d’arrangement.

[50]        Ce critère sera atteint en démontrant que les deux sous-critères suivants sont rencontrés :

a)    L’arrangement poursuit un objectif commercial légitime;

b)    L’arrangement répond de façon équitable et équilibrée aux objections de ceux dont les droits sont visés par l’arrangement.

[51]        En ce qui concerne le premier sous-critère, la Cour suprême énonce dans BCE Inc.[4] :

Le volet de l’analyse du caractère équitable et raisonnable qui se rapporte à l’objectif commercial légitime reconnaît que l’arrangement doit procurer à la société un avantage qui compense l’atteinte aux droits. Autrement dit, le tribunal doit être convaincu que l’intérêt de la société justifie le fardeau imposé par l’arrangement aux détenteurs de valeurs mobilières. Le plan proposé doit en outre servir les intérêts de la société dans la perspective de la continuité de l’entreprise (…) L’examen de l’objectif commercial légitime est invariablement lié aux faits. Par conséquent, la nature et l’étendue de la preuve requise pour répondre à ce critère variera suivant les circonstances. Un important facteur à considérer pour établir si un plan d’arrangement poursuit un objectif commercial légitime est celui de la nécessité de l’arrangement pour la poursuite des activités de la société.  Cette nécessité est fonction des conditions du marché, notamment sur les plans de la technologie, de la réglementation et de la concurrence. L’existence de solutions de rechange et la réaction du marché au plan constituent des indices de la nécessité du plan. Le degré de nécessité de l’arrangement a une incidence directe sur la rigueur de l’examen.

(Nos soulignements)

[52]        Quant au second sous-critère, la Cour suprême soutient :

Le second volet de l’analyse du caractère équitable et raisonnable est axé sur la question de savoir si les objections de ceux dont les droits sont visés ont été résolues de façon juste et équilibrée. Un plan d’arrangement peut susciter des objections lorsqu’il existe des tensions entre les intérêts de la société et ceux de détenteurs de valeurs mobilières ou lorsque différents groupes dont les droits sont touchés ont des intérêts opposés.  Le juge doit être convaincu que l’arrangement établit un juste équilibre compte tenu des intérêts continus de la société et des circonstances de l’affaire.  Pour cela, il devra souvent procéder à une pondération complexe en déterminant si des mesures d’accommodement ou de protection           appropriées ont été offertes aux parties concernées.  Toutefois, comme l’a indiqué le juge Forsyth dans Trizec Corp. (Re), [1994] A.J. No. 577, 20 B.L.R. (2d) 202., par. 36 :

[traduction]  Le tribunal doit prendre garde de ne pas s’attacher aux besoins particuliers d’un groupe donné et s’efforcer de traiter équitablement tous ceux qui sont touchés par la transaction compte tenu des circonstances.  Le caractère équitable de l’arrangement doit s’apprécier globalement ainsi qu’à l’égard de chacune des différentes parties intéressées[5]

(Nos soulignements)

[53]        Selon la Cour suprême, aux paragraphes 147 à 153 de la décision précitée, la Cour peut tenir compte de différents facteurs dans son analyse d’un plan d’arrangement :

a)    Proportionnalité des compromis en l’espèce;

b)    Impact sur les droits des actionnaires / les effets du plan d’arrangement;

c)    La situation des actionnaires avant et après le plan d’arrangement;

d)    L’approbation du plan d’arrangement par le conseil d’administration;

e)    Un comité spécial;

f)     Le vote des actionnaires sur l’approbation du plan d’arrangement;

g)    Présence d'un droit à la dissidence.

[54]        Il est à noter que ces facteurs ne sont pas exhaustifs et aucun de ces derniers n’est déterminant.  L’analyse doit être faite de façon globale par le tribunal.

[55]        En ce qui concerne le résultat du vote des actionnaires, la Cour n’est pas liée par ce résultat.  Toutefois, la Cour suprême est d’avis que le vote est un indice capital permettant de savoir si les actionnaires touchés estiment que l’arrangement est équitable et raisonnable, voir BCE[6]:

Le fait que la majorité des détenteurs de valeurs mobilières aient voté en faveur du plan constitue un facteur important. Le caractère équitable et raisonnable d’un plan qui ne recueille qu’une minorité ou une faible majorité des voix peut être mis en doute, tandis qu’une majorité substantielle a l’effet inverse. Bien que le résultat du vote des détenteurs de valeurs mobilières ne soit pas déterminant pour l’approbation judiciaire du plan, les tribunaux attribuent un poids considérable à ce facteur. Il s’agit d’un indice capital permettant de savoir si les parties touchées estiment que l’arrangement est équitable et raisonnable.

(Nos soulignements)

[56]        Selon la doctrine, il est indéniable qu’un vote favorable quasi-unanime dissipe généralement les hésitations de la Cour à approuver le plan d’arrangement[7]

[57]        Par ailleurs, la Cour n’a pas à considérer si le plan d’arrangement est parfait ni à se prononcer sur les mérites commerciaux de celui-ci selon ce qui suit tiré de l'arrêt BCE[8] :

(…) il n’existe pas d’arrangement parfait. Ce qui est requis, c’est que la décision soit raisonnable au regard des circonstances particulières de l’espèce, et non quelle soit parfaite. (…) Les tribunaux appelés à approuver un plan en vertu de l’art. 192 doivent s’abstenir d’y  substituer leur propre conception de ce qui constituerait le « meilleur » arrangement. Mais ils ne doivent pas pour autant renoncer à s’acquitter de leur obligation d’examiner l’arrangement.  Étant donné que l’art. 192 facilite la modification de droits, le tribunal doit procéder à un examen attentif des transactions proposées.

(Nos soulignements)

[58]        La Cour doit donc déterminer si, dans les circonstances globales, le plan est équitable et raisonnable selon les différents droits en l’espèce et dépendamment de la nécessité économique du plan d’arrangement pour la société.

[59]        En général, la Cour ne doit considérer que le plan d’arrangement en soi en ne tenant compte d’aucuns autres facteurs externes, par exemple un recours en oppression en parallèle.

[60]        Le Tribunal doit considérer les intérêts communs et globaux en s’assurant de ne pas s’attarder à des besoins particuliers, voir BCE[9] :

Un plan d’arrangement peut susciter des objections lorsqu’il existe des tensions entre les intérêts de la société et ceux de détenteurs de valeurs mobilières ou lorsque différents groupes dont les droits sont touchés ont des intérêts opposés.  Le juge doit être convaincu que l’arrangement établit un juste équilibre compte tenu des intérêts continus de la société et des circonstances de l’affaire.  Pour cela, il devra souvent procéder à une pondération complexe en déterminant si des mesures d’accommodement ou de protection appropriées ont été offertes aux parties concernées.  Toutefois, comme l’a indiqué le juge Forsyth dans Trizec, par. 36,

[traduction]  le tribunal doit prendre garde de ne pas s’attacher aux besoins particuliers d’un groupe donné et s’efforcer de traiter équitablement tous ceux qui sont touchés par la transaction compte tenu des circonstances.  Le caractère équitable de l’arrangement doit s’apprécier globalement ainsi qu’à l’égard de chacune des différentes parties intéressées.

(Nos soulignements)

2)    Application des principes juridiques en l’espèce

[61]        Selon la preuve présentée et les représentations faites, le Tribunal est d’avis que le plan d’arrangement est équitable et raisonnable pour les raisons qui suivent.

[62]        D’une part, certains actionnaires ont exprimé le désir de voir racheter leur intérêt du Groupe Baluchon.

[63]        D’autre part, l’arrangement s'inscrit dans la poursuite d'un objectif commercial, soit de donner suite à ses engagements aux termes de l’entente administrative intervenue avec l’AMF.

[64]        En effet, le plan d’arrangement est une condition essentielle afin de donner suite à l’entente administrative avec l’AMF.

[65]        L'arrangement est nécessaire à la pérennité de la société.  D'ailleurs, aucun actionnaire ni tiers ne s'est opposé à l'adoption du plan.

[66]        Enfin, les facteurs suivants démontrent que l’arrangement est équitable et raisonnable :

a)    Les actionnaires ont bénéficié des mêmes choix à l’égard de l’ensemble de leur participation dans Groupe Baluchon et ont été traités entre eux de la même façon et aucun de ceux-ci ne s’est vu offrir un intérêt ou tout autre bénéfice additionnel;

b)    Le plan d’arrangement proposé respecte le principe d’égalité de traitement entre les Actionnaires selon l’entente administrative, et ce, tel que confirmé par l’AMF;

c)    Les conseils d’administration des requérantes ont conclu que le plan d’arrangement est dans le meilleur intérêt des actionnaires et ont ainsi recommandé à ces derniers de voter en sa faveur;

d)    Le plan prévoit un droit à la dissidence;

e)    Les actionnaires ont approuvé le plan d’arrangement au-delà des deux tiers des voix requis au plan d’arrangement;

f)     Un comité spécial a été créé;

g)    Groupe Baluchon a obtenu un rapport d’évaluation quant à la valeur marchande de la totalité des actions émises et en circulation de Baluchon. 

h)   L’AMF a confirmé que cette évaluation respectait le Règlement 61-101 sur les mesures de protection des porteurs minoritaires lors d’opérations particulières;

i)     Quant aux actionnaires qui sont en désaccord avec cette évaluation, deux options étaient offertes :

(i)    Choisir une autre des trois options ou, à la suite de la mise en œuvre du Plan d’arrangement, vendre leurs actions;

(ii)  Se prévaloir de leur droit à la dissidence et contester, par la suite, la juste valeur marchande des actions, et ce, conformément aux articles 372 et suivants de la LSAQ;

j)     L’AMF a appuyé et appuie toujours le plan d’arrangement.

[67]        Il appert de ce qui précède que le plan d’Arrangement a rencontré la majorité des facteurs énumérés par la Cour suprême du Canada, qui être doivent analyser par la Cour, afin de déclarer un plan d’arrangement équitable et raisonnable.

[68]        Ainsi, le plan d’arrangement est équitable et raisonnable.

[69]        En effet, les actionnaires qui exercent leur droit de dissidence dans le cadre d’un plan d’arrangement pourront éventuellement, tel qu’il est prévu aux articles 382 et suivants de la LSAQ, demander contester l’évaluation de la juste valeur marchande de leurs actions et demander la «majoration du prix de rachat».

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[70]        ACCUEILLE la demande d'ordonnance finale;

[71]        DÉCLARE valable et suffisante la signification de la requête comme ayant été effectuée conformément à l'ordonnance provisoire prononcée en l'instance;

[72]        DÉCLARE que le plan d'arrangement proposé par les requérantes tel qu'approuvé par les actionnaires aux termes de la résolution des actionnaires relative à l'arrangement est équitable et raisonnable pour tous les actionnaires;

[73]        APPROUVE le plan d'arrangement;

[74]        ORDONNE aux actionnaires du Groupe Baluchon d'exercer leur option dans un délai d'au plus 21 jours du prononcé du présent jugement;

[75]        AUTORISE le dépôt des clauses relatives au plan d'arrangement auprès du Registre des entreprises;

[76]        LE TOUT sans frais.

 

 

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CHANTAL CORRIVEAU, j.c.s.

 

Me Jean Lortie et Me Philippe Levasseur

McCarthy, Tétrault

Avocats de la mise en cause Concept Eco-Plein-Air le Baluchon

 

Me Jean-Nicolas Boutin Wilkins

Avocat de l'Autorité des marchés financiers

 

Me Guy Paquette et Me Vanessa O'Connell-Chrétien

Paquette, Gadler

Avocats de l'intervenante Monique Charland

 

Me Benoît Lapointe

Belleau, Lapointe

Avocat de l'intervenant Gilles Lessard

 

Me Paul Yanakis

Avocat de tous les autres intervenants

 

Date d'audience:

31 janvier 2012

 



[1]     L.R.Q. c. S-31.1.

[2]     Pièce R-1.

[3]     2008 CSC 69 paragr. 137.

[4]     Id., paragr. 145 et 146.

[5]     Id., paragr. 147 et 149.

[6]     Id., paragr. 150.

[7]     Martel P., La société par actions au Québec, Les aspects juridiques 2011, Éditions Wilson & Lafleur, Ottawa, p. 19-67; McGuinness K. P., Canadian Business Corporation Law, Second Edition, Lexis Nexis, Markham, 2007, p. 1514.

[8]     Précitée, note 3, paragr. 155.

[9]     Précitée, note 3, paragr. 148.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.