Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Proulx et Convoyeur Continental et usinage

2014 QCCLP 4404

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

29 juillet 2014

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossiers :

532587-03B-1401   543656-03B-1406   543664-03B-1406

 

Dossier CSST :

140589144

 

Commissaire :

Claude Lavigne, juge administratif

 

Membres :

Michel Piuze, associations d’employeurs

 

Gilles Dubé, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Benoit Proulx

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Convoyeur Continental & Usinage

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 532587-03B-1401

[1]           Le 29 janvier 2014, monsieur Benoit Proulx (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue le 13 décembre 2013 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 22 octobre 2013 et déclare qu’elle est justifiée de refuser au travailleur le remboursement des frais concernant les déplacements effectués par sa conjointe pour lui rendre visite à l’hôpital.

Dossier 543664-03B-1406

[3]           Le 9 juin 2014, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles où il conteste cette fois la décision rendue le 25 avril 2014 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 25 février 2014 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement d’un rideau séparateur et des frais de location d’un téléviseur.

Dossier 543656-03B-1406

[5]           Le 9 juin 2014, le travailleur dépose une autre requête à la Commission des lésions professionnelles où il conteste cette fois la décision rendue le 3 juin 2014 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[6]           Par cette dernière décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 28 mars 2014 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement pour des vêtements adaptés.

[7]           Audience tenue le 2 juillet 2014 à Thetford Mines en présence des représentantes du travailleur, madame Danielle Paré et madame Sylvie Morency. Convoyeur Continental & Usinage (l'employeur), bien que dûment convoqué, n’est pas présent ni représenté pour cette audience.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossiers 532587-03B-1401, 543664-03B-1406 et 543656-03B-1406

[8]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que sa conjointe a droit au remboursement des frais de déplacement encourus pour lui rendre visite à l’hôpital et au Centre de réadaptation situé à Charny. Il demande également d’être remboursé pour l’achat d’un rideau séparateur ainsi que pour la location d’une télévision durant la période où il a résidé au Centre de réadaptation de Charny et, subsidiairement, à la résidence où il demeure présentement. Finalement, il demande le remboursement pour l’achat de pantalons adaptés à sa situation.

LES FAITS

[9]           Le travailleur, aujourd’hui âgé de 56 ans, exerce la fonction de monteur de poulies pour l'employeur et a une ancienneté qui remonte à 29 ans et 11 mois.

[10]        Le 5 février 2013, le travailleur se fait écraser et/ou coincer entre le positionnement et sa table après qu’une partie de la poulie ait glissé.

[11]        Il est aussitôt conduit à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus où il est traité pour fracture du tiers moyen de la clavicule gauche, fracture des omoplates, fractures costales multiples gauches, fracture de l’apophyse de C6 avec bris ligamentaire et contusions osseuses de la colonne cervicale, hématome épidural antérieur de C3 et C5, épanchement pleural gauche, hématome médiastin et complexe pulmonaire droit et AVC secondaire à une thrombose de la carotide commune droite.

[12]        Le 24 avril 2013, le travailleur est transféré à l’Unité de réadaptation fonctionnelle intensive, soit le CRDP-CA, point de service de Charny.

[13]        Dans le rapport du 13 décembre 2013, intitulé « Note de départ en service social », il est mentionné ce qui suit :

M Benoît Proulx. 55 ans a été victime d’un accident de travail en date du 5 février 2013, alors qu’il a reçu une poulie industrielle de 1000 livres sur le thorax. En plus des blessures que cet évènement lui a causées, monsieur a également subi un AVC secondaire à une thrombose de la carotide commune droite. Son état est demeuré critique durant un certain temps et il a dû rester à l’hôpital durant 3 mois et demi. Le 24 avril suivant, il est admis à l’URFI du CRDP-CA, point de service de Charny, en vue de réaliser un essai thérapeutique en réadaptation physique. À ce moment, il présente un profil très lourd et est complètement dépendant pour tout. II est alimenté par nutrition entérale (gavage) par le biais d’une jéjunostomie. Il présente une dysphagie et une aphasie mixte. Il a d’importantes atteintes cognitives et une très grande fatigabilité persiste. Au niveau physique, il présente une importante hémiparésie gauche, ainsi qu’une plégie et une négligence corporelle à son hémicorps gauche en plus d’une faiblesse généralisée, exacerbée par un déconditionnement.

 

Durant son séjour à l’URFI qui aura duré 7 mois, Monsieur a reçu plusieurs services de réadaptation. Il a bénéficié de thérapies plusieurs fois par semaine en ergothérapie, en physiothérapie et en orthophonie. Il a également été évalué en neuropsychologie et il a reçu des suivis ponctuels en nutrition clinique, en psychologie ainsi qu’en éducation spécialisée. Un médecin et une équipe de soins infirmiers sont aussi intervenus de très près tout au long du séjour de M. Un suivi a également été assuré en service social, notamment auprès de l’épouse de Monsieur et de ses proches ainsi que pour faire les liens entre la famille, l’équipe de réadaptation, puis en collaboration avec le CLSC en fin de suivi.

 

Durant le processus de réadaptation, Monsieur Proulx a évolué à un rythme plus lent, mais certains progrès significatifs ont tout de même été réalisés. Entre autres, plusieurs interventions ont été faites graduellement en lien avec la dysphagie pour que M puisse s’alimenter de plus en plus normalement. Il a été possible de retirer la jéjunostomie le 23 octobre, ce qui fut un succès très important pour M et sa famille. À son départ, il demeure avec certaines restrictions sur les textures alimentaires, mais il est en mesure de se nourrir seul (avec aide pour couper aliments et préparer plats) et avec une majorité de textures normales. Aussi, il est en mesure de circuler seul à l’intérieur en fauteuil roulant. Il peut participer à son hygiène et à l’habillage du haut du corps et il a gagné de la force et de l’endurance générale, notamment pour rester en position assise durant quelques heures. Au niveau communicationnel, il est en mesure d’exprimer ses besoins et d’avoir une conversation simple sur des sujets concrets et il peut lire et écrire de courtes phrases.

 

Malgré les efforts de M durant son séjour en réadaptation, il demeure avec un lourd profil et des atteintes et limitations considérables. Il conserve une bonne hémiparésie, hémiplégie et héminégligence à gauche, en plus d’une diminution de l’équilibre et d’une faiblesse musculaire, notamment au niveau du tronc et de l’hémicorps gauche, ce qui rend la marche à peu près impossible à ce stade. Il nécessite toujours un lève-personne, ainsi que l’aide de 1 à 2 personnes pour réaliser ses transferts. Il a besoin d’aide pour compléter ses AVQ et est dépendant pour tous les AVD. Il demeure aussi avec une incontinence complète. De plus, certaines atteintes cognitives persistent et font en sorte que Monsieur nécessite beaucoup de supervision et d’encadrement pour réaliser certaines tâches. En effet, il doit être stimulé +++ et l’on doit lui rappeler régulièrement les consignes et les recommandations à suivre, puisqu’il n’initie à peu près aucune activité de lui-même et qu’il a de la difficulté à suivre une séquence.

 

Tout au long du séjour de M Proulx en réadaptation, les interventions en service social ont surtout été orientées vers le soutien aux proches ainsi qu’à mettre certaines choses en place. Entre autres, un suivi régulier a été fait en support à la conjointe de M, notamment durant les premiers mois du séjour. De plus, la travailleuse sociale s’est impliquée pour effectuer les démarches nécessaires à l’homologation du mandat en cas d’inaptitude de M Proulx ainsi que pour compléter les rapports et contacts pour la demande d’hébergement en fin de thérapies.

 

Pour l’après-réadaptation, nous sommes d’avis que Mme Danielle Paré, épouse de M. Proulx devrait continuer à recevoir un support psychosocial par le biais du CLSC. En effet, elle est très présente et impliquée auprès de son conjoint et la situation devient parfois très éprouvante pour elle. Elle entretient beaucoup d’espoir que Monsieur Proulx continue de progresser et qu’il puisse un jour marcher et reprendre une partie de son autonomie antérieure. Or, le pronostic demeure réservé selon les médecins, ce qui a été nommé à quelques reprises, et il est possible que Mme Paré ait besoin de support dans l’éventualité où la condition de M. ne progresse pas à la mesure de ses attentes. Par ailleurs, sa volonté est de pouvoir reprendre M. Proulx à la maison à temps plein lorsqu’elle prendra sa retraite dans environ un an, et il est fort probable qu’elle aura besoin du support du CLSC et de la CSST pour mettre en place les services et les adaptations nécessaires à la réalisation de ce projet.

 

Monsieur Benoît Proulx quitte l’URFl de Charny vendredi le 22 novembre 2013. Il doit aller passer la fin de semaine dans sa maison pour ensuite intégrer son nouveau milieu de vie temporaire, la résidence intermédiaire Pouliot et Roberge, le lundi suivant. Le 25 novembre, il est également prévu que l’ergothérapeute de M à l’URFI (Simone Vincent) se rende à la résidence afin de faire les enseignements nécessaires au personnel, qui sont spécifiques à la condition de M.

 

Les interventions sont complétées en service social, le dossier sera fermé au CRDP-CA, point de service de Charny. Nous demeurons disponibles si vous avez besoin de davantage d’informations.

[14]        Le travailleur quitte le Centre de réadaptation le 22 novembre 2013 pour aller en résidence de type intermédiaire.

[15]        Toutefois, il peut, une fois aux deux semaines, passer la fin de semaine à son domicile.

[16]        Dans une note évolutive du 24 février 2014, le conseiller en réadaptation s’exprime comme suit :

2014-02-24 08:51:00, Kevin Auger Raymond - Conseiller en réadaptation. INTERVENTION, APPEL FAIT

Titre: Prolongation de l’aide personnelle à domicile

- ASPECT FINANCIER :

Considérant que la condition du T est relativement stable et que les traitements en cours sont uniquement des exercices en RDP pour permettre aux membres du T d’être mobilisés, il n’a pas été pertinent de réévaluer les besoins du T. Ceux-ci demeurent identiques à la dernière évaluation effectuée en novembre 2013. L’ergothérapeute Simone Vincent indique dans son rapport d’évaluation que « Monsieur demeure dépendant d’une aide physique pour tous les déplacements, transferts, hygiène, habillage et toutes les activités résidentiels et communautaires. M. est transféré au levier, demeure avec une incontinence double et ne peut utiliser son potentiel physique en raison des atteintes cognitives sévères ».

- ASPECT LÉGAL :

Décision rendue: Lsf 08-243 autorisant un montant d’aide personnelle de 751,58 $ aux 2 semaines jusqu’au 30 mai 2014.

[17]        Entre-temps, la conjointe du travailleur s’adresse à la CSST le 21 septembre 2013 afin d’obtenir le remboursement des frais de déplacement pour visiter son conjoint alors qu’il était à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus de Québec et/ou au Centre de réadaptation de Charny.

[18]        Le 22 octobre 2013, la CSST informe la conjointe du travailleur qu’elle ne peut être remboursée des frais demandés puisqu’ils n’ont pas été engagés pour recevoir des soins, subir des examens ou accomplir une activité dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation, décision que le travailleur porte en révision le 1er novembre 2013.

[19]        Le 13 décembre 2013, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme sa décision rendue le 22 octobre 2013, d’où la première contestation déposée à la Commission des lésions professionnelles par le travailleur le 29 janvier 2014, dossier ouvert sous le numéro 532587-03B-1401.

[20]        Le 25 février 2014, la CSST écrit au travailleur pour l’informer qu’elle ne peut lui rembourser l’aide technique d’un rideau séparateur ainsi que les frais de location d’un téléviseur puisque ces dépenses ne sont pas remboursables en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), décision que la conjointe du travailleur porte en révision le 5 mars 2014.

[21]        Le 28 mars 2014, la CSST refuse de rembourser au travailleur des vêtements adaptés, décision que ce dernier porte en révision le 8 avril 2014.

[22]        Le 24 avril 2014, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme sa décision rendue le 25 février 2014, décision que le travailleur conteste à la Commission des lésions professionnelles le 9 juin 2014, dossier ouvert sous le numéro 543664-03B-1406.

[23]        Le 3 juin 2014, la CSST, à la suite d’une autre révision administrative, confirme cette fois sa décision rendue le 28 mars 2014, dernière décision qui donne lieu à la contestation déposée à la Commission des lésions professionnelles le 9 juin 2014 par le travailleur, dossier ouvert sous le numéro 543656-03B-1406.

[24]        Dans les jours précédant l’audience, la représentante du travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles la demande de remboursement de frais datée du 21 septembre 2013, la demande de remboursement du coût engendré par l’achat d’un rideau séparateur ainsi que la facture, la demande de remboursement de frais de location d’un téléviseur incluant la recommandation d’un ergothérapeute et la facture. Elle ajoute aussi la prescription d’un médecin pour l’utilisation de vêtements adaptés avec factures à l’appui.

[25]        La preuve est complétée à l’audience par le dépôt de différents documents dont le jugement de la Cour supérieure qui déclare le travailleur inapte à prendre soin de lui-même et à administrer ses biens ainsi que l’homologation du mandat en cas d’inaptitude donné à sa conjointe, madame Danielle Paré. Figurent également la demande de remboursement de frais, la prescription du médecin traitant, deux photos illustrant le salon du travailleur et, finalement, une lettre émanant de madame Anouk Mailloux, directrice de la Résidence Pouliot et Roberge, datée du 26 juin 2014. Madame Danielle Paré livre également témoignage.

[26]        De ce témoignage, la Commission des lésions professionnelles retient qu’elle est la conjointe du travailleur.

[27]        Lors de l’hospitalisation du travailleur à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus de Québec et au Centre de réadaptation de Charny, qui s’est échelonnée sur plusieurs mois, elle se rendait auprès de son conjoint pour le supporter et le stimuler.

[28]        Le travailleur a recommencé à parler vers la fin du mois de juillet et à manger au mois d’août 2013.

[29]        Au début, elle couchait au Centre de réadaptation quatre soirs par semaine.

[30]        C’est elle qui faisait le lavage du linge de son conjoint le temps de son hospitalisation et du séjour au Centre de réadaptation.

[31]        Au début, le travailleur faisait de la physiothérapie au lit. Elle le stimulait pour sa réadaptation et a même créé des jeux à cet effet.

[32]        Le travailleur est à la Résidence Pouliot et Roberge depuis le 25 novembre 2013, le temps de lui trouver une place dans un centre de longue durée.

[33]        Le travailleur retourne à son domicile une fin de semaine sur deux. Il couche sur un lit d’hôpital placé dans la salle à manger et/ou le salon puisqu’il ne peut avoir accès à son lit qui est situé à l’étage supérieur. Il est encore paralysé du côté gauche et a des problèmes cognitifs.

[34]        Elle a installé un rideau pour garder l’intimité du travailleur lorsqu’il est couché ou lors de soins intimes.

[35]        Quant à la location de la télévision, celle-ci est recommandée par l’ergothérapeute afin d’inciter le travailleur à stimuler son côté gauche.

[36]        Finalement, puisque le travailleur est demeuré incontinent, l’utilisation de pantalons sans siège ou fond s’avère nécessaire pour faciliter le changement de couches ou le déplacement sur une chaise d’aisance.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossiers 532587-03B-1401, 543664-03B-1406 et 543656-03B-1406

Dossier 532587-03B-1401 (Frais de déplacement de la conjointe du travailleur)

[37]        Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la contestation du travailleur du 29 janvier 2014 et de confirmer la décision rendue le 13 décembre 2013 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[38]        Selon eux, les frais de déplacement payables au travailleur sont ceux qu’il encoure lui-même ou la personne qui doit l’accompagner pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation. En aucun moment, le législateur n’a prévu de disposition particulière pour le remboursement des frais de déplacement de la conjointe d’un travailleur hospitalisé pour une certaine période.

[39]        C’est dans ce contexte qu’ils concluent au bien-fondé de la décision rendue par la révision administrative sur cet aspect.

Dossier 543664-03B-1406 (Remboursement du coût d’acquisition du rideau séparateur et frais de location d’un téléviseur)

[40]        Les membres des différentes associations sont d’avis d’accueillir la contestation du travailleur du 9 juin 2014 et d’infirmer la décision rendue le 25 avril 2014 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[41]        Ils estiment que l’acquisition d’un rideau séparateur est une mesure visant à aider le travailleur à surmonter les conséquences de sa lésion professionnelle et de s’adapter à sa nouvelle situation. Ils considèrent qu’il est nécessaire au travailleur afin de s’assurer de son intimité lors des soins d’aisance ou simplement pour se reposer.

Location d’un téléviseur

[42]        Sur ce volet, les membres des différentes associations sont d’avis que l’utilisation d’un téléviseur, située particulièrement à la gauche du travailleur, lorsqu’il a séjourné au Centre de réadaptation de Charny ou simplement à la Résidence Pouliot et Roberge, ne relève pas d’un simple caprice.

[43]        Ils rappellent que le travailleur demeure paralysé du côté gauche à la suite de cet accident du travail survenu le 5 février 2013 et que l’utilisation d’un téléviseur, placé spécifiquement à sa gauche, est recommandée par une ergothérapeute comme mesure de réadaptation.

[44]        En effet, madame Simone Vincent, ergothérapeute, mentionne dans son rapport du 2 décembre 2013 que le travailleur devait avoir accès à un téléviseur pour stimuler l’orientation vers la gauche et permettre l’inhibition de la négligence spatiale. Ils donc d’avis que cette mesure visant à stimuler le travailleur s’inscrit dans le cadre de la réadaptation sociale, en ce sens, qu’elle a pour but d’atténuer une des conséquences de sa lésion professionnelle.

[45]        Le travailleur a donc droit d’être remboursé du coût de location du téléviseur.

Dossier 543656-03B-1406 (Vêtements adaptés)

[46]        Les membres des différentes associations sont d’avis d’accueillir cette contestation du travailleur formulée le 9 juin 2014 et d’infirmer la décision rendue le 3 juin 2014 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[47]        À ce titre, ils retiennent de la preuve que le travailleur est demeuré incontinent à la suite de sa lésion professionnelle survenue le 5 février 2013. L’utilisation d’un pantalon adapté qui n’a pas de siège ou de fond apparaît tout à fait indiquée dans les circonstances.

[48]        Au surplus, ils voient par l’utilisation de ce type de pantalons une atténuation des conséquences de sa lésion professionnelle et, de ce fait, doivent être remboursés par la CSST.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossiers 532587-03B-1401, 543664-03B-1406 et 543656-03B-1406

Dossier 532587-03B-1401 (Frais de déplacement)

[49]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la conjointe du travailleur a droit au remboursement des frais de déplacement pour aller voir son conjoint durant son hospitalisation et son séjour au Centre de réadaptation de Charny entre le 5 février et le 22 novembre 2013.

[50]        L’article 115 de la loi prévoit que la CSST rembourse au travailleur ou à la personne qui doit l’accompagner les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation.

115.  La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.

__________

1985, c. 6, a. 115.

[51]        Aussi sympathique que puisse être le cas à l’étude, il n’en demeure pas moins que la Commission des lésions professionnelles, au même titre que la CSST, doit s’en remettre aux dispositions de la loi pour disposer de ce litige.

[52]        Or, il ressort de cet article que seuls les frais de déplacement et de séjour encourus par le travailleur sont remboursables dans les circonstances préalablement décrites.

[53]        Les frais de déplacement de la conjointe du travailleur pour le visiter au Centre hospitalier de l’Enfant-Jésus à Québec ou durant son séjour au Centre de réadaptation à Charny ne sont aucunement prévus à l’article 115 de la loi ou dans d’autres dispositions législatives.

[54]        Dès lors, la conjointe du travailleur ne peut bénéficier du remboursement des frais de déplacement pour aller voir son conjoint durant son séjour à l’hôpital et au centre de réadaptation.

Dossier 543664-03B-1406 (Rideau séparateur et location d’un téléviseur)

[55]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement du coût d’acquisition d’un rideau séparateur et du coût de location d’un téléviseur.

Rideau séparateur

[56]        La loi prévoit, à l’article 145, le droit pour le travailleur de bénéficier de la réadaptation que requiert son état en vue d’une réinsertion sociale et professionnelle s’il conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente.

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

[57]        Dans ce dossier, il ne fait aucun doute que le travailleur conserve ou conservera une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et qu’il a un réel besoin de réadaptation.

[58]        La réadaptation sociale a, suivant l’article 151 de la loi, pour but d’aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s’adapter à sa nouvelle situation et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

[59]        Afin d’atteindre cet objectif, le législateur a prévu, à l’article 152 de la loi, un programme de réadaptation qui peut comprendre notamment :

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

[60]        Appelée à interpréter cette dernière disposition législative, la Commission des lésions professionnelles[2] a vite fait de spécifier que le terme « notamment » impliquait que la liste préalablement reproduite n’était pas exhaustive, approche que partage d’emblée le soussigné.

[61]        En effet, dans la confection d’une loi, le législateur ne peut tout prévoir. C’est principalement pour cette raison qu’il utilise certains mots pour pouvoir inclure des situations qui n’étaient pas prévisibles ou envisageables au moment de la rédaction de la loi.

[62]        Il en est de même du paragraphe 5 de l’article 184 de la loi, qui permet à la CSST de prendre toute mesure qu’elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d’une lésion professionnelle.

184.  La Commission peut :

[…]

5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.

[…]

__________

1985, c. 6, a. 184.

[63]        Ceci étant dit, qu’en est-il de l’utilisation par le travailleur d’un rideau séparateur?

[64]        À ce titre, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve que le travailleur est impliqué, le 5 février 2013, dans un accident du travail qui le laisse avec de nombreuses limitations, dont cette paralysie du côté gauche.

[65]        Malgré un séjour de plusieurs semaines dans un centre de réadaptation, le travailleur n’a pas récupéré de cette paralysie gauche ni des inconvénients qu’elle génère. Il doit donc résider dans un centre adapté afin d’obtenir les soins que requiert son état.

[66]        Toutefois, le travailleur a récupéré assez pour être en mesure d’aller chez lui une fin de semaine sur deux. Comme sa chambre se situe au deuxième étage de la maison, il ne peut plus y avoir accès en raison des conséquences de sa lésion professionnelle. Il doit donc dormir au premier étage et plus particulièrement dans un espace aménagé au salon.

[67]        Cet aménagement, qui se trouve par ailleurs dans une aire ouverte, ne lui permet pas d’avoir toute l’intimité voulue lors de ses besoins intimes ou simplement pour se reposer. L’utilisation d’un rideau séparateur à son domicile vise donc à lui donner une certaine intimité et, de ce fait, lui permettre de s’adapter à sa nouvelle situation.

[68]        La Commission des lésions professionnelles voit, par l’acquisition de ce rideau séparateur, une mesure de réadaptation qui s’inscrit dans le but visé par l’article 151 de la loi et peut faire partie d’un programme de réadaptation tel que prévu à l’article 152 de la loi. La CSST doit donc payer au travailleur le coût d’acquisition de ce rideau séparateur puisqu’il s’inscrit dans le cadre de sa réadaptation sociale.

Location d’un téléviseur

[69]        Il en est de même quant à l’utilisation d’un téléviseur lorsque le travailleur a effectué un séjour au Centre de réadaptation de Charny du 24 avril au 22 novembre 2013 et à la Résidence Pouliot et Roberge où il demeure.

[70]        En effet, ce n’est pas par simple caprice que le travailleur doit regarder la télévision durant son séjour au Centre de réadaptation de Charny, du moins c’est l’interprétation qui s’infère de la recommandation faite par madame Simone Vincent, ergothérapeute, dans son rapport du 2 décembre 2013. Elle mentionne que le travailleur devait avoir accès à une télévision située à sa gauche pour permettre la stimulation de son orientation et l’inhibition de la négligence spatiale.

[71]        L’utilisation d’un téléviseur dans les circonstances préalablement décrites devient donc pour le travailleur une mesure de réadaptation qui a pour but de l’aider à atténuer une des conséquences de sa lésion professionnelle, soit la paralysie du côté gauche. Cette mesure rendue nécessaire par les séquelles de sa lésion professionnelle est donc à la charge de la CSST.

[72]        Dès lors, le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour la location d’un téléviseur pour le temps passé au Centre de réadaptation de Charny et, si nécessaire, lors de son séjour à la Résidence Pouliot et Roberge.

Dossier 543656-03B-1406 (Pantalons adaptés)

[73]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit d’être remboursé pour le coût d’acquisition de pantalons adaptés à sa situation.

[74]        Dans le dossier à l’étude, la révision administrative dispose de ce dernier litige à partir du droit à l’assistance médicale que l’on retrouve au paragraphe 5 de l’article 189 de la loi, et plus particulièrement, au chapitre de l’aide technique que nous retrouvons dans la Réglementation sur l’assistance médicale[3].

[75]        L’aide technique n’étant pas définie à la loi, on doit lui donner une interprétation qui lui permet d’atteindre l’objectif visé et peut être définie comme étant un accessoire qui consiste à aider le travailleur dans l’accomplissement de certaines activités.

[76]        À l’annexe 2 du règlement précité figure, au chapitre de l’aide technique, l’objet adapté dont l’aide à l’habillage.

[77]        L’utilisation de pantalons sans siège ou fond par le travailleur ne constitue pas à proprement parler de l’aide à l’habillage, mais relève davantage d’une mesure devant s’inscrire dans le cadre de sa réadaptation sociale.

[78]        Encore ici, force est de constater que le législateur n’a pas prévu, de façon spécifique, de disposition sur l’acquisition de pantalons adaptés pour une personne qui demeure incontinente à la suite d’une lésion professionnelle.

[79]        Sans vouloir se répéter, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’article 152 de la loi, de par le mot « notamment », permet de pallier ce manquement.

[80]        Qui plus est, l’utilisation de pantalons sans siège ou fond pour une personne incontinente relève du gros bon sens et, par surcroît, permet au travailleur de s’adapter à sa nouvelle situation.

[81]        Finalement, le médecin du travailleur est allé jusqu’à prescrire les vêtements adaptés en question, et la directrice de la résidence où demeure actuellement le travailleur, madame Mailhot, souligne dans une lettre datée du 26 juin 2014 que l’utilisation de pantalons adaptés facilite le travail de ceux qui sont appelés à aider le travailleur à s’asseoir sur la chaise d’aisance ou simplement pour le changement de culotte d’incontinence au lit.

[82]        Cette preuve, pour le moins révélatrice, permet donc à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que le travailleur a également droit au remboursement du coût engendré pour l’acquisition de pantalons adaptés à sa situation.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 532587-03B-1401

REJETTE la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles le 29 janvier 2014 par monsieur Benoit Proulx, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue le 13 décembre 2013 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est justifiée de refuser au travailleur le remboursement des frais de déplacement effectués par sa conjointe pour lui rendre visite à l’hôpital et/ou au Centre de réadaptation de Charny.

Dossier 543664-03B-1406

ACCUEILLE la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles le 9 juin 2014 par monsieur Benoit Proulx, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 25 avril 2014 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour l’acquisition d’un rideau séparateur;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais de location d’un téléviseur durant son séjour au Centre de réadaptation physique de Charny et, s’il y a lieu, à la Résidence Pouliot et Roberge.

Dossier 543656-03B-1406

ACCUEILLE la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles le 9 juin 2014 par monsieur Benoit Proulx, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 3 juin 2014 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais pour l’acquisition de vêtements adaptés à sa situation, soit des pantalons sans fond ou siège.

 

 

 

 

Claude Lavigne

 

 

 

 

Mme Sylvie Morency

RESSOURCE S.M.

Représentante de la partie requérante

 

 

 



[1]           RLRQ c. A-3.001.

[2]           Paquet et Ville de Rimouski, C.L.P. 10797-01-8902, 5 avril 1991, S. Lemire; Mathieu et Desourdy-Duranceau Entrepreneurs inc., C.L.P. 112847-62A-9903, 14 septembre 1999, J. Landry; Julien et Construction Nationar inc., C.L.P. 120819-32-9907, 7 août 2000, G. Tardif.

[3]           C.A.-3.001, r.1.

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