Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

20 juin 2005

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

231142-63-0403-C

 

Dossier CSST :

006190326

 

Commissaire :

M. Réal Brassard

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Cynthia Phillips

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Centre hospitalier régional de Lanaudière

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]        La Commission des lésions professionnelles a rendu le 30 mai 2005, une décision dans le présent dossier et a produit une rectification de cette décision le 13 juin 2005.

[2]        Ces décisions contiennent une erreur matérielle qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;

[3]        Aux paragraphes 4, 11, 18, 20, et 31 de la décision, il faut remplacer la date du 19 mars 1996 par celle du 30 mars 1996, et la date du 12 mai 2003 par celle du 13 juin 2003.

[4]        Au sixième alinéa du dispositif de la décision, il faut remplacer la date du 12 mai 2003 par celle du 13 juin 2003.

[5]        Il faut remplacer la date du 12 mai 2003 par celle du 13 juin 2003 au titre souligné suivant le paragraphe 30 de la décision.

[6]        Il faut remplacer la date du 19 mars 1996 par celle du 30 mars 1996 au titre souligné suivant le paragraphe 19 de la décision.

[7]        Il faut remplacer la date du 19 mars 1996 par celle du 30 mars 1996 au paragraphe du dispositif ajouté par la rectification du 13 juin 2005.

 

 

 

__________________________________

 

Réal Brassard

 

Commissaire

 

 

 

 

Me André Laporte

LAPORTE, LAVALLÉE

Représentant de la partie requérante

 

 

 

 


 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

13 juin 2005

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

231142-63-0403-C

 

Dossier CSST :

006190326

 

Commissaire :

M. Réal Brassard

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Cynthia Phillips

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Centre hospitalier régional de Lanaudière

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]        La Commission des lésions professionnelles a rendu le 30 mai 2005, une décision dans le présent dossier;

[2]        Cette décision contient une erreur matérielle qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;

[3]        La période du 10 mars 1996 au 19 juin 1996 dont il est disposé aux paragraphes 20 et 21 de la décision a été omise dans le dispositif. Il y a donc lieu d’ajouter à la décision le paragraphe suivant au dispositif :

DÉCLARE que madame Cynthia Phillips a droit, pour ses besoins d’aide personnelle à domicile pour la période du 19 mars 1996 au 19 juin 1996, à une prestation mensuelle calculée selon un pointage de 39,5 sur 48;

 

 

 

__________________________________

 

Réal Brassard

 

Commissaire

 

 

 

 

Me André Laporte

LAPORTE, LAVALLÉE

Représentant de la partie requérante

 


 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

30 mai 2005

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

231142-63-0403

 

Dossier CSST :

006190326

 

Commissaire :

M. Réal Brassard

 

Membres :

Mme Francine Melanson, associations d’employeurs

 

M. Gérald Dion, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Cynthia Phillips

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Centre hospitalier régional de Lanaudière

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 23 mars 2004, madame Cynthia Phillips (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 11 mars 2004 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 18 juin 2003, déclare que la travailleuse a droit à un montant de 22 878,11 $ en remboursement des frais d’aide personnelle à domicile pour la période du 30 mars 1996 au 13 juin 2003; elle déclare en outre que la travailleuse n’a pas droit au paiement d’intérêts sur la somme due, car, selon elle, les frais d’aide personnelle à domicile ne sont pas des indemnités au sens de l’article 364 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]                Devant la Commission des lésions professionnelles, la travailleuse est présente et représentée. Le Centre hospitalier régional de Lanaudière (l’employeur) n’est pas représenté.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande de reconnaître que ses besoins d’aide personnelle à domicile correspondent au pointage de 39,5 au lieu de 31 pour la période du 19 mars 1996 au 19 juin 1996; au pointage de 19,5 au lieu de 13,5 pour la période du 20 juin 1996 au 12 décembre 1997; au pointage de 36 pour la période du 13 décembre 1997 au 12 juin 1998; au pointage de 24 pour la période du 13 juin 1998 au 15 décembre 1998; au pointage de 27,5 pour la période du 15 décembre 1998 au 12 mai 2003.

[5]                Elle demande en outre de reconnaître qu’elle a droit en vertu de l’article 364 de la loi au paiement des intérêts sur les sommes dues.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[6]                Le membre issu des associations syndicales, après avoir entendu la preuve, considère qu’il y a lieu de faire droit à la requête de la travailleuse. Sur la question du paiement d’intérêts sur les sommes dues, s’appuyant sur le jugement de la Cour Suprême du Canada dans l’affaire Ville de Verdun c. Gilles Doré[2], il est d’avis « qu’il ne faut pas s’arrêter aux quelques cas où le texte français, considéré isolément, justifierait une signification plus restrictive », que « le sens étroit du texte français ne peut ici restreindre le sens beaucoup plus large des expressions anglaises particulièrement lorsqu’il est évident que tel n’est pas le but visé ».

[7]                Le membre issu des associations syndicales est donc d’avis que la requête de la travailleuse est bien fondée, qu’elle doit être accueillie.

 

[8]                Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis qu’il y a lieu de faire droit aux prétentions de la travailleuse concernant les pointages devant servir au calcul des montants d’aide personnelle à domicile pour les périodes concernées. Quant à la question de l’intérêt sur les sommes dues, elle pense que l’article 364 de la loi est clair, qu’il ne faut pas lui faire dire ce qu’il ne dit pas, que la jurisprudence interprète correctement ce qu’est une indemnité. Elle est donc d’avis que la travailleuse n’a pas droit au paiement d’intérêts sur les sommes dues à titre d’aide personnelle à domicile. Elle est donc d’avis que la requête doit être accueillie en partie seulement.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]                La travailleuse, alors infirmière auxiliaire chez l’employeur, a été victime d’une lésion professionnelle le 27 septembre 1990 en déplaçant un bénéficiaire. Cette lésion professionnelle l’a laissée avec une atteinte permanente reconnue de 11 %, la travailleuse ayant subi une discoïdectomie cervicale avec greffe.

[10]           Par la suite, il y a eu réclamations pour rechutes, récidives ou aggravations le 15 avril 1992 (syndrome du défilé thoracique), le 4 mars 1993 (syndrome costo-claviculaire gauche) et le 27 juillet 1993 (hernie discale cervicale avec syndrome cervico-brachial). Ces réclamations ont été reconnues comme étant bien fondées par le Bureau de révision paritaire le 9 mars 1994. Sur le plan médical, on a reconnu à la travailleuse à la suite de ces aggravations une atteinte permanente à son intégrité psychique de 15 % et un déficit anatomophysiologique additionnel de 41 %.

[11]           Il s’agit d’un volumineux dossier, et le soussigné ne juge pas utile de rapporter ici toute la saga au sujet des droits réclamés par la travailleuse relativement à sa réadaptation sociale. Il suffira de mentionner que le droit à l’aide personnelle à domicile prévu à l’article 158 de la loi lui a été reconnu. C’est dans le cadre de ce droit que la CSST transmet à la travailleuse le 18 juin 2003 un avis de paiement lui accordant une somme totale de 22 878,11 $ en allocations d’aide personnelle à domicile pour les périodes du 19 mars 1996 au 19 juin 1996, du 20 juin 1996 au 12 décembre 1997 et du 13 juin 1998 au 12 mai 2003.

[12]           D’avis que les montants en aide personnelle ne sont pas conformes aux besoins réels de la travailleuse et que le montant versé ne tient pas compte des intérêts dus en vertu de l’article 364 de la loi, par son représentant, la travailleuse a contesté cette décision le 7 juillet 2003. Mais, le 12 mars 2004, la décision est maintenue en révision administrative, d’où la requête déposée en l’instance.

[13]           Le droit aux prestations d’aide personnelle à domicile étant reconnu, ce qui est en cause ici, c’est l’évaluation des besoins personnels de la travailleuse pour les périodes concernées, et c’est le droit au paiement d’intérêts prévu par l’article 364.

Les besoins en aide personnelle

[14]           C’est l’article 158 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) qui prévoit que l’aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il est victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement, si cette aide s’avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile. Et l’article 160 de la loi édicte que le montant de l’aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la CSST adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois. Un tel règlement a été adopté par celle-ci en vertu de l’article 454 paragraphe 2.1[4], il contient une grille d’évaluation des besoins d’assistance personnelle et domestique identifiant les besoins personnels devant faire l’objet de l’évaluation, et classés selon un besoin d’assistance complète, un besoin d’assistance partielle ou aucun besoin d’assistance, un pointage étant attribué selon l’évaluation du degré d’assistance.

[15]           On y reconnaît que le travailleur a un besoin d’assistance complète s’il est incapable de réaliser l’activité ou la tâche en considérant, s’il y a lieu, l’utilisation d’une orthèse, d’une prothèse ou d’une aide technique ou l’adaptation du domicile ou quand sa contribution à la réalisation de l’activité ou de la tâche n’est pas significative ou présente un danger évident pour sa sécurité; on reconnaît qu’il a un besoin d’assistance partielle s’il est capable de réaliser, de façon sécuritaire, une partie significative de l’activité ou de la tâche, même en considérant, s’il y a lieu, l’utilisation d’une orthèse ou d’une aide technique ou l’adaptation du domicile, mais en ayant besoin de l’assistance significative d’une autre personne pour sa réalisation complète; on ne lui reconnaît aucun besoin d’assistance s’il est capable de réaliser seul de façon sécuritaire l’activité ou la tâche, en considérant, s’il y a lieu, l’utilisation d’une orthèse, d’une prothèse ou d’une aide technique ou l’adaptation du domicile.

[16]           Et quelles sont les activités ou tâches devant être évaluées pour déterminer le besoin d’aide personnelle à domicile? Selon le règlement, ce sont : le lever, le coucher, l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, les soins vésicaux, l’alimentation, l’utilisation des commodités du domicile, la préparation du déjeuner, la préparation du dîner, la préparation du souper, le ménage léger, le ménage lourd, le lavage du linge et l’approvisionnement.

[17]           Le pointage obtenu suite à l’évaluation des besoins correspond à un pourcentage du maximum de 800 $ mensuel auquel le travailleur a droit en vertu de l’article 160 de la loi, pourcentage établi selon une grille que l’on retrouve au paragraphe 2.3 de l’annexe I du règlement.

[18]           Quels étaient les besoins de la travailleuse pour les périodes du 19 mars 1996 au 19 juin 1996, du 20 juin 1996 au 12 décembre 1997, du 13 décembre 1997 au 12 juin 1998, du 13 juin 1998 au 15 décembre 1998 et du 16 décembre 1998 au 12 mai 2003?

[19]           La décision de la CSST est fondée sur l’évaluation faite le 12 mai 2003 par monsieur Claude Bougie, ergothérapeute. La Commission des lésions professionnelles a obtenu cette évaluation et a entendu monsieur Bougie en témoignage. Celui-ci a admis que son évaluation du 12 mai 2003, parce qu’il ne les avait pas, ne tient pas compte des besoins exprimés par la travailleuse en l’instance en regard de sa condition médicale aux périodes concernées. Il est d’accord avec l’évaluation des besoins de la travailleuse faite dans la présente décision selon son témoignage.

Période du 19 mars 1996 au 19 juin 1996

[20]           Il ressort de la preuve les besoins d’aide personnelle suivants pour la période du 19 mars 1996 au 19 juin 1996 :

-          un besoin d’assistance complète pour les activités suivantes : le lever, l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, l’utilisation des commodités du domicile, la préparation du déjeuner, la préparation du dîner, la préparation du souper, le ménage léger, le ménage lourd, le lavage du linge et l’approvisionnement;

-          un besoin d’assistance partielle pour les activités suivantes : le coucher et l’alimentation.

[21]           Selon la grille réglementaire, ces besoins donnent un pointage global de 39,5 sur 48.

Période du 20 juin 1996 au 12 décembre 1997

[22]           Quels étaient les besoins de la travailleuse pour la période du 20 juin 1996 au 12 décembre 1997?

[23]           Il ressort de la preuve les besoins d’aide personnelle suivants pour cette période :

-          un besoin d’assistance complète pour les activités suivantes : la préparation du souper, le ménage lourd et le lavage du linge;

-          un besoin d’assistance partielle pour les activités suivantes : l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, l’utilisation des commodités du domicile, la préparation du dîner, le ménage léger et l’approvisionnement.

[24]           Selon la grille réglementaire, ces besoins donnent un pointage global de 19,5 sur 48.

Période du 13 décembre 1997 au 12 juin 1998

[25]           Quels étaient les besoins de la travailleuse pour la période du 13 décembre 1998 au 12 juin 1998?

[26]           Il ressort de la preuve les besoins d’aide personnelle suivants pour cette période :

-          un besoin d’assistance complète pour les activités suivantes : le lever, l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, la préparation du déjeuner, la préparation du dîner, la préparation du souper, le ménage léger, le ménage lourd, le lavage du linge et l’approvisionnement;

-          un besoin d’assistance partielle pour les activités suivantes : le coucher, l’alimentation et l’utilisation des commodités du domicile.

[27]           Selon la grille réglementaire, ces besoins donnent un pointage global de 36 sur 48.

Période du 13 juin 1998 au 15 décembre 1998

[28]           Quels étaient les besoins de la travailleuse pour la période du 13 juin 1998 au 15 décembre 1998?

[29]           Il ressort de la preuve les besoins d’aide personnelle suivants pour cette période :

-          un besoin d’assistance complète pour les activités suivantes : l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, la préparation du souper, le ménage léger, le ménage lourd, le lavage du linge et l’approvisionnement;

-          un besoin d’assistance partielle pour les activités suivantes : l’utilisation des commodités du domicile et la préparation du dîner.

[30]           Selon la grille réglementaire, ces besoins donnent un pointage global de 25 sur 48.

Pour la période du 16 décembre 1998 au 12 mai 2003

[31]           Quels étaient les besoins de la travailleuse pour la période du 16 décembre 1998 au 12 mai 2003?

[32]           Il ressort de la preuve les besoins d’aide personnelle suivants pour cette période :

-          un besoin d’assistance complète pour les activités suivantes : la préparation du souper, le ménage léger, le ménage lourd, et le lavage du linge.;

-          un besoin d’assistance partielle pour les activités suivantes : l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, l’alimentation, la préparation du dîner et l’approvisionnement.

[33]           Selon la grille réglementaire, ces besoins donnent un pointage global de 18,5 sur 48.

Le droit au paiement d’intérêts sur les sommes dues

[34]           Le droit au paiement d’intérêts sur une somme due est prévu à l’article 364 de la loi :

364. Si une décision rendue par la Commission, à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358, ou par la Commission des lésions professionnelles reconnaît à un bénéficiaire le droit à une indemnité qui lui avait d'abord été refusée ou augmente le montant d'une indemnité, la Commission lui paie des intérêts à compter de la date de la réclamation.

 

Le taux de ces intérêts est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts se capitalisent quotidiennement et font partie de l'indemnité.

__________

1985, c. 6, a. 364; 1993, c. 5, a. 20; 1997, c. 27, a. 20; 1996, c. 70, a. 42.

 

 

[35]           En vertu de cet article, il est clair que la victime d’une lésion professionnelle a droit au paiement d’intérêts sur une indemnité versée rétroactivement par la CSST à la suite d’une décision rendue par une instance de décision et ayant pour effet d’établir son droit à une indemnité non reconnue initialement par la CSST ou d’augmenter le montant d’une telle indemnité.

[36]           Ce qui cause problème ici, c’est l’interprétation faite par la CSST du mot indemnité. Dans sa décision, la CSST considère que l’article 364 s’applique aux seules indemnités de remplacement de revenu, les prestations d’aide personnelle à domicile n’étant pas, selon elle, des indemnités au sens de l’article 364, suivant en cela la jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles[5] et la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles[6]. Cette interprétation est à l’effet que la loi ne définit pas le mot indemnité, mais qu’on retrouve trois sortes d’indemnités dans celle-ci, soit une prestation versée en argent pour le remplacement du revenu, pour compenser un dommage corporel subi ou un décès et, des prestations au sens de l’article 2 de la loi visant l’assistance financière ou un service fourni en vertu de la loi. Le fait que l’article 364 utilise le mot indemnité sans y inclure expressément le mot prestation défini à l’article 2 a été interprété comme excluant les prestations définies à l’article 2 comme étant visée par le droit au paiement d’intérêts.

[37]           Le représentant de la travailleuse a soumis que cette jurisprudence était mal fondée, et le soussigné lui donne raison pour les motifs invoqués et ci-après exposés.

[38]           Tout d’abord, il est vrai que l’article 364 réfère au mot indemnité sans qu’il ait été défini par le législateur, qui a cependant défini le mot prestation. Quand une expression ou un mot n’est pas précisément défini, le décideur n’a d’autre choix que de l’interpréter en regard de l’intention du législateur et la Loi d’interprétation[7], en son article 41 édicte que toute disposition d’une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des droits, d’imposer des obligations ou de favoriser l’exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage, qu’une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin.

[39]           Quand un terme n’est pas défini par la loi[8], c’est au sens ordinaire qu’il faut se référer, au dictionnaire. Il n’est pas nécessaire, à moins qu’une définition porte à confusion, de chercher l’intention du législateur en interprétant diverses dispositions de la loi.  Le dictionnaire Petit Robert définit ce mot comme suit :

INDEMNITÉ n. f. 1° Ce qui est attribué à qqn en réparation d’un dommage, d’un préjudice. V. Compensation, dédommagement, dommages-intérêts, récompense, réparation.  2° Ce qui est attribué  en compensation de certains frais.  V. Allocation.

[40]           On le voit par cette définition ordinaire du mot, une indemnité est tout ce qui est attribué en réparation d’un dommage, et cette définition inclut bien évidemment la prestation versée en argent pour aide personnelle à domicile.

[41]           L’interprétation faite par la jurisprudence est fondée sur l’étude des dispositions du chapitre III de la loi traitant des indemnités. Ce chapitre traite de trois sortes d’indemnités, l’indemnité de remplacement du revenu, l’indemnité pour préjudice corporel et les indemnités de décès. Les deux décisions jurisprudentielles en ont conclu qu’il s’agissait des seules indemnités prévues à la loi, une interprétation restrictive. Rien ne permet ici de s’écarter du sens ordinaire du mot indemnité et de voir si le législateur a voulu restreindre sa  portée. Quand le législateur veut restreindre un droit, il l’indique précisément, s’il ne le fait pas il faut présumer qu’il n’a pas voulu de restriction au droit, qu’il faut se référer au sens ordinaire des mots.

[42]           L’interprétation retenue par la jurisprudence est restrictive et ne tient pas compte de l’intention réelle du législateur, avec égard, le soussigné conclut qu’elle ne rencontre pas les dispositions de la Loi d’interprétation

[43]           L’article 364, on en conviendra, a pour objet de reconnaître au travailleur un droit, celui du paiement d'intérêt par la CSST sur tout montant d’indemnité non versée à la date à laquelle il est dû. L’intention du législateur en utilisant exclusivement le mot indemnité sans utiliser celui de prestation qu’il a défini à l’article 2 de la loi était-il de soustraire l’indemnité versée en argent pour l’aide personnel à domicile? Le soussigné est d’avis qu’au contraire, l’article 364 vise toute prestation versée en argent.

[44]           En effet, la définition du mot prestation à l’article 2 de la loi ne peut être prise en considération pour conclure que le législateur a voulu écarter de l’application de l’article 364 tous les éléments qui y sont contenus. Si tel était le cas, on pourrait écarter de l’application de cet article toute indemnité versée en argent, et, rappelons-le, l’indemnité de remplacement du revenu est une indemnité versée en argent.

[45]           En effet, il est clair que le mot prestation tel que défini par l’article 2 est une notion plus large que l’indemnité de remplacement du revenu, elle comprend une telle indemnité[9] (qui est indemnité versée en argent), mais comprend aussi tout service fourni[10] qui ne serait pas relié à une somme versée en argent. La loi dans son ensemble vise des prestations de toute sorte, non seulement l’indemnisation monétaire, mais la réparation des lésions physiques et psychique, d’où la définition du mot prestation englobant l’ensemble de celles-ci.

[46]           On ne peut interpréter l’article 364 comme écartant les prestations d’aide personnelle à domicile versées en argent parce que ne s’y retrouve pas le mot prestation. De toute évidence, le législateur utilise le mot indemnité et non celui de prestation non pas pour écarter l’indemnité d’aide personnelle à domicile visée par l’article 158, mais pour y exclure, cela va de soi, toute autre prestation non versée en argent, comme les services médicaux, les services de réadaptation et toute prestation n’étant pas de nature monétaire. Inclure les prestations non monétaires à l’article 364 eût été un non-sens tout simplement parce qu’un service non monétaire non fourni n’encourt pas de perte monétaire, or les intérêts visent à compenser une perte monétaire.

[47]           Une prestation d’aide personnelle à domicile est en fait une somme attribuée en compensation de certains frais[11]. Une telle allocation de nature monétaire est visée par l’article 364. Le soussigné, avec égard, n’adhère pas à la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, qui donne une interprétation non seulement restrictive à l’application de l’article 364 ne respectant pas la Loi d’interprétation, mais qui est mal fondée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 mars 2004 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que madame Cynthia Phillips a droit pour ses besoins d’aide personnelle à domicile pour la période du 20 juin 1996 au 12 décembre 1997 à une prestation mensuelle calculée selon un pointage de 19,5 sur 48;

DÉCLARE que madame Cynthia Phillips a droit pour ses besoins d’aide personnelle à domicile pour la période du 13 décembre 1997 au 12 juin 1998 à une prestation mensuelle calculée selon un pointage de 36 sur 48;

DÉCLARE que madame Cynthia Phillips a droit pour ses besoins d’aide personnelle à domicile pour la période du 13 juin 1998 au 15 décembre 1998 à une prestation mensuelle calculée selon un pointage de 25 sur 48;

DÉCLARE que madame Cynthia Phillips a droit pour ses besoins d’aide personnelle à domicile pour la période du 16 décembre 1998 au 12 mai 2003 à une prestation mensuelle calculée selon un pointage de 18,5 sur 48;

DÉCLARE que madame Cynthia Phillips a droit vertu de l’article 364 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. c. A-3.001)au paiement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail d’intérêts sur les sommes dues et à être versées rétroactivement;

ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de verser rétroactivement les sommes dues à madame Cynthia Phillips compte tenu de la présente décision.

 

 

 

__________________________________

 

Réal Brassard

 

Commissaire

 

 

Me André Laporte

LAPORTE, LAVALLÉE

Représentant de la partie requérante

 

 

 

 

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001

[2]          (1997) 2 R.C.S.

[3]          L.R.Q. c. A-3.001

[4]          Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001, a. 160, 454 par. 2.1

[5]          C.A.L.P. no 70437-03B-9506, 30-10-95, J.-M. Dubois

[6]          C.L.P. nos 136681-32-0004 et 148148-32-0010, 29-03-01, L. Langlois

[7]          L.R.Q., c. I-16

[8]          Quand le législateur décide de définir un mot ou une expression, c’est généralement pour donner une signification différente du sens ordinaire.

[9]          D’ailleurs, si on réfère au texte anglais, l’expression « indemnité versée en argent » y est traduite par « compensation ».

[10]        On peut penser ici aux services médicaux, aux services de physiothérapie, aux services de psychologie, par exemple.

[11]        Le deuxième sens du mot indemnité au dictionnaire Petit Robert.

AVIS :
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