COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE
LÉSIONS PROFESSIONNELLES
QUÉBEC MONTRÉAL, le 29 février 1996
DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE: Me Mireille Zigby
DE MONTRÉAL
RÉGION: MONTÉRÉGIE AUDIENCE TENUE LE: 22 septembre 1995
DOSSIERS:
57950-62-9403
61793-62-9403
DOSSIER CSST: À: Montréal
10219 8769
DOSSIER BRP:
6124 0661
LÉONARD GAGNÉ
3165, rue Mont-Royal, 18
Saint-Hubert (Québec)
J4T 2G7
PARTIE APPELANTE
et
PYROTEX LTÉE
DIRECTION DES RESSOURCES HUMAINES
3145, Autoroute 640
Lachenaie (Québec)
J6W 3T8
PARTIE INTÉRESSÉE
D É C I S I O N
Dans le dossier 57950-62-9403, monsieur Léonard Gagné (le travailleur) en appelle devant la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel), le 28 mars 1994, d'une décision rendue, le 28 février 1994, par le bureau de révision de l'Île-de-Montréal (le bureau de révision).
Par cette décision majoritaire, la dissidence étant émise par le représentant des travailleurs, le bureau de révision confirme deux décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) le 14 octobre 1992 et le 20 octobre 1992. La première de ces décisions est à l'effet que le travailleur est capable de reprendre son emploi après le 14 septembre 1992 et qu'il n'a pas droit, en conséquence, à l'indemnité de remplacement du revenu après cette date. La seconde est à l'effet que le travailleur n'a droit à aucun montant pour dommages corporels étant donné que sa lésion professionnelle a été consolidée sans atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique.
Dans le dossier 61793-62-9403, le travailleur en appelle devant la Commission d'appel, le 16 août 1994, d'une décision rendue, le 30 juin 1994, par le bureau de révision de la Montérégie.
Par cette décision unanime, le bureau de révision confirme une décision de la Commission rendue le 23 février 1994 à l'effet que la réclamation du travailleur, pour maladie professionnelle, est irrecevable parce que logée hors délai.
OBJETS DES APPELS
Dans le dossier 57950-62-9403, le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer qu'à la suite de sa lésion professionnelle survenue le 22 octobre 1991, il conserve une atteinte permanente à son intégrité physique et des limitations fonctionnelles qui l'empêchent d'exercer son emploi et qu'il a droit, en conséquence, à l'indemnité de remplacement du revenu après le 14 septembre 1992 ainsi qu'à une indemnité pour dommages corporels.
Dans le dossier 61793-62-9403, le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision, de le relever des conséquences de son défaut d'avoir produit sa réclamation dans le délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et de déclarer sa réclamation recevable. Sur le fond, il demande à la Commission d'appel de déclarer qu'il est atteint d'une maladie professionnelle.
Le travailleur et son procureur sont présents à l'audience. Pyrotex ltée (l'employeur) y est également représentée.
LES FAITS
Le 22 octobre 1991, le travailleur, qui est maintenant âgé de 62 ans, est victime d'un accident du travail alors qu'il est au service de l'employeur comme chauffeur de semi-remorque. L'événement est décrit au formulaire intitulé «Réclamation du travailleur» de la façon suivante:
«En vérifiant mon chargement, j'ai perdu prise et je suis tomber en bas de la remorque et je me suis blesser au dos et au deux coudes.» (sic)
Selon les explications fournies par le travailleur, il a fait une chute sur le dos et est resté étendu sur le sol durant environ trente minutes sans bouger. Il a tenté d'amortir sa chute avec ses deux coudes.
Dès qu'il s'est senti assez fort pour se relever, il dit qu'il s'est rendu à l'Hôpital Saint-Luc.
À son arrivée à l'hôpital, on aurait effectué plusieurs examens radiographiques qui n'auraient pas montré de fracture mais on ne retrouve pas ces examens au dossier. Un diagnostic de contusion est alors posé par le docteur J.W. Vézina qui remplit une attestation médicale pour la Commission en indiquant le 30 octobre 1991 comme date prévisible de consolidation.
Le travailleur consulte de nouveau le 24 octobre 1991 et voit, cette fois, le docteur L. Beaudoin. Le médecin inscrit comme diagnostic sur l'attestation médicale qu'il remplit pour la Commission :
«Contusions lombaire et coudes -
Possibilité de fracture du coude gauche».
Il maintient le 30 octobre 1991 comme date prévisible de consolidation.
Après quelques jours de repos, le travailleur retourne au travail le 30 octobre 1991 mais, selon son témoignage, avec beaucoup de difficulté et des douleurs qui s'accentuent au moindre effort. Il travaille jusqu'au 8 novembre 1991 et déclare une récidive, rechute ou aggravation.
Il consulte le docteur L. Beaudoin, le 11 novembre 1991, qui pose un diagnostic de lombalgie. Le médecin indique qu'il s'agit d'une «rechute après tentative de retour au travail du 30 octobre au 8 novembre». Il prévoit une période de consolidation de soixante jours ou moins.
Le travailleur est dirigé en physiothérapie le 2 décembre 1991 en raison de la non-amélioration de son état.
Un rapport du docteur Beaudoin, en date du 20 décembre 1991, fait état de lombalgie avec irradiation au dos et de cervicalgie.
Les traitements de physiothérapie débutent le 23 décembre 1991.
Le 13 janvier 1992, le docteur Beaudoin réfère le travailleur en orthopédie après avoir constaté que la physiothérapie a été inefficace jusqu'à maintenant puisque l'état du travailleur ne s'est pas amélioré.
Le travailleur voit le docteur M. St-Pierre, orthopédiste, le 28 janvier 1992, lequel diagnostique une «myalgie dorso-lombaire post-chute» et le retourne au médecin traitant en indiquant qu'il n'a rien à suggérer.
Dans un rapport du 25 février 1992, le docteur Beaudoin réitère le diagnostic de «myalgie dorso-lombaire» et indique qu'il n'y a pas eu d'amélioration avec la physiothérapie et les anti-inflammatoires. Il cesse les traitements et demande une scanographie lombaire.
La scanographie est effectuée le 27 février 1992 et démontre une sténose modérée du canal spinal en L3-L4 et relativement sévère en L4-L5 ainsi qu'une ostéo-arthrite avancée des articulations apophysaires en L4-L5 et L5-S1 du côté gauche. Il y a également une saillie des disques L3-L4 et L4-L5 mais sans évidence de hernie.
Néanmoins, le docteur Beaudoin demande une myélographie lombaire pour éliminer le diagnostic de hernie discale lombaire. Cet examen est effectué le 18 août 1992 et s'avère dans les limites de la normale.
Une radiographie de la colonne dorsale est également effectuée et montre des signes d'arthrose des facettes articulaires en L5-S1.
Le 14 septembre 1992, le docteur Beaudoin émet un rapport final en mentionnant comme diagnostic final celui de «lombalgie et syndrome facettaire lombaire.» Il consolide la lésion en date du même jour en indiquant qu'il subsiste une atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur et des limitations fonctionnelles. Il réfère le travailleur au docteur Serge Savard pour que ce dernier en fasse l'évaluation.
Le docteur Savard, un omnipraticien, procède à l'évaluation médicale du travailleur le 17 septembre 1992. Son diagnostic est celui d'entorse lombaire. L'examen physique est normal. Il ne croit pas que la lésion entraîne une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il lui attribue donc un déficit anatomo-physiologique de 0 % pour entorse lombaire sans séquelle objectivée. Il mentionne toutefois, en conclusion, que le travailleur est porteur d'une arthrose dégénérative à la région lombaire et que son emploi actuel de camionneur n'est pas adéquat pour sa condition. Il suggère un changement de type d'emploi.
Le 14 octobre 1992, la Commission rend une décision à l'effet que le travailleur est capable d'exercer son emploi à compter du 15 septembre 1992 étant donné qu'aucune limitation fonctionnelle ne découle de sa lésion professionnelle et met fin à l'indemnité de remplacement du revenu à compter du 15 septembre 1992. La Commission avise toutefois le travailleur que l'indemnité versée sans droit du 15 septembre 1992 au 14 octobre 1992 ne lui sera pas réclamée puisqu'il n'était pas avisé de la consolidation de sa lésion professionnelle.
La Commission rend une autre décision, le 20 octobre 1992, à l'effet que le travailleur n'a droit à aucune indemnité pour dommages corporels compte tenu que sa lésion professionnelle n'a entraîné aucune atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique.
Le travailleur conteste ces deux décisions de la Commission le 12 novembre 1992.
En décembre 1992, il consulte un autre médecin, le docteur Jacques Tremblay, qui le prend en charge et lui prescrit des anti-inflammatoires et un programme d'exercices qui, selon les rapports d'évaluation du médecin, améliorent quelque peu son état. Le docteur Tremblay procède à l'évaluation du travailleur le 24 février 1993 et produit un nouveau rapport d'évaluation médicale en date du 3 mars 1993.
Le médecin arrive à la conclusion que la lésion professionnelle subie le 22 octobre 1991 a aggravé une condition préexistante et que le travailleur conserve une atteinte permanente à la suite de cette lésion. Il croit également que l'on peut considérer que le travailleur «est atteint d'une maladie professionnelle causée par l'exposition chronique aux vibrations de basse fréquence sans protection adéquate». Il est pertinent de citer l'extrait suivant de son rapport:
«Le principe de l'aggravation s'applique, le patient ayant aggravé de par l'entorse lombaire subie, ainsi que de par l'aggravation, une détérioration de son état rachidien, de telle sorte qu'il présente maintenant de l'ankylose et des limitations fonctionnelles permanentes suite à l'aggravation en titre, alors qu'il a été consolidé après sa première entorse lombaire sans séquelle fonctionnelle objectivée ni ankylose par son médecin traitant. On peut donc considérer que le patient a aggravé toute condition personnelle qui puisse être invoquée, y compris l'arthrose, la dégénérescence discale ou la sténose spinale, étant donné qu'il remplissait les pleines prestations de son emploi sans limitation fonctionnelle au moment de l'événement en titre. On peut enfin considérer que, étant donnée (sic) l'étiologie pré-citée, que nous sommes en présence d'une maladie professionnelle causée par l'exposition chronique aux vibrations de basse fréquence, sans protection adéquate.
Les limitations fonctionnelles qui affectent ce travailleur au travail comprennent l'interdiction de soulever, tirer ou pousser une masse en exerçant une force excédant un équivalent de 10 kilos, d'effectuer des mouvements répétitifs du rachis, de maintenir des flexions antérieures soutenues du rachis, de maintenir une position accroupie, et de s'exposer à des vibrations à basse fréquence en position assise. Compte tenu des limitations fonctionnelles permanentes que présente ce travailleur, il devra être soumis à la réadaptation sociale en vue d'un emploi équivalent et convenable»
Déjà, dans son attestation médicale initiale du 1er décembre 1992, le docteur Tremblay mentionnait que le travailleur souffrait d'une maladie professionnelle occasionnée par l'exposition aux vibrations de basse fréquence due au travail de camionneur qu'il a exercé durant 36 ans.
Le 18 octobre 1993, le travailleur produit une réclamation à la Commission en alléguant qu'il souffre d'une maladie professionnelle. Selon l'estampille apposée sur le document, celui-ci a été reçu par la Commission le 2 novembre 1993. Une autre réclamation, au même effet, est faite en date du 22 décembre 1993. L'estampille de la Commission indique qu'elle a été reçue le 28 janvier 1994.
Le 23 février 1994, la Commission refuse la réclamation du travailleur pour maladie professionnelle au motif que sa réclamation n'a pas été produite dans le délai prévu par la loi. Le travailleur conteste cette décision.
Le 28 février 1994, le bureau de révision rend la décision qui fait l'objet du présent appel dans le dossier 57950-62-9403.
Le 30 juin 1994, le bureau de révision rend la décision qui fait l'objet du présent appel dans le dossier 61793-62-9403.
À l'audience, le travailleur produit une expertise du docteur Pedro Molina-Negro, neurochirurgien, datée du 7 septembre 1995 et un rapport de la docteure Alice Turcot, spécialiste en médecine du travail, daté du 18 septembre 1995.
Selon le rapport du docteur Molina-Negro, le travailleur demeure avec une atteinte permanente à son intégrité physique et des limitations fonctionnelles à la suite de la lésion professionnelle subie le 22 octobre 1991. Il n'écarte pas non plus la possibilité que le travailleur puisse être atteint d'une maladie professionnelle caractérisée par des phénomènes d'ostéo-arthrose qui se seraient développés en conséquence de son travail de camionneur qui l'a exposé, durant de nombreuses années, à des vibrations de basse fréquence. Il y a lieu de citer l'extrait suivant de son rapport:
«(...)
Afin d'expliquer le tableau clinique actuel, il existe à mon avis deux possibilités.
Une première interprétation serait de considérer que les lésions qui sont présentes au niveau du rachis de Monsieur Gagné sont apparues spontanément, sans aucune relation avec les efforts qu'il a dû réaliser pendant les nombreuses années au cours de son travail. En d'autres mots, qu'il s'agit d'une maladie dite dégénérative qui se serait développée de toute façon, indépendamment du travail réalisé par le patient. Même si tel était le cas, il est évident que les événements de 1980 et 1981 ainsi que celui de 1991 ont eu une influence décisive, en particulier de (sic) dernier, dans l'évolution de la maladie. En effet, à la suite de la chute en octobre 1991, Monsieur Gagné est demeuré atteint de façon marquée, à tel point qu'il n'a jamais pu retourner au travail de façon régulière. Tout au plus, on pourrait considérer la condition rachidienne d'ostéo-arthrose et spondylose comme une condition personnelle, selon cette première interprétation, qui a été rendue symptomatique par deux événements professionnels. L'évolution ultérieure, avec les conséquences que l'on sait, s'explique par la persistance de Monsieur Gagné à continuer à faire des efforts incompatibles avec l'état de son rachis.
Une deuxième interprétation serait de considérer qu'il existe différents facteurs qui ont influencé et accéléré le processus de dégénérescence du rachis, en particulier dans la région lombaire. Ces facteurs sont l'exposition aux vibrations de basse fréquence, l'adoption de postures assises prolongées avec des sièges inadéquats et les efforts violents et répétitifs de charge et de décharge. L'ensemble de ces éléments constitue un facteur prédisposant qui explique que suite à un événement professionnel bien défini, en l'occurrence la chute du 22 octobre 1991, il y a eu une décompensation fonctionnelle du rachis responsable des limitations fonctionnelles actuelles qui l'ont empêché de continuer à effectuer le même métier qu'il effectuait auparavant. Je ne m'étendrai cependant pas sur des explications à ce sujet puisque cet aspect du problème sera sans doute traité de façon extensive par le Dr Alice Turcot puisque ce problème relève directement de son champ de spécialité.
(...)»
Au niveau des antécédents, le docteur Molina-Negro fait état de deux accidents du travail, survenus le 10 mars 1980 et le 3 septembre 1981, qui auraient impliqué le rachis lombaire.
La docteure Turcot, quant à elle, a rencontré le travailleur le 29 novembre 1994 et a procédé à une analyse détaillée de son histoire professionnelle qu'elle résume ainsi:
«HISTOIRE OCCUPATIONNELLE
Monsieur Gagné a quitté tôt l'école pour gagner le marché du travail. En Gaspésie, de l'âge de 14 à 16 ans, il a travaillé dans la fôret avec son frère et un cousin au sein d'entreprises familiales pour le compte des grosses compagnies forestières de l'époque (Rochenson, Keebs). Il travaillait en équipe de 2 hommes pour charger et décharger le bois de pulpe de 4 pieds ou des billots de bois de 14 pieds de long. Les journées de travail étaient de 14 à 16 heures par jour. Le repas étaient pris en travaillant. Le déchargement du camion s'effectuait à l'aide d'un crochet. Il faisait à l'époque 4 voyages par jour à bord de gros camions de l'armée de 12 roues, munis de traction à 3 essieux, du bord de la mer à la fôret. La cadence de travail était élevée, le paiement était basé sur le rendement de travail fourni (corde de bois).
À compter de 1949, au cours des 5 années suivantes, Monsieur Gagné se rend à Baie-Comeau, Forestville, Trinité, Port-Cartier (Shelter Bay) dans les différents campements forestiers pour y travailler au chargement et déchargement du bois pour notamment la Compagnie Quebec North Shore Paper. Les heures de travail se chiffrent encore en termes de 16 à 17 heures par jour. Le travail consiste à ramasser le bois avec des chevaux ou avec la machinerie lourde de l'époque. Parmi ces véhicules, on compte des dompeuses, des snow à neige Bombardier ou des tracteurs à chenilles, des lumberjack, des garrett munis de pelles, des tracteurs munis de 2 axes pour faciliter le travail en montagne. La conduite de ces véhicules n'est pas facile à travers les montagnes dans des sentiers cahoteux. D'ailleurs il arrive parfois qu'ils chavirent. Les sièges de plastique ou de métal sont fixes et n'ont pas de support dorsal. La suspension est primitive ou absente.
Monsieur Gagné conduit ces véhicules qui ont été remplacés par la suite par le travail des débusqueuses. En plus de la conduite, il doit tirer de longs câbles métalliques très lourds attachés à la machinerie sur une distance de plus de 100 pieds, attacher le bois et à les amener à un endroit plus plat de la fôret (linden) pour qu'une seconde équipe procède au cordage du bois. À l'occasion, il pouvait donner un petit coup de main pour corder le bois. Le travail était physiquement dur et eixgeant.
Il se rend par la suite en Abitibi pour le même genre de travail. La machinerie lourde consiste dans de gros tracteurs (John Deer ou Garrett) sans direction assistée ou de sièges ergonomiques. Ces véhicules sont munis de sièges rigides, dépourvus de suspension adéquate. Le chauffeur est soumis à des vibrations et des chocs importants en raison des irrégularités du terrain. Il travaille dans des camps qui regroupent 60 à 100 hommes.
En 1954, à l'âge de 21 ans il regagne la Gaspésie. Il obtient son permis de chauffeur. Il travaille alors pour les compagnies.
De 1954 à 1960, il fait du camionnage de ville. Il conduit alors des camions de 3 ou 5 tonnes. Il travaille alors pour les chaînes de magasin Dionne Ltée, Alphonse Raymond Ltée. Il circule dans la ville de l'entrepôt de chargement de marchandise (le warehouse) aux lieux de destination qui sont en général des magasins d'alimentation. Il charge avec un homme la marchandise, poche de farine, sucre, dont le poids varie entre 50 à 100 livres dans le camion et se rend à destination où il décharge seul la marchandise, en emmenant la marchandise du fond du camion jusqu'à l'avant de la boîte puis de là sur une distance de quelques pieds, il passe la marchandise par des carreaux situés sur le mur des établissements. De fait, les établissements n'ont pas de débarcadères. La force physique est le seul équipement disponible. Les camions sont des Ford ou des GM. L'horaire de travail est de 8 à 9 heures par jour.
À compter de 1960, il travaille pour la Compagnie Paul Lafrance Transport. Il conduit alors des véhicules de 45 pieds pour le transport de marchandises telles que du fer, de l'acier, de briques etc. Il travaille de 8 à 9 heures par jour. Il circule dans la ville à bord de semi-remorque soit des véhicules munis de tracteur à l'avant et d'une van à l'arrière. Le silencieux se trouve derrière le banc du conducteur. Il circule alors de l'entrepôt à l'entreprise. Pour certaines compagnies, il doit exécuter le chargement de la marchandise (Kingway et Smith Transport) vers les années 1963. Monsieur Gagné distingue 3 sortes de chauffeurs de camions: chauffeur de route de highway sur de longues distances, chauffeur de ville, chauffeur de ville de highway. Il a pratiqué les trois sortes de conduite.
De 1964 à 1989, il travaille pour la compagnie Provec Transport et Pieneuf Leasing. Il conduit alors sur les autoroutes, il est chauffeur de highway à bord de ces véhicules munis de couchette. Il part pour des semaines ou des mois, il parcourt alors le Québec, l'Ontario, les États-Unis, les provinces de l'ouest canadien, le Nouveau-Mexique. Les heures de travail sont longues et il faut respecter un horaire strict. À destination, on charge la marchandise mais on ne décharge pas. La marchandise est diverse: fer, vêtement, nourriture. Il n'est pas rare qu'un pneu se fende en hiver et qu'il doive seul procéder au remplacement du pneu, couché dans la neige, outillé d'une masse pour décoller le pneu. Il s'agit d'un travail qui comporte de nombreuses heures de route, avec une grande fatigue mentale, peu de sommeil, des heures de repas escamotées. La conduite est exigeante, on compte 15 changements de vitesse pour passer de 0 à 80 milles, le chauffeur doit toujours être prêt à intervenir sur la grande route, vérifier quatre miroirs et 2 miroirs qui éclairent le chargement. Le siège est rembourré en cuir jusqu'à la hauteur des épaules, avec des appui-tête sans appui-ras, le volant n'est pas ajustable. Les sièges sont ajustables d'avant-arrière et de haut en bas. Pour son confort et la réduction de la fatigue, Monsieur Gagné doit placer un oreiller roulé dans le bas de la colonne vertébrale.
Pendant l'année 1984, il travaille pour Verreault Navigation. Pendant cette période il achemine des plaques d'acier à bord de véhicules munis de très longues plate-formes de la Gaspésie à destination d'Ottawa. Il travaille de très longues heures, plus de 18 heures par jour. Il n'effectue pas le chargement ni le déchargement de la marchandise.
De 1989 jusqu'en 1991, il travaille pour la compagnie Saramac et Pyrotec Ltée. Il est chauffeur de highway et transporte des plaques de béton. Il se rend dans le Nouveau-Brunswick, les villes de Québec, Montréal, c'est-à-dire là où l'on construit des édifices, des usines d'épuration, des édifices commerciaux ou encore des édifices sociaux tels que la Place des Arts, etc. Il doit avant son départ fixer le chargement à l'aide de chaînes, grimper sur le chargement. Il travaille de 8 à 10 heures par jour.
Les véhicules que Monsieur Gagné a conduit sont des poids lourds auxquels est attachée une remorque de transport de la marchandise dont la quantité de pneus varie (camions de six à 10 roues). Les véhicules sont munis de silencieux qui retrouvent (sic) derrière la cabine. Au cours des années 1960 à 1970, les véhicules étaient munis de sièges ne possédant pas de suspension. Le siège était fixé sur le plancher. De 1970 à 1980, le siège était de marque Bostrom avec suspension, sans appui-tête ou appui-bras. Il n'y a d'autre ajustement possible du siège. Par la suite, les véhicules sont munis de sièges de marque Bostrom avec suspension à l'air, avec ajustement possible de l'avant à l'arrière, un ajustement vertical et un support lombaire. Le siège est un élément important toutefois il faut noter que la présence d'une suspension des sièges n'invalide pas la nocivité des vibrations et des chocs impulsionnels lorsqu'ils sont testés dans les conditions terrain et que l'adoption de certaines postures penchées, appuyées sur le volant ou un mauvais support lombaire et l'adoption de torsion de la colonne lors des virages, un mauvais ajustement de la hauteur du siège peuvent rendre le siège non sécuritaire. Un ajustement plus bas du siège ne peut ainsi amplifier les chocs impulsionnels.
Monsieur Gagné se rappelle de la fatigue qu'il ressentait dans les membres inférieurs, surtout la gauche à cause de pédale d'embrayage, de la vibration qu'il pouvait même percevoir. Il faut se rappeler que le poste de chauffeur est complexe et que de nombreux paramètres d'angles et de dimentionnements sont nécessaires pour le rendre le plus confortable possible. Pour que le siège soit efficace, sa fréquence de résonance doit être plus basse que la plus petite fréquence d'excitation, ce qui implique de connaître l'environnement vibratoire à la base du siège pour identifier le type de suspension capable d'atténuer les vibrations se rendant au travailleur.
Les vibrations originent de sources internes telles que le moteur, les composantes de la transmission et de sources externes résutlant des irrégularités de la route ou des gouttières de la route, le débalancement des roues et des essieux. D'autres paramètres peuvent également jouer dans la vitesse de croisière, les arrêts fréquents, les virages, le poids de chauffeurs dans l'évaluation d'un siège qui aurait les meilleures caractéristiques dans la plupart des situations et conditions anthropométriques.
En résumé, Monsieur Gagné a conduit des véhicules lourds pendant de nombeuses années soit de 1954 à 1991 en excluant son travail dans les fôrets du Québec. Les trajets parcourus se faisaient soit à l'intérieur de la ville et les banlieues ou alors sur de long parcours à l'intérieur et l'extérieur du pays, jusqu'au Nouveau-Mexique. Les heures de travail étaient longues. Le travail exigeait plus que la conduite du véhicule puisque comme nous l'avons vu au début de son embauche il devait procéder au chargement et au déchargement de la marchandise.»
Après l'étude de l'histoire professionnelle du travailleur, la docteure Turcot passe en revue les principales études épidémiologiques qui ont été faites au cours des dernières années concernant différents corps de métier soumis aux vibrations dont les chauffeurs d'autobus, les chauffeurs de camions, les pilotes d'hélicoptères et les conducteurs d'équipements lourds, lesquelles tendent à démontrer l'existence d'une relation entre les effets des vibrations de basse fréquence et la survenance d'une atteinte à la colonne lombaire. Elle conclut:
«(...)
Il devient clair à partir des études épidémiologiques que les conducteurs de véhicules sont plus à risque que la population en général de développer des blessures et des problèmes de la colonne vertébrale. Le symptôme le plus fréquemment rapporté est la lombalgie et les diagnostics rapportés le plus souvent sont la lombalgie aiguë, la lombago-sciatalgie, la scoliose, la spondylose, la spondylolisthésis, la spondylolyse, l'ostéochondrose, les blessures des facettes articulaires, la dégénérescence discale et les hernies discales. Les études épidémiologiques basées sur les données radiologiques sont particulièrement intéressantes. Ces données nous démontrent des signes objectifs de changements dégénératifs de la colonne vertébrale (spondylose) tels que des protrusions sur les vertèbres (les ostéophytes) et un changement dans la distance intervertébrale. Dans les huit études disponibles dans lesquelles des changements dégénératifs sont présents, il existe une plus grande prévalence de lésions de la colonne lombaire chez le groupe de travailleurs exposés aux vibrations comparativement aux travailleurs du groupe contrôle. L'étude Wukasch démontre une plus grande prévalence d'ostéophytes chez les travailleurs exposés par rapport au groupe contrôle. Munsch (1987) et Kohne (1982) obtiennent les mêmes résultats. Munsch a démontré des changements dégénératifs plus nombreux du disque intervertébral et une prévalence plus marquée d'ostéophytes. Ces changements surviennent plus tôt chez le groupe de chauffeurs que le groupe contrôle. Kohne a démontré que cette prévalence plus marquée des changements dégénératifs survient chez les conducteurs qui ont plus de dix ans d'exposition aux vibrations. Selon Wikstrom, il existe suffisamment d'évidence que les vibrations contribuent aux changements dégénératifs de la colonne vertébrale, des disques et vertèbres et les plaques épiphysaires. Comme les conducteurs sont soumis également à la position assise prolongée, il est difficile d'isoler les vibrations comme uniquement (sic) facteur ou si leur effet est cumulatif aux effets de la position prolongée.
Les mécanismes reliés aux problèmes et changements dégénératifs de la colonne vertébrale chez les travailleurs exposés aux vibrations sont nombreux et probablement intereliés. Parmi ceux-ci on note les signaux vibratoires continus et les chocs impulsionnels de la conduite des véhicules routiers. L'activité musculaire des muscles du dos induite par les vibrations sinusoïdales n'offre pas de mécanisme protecteur, puisqu'elle survient en déphasage. Les vibrations portent une contrainte sur les ligaments antérieurs et postérieurs de la colonne dû à un déséquilibre entre les forces d'inertie et les moments de force musculaire. Des changements consécutifs à la fatigue surviennent aux plaques épiphysaires (endplates) suite à une longue exposition aux vibrations.
La colonne vertébrale ou le système spinal soumis aux vibrations comporte des moments de plus grande transmissibilité de l'énergie vibratoire aux fréquences de résonance. La plus grande fréquence de résonance se situe aux environs de 5 Hz. On note une raideur progressive du système spinal en réponse de fréquence augmentée. La conduite de véhicules routiers soumet la colonne vertébrale à ces fréquences de résonance et le but des sièges ergonomiques est de réduire la nocivité de ces fréquences. Selon Wilder, les caractéristiques d'un siège seraient notamment: une atténuation dans les trois axes du siège, un support lombaire amortissant mais rigide, un support thoracique de rigidité graduelle vers la région lombaire, des supports de bras amortissants, une assise du siège angulée, une position d'extension pour le dossier du siège. Plusieurs paramètres doivent être contrôlés pour que pour un conducteur donné, les caractéristiques d'un siège soient sécuritaires. La présence d'un siège hydraulique notée dans l'histoire de Monsieur Gagné n'écarte pas le risque de vibrations et la contribution des autres facteurs de risque décrits dans la pathogénie de sa lésion dont le soulèvement de charges, la posture assise prolongée, les contraintes de posture telles que les rotations de la colonne vertébrale.
(...)
L'histoire antérieure de monsieur Gagné comporte les données d'exposition prolongée aux vibrations générales, le maintien d'une posture assise prolongée, de postures contraignantes et le soulèvement de charges au cours de longues années de conducteur de véhicules routiers, lesquelles sont compatibles avec l'état dégénératif de sa colonne. De plus, monsieur Gagné présente aujourd'hui de l'ankylose et des limitations fonctionnelles permanentes suite à l'accident de travail de 1991 chez un travailleur dont le rachis a été soumis pendant de longues années aux effets néfastes des vibrations et des autres agents agresseurs reliés au travail ou non dont la station assise prolongée, les postures contraignantes, le soulèvement de charges lourdes et l'âge dont les effets se combinent dans la survenue et l'aggravation des processus lésionnels dégénératifs de la colonne lombaire.
Attribuer l'interprétation des examens radiologiques et de Ct-scan aux seuls effets de l'âge serait à notre avis écarter à tort la contribution de ces facteurs largement étudiés en relation avec les phénomènes dégénératifs de la colonne. De plus, relier la symptomatologie de monsieur Gagné à des phénomènes dégénératifs évoluant à bas bruit, dus exclusivement à son âge, serait contraire aux données de son histoire professionnelle, à la notion des faits accidentels et à celles de l'évolution clinique de ce travailleur par suite de son accident. L'histoire actuelle nous apprend plutôt que ce travailleur n'a pu réintégrer son travail et qu'il est demeuré symptomatique au plan clinique et lors des nombreux examens physiques qu'il a subis depuis 1991.
Monsieur Gagné a donc cumulé pendant de nombreuses années des stress sévères au niveau de sa colonne lombaire plus que la population en général non exposée à ces facteurs de risque. L'accident de 1991 au niveau de sa colonne lombaire a finalement précipité la décompensation de son état rachidien de telle sorte qu'aujourd'hui il présente une atteinte permanente à son intégrité physique.»
Le tribunal a l'occasion d'entendre, à l'audience, le docteur Molina-Negro et la docteure Turcot qui sont venus expliquer et commenter leur rapport. Chacun a réitéré les conclusions auxquelles il en était arrivé dans son rapport. La docteure Turcot établit une relation directe entre l'état de dégénérescence de la colonne lombaire du travailleur et le travail de camionneur qu'il a exercé durant de nombreuses années. Le docteur Molino-Negro maintient, pour sa part, que le travailleur conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles à la suite de son accident du 22 octobre 1991 et croit que cet accident a définitivement aggravé sa condition rachidienne d'ostéo-arthrose et de spondylose. Il croit également que ce processus sous-jacent de dégénérescence a pu être influencé par le travail de camionneur exercé par le travailleur durant de nombreuses années mais déclare s'en remettre au docteure Turcot qui a plus particulièrement étudié cet aspect, à savoir si cette condition sous-jacente peut être considérée comme une maladie professionnelle.
Le travailleur témoigne, lui aussi, pour expliquer notamment le long délai qui s'est écoulé entre le moment où il a eu connaissance de la possibilité qu'il puisse être atteint d'une maladie professionnelle et le dépôt de sa réclamation. Il explique qu'après avoir reçu les décisions de la Commission du 14 et 20 octobre 1992, il a consulté un «avocat» avec qui il aurait été question de la possibilité qu'il puisse être atteint d'une maladie professionnelle. C'est cet «avocat» qui l'aurait dirigé vers le docteur Tremblay. Il dit qu'il avait donné à son «avocat» le mandat de faire le nécessaire pour faire valoir ses droits et qu'il s'est fié entièrement à lui pour la conduite de son dossier étant donné que lui-même n'a à peu près pas d'instruction et qu'il ne connaissait pas la procédure à suivre. Selon son témoignage, son «avocat» aurait considéré que la transmission à la Commission du rapport du docteur Tremblay, faisant état de l'existence d'une maladie professionnelle, était suffisant. Il n'aurait pas jugé nécessaire de produire une réclamation en bonne et due forme sur le formulaire de la Commission. Dès qu'il a été informé qu'il y avait des problèmes avec son dossier, le travailleur dit qu'il a produit une réclamation.
Le dossier indique que le travailleur a effectivement consulté monsieur Luc Massé à la F.A.T.A. après avoir reçu les décisions de la Commission du 14 et 20 octobre 1992. M. Massé n'est pas avocat. Le dossier indique également que monsieur Massé a cessé de représenter le travailleur à l'automne 1993, un avis de retrait ayant été transmis au bureau de révision le 29 novembre 1993. Monsieur Massé a été remplacé par Me Denis Mailloux qui, en date du 11 janvier 1994, faisait parvenir un formulaire de réclamation, signé par le travailleur, à la Commission en lui demandant de relever le travailleur des conséquences de son défaut. Selon toute évidence, c'était le formulaire signé par le travailleur en date du 22 décembre 1993 qui était annexé à cette lettre.
Dans sa lettre, Me Mailloux faisait valoir que la Commission avait reçu une copie du rapport du docteur Tremblay, datée du 3 mars 1993, qu'elle possédait donc tous les renseignements nécessaires pour se prononcer sur l'existence d'une maladie professionnelle et que la non production du formulaire ne devrait pas être fatal au travailleur.
Une lettre subséquente de Me Mailloux, en date du 16 février 1994, se lit ainsi:
«Suite à la votre du 9/02/94 reçue le 14/02/94, nous vous fournissons les explications suivantes:
M. Gagné nous informe qu'il croyait que la transmission du rapport du Dr Jacques Tremblay était suffisante pour ouvrir ce dossier compte tenu qu'il avait déjà un dossier ouvert à la CSST.
Ce motif nous apparait raisonnable pour relever M. Gagné de son hors-délai.
(...)»
Le travailleur témoigne ensuite sur les circonstances de l'événement survenu le 22 octobre 1991 et l'évolution de sa symptomatologie depuis cet événement. Il fournit également de plus amples explications sur les accidents antérieurs qui ont impliqué sa colonne lombaire.
Messieurs Gilles Brais et Germain Provencher témoignent également à la demande du travailleur. Monsieur Brais est directeur général chez l'employeur. Le travailleur était sous ses ordres le 22 octobre 1991. Il explique en quoi consiste le travail de chauffeur de semi-remorques chez l'employeur, poste qu'occupait le travailleur au moment de son accident. Monsieur Provencher, quant à lui, est camionneur depuis vingt ans. Il est propriétaire d'une compagnie de transport qui exécute des contrats de sous-traitance pour l'employeur. Le travailleur a travaillé quinze ans pour lui. Il témoigne sur les exigences physiques particulières de cet emploi tout en soulignant que les sièges des camions ont été grandement améliorés depuis environ huit ans et qu'ils sont beaucoup plus «confortables» maintenant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Commission d'appel doit d'abord déterminer si le travailleur conserve une atteinte permanente à son intégrité physique et des limitations fonctionnelles à la suite de la lésion professionnelle qu'il a subie le 22 octobre 1991.
La Commission d'appel doit également décider de la recevabilité de la réclamation du travailleur pour maladie professionnelle et le cas échéant, déterminer si la condition de dégénérescence discale lombaire que présente le travailleur constitue une maladie professionnelle.
L'existence d'une atteinte permanente à l'intégrité physique et de limitations fonctionnelles à la suite de la lésion professionnelle du 22 octobre 1991:
L'article 203 de la loi prévoit:
203. Dans le cas du paragraphe 1m du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2m du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant:
1E le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement;
2E la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion.
3E l'aggravation des limitations fonctionnelles du travailleur qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
Selon l'article 224 de la loi, la Commission est liée par les conclusions du médecin qui a charge. Cet article se lit comme suit:
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1E à 5E du premier alinéa de l'article 212.
Cependant, si un arbitre rend un avis en vertu de l'article 221 infirmant le diagnostic ou une autre conclusion de ce médecin, la Commission devient liée par cet avis et modifie sa décision en conséquence, s'il y a lieu.
La Commission d'appel a déjà décidé que l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles doivent être précisées pour satisfaire aux exigences de l'article 203 de la loi et lier la Commission sur ces questions[2]. Le seul fait de cocher «oui» sur un formulaire de la Commission intitulé «Rapport final», en réponse aux questions: «La lésion entraîne-t-elle une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique?», «La lésion entraîne-t-elle des limitations fonctionnelles?», sans que cette atteinte permanente soit évaluée et que les limitations fonctionnelles soient décrites, n'est pas suffisant et ne lie pas la Commission. Le rapport final, pour rencontrer les exigences de l'article 203 de la loi, doit être complété d'un rapport d'évaluation médicale indiquant le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique selon le Règlement sur le barème des dommages corporels[3] (le barème) et décrivant les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle[4]. Lorsqu'il y a contradiction entre le rapport final complété par le médecin traitant et le rapport d'évaluation plus élaboré accompagnant ou complétant ce rapport final, il a été décidé dans l'affaire Larivière et Hôpital du Haut-Richelieu[5] que la préséance doit être donnée aux conclusions élaborées par le médecin traitant dans le rapport d'évaluation médicale puisque ce rapport complémentaire est celui qui est conforme à l'article 203 de la loi.
Il a également été décidé par la Commission d'appel que le médecin à qui le travailleur est référé par son médecin traitant pour procéder à l'évaluation des séquelles permanentes doit être considéré comme le médecin qui a charge du travailleur[6].
En l'instance, la preuve révèle que le docteur Beaudoin, médecin traitant, a référé le travailleur au docteur Savard pour l'évaluation de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Le travailleur s'est soumis à cet examen. Par conséquent, le docteur Savard doit être considéré comme le médecin qui a charge du travailleur et la Commission est liée par les conclusions de ce médecin en ce qui concerne l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. C'est donc à la lumière du rapport d'évaluation médicale du docteur Savard que la capacité de travail du travailleur doit être appréciée, de même que son droit à une indemnité pour dommages corporels et c'est ce qu'ont fait la Commission et le bureau de révision. La lésion professionnelle du 22 octobre 1991 n'entraînant, selon le docteur Savard, aucune atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur ni limitation fonctionnelle, le travailleur ne peut avoir droit à une indemnité pour dommages corporels et il ne peut être considéré incapable d'exercer son emploi en raison de la lésion professionnelle qu'il a subie le 22 octobre 1991.
Le procureur du travailleur a insisté, dans son argumentation, sur le fait que le docteur Savard a outrepassé son mandat en concluant que les limitations fonctionnelles du travailleur ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle mais plutôt avec une condition personnelle d'arthrose dégénérative à la région lombaire. La Commission d'appel ne partage pas cette opinion.
Il y a une distinction à faire entre la détermination du lien entre la lésion d'un travailleur et le fait accidentel allégué, qui est une question d'ordre juridique, et la détermination du lien entre les limitations fonctionnelles ou l'atteinte permanente d'un travailleur et sa lésion. Dans ce dernier cas, la Commission d'appel a décidé à maintes reprises qu'il s'agit d'une question d'ordre médical qui relève du médecin qui a charge du travailleur et le cas échéant, de l'arbitre médical[7].
La maladie professionnelle
Question préliminaire portant sur le hors délai:
L'article 272 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[8] (la loi) édicte:
272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.
Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.
La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.
Par ailleurs, l'article 352 de la loi prévoit:
352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
À partir du moment où il est porté à la connaissance d'un travailleur que sa maladie peut être reliée à son travail, ce dernier a donc un délai de six mois pour produire une réclamation à la Commission[9].
En l'instance, la première réclamation du travailleur pour maladie professionnelle est datée du 18 octobre 1993 et elle a été reçue à la Commission le 2 novembre 1993. Par ailleurs, la possibilité que le travailleur puisse être atteint d'une maladie professionnelle a été évoquée par le docteur Jacques Tremblay, pour la première fois, dans son attestation médicale du 1er décembre 1992 et il ressort de la preuve que le travailleur en était parfaitement informé. Force est donc de constater que la réclamation du travailleur ne respecte pas le délai prévu à l'article 272 de la loi.
La Commission d'appel estime cependant que le travailleur doit être relevé des conséquences de son défaut d'avoir produit sa réclamation dans le délai prévu par la loi pour les raisons ci-après exposées.
La preuve démontre que le travailleur est dépourvu d'instruction et qu'il s'est fié totalement à son représentant, monsieur Massé, pour faire le nécessaire à partir du moment où la possibilité qu'il puisse être atteint d'une maladie professionnelle a été évoquée. Or, si les rapports médicaux du docteur Tremblay ont été transmis à la Commission, il appert du dossier qu'aucune réclamation en bonne et due forme n'a été produite. Selon ce que rapporte le travailleur et ce que semble confirmer la correspondance échangée entre Me Mailloux et la Commission après le retrait du dossier de M. Massé, on aurait cru que la transmission des rapports médicaux évoquant la présence d'une maladie professionnelle chez le travailleur pouvait tenir lieu de réclamation compte tenu que la Commission possédait déjà un dossier concernant le travailleur.
Il est vrai que, dans certaines circonstances, la Commission d'appel et même les tribunaux supérieurs ont considéré que la transmission d'un rapport médical à la Commission pouvait tenir lieu de réclamation[10]. Ce fut le cas notamment dans l'affaire Galipeault c. le Bureau de révision paritaire des Laurentides où la Cour supérieure a considéré qu'une nouvelle réclamation n'était pas utile dans le cas d'une aggravation, alors que la Commission avait à son dossier tous les rapports médicaux lui permettant de rendre sa décision. La situation est différente dans la présente affaire où il s'agit d'une première réclamation pour maladie professionnelle[11]. Il n'est pas évident, dans un tel cas, que le travailleur pouvait se dispenser de produire une réclamation en bonne et due forme.
Mais, quoi qu'il en soit, il reste que le travailleur a confié son dossier à un représentant expérimenté, qu'il s'est fié totalement à ce représentant, d'autant plus que lui-même a peu d'instruction et qu'il a cru de bonne foi que le nécessaire allait être fait pour la sauvegarde de ses droits. On ne peut lui reprocher d'avoir été négligent dans la conduite de son dossier. L'erreur de son représentant ne saurait, dans les circonstances, lui faire perdre ses droits. La jurisprudence a déjà reconnu, dans des circonstances similaires, que l'erreur du représentant pouvait constituer un motif raisonnable pour relever un travailleur des conséquences de son défaut. C'est le cas notamment dans les deux décisions citées par le procureur du travailleur[12].
En l'absence de preuve à l'effet que l'employeur en subira un préjudice, la Commission d'appel considère donc qu'il y a lieu de relever le travailleur des conséquences de son défaut d'avoir produit sa réclamation pour maladie professionnelle dans le délai prévu à l'article 272 de la loi.
Décision sur le mérite
L'article 2 de la loi définit la maladie professionnelle comme suit:
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
«maladie professionnelle»: une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
Cet article doit se lire avec les articles 29 et 30 de la loi, lesquels se lisent ainsi:
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
Il est clair que le travailleur ne peut bénéficier de la présomption édictée à l'article 29 de la loi puisque sa maladie n'est pas spécifiquement prévue à l'annexe I de la loi.
Le travailleur a donc le fardeau de démontrer que sa maladie, en l'occurrence la dégénérescence de sa colonne lombaire se manifestant principalement par des phénomènes d'ostéo-arthrite et une sténose spinale, est caractéristique de son travail de camionneur ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail. La Commission d'appel estime que cette preuve a été faite en l'instance.
Le rapport fort documenté de la docteure Alice Turcot, spécialiste en médecine du travail, établit en effet qu'il existe une relation entre les lésions de la colonne lombaire et l'exposition intensive et prolongée aux vibrations de basse fréquence, auxquelles sont particulièrement assujettis certains groupes de travailleurs dont les chauffeurs de camion et les opérateurs d'équipements lourds. Selon les diverses études épidémiologiques longuement discutées dans ce rapport, il existe une plus grande prévalence chez les travailleurs qui sont exposés aux vibrations de développer des problèmes de type dégénératif à la colonne vertébrale que dans la population en général. Les études citées montrent également qu'il existe plusieurs variables qui agissent conjointement dans l'environnement de travail du chauffeur soumis aux vibrations: contrainte posturale, posture assise prolongée, rotations fréquentes de la colonne, mouvements latéraux et soulèvement de charges (encore plus dommageable sur la colonne à la fin d'un trajet pendant lequel la colonne a été soumise aux vibrations). Les mécanismes reliés aux problèmes et changements dégénératifs de la colonne vertébrale chez les travailleurs exposés aux vibrations sont bien expliqués par la docteure Turcot. Son rapport est convaincant sur le fait que le travail de chauffeur de camions ou d'opérateur d'équipements lourds comporte des risques particuliers et expose celui qui l'exerce à développer, plus qu'un autre, des problèmes de dégénérescence au niveau de la colonne vertébrale et plus particulièrement, au niveau de la colonne lombaire.
Si l'on considère l'histoire occupationnelle du travailleur, qui est rapportée de façon très complète et détaillée par la docteure Turcot dans son rapport, les probabilités sont grandes que les problèmes de dégénérescence qui affectent sa colonne lombaire soient attribuables au travail d'opérateur d'équipements lourds et de chauffeur de camions qu'il a exercé pendant plus de quarante ans, eu égard aux risques particuliers que ce genre de travail comporte pour la colonne vertébrale.
Il est certain que la pathologie discale qui affecte le travailleur ne s'est pas développée seulement durant les quelques années où il a été au service de l'employeur. Pendant de nombreuses années, il a cumulé des stress sévères au niveau de sa colonne lombaire, plus que la population en général non exposée à ces facteurs de risque. Ce sont, tout à la fois, les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles il a exercé son métier depuis l'âge de 14 ans, surtout lorsqu'il travaillait dans des camps forestiers, le type de véhicules qu'il a conduits sans protection adéquate (siège non ergonomique, absence de suspension, etc.) alors que les heures étaient souvent longues et que le travail exigeait en plus de la conduite du véhicule, de procéder au chargement et déchargement de la marchandise et enfin, le nombre d'années durant lesquelles il a exercé ce métier qui, conjugués ensemble, expliquent l'état actuel de sa colonne lombaire.
Sur la base de ce qui précède, la Commission d'appel conclut donc que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle reliée aux risques particuliers de son travail de camionneur et d'opérateur d'équipements lourds.
La Commission d'appel n'est pas compétente pour se prononcer sur l'existence d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles pouvant résulter de cette maladie professionnelle ainsi que sur la capacité du travailleur à exercer son emploi en raison de cette maladie professionnelle. Il appartiendra à la Commission, à la lumière de la présente décision, de se prononcer sur ces questions.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES:
DANS LE DOSSIER 57950-62-9403:
REJETTE l'appel du travailleur, monsieur Léonard Gagné;
CONFIRME la décision rendue, le 28 février 1994, par le bureau de révision de l'Île-de-Montréal;
DÉCLARE que le travailleur n'a droit à aucune indemnité pour dommages corporels à la suite de la lésion professionnelle qu'il a subie le 22 octobre 1991;
DÉCLARE qu'il n'y a pas d'incapacité de travail qui résulte de la lésion professionnelle du 22 octobre 1991.
DANS LE DOSSIER 61793-62-9403:
ACCUEILLE l'appel du travailleur, monsieur Léonard Gagné;
INFIRME la décision rendue, le 30 juin 1994, par le bureau de révision de la Montérégie;
DÉCLARE que la dégénérescence qui affecte la colonne lombaire du travailleur, se manifestant par des phénomènes d'ostéo-arthrite et une sténose spinale, constitue une maladie professionnelle;
ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, en conséquence, de verser au travailleur les prestations auxquelles il a droit selon la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
_________________________
Me Mireille Zigby
commissaire
LAMARRE, LAPORTE & ASS.
Me Michel Lamarre
235, boul. Taschereau # 202
Greenfield Park (Québec)
J4V 2H3
Procureur de la partie appelante
[1]L.R.Q., c. A-3.001
[2]Colgan et C.A. Champlain Marie-Victorin. 22005-60-9009, 1992-07-24, J. L'Heureux; Gagné et Les Chaussures Henri-Pierre inc., 41250-03-9206, 1994-05-02, C. Bérubé; Dubreuil et Monsanto Canada inc., 37266-60-9202, 1994-02-11, S. DiPasquale; Ledoux et Hôpital Général de Lachine, 53690-60-9309, 1994-09-28, J. L'Heureux; Leboeuf et Centre d'hébergement (S.L.D.) Biermans - Triest, 15868-60-8912, 1995-02-27, J.-G. Béliveau.
[3](1987) G.O. II, pp. 5576
[4]Ouellet et Entr. forestières F.G.O. inc., 26176-01-9101, 1993-07-21, M. Carignan; Larivière et Hôpital du Haut-Richelieu, 38310-62-9203, 94-03-09, M. Lamarre (J6-09-08).
[5]Déjà citée, v. note précédente.
[6]Ministère de la Justice et Lapointe (1991) C.A.L.P. 453, révision rejetée, 19035-64-9005, 1992-01-14, S. Lemire.
[7]Cunningham et Messageries de Presse Benjamin enr., 03280-60-8705, 1990-04-04, G. Lavoie (J2-03-02), Scavone et Les Créations Lydia inc. (1991) C.A.L.P. 1270; Lemay et Sintra inc. (1991) C.A.L.P. 743; Côté et Christie Brown 04926-60-8710, 1990-11-21; C. Demers (décision accueillant la requête en révision), (J2-21-38); Succession Jacques Mercier et Pneudis Montréal inc. (1992) C.A.L.P. 64; St-Laurent et Ministère du Loisir, de la chasse et de la pêche (1992) C.A.L.P. 773; Grenier et Domtar inc. (1992) C.A.L.P. 1656; Morel et Système Maisons Bendix Québec 27286-64-9103, 1993-03-16, L. Boucher (J5-08-09); DiMiglio et Paysagiste C.D.M., 12543-60-8904, 1991-12-05, F. Garneau-Fournier, (J3-22-28); Perreault et Les Industries M.P. inc. 41579-04-9207, 1994-05-13, P. Brazeau.
[8]L.R.Q., c. A-3.001
[9]Fontini-Scenna et Daymar Dress inc. (1987) C.A.L.P. 228; Rodrigues et Rosann inc. et C.S.S.T. (1990) C.A.L.P. 405; Gauvin et Ville de Montréal (1992) C.A.L.P. 406; Taback et Travail Canada (1993) C.A.L.P. 1206.
[10]Galipeault c. Le Bureau de révision paritaire des Laurentides (1991) R.J.Q. 788 (CC-5); Vincent et G.G. Construction (1992) C.A.L.P. 151; Villeneuve et St-Raymond Paper, 19779-02-9006, 1993-12-14.
[11]Déjà cité, note 10.
[12]Quesnel et Les Aliments Maple Leaf, 52929-62-9308, 1994-11-24, F. Dion-Drapeau; Fradette et Rond-Point Lincoln Mercury et C.S.S.T.; 38324-02-9204, 1994-08-18, R. Ouellet.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.