Décision

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                                                            LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

RÉGION :                                            MONTRÉAL, le 25 janvier 1999

Île-de-Montréal

 

DOSSIER :                                          DEVANT LA COMMISSAIRE :      Me Doris Lévesque

94776-71-9803

 

                                                            ASSISTÉE DES MEMBRES :          Alain Crampé,

                                                                                                                      Associations d’employeurs

 

                                                                                                                      André Tremblay,

                                                                                                                      Associations syndicales

 

DOSSIER CSST :                               

007010663

 

DOSSIER BR :                                    AUDIENCE TENUE LE :                 26 novembre 1998

62610706

 

                                                            À :                                                     Montréal

 

 

 

 

MONSIEUR SYLVAIN D’ANJOU

10688, Ave Christophe-Colomb

Montréal  (Québec)

H2C 2V2

 

 

                                                      PARTIE APPELANTE

 

et

 

 

ENTREPRISE REVEXCO INC.

3537, St-Charles

Lachenaie  (Québec)

J6W 5L6

 

                                                      PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 


D É C I S I O N

 

 

Le 17 mars 1998, monsieur Sylvain D’Anjou (ci-après désigné le travailleur) dépose une déclaration d’appel à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) à l’encontre d’une décision rendue le 26 février 1998 par le bureau de révision de la région de l’Île-de-Montréal (le bureau de révision).

 

Par cette décision unanime, le bureau de révision maintient la décision rendue le 1er août 1997 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), ayant refusé de réviser l’indemnité versée au travailleur.  Selon la CSST il n’y avait pas lieu de modifier le nombre de personnes à charge puisqu’elle devait considérer la situation familiale telle qu’elle existait au moment de la rechute, récidive ou aggravation du 15 septembre 1993 conformément à l’article 64 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. c.A-3.001) (la loi).

 

Bien que l’appel de monsieur D’Anjou ait été déposé devant la Commission d’appel, la présente décision est rendue par la Commission des lésionsprofessionnelles, conformément à l’article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, (L.Q. 1997, c.27) entrée en vigueur le 1er avril 1998.  En vertu de l’article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.

 

Une audience a lieu à Montréal le 26 novembre 1998.  Le travailleur est présent et représenté par Me André Lavoie.  Bien que dûment convoquée, l’entreprise Revexco inc. (l’employeur) est absente et non représentée.

 


OBJET DE L’APPEL

 

Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du bureau de révision et d’ordonner à la CSST de l’indemniser, suite à sa situation familiale en tenant compte de deux enfants à charge.

 

Dès son accident du travail du 7 décembre 1990, il souligne que malgré le fait qu’il avait déclaré un conjoint avec deux personnes à charge, la CSST n’a jamais tenu compte de ces informations et qu’ainsi son dossier a pris une mauvaise tangente dès le départ.  Il souligne qu’il a la garde d’un de ses enfants depuis le 14 juillet 1997, et que même la CSST en avait tenu compte dans son programme de réadaptation en lui remboursant les frais de garde d’un enfant.  Il conclut que la CSST aurait dû se réviser pour tenir compte des enfants à charge en vertu de l’article 64 de la loi.

 

LES FAITS

 

Le 7 décembre 1990, le travailleur est victime d’un accident du travail lorsqu’il glisse en descendant d’un escabeau.  Le 21 janvier 1992, le docteur Imbeault émet un déficit anatomo-physiologique de 2% pour une entorse lombaire avec séquelles objectivées.

 

Dans sa déclaration d’accident de travail, le travailleur déclare un conjoint et deux personnes à charge au formulaire de «Réclamation du travailleur» signé du 4 janvier 1991.  Or, le travailleur nous dit à l’audience que la CSST n’a jamais tenu compte de cette information relative à sa situation familiale dans le calcul de ses indemnités de remplacement du revenu.  Le 14 janvier 1991, il téléphone à son agent d’indemnisation à la CSST pour lui demander de tenir compte de deux enfants à charge.  La CSST ne donne aucunement suite à sa demande.

 

Le 23 janvier 1991, les notes évolutives de la CSST révèlent également que le travailleur déclare à cette date, au cours d’une conversation téléphonique, n’avoir  aucune personne à charge.

 

Au début de 1991, survient la séparation et le divorce est prononcé à la mi-mai 1992, nous dit-il à l’audience.

 

Le 11 juin 1992, il est admis en réadaptation.  Une analyse du profil familial confirme effectivement que les deux enfants (âgés de deux et quatre ans) sont à la charge exclusive de son épouse.

 

Le 15 septembre 1992, l’emploi de conducteur, agent de sécurité, avec port d’armes, est retenu comme emploi convenable.  Le 28 septembre 1992, la CSST statue que le travailleur est capable d’exercer cet emploi à compter du 1er octobre 1992.  Le début de recherche d’emplois est fixé au 1er octobre 1992 et se termine le 30 septembre 1993.

 

Le 19 octobre 1993, le travailleur soumet une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation qui serait survenue le 9 février 1993 pour un diagnostic de lombo-sciatalgie posé par le docteurVan Duyse. Le 15 septembre 1993, le docteur Giroux diagnostique une hernie discale en L4-L5 gauche.  Le 23 décembre 1993, la CSST accepte la récidive, rechute ou aggravation en date du 15 septembre 1993.

 

Au moment de la rechute, le travailleur ne déclare aucune personne à charge au formulaire «Réclamation du travailleur» signé du 19 octobre 1993.  Il n’a pas alors la garde des deux enfants, mais il paie une pension alimentaire pour ceux-ci, nous dit-il à l’audience, sans toutefois apporter de preuve à l’appui de cette affirmation.

 

Les notes évolutives révèlent que le 7 mars 1995, le travailleur téléphone à la CSST pour obtenir des informations concernant une éventuelle saisie pour pension alimentaire.

 

Le 5 septembre 1995, il subit une discoïdectomie en L4-L5 bilatérale, une capsulotomie et une foraminotomie.

 

Le 25 mars 1996, son médecin, le docteur Giroux, indique un prochain rendez-vous médical pour le 9 octobre 1996, en proposant qu’entre-temps le travailleur bénéficie d’un programme de réadaptation au Centre Lucie Bruneau afin d’apprendre à mieux gérer sa douleur.  Ce programme se déroule du 25 mars 1996 au 12 août de la même année.

 

En juillet 1997, le travailleur demande à la CSST de modifier son indemnité pour tenir compte d’une personne à charge, puisqu’il vient d’obtenir la garde légale d’un de ses enfants.  Il explique être séparé de son épouse qui avait obtenu la garde des deux enfants de sorte qu’il n’avait pas déclaré de personnes à charge lors de sa récidive, rechute ou aggravation.

 

L’ex-conjointe du travailleur confirme, dans une lettre datée du 28 août 1997, que ce dernier a obtenu la garde de son fils à compter du 14 juillet 1997 pour une période indéterminée.

 

La CSST accepte de payer les frais de garde d’un enfant dans le cadre de mesures de réadaptation en vertu de l’article 164 de la loi pour la période du 13 août 1997 au 28 mars 1998, pendant laquelle le travailleur effectue une formation de technicien de réseaux micro-informatiques.

 

L’AVIS DES MEMBRES

 

Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la CSST aurait dû tenir compte dans le calcul des indemnités de remplacement du revenu, de la situation familiale (c’est-à-dire deux enfants à charge), telle qu’elle existait lorsque s’est manifestée la lésion professionnelle initiale du 17 décembre 1990 conformément à l’article 64 de la loi.

 

Le membre issu des associations d’employeurs considère que la réclamation doit être rejetée, puisque la CSST devait tenir compte de la situation familiale telle qu’elle existait au moment de la récidive, rechute ou aggravation le 15 septembre 1993, et que la preuve démontre qu’il n’avait aucun enfant à charge à cette date selon l’article 64 de la même loi.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST doit modifier le calcul des indemnités de remplacement du revenu du travailleur, suite à sa demande en juillet 1997 pour tenir compte des changements survenus dans sa situation familiale.

 

Les articles 63 et 64 de la loi, relatif aux modalités de calcul de l’indemnité de remplacement de revenu dont le travailleur veut faire modifier, énoncent :

 

63.  Le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est égal à son revenu brut annuel d'emploi moins le montant des déductions pondérées par tranches de revenus que la Commission détermine en fonction de la situation familiale du travailleur pour tenir compte de:

  1o  l'impôt sur le revenu payable en vertu de la Loi sur les impôts (chapitre I-3) et de la Loi concernant les impôts sur le revenu (Statuts revisés du Canada, 1952, chapitre 148);

  2 o  la cotisation ouvrière payable en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage (Lois révisées du Canada (1985), chapitre U-1); et

  3 o  la contribution payable par le travailleur en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec (chapitre R - 9),

  La Commission publie chaque année à la Gazette officielle du Québec la table des indemnités de remplacement du revenu, qui prend effet le 1er janvier de l'année pour laquelle elle est faite.

  Cette table indique des revenus bruts par tranches de 100 $, des situations familiales et les indemnités de remplacement du revenu correspondantes.

  Lorsque le revenu brut d'un travailleur se situe entre deux tranches de revenus, son indemnité de remplacement du revenu est déterminée en fonction de la tranche supérieure.

 

            64.  Lorsque la Commission révise une indemnité de remplacement du revenu, détermine un nouveau revenu brut en vertu de l’article 76 ou revalorise le revenu brut qui sert de base au calcul de cette indemnité, elle applique la table des indemnités de remplacement du revenu qui est alors en vigueur, mais en considérant la situation familiale du travailleur telle qu’elle existait lorsque s’est manifestée la lésion professionnelle dont il a été victime.

 

Selon l’article 63, la CSST doit calculer l’indemnité en tenant compte de la situation familiale du travailleur.  Par conséquent, un travailleur ayant des enfants à charge aura droit à une indemnité nette plus élevée.

 

Par ailleurs, l’article 64 vient préciser les cas où une indemnité doit être révisée en tenant compte de la table des indemnités en vigueur «mais en considérant la situation familiale du travailleur, telle qu’elle existait lorsque s’est manifestée la lésion.»

 

Quant à la portée de l’article 64, la jurisprudence, pas très abondante, faut-il le souligner, de la Commission d’appel est à l’effet que lorsqu’une indemnité doit être révisée, il faut considérer la situation familiale du travailleur au moment de la survenance de la lésion. Ainsi, on ne peut tenir compte des changements postérieurs (voir Mathieu et Industries F.D.S. inc., [1994] CALP 463 et Céleste et Groupe Cabano transport, 41625-01-9207, 94-07-08, J.-G. Roy).  Le libellé de l’article 64 de la loi et la jurisprudence démontrent qu’il faut considérer la situation familiale du travailleur au moment de la survenance de la lésion professionnelle dont il a été victime.

 

La preuve révèle qu’au moment de la lésion initiale du 17 décembre 1990, le travailleur déclare deux enfants à charge.  Toutefois, à peine un mois et demi plus tard, soit le 23 janvier 1991, il téléphone à nouveau à la CSST, pour l’informer n’avoir aucune personne à charge à cette date.

 

Lors de la rechute du 15 septembre 1993, il n’a aucun enfant à charge. Ce n’est qu’en juillet 1997, qu’il obtient la garde d’un de ses enfants dont il veut que la CSST tienne compte dans le calcul de ses indemnités.

 

Quant à la première prétention à l’effet que le travailleur a été lésé dès 1990 alors que la CSST l’a indemnisé sans tenir compte des personnes à charge, la Commission des lésions professionnelles ne peut d’une part, en vertu du principe de la stabilité juridique des décisions, revenir sur les décisions antérieures non contestées de la CSST.  Le travailleur ne peut faire indirectement, ce qu’il n’a pas fait directement à l’époque, c’est-à-dire de contester dans le délai le versement de ses indemnités qu’il considérait alors comme étant mal fondé.

 

D’autre part, la preuve révèle qu’à l’époque, la CSST avait effectivement tenu compte de la situation familiale telle que déclarée par le travailleur lui-même.  En effet, à peine un mois après son accident de travail du 7 décembre 1990, le travailleur avisait la CSST n’avoir aucune personne à charge.  En juin 1992, il confirmait à son conseiller en réadaptation que les 2 enfants étaient à la charge exclusive de son épouse.

 

Ce n’est qu’en juillet 1997 qu’il obtient la garde de l’un de ses enfants.  Or le but de l’article 64 de la loi n’est pas de faire rétroagir une indemnité telle que demandée dans la présente instance, à la date de l’accident du travail du 7 décembre 1990.

 

Le présent litige porte plutôt sur une indemnité à être révisée, suite à une situation familiale où le travailleur obtient la garde légale de son enfant en juillet 1997 pour une récidive, rechute ou aggravation survenue le 15 septembre 1993.

 

Or, l’article 64 de la loi ne présente aucune ambiguïté il faut considérer la situation familiale du travailleur telle qu’elle existait lorsque s’est manifestée la lésion professionnelle dans le présent cas, à la date de la récidive, rechute ou aggravation, pour calculer l’indemnité.

 

La Commission des lésions professionnelles est saisie du calcul de l’indemnité à verser à la suite d’une récidive, rechute ou aggravation survenue le 15 septembre 1993 soit plusieurs années avant la demande de juillet 1997.

 

Le libellé et l’interprétation jurisprudentielle de l’article 64 sont explicites en précisant de considérer la situation familiale du travailleur existante au moment de la récidive, rechute ou aggravation du 15 septembre 1993.  Comme la preuve révèle qu’il n’avait pas d’enfants à charge à cette date, c’est à bon droit que la CSST a refusé de modifier l’indemnité de remplacement de revenu puisqu’elle ne devait pas tenir compte de changements postérieurs à la survenance de la lésion.

 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

 

REJETTE la déclaration d’appel de monsieur Sylvain D’Anjou du 17 mars 1998;

 

MAINTIENT la décision majoritaire du bureau de révision du 26 février 1998; et

 

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de ne pas réviser l’indemnité versée au travailleur conformément à l’article 64 de la loi puisqu’au moment de la récidive, rechute ou aggravation du 15 septembre 1993, monsieur Sylvain D’Anjou n’avait aucun enfant à charge.

 

 

 

Doris Lévesque

Commissaire

 

Me André Lavoie

MERCURE, MILLER, BLAIS

10660, rue Lajeunesse, Bureau 305

Montréal  (Québec)

H3L 2E6

 

Représentant de la partie appelante

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