Décision

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Section des affaires sociales

Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date :           18 septembre 2001

 

 

Dossier : SAS-Q-072957-0102

 

 

Membres du Tribunal :

Lise Nadeau, médecin

Dominique Bélanger, avocate

 

 

M…-P… P…

 

Partie requérante

 

c.

 

RÉGIE DE L'ASSURANCE-MALADIE DU QUÉBEC

 

Partie intimée

 

 

 

 

 


DÉCISION

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

[1]                    La requérante conteste une décision rendue le 21 décembre 2000 par l’intimée, la Régie de l’assurance-maladie du Québec,  l’informant que, dans son cas, seule la réduction mammaire gauche est assurée en autant que celle-ci satisfasse aux exigences du Règlement d’application de la Loi sur l’assurance-maladie[1].

[2]                    De l’information médicale soumise, il ressort que la requérante, née le 23 mai 1982, est porteuse d’une déformation thoracique gauche et d’une asymétrie mammaire.

[3]                    À la demande de son médecin traitant, Dre Luce Marchand, la requérante rencontre Dr Jean Deslauriers, chirurgien thoracique, en mai 2000.

[4]                    Celui-ci considère qu’en l’absence de trouble fonctionnel significatif au plan respiratoire, une chirurgie de la paroi thoracique n’est pas indiquée. L’approche privilégiée s’avère alors une chirurgie de réduction du sein gauche, ce qui rendra moins apparente la déformation thoracique et corrigera en même temps l’asymétrie mammaire.

[5]                    C’est dans ce contexte que, le 12 juillet 2000, Dr André Léveillé, chirurgien plasticien, adresse une demande d’information au sujet de l’intervention chirurgicale qu’il prévoit effectuer pour corriger cette condition. Il précise ceci :

« (…) L’intervention pourrait être de deux natures, soit une augmentation mammaire droite avec redrapage côté gauche, versus simple réduction avec redrapage côté gauche. La dame est encore indécise quant au type de correction chirurgicale qu’elle préférerait avoir. »

[6]                    Le 6 octobre 2000, l’intimée l’informe que la chirurgie proposée, soit la réduction mammaire gauche avec redrapage est considérée comme service assuré en autant qu’elle soit conforme aux exigences de l’article 22 du règlement. Cet article se lit ainsi :

« 22.Les services mentionnés sous cette section ne doivent pas être considérés comme des services assurés aux fins de la Loi :

(…)

c) tout service dispensé à des fins purement esthétiques. 

Sont notamment considérés comme tels, les services suivants :

(…)

viii. toute mammoplastie à moins que tel service ne soit rendu

pour :

A)    la correction d’aplasie mammaire;

B)    la correction d’asymétrie sévère (au moins 150 grammes) ou d’hyperplasie sévère bilatérale (au moins 250 grammes par sein);

ou

C)    la reconstitution ipsi ou contralatérale suite à une chirurgie mammaire considérée comme un service assuré.

(…) »

 

[7]                    Le 19 octobre 1999, Dr Léveillé apporte des précisions sur l’approche chirurgicale retenue, soit une augmentation mammaire droite avec un redrapage concomitant du sein gauche. Il ajoute qu’il prévoit implanter une prothèse de 125 cc et demande à l’intimée de reconsidérer sa décision. Sont également jointes à son rapport, des photographies de la région mammaire.

[8]                    Le 21 décembre 2000, l’intimée confirme sa décision initiale, d’où le présent recours.

[9]                    Au soutien de son recours, la requérante soumet un rapport médical du 11 juin 2001 de Dr Léveillé résumant la situation. Ce dernier précise  notamment qu’il lui est impossible en préopératoire de s’assurer que l’asymétrie est bien de 150 grammes, ceci ne pouvant être confirmé qu’en postopératoire.

[10]                À l’audience, le Tribunal entend J.P., le père de la requérante, L.L.P. sa mère ainsi que Dr Hervé Genest, chirurgien plasticien du Service de l’Expertise médicale  de l’intimée. De leurs témoignages, le Tribunal retient notamment ce qui suit.

[11]                J.P., le père de la requérante, résume de façon claire et précise la condition de sa fille.

[12]                Celle-ci a 14 ans lorsqu’elle constate qu’elle présente  une certaine anomalie au thorax. Au plan respiratoire, elle éprouve certains symptômes lors des exercices physiques à l’école. Puis, elle observe une croissance différente de ses seins.

[13]                Elle a 17 ans lorsque, dans le cadre d’un examen de routine, son médecin traitant, Dre Luce Marchand, la réfère en consultation.

[14]                J.P. mentionne les démarches faites auprès des consultants et réitère que, selon l’information qu’il a obtenue auprès d’un autre plasticien, la confirmation des 150 grammes ne peut effectivement être faite qu’après la chirurgie.

[15]                Il décrit ensuite les difficultés vécues par sa fille et termine en déclarant qu’il considère que la chirurgie prévue n’est pas une chirurgie purement esthétique mais que c’est l’approche choisie pour corriger une déformation thoracique.

[16]                La mère de la requérante relate, entre autres, les problèmes de l’habillement et « les cauchemars du magasinage ». Elle mentionne également un changement dans le comportement de sa fille qui est devenue plus refermée sur elle-même. « Elle a commencé aussi à se tenir plus courbée », dit-elle.

[17]                Pour sa part, Dr Genest précise, entre autres, que la chirurgie de réduction du sein gauche était acceptée en tenant compte du critère des 150 grammes. Il considère que la chirurgie d’augmentation du sein droit avec un redrapage du sein gauche est également une approche chirurgicale acceptable.

[18]                Dès lors, le seul point en cause demeure la norme des 150 grammes.

[19]                Or, Dr Genest est d’avis qu’il s’agit ici d’un cas limite puisque Dr Léveillé prévoit implanter une prothèse de 125 ml. Il estime que la mise en place d’une prothèse de 150 ml ne devrait pas « attirer bien des regards ».

[20]                De la preuve soumise il ressort donc que la requérante présente une asymétrie mammaire pouvant être corrigée soit par l’exérèse de 150 grammes de tissus au sein gauche, soit par l’ajout d’une prothèse  de 150 ml  au sein droit avec, dans les deux cas, un redrapage du sein gauche. Or, la requérante préfère la deuxième approche.

[21]                De l’avis du Tribunal, la chirurgie envisagée vise à corriger une asymétrie mammaire sévère d’au moins 150 grammes telle que précisée au paragraphe viii B) de l’article 22 cité précédemment. Il s’agit donc d’un service assuré.

[22]                En ce qui concerne le redrapage du sein gauche, le Tribunal retient l’avis de Dr Genest et conclut que cette chirurgie est acceptable.

[23]                POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

-        ACCUEILLE le présent recours; et

-        INFIRME la décision rendue par l’intimée le 21 décembre 2000.

lise nadeau

 

dominique bÉlanger

18 septembre 2001

Me Eddy Demers

Procureur de l’intimée

 

/mb



[1] L.R.Q., c. A-29, r.1

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