Minville et Centre de services partagés du Québec |
2017 QCCFP 1 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N° : |
1301614 |
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DATE : |
6 février 2017 |
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DEVANT LES JUGES ADMINISTRATIFS : |
Me Mathieu Breton Me Sonia Wagner |
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SUZANNE MINVILLE |
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Appelante |
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et |
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CENTRE DE SERVICES PARTAGÉS DU QUÉBEC |
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article 35, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1) |
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L’APPEL
[1] Mme Suzanne Minville dépose un appel à la Commission de la fonction publique (ci-après la « Commission ») en vertu de l’article 35 de la Loi sur la fonction publique[1] (ci-après la « Loi ») pour contester la décision du Centre de services partagés du Québec (ci-après le « CSPQ ») de refuser de l’admettre à un processus de qualification interministériel en vue de la promotion de cadre, classe 4[2].
[2] Le CSPQ considère que Mme Minville ne répond pas aux conditions d’admission de ce processus de qualification puisque, d’après son formulaire d’inscription, elle ne possède pas huit années d’expérience dans l’exercice d’activités de niveau professionnel ou de niveau d’encadrement.
[3] Mme Minville explique qu’elle a commis une erreur en omettant d’inscrire une expérience dans son formulaire d’inscription. Elle estime que le CSPQ devrait tenir compte de cette expérience et l’admettre au processus de qualification.
LES FAITS
[4] Les conditions d’admission du processus de qualification interministériel en vue de la promotion de cadre, classe 4, indiquées dans l’appel de candidatures, sont les suivantes :
· Faire partie du personnel régulier de la fonction publique.
[…]
· Détenir un diplôme universitaire de premier cycle dont l’obtention requiert un minimum de seize années d’études […].
Chaque année de scolarité manquante est compensée par deux années d’expérience jugée pertinente aux attributions de l’emploi.
[…]
· Posséder huit années d’expérience dans l’exercice d’activités de niveau professionnel ou de niveau d’encadrement, comprenant une année d’expérience dans des activités d’encadrement.
Un maximum de deux années d’expérience manquante peut être compensé par une année de scolarité pertinente et additionnelle, de niveau équivalent ou supérieur à la scolarité exigée. Toutefois, l’année d’expérience dans des activités d’encadrement ne peut être compensée par de la scolarité.
· […]
[en caractères gras dans le texte original]
[5] Durant la période d’inscription se tenant du 16 au 31 mars 2016, Mme Minville soumet sa candidature, comme quelque 5 600 personnes, au processus de qualification en cause, au moyen du portail Emplois en ligne. Depuis le printemps 2015, ce portail doit être utilisé pour participer à un processus de qualification.
[6] Mme Minville, qui était auparavant habituée de transmettre son formulaire d’inscription en papier à un concours[3], trouve peu convivial ce nouveau système.
[7] Elle remplit le formulaire en ligne à plusieurs moments différents, notamment lors de pauses ou durant l’heure du dîner, avant de finalement le transmettre.
[8] Ainsi, le formulaire soumis par Mme Minville indique diverses expériences de travail de niveau technique de 1984 à 1991 ainsi qu’un emploi de niveau professionnel, spécialiste en sciences physiques, au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (ci-après le « MDDELCC ») depuis avril 2007.
[9] Après analyse de ce formulaire d’inscription, le CSPQ reconnaît treize années d’études à Mme Minville puisqu’elle possède un diplôme d’études collégiales. Comme elle ne détient pas de baccalauréat, soit un diplôme universitaire de premier cycle dont l’obtention requiert un minimum de seize années d’études, il lui manque trois années de scolarité afin de respecter cette condition d’admission. Ces trois années doivent donc être compensées par six années d’expérience jugée pertinente.
[10] La totalité de l’expérience de niveau technique ainsi qu’une partie de l’expérience de niveau professionnel de Mme Minville sont utilisées pour compenser la scolarité minimale manquante. En somme, après cette compensation, le CSPQ reconnaît que Mme Minville possède cinq années et six mois d’expérience de niveau professionnel.
[11] Le CSPQ avise Mme Minville que sa candidature n’a pas été retenue parce qu’elle ne possède pas les huit années d’expérience dans l’exercice d’activités de niveau professionnel ou de niveau d’encadrement.
[12] Mme Minville est surprise de cette décision et de cette justification. En effet, elle a déjà été admise à un concours de promotion de cadre, classe 4, qui s’est tenu il y a quelques années. Mme Minville demande donc au CSPQ de réviser sa décision.
[13] Après la révision du dossier de Mme Minville, un employé du CSPQ communique avec elle par téléphone pour lui expliquer pourquoi elle n’a pas été admise au processus de qualification. Mme Minville réalise au cours de cet entretien qu’elle a omis d’inscrire dans son formulaire une expérience de travail de niveau technique au MDDELCC de 1991 à 2007.
[14] L’employé du CSPQ lui indique qu’il n’est pas possible d’ajouter une expérience après la fin de la période d’inscription.
[15] Mme Minville qualifie d’ « oubli » et d’ « erreur » le fait qu’elle n’a pas inscrit dans son formulaire cette expérience de travail. Elle mentionne avoir éprouvé beaucoup de difficulté à utiliser le nouveau portail Emplois en ligne et n’avoir reçu aucune formation concernant l’utilisation de ce système.
[16] Mme Minville souligne avoir inscrit ce qui suit dans la section « Autres renseignements (facultatif) » de son formulaire d’inscription:
Coordination dans les comités :
« Entente MAMROT-MDDELCC sur le programme de contrôle des ouvrages d’assainissement des eaux municipales » de 2004 à 2013. Mon rôle dans ce comité était de coordonner une équipe de 5 professionnels de mon équipe. Je devais m’assurer que chaque fiche était bien complétée, que les informations pertinentes étaient inscrites et que les délais étaient respectés. Cette activité durait de 2 à 3 mois. Le travail de coordination représentait de 2 à 3 semaines par année.
[17] Pour Mme Minville, cette mention aurait dû amener le CSPQ à s’interroger quant à l’absence, dans le formulaire transmis, d’expérience de travail entre 1991 et 2007.
[18] Mme Pascale Perron, responsable du processus de qualification, explique que le CSPQ ne peut extrapoler à partir de cette mention que Mme Minville a travaillé à temps plein durant toutes ces années. Elle mentionne que des personnes s’absentent du marché du travail pendant plusieurs années et que le CSPQ ne s’interroge pas quand un formulaire d’inscription n’indique aucune expérience pour une longue période.
[19] La seule raison pour laquelle le CSPQ pourrait questionner un candidat par rapport à une expérience de travail est lorsque les informations la décrivant ne sont pas assez précises pour en évaluer la nature et le niveau. Le CSPQ ne communique pas avec une personne pour s’enquérir s’il manque une expérience dans son formulaire d’inscription.
[20] Mme Perron explique que si un candidat désire ajouter une expérience après avoir soumis son formulaire, il peut uniquement le faire en contactant le CSPQ avant la fin de la période d’inscription.
[21] Elle souligne que, avant de soumettre un formulaire d’inscription, le portail Emplois en ligne demande à l’utilisateur de vérifier les informations inscrites. De plus, il est écrit en caractères gras dans l’appel de candidatures que « [s]euls les renseignements contenus dans [le] formulaire d’inscription seront considérés. »
LES ARGUMENTATIONS
L’argumentation du CSPQ
[22] Le CSPQ rappelle que les conditions d’admission au processus de qualification en cause sont les conditions minimales d’admission à un emploi de cadre, classe 4, tel que prévu à l’article 14 de la Directive concernant la classification et la gestion des emplois de cadres et de leurs titulaires (630)[4]. Il ne peut établir de conditions d’admission moins exigeantes, conformément à l’article 43 de la Loi.
[23] Il estime que la demande de Mme Minville de considérer une expérience qui n’apparaît pas dans son formulaire d’inscription va à l’encontre de l’article 14 du Règlement concernant le processus de qualification et les personnes qualifiées[5] (ci-après le « Règlement »).
[24] Cette disposition précise que « [l]’admissibilité d’une personne est vérifiée par l’examen de son formulaire d’inscription ». Le CSPQ considère qu’il s’agit de la seule manière de déterminer l’admissibilité d’une personne à un processus de qualification. En effet, le législateur utilise une formule affirmative et n’emploie pas de terme tel que « notamment ». On est donc en présence d’une obligation.
[25] Par souci d’équité, le CSPQ rappelle qu’on ne peut traiter différemment les candidats : c’est l’un des principes les plus importants de la Loi. Environ 5 600 candidats ont posé leur candidature au processus de qualification en cause et l’admissibilité de chacun d’entre eux a été déterminée de la même manière, soit par l’examen de leur formulaire d’inscription.
[26] Concernant la mention dans le formulaire de la coordination d’un comité de deux à trois semaines par année de 2004 à 2013, on ne peut en inférer que Mme Minville a travaillé à temps plein durant plusieurs années.
[27] Le CSPQ soumet à l’attention de la Commission quelques décisions pertinentes[6].
[28] Il indique qu’il n’y a pas, dans la présente affaire, de preuve d’une illégalité ou d’une irrégularité, au sens de l’article 35 de la Loi, justifiant l’intervention de la Commission.
[29] Il demande donc à la Commission de rejeter l’appel de Mme Minville.
L’argumentation de Mme Minville
[30] D’entrée de jeu, Mme Minville rappelle que si elle avait transmis son formulaire par la poste, elle n’aurait jamais commis d’erreur.
[31] Elle trouve injuste le fait qu’elle ne soit pas admise au processus de qualification en cause alors qu’elle a déjà été admise à un concours de promotion de cadre, classe 4.
[32] Elle critique l’absence de formation pour les employés concernant le nouveau portail Emplois en ligne dont l’utilisation est désormais obligatoire pour s’inscrire à un processus de qualification.
[33] Pour Mme Minville, ce qui compte, c’est l’expérience qu’elle détient réellement et non ce qui est indiqué dans son formulaire d’inscription. L’examen de ce formulaire ne devrait pas être la seule manière de vérifier l’admissibilité d’un candidat à un processus de qualification.
[34] La mention dans le formulaire d’inscription d’un rôle de coordination aurait dû amener le CSPQ à se poser des questions quant à l’absence d’expérience de travail entre 1991 et 2007.
[35] Elle demande à la Commission d’accueillir son appel.
LES MOTIFS
[36] L’article 35 de la Loi prévoit :
35. Un candidat peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique s’il estime que la procédure utilisée pour son admission ou pour son évaluation dans le cadre d’un processus de qualification visant exclusivement la promotion a été entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité. Il doit le faire par une demande écrite qui doit être reçue à la Commission dans les 15 jours ouvrables de l’expédition de l’avis l’informant qu’il ne satisfait pas aux conditions d’admission pour participer au processus de qualification ou l’informant des résultats de son évaluation au cours de ce processus.
[…]
[37] Suivant cet article, la Commission doit donc décider si la procédure d’admission de Mme Minville au processus de qualification en cause est entachée d’une illégalité ou d’une irrégularité. Il appartient à Mme Minville de convaincre la Commission, selon la règle de la prépondérance de la preuve, qu’elle aurait dû être admise à ce processus de qualification.
[38] Durant la période d’inscription, Mme Minville soumet sa candidature au moyen du portail Emplois en ligne. Toutefois, en complétant le formulaire d’inscription, elle omet involontairement d’indiquer une expérience de niveau technique au sein de la fonction publique, s’échelonnant de 1991 à 2007.
[39] Le CSPQ procède à l’analyse de l’admissibilité de Mme Minville en fonction des informations contenues dans son formulaire d’inscription. Après avoir compensé l’absence de baccalauréat par de l’expérience, le CSPQ conclut qu’elle ne respecte pas une des conditions d’admission du processus de qualification puisqu’elle ne possède pas huit années d’expérience de niveau professionnel ou de niveau d’encadrement.
[40] Mme Minville admet son erreur quant à l’expérience qu’elle a omis d’inscrire dans son formulaire. Elle estime toutefois que les renseignements indiqués dans son formulaire auraient dû susciter un questionnement de la part du CSPQ.
[41] Or, la Commission considère que le CSPQ ne pouvait présumer que les renseignements indiqués par Mme Minville dans son formulaire étaient incomplets.
[42] Il ne pouvait non plus pallier l’absence d’informations transmises par Mme Minville concernant ses expériences de travail. D’ailleurs, même si la mention de la coordination d’un comité de deux à trois semaines par année avait suscité un doute pour le CSPQ, il n’aurait pu permettre l’ajout d’une expérience non inscrite au formulaire de Mme Minville.
[43] En effet, tel que l’indique la Commission dans la décision Chouinard[7], le doute qui peut amener l’autorité qui administre un processus de qualification à contacter un candidat, afin de préciser des informations contenues dans son formulaire d’inscription, doit porter « sur l’interprétation à donner sur des renseignements soumis par le postulant ». Dans la présente affaire, Mme Minville n’a simplement pas soumis, durant la période d’inscription, les renseignements qu’elle demande au CSPQ de prendre en compte, soit une expérience de travail à temps plein de 1991 à 2007.
[44] La Commission rappelle qu’il est de la responsabilité du candidat de soumettre, durant la période d’inscription, toutes les informations utiles à l’évaluation de son admissibilité au processus de qualification. Le candidat qui néglige cette obligation ne peut ensuite imputer la responsabilité de son manquement à l’autorité qui administre le processus de qualification.
[45] Dans le présent dossier, le CSPQ devait fonder sa décision quant à l’admissibilité de Mme Minville sur les informations dont il disposait dans le formulaire d’inscription et c’est ce qu’il a fait, conformément à l’article 14 du Règlement :
14. L’admissibilité d’une personne est vérifiée par l’examen de son formulaire d’inscription et cette vérification doit obligatoirement être effectuée avant que cette personne puisse être convoquée à une évaluation.
[46] En outre, une fois l’erreur constatée par Mme Minville, le CSPQ ne pouvait lui permettre de compléter son formulaire, en ajoutant une expérience de travail après la fin de la période d’inscription, puisqu’il aurait alors contrevenu à ce même article.
[47] Dans la décision Gamache[8], la Commission s’exprimait ainsi à ce sujet :
[74] Concernant les nouveaux renseignements fournis, plus particulièrement ceux relatifs aux tâches à titre d’instructeur de recrues de 1994 à 1995, la Commission rappelle que M. Gamache ne pouvait compléter son offre de service après la fin de la période d’inscription. La RRQ ne pouvait donc tenir compte des nouveaux renseignements concernant des expériences non décrites dans l’offre de service et soumis lors de la SEI sans contrevenir à l’article [14 du Règlement sur les processus de qualification et les personnes qualifiées[9]]. C’est une question d’équité et d’impartialité entre tous les candidats. […].
[la Commission souligne]
[48] La Commission n’a décelé aucune irrégularité ou illégalité dans la procédure utilisée pour vérifier l’admissibilité de Mme Minville au processus de qualification en cause.
[49] En conséquence, le CSPQ était bien fondé de refuser d’admettre Mme Minville à ce processus de qualification.
POUR CES MOTIFS, la Commission :
[50] Rejette l’appel de Mme Suzanne Minville.
Original signé par :
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__________________________________ Mathieu Breton
__________________________________ Sonia Wagner
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Mme Suzanne Minville |
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Appelante non représentée |
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Me Mélissa Houle |
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Procureure pour le Centre de services partagés du Québec |
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Intimé |
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Lieu de l’audience : Québec |
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Date d’audience : |
12 janvier 2017 |
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[1] RLRQ, c. F-3.1.1.
[2] No 63004PS93470001.
[3] Depuis le 29 mai 2015, la notion de « concours » a été remplacée par celle de « processus de qualification ».
[4] C.T. 198195 du 30 avril 2002 et ses modifications.
[5] RLRQ, c. F-3.1.1, r. 3.1.
[6] Chouinard et Ministère de la Main d'œuvre et de la Sécurité du revenu, [1986] 3 no 2 R.D.C.F.P. 211; Gamache et Régie des rentes du Québec, 2014 QCCFP 6; Asselin et Secrétariat du Conseil du trésor, 2007 CanLII 53141 (QC CFP); Roussy et Secrétariat du Conseil du trésor, 2007 CanLII 53147 (QC CFP); Létourneau et Centre de services partagés du Québec, 2011 QCCFP 14.
[7] Préc., note 6, p. 3.
[8] Préc., note 6, par. 74.
[9] Le texte original fait référence à l’article 21 du Règlement sur la tenue de concours (RLRQ, c. F-3.1.1, r. 6), abrogé depuis le 29 mai 2015, dont le principe énoncé au deuxième alinéa a été repris à l’article 14 du Règlement.
AVIS :
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