Marcil et Entreprise Dominion Blueline inc. |
2015 QCCLP 672 |
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[1] Le 5 février 2014, madame Lyne Marcil (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 janvier 2014, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision rendue le 25 octobre 2013 et déclare que la travailleuse n’a pas subi, le 3 octobre 2013[1], une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle survenue le 30 mars 2004.
[3] Une audience est tenue à St-Jean-sur-Richelieu le 22 octobre 2014 en présence de la travailleuse et de sa procureure. Aucun représentant des Entreprises Dominion Blueline inc. (l’employeur) n’est présent.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande de reconnaître qu’elle a subi une récidive, rechute ou aggravation le 4 octobre 2013, voire même antérieurement, soit le 6 mai 2009 ou le 21 décembre 2010.
[5] Subsidiairement, elle demande de reconnaître qu’elle est porteuse d’un déficit anatomo-physiologique de 1 % au coude droit, de 1 % pour le facteur de bilatéralité et de corriger le rapport d'évaluation médicale de son médecin traitant, le docteur Corriveau, en conséquence.
LA PREUVE
[6] La travailleuse, qui est droitière, occupe un poste d’opératrice pour l’employeur depuis plusieurs années lorsqu’elle développe une épicondylite droite le 30 mars 2004. Cette lésion est reconnue par la CSST à titre d’accident du travail en vertu de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).
[7] Le 5 octobre 2004, la travailleuse subit une désinsertion chirurgicale des épicondyliens du coude droit. Le docteur Corriveau, chirurgien orthopédiste, procède également à l’excision d’un ostéophyte de l’humérus distal.
[8] Le 27 avril 2005, le docteur Corriveau rédige un rapport médical final dans lequel il fixe à cette date la consolidation des séquelles d’épicondylite du coude droit. Il estime que la travailleuse conservera une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique, mais pas de limitations fonctionnelles.
[9] Le 30 mai 2005, la travailleuse réintègre ses fonctions.
[10] Le 21 juin 2005, le docteur Corriveau examine la travailleuse et rédige un rapport d'évaluation médicale. À titre de plainte actuelle, le docteur Corriveau rapporte que la travailleuse se plaint de douleurs persistantes au coude droit malgré le traitement chirurgical, avec apparition de douleurs au niveau de son coude gauche et de son épaule droite.
[11] À son examen physique, le docteur Corriveau note que la travailleuse présente une diminution d’amplitude articulaire à l’épaule droite par rapport à la gauche et détaille les amplitudes retrouvées au niveau des deux épaules. En ce qui concerne les coudes, il écrit :
À l’examen des coudes, l’amplitude articulaire est symétrique. La patiente rapporte toutefois des douleurs en fin d’extension au niveau des deux coudes. La mise en tension des épicondyliens reproduit une douleur autant à droite qu’à gauche. La patiente présente une force de préhension diminuée par la douleur au niveau des deux mains.
À l’examen des poignets, l’amplitude articulaire est normale. On note une sensibilité à la roue normale au niveau des membres supérieurs. Les mensurations des bras, à 10 cm du pli du coude, sont de 27 cm bilatérales, les mensurations des avant-bras, à 6 cm du pli du coude, sont de 24 cm à droite et de 23 cm à gauche.
À l’inspection du coude droit, on note une hyper-pigmentation au niveau des épicondyliens au site de la chirurgie. On note une cicatrice de 3,5 cm X 0,1 cm, non chéloïdienne, non adhérente. La patiente rapporte toutefois des douleurs à la palpation des tissus avoisinants.
[12] Au terme de son évaluation, le docteur Corriveau estime que la travailleuse ne présente pas de limitations fonctionnelles au niveau du coude droit, car celle-ci a repris le travail et se plaint surtout de restrictions à cause de douleurs à l’épaule droite et au coude gauche. En conclusion, il écrit que la travailleuse devra être traitée pour épicondylite gauche et tendinite avec syndrome d’accrochage à l’épaule gauche. Il évalue le déficit anatomo-physiologique à 0 %, ce qui correspond au code 100401 du Règlement sur le barème des dommages corporels[3] (le barème) pour épicondylite coude droit sans séquelle fonctionnelle.
[13] La CSST reconnaît que la travailleuse a subi une lésion professionnelle sous forme de maladie professionnelle, le 24 octobre 2006, lui causant une épicondylite gauche ce qui donne ouverture au dossier d’indemnisation 130580780.
[14] Le 8 février 2007, le docteur Corriveau recommande une intervention chirurgicale pour laquelle la travailleuse sera en attente jusqu’au 20 mars 2008. Elle est en arrêt de travail pendant cette période en raison d’une mise à pied temporaire.
[15] À l’audience, la travailleuse indique que pendant ses périodes pré et post-opération au coude gauche, elle a davantage utilisé son bras droit dans l’exécution de ses activités de la vie quotidienne et domestique, ce qui a réactivé ses douleurs au coude droit.
[16] Le 8 octobre 2008, le docteur Corriveau rédige un rapport d'évaluation médicale en lien avec l’épicondylite gauche. Il écrit « la patiente mentionne avoir une récupération du côté droit avec consolidation de la lésion sans séquelle ni limitation. La patiente mentionne des douleurs persistantes à gauche avec exacerbation des symptômes ». À son examen physique, il rapporte une extension à 0 degré au coude droit et à -10 degrés au coude gauche. Les autres amplitudes articulaires sont normales et symétriques.
[17] Au terme de son examen, il conclut : « Il s’agit d’une patiente avec une bonne désinsertion des épicondyliens droits, mais avec douleur persistante et séquelles du côté gauche ». Il fixe le déficit anatomo-physiologique à 1 % pour épicondylite coude gauche opérée avec séquelles fonctionnelles, soit une extension limitée à -10 degrés, ce qui correspond au code 105362 du barème. Il émet également les limitations fonctionnelles suivantes :
- Éviter les mouvements répétitifs au niveau du poignet et du coude gauches;
- Éviter la mise en tension des épicondyliens au coude gauche;
- Éviter les vibrations et les contre-coups au niveau du coude gauche;
- Éviter de soulever des charges de façon répétitive de plus de 2 à 3 kilos à bout de bras du côté gauche.
[18] Malgré ce que mentionne le docteur Corriveau dans son évaluation quant à la récupération adéquate de la condition au coude droit, la travailleuse soutient dans son témoignage lui avoir mentionné lors de l’examen l’augmentation des douleurs au coude droit.
[19] Le 23 mars 2009, la CSST détermine que la travailleuse est capable de faire l’emploi convenable de préposée au service à la clientèle, le tout dans le dossier 130580780. La travailleuse conteste cette décision jusqu’à la Commission des lésions professionnelles.
[20] Le 6 mai 2009, la travailleuse consulte à nouveau le docteur Corriveau qui diagnostique une épicondylite bilatérale et note une augmentation des douleurs. Dans ses notes cliniques, il décrit une douleur bilatérale et une diminution des amplitudes articulaires des deux épaules et des deux coudes. Il ne recommande aucune investigation ou traitement supplémentaire. Au rapport médical qu’il produit, il écrit « RRA évaluation à faire ».
[21] La travailleuse présente une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation au 6 mai 2009 sous le diagnostic d’épicondylite bilatérale. Celle-ci sera refusée dans les deux dossiers d’indemnisation.
[22] Dans une décision qu’elle rend le 22 juin 2010, la Commission des lésions professionnelles[4] rejette les requêtes de la travailleuse, maintient que l’emploi de préposée au service à la clientèle constitue un emploi convenable et que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 6 mai 2009. Plus particulièrement en regard de ce litige impliquant l’épicondylite droite, elle écrit :
[…]
[56] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation le 6 mai 2009, soit une épicondylite bilatérale et déterminer si cette lésion est en relation avec les lésions initiales du 30 mars 2004 pour épicondylite au coude droit ou celle du 24 octobre 2006 pour épicondylite au coude gauche.
[…]
[66] La travailleuse a subi une épicondylite au coude droit qui est jugée consolidée le 27 avril 2005, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[67] Subséquemment, cette lésion n’a pas fait l’objet d’aucun suivi médical jusqu’au 6 mai 2009.
[68] Le rapport médical du docteur Corriveau du 6 mai 2009 n’explique pas de changement objectif fiable dans la condition de la travailleuse si on se réfère au rapport d’évaluation médicale du 21 juin 2005. Au surplus, aucun traitement n’a été prescrit à la travailleuse lors de la visite du 6 mai 2009 ni la suivante.
[69] Le tribunal estime que la preuve médicale relative à la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation de la travailleuse ne démontre pas de modification de son état de santé quant à son coude droit.
[70] Le fait de n’avoir aucun traitement ni investigation médicale prescrite lors des visites médicales milite en ce sens.
[71] La diminution des amplitudes articulaires notées ne sont par ailleurs, aucunement supportées par un examen clinique ni corroboré par un examen clinique objectif et fiable. En fait, les allégations de diminution d’amplitudes articulaires semblent plutôt découler des allégations subjectives de la travailleuse.
[72] Même en présumant qu’il y ait pu y avoir un changement dans son état au niveau de son coude droit, la travailleuse ne s’est pas déchargée de son fardeau quant à la démonstration d’une relation causale avec la lésion professionnelle de 2004 ou celle du 24 octobre 2006.
[73] Cette preuve de relation peut être faite par le dépôt d’une opinion médicale ou être
retirée d’un ensemble d’indices graves, précis et concordants provenant de faits médicaux.
[74] Or, la travailleuse n’a soumis aucune preuve médicale ni aucun fait médical grave, précis et concordant permettant au tribunal d’établir un lien entre son épicondylite au coude droit et les lésions de 2004 et 2006.
[75] À cet égard, son seul témoignage sur ses symptômes et leur relation ne peut suffire. La relation entre l’état de la travailleuse et l’événement d’origine ne peut être présumée.
[76] Le tribunal est donc d’avis que l’épicondylite au coude droit diagnostiquée le 6 mai 2009 ne constitue pas une récidive, rechute ou aggravation au sens de la loi.
[…]
[Nos soulignements]
[23] Le 21 décembre 2010, la travailleuse consulte, à la demande du docteur Corriveau, la docteure Dahan, physiatre. Celle-ci rapporte ce qui suit :
Examen :
On ne note pas de synovite au niveau des coudes ni au niveau des poignets ou des mains. On note une cicatrice qui a bien guéri bilatéralement. Les mises en tension des épicondyliens reproduisent la douleur connue. La palpation aussi ainsi que la contraction résistée de ceux-ci. La palpation de l’articulation du coude par ailleurs est sans particularité. La pronation résistée reproduit aussi de la douleur connue. Les réflexes ostéotendineux sont normaux et symétriques. La pression au niveau du poignet et la traction des doigts est indolore. Il n’y a pas de phénomène allodynique. À l’examen neurologique les forces segmentaires sont normales et symétriques. La sensibilité à la piqûre révèle une hypoesthésie dans le territoire du nerf médian bilatéralement.
Impression :
Tendinopathie épicondylienne chronique déjà opérée avec douleur persistante en relation avec un travail nécessitant des mouvements répétitifs.
Probable tunnel carpien bilatéral.
Recommandations :
Nous avons peu à lui offrir sauf possiblement une thérapie par ondes de choc qui pourrait être tentée. Par ailleurs, ce qui nous semble le plus important c’est qu’elle demeurera avec des douleurs chroniques pour lesquelles elle devra vivre avec et je crois donc sans aucun doute qu’il faut réorienter la profession et lui mettre des limitations fonctionnelles.
Je lui donne congé.
[24] Selon les notes cliniques déposées en preuve, le docteur Corriveau revoit la travailleuse le 31 janvier 2011. Il note qu’il s’agit d’un suivi pour épicondylite bilatérale, qu’il y a une douleur persistante, qu’il y a eu une consultation en physiatrie, que des ondes de choc sont recommandées et conclut à une réorientation.
[25] La travailleuse produit une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation le 15 avril 2011 alléguant que sa condition s’est aggravée. Cette réclamation est refusée par la CSST dans le dossier 130580780 uniquement, ce qui est contesté par la travailleuse jusqu’à la Commission des lésions professionnelles.
[26] Le 13 juillet 2012, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[5] dans laquelle elle refuse de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle des 24 octobre 2006 et 6 mai 2009. Plus particulièrement, elle écrit :
[…]
[17] Lors de l’audience, la travailleuse a témoigné. Elle explique maintenant travailler à son compte à titre de graveuse au laser. Elle peut ainsi travailler à son rythme selon sa clientèle.
[18] Elle mentionne que sa situation s’est aggravée depuis 2009 et même depuis 2010, où elle a vu un physiatre.
[19] À un certain moment, elle a dû même se rendre à l’hôpital.
[20] Elle souligne que d’année en année, la douleur est de plus en plus sévère et que certains matins, elle ne peut même pas lever son contenant de jus d’orange à partir du réfrigérateur. Elle explique également que ses douleurs varient dans le temps. Lorsque les douleurs empirent, elle prend un bain chaud et des comprimés de Tylenol, ce qui peut arriver deux à quatre fois par mois. Elle ne fait plus les travaux à la maison, ce qu’elle faisait auparavant, et elle ressent maintenant des douleurs chroniques au coude.
[21] Elle mentionne également qu’à la suite de sa visite à la docteure Dahan, elle n’a eu aucune nouvelle de son médecin spécialiste, le docteur Corriveau, et n’a suivi aucun traitement.
[…]
[33] Dans la présente affaire, la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 30 mars 2004 pour une épicondylite au coude droit qui est consolidée le 27 avril 2005, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[34] Elle subira également une lésion professionnelle le 24 octobre 2006, soit une épicondylite au coude gauche, laquelle est consolidée le 8 octobre 2008 avec un déficit anatomo-physiologique de 1 % et des limitations fonctionnelles.
[35] Le tribunal constate qu’il n’y a aucun suivi médical entre la consolidation respective de ces lésions et la réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation du 6 mai 2009, réclamation d’ailleurs refusée par une décision de la Commission des lésions professionnelles le 22 juin 201011.
[36] Un emploi convenable de préposée au service à la clientèle a été déterminé comme compatible avec les limitations fonctionnelles de la travailleuse. Cependant, la travailleuse n’est jamais retournée sur le marché du travail.
[37] CONSIDÉRANT le rapport de la physiatre du 21 décembre 2010 qui fait état d’une tendinopathie épicondylienne chronique opérée bilatéralement et qu’elle ne réfère la travailleuse pour aucun traitement;
[38] CONSIDÉRANT que cette évaluation de la physiatre fait état des mêmes constatations émises dans le rapport d’évaluation médicale du 8 octobre 2008, soit une persistance des symptômes et des limitations d’amplitude articulaire des coudes et qu’elle ne démontre aucune détérioration au niveau des deux coudes;
[39] CONSIDÉRANT qu’aucun rapport médical ne supporte la réclamation du 15 avril 2011;
[40] Force est pour le tribunal de constater que la preuve médicale prépondérante démontre une symptomatologie inchangée entre la date de consolidation de sa lésion au coude en 2008 et sa réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation en avril 2011.
[41] En l’absence d’une opinion médicale démontrant une modification de l’état de santé de la travailleuse, par rapport à la situation qui prévalait au moment de la consolidation de sa lésion professionnelle et sa réclamation pour une nouvelle lésion pour une récidive, rechute ou aggravation, le tribunal détermine qu’il y a lieu de rejeter la requête de cette dernière.
[…]
[Nos soulignements]
[27] Selon les notes cliniques, la travailleuse revoit le docteur Corriveau le 5 septembre 2012 pour un suivi d’épicondylite bilatérale, mais le reste de sa note clinique est indéchiffrable.
[28] Le 21 août 2013, la travailleuse est expertisée par le docteur Pierre Bertrand, chirurgien orthopédiste, à la demande de sa nouvelle procureure, Maître Tremblay.
[29] Selon son examen, l’état des deux coudes est similaire. La mobilité est conservée et comparable, soit un arc de flexion de 140 degrés à gauche et droite associé à des mouvements complets de prosupination de 80 degrés à gauche et à droite.
[30] Dans son rapport d’expertise rédigé le 28 août 2013, le docteur Bertrand fait une nomenclature détaillée de la preuve médicale au dossier. Suivant la note de consultation de la docteure Dahan du 21 décembre 2010, il écrit :
Note de l’examinateur :
Cet examen rédigé le 21 décembre 2010 est similaire à ce que nous avons observé ce 21 août 2013.
Questionnée au sujet d’une thérapie par ondes de chocs, madame a bien précisé que cela n’a pas été fait.
[…]
[Nos soulignements]
[31] Suivant la mention du rapport d'évaluation médicale du 25 juin 2005 en ce qui a trait à l’épicondylite droite, le docteur Bertrand inscrit une autre « note de l’examinateur » qui se lit comme suit :
Il y a donc ici une certaine discordance puisque le rapport du Docteur Corriveau du 27 avril 2005 prévoyait une atteinte permanente. Par la suite, on mentionne cette intervention chirurgicale du 20 mars 2008 au niveau du coude gauche pour épicondylite et on ajoute que le 8 octobre 2008, il recommande un DAP de 1% pour une épicondylite opérée au coude gauche avec séquelles fonctionnelles. Il recommandait aussi des limitations fonctionnelles.
[32] Au terme de son examen physique, le docteur Bertrand retient un déficit anatomo-physiologique de 1 % pour une épicondylite gauche auquel s’ajoute un déficit anatomo-physiologique de 1 % pour une épicondylite au coude droit selon le code 102374 ainsi qu’un facteur de bilatéralité de 1 %, pour un déficit anatomo-physiologique totalisant 3 %. Il retient également des limitations fonctionnelles de classe I de l’IRSST, tant pour le coude gauche que le coude droit.
[33] À titre de discussion, il écrit notamment :
[...]
Pour ce qui est des coudes, il faut bien rappeler que madame n’avait pas repris le travail qui était à l’origine de ses épicondylites.
Par ailleurs, la mobilité des coudes est aujourd’hui complète en flexion, en extension et en prosupination. Il y a allégation de douleurs à la pression au niveau des épicondyles.
Nous avons remarqué que le Dr Corriveau avait déjà inscrit qu’il y avait probabilité de séquelles au coude droit, mais lorsqu’il a fait son rapport final, il n’a inscrit des séquelles qu’au coude gauche.
Or, l’examen clinique révèle une situation identique au coude gauche et au coude droit.
La Dre Dahan, physiatre, a d’ailleurs noté cette situation dans le passé et a émis l’avis qu’il n’y avait pas de traitement possible sauf les ondes de choc (ce qui n’a pas été fait).
Considérant ce qui précède, nous émettrons l’avis qu’il y a eu persistance de symptomatologie tant au coude gauche qu’au coude droit, mais qu’il n’y a pas eu de récidive, rechute ou aggravation.
En réponse aux questions posées :
[...]
2. De quelle nature sont ces diagnostics? Y aurait-il lieu d’établir une rechute dans ce dossier depuis le jugement du 13 juillet 2012?
Au niveau du coude gauche, ce sont des diagnostics cliniques basés sur l’examen fait aujourd’hui. Cet examen associé à la lecture du dossier ne permet pas d’établir la notion de récidive, rechute ou aggravation depuis le jugement du 13 juillet 2012.
Au niveau du coude :
Considérant que l’état du coude droit est aujourd’hui identique à celui du coude gauche dont le DAP a été évalué à 1%;
Considérant qu’au niveau du coude droit, on avait jugé en 2005 qu’il y avait consolidation sans limitation fonctionnelle;
Considérant qu’un état similaire au coude gauche et au coude droit observé aujourd’hui justifie la notion d’aggravation au niveau du coude droit;
Nous émettons l’avis qu’un DAP de 1% est justifié au coude droit.
[Nos soulignements]
[34]
Le 4 octobre 2013, la travailleuse produit une réclamation pour une
récidive, rechute ou aggravation. Au soutien de celle-ci, elle produit un
rapport médical du docteur Corriveau qui indique « RRA épicondylite
droite ». À sa note clinique, il note une diminution de mouvement (ROM ),
comme il l’avait indiqué lors des visites des 6 mai et 5 octobre 2009.
[35] Le 22 octobre 2013, une agente d’indemnisation communique avec la travailleuse afin de documenter la demande de récidive, rechute ou aggravation. Elle écrit la note évolutive suivante :
T. depuis 2010 ou 2011 elle travaille à son compte. T. dit ne pas avoir de protection personnelle.
T. est droitière.
T. fait de la gravure au laser.
Dit qu’elle doit programmer la machine et mettre la plaque (ex. plaque de trophée, bijoux, plaque de plastique, plaque de bois).
T. dit qu’elle travaille à son rythme.
T. dit qu’elle a changé d’avocat.
Dit qu’à la demande de son avocat, elle a vu le docteur Bertrand, et par la suite pour avoir un billet CSST son médecin, dr. Corriveau à l’Hôpital.
T. dit qu’elle n’avait pas consulté depuis 2009.
[Nos soulignements]
[36] Le dossier est transmis à la docteure Benoît, médecin conseil à la CSST, afin qu’elle donne son opinion quant à la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation. Celle-ci produit la note évolutive suivante :
T. 52 ans
É.O. 2004
Dx retenu CSST : épicondylite D (opérée)
Conso avec APIPP (100401/DAP 0%) / sans LF.
RRA 2009 : refusée
À noter que la patiente a un autre dossier CSST pour épicondylite G.
Présente demande de RRA basée sur une expertise de Docteur. Pierre Bertrand (2013-08-21), médecin désigné par Me Tremblay;
Ce dernier expliquant qu’il y a eu persistance de symptomatologie tant au coude G qu’au coude D, mais qu’il n’y a pas eu de RRA.
Demande cependant qu’un DAP soit accordé comme pour le coude G, les jugeant similaires.
Or, considérant :
- que le REM de 2005 a été produit par le médecin traitant;
- qu’une douleur persistante était connue à l’époque;
- cf. note MD-Conseil Dr. Lenis pour la RRA de 2009 (2009-09-01)
- qu’il n’y a pas de changement du tableau clinique, pas de nouvelle investigation, pas de nouveau Tx proposé;
- que la patiente n’est plus à l’emploi qu’elle occupait à l’époque où sont survenus les épicondylites bilatérales;
Il n’y a pas d’évidence de RRA;
[37] La CSST refuse la réclamation de la travailleuse, d’où le présent litige.
[38] En témoignage, la travailleuse dit avoir revu le docteur Corriveau en octobre 2013 afin d’obtenir un rapport médical CSST. Elle ne se souvient plus si elle lui a montré l’expertise du docteur Bertrand. Le docteur Corriveau ne lui a prescrit aucun autre examen médical ou traitement et elle n’a pas vu de médecin par la suite.
[39] Elle confirme que l’état de son coude droit est le même depuis 2008, soit essentiellement depuis sa chirurgie au coude gauche. Ses deux coudes lui créent des douleurs importantes qui la restreignent dans plusieurs activités de la vie quotidienne. Elle fait état des activités ou des sports qu’elle ne peut plus faire depuis 2008 et précise que la conduite automobile est limitée et qu’elle doit s’y prendre sur plusieurs jours pour faire son ménage.
[40] La travailleuse explique travailler à son compte depuis 2011-2012 dans le domaine de la gravure par ordinateur, ce qui lui permet de travailler à son rythme. Elle doit malgré tout parfois demander l’aide de sa sœur pour certaines tâches. Cet emploi ne lui procure pas un revenu suffisamment important, soit environ 10 000 $ par année. Quand les douleurs sont intenses, elle prend du Tylenol et applique des compresses chaudes et froides en alternance.
L’AVIS DES MEMBRES
[41] Conformément à l’article 429.50 de la loi, la soussignée a obtenu l’avis motivé des membres ayant siégé avec elle dans la présente affaire.
[42] Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête de la travailleuse. Il estime que la preuve médicale prépondérante, et plus particulièrement l’expertise du docteur Bertrand et la note clinique du 4 octobre 2013 du docteur Corriveau qui note une diminution des amplitudes articulaires, démontre une modification de l’état de la travailleuse. Cette preuve médicale, combinée au témoignage crédible de la travailleuse, permet d’établir une relation causale entre la modification de son état au 4 octobre 2013 et sa lésion professionnelle du 30 mars 2004 puisque les douleurs et ses incapacités ont perduré et évolué au fil des années.
[43] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter la requête de la travailleuse. Il estime que celle-ci, par sa réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation au 4 octobre 2013, tente de bonifier une preuve médicale jugée déficiente et insuffisante par la Commission des lésions professionnelles dans ses décisions finales des 22 juin 2010 et 13 juillet 2012. La preuve médicale et testimoniale ne démontre aucunement en quoi l’état de la travailleuse s’est modifié depuis les dernières récidives, rechutes ou aggravations refusées en mai 2009 et avril 2011. Il considère que le présent débat ne peut servir à remettre en cause des décisions devenues finales et irrévocables. Par ailleurs, la preuve ne démontre pas que le docteur Corriveau a commis des erreurs importantes dans son rapport d'évaluation médicale du 21 juin 2005 ou que celui-ci n’est pas conforme au barème, justifiant l’intervention du tribunal pour le corriger.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[44] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 30 mars 2004.
[45] La loi ne définit pas cette notion. Il faut donc se référer à leur sens usuel à savoir une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence de la lésion ou de ses symptômes incluant la complication de la lésion initiale[6].
[46] La jurisprudence évoluant au sein du tribunal depuis quelques années retient que cette notion réfère globalement à une modification de l’état de santé[7]. Cette modification de l’état de santé doit aussi être en relation avec la lésion professionnelle. La preuve de relation peut être faite par une opinion médicale ou par présomption de fait, incluant des faits médicaux, tirés d’un ensemble d’indices graves, précis et concordants[8]. Certains critères ont aussi été élaborés par la jurisprudence[9] pour permettre d’apprécier l’existence d’une telle relation.
[47] C’est à la travailleuse que revient le fardeau de prouver l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation[10] et en cette matière, une preuve de nature médicale est nécessaire. Les seules allégations subjectives de la travailleuse, sans corrélation avec des faits médicaux objectifs à l’appui, ne peuvent constituer une preuve prépondérante[11].
[48] Enfin, il est bien établi en jurisprudence que le caractère continu et chronique d’une symptomatologie n’est pas assimilable à une récidive, rechute ou aggravation[12].
[49] La chronicité d’un état n’est pas un obstacle en soi à la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation, mais dans un tel contexte, il faut pouvoir dégager de la preuve médicale des éléments objectifs établissant que cet état s’est tout de même aggravé à un moment donné[13].
Les décisions antérieures de la Commission des lésions professionnelles
[50] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles ne peut faire fi des décisions rendues antérieurement par la Commission des lésions professionnelles les 22 juin 2010 et 13 juillet 2012 et ayant pour effet de rendre finales et irrévocables les décisions refusant de reconnaître une récidive, rechute ou aggravations pour épicondylite bilatérale les 6 mai 2009 et 15 avril 2011.
[51] Le refus de se voir reconnaître une récidive, rechute ou aggravation les 6 mai 2009 et 15 avril 2011 n’entraîne pas une fin de non-recevoir à la reconnaissance d’une nouvelle récidive, rechute ou aggravation au 4 octobre 2013.
[52] Toutefois, comme l’enseigne la jurisprudence[14], cela implique que la travailleuse doit prouver que sa réclamation pour cette nouvelle récidive, rechute ou aggravation se fonde sur de nouveaux éléments postérieurs et significatifs ou sur une situation différente de celle ayant donné lieu à ses réclamations antérieures qui ont été refusées.
[53] Suivant une revue exhaustive de la jurisprudence sur cette question, la Commission des lésions professionnelles s’exprime ainsi dans l’affaire Savastano et Imprimerie Interweb inc.[15] :
[…]
[48] Il faut donc retenir de ce qui précède que, en matière de récidive, rechute ou aggravation ou de maladie professionnelle, l’existence d’une décision devenue finale refusant une réclamation pour une telle lésion professionnelle ne fait pas obstacle à la production d’une autre réclamation.
[49] Le tribunal doit exercer pleinement sa compétence et apprécier chaque réclamation à son mérite selon la preuve offerte, mais en tenant compte du caractère final et irrévocable de cette décision antérieure dans le but de préserver la stabilité des décisions et éviter des décisions contradictoires sur une même question.
[50] Il faut aussi retenir qu’il importe de cerner la portée d’une première décision devenue finale aux fins de déterminer si elle a disposé de la même question que celle faisant l’objet de la nouvelle réclamation.
[51] Il faut également retenir que les cas de maladie professionnelle présentent des particularités, surtout lorsqu’il s’agit d’une maladie dont on prétend une seconde fois qu’elle résulte d’une exposition durant un certain temps à des produits, substances ou agents nocifs. En pareilles circonstances, le fait qu’une première réclamation visant la reconnaissance d’une telle maladie professionnelle ait été rejetée par décision finale n’empêche pas la production d’une seconde réclamation visant encore une fois à faire reconnaître le caractère professionnel de cette maladie. Il faudra cependant que cette seconde réclamation se fonde sur des faits nouveaux postérieurs à ceux visés par la première réclamation et dont cette décision finale a déjà disposé, particulièrement sur une période d’exposition postérieure à celle ayant été traitée par cette décision antérieure.
[52] Dans la présente affaire, la réclamation présentée par monsieur Savastano en mars 1997 visait la reconnaissance d’une surdité causée par le bruit auquel il prétendait avoir été exposé dans l’exercice de son travail de pressier au cours de la période du 16 novembre 1971 au 20 août 1993 et c’est de cette réclamation dont a disposé la Commission des lésions professionnelles dans sa décision du 16 juillet 2001.
[53] La seconde réclamation que monsieur Savastano présente en 2007 ne se fonde sur aucun élément nouveau postérieur à sa première réclamation puisqu’il n’a pas exercé son emploi de pressier ni aucun autre emploi après le 20 août 1993.
[54] La Commission des lésions professionnelles ne retient pas la prétention que fait valoir monsieur Savastano selon laquelle sa seconde réclamation se fonde sur une situation différente de celle qui a donné lieu à la décision du tribunal du 16 juillet 2001, soit l’existence de rapports médicaux « CSST » dans lesquels un diagnostic de surdité professionnelle est posé.
[Nos soulignements]
[54] Dans l’affaire Ouellet et Entreprises Paul-Émile Ouellet[16], la Commission des lésions professionnelles rappelle ce qui suit :
[…]
[65] Encore faut-il cependant que la seconde réclamation soit fondée sur de nouveaux éléments et qu'elle ne vise pas essentiellement à remettre en cause la décision précédente de refus10. Ainsi, dans la décision Bernatchez et JC Construck Matane inc.11 (la décision Bernatchez) qui concerne un cas de dépression, la juge administrative écrit ce qui suit :
[16] Par contre, dans la mesure où la CSST a déjà refusé de reconnaître un diagnostic de dépression réactionnelle dans une décision rendue le 30 mars 2004 (confirmée à la suite d’une révision administrative le 8 juin 2004 et devenue finale à la suite du désistement du travailleur de sa requête soumise à ce tribunal à l’encontre de cette décision), il apparaît tout de même utile de voir si des distinctions peuvent être faites entre la situation considérée par la CSST à l’époque de ce refus et celle que le travailleur démontre présenter au moment où il allègue à nouveau une lésion de nature psychique.
____________
10- Savastano et Imprimerie Interweb inc., 2009 QCCLP 1995; Tougas et Parquets Mosaïques Excel inc., 2010 QCCLP 1453; Pinsonneault et Face cachée de la pomme inc., 2011 QCCLP 2988.
11- 2008 QCCLP 5519.
[Nos soulignements]
[55] Ainsi, comme l’enseigne la jurisprudence, le présent débat ne doit pas être l’occasion pour la travailleuse de faire réapprécier une preuve présentée dans le cadre de litiges antérieurs ou de bonifier une preuve jugée à l’époque lacunaire.
[56] Ceci étant dit, qu’en est-il en l’instance?
[57] En début d’audience, la procureure de la travailleuse a précisé l’objet de l’appel en indiquant vouloir faire reconnaître une récidive, rechute ou aggravation en date du 4 octobre 2013, voire même avant, soit les 6 mai 2009 ou 21 décembre 2010, car le tribunal dispose maintenant d’une preuve médicale, soit l’expertise du docteur Bertrand, démontrant que l’état du coude droit de la travailleuse s’est objectivement aggravé. Elle allègue que même que si des récidives, rechutes ou aggravations n’avaient pas été reconnues à ces époques antérieures, c’est uniquement en raison d’absence de preuve médicale alors que l’expertise du docteur Bertrand vient pallier ce manque de preuve selon elle.
[58] Dans sa décision du 22 juin 2010, la Commission des lésions professionnelles, après avoir analysé la note clinique du docteur Corriveau datée du 6 mai 2009, conclut que la preuve médicale ne supporte pas la présence d’une récidive, rechute ou aggravation à cette date. Il en est de même dans la décision du 13 juillet 2012 alors que la Commission des lésions professionnelles fonde sa décision essentiellement sur la note de consultation de la docteure Dahan datée du 21 décembre 2010.
[59] La procureure de la travailleuse demande donc au présent tribunal de remettre en cause des décisions devenues finales et irrévocables à la lumière d’une nouvelle preuve médicale dont elle dispose maintenant, alors que dans le cadre de litiges antérieurs, la Commission des lésions professionnelles avait jugé la preuve médicale insuffisante. Il s’agit clairement d’une tentative de bonifier une preuve médicale jugée à l’époque lacunaire. Or, le présent débat ne peut servir à de telles fins. La Commission des lésions professionnelles n’a en l’instance aucune compétence pour disposer de récidives, rechutes ou aggravations aux 6 mai 2009 et 21 décembre 2010.
[60] La question dont demeure toutefois saisie la Commission des lésions professionnelles est de déterminer s’il y a une récidive, rechute ou aggravation au 4 octobre 2013, soit à la date où le docteur Corriveau, le médecin qui a charge, produit un rapport médical. Dans le cadre de l’appréciation de cette preuve, l’expertise du docteur Bertrand, produite en août 2013, peut être considérée.
[61] Toutefois, comme il a été mentionné dans la jurisprudence citée précédemment, une nouvelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation doit se fonder sur des éléments nouveaux postérieurs et distincts de ceux ayant servi au soutien de réclamations antérieurement refusées.
[62] En d’autres termes, la soussignée doit évaluer si la preuve dont elle dispose permet de reconnaître une modification de l’état de la travailleuse le ou vers le 4 octobre 2013 comparativement à ce qu’il était les 6 mai 2009 ou 15 avril 2011.
[63] Or, une telle preuve est absente en l’instance.
[64] Dans son témoignage, la travailleuse affirme que l’état de son coude droit s’est aggravé et est devenu similaire à l’état de son coude gauche depuis 2008, soit depuis sa dernière chirurgie. Les douleurs sont chroniques et varient au fil des activités exercées.
[65] En aucun temps la travailleuse invoque que sa condition s’est subjectivement aggravée le ou vers le 4 octobre 2013. Il appert de la preuve que sa visite médicale auprès du docteur Corriveau à cette date est motivée par l’obtention d’un rapport médical nécessaire à la production d’une nouvelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation. Il n’y a eu aucune nouvelle prise en charge au plan médical ni aucun nouveau plan de traitements ou d’investigation d’établi à cette date. La travailleuse n’a plus vu de médecin depuis et tente de se soulager comme elle le fait depuis des années.
[66] Du témoignage de la travailleuse, le tribunal retient donc que celle-ci allègue une persistance de douleurs chroniques en octobre 2013 dont elle souffre depuis plusieurs années, plutôt qu’une réelle modification de son état de santé.
[67] Quant à l’expertise du docteur Bertrand, il ne fait qu’objectiver un état de chronicité qui perdure. Lui-même précise que son examen est similaire à celui rapporté par la docteure Dahan le 21 décembre 2010 et qu’il n’y a pas de récidive, rechute ou aggravation par rapport à cette période. Or, dans sa décision du 13 juillet 2012, la Commission des lésions professionnelles analyse et dispose de l’examen de la docteure Dahan en concluant qu’il ne permet pas de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation des lésions professionnelles reconnues.
[68] Aucun élément dans l’expertise du docteur Bertrand ne permet d’établir que l’état de la travailleuse s’est modifié depuis la dernière rechute refusée le 15 avril 2011.
[69] Le fait que ce dernier conclut à un état du coude droit similaire au coude gauche et attribue un déficit anatomo-physiologique de 1 % n’est pas suffisant pour conclure à une récidive, rechute ou aggravation au 4 octobre 2013, puisque la preuve démontre que ces conclusions ne sont pas fondées sur une condition médicale différente de celle qui prévalait au moment où des récidives, rechutes ou aggravations ont été refusées en mai 2009 et avril 2011.
[70] Le docteur Bertrand semble d’ailleurs d’avis que de telles séquelles étaient présentes au moment où le docteur Corriveau a fait son rapport d'évaluation médicale, rapport qu’il juge discordant. Il ne s’agit donc pas d’un élément médical nouveau et postérieur à la dernière rechute refusée.
[71] Ainsi, le tribunal privilégie l’opinion de la docteure Benoît, médecin conseil à la CSST et conclut que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 4 octobre 2013.
[72] En réalité, ce que demande la travailleuse par l’entremise de sa réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation est de faire reconnaître qu’elle est porteuse d’un déficit anatomo-physiologique de 1 % et de limitations fonctionnelles au niveau de son coude droit depuis longtemps et qu’il s’agit d’une erreur du docteur Corriveau de ne pas le lui en avoir attribué auparavant.
[73] La procureure de la travailleuse a d’ailleurs fait une demande subsidiaire en ce sens en invoquant que le rapport d'évaluation médicale du docteur Corriveau daté du 21 juin 2005 porte à confusion et est incohérent si on le compare à son rapport médical final produit le 27 avril 2005. Certains commentaires émis par le docteur Bertrand dans son expertise indiquent qu’il abonde également en ce sens.
[74] La procureure de la travailleuse soumet des décisions de la Commission des lésions professionnelles[17] où il est établi que de manière exceptionnelle, le tribunal peut intervenir pour corriger un rapport d'évaluation médicale d’un médecin traitant, malgré son caractère liant. Il est ainsi reconnu que des erreurs d’interprétation ou dans l’application du Barème des dommages corporels ne lient pas la Commission des lésions professionnelles tout comme un rapport d’évaluation médicale qui comporte des faiblesses importantes nuisant à une juste évaluation des séquelles d’un travailleur[18].
[75] En l’instance, il n’y a aucune situation exceptionnelle ou particulière qui justifie la Commission des lésions professionnelles d’intervenir et de modifier le rapport d'évaluation médicale du docteur Corriveau comme le souhaite la travailleuse.
[76] D’une part, lorsqu’il y a une distinction entre les informations contenues au rapport médical final et le rapport d'évaluation médicale d’un même médecin, c’est le rapport d'évaluation médicale qui a préséance[19]. Ainsi, même si dans son rapport médical final le docteur Corriveau prévoyait une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique et qu’après examen physique, il fixe cette atteinte à 0 % dans son rapport d'évaluation médicale, ce dernier rapport prévaut.
[77] Par ailleurs, le fait que dans son rapport d'évaluation médicale le docteur Corriveau ne rapporte pas les degrés d’amplitudes des coudes, comme il le fait pour les épaules, ne constitue pas la preuve d’un examen médical incomplet. Le docteur Corriveau note que les amplitudes articulaires des coudes sont symétriques, ce qui est suffisant, car selon les règles particulières du barème, l’examen d’une articulation se fait en comparaison de l’articulation de membre opposé lorsqu’il est sain.
[78] De plus, si on s’en remet au témoignage de la travailleuse, c’est à compter de 2008 que l’état de son coude droit est devenu aussi douloureux et restreint que son coude gauche. Il serait donc tout à fait plausible qu’en juin 2005, au moment du rapport d'évaluation médicale du docteur Corriveau, le coude droit de la travailleuse ne présentait aucune séquelle fonctionnelle, malgré la persistance de douleurs résiduelles.
[79] Qui plus est, dans son rapport d'évaluation médicale du 8 octobre 2008 concernant le coude gauche, le docteur Corriveau rapporte que la patiente a eu une bonne récupération du côté droit et les amplitudes articulaires des deux coudes y sont rapportées. Le tribunal constate que les amplitudes du coude droit sont alors complètes, comparativement au coude gauche.
[80] En conclusion, il n’y a aucun élément permettant à la Commission des lésions professionnelles de conclure à un examen incomplet ou comportant des faiblesses importantes du docteur Corriveau le 21 juin 2005, assimilables à des erreurs importantes de sa part et justifiant l’intervention du tribunal.
[81] Pour tous ces motifs, la Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit à la requête de la travailleuse.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Lyne Marcil, la travailleuse;
CONFIRME la décision rendue le 25 octobre 2013 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 3 ou 4 octobre 2013.
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Sonia Sylvestre |
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Me Danielle Tremblay |
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TREMBLAY, BIGIER, THIVIERGE, AVOCATS |
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Représentante de la partie requérante |
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[1] La réclamation et le rapport médical soumis au soutien de celle-ci sont toutefois datés du 4 octobre 2013.
[2] RLRQ, c. A-3.001
[3] RLRQ, c. A-3.001, r. 2.
[4] Marcil et Entreprises Dominion Blueline inc., C.L.P. 381194-62A-0906, 22 juin 2010, C. Burdett.
[5] 2012 QCCLP 4484.
[6] Lapointe et Compagnie minière Québec Cartier, [1989] C.A.L.P., 39.
[7] Dubé et Entreprises du Jalaumé enr., C.L.P. 380599-01A-0906, 21 septembre 2009, G. Tardif; Béland et La Ville de Québec, C.L.P. 350848-31-0806, 15 octobre 2009, F. Boisjoli; Lamontagne et Industries Caron Meubles inc., C.L.P. 359625-01A-0809, 30 novembre 2009, M. Racine; Jean Charles et Corps Canadien Commissionnaire MTL, C.L.P. 362520-61-0811, 9 février 2010, L. Nadeau.
[8] Aubé et Commission scolaire de l’Énergie, C.L.P. 206476-04-0304, 21 octobre 2003, J.-F. Clément; Dubé et Entreprises du Jalaumé enr. et CSST, précitée note 7.
[9] Boisvert et Alco [1995] C.A.L.P. 19.
[10] Rivest et Star Appetizing Products inc., C.L.P. 175073-61-0112, 7 juillet 2003, J.-F. Martel, requête en révision rejetée le 4 avril 2004, L. Nadeau (04LP-24); Hallé et Produits Alcove ltée, C.L.P. 221506 - 62B-0311, 8 juillet 2004, N. Blanchard.
[11] Hallé et Produits Alcove ltée et CSST, précitée note 10; Dubé et Entreprises du Jalaumé enr., précitée note 7.
[12] Nadeau et Les scies nord-américaines inc., C.L.P. 222731-03B-0312, 1er novembre 2004, G. Marquis; Rancourt et Pointe-Nor inc., C.L.P. 301952-08-0610, 3 juin 2009, P. Prégent.
[13] Côté et Neilson inc., 229412-01B-0403, 7 février 2005, J.-F. Clément.
[14] Bélanger et Iron Mountain Canada Corporation, C.L.P.315152-61-0704, 20 décembre 2007, L. Nadeau; Savastano et Imprimerie Interweb inc., [2008] C.L.P. 1513; Ouellet et Entreprises Paul-Émile Ouellet (F), 2011 QCCLP 6124; Hamelin et J Walter Cie ltée, 2011 QCCLP 6796.
[15] Précitée note 14.
[16] Précitée note 14.
[17] Fournier et Commission scolaire de Laval, 2013 QCCLP 2899; Boulay et Fonderie Saguenay ltée, 2013 QCCLP 4778.
[18] Paradis et Entreprises de construction Roland Paradis inc., C.L.P. 112989-04-9903, 28 octobre 1999, J.-L. Rivard; Desfossés et Lambert & Grenier inc., C.L.P. 263943-04B-0506, 27 février 2006, L. Collin; Smith et Soucy International inc., C.L.P. 356738-04B-0808, 29 janvier 2009, M. Watkins.
[19] Voir notamment : Larivière et Hôpital du Haut Richelieu, C.A.L.P. 38310-62-9203, 9 mars 1994, M. Lamarre; Garand et Résidences Angelica inc., C.L.P. 29786-04B-0609, 8 novembre 2007, L. Morissette, requête en révision rejetée le 12 mars 2008, A. Suicco.