Picard c. Québec (Procureur général) |
2011 QCCS 7095 |
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JL2977 RECOURS COLLECTIF |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N : |
200-06-000088-073 |
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DATE : |
Le 13 janvier 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
JEAN LEMELIN, j.c.s. |
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GHISLAIN PICARD |
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Demandeur |
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c. |
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
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et |
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L'AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC |
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Défendeurs |
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et |
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FONDS D'AIDE AUX RECOURS COLLECTIFS |
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Mis en cause |
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JUGEMENT RECTIFICATIF |
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[1] Au paragraphe 25 du jugement rendu le 9 décembre 2011, il semble qu'une partie de phrase soit manquante, dans la section nommée «L'entente».
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[2] RECTIFIE le jugement du 9 décembre 2011 où le paragraphe 25 devrait se lire comme suit:
[25] De la somme de 24 300 000$, une somme de 300 000$ sera réservée pour payer les réclamations des membres du groupe qui ne sont ni membres d'une bande du Québec ni résidents du Québec ou d'Akwesasne; dans ce cas, la compensation maximale sera de 50$. |
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__________________________________ JEAN LEMELIN, j.c.s. |
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Me Éric David |
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Belleau Lapointe 306, Place d'Youville, bureau B-10 Montréal (Québec) H2Y 2B6 |
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Procureurs du demandeur |
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Me David Schulze |
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Dionne Schulze 507, Place d'Armes, bur. 1100 Montréal (Québec) H2Y 2W8 |
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Procureurs du demandeur |
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Me Jean-Yves Bernard |
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Bernard Roy & Associés (Ministère de la Justice du Québec) 1, rue Notre-Dame Est, 8e étage Montréal (Québec) H2Y 1B6 |
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Procureurs des défendeurs (Procureur général du Québec) |
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Me Éric Labbé, Me Nathalie Pronovost |
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Larivière Meunier (Revenu Québec) 3800, rue Marly, secteur 5-2-8 Québec (Québec) G1X 4A5 |
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Procureurs des défendeurs (Agence du revenu du Québec) |
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Me Samy Elnemr |
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Fonds d'aide aux recours collectifs 1, rue Notre-Dame Est, bureau 10.30 Montréal (Québec) H2Y 1B6 |
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Procureurs du mis en cause |
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Me Timothé Huot |
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BCF 1100, boulevard René-Lévesque Ouest, 25e étage Montréal (Québec) H3B 5C9 |
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Procureurs des intervenants |
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Date d’audience : |
Le 29 novembre 2011 |
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Picard c. Québec (Procureur général) |
2011 QCCS 7095 |
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JL2977 RECOURS COLLECTIF |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N : |
200-06-000088-073 |
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DATE : |
Le 9 décembre 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
JEAN LEMELIN, j.c.s. |
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GHISLAIN PICARD |
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Demandeur |
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c. |
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
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et |
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L'AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC |
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Défendeurs |
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et |
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FONDS D'AIDE AUX RECOURS COLLECTIFS |
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Mis en cause |
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JUGEMENT SUR REQUÊTE POUR APPROUVER UNE TRANSACTION |
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[1] Le demandeur Ghislain Picard est un Indien au sens de la Loi sur les Indiens[1] dûment inscrit comme tels au registre des Indiens au Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada. Il est aussi Grand Chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL).
[2] Avec l'autorisation du Tribunal et l'appui de l'APNQL, Ghislain Picard a entrepris en 2007, un recours collectif où le Procureur général du Québec (PGQ) et l'Agence du revenu du Québec sont désignés comme défendeurs.
[3] Ghislain Picard demande par sa requête que le Tribunal approuve, comme l'exige l'article 1025 du Code de procédure civile, l'entente intervenue entre les parties le 30 juin 2011.
La marche du dossier
[4] La requête en autorisation a été introduite dans le district judiciaire de Montréal en juin 2003, où d'ailleurs elle fut entendue.
[5] Le 7 mai 2007, le soussigné comme juge désigné pour entendre ce débat judiciaire, a autorisé l'exercice du recours.
[6] Après qu'un appel logé par les défendeurs a été rejeté par la Cour d'appel, le recours a été formellement introduit le 13 septembre 2007.
[7] Dans le jugement d'autorisation, le Tribunal a recommandé au juge en chef de la Cour supérieure d'ordonner le transfert du dossier dans le district de Québec, ce qu'il fit.
[8] En mars 2008, à la demande des parties, le Tribunal a accepté de suspendre la marche du dossier pour permettre aux parties d'entamer des négociations en vue d'arriver à un règlement à l'amiable.
[9] Pas moins de vingt rencontres furent tenues entre les parties pour tenter d'arriver à une entente globale.
[10] Le 30 juin 2011, les parties ont signé l'entente qu'elles demandent au Tribunal d'approuver.
Le recours collectif
[11] Avant d'aborder le contenu de l'entente, il est utile de préciser ce que Ghislain Picard réclamait par son recours. En substance, il demandait au Tribunal de déclarer que la Loi de la taxe sur les carburants contrevenait à l'exemption fiscale générale et absolue édictée par la Loi sur les Indiens et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.
[12] En conséquence, il demandait au Tribunal d'ordonner aux défendeurs de restituer aux Indiens inscrits la somme des taxes payées par eux pour l'achat de carburant sur des réserves situées au Québec, et ce, depuis 1973, l'année de l'entrée en vigueur de la Loi de la taxe sur les carburants.
[13] Le recours demandait aussi au Tribunal de condamner les défendeurs à payer des dommages-intérêts pour troubles et inconvénients aux Indiens inscrits qui s'étaient soumis à la procédure de remboursement mise en place en 1987 qui, selon Ghislain Picard était illégale et contrevenait à la Loi sur les Indiens.
L'entente
[14] En vertu de cette entente, les défendeurs s'engagent à payer les montants suivants:
Ø Une somme de 2 700 000$ à l'APNQL dans un fonds, au bénéfice des membres du groupe;
Ø Une somme de 24 300 000$ aux membres du groupe à être distribuée conformément aux articles 1031 à 1036 du Code de procédure civile.
[15] Ces sommes sont versées en règlement complet et final du recours collectif, comprenant le capital, les intérêts et l'indemnité additionnelle.
[16] La référence aux articles précités du Code de procédure civile confirme qu'il s'agit ici d'un recouvrement collectif.
[17] Le montant de 2 700 000$ sera versé à l'APNQL, à l'expiration d'un délai de soixante jours suivant la date de l'approbation de l'entente par le Tribunal.
[18] Quant à la somme de 24 300 000$, elle sera payée ou mise à la disposition de l'administrateur du règlement à l'expiration d'un délai de trois cent soixante-cinq jours, suivant la date de l'approbation de l'entente par le Tribunal.
[19] Précisions que les parties ont convenu de désigner la Société Collective inc., comme administrateur du règlement. Cette société a été désignée par l'Agence du revenu du Québec suite à un appel d'offres et après consultations avec l'APNQL.
[20] Pour recevoir la compensation prévue à l'entente, chaque membre du groupe devra soumettre une réclamation à l'intérieur du délai de trois cent soixante-cinq jours, en remplissant un formulaire prévu à cet effet.
[21] Il devra aussi joindre une preuve de son statut d'Indien inscrit, sa date de naissance et son lieu de résidence.
[22] Le montant de base attribué variera en fonction de l'âge du réclamant selon six catégories bien définies, la première visant les personnes de dix-huit à vingt-quatre ans et la dernière, celles âgées de soixante-cinq ans et plus.
[23] Cette particularité repose sur la prémisse que les plus jeunes personnes auront vraisemblablement acheté moins de carburant que les plus âgées et donc, payé moins de taxes.
[24] La compensation sera réduite de 50% dans le cas d'un membre du groupe qui est membre d'une bande du Québec, mais qui réside à l'extérieur du Québec ou d'Akwesasne.
[25] De la somme de 24 300 000$, une somme de 300 000$ sera réservée pour payer les réclamations des membres du groupe qui ne sont ni membres d'une bande du Québec ou d'Akwesasne; dans ce cas, la compensation maximale sera de 50$.
[26] L'entente contient des clauses habituelles de renonciation, de réserve et de quittance. Il est important de préciser que la quittance donnée par Ghislain Picard au nom des membres du groupe, ne porte sur aucune taxe payée après le 30 juin 2011, qui est le terme de l'entente.
[27] Il est aussi utile de signaler que les membres du groupe pourront, le cas échéant, obtenir une double compensation: le montant de base où aucune preuve d'achat de carburant n'est requise et une compensation représentant le montant de la taxe payée à sa valeur nominale telle qu'établie par une facture d'achat de carburant, et ce, pour la même période jusqu'au 30 juin 2011.
[28] Il est nécessaire de reproduire la clause 4.1, qui est la quittance donnée par Ghislain Picard au nom des membres du groupe, parce que la clause indispose certains membres du groupe qui se sont opposés à l'approbation de l'entente.
4.1 Les Membres du Groupe donnent une quittance complète et finale aux Défendeurs à l'égard de l'ensemble des réclamations, demandes d'actions, poursuites, causes d'action et dommages, y compris les dommages-intérêts punitifs et exemplaires, peu importe le moment où ils ont été subis et la façon dont ils l'ont été, des dettes, obligations et responsabilités de quelque nature que ce soit, connues ou inconnues, y compris le capital, les intérêts, les frais et les pénalités que les Membres du Groupe ou toute autre personne ont, eus ou pourraient avoir, directement, indirectement, pour le compte d'autrui ou de façon dérivée ou en toute autre qualité, personnellement ou en subrogation, se rapportant ou découlant, de quelque manière que ce soit, des faits et des questions en litige invoqués ou qui auraient pu être invoqués sans le Recours collectif ou dans toute autre procédure connexe.
Cette quittance prend effet dès que les montants prévus à l'article 3.2 sont distribués.
[29] Ces opposants craignent que le texte, tel que rédigé, compromette leurs droits futurs ou un recours éventuel pour les taxes payées après le 30 juin 2011.
[30] Mentionnons aussi que les défendeurs s'engagent à payer les frais judiciaires et les honoraires des procureurs du demandeur, des experts, consultants et du personnel de l'APNQL et ce, sur présentation de pièces justificatives.
[31] Précisons que cette entente a été conclue sans admission. Les clauses 11.1 et 11.2 le prévoient:
11.1 Aucune admission n'est faite par les Parties concernant la prescription extinctive qui pourrait être applicable à ce litige ni quant à leur responsabilité respective ni quant à la légalité du mécanisme de remboursement de la taxe sur les carburants qui a été mise en place en 1987 et conviennent que le seul but du règlement est d'en arriver à une solution à l'amiable et d'éviter ainsi des procédures longues et coûteuses.
11.2 Que l'Entente de règlement soit ou non approuvée, les Parties conviennent que l'Entente de règlement et son contenu, l'ensemble des négociations, documents et discussions liés à l'Entente de règlement ainsi que toues les actions ou mesures prises afin de mettre en œuvre l'Entente de règlement ne peuvent être réputés ou interprétés comme étant l'admission d'une violation ni de la validité d'une loi ou d'un règlement ou d'une faute ou d'une responsabilité de la part des Parties ou du caractère véridique de l'une ou l'autre des réclamations faites dans le Recours collectif ou toute autre procédure.
Le droit applicable
[32] L’article 1025 du Code de procédure civile exige que le Tribunal approuve tout règlement à l’amiable qui intervient dans un recours collectif, à moins que, dans le cas d’un acquiescement, il ne soit pour la totalité de la demande.
[33] Essentiellement, le Tribunal doit décider si l’entente proposée est juste et équitable, si elle répond aux meilleurs intérêts, non seulement du demandeur représentant mais aussi de l’ensemble des membres du groupe qui seront liés par l’entente, une fois approuvée.
[34] Il n’appartient pas au Tribunal de modifier, en tout ou en partie, le contrat de transaction conclu par les parties. Il doit l’approuver tel que soumis ou refuser de l’entériner. Tout au plus, pourrait-il suggérer aux parties de le modifier pour corriger certaines lacunes afin d’en assurer l’approbation.
[35] Le règlement amiable d’un litige sera toujours une initiative encouragée et soutenue par les tribunaux. C’est la volonté des parties d’éviter les coûts et les délais d’un procès qui est mise en œuvre par le règlement. De plus, le système judiciaire bénéficie de l’allègement des rôles que les règlements avant procès procurent. Il est donc dans l’intérêt public que les tribunaux favorisent ces règlements.
[36] Il s’ensuit que les tribunaux ne refuseront d’entériner une transaction que pour des motifs très graves. Par contre, le devoir d’entériner la transaction n’autorise pas le Tribunal à substituer son jugement à l’accord des parties.
[37] Généralement, une transaction, lorsque conclue, acquiert force de chose jugée entre les parties (2633 C.c.Q.).
[38] Dans le cas présent, les parties ont conclu leur transaction sous réserve de l’approbation du Tribunal. En conséquence, elle ne les liera que si le Tribunal l’approuve. Elle deviendra alors exécutoire et liera tous les membres du recours collectif. Si le Tribunal ne l’approuve pas, elle est annulée et ne lie personne, même pas les parties qui l’ont convenue.
[39] Le jugement qui approuve une transaction est un jugement final qui n’est pas susceptible d’appel par les parties ou les membres[2]. Celui qui n’approuve pas la transaction peut être porté en appel, sur permission[3].
Les critères d'approbation
[40] Le Code de procédure civile n’identifie pas les critères ou les facteurs qui doivent guider le Tribunal saisi d'une demande d'approbation.
[41] Une transaction qui n’accorderait aucune mesure réparatrice aux membres ou qui favoriserait indûment les défendeurs poursuivis serait susceptible de ne pas être approuvée[4].
[42] S’inspirant de la longue expérience américaine en matière de recours collectifs (class actions), les tribunaux canadiens ont identifié des critères qui pouvaient guider le Tribunal dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Un de ces jugements souvent cité est celui de monsieur le juge Sharpe de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire Dabbs c. Sun Life[5]. Les critères dégagés par le juge Sharpe dans cette affaire peuvent servir de guide aux tribunaux du Québec en raison, notamment, de la grande similarité entre le droit du Québec et celui de l’Ontario, en matière de recours collectif[6].
[43] Les critères maintenant reconnus sont les suivants :
Ø les probabilités de succès du recours ;
Ø l’importance et la nature de la preuve administrée ;
Ø les termes et les conditions de la transaction ;
Ø la recommandation des procureurs et leur expérience ;
Ø le coût des dépenses futures et la durée probable du litige ;
Ø la recommandation d’une tierce personne neutre, le cas échéant ;
Ø le nombre et la nature des objections à la transaction ;
Ø la bonne foi des parties ;
Ø l’absence de collusion.
Les allégations de la requête
[44] Le Tribunal est d'avis qu'il est utile de reproduire les allégations concernant "le sort du litige au fond" et "les termes et conditions de la transaction".
66. Les probabilités de succès du recours sont incertaines: sur le plan du droit, les parties sont divisées par des questions fondamentales dont plusieurs sont de nature constitutionnelle et nécessiteraient un débat long et complexe pouvant facilement faire l'objet d'un appel.
67. En particulier, il y a un écart de 27 ans dans la période en litige invoquée par le Demandeur et celle plaidée en défense.
68. Or, l'Entente prévoit au paragraphe 11.1 qu'«[a]ucune admission n'est faite par les Parties concernant la prescription extinctive qui pourrait être applicable à ce litige».
69. Aussi, l'importance et la nature de la preuve à administrer auraient un effet important sur le coût et la durée probable d'un litige au fond: il faudrait en effet chiffrer des dizaines de milliers de transactions sur des dizaines de réserves indiennes pendant des décennies.
[…]
75. L'Entente procure aux membres du groupe des avantages indéniables par rapport à la situation qui prévaudrait advenant un litige.
76. Ainsi, contrairement à la situation qui prévaudrait devant la Cour dans le cadre d'un litige au fond du recours collectif, les membres du groupe ont accès à un mécanisme simple et efficace de détermination de leur réclamation, financé par les Défendeurs.
77. La détermination de la compensation sera faite sur la base de renseignements qui sont simples à prouver: le statut d'Indien, l'âge et le lieu de résidence, ce qui constitue un avantage indéniable par rapport à la nécessité de tenir un procès individuel afin que chaque membre du groupe prouve de façon prépondérante le montant qu'il réclame.
78. Finalement, il faut tenir compte des risques inhérents à l'audition au fond du recours collectif. Il n'est pas certain que le recours donne lieu à un jugement favorable tant au niveau de la résolution des questions communes qu'individuelles. Dans ce contexte, le règlement est juste et équitable.
[45] Tous les procureurs qui ont participé à la négociation de la transaction, recommandent fortement qu’elle soit approuvée en raison de son contenu, mais aussi pour éviter un procès long et coûteux.
[46] La demande dont est saisi le Tribunal est d’approuver la transaction telle que soumise, avec ses modalités et exclusions. Si le Tribunal estime qu’elle n’est pas juste et équitable, il ne doit pas l’approuver.
Analyse et décision
[47] Signalons d'entrée de jeu que le Fonds d'aide au recours collectif a confirmé par écrit qu'il n'avait versé aucune aide financière pour le recours, qu'il s'en remettait à la décision du Tribunal et qu'il ne serait pas représenté à l'audition dédiée à la requête en approbation.
[48] Il faut aussi signaler qu'il y avait des opposants à la demande d'approbation. Par une lettre transmise au juge soussigné le 25 novembre 2011, Me Timothé R. Huot s'est opposé à l'approbation de l'entente au nom de ses clients, douze Indiens membres du groupe, et qui étaient tous propriétaires de seize stations d'essence à Kahnawake. Nous reviendrons à leurs représentations.
[49] Il y avait aussi une personne nommée Sherry Condo, qui était aussi membre du groupe et habitait la réserve de Listuguj.
[50] Madame Condo s'opposait avec vigueur à l'approbation parce qu'elle estimait que ses droits constitutionnels relatifs à l'exemption absolue de payer des taxes et impôts étaient violés par cette entente. Elle se plaignait aussi de ne pas avoir été informée de la conclusion de cette entente avant la publication des avis statutaires et de ne pas avoir été consultée avant la conclusion de l'entente.
[51] Il faut dire ici que la requête en approbation précise que le demandeur Picard et ses procureurs ont choisi de suivre la structure et la ligne hiérarchique de l'Assemblée des Premières Nations pour informer les membres du groupe. Les Chefs de bandes ont été constamment tenus informés des négociations et ils devaient transmettre l'information aux membres de leur communauté.
[52] Le Tribunal est d'avis que cette façon de procéder était tout à fait appropriée dans les circonstances, vu la grande dispersion des membres du groupe, qui incidemment, comprenait entre quarante-cinq mille et cinquante mille membres visés.
[53] Si le reproche de madame Condo est de ne pas avoir été informée des négociations en cours, elle doit l'adresser à son chef de bande.
[54] Par ailleurs, la question de la contravention alléguée des droits constitutionnels de madame Condo est présentement devant la Cour supérieure dans une autre instance.
[55] Sur la question centrale de ce débat judiciaire, l'approbation, oui ou non, le Tribunal est d'avis que cette entente doit être approuvée.
[56] La mesure réparatrice exprimée en argent est très significative et compense, d'une manière acceptable, les membres du groupe. La somme de 27 000 000$ de fonds publics est appréciable, quoiqu'en pensent Me Huot et ses clients qui l'ont qualifiée de "nominale"! Mais cette affirmation du procureur en est une qui ne s'appuie sur aucune preuve ou étude. Elle doit donc être écartée.
[57] Selon les représentants des procureurs des parties, une grande portion de leurs discussions a été conservée, avec l'aide de leurs experts, à estimer le montant de taxes qui avait été payé au fil des années. Le montant convenu n'a donc pas été établi à la légère.
[58] Les chances de succès de ce recours étaient bonnes dans la perspective de l'exemption de payer des taxes prévues à la Loi sur les Indiens. Mais la grande difficulté à laquelle étaient confrontés le requérant Picard et ses procureurs, était de faire une preuve convaincante des taxes payées par les membres du groupe sur une si longue période de temps.
[59] L'autre difficulté, tout aussi contraignante, était la question de savoir si un délai de prescription s'appliquait à la réclamation des membres et comment le délai devait-il être calculé?
[60] Enfin, la question de savoir si le régime de remboursement mis en place en 1987 était légal et respectait les droits constitutionnels des membres du groupe était centrale au débat et très contestée.
[61] Les remarques qui précèdent répondent favorablement aux critères des termes et conditions de la transaction, de la probabilité du succès du recours, de l'importance et de la nature de la preuve administrée.
[62] Les procureurs des deux parties recommandent l'approbation de l'entente qu'ils ont négociée après vingt rencontres consacrées notamment, à l'estimation très difficile des taxes payées et non-remboursées.
[63] Les coûts des dépenses futures et la durée probable du litige ne font aucun doute et militent en faveur de l'approbation de l'entente.
[64] Il n'y a pas ici de recommandation favorable d'une tierce personne neutre.
[65] Cependant, le fait que le Procureur général et l'Agence du revenu du Québec soient parties à l'entente donne une assurance significative que les modalités de l'entente reflètent la situation correctement et sont justifiées dans les circonstances.
[66] La bonne foi des parties et l'absence de collusion ne faisant aucun doute dans cette affaire, reste donc le critère du nombre et de la nature des objections à la transaction.
[67] Le Tribunal rejette sommairement comme non fondée ni prouvée, l'affirmation de Me Huot et de ses clients que la mesure réparatrice de 27 000 000$ est "nominale".
[68] Par ailleurs, le Tribunal comprend l'inquiétude des clients de Me Huot. Mais cette inquiétude vise essentiellement la légalité du nouveau mécanisme d'exemption mis en place par l'Agence du revenu du Québec à compter du 1er juillet 2011.
[69] Cette question n'est cependant pas devant le Tribunal et elle fait déjà l'objet d'un débat judiciaire engagé devant la Cour supérieure depuis 1994 et qui doit être entendu prochainement.
[70] L'opposition des clients de Me Huot doit donc être écartée non pas parce qu'elle n'est pas sérieuse, mais parce qu'elle vise des mesures mises en place à compter du 1er juillet 2011 qui ne sont pas visées par l'entente.
[71] Enfin, précisons que les requérants demandent au Tribunal de modifier la description du groupe pour inclure plus de membres. Cette demande est justifiée et le Tribunal y fera droit.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[72] ACCUEILLE la présente requête en approbation d'une transaction;
[73] DÉCLARE bonnes et valables la publication et la diffusion des avis annonçant l'audition de la présente requête en approbation d'une transaction;
[74] APPROUVE l'entente conclue entre les parties en règlement du présent recours collectif le 30 juin 2011;
[75] MODIFIE le groupe en vertu de l'article 1022 , C.p.c., comme suit:
Tout indien inscrit au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985) ch. 1-5 - sauf un bénéficiaire cri au sens de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, L.C. 1984, ch. 18 - qui est majeur et qui:
a) réside au Québec ou Akwesasne; ou
b) ne réside pas au Québec ou Akwasasne mais est membre:
i. de l'une des bandes au sens de l'article 2 de la Loi sur les Indiens (L.R.C. 1985, ch. 1-5) dont la réserve ou l'établissement est situé au Québec, en tout ou en partie;
ii. des bandes de la Nation Micmac de Gespeg et la Première Nation Wolf Lake;
iii. de la Nation Naskapie de Kawawachikamach, bande naskapie au sens de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (L.C. 1984, ch.18); ou
c) ne réside pas au Québec ou Akwesasne et n'est pas membre d'une bande du Québec, mais depuis son entrée en vigueur a payé la taxe perçue en vertu de la Loi concernant la taxe sur les carburant, L.R.Q., ch. T-1, lors de l'achat d'essence ou de mazout sur une réserve indienne au Québec au sens de la Loi sur les Indiens ou sur une terre crie ou naskapie de catégorie 1A ou 1A-N au sens de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.
[76] DÉCLARE que susdite entente constitue une transaction au sens de l'article 2631 du Code civil du Québec, liant toutes les parties et tous les membres du groupe;
[77] ORDONNE aux parties de se conformer à l'entente;
[78] DÉCLARE que chaque groupe du Québec lié par l'entente est réputé avoir donné une quittance aux défendeurs selon les termes de l'entente;
[79] DÉSIGNE Collectiva inc. comme administratrice du règlement;
[80] RÉSERVE le droit aux parties de présenter toute autre demande d'ordonnance nécessaire à la mise en œuvre de la présente transaction;
[81] LE TOUT, SANS FRAIS.
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__________________________________ JEAN LEMELIN, j.c.s. |
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Me Éric David |
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Belleau Lapointe 306, Place d'Youville, bureau B-10 Montréal (Québec) H2Y 2B6 |
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Procureurs du demandeur |
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Me David Schulze |
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Dionne Schulze 507, Place d'Armes, bur. 1100 Montréal (Québec) H2Y 2W8 |
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Procureurs du demandeur |
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Me Jean-Yves Bernard |
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Bernard Roy & Associés (Ministère de la Justice du Québec) 1, rue Notre-Dame Est, 8e étage Montréal (Québec) H2Y 1B6 |
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Procureurs des défendeurs (Procureur général du Québec) |
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Me Éric Labbé, Me Nathalie Pronovost |
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Larivière Meunier (Revenu Québec) 3800, rue Marly, secteur 5-2-8 Québec (Québec) G1X 4A5 |
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Procureurs des défendeurs (Agence du revenu du Québec) |
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Me Samy Elnemr |
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Fonds d'aide aux recours collectifs 1, rue Notre-Dame Est, bureau 10.30 Montréal (Québec) H2Y 1B6 |
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Procureurs du mis en cause |
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Me Timothé Huot |
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BCF 1100, boulevard René-Lévesque Ouest, 25e étage Montréal (Québec) H3B 5C9 |
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Procureurs des intervenants |
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Date d’audience : |
Le 29 novembre 2011 |
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[1] L.R.Q. (1985) chapitre 1-5.
[2] Fortier c. P.G. du Québec, C.S. Québec no 200-06-000001-894, le 19 mars 1991
[3] Québec (P.G.) c. Delaunais, C.A. Québec 200-09-000313-921, 21 mai 1992
[4] Delaunais c. Québec (P.G.), [1992] R.J.Q. 1578
[5] [1998] O.J. 1598
[6] Comité d’environnement de La Baie inc. c. Société d’électrolyse et de chimie Alcan ltée, [1990] R.J.Q. 655
Pelletier c. Baxter Healthcare Corp., C.S. Montréal no 500-06-000005-955, 16 avril 1998, juge Irving Halperin
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