Thouin c. Ultramar ltée |
2015 QCCS 1432 |
JG 1744 |
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CANADA
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE QUÉBEC |
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N° : |
200-06-000135-114 |
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DATE : |
8 avril 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
BERNARD GODBOUT, j.c.s. |
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DANIEL THOUIN ASSOCIATION POUR LA PROTECTION AUTOMOBILE
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Demandeurs |
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c.
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ULTRAMAR LTÉE ET AL
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Défendeurs
-et-
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Tiers-intervenant |
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JUGEMENT SUR UNE REQUÊTE POUR PERMISSION D’INTERROGER L’ENQUÊTEUR CHEF DU BUREAU DE LA CONCURRENCE ET ORDONNER À UN TIERS DE COMMUNIQUER CERTAINS DOCUMENTS |
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[1] Les demandeurs, M. Daniel Thouin et l’Association pour la protection automobile présentent, conjointement avec les demandeurs dans un autre dossier, MM. Simon Jacques, Marcel Lafontaine et l’Association pour la protection automobile, une requête pour permission d’interroger l’enquêteur-chef du Bureau de la concurrence et que soit ordonné au Procureur général du Canada, en sa qualité de représentant légal du Bureau de la concurrence, de communiquer aux procureurs des parties une copie complète de tous les enregistrements des communications interceptées et des documents faisant partie du dossier du Bureau de la concurrence dans le cadre de l’enquête « Octane ».
[2] La demande pour permission d’interroger l’enquêteur-chef du Bureau de la concurrence concerne à la fois les dossiers de M. Thouin (no : 200-06-000135-114) et celui de M. Jacques (no : 200-06-000102-080).
[3] La demande de communiquer les enregistrements des communications interceptées et les documents du dossier d’enquête concerne plus particulièrement le dossier de M. Thouin (no : 200-06-000135-114).
[4] Bien que ces demandes soient contenues dans une seule requête et aient été plaidées en même temps, deux jugements seront prononcés étant donné qu’elles visent deux dossiers distincts qui au surplus, ne sont pas rendus à la même étape procédurale.
[5] Dans le dossier de M. Jacques, les défenses ont été produites.
[6] Dans le dossier de M. Thouin, la requête introductive d’instance est essentiellement la seule procédure au dossier.
[7] Se
prévalant des articles
- D’assigner l’enquêteur-chef du Bureau de la concurrence et/ou toute autre personne qui pourrait être convenue entre les procureurs des demandeurs et les procureurs du Bureau de la concurrence pour être interrogé sur tous les faits se rapportant aux litiges dans les présents dossiers judiciaires (nos 200-06-000102-080 et 200-06-000135-114), incluant tous les faits se rapportant à l’enquête «Octane».
[8] Ils demandent de plus :
- La communication d’une copie complète de tous les enregistrements des communications interceptées par le Bureau de la concurrence dans le cadre de l’enquête «Octane» qui concerne la fixation des prix de l’essence sur les territoires visés par le recours collectif dans le dossier 200-06-000135-114 (dossier « Thouin ») et qui ne sont pas déjà couvert par l’Ordonnance de communication rendue dans le dossier no : 200-06-000102-180 (dossier « Jacques »);
- La communication d’une copie complète de tous les documents faisant partie du dossier d’enquête du Bureau de la concurrence dans le cadre de l’enquête « Octane » qui concerne la fixation des prix de l’essence sur les territoires visés par le recours collectif dans le dossier judiciaire no : 200-06-00135-114 (dossier « Thouin ») et qui ne font pas partie de la divulgation de la preuve criminelle communiquée aux accusés dans le cadre des procédures criminelles découlant de l’enquête « Octane »;
[9] Ils demandent enfin :
- D’autoriser la communication de tous les éléments de preuve communiqués ou à être communiqués dans le dossier judiciaire no : 200-06-000102-180 (dossier « Jacques ») au dossier judiciaire no : 200-06-00135-114 (dossier « Thouin »), le tout sujet à toute ordonnance de communication et de sauvegarde présentement en vigueur dans ces deux dossiers.
[10] Les demandeurs plaident plus particulièrement que :
-
La communication de l’information demandée s’inscrit dans la poursuite
de «[L’] objectif
ultime d’un procès, criminel ou civil, (qui) doit être la recherche et la
découverte de la vérité» (R. c. Nikolovski
- Le fait qu’il n’y ait pas eu de poursuites pénales et de divulgation de la preuve ne les empêche pas d’avoir accès à la preuve recueillie par le Bureau de la concurrence;
- Les membres du groupe dans le présent dossier ne doivent pas être désavantagés par rapport aux membres du groupe impliqués dans le dossier de M. Jacques. Les deux dossiers doivent bénéficier du même traitement.
[11] Les défendeurs s’objectent à cette requête alléguant principalement que :
- Aucune procédure pénale n’a été intentée en vertu de la Loi sur la concurrence concernant les territoires visés par le présent dossier;
-
La requête pour interroger au préalable l’enquêteur-chef du Bureau de la
concurrence selon l’article
- Les demandeurs ont déjà en leur possession plusieurs documents à la suite des ordonnances prononcées précédemment;
-
L’objectif que poursuit les demandeurs d’obtenir une copie complète des
enregistrements des communications interceptées et de tous documents faisant
partie du dossier du Bureau de la concurrence dans le cadre de l’enquête
« Octane » ne respecte pas les règles de la pertinence et de la
proportionnalité énoncées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Pétrolière
Impériale c. Jacques
[12] Le Procureur
général du Canada ajoute pour sa part que, selon l’article
Analyse
[13] Les articles
398. Après production de la défense, une partie peut, après avis de deux jours aux procureurs des autres parties, assigner à comparaître devant le juge ou le greffier, pour y être interrogé sur tous les faits se rapportant au litige ou pour donner communication et laisser prendre copie de tout écrit se rapportant au litige:
[…]
3. avec la permission du tribunal et aux conditions qu'il détermine, toute autre personne.
* * *
402. Si, après production de la défense, il appert au dossier qu'un document se rapportant au litige est entre les mains d'un tiers, celui-ci sera tenu d'en donner communication aux parties, sur assignation autorisée par le tribunal, à moins de raisons le justifiant de s'y opposer.
Le tribunal peut aussi, en tout temps après production de la défense, ordonner à une partie ou à un tiers qui a en sa possession un élément matériel de preuve se rapportant au litige, de l'exhiber, de le conserver ou de le soumettre à une expertise aux conditions, temps et lieu et en la manière qu'il juge à propos.
* * *
1045. Le tribunal peut, en tout temps au cours de la procédure relative à un recours collectif, prescrire des mesures susceptibles d'accélérer son déroulement et de simplifier la preuve si elles ne portent pas préjudice à une partie ou aux membres; il peut également ordonner la publication d'un avis aux membres lorsqu'il l'estime nécessaire pour la préservation de leurs droits.
[14] Dans la mesure où est autorisée la communication de tous les éléments de preuve communiqués ou à être communiqués dans le dossier judiciaire no : 200-06-000102-080 (dossier « Jacques ») au dossier judiciaire no 200-06-000135-114 (dossier « Thouin »), les demandeurs disposeront alors d’une quantité appréciable d’informations jugées pertinentes par le DPP pour obtenir des condamnations dans le cadre de l’administration d’une preuve en matière pénale.
[15] La question pour les demandeurs est donc d’évaluer si cette information, ou une partie de celle-ci, est pertinente au présent dossier, c’est-à-dire, « utile, appropriée, susceptible de faire progresser le débat »[2].
[16] Par ailleurs,
l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Pétrolière
Impériale c. Jacques,
[17] À l’instar de ce que la Cour suprême à décidé concernant la Pétrolière Impériale, tous les défendeurs sont parties à la présente instance civile à laquelle s’appliquent les règles du Code de procédure civile.
[18] Il en est de même de l’argument du Procureur général du Canada selon lequel un représentant de l’État ne peut être assujetti à un interrogatoire préalable dans une instance où l’État n’est pas partie.
[19] Dans l’arrêt Pétrolière Impériale c. Jacques, la Cour suprême confirme que l’État doit communiquer aux demandeurs l’ensemble des communications interceptées au cours de l’enquête « Octane », conformément à l’article 402 C.p.c, même s’il est un tiers à l’instance.
[20] Ainsi,
on peut considérer que l’absence d’immunité de l’État en ce qui concerne
l’article
[21] Enfin, concernant l’argument des défendeurs selon lequel la requête des demandeurs ne rencontre pas le critère de proportionnalité, il y a lieu de reproduire les paragraphes suivants de l’arrêt Pétrolière Impériale c. Jacques :
[82] Les
tribunaux ont, de tout temps, exercé un droit de regard et de contrôle sur le
processus d’administration de la preuve. À cette fin, ils détiennent tous les
pouvoirs nécessaires à l’exercice de ce contrôle (art.
[…]
[85] Dans tous
les cas, tout en respectant le principe de proportionnalité qui fait
intrinsèquement partie de l’art.
[22] Malgré
que les défenses ne soient pas encore produites au dossier, l’article
[23] En effet, il est dans l’intérêt de l’une et l’autre des parties, ainsi que d’une saine administration de la justice, que les questions relatives « aux faits se rapportant au litige » (398 C.p.c.) de même qu’aux « documents se rapportant au litige » (402 C.p.c.) soient décidées au moment opportun de façon à accélérer le déroulement du recours, sans toutefois que ne soient brimés les droits des autres parties.
[24] Cependant, on ne peut ignorer qu’à ce moment-ci et dans un avenir rapproché, les demandeurs disposeront d’une grande quantité d’information qu’ils auront obtenue dans le cadre du déroulement du recours no 200-06-000102-080 (dossier « Jacques »).
[25] D’ailleurs, les demandeurs eux-mêmes s’interrogent à savoir si l’information dont ils disposent et celle qui leur sera éventuellement communiquée concerne en partie le présent dossier.
[26] Les demandeurs doivent faire cette vérification préalablement à toute autre démarche.
[27] Par la suite, ils pourront, le cas échéant, interroger l’enquêteur-chef du Bureau de la concurrence pour obtenir, à la lumière des connaissances qu’ils auront acquises, l’information nécessaire à l’obtention des éléments de preuve pouvant se rapporter au présent litige.
[28] Toutefois, il serait prématuré à ce moment-ci d’ordonner la communication de la transcription des communications interceptées autres que celles ayant fait l’objet de la divulgation de la preuve ainsi que la communication de tous les documents au dossier du Bureau de la concurrence recueillie dans le cadre de l’enquête « Octane ».
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[29] AUTORISE la communication de tous les éléments de preuve communiqués ou à être communiqués dans le dossier judiciaire no. 200-06-000102-080 (dossier « Jacques ») au dossier judiciaire no. 200-06-000135-114 (dossier « Thouin »), le tout sujet à toutes les ordonnances de communication et de sauvegarde présentement en vigueur dans ces deux dossiers;
[30] PERMET aux demandeurs d’assigner l’enquêteur-chef du Bureau de la concurrence et/ou toute autre personne pour être interrogé à la seule fin d’obtenir des précisions concernant les éléments d’information dont ce dernier dispose quant aux territoires visés par le présent recours collectif et, le cas échéant, les documents et enregistrements pertinents se rapportant au présent litige.
[31] LE TOUT frais à suivre.
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BERNARD GODBOUT, j.c.s. |
Pour les demandeurs
Bernier, Beaudry inc.
Paquette Gadler inc.
Pour les défendeurs
Stikeman Elliott
Osler, Hoskin & Harcourt
Davies Ward Phillips & Vineberg
McMillan S.E.N.C.R.L
O'Brien avocats
Gravel Bernier Vaillancourt
LCM Avocats inc.
Pour le tiers intervenant
Me Mariève Sirois-Vaillancourt
Ministère de la justice
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.