Section du territoire et de l'environnement
Référence neutre : 2016 QCTAQ 08156
Dossier : STE-M-217470-1310
SUZANNE LÉVESQUE
ODETTE LAVERDIÈRE
c.
MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE L'ENVIRONNEMENT, DE LA FAUNE ET DES PARCS
et
Objet du recours
[1] 3077004 Canada inc. (3077004) conteste l’ordonnance no 635 rendue le 26 septembre 2013 par le ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs[1] (le Ministre).
[2] L’ordonnance délivrée en vertu de l’article 115.2 de la Loi sur la qualité de l’environnement[2] (LQE) vise une activité de pompage des eaux d’un lac et la réalisation d’une digue dans son exutoire. Ces travaux sont effectués sur la propriété de 3077004, soit le lot 3 969 100 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Vaudreuil, sur le territoire de la ville de Vaudreuil-Dorion (la Ville).
[3]
Selon le Ministre, ces travaux contreviennent à la LQE, étant donné
qu’aucun certificat d’autorisation n’a été délivré préalablement en vertu de
l’article
[4] Le Ministre enjoint donc à 3077004 de :
DE CESSER dès la notification de la présente ordonnance, pour une période de trente (30) jours, tous travaux en contravention de la Loi sur la qualité de l’environnement dans le lac situé sur le lot 3 696 100[4] du cadastre du Québec, circonscription foncière de Vaudreuil;
D’ENLEVER dans un délai de cinq (5) jours suivant la notification de la présente ordonnance tous les ouvrages réalisés dans le cours d’eau qui entravent la libre circulation du poisson, notamment mais sans s’y restreindre, les digues et le seuil qui ont été aménagés;
PRENEZ AVIS que la présente ordonnance est exécutoire dès sa notification mais que vous pouvez présenter des observations au ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs au plus tard dans les dix (10) jours de la notification de l’ordonnance pour en permettre le réexamen à l’adresse suivante :
[…]
[5] Enfin, 3077004 a également un litige avec la Ville concernant le certificat d’autorisation 2013-21897[5] (CA 2013-21897) que celle-ci a délivré le 19 juillet 2013 pour le remblayage du lot 3 969 100. La Ville ayant révoqué le CA 2013-21897 le 8 mai 2014 et, par la même occasion, ayant refusé la demande de permis de lotissement 2013-30015 soumise le 27 mai 2013[6], 3077004 a institué devant la Cour supérieure une requête introductive d’instance en dommages et en jugement déclaratoire le 21 mai 2014. Toutefois, le 20 octobre 2014, l’honorable Carole Julien a suspendu l'instance en Cour supérieure jusqu'à la décision finale du Tribunal dans le présent dossier[7].
[6] La compétence du Tribunal étant limitée à la contestation de l’ordonnance du Ministre, il ne peut pas se prononcer sur la légalité de la révocation du CA 2013-21897 et du refus du permis de lotissement 2013-30015 qui, par ailleurs, sont survenus postérieurement à l’ordonnance. Par conséquent, tous les arguments soumis à cet égard ne seront pas traités par le Tribunal.
Contexte factuel
[7] Le lac visé par l’ordonnance du Ministre est en fait une ancienne carrière ayant été exploitée lors de la construction de l’autoroute 40 dans les années soixante. À la suite de son abandon, elle s’est progressivement remplie d’eau. Le lac est formé d’une fosse principale et de deux bassins et son exutoire se jette dans le lac des Deux-Montagnes, un élargissement de la rivière des Outaouais, plus précisément dans la baie de l’île Cadieux.
[8] Étant devenue propriétaire des lieux, la Ville vide la carrière en 1987 et procède à un appel de proposition[8] (Document d’invitation) pour développer le site dans lequel elle exige la conservation du lac de la carrière[9]. Le site est vendu en 1989.
[9] C’est au cours de l’année 1996 que 3077004 devient propriétaire du site dont Susan Raymer est la présidente. M. Benjamin Wygodny, un promoteur immobilier, président de Les Castels de Vaudreuil inc., est son conjoint. C’est lui qui gère le projet de développement sur le site.
[10] En 2000, Les Castels de Vaudreuil inc. confie à une firme d’experts-conseils le mandat de réaliser l’évaluation environnementale du projet de développement domiciliaire « Les Floralies du lac » (Évaluation environnementale de 2000)[10]. On prévoit toujours conserver le lac de la carrière, désigné cette fois comme le « lac Chéri ».
[11] Quelques années plus tard, soit le 23 octobre 2008, M. Wygodny demande à la Ville l’autorisation de remblayer le lac de la carrière en prétendant que les travaux ne nécessitent pas d’autorisation du Ministère. Il indique que ces travaux sont nécessaires pour assurer adéquatement la sécurité du site, étant donné sa vaste étendue.
[12]
De 2008 à 2012, plusieurs échanges ont lieu, car la Ville souhaite
conserver le tracé de rues approuvé dans lequel le lac de la carrière est
conservé. Elle est aussi d’avis que les travaux sont assujettis à l’article
[13] Dans ce contexte, le 11 octobre 2012, mandaté par 3077004, Bernard Lefebvre, ingénieur chez Consultants en développement et gestion urbaine (CDGU) inc., demande un avis au Ministère concernant le projet de remblayage du lac de la carrière.
[14]
Le 26 novembre 2012, Isabelle Piché, biologiste et analyste à la
Direction de l’analyse et de l’expertise de l’Estrie et de la Montérégie du
Ministère, précise à 3077004, à l’attention
de M. Wygodny, que ces travaux de remblayage du lac de la carrière sont
assujettis à l’article
[15] Le 21 mai 2013, M. Wygodny demande à nouveau à la Ville l’autorisation de remblayer l’ensemble du lac de la carrière dans le cadre du projet connu sous le nom de « Les Castels de Vaudreuil ».
[16]
Puisque la Ville est toujours d’avis
que les travaux sont assujettis à l’article
Pour
votre information, un certificat d’autorisation en vertu de l’article
[17] Quelques jours avant, le 16 juillet 2013, à la suite d’une plainte, l’inspectrice Suzanne Fisette du Centre de contrôle environnemental (CCEQ) de l’Estrie et de la Montérégie du Ministère visite les lieux et constate qu’il n’y a aucun remplissage dans le lac, mais qu’un barrage de castors a été détruit près de la décharge du lac.
[18] Le 22 août 2013, à la suite d’une autre plainte, l’inspectrice Fisette constate que des travaux de remblai ont été effectués dans la bande riveraine du lac de la carrière et qu’un avis de suspension du CA 2013-21897 a été émis par la Ville le 21 août 2013.
[19] Le 11 septembre 2013, la biologiste Piché effectue une inspection des lieux en compagnie d’une représentante du secteur faune du Ministère. Ses observations lui permettent de conclure que le lac de la carrière est un lac au sens de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables[11] (Politique).
[20] Ayant été avisée la veille par la Ville que des travaux sont en cours, l’inspectrice Fisette effectue une inspection le 13 septembre 2013. Elle constate que des travaux de vidange du lac sont en cours à l’aide de deux pompes qui rejettent l’eau dans la décharge du lac de l’autre côté d’un amas de roches recouvert d’une membrane géotextile et que le niveau d’eau du lac a baissé d’environ 3 pouces. Cependant, elle note que les travaux ont été arrêtés par deux inspecteurs de la Ville qui se sont présentés sur les lieux avec un ordre d’arrêter les travaux émis par la Ville le jour même.
[21] Le 23 septembre 2013, à la suite d’une autre plainte et ayant aussi été informé par la Ville que les travaux de pompage ont été repris, l’inspecteur Stéphane De Garie du CCEQ constate sur les lieux qu’une pompe vide les eaux du lac.
[22] Le même jour, Me Jean St-Antoine, le greffier de la Ville, transmet à Patrice Bourque, chef d’équipe du secteur hydrique au CCEQ du Ministère, le plan préparé par l’arpenteur-géomètre de 3077004, Louis Boudreault, du 6 mars 2013[12].
[23] Le 24 septembre 2013, l’inspectrice Fisette constate que la pompe vide toujours le lac, que le niveau d’eau a baissé d’environ 1 pied depuis le 13 septembre 2013 et que le marécage dans lequel les eaux sont pompées est inondé d’environ 9 pouces.
[24]
Le même jour, le Ministère transmet
à 3077004 un avis de non-conformité pour avoir exécuté une activité de
pompage des eaux du lac sans obtenir préalablement le certificat d’autorisation
requis en vertu de l’article
[25] Le 25 septembre 2013, l’inspectrice Fisette effectue une autre inspection des lieux et constate que la pompe est toujours en fonction, que le niveau d’eau a baissé d’environ 3 à 4 pouces depuis la veille et que le marécage dans lequel les eaux sont pompées est inondé d’environ 5 pouces.
[26] Le 26 septembre 2013, le Ministre émet l’ordonnance no 635.
[27] Le même jour, l’inspectrice Fisette constate que la pompe n’est plus en fonction. Elle rencontre des représentants du secteur faune du Ministère, lesquels ont le mandat de procéder à une pêche dans le lac de la carrière.
[28] Les 27 et 30 septembre 2013, l’inspectrice Fisette effectue deux autres inspections des lieux et constate que la pompe n’est plus en fonction, que le niveau d’eau ne semble pas avoir changé depuis la veille et que le marécage est asséché.
[29] Le 1er octobre 2013, l’inspectrice Fisette constate que la pompe n’est plus en fonction, que le niveau d’eau ne semble pas avoir changé depuis la dernière inspection et que le marécage est encore asséché.
[30] Le 2 octobre 2013, l’inspectrice Fisette retourne sur les lieux et constate que la pompe n’est plus en fonction et que le niveau d’eau ne semble pas avoir changé depuis la dernière inspection.
[31] Le 3 octobre 2013, l’inspectrice Fisette, accompagnée notamment du chef d’équipe Bourque et d’une biologiste du Ministère, Émilie Chalifour, effectue une dernière inspection des lieux et constate que la pompe n’est plus là et que le ruisseau n’est plus bloqué.
ANALYSE
Cadre légal
[32]
En vertu de l’article
96. Toute ordonnance émise par le ministre, à l’exception de celles visées aux articles 29 et 32.5, au deuxième alinéa de l’article 34, aux articles 35, 49.1, 58, 61 et 120, peut être contestée par la municipalité ou la personne concernée devant le Tribunal administratif du Québec.
[…]
[33]
Les pouvoirs du Tribunal sont prévus à l’article
15. Le Tribunal a le pouvoir de décider toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Lorsqu'il s'agit de la contestation d'une décision, il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision contestée et, s'il y a lieu, rendre la décision qui, à son avis, aurait dû être prise en premier lieu.
[34] La LQE est une loi d’ordre public qui reflète la préoccupation croissante du législateur et de la société d’assurer la préservation de l’environnement et qui représente une valeur fondamentale pour notre société. Il y a donc lieu de privilégier toute interprétation favorisant le plein épanouissement du droit à la qualité de l’environnement, à sa protection et à sa sauvegarde[13].
[35] Parmi toutes les mesures de contrôle prévues à la LQE, se trouve le contrôle préalable qui permet au Ministre de juger de l’acceptabilité environnementale d’une activité avant qu’elle ne débute. La mesure la plus souvent appliquée pour effectuer ce contrôle à caractère préventif est la procédure d’autorisation prévue à l’article 22 LQE[14] :
22. Nul ne peut ériger ou modifier une construction, entreprendre l'exploitation d'une industrie quelconque, l'exercice d'une activité ou l'utilisation d'un procédé industriel ni augmenter la production d'un bien ou d'un service s'il est susceptible d'en résulter une émission, un dépôt, un dégagement ou un rejet de contaminants dans l'environnement ou une modification de la qualité de l'environnement, à moins d'obtenir préalablement du ministre un certificat d'autorisation.
Cependant, quiconque érige ou modifie une construction, exécute des travaux ou des ouvrages, entreprend l'exploitation d'une industrie quelconque, l'exercice d'une activité ou l'utilisation d'un procédé industriel ou augmente la production d'un bien ou d'un service dans un cours d'eau à débit régulier ou intermittent, dans un lac, un étang, un marais, un marécage ou une tourbière doit préalablement obtenir du ministre un certificat d'autorisation.
[…]
[36]
Ainsi, en vertu de l’article
[37]
L’exclusion à l’application de l’article
Les questions en litige
[38] Les questions en litige sont les suivantes :
1. L’activité de pompage des eaux du lac et la réalisation d’une digue dans son exutoire contreviennent-elles à la LQE?
2. Le pouvoir d’ordonnance du Ministre prévu à l’article
3. Le Ministre a-t-il respecté les principes de l’équité procédurale?
Question 1 : L’activité de pompage des eaux du lac et la réalisation d’une digue dans son exutoire contreviennent-elles à la LQE?
1.1 Lac ou carrière
Preuve de 3077004
[39] 3077004 prétend qu’il n’y a pas de lac sur le site, mais une carrière destinée à être comblée, qui s’est remplie d’eau avec les années. Selon elle, la caractéristique d’un lac est d’être une étendue d’eau naturelle, ce qui n’est pas le cas de la carrière. À cet égard, elle soumet en preuve le témoignage de l’expert Bernard Lefebvre et l’avis des experts Frédéric Déom et Pascal Lapointe.
[40] De plus, 3077004 soutient que le comblement d’une carrière par de la terre, du sable ou du gravier fait partie des mesures reconnues par le législateur pour la remise en état d’une carrière et que la présence d’eau stagnante dans une ancienne carrière n’est pas permise. Elle cherche aussi à sécuriser les lieux en référant, notamment, à des documents du Ministère[17].
[41] Bernard Lefebvre, ingénieur civil, est déclaré par le Tribunal expert ingénieur spécialisé en infrastructures urbaines. Il est directeur de projets en infrastructures urbaines et président de CDGU depuis 2006.
[42] L’expert Lefebvre indique qu’une équipe technique de CDGU a effectué deux relevés topographiques des lieux, soit le 25 août 2004 et le 1er octobre 2013[18].
[43] En 2004, le relevé illustre une vue en plan du plan d’eau avec la localisation d’une hutte de castors et des vues en plan et en profil du fossé existant dans lequel l’exutoire du lac se déverse. Pour le plan d’eau, le niveau du seuil de roc est à 24,04 mètres et le niveau d’eau est à 24,68 mètres. Le niveau de l’exutoire dans le fossé, soit un petit barrage, est à 24,71 mètres. La plaine inondable est aussi illustrée, soit à environ 25 mètres de l’exutoire pour la crue 0-20 ans d’un niveau de 24,19 mètres et à environ 15 mètres de l’exutoire pour celle 0-100 ans d’un niveau de 24,52 mètres. Des photographies de la hutte de castors, du petit barrage et du seuil de roc sont jointes.
[44] En 2013, le relevé illustre une vue partielle en plan du plan d’eau, une vue en plan et en profil des bassins 1 et 2[19] ainsi que des vues en plan et en profil du fossé. Les niveaux y sont partout plus bas qu’en 2004. Pour le plan d’eau, le niveau du seuil de roc est à 23,77 mètres (24,04 m en 2004) et le niveau d’eau est à 23,45 mètres (24,68 m en 2004). Il n’y a plus de barrage obstruant l'exutoire dans le fossé (24,71 m en 2004). La plaine inondable, tant la crue 0-20 ans (24,19 m) que celle 0-100 ans (24,52 m) atteint le niveau du seuil de roc (23,77 m).
[45] L’expert Lefebvre explique que le profil en 2013 est plus bas que celui de 2004, puisque le fossé a été recreusé. En effet, en juillet 2012, Enviro-Plus a constaté que le fossé qui évacue l’eau du lac avait été récemment « surcreusé » afin d’enlever des obstructions, dont un barrage de castors, ce qui avait eu pour effet de réduire considérablement le niveau du lac[20].
[46] Frédéric Déom, ingénieur civil titulaire d’une maîtrise en ingénierie-environnement, est déclaré par le Tribunal expert ingénieur spécialisé en environnement. Il est associé principal et fondateur de la firme Déom + Paré Experts-Conseils inc. (Déom Paré) depuis 2011.
[47] Pascal Lapointe, biologiste titulaire d’une maîtrise en biologie-écologie, est déclaré par le Tribunal expert biologiste spécialisé en écologie. Il agit à titre de chargé de projet chez Déom Paré depuis 2011.
[48] Le mandat qui leur a été confié par 3077004 consistait à décrire les caractéristiques physiques et biologiques du plan d’eau situé sur le lot 3 969 100. Leur mandat était aussi d’évaluer si le lit d’écoulement qui s’y trouve possède les caractéristiques d’un cours d’eau ou d’un fossé.
[49] L’expert Déom coordonne les travaux, supervise deux biologistes et travaille sur la partie historique des lieux. Il rédige avec l’expert Lapointe un rapport d'expertise[21].
[50] Quant à l’expert Lapointe, il va sur les lieux à quelques reprises, soit le 26 septembre 2013 lors de la pêche réalisée par le secteur faune du Ministère et avec une autre biologiste le 10 octobre 2013 pour faire le relevé des bassins 1 et 2, avec l’expert Déom le 18 octobre 2013 pour faire celui de la fosse principale ainsi que les 5, 6 et 7 novembre 2013 pour réaliser une pêche expérimentale.
[51] D’abord, les deux experts précisent qu’ils ont consulté des photographies aériennes de 1949 à 1997 et des cartes topographiques de 1945 à 2000[22]. Ils constatent qu’en 1949, le site est entièrement boisé, sans aucun lac, étang, cours d’eau ou fossé. En 1963, la carrière est exploitée. La première présence d’eau est visible en 1964. En 1966, la forme et la superficie de la fosse principale sont identiques à la fosse actuelle et la fosse est remplie d’eau ainsi que par la suite. En 1977, à l’est de la fosse principale apparaît l’exutoire considéré par eux comme un fossé de drainage, soit un tronçon rectiligne d’environ 30 mètres.
[52] Les experts Déom et Lapointe indiquent qu’un lit d’écoulement d’une longueur d’environ 208 mètres relie la fosse principale au lac des Deux-Montagnes dans le secteur de l’île Cadieux. Ce lit d’écoulement comprend le tronçon rectiligne d’environ 30 mètres à la suite duquel le lit devient plus ténu. Cette partie du lit est probablement d’origine naturelle vu sa faible dépression. Selon les données historiques (1986 à 2014), le niveau d’eau du lac des Deux-Montagnes n’a jamais atteint le niveau de l’exutoire de 24,71 mètres (relevé CDGU 2004) pas plus que la zone inondable du lac des Deux-Montagnes (0-20 ans : 24,19 m et 20-100 ans : 24,52 m) ne peut l’atteindre.
[53] Selon les experts Déom et Lapointe, l’eau qui s’accumule dans la carrière provient essentiellement des eaux de précipitation, de ruissellement et, fort probablement, d’un apport d’eau souterraine dont l’importance demeure inconnue. Ils notent que le niveau d’eau dans la carrière a été abaissé avant la réalisation de leur étude.
[54] L’expert Lapointe décrit que le plan d’eau est de forme irrégulière et possède une superficie de 22 456 mètres carrés, soit 19 580 mètres carrés pour la fosse principale et 2 876 mètres carrés pour la portion peu profonde composée des bassins 1 et 2.
[55] Selon le relevé bathymétrique effectué dans la fosse principale, l’expert Lapointe précise que la profondeur moyenne de celle-ci est de 2,21 mètres avec un maximum de 4,22 mètres et le volume d'eau est estimé à 10 164 mètres cubes. Et d’après le relevé topographique de CDGU de 2013 et ses observations sur le terrain, il évalue une profondeur de moins de 1 mètre pour le bassin 1 et de moins de 2 mètres pour le bassin 2. Le périmètre de la fosse principale est de 691 mètres et celui des deux bassins est de 408 mètres, pour un total d’environ 1 100 mètres.
[56] L’expert Lapointe souligne que durant les travaux de caractérisation, il n’y avait aucun déversement d’eau dans l’exutoire. Lors du relevé bathymétrique du 18 octobre 2013, le niveau de l’eau de la fosse principale était à environ 30 centimètres sous le seuil de roc, soit environ 23,47 mètres[23]. Environ 20 jours plus tard, lors de la pêche expérimentale, il a observé un rehaussement du niveau de l’eau de l’ordre de 0,09 mètre.
[57] En outre, l’expert Lapointe n’a vu aucun lien hydrologique de surface entre les bassins 1 et 2. Toutefois, un petit lit d’écoulement asséché et la délimitation de la courbe géodésique de 23,77 mètres lui permettent de supposer l’existence d’un lien hydrologique de surface entre ceux-ci. Pour ce qui est du lien hydrologique de surface entre le bassin 1 et la fosse principale, il était inexistant en octobre 2013, mais un écoulement était présent en novembre 2013.
[58] L’expert Lapointe a caractérisé la bordure de la fosse principale en la longeant à bord d’une petite embarcation. La fosse est caractérisée par deux sections homogènes qui se distinguent par l’inclinaison de la pente.
[59] Selon lui, dans la première section, la bordure est escarpée, non naturelle, constituée de roc franc à nu et d’une végétation très faible ou absente. La pente y est abrupte à forte sur 96 % du périmètre, principalement dans les deux premiers mètres où l’inclinaison atteint parfois plus de 50 degrés. On y trouve des amoncellements de gros blocs et de galets recouverts de périphyton de moins de 1,5 centimètre d’épaisseur avec des débris organiques (feuilles, branches, arbres morts, plantes aquatiques, etc.). Deux huttes de castors abandonnées sont également présentes. Le substrat est constitué de limon. La végétation terrestre qui se trouve sur le replat au-dessus du talus escarpé, d’environ 4 à 5 mètres de hauteur en moyenne, composée de peuplier faux-tremble, d’érable à sucre, de bouleau blanc, de sumac vinaigrier, d’aulne rugueux, de vigne, de trèfle, d’impatiente du cap et de graminées, s’apparente à celle d’une rive bétonnée. La végétation n’y est pas successive partout et est généralement composée d’une seule strate.
[60] La seconde section s’étend sur une distance d’environ 30 mètres du côté sud avec une pente modérée d’environ 10 degrés, laquelle correspond vraisemblablement à l’ancienne rampe d’accès de la carrière. Elle est peu profonde, environ 1,6 mètre, et son substrat est majoritairement composé de limon, de galets, de graviers et de gros blocs galets recouverts de périphyton de moins de 1,5 centimètre d’épaisseur. Le talus y est d’une hauteur d’environ 1 mètre.
[61] L’expert Lapointe soutient que la pente abrupte de la fosse principale limite, voir empêche, les échanges entre les milieux terrestre et aquatique. On n’y trouve pas les caractéristiques d’un plan d’eau naturel qui favorisent ces échanges, soit des rives avec une pente douce à moyenne, un substrat riverain hétérogène, la présence des 3 strates de végétation (arborescente, arbustive, herbacée), la présence d’une gradation (continuum) entre la végétation aquatique et terrestre ainsi qu’une zone inondable et une variation des niveaux d’eau en rive.
[62] L’expert Lapointe mentionne que la végétation aquatique de la fosse principale est composée majoritairement de myriophylle à épis, une espèce désignée envahissante au Québec et au Canada. Un nombre important de cette plante a été observé dans la fosse principale, soit à l’ouest sur près de 50 % de la surface, au nord sur environ 40 % de la surface et à l’est près de l’exutoire. Il est d’avis qu’il y a de fortes probabilités que la présence de cette plante ait des effets négatifs sur la survie à long terme de la faune aquatique du plan d’eau.
[63] En ce qui concerne les bassins 1 et 2, l’expert Lapointe note que le couvert végétal y est inférieur à 5 % et que la pente est faible à modérée. Le substrat est composé d’argile et de sable silteux avec un peu de gravier. Le couvert végétal de la bordure est majoritairement composé de phragmite commun, de jonc épars, de semis de peupliers deltoïdes, d’impatiente du cap, d’eupatoire perfoliée, de verge d’or, de valériane officinale et de morelle douce-amère.
[64] L’expert Lapointe a aussi effectué une pêche expérimentale en novembre 2013. 65 individus de 6 espèces ont été capturés dans la fosse principale à l’aide de trois types d’engins de pêche (bourrole[24], filet maillant, coup de seine), soit la barbotte brune (1), le crapet-soleil (9), le méné jaune (21), la perchaude (31), l’achigan à petite bouche (2) et le méné émeraude (1). Il retient 2 espèces d’intérêt, soit la perchaude et l’achigan, et note qu’elles sont toutes de petite taille et appartiennent à la même classe d’âge, soit 3 ans (sauf un individu) et 1 an respectivement. Il est donc d’avis que les résultats démontrent une distribution anormale de la population de perchaude et d’achigan et l’absence de juvéniles et d’individus de grande taille, ce qui constitue aussi une situation atypique d’un lac naturel.
[65] Dans les bassins 1 et 2, l’expert Lapointe ajoute que 16 individus de 2 espèces ont été capturés à l’aide de deux types d’engins de pêche (bourrole, coup de seine). On y dénombre 3 achigans de taille et d’âge similaires à ceux de la fosse principale. Les 13 autres individus, soit des crapets-soleil, ont été capturés avec des bourroles, soit un engin de pêche pour des poissons de petite taille.
[66] Selon l’expert Lapointe, trois hypothèses peuvent expliquer la présence de poissons dans ce plan d’eau. Il est probable qu’il y ait eu de l’ensemencement de poissons, puisque les gens du secteur y pêchent. Il est aussi possible que les poissons proviennent du lac des Deux-Montagnes via le fossé de drainage, mais cela est peu probable vu le barrage relevé en 2004 par CDGU et les niveaux d’eau du lac des Deux-Montagnes avant 2012. Enfin, il est possible, mais peu probable, que les poissons aient été également introduits par la faune aviaire.
[67] En somme, les experts Déom et Lapointe sont d’avis que deux éléments principaux distinguent ce plan d’eau anthropique d’un plan d’eau naturel. Premièrement, aucun apport d’eau, c’est-à-dire cours d’eau, n’a été observé en périphérie du plan d’eau et le fossé de drainage qui montre des déficiences (absence d’écoulement, obstruction) ne constitue pas un lien permanent avec un autre élément hydrologique. Deuxièmement, les fortes pentes de la bordure, l’absence de végétation aquatique et le substrat constituent des situations atypiques d’un lac et témoignent de l’état anthropique de ce milieu.
Preuve de la procureure générale
[68] La procureure générale prétend que le lac de la carrière est un lac au sens de la LQE et soumet en preuve l’avis des experts Isabelle Piché et Émilie Chalifour.
[69] Isabelle Piché, biologiste titulaire d’une maîtrise en sciences de l’eau, est déclarée par le Tribunal expert biologiste spécialisé en écologie. Elle est à l’emploi du Ministère depuis 1988 et agit à titre d’analyste à la Direction régionale de l’expertise et de l’analyse de l’Estrie et de la Montérégie depuis 2005.
[70] L’expert Piché a reçu le mandat de préciser la position du Ministère à l’effet que le plan d’eau situé sur le lot 3 969 100 est bien un lac au sens de la LQE et d’apporter des éléments d’information concernant l’exutoire du lac à la suite du rapport de Déom Paré[25].
[71] L’expert Piché indique qu’elle est déjà intervenue dans ce dossier en 2012 et 2013.
[72]
À l’automne 2012, l’expert Piché analyse une demande d’avis concernant le
projet de remblayage du lac de la carrière.
Elle répond le 26 novembre 2012 à 3077004 à l’effet que ces travaux de
remblayage du lac de la carrière sont assujettis à l’article
[73] L’expert Piché précise que son avis de 2012 est fondé sur une visite des lieux effectuée dans le cadre d’un autre projet adjacent, l’Évaluation environnementale de 2000 et la caractérisation environnementale visant à vérifier la présence de milieux humides[26] jointe à la demande.
[74] Et en 2013, l’expert Piché visite les lieux le 11 septembre pour déterminer si le lac de la carrière était un lac au sens de la Politique. À la suite de ses observations telles que la présence de poissons dont le fondule barré, de tortues dont 2 tortues peintes, d’une hutte de castors, d’un barrage de castors en branches à l’exutoire du lac, d’un cours d’eau, d’un autre barrage de castors en terre dans un lit d’écoulement à sec relié au lac des Deux-Montagnes ainsi que d’un milieu humide autour de ce lit, elle conclut à nouveau que le lac de la carrière est un lac au sens de la Politique[27].
[75] Vu la présence de barrages de castors, il y a un débit suffisant pour les attirer, selon l’expert Piché. Elle soutient aussi que ce débit a contribué à façonner le lit d’écoulement qui traverse un marécage jusqu’au littoral du lac des Deux-Montagnes sur une longueur d’environ 208 mètres.
[76] L’expert Piché mentionne que la LQE ne fait pas de distinction entre le caractère naturel et le caractère artificiel d’un lac et que la définition du terme « lac » que l’on trouve dans le Guide d’interprétation du Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement, soit une étendue d’eau douce ou salée à l’intérieur des terres, est au même effet.
[77] En outre, puisque le lac de la carrière est un habitat pour diverses espèces animales et végétales, que le mode alimentaire de celles-ci permet de reproduire une chaîne alimentaire que l’on trouve dans un milieu de vie et que les facteurs physico-chimiques (lumière, éléments nutritifs, température, etc.) et les échanges avec les milieux environnants y favorisent et maintiennent la vie de même que les interactions entre les espèces animales et végétales, l’expert Piché conclut que le lac de la carrière est un lac au sens de la LQE.
[78] L’expert Piché explique qu’une fois la carrière abandonnée, soit un milieu dénudé de végétation, sans sol organique, aride et désertique, ce milieu stérile s’est transformé en milieu de vie que seuls le temps et les échanges entre les milieux avoisinants terrestre, aquatique et atmosphérique peuvent accomplir. L’eau s’est accumulée et le fond s’est progressivement recouvert de matières organiques (arbres morts, feuilles décomposées, etc.) et de limon formant un substrat propice à la croissance de plantes aquatiques. Le plancton et le benthos, insectes aquatiques, dont se nourrissent certains poissons contribuent à la diversité du lac. Des marais riverains se sont formés et étant en lien avec le lac de la carrière, ils en font partie et offrent une diversité d’habitats. La végétation aquatique a permis de subvenir aux divers cycles de vie des espèces animales. La végétation a aussi colonisé les rives là où la topographie le permettait et les échanges entre le milieu terrestre et le milieu aquatique n’y sont pas limités. Faisant partie d’un écosystème diversifié (marécage, forêt, marais), le lac devient un lieu stratégique qui intervient dans le cycle reproductif de nombreux animaux.
[79] L’expert Piché est d’avis qu’il y a un lien hydrologique de surface du lac des Deux-Montagnes vers le lac de la carrière. Pour ce faire, elle considère le niveau du seuil du lac de la carrière à 23,77 mètres (relevé CDGU 2013) et les données historiques (1986 à 2014) du niveau d’eau du lac des Deux-Montagnes, particulièrement les niveaux de 1991 (23,93 m avril), 1997 (23,90 m mai), 1998 (24,19 m avril), 2008 (23,96 m avril) et 2009 (23,80 m avril). Également, près de la moitié du littoral du lac des Deux-Montagnes fait partie de sa plaine inondable à cet endroit, soit la crue 0-20 ans à 24,19 mètres et celle 20-100 ans à 24,52 mètres[28].
[80] L’expert Piché précise que ces fluctuations d’eau favorisent la migration d’espèces de poissons et d’autres formes de vie (semences, insectes aquatiques, castors). Elle fait état de la pêche réalisée par le secteur faune du Ministère (75 poissons environ) et celle de la firme Déom Paré qui confirment la présence de 9 espèces de poissons. Ces espèces se situent tant en bas (méné), au milieu (perchaude, crapet-soleil) que tout en haut (achigan) de la chaîne alimentaire, habitent le lac et s’y reproduisent. Elle tient compte aussi des observations relatées dans l’avis de l’expert Chalifour ci-après.
[81] Selon l’expert Piché, bien qu’un lien hydrologique de surface ne sert pas à définir un lac, il permet ici des échanges croisés entre le lac de la carrière et le lac des Deux-Montagnes, soit des échanges biotiques (flore et faune) et abiotiques (eau et sédiment) entre divers écosystèmes (milieu terrestre, humide, hydrique et atmosphérique) favorisant l’évolution d’une nappe d’eau en un lac au sens de la LQE.
[82] L’expert Piché souligne également que la qualification qu’on peut attribuer à un lac, c’est-à-dire une valeur écologique faible, moyenne ou élevée, n’importe pas pour déterminer si un plan d’eau possède les caractéristiques d’un lac. En outre, bien que la présence de plantes envahissantes d’un plan d’eau représente un enjeu environnemental important, elle ne doit pas non plus interférer dans la détermination d’un plan d’eau.
[83] Enfin, l’expert Piché précise que la carrière n’a fait l’objet ni d’une autorisation ni d’un plan de restauration, puisqu’elle a été fermée entre 1964 et 1969, soit avant l’entrée en vigueur de la LQE.
[84] Émilie Chalifour, technicienne en écologie appliquée et biologiste titulaire d’une maîtrise en gestion de la faune et de ses habitats, est déclarée par le Tribunal expert biologiste spécialisé en écologie. Elle fut à l’emploi du Ministère de 2012 à 2014 lors duquel elle a agi à titre d’analyste au secteur hydrique et naturel et à titre de conseillère en contrôle environnemental.
[85] L’expert Chalifour prépare un rapport d’expertise dans le but de démontrer la valeur écologique du milieu[29] et visite les lieux le 3 octobre 2013[30].
[86] D’abord, l’expert Chalifour précise qu’elle a consulté des photographies aériennes de 1949 à aujourd’hui. Elle constate que le site est entièrement boisé, sans carrière ni lac en 1949, et que l’exploitation de la carrière semble avoir pris fin entre 1964 et 1969. À partir de 1969, le lac présente une forme et une superficie similaires à celles actuelles avec une variation des niveaux d’eau affectant la partie peu profonde. C’est en 1979 ainsi qu’en 1983 qu’un cours d’eau sinueux reliant le lac de la carrière au lac des Deux-Montagnes apparaît.
[87] L’expert Chalifour note qu’une partie du lot 3 969 100 se situe dans la plaine inondable du lac des Deux-Montagnes, laquelle rejoint l’exutoire du lac, soit une grande part en zone 0-20 ans à 24,19 mètres et une partie plus restreinte en zone 20-100 ans à 24,52 mètres. Il peut donc y avoir un chevauchement avec le cours d’eau.
[88] L’expert Chalifour précise que le lac de la carrière possède une zone d’eau profonde qui occupe environ les deux tiers de la superficie du lac. L’autre tiers représente une zone d’eau peu profonde possédant les caractéristiques d’un marais riverain qui fait partie du littoral du lac et qui contribue à la diversification des habitats potentiels fournis par ce dernier. Les échanges entre les milieux terrestre et aquatique y sont possibles, et ce, même dans la zone profonde où, par exemple, un arbre mort tombé en bordure peut servir comme moyen de déplacement. Selon elle, la description du milieu par Del Degan, Massé Experts-Conseils (DDM) concorde avec ses constats et ceux des inspections de l’été et l’automne 2013.
[89] Outre les observations de DDM, l’expert Chalifour note que les inspections de 2013[31] ont permis d’observer plusieurs espèces fauniques utilisant le secteur, soit la bernache du Canada, le canard colvert*, le grand héron, le grand pic, le martin-pêcheur d’Amérique, la mésange à tête noire*, le petit-duc maculé, la sarcelle d’hiver, la sittelle à poitrine blanche*, la grenouille verte*, la grenouille léopard*, la couleuvre rayée*, la tortue peinte*, le fondule barré, le castor du Canada et le lièvre d’Amérique (*également observées par DDM).
[90] De plus, l’expert Chalifour souligne que la pêche réalisée par le secteur faune du Ministère le 26 septembre 2013 a permis de valider la présence de plusieurs espèces de poissons dans le lac de la carrière, dont des espèces à valeurs sportive et commerciale, soit le crapet-soleil, le meunier rouge, la perchaude, l’achigan à grande bouche, le méné jaune et le méné bleu. Elle sait que le secteur faune a effectué une autre pêche au printemps suivant, mais elle n’a pas pris connaissance des résultats. Bien que le printemps soit propice pour faire l’inventaire d’une population de perchaude qui fraie à cette période, cela a peu d’impact ici, car l’objectif était de valider la présence de poissons ou non. Selon elle, la présence de poissons dans le lac de la carrière est due au lien hydrologique avec le lac des Deux-Montagnes. Une faible épaisseur d’eau peut suffire pour permettre des échanges.
[91] L’expert Chalifour mentionne aussi que la baie de l’île Cadieux est une frayère potentielle pour plusieurs espèces de poissons, notamment la lotte, le grand brochet, la perchaude, le poisson-castor, la carpe, l’achigan à grande bouche, la barbotte brune, la barbue de rivière, la marigane noire, le crapet de roche et le crapet-soleil. Cette baie est identifiée comme aire de concentration d’oiseaux aquatiques (ACOA), soit un habitat faunique protégé en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune[32] et du Règlement sur les habitats fauniques[33]. Elle est donc d’avis que la proximité de la baie de l’île Cadieux permet aussi les échanges des espèces fauniques avec le lac de la carrière.
[92] Selon l’expert Chalifour, cette grande diversité d’habitats explique en partie la richesse en espèces fauniques et floristiques sur le lot 3 969 100 et du milieu. Tant les espèces spécialistes que généralistes, résidentes ou migratrices peuvent y trouver les conditions nécessaires à leur survie, leur croissance et leur reproduction.
[93] Enfin, l’expert Chalifour indique que le Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec fait mention de 2 espèces végétales à statut sur le lot 3 969 100, à savoir le caryer ovale qui est une espèce susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable (SDVM) et qui a été observé lors de l’inspection du 11 septembre 2013 par l’expert Piché et le noyer cendré qui est une espèce SDVM et en voie de disparition[34]. Pour ce qui est des espèces animales, 3 espèces ont été répertoriées là où se jette l’exutoire du lac de la carrière, soit la tortue géographique qui est une espèce vulnérable au Québec et préoccupante au Canada, la tortue molle à épines qui est une espèce menacée au Québec et au Canada et le chevalier cuivré qui est une espèce menacée au Québec et en voie de disparation.
[94] En somme, l’expert Chalifour conclut que les composantes physique, faunique et floristique du lac de la carrière lui confèrent une grande valeur écologique et un intérêt réel pour la conservation, y compris le cours d’eau sinueux le reliant à la baie de l’île Cadieux.
Preuve de la Ville
[95] La Ville prétend également que le lac de la carrière est un lac au sens de la LQE. Outre le Document d’invitation de 1997, la Ville soumet en preuve l’avis des experts Gregory Bourguelat et Gaëlle Damestoy.
[96] Grégory Bourguelat, biologiste titulaire de deux maîtrises en biologie, est déclaré par le Tribunal expert biologiste spécialisé en écologie. Il est directeur du département écosystèmes et biodiversité chez DDM depuis 2002.
[97] Gaëlle Damestoy, écoconseillère titulaire d’une maîtrise en aménagement du territoire et développement durable des régions, est déclarée par le Tribunal expert en écologie urbaine. Elle agit à ce titre chez DDM depuis 2006.
[98] En 2012, la Ville mandate DDM afin de réaliser une caractérisation biologique des terrains non bâtis en zone blanche pour mieux harmoniser le développement urbain et les efforts de conservation de la biodiversité.
[99] L’expert Bourguelat ne visite pas les lieux, mais il dirige l’équipe responsable de la caractérisation, soit l’expert Damestoy ainsi qu’un biologiste, un botaniste, deux herpétologues[35] et trois ornithologues, et rédige avec le biologiste Jean-Sébastien Roy le rapport final[36].
[100] L’expert Damestoy participe à cette caractérisation comprenant 63 secteurs, dont celui du lac de la carrière, soit le secteur 11. Le secteur 11 fait l’objet de huit visites, dont une en juillet 2012 que l’expert Damestoy effectue avec le biologiste Roy.
[101] L’expert Bourguelat précise que le secteur 11, soit le lot 3 969 100, possède une superficie approximative de 12 hectares avec un relief très varié, dont les falaises en bordure du lac de la carrière (MH26) et une butte qui le sépare d’un grand marécage (MH54) vers l’est.
[102] L’expert Bourguelat indique que le lac de la carrière occupe une superficie d’environ 2,7 hectares avec une zone profonde ainsi que d’autres portions moins profondes offrant une diversité d’habitats aux espèces aquatiques. Aux abords du lac, on trouve des zones perturbées, surtout au sud et un peu à l’est, dans lesquelles apparaissent des friches arbustives. On y trouve aussi des peuplements de feuillus, dont un particulier du côté est, le no 40, qui est composé d’une abondance peu commune de caryer ovale, une espèce SDVM au Québec. Il fait aussi mention que le secteur 11 abrite aussi le noyer cendré, une espèce considérée SDVM au Québec et en voie de disparition au Canada. Il attribue une valeur écologique moyenne au lac de la carrière selon la méthodologie du Guide d’élaboration d’un plan de conservation des milieux humides de 2008 du Ministère, selon différents critères regroupés dans trois volets : 1) le volet écologique, 2) le volet biodiversité et 3) le volet conservation.
[103] Quant au marécage situé à l’est, l’expert Bourguelat indique qu’il s’agit d’une érablière argentée mature qui possède une superficie d’environ 3,2 hectares. Il est drainé par un fossé, qui semble d’origine anthropique, se jetant dans la baie de l’île Cadieux. Au printemps, ce marécage est inondé et constitue donc un habitat potentiel pour différentes espèces de poissons retrouvées dans la rivière. Il note aussi la présence de petits barrages le long du fossé ainsi qu’une hutte de castors qui est possiblement inactive. Une valeur écologique élevée lui a été attribuée.
[104] L’expert Bourguelat est d’avis que le secteur 11 est un des peuplements présentant le plus de diversités au niveau de l’avifaune, totalisant 25 espèces. On y trouve des espèces généralistes comme la mésange à tête noire, des espèces forestières en plus des espèces de milieux humides comme le plongeon huard et le canard colvert, lesquels ont été observés dans la carrière. Il ajoute que la baie de l’île Cadieux est incluse dans une ACOA reconnue par le Ministère.
[105] Le secteur 11 abrite également un nombre important d’amphibiens et de reptiles, soit 8 des 15 espèces recensées dans l’étude, dont des espèces dites sentinelles de la qualité du milieu forestier (salamandre à points bleus et salamandre cendrée) et de la qualité de l’eau (grenouille verte), et parmi lesquelles la grenouille léopard, le crapaud américain, la tortue peinte et la tortue serpentine, une espèce préoccupante au Canada, ont été observés dans la carrière.
[106] Selon l’expert Bourguelat, il est évident que l’exploitation de la carrière a causé des perturbations majeures, mais depuis l’abandon des activités, le milieu a retrouvé un aspect beaucoup plus naturel. Quoique le lac soit d’origine anthropique, il constitue désormais un écosystème à part entière. Il classe donc le secteur 11 parmi les plus importants secteurs de la zone d’étude pour la protection de la biodiversité et qualifie le lac de la carrière comme étant un des joyaux environnementaux du territoire très urbanisé de la Ville.
[107] L’expert Damestoy mentionne d’abord que le secteur 11 l’a marqué par rapport aux autres. Étant donné qu’elle savait qu’il y avait eu probablement une carrière à cet endroit, elle a été surprise de voir autant de nature dans un milieu exploité par l’homme. Elle a été sur les lieux quelques heures et a fait notamment le tour du lac en bonne partie sur un sentier.
[108] L’expert Damestoy indique la présence de végétation, comme du sumac vinaigrier, jusqu’au bord des parois, dans le lac et même en plein milieu de la paroi. Cette végétation est à densité variable. Les secteurs moins denses permettent de s’approcher du bord. Elle ne voit pas de mur rectiligne dans le lac, mais plutôt un bord rocailleux avec des petites failles, des replats, des plateaux. Elle a vu une grenouille y sursauter et une couleuvre rayée s’y infiltrer. Elle est donc d’avis qu’il ne s’agit pas d’une simple carrière ou d’un simple trou d’eau et ajoute que là où l’humain voit des limites, la nature y voit un habitat.
Analyse du Tribunal
[109] Il importe de préciser qu’il n’y a aucune définition du terme « lac » ni dans la LQE ni dans la Politique. Toutefois, il y a celle du Guide d’interprétation du Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement, soit une étendue d’eau douce ou salée à l’intérieur des terres.
[110] Vu l’absence de définition légale, on peut aussi se référer au sens courant du terme « lac » :
Le dictionnaire Larousse : nappe d'eau stagnante plus ou moins profonde et plus ou moins étendue, entourée de terre de tous côtés.[37]
Le Petit Robert : grande nappe naturelle d’eau douce ou (plus rarement) salée, à l’intérieur des terres.[38]
[111]
En outre, l’eau est définie à l’article
[112] Se prononçant sur la définition du terme « eau », la professeure Paule Halley juge qu’en l’absence de précision, l’eau peut être contenue dans un milieu naturel ou artificiel pourvu qu’il s’agisse d’une eau souterraine ou de surface. Et on entend par « eau de surface », l’ensemble des eaux stagnantes ainsi que les eaux courantes se trouvant à la surface du sol telles que les étangs, les ruisseaux, les rivières, les lacs et les fleuves.
[113] Sur la définition du terme « environnement », la professeure Halley est aussi d’avis qu’en l’absence de précision sur la nature des milieux visés par les définitions statutaires, le terme « environnement » englobe les milieux naturels et artificiels, ces derniers étant ceux qui sont le produit de l’activité humaine et non celui de la nature. Elle est donc d’opinion que :
L’absence de distinction entre les milieux naturels et artificiels est heureuse : le législateur aurait restreint inutilement la portée de la prohibition s’il n’avait protégé que les milieux naturels. En effet, les activités humaines ont modifié de nombreux milieux partout sur le territoire québécois. De plus, l’absence de distinction évite d’interminables débats sur le caractère naturel d’un milieu particulier et assure une protection au milieu de vie urbain.[39]
[114]
Récemment, dans l’affaire 3563308 Canada inc.[40],
un dossier de milieux humides, s’inspirant des propos de la professeure Halley
qui favorise une interprétation large et libérale, la Cour supérieure souligne
que les définitions de l’article
[70] En effet, s’il fallait restreindre la protection offerte par la LQE qu’aux seuls milieux naturels, il n’existerait, pour ainsi dire, plus de tels sites sur cette planète. Qu’on n’ait qu’à penser aux phénomènes de réchauffements climatiques qui font fondre nos glaciers, devrions-nous alors conclure que les milieux ainsi transformés ne seraient pas protégés? Bien sûr que non.
[115] Ainsi, dans le contexte de la LQE, le Tribunal est d’avis que le terme « lac » peut être défini de la façon suivante :
Une étendue d’eau, douce ou salée, plus ou moins profonde, plus ou moins étendue, contenue dans un milieu naturel ou artificiel à l’intérieur des terres, avec laquelle les espèces vivantes entretiennent des relations dynamiques.
[116] De l’ensemble de la preuve, le Tribunal constate qu’il y a quelques éléments sur lesquels les experts s’entendent.
[117] Premièrement, il s’agit d’une carrière exploitée dans un milieu entièrement boisé initialement et inutilisée depuis la fin des années soixante, qui s’est remplie d’eau au fil du temps. L’origine anthropique du plan d’eau n’est donc pas contestée.
[118] Deuxièmement, la forme actuelle du plan d’eau existe depuis la fin des années soixante d’une superficie de plus de 2,2 hectares. Il est composé d’une zone d’eau profonde avec une profondeur moyenne de 2,21 mètres et un maximum de 4,22 mètres d’eau et des talus d’environ 4 à 5 mètres de haut, soit la fosse principale, et de deux zones d’eau peu profondes de 1 à 2 mètres, soit les bassins 1 et 2.
[119] Troisièmement, le plan d’eau possède un exutoire dans la partie est de la fosse principale. Cet exutoire se dirige dans le lac des Deux-Montagnes en s’écoulant au travers d’un marécage boisé qui est affecté par la plaine inondable du lac des Deux-Montagnes.
[120] Toutefois, les experts divergent d’opinions sur les composantes physique, floristique et faunique du plan d’eau.
[121] La composante physique regroupe le substrat, la bordure, l’apport d’eau et le lien hydrologique de surface.
Composante physique (substrat et bordure)
[122] L’expert Lapointe considère que le substrat essentiellement composé de gros blocs, de galets, de graviers, de plantes aquatiques submergées, de bois morts, de débris et de limon ainsi que les fortes pentes de la bordure de roc de la fosse principale sont atypiques d’un milieu naturel. On ne trouve donc pas les caractéristiques d’un plan d’eau naturel qui favorisent les échanges entre les milieux terrestre et aquatique, comme des rives avec une pente douce à moyenne et un substrat hétérogène.
[123] Ce qui ressort de son opinion est le fait qu’il ne retient que les caractéristiques de la fosse principale et qu’il ignore celles des bassins 1 et 2. Pourtant, même après le pompage de l’eau abaissant le niveau d’environ 30 centimètres sous le seuil de roc, il constate, en novembre 2013, un écoulement entre le bassin 1 et la fosse principale et il suppose l’existence d’un lien hydrologique de surface entre le bassin 2 et le bassin 1 vu la présence d’un petit lit d’écoulement asséché.
[124] Ainsi, l’expert Lapointe se prononce sur les échanges entre les milieux terrestre et aquatique en omettant l’influence des bassins 1 et 2, lesquels sont fort différents au niveau de la bordure avec une pente faible à modérée. De plus, il faut préciser qu’en tenant compte de l’ensemble du plan d’eau, la proportion de pente abrupte à forte est d’environ 60 % (662 m/1 100 m) du périmètre au lieu de 96 % (662 m/691 m).
[125] L’expert Lapointe se base également sur les caractéristiques d’un plan d’eau naturel pour conclure qu’il s’agit d’un milieu atypique. Pour ce faire, il réfère au profil type d’un lac naturel tiré du Guide d’interprétation de la Politique[41] où on observe, entre autres, des rives non escarpées. Cela a donc aussi une incidence sur ses conclusions, car en vertu de la LQE, un lac peut aussi être d’origine anthropique. De plus, même dans le cas d’un lac d’origine naturelle, on ne trouve pas nécessairement ce profil type autour d’un lac.
[126] Dans l’Évaluation environnementale de 2000, on indique que la bathymétrie du lac semble caractérisée par des pentes faibles, pour les berges sud-est et sud-ouest, et des pentes plus abruptes près des berges nord-est et nord-ouest, bordant les zones plus profondes[42].
[127] Également, les experts Piché et Chalifour considèrent l’ensemble du plan d’eau et font abstraction de l’origine anthropique du plan d’eau. Elles y constatent un milieu de vie dans lequel il y a des échanges entre les milieux terrestre, aquatique et atmosphérique.
[128] Entre autres, elles notent que la matière organique, comme des arbres morts et du limon, forme un substrat propice à la croissance de plantes aquatiques. Les bassins 1 et 2 offrent une diversité d’habitats. La végétation a colonisé les rives selon la topographie des lieux et les échanges entre les milieux terrestre et aquatique n’y sont pas limités.
[129] Selon les experts Bourguelat et Damestoy, le milieu a retrouvé un aspect beaucoup plus naturel depuis l’abandon des activités. Les zones profondes et moins profondes offrent une diversité d’habitats particulièrement aux espèces aquatiques. Dans la fosse principale, le bord rocailleux avec des petites failles, des replats, des plateaux est également propice aux échanges entre les milieux terrestre et aquatique.
Composante physique (apport d’eau)
[130] Les experts Déom et Lapointe soutiennent que contrairement à un plan d’eau naturel, aucun cours d’eau n’a été observé en périphérie du plan d’eau. Selon eux, l’eau qui s’accumule dans le plan d’eau provient essentiellement des précipitations, des eaux de ruissellement et, fort probablement, d’eau souterraine dont l’importance demeure inconnue. D’ailleurs, l’expert Lapointe a observé un rehaussement du niveau du lac d’environ 0,09 mètre durant ses travaux de caractérisation.
[131] L’apport d’eau n’est pas remis en question par les autres experts. D’ailleurs, l’apport d’eau souterraine a été confirmé dans le Document d’invitation de la Ville dans lequel on mentionne qu’il y a une montée du niveau de l’eau dans la carrière en période de crue et que la carrière est alimentée par une nappe d’eau aquifère[43].
[132] Vu la définition du terme « lac » au sens de la LQE, le Tribunal est toutefois d’avis que l’apport d’eau par un cours d’eau n’est pas un élément essentiel dans la détermination de celui-ci. De plus, même si un cours d’eau alimente généralement un lac d’origine naturelle, car on sait qu’il existe des lacs de tête, la situation peut être différente lorsqu’un lac est d’origine anthropique.
Composante physique (lien hydrologique)
[133] Les experts Déom et Lapointe soutiennent que le fossé de drainage rectiligne d’une trentaine de mètres, qui montre des déficiences (absence d’écoulement, obstruction), ne constitue pas un lien permanent avec un autre élément hydrologique. Depuis 1986, le niveau du lac des Deux-Montagnes n’aurait jamais atteint l’exutoire de la fosse principale qu’ils situent à 24,71 mètres, pas plus que sa plaine inondable ne pourrait l’atteindre.
[134] D’abord, il n’est pas étonnant que les experts Déom et Lapointe aient constaté l’absence d’écoulement au moment de leur visite des lieux vu le pompage de l’eau effectué en septembre 2013, qui a abaissé le niveau d’eau d’environ 30 centimètres sous le niveau du seuil de roc. Il ne s’agit donc pas d’une déficience comme telle.
[135] On remarque aussi que pour décider de l’existence d’un lien hydrologique, les experts Déom et Lapointe n’utilisent pas comme référence le niveau du seuil de roc à l’élévation 24,04 mètres (relevé CDGU 2004), mais plutôt celui de 24,71 mètres correspondant à un petit barrage dans l’exutoire (relevé CDGU 2004).
[136] Toutefois, on ignore la date de mise en place de ce petit barrage. De plus, dans l’Évaluation environnementale de 2000, on ne fait état d’aucune obstruction dans l’exutoire du lac, bien qu’une hutte de castors soit présente sur le lac Chéri.
[137] Quant à l’expert Piché, le Tribunal constate que son avis est faussé lorsqu’elle compare les niveaux historiques (1986 à 2014) du lac des Deux-Montagnes pour décider du lien hydrologique, car elle utilise comme point de référence le seuil de roc à l’élévation 23,77 mètres (relevé CDGU 2013). Or, le seuil de roc est à ce niveau que tout récemment depuis le recreusage constaté en juillet 2012 par Enviro-Plus.
[138] Ainsi, le Tribunal ne retient ni l’avis des experts Déom et Lapointe ni celui de l’expert Piché, puisqu’ils ne sont pas probants.
[139] Pour décider de la présence d’un lien hydrologique avec le lac des Deux-Montagnes, le Tribunal est plutôt d’avis que le seuil de roc situé au niveau de 24,04 mètres (relevé CDGU 2004) est plus probant qu’un petit barrage au niveau de 24,71 mètres (relevé CDGU 2004) qui n’a pas été constaté quelques années avant (Évaluation environnementale de 2000).
[140] De plus, dans l’Évaluation environnementale de 2000, on note que lors d’une visite à la suite de pluies répétées, un écoulement de surface a été observé du lac vers la zone inondable. On conclut qu’en période très humide ou à la suite de fortes précipitations, il semble qu’un lien momentané et indirect se forme entre le lac Chéri et le lac des Deux-Montagnes par l’intermédiaire de la zone inondable qui les sépare. On rapporte que dans certaines conditions, ce lien peut permettre le passage des œufs, alevins et petits individus entre le lac et le marécage. Enfin, on soutient que ce lien intermittent entre le lac et le marécage est très certainement emprunté préférentiellement par les représentants de la faune aquatique (œufs et petits individus) et/ou semi-aquatique et sa perte constituerait donc un facteur d’isolement[44].
[141] L’expert Chalifour est aussi d’avis qu’il peut y avoir un chevauchement de la plaine inondable du lac des Deux-Montagnes avec le cours d’eau et qu’une faible épaisseur d’eau peut suffire pour permettre des échanges.
[142] En outre, vu la crue 0-20 ans (24,19 m) et celle 20-100 ans (24,52 m), la plaine inondable du lac des Deux-Montagnes peut atteindre le seuil de roc situé au niveau de 24,04 mètres (relevé CDGU 2004). Les données historiques du niveau du lac des Deux-Montagnes révèlent que la crue 0-20 ans est survenue en avril 1998. Cela est sans compter le fait que depuis le récent recreusage de l’exutoire en 2012, le seuil de roc est maintenant situé au niveau de 23,77 mètres (relevé CDGU 2013), soit sous les niveaux de la plaine inondable. Par ailleurs, on constate que ce récent seuil de roc est situé uniquement à une trentaine de centimètres au-dessus de la crue 0-2 ans du lac des Deux-Montagnes située au niveau de 23,41 mètres[45].
[143] Ainsi, tous ces éléments permettent de conclure qu’il y a un lien hydrologique, bien qu’intermittent, avec le lac des Deux-Montagnes.
[144] Le Tribunal constate donc qu’on est en présence d’un plan d’eau avec un substrat et une bordure diversifiés, un apport d’eau provenant des précipitations, des eaux de ruissellement et d’eau souterraine ainsi qu’un lien hydrologique favorisant les échanges entre les milieux terrestre et aquatique.
Composante floristique
[145] L’expert Lapointe soutient que dans la fosse principale, il y a peu et même absence de végétation en bordure de la fosse principale, soit le peuplier faux-tremble, l’érable à sucre, le bouleau blanc, le sumac vinaigrier, l’aulne rugueux, la vigne, le trèfle, l’impatiente du cap et les graminées. Il s’agit donc d’une situation atypique d’un milieu naturel qui comporte la présence des 3 strates de végétation terrestre (herbacée, arbustive et arboricole) et d’une gradation entre la végétation aquatique et terrestre. La présence importante de myriophylle, une espèce désignée envahissante, dans la fosse principale menace la survie à long terme de la faune aquatique.
[146] Comme pour la composante physique, ce qui ressort de l’avis de l’expert Lapointe est le fait qu’il ne retient que les composantes floristiques de la fosse principale et ignore celles des bassins 1 et 2. Il ne tient donc pas compte des bassins 1 et 2 où la végétation est différente, soit majoritairement composée de phragmite commun, de jonc épars, de semis de peupliers deltoïdes, d’impatiente du cap, d’eupatoire perfoliée, de verge d’or, de valériane officinale et de morelle douce-amère.
[147] Il se base également sur les caractéristiques d’un plan d’eau naturel pour conclure qu’il s’agit d’une situation atypique, en se référant toujours au profil type d’un lac naturel tiré du Guide d’interprétation de la Politique.
[148] Cela influence donc ses conclusions, particulièrement au niveau des échanges entre les milieux terrestre et aquatique. De plus, bien que le rôle écologique d’une rive soit optimisé si elle est composée des 3 strates de végétation, il arrive que les rives d’un lac d’origine naturelle ne correspondent pas toujours à ce profil type. On a qu’à penser à des lacs où les terrains ont été aménagés à des fins de villégiature.
[149] Dans l’Évaluation environnementale de 2000, on fait état que la bordure sud du lac Chéri est un milieu ouvert et perturbé. Bien que les rives ne constituent pas un habitat exceptionnel, on trouve des habitats potentiels pour l’herpétofaune[46] au niveau du lac[47].
[150] Quant aux experts Piché et Chalifour, elles constatent que la végétation a colonisé les rives selon la topographie des lieux. Les marais riverains qui font partie du plan d’eau offrent une diversité d’habitats. La végétation aquatique a permis de subvenir aux divers cycles de vie des espèces animales.
[151] Selon l’expert Damestoy, la végétation est même présente jusqu’au bord des parois dans la fosse principale, bien qu’elle soit à densité variable.
[152] L’expert Bourguelat rapporte aussi qu’en bordure du lac, il y a des peuplements de feuillus et que dans les zones perturbées, surtout au sud et un peu à l’est, il s’agit de friches arbustives. Comme les experts Piché et Chalifour, il fait également mention de la présence d’une espèce SDVM, soit le caryer ovale, dans un peuplement de feuillus situé du côté est du plan d’eau.
[153] Quant à la présence de myriophylle, le Tribunal est d’avis que bien que préoccupante du point de vue environnemental, elle n’est pas déterminante pour définir un plan d’eau. Toutefois, cela est certainement pertinent pour évaluer la valeur écologique d’un plan d’eau. En effet, dans la méthodologie du Guide d’élaboration d’un plan de conservation des milieux humides, les espèces végétales exotiques envahissantes sont considérées au même titre que le sont les espèces à statut[48].
[154] Le Tribunal constate donc qu’il y a présence d’une flore diversifiée sur les rives du plan d’eau.
Composante faunique
[155] L’expert Lapointe soutient que les résultats de la pêche de novembre 2013 démontrent une situation atypique d’un lac naturel. Les résultats démontrent une distribution anormale de la population de poissons d’intérêt (perchaude et achigan) et l’absence de juvéniles et d’individus de grande taille, ce qui constitue aussi une situation atypique d’un lac naturel. L’ensemencement est la cause la plus probable de la présence de poissons dans le plan d’eau.
[156] Comme pour les composantes physique et floristique, ce qui ressort de l’avis de l’expert Lapointe est le fait qu’il se base toujours sur un plan d’eau naturel pour conclure qu’il s’agit d’une situation atypique. En outre, sur les 81 individus capturés de 6 espèces, il ne considère que 2 espèces, soit la perchaude et l’achigan[49]. Ces facteurs influencent ses conclusions.
[157] Son appréciation de la cause de la présence de poissons dans le plan d’eau est faussée par le fait qu’il prend pour acquis qu’il n’y a pas de lien hydrologique avec le lac des Deux-Montagnes.
[158] Il est muet également sur la présence d’autres espèces fauniques comme l’avifaune et l’herpétofaune.
[159] Dans l’Évaluation environnementale de 2000, sans faire une identification comme telle, on note que des poissons ont été observés dans le lac bien qu’aucun site de fraie n’y soit connu. Outre le fait que ceux-ci peuvent avoir été introduits à des fins de pêche sportive, on soutient que le lac peut avoir été colonisé à la suite d’une mise en contact temporaire lors de précipitations importantes ou d’une période particulièrement humide (fonte des neiges) avec la zone inondable, elle-même reliée de façon plus ou moins directe et permanente avec le lac des Deux-Montagnes[50].
[160] Outre les 6 espèces capturées par l’expert Lapointe, les résultats de pêche du secteur de faune du Ministère en septembre 2013 révèlent la présence de 3 autres espèces(*). Un total de 9 espèces se trouve donc dans le plan d’eau, soit le meunier rouge*, la barbotte brune, le crapet-soleil, le méné jaune, le méné bleu*, le méné émeraude, la perchaude, l’achigan à petite bouche et l’achigan à grande bouche*.
[161] Considérant l’ensemble des résultats, l’expert Piché note des espèces se situant tant en bas (méné), au milieu (perchaude, crapet-soleil) que tout en haut (achigan) de la chaîne alimentaire habitent le lac et s’y reproduisent.
[162] Bien qu’il ait été intéressant de connaître les résultats de la pêche effectuée au printemps 2014 par le secteur faune du Ministère, le Tribunal ne croit pas qu’ils soient essentiels pour décider du litige vu les résultats des deux pêches de l’automne 2013.
[163] En ce qui concerne les autres espèces fauniques, outre les espèces observées par les experts de DDM dans le plan d’eau, soit le plongeon huard, le canard colvert, la grenouille léopard, le crapaud américain, la tortue peinte, la tortue serpentine, une espèce préoccupante au Canada, et la couleuvre rayée, d’autres espèces ont été observées dans la carrière, notamment par les experts Piché et Chalifour lors les inspections de 2013.
[164] Il s’agit de la bernache du Canada, le canard colvert*, le grand héron, le grand pic, le martin-pêcheur d’Amérique, la mésange à tête noire, le petit-duc maculé, la sarcelle d’hiver, la sittelle à poitrine blanche, la grenouille verte, la grenouille léopard*, la couleuvre rayée*, la tortue peinte*, le fondule barré, le castor du Canada et le lièvre d’Amérique (*également observées par DDM).
[165] Les experts Chalifour et Bourguelat soulignent aussi que la proximité de la baie de l’île Cadieux identifiée comme ACOA favorise les échanges des espèces fauniques avec le plan d’eau.
[166] Le Tribunal constate donc qu’il y a présence d’une faune diversifiée dans le plan d’eau.
[167]
Enfin, en vertu des articles
[168]
On remarque tout de même qu’en vertu des articles
[169] Bien que la réinsertion d’une carrière dans l’environnement puisse aussi permettre de sécuriser les lieux, la lecture des documents visant la réhabilitation des carrières ne permet pas de conclure qu’ils en excluent l’aménagement avec plans d’eau.
[170]
3077004 allègue que le Ministre pourrait utiliser le pouvoir
d’ordonnance de l’article
[171] On peut s’interroger sur le fait que 3077004 soit considérée comme une exploitante d’une carrière. Par contre, même en admettant ce fait, considérant que l’aménagement avec plans d’eau est une option de restauration, mais surtout considérant le fait que le Ministre juge que cette ancienne carrière est désormais un écosystème riche présentant une grande diversité d’habitats et offrant refuge à de nombreuses espèces fauniques et floristiques[51], il est illusoire de penser que le Ministre pourrait exercer ce pouvoir d’ordonnance.
[172] En conclusion, à la suite de l’analyse des composantes physique, faunique et floristique du plan d’eau dans la carrière, le Tribunal considère qu’il s’agit d’un lac au sens de la LQE.
1.2 Cours d’eau ou fossé
Preuve de 3077004
[173] 3077004 soutient que l’exutoire du plan d’eau n’est pas un cours d’eau. Pour appuyer sa prétention, elle soumet en preuve l’avis des experts Déom et Lapointe.
[174] Les experts Déom et Lapointe se réfèrent aux définitions de « cours d’eau » et de « fossé » telles qu’énoncées dans la Politique[52] ainsi que dans le Guide du Ministère Identification et délimitation des milieux aquatiques, humides et riverains de 2006. Ils concluent qu’il s’agit d’un fossé de drainage, car il sert uniquement à drainer les eaux accumulées dans l’ancienne carrière, il n’existe qu’en raison d’une intervention humaine et la superficie du bassin versant est d’environ 12 hectares.
[175] Rappelons que les experts Déom et Lapointe constatent un tronçon rectiligne d’environ 30 mètres de long sur une photographie aérienne de 1977. Ce fossé de drainage est suivi d’un lit d’écoulement ténu, probablement d’origine naturelle vu sa faible dépression, d’une longueur totale d’environ 208 mètres, qui relie la fosse principale au lac des Deux-Montagnes.
[176] Les experts Déom et Lapointe estiment que l’exutoire constitue en fait une brèche qui a été réalisée pour drainer et éviter d’inonder les alentours sur une longueur d’environ 30 mètres et excavée jusqu’au socle rocheux sur une largeur d’environ 4 mètres. Vu que le terrain en bordure de la fosse principale est d’une hauteur d’environ 2 mètres au-dessus du niveau de l’eau et vu la nature du sol qui est une moraine constituée de sable et de silt avec beaucoup de gravier, de cailloux et de bloc, ainsi que l’absence de courant, il est impossible que l’action de l’eau soit à l’origine de ce ravinement. Ils considèrent donc qu’il s’agit d’un fossé de drainage d’origine anthropique.
Preuve de la procureure générale
[177] La procureure générale prétend que l’exutoire du lac de la carrière est un cours d’eau au sens de la LQE et soumet en preuve l’avis des experts Piché et Chalifour.
[178] Comme pour un lac, l’expert Piché mentionne que la LQE ne fait pas de distinction entre le caractère naturel et le caractère artificiel d’un cours d’eau.
[179] Selon l’expert Piché, l’excavation de l’exutoire sur environ 30 mètres n’est qu’une hypothèse, car les activités rattachées à l’exploitation de la carrière de même que diverses autres activités (tests exploratoires, dépôt de matériaux meubles, étude d’accès) pourraient aussi expliquer cette excavation ou la modification du sol dans ce secteur. Par conséquent, elle soutient que l’excavation a pu être entreprise aussi à d’autres fins qu’aux seules fins de drainage. Vu le débit observé lors de sa visite de septembre 2013, elle estime que l’action de l’eau a pu modifier en partie la topographie des lieux et qu’il y aurait moins de 30 mètres du lit d’écoulement d’une longueur totale d’environ 208 mètres qui résulteraient uniquement des activités humaines.
[180] En cas de doute, l’expert Piché favorise la thèse de la présence d’un lit d’écoulement naturel à cet endroit. Ainsi, elle conclut qu’un cours d’eau intermittent s’écoule à partir du secteur est du lac de la carrière vers le lac des Deux-Montagnes via un marécage au sens de la LQE.
[181] Enfin, l’expert Chalifour constate sur les photographies aériennes de 1979 et 1983 un cours d’eau sinueux reliant le lac de la carrière au lac des Deux-Montagnes. Selon elle, le lac a cherché à s’écouler et un lit d’écoulement a donc pu se créer au fil du temps par l’érosion. Il est aussi possible qu’avant, le cours d’eau ne soit pas visible sur une photographie aérienne.
Analyse du Tribunal
[182]
Rappelons que l’article
[183] Comme pour le terme « lac », il n’y a aucune définition de ce qu’on entend par un « cours d’eau » ou un « fossé » dans la LQE. Toutefois, il en existe une dans la Politique.
[184] Bien que cette Politique ne soit pas un texte réglementaire et qu’elle n’ait pas de caractère obligatoire, il est établi que le Ministre peut s’appuyer sur celle-ci pour exercer son pouvoir discrétionnaire sans toutefois en faire une règle absolue[53].
[185] À l’instar des experts Déom et Lapointe, on peut prendre en considération les définitions telles qu’énoncées dans la Politique et le Guide du Ministère Identification et délimitation des milieux aquatiques, humides et riverains, 2006 :
Politique
2.8 Tous les cours d’eau, à débit régulier ou intermittent, sont visés par l’application de la politique. Sont toutefois exclus de la notion de cours d’eau, les fossés tels que définis à l’article 2.9. Par ailleurs, en milieu forestier public, les catégories de cours d’eau visés par l’application de la politique sont celles définies par la réglementation sur les normes d’intervention édictée en vertu de la Loi sur les forêts.
2.9 Un fossé est une petite dépression en long creusée dans le sol, servant à l’écoulement des eaux de surface des terrains avoisinants, soit les fossés de chemin, les fossés de ligne qui n’égouttent que les terrains adjacents ainsi que les fossés ne servant à drainer qu’un seul terrain.
Guide
Fossé de drainage :
· utilisé aux seules fins de drainage et d’irrigation;
· qui n’existe qu’en raison d’une intervention humaine;
· la superficie du bassin versant est inférieure à 100 hectares.
[186] Cette dernière définition est issue de l’article 103 de la Loi sur les compétences municipales[54] qui définit un fossé de drainage, depuis 2005, comme suit :
103. Toute municipalité régionale de comté a compétence à l'égard des cours d'eau à débit régulier ou intermittent, y compris ceux qui ont été créés ou modifiés par une intervention humaine, à l'exception :
1° de tout cours d'eau ou portion de cours d'eau que le gouvernement détermine, après consultation du ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, par décret qui entre en vigueur à la date de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à toute date ultérieure qui y est indiquée;
2° d'un fossé de voie publique ou privée;
3° d'un fossé mitoyen au sens de l'article
4° d'un fossé de drainage qui satisfait aux exigences suivantes :
a) utilisé aux seules fins de drainage et d'irrigation;
b) qui n'existe qu'en raison d'une intervention humaine;
c) dont la superficie du bassin versant est inférieure à 100 hectares.
La portion d'un cours d'eau qui sert de fossé demeure de la compétence de la municipalité régionale de comté.
[caractères gras ajoutés]
[187] D’ailleurs, les définitions de la Politique ont été modifiées en 2014[55] afin d’harmoniser et d’uniformiser la notion de « fossé » avec celle énoncée à la Loi sur les compétences municipales.
[188] Ici, le critère de la superficie du bassin versant n’est pas contesté.
[189] La preuve d’experts soumise est probante à l’effet que la portion sinueuse du lit découlement est d’origine naturelle et à débit intermittent. Cette portion est donc un cours d’eau au sens de la LQE[56].
[190] Par contre, les experts Déom et Lapointe soutiennent que le tronçon rectiligne d’environ 30 mètres est un fossé de drainage qui sert uniquement à des fins de drainage et qui n’existe qu’en raison d’une intervention humaine.
[191] D’abord, on note que le constat des experts Déom et Lapointe sur la forme rectiligne du fossé est basé sur une photographie aérienne de 1977. Pourtant, l’expert Chalifour note un cours d’eau sinueux à partir de photographies aériennes de 1979 et 1983.
[192] Les experts Déom et Lapointe se fondent aussi sur leur visite des lieux à l’automne 2013. Cependant, ils omettent de prendre en considération le recreusage récent effectué près de l’exutoire, tel que constaté en juillet 2012 par Enviro-Plus.
[193] À l’instar des experts Déom et Lapointe, l’expert Bourguelat indique qu’une butte sépare le lac de la carrière du grand marécage situé à l’est et que ce marécage est drainé par un fossé qui semble d’origine anthropique, se jetant dans la baie de l’île Cadieux.
[194] Également, on indique qu’au nord-est, un fossé érodé va de la carrière vers le lac et fait office de déversoir dans le Document d’invitation[57] et que l’unique exutoire du lac joue un rôle important dans la régulation du niveau de l’eau dans l’Évaluation environnementale de 2000[58].
[195] La thèse de l’expert Piché est plutôt à l’effet que le lit d’écoulement rectiligne sur une trentaine de mètres aurait été causé par l’érosion de l’eau du lac.
[196] Le Tribunal est d’avis que vu la présence d’une butte entre le lac et le marécage, la thèse de l’origine anthropique apparaît plus probante que celle causée par l’érosion de l’eau du lac.
[197]
Dans l’affaire Camping Granby[59], la Cour supérieure
interprète la notion de « fossé » au sens de l’article
[198] La Cour précise qu’un fossé de drainage ne constitue pas un cours d’eau du seul fait qu’il s’écoule dans un cours d’eau :
[31] Il ne faut pas, selon le Tribunal, banaliser la notion de fossé de drainage sinon tout ce qui est filet d’eau sur nos terres agricoles québécoises sera qualifié de cours d’eau.
[32] Certains fossés de drainage peuvent être stagnants mais la plupart des fossés de drainage vont à un moment donné s’écouler, par gravité, dans un cours d’eau. Ce faisant, en donnant une qualification rétroactive de cours d’eau à ce qui était au début un fossé de drainage, on dénature celui-ci. D’ailleurs, dans l’exemplaire donné dans l’annexe 2 accompagnant le guide, on semble garder l’appellation « fossé de drainage » avant le point de jonction avec un cours d’eau.
[199] Le présent dossier se distingue de cette affaire du fait que le lac est approvisionné non seulement par les précipitations et les eaux de ruissellement, mais aussi par l’eau souterraine, qu’un lien hydrologique favorise les échanges avec le lac des Deux-Montagnes, que le tronçon rectiligne d’environ 30 mètres se prolonge dans un cours d’eau sur un parcours total d’environ 208 mètres et que ce cours d’eau passe au travers d’un marécage affecté par la plaine inondable du lac des Deux-Montagnes.
[200] Ainsi, même s’il est probable que le fossé soit d’origine anthropique sur une longueur d’environ 30 mètres, le Tribunal est d’avis qu’il ne rencontre pas la définition de fossé de drainage au sens où il l’a été décidé dans l’affaire Camping Granby.
[201] D’ailleurs, dans une récente affaire[60], le Tribunal a décidé qu’une portion ayant fait l’objet d’interventions humaines dans le passé était un cours d’eau protégé par la LQE, puisqu’elle était connectée entre deux lits d’écoulement d’origine naturelle. Cette portion était indissociable d’un ensemble qui constituait un réseau hydrique où s’y écoulait de l’eau en son état naturel.
[202] Ici, le tronçon d’environ 30 mètres, suivi d’un cours d’eau, est connecté entre le lac de la carrière et le lac des Deux-Montagnes. On peut donc affirmer aussi qu’il est indissociable de cet ensemble qui constitue un réseau hydrique où s’écoule de l’eau en son état naturel.
[203] En conclusion, le Tribunal juge que l’exutoire du lac de la carrière, soit le tronçon rectiligne d’environ 30 mètres, est un cours d’eau au sens de la LQE.
1.3 Exclusion réglementaire
[204]
3077004 prétend qu’elle est exemptée
d’obtenir un certificat d’autorisation du Ministre en vertu de l’article
[205]
La procureure générale prétend que
3077004 devait obtenir un certificat d’autorisation en vertu de
l’article
[206] Quant à la Ville, elle soutient aussi que la Politique n’autorise pas le remblai dans le littoral d’un lac, ce qui fait qu’elle n’a pas compétence pour autoriser spécifiquement le remblai total du lac. Elle est d’avis que cette autorisation de remblai n’en est pas une pour des travaux, constructions ou ouvrages sur le littoral d’un lac au sens de la Politique et, que de ce fait, le CA 2013-21897 n’a pas le caractère spécifique requis par l’exemption réglementaire.
[207] Au moment de l’émission du CA 2013-21897, un lac est défini en vertu de la réglementation de la Ville comme étant le lac des Deux-Montagnes et le lac Saint-Louis[61]. Cette définition a été remplacée en 2014 par la suivante[62] :
Une dépression dans le sol, naturelle ou artificielle, contenant des eaux libres et qui est alimentée par les eaux d’un bassin versant, d’un cours d’eau ou par des eaux souterraines. Le terme comprend également une dépression dans le sol contenant des eaux libres mais créée à partir d’un blocage limitant artificiellement l’écoulement d’un cours d’eau ou d’une excavation anthropique de la nature d’une carrière ou d’une sablière. Sont toutefois exclus de la présente définition les marais, marécages, les étangs et les lacs artificiels créés par l’excavation et/ou endiguement de la terre ferme pour recueillir et conserver l’eau à des fins telles que l’abreuvement du bétail, l’irrigation, les bassins de décantation, de refroidissement, la culture du sol ou des fins d’embellissement d’un espace récréatif, tel un parcours de golf.
[208]
D’abord, l’article
1. Sont soustraits à l'application de l'article
[…]
3° les travaux, constructions ou ouvrages sur une rive, dans une plaine inondable ou sur le littoral d'un cours d'eau ou d'un lac au sens de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (chapitre Q-2, r. 35) dans la mesure où de tels travaux, constructions ou ouvrages auront fait l'objet d'une autorisation spécifique d'une municipalité en application d'un règlement de zonage, de lotissement ou de construction, à l'exception de travaux, constructions ou ouvrages destinés à des fins d'accès public ou à des fins municipales, industrielles, commerciales ou publiques qui eux n'y sont pas soustraits;
[…]
[209]
La Cour d’appel a rendu un arrêt clé dans l’affaire 6169970 Canada
inc.[63]
au sujet de l’article
[47] La LAU autorise les municipalités à réglementer l'utilisation du sol et à classifier les constructions et les usages, selon un plan, et de diviser le territoire en zones auxquelles sont attribuées différentes classes d'usage.
[48] Les principales classes et catégories d'usage sont bien connues en droit québécois, particulièrement dans les règlements de zonage. Il faut constater que l'usage résidentiel est distinct de l'usage commercial, comme de tous les autres usages. Voici ce qu'en dit l'auteur Marc-André Lechasseur :
6.1 L'usage principal
Le règlement de zonage a pour objet nécessaire de classifier les constructions et les usages et de décider de leur implantation sur le territoire de la municipalité en le divisant en zones. C'est par cet exercice que le conseil municipal autorisera ou prohibera certains usages ou constructions à l'intérieur des zones. La notion « d'usage » n'est pas définie dans la loi. Sa définition se retrouve traditionnellement au règlement de zonage et peut varier selon chaque municipalité. Il n'est pas aisé de donner une définition objective du mot « usage. ». Son utilisation, généralisée à travers le Canada, suggère qu'on lui donne une interprétation très large. Le terme « usage » peut donc viser une très grande quantité d'opérations et d'activités qui procèdent de l'utilisation du sol pour les fins auxquelles il se destine.
Au plan purement technique, il constitue le plus souvent une division d'une plus grande catégorie représentée par une classe ou une affectation du sol. Les principales classes ou affectations utilisées (standardisées) par le législateur municipal sont : résidentiel (R), commercial (C), industriel (I), agricole (A), public (institutionnel) (P) et récréatif commercial (RC).
[49] La finalité de la réglementation d'urbanisme réside dans le contrôle de l'usage du sol ou de la construction, sans égard à la propriété elle-même, mais uniquement à l'usage qui en est fait. L'identité du propriétaire et des personnes qui exercent l'usage ou encore le mode de tenure n'a pas à être considérée, le règlement ne pouvant être arbitraire ou oppressif. Il est toutefois permis d'opposer un usage public à un usage privé et le règlement peut, mais de façon incidente seulement, viser les personnes.
[références omises]
[210] Récemment, dans l’affaire 6703917 Canada inc.[64], la Cour supérieure en a dégagé les principes suivants :
[25] La Cour d’appel a rejeté ces arguments et a conclu que le projet ne requérait pas l’obtention d’un certificat d’autorisation. Les principes suivants se dégagent de l’arrêt :
· Le Règlement définit les exceptions à l’obligation d’obtenir un certificat d’autorisation en fonction de la destination de l’immeuble, ce qui réfère à l’usage;
· Le Règlement ne fait pas de distinction entre un usage qui engendre des profits et un usage qui n’en engendre pas. Cet élément n’est donc pas pertinent;
· La LQE et ses règlements touchent de près l’aménagement du territoire. La LQE est fondée sur les mêmes principes et elle obéit à la même mécanique que la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme5 [LAU] et la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles6. Ces lois sont interreliées et il est approprié d’interpréter les termes qui y sont utilisés d’une façon cohérente en leur donnant le même sens;
· Les mots
« destinés à » utilisés au 3e paragraphe de l’article
· Le 3e paragraphe de
l’article
5 L.R.Q., c. A-19.1.
6 L.R.Q., c. P-41.1.
[211] Dans la présente affaire, toutes les parties plaident, à leur manière, l’arrêt 6169970 Canada inc.[65] de la Cour d’appel.
[212] D’abord, le Tribunal rejette l’argument commun de la procureure générale et de la Ville à l’effet que le CA 2013-21897 ne peut donner ouverture à l’exemption réglementaire, puisque la Politique ne permet pas de remblayer un lac.
[213]
Il faut se rappeler que la version initiale de
l’article
1. Sont soustraits à l'application de
l'article
[…]
3° les travaux, constructions ou ouvrages sur une rive, dans une plaine inondable ou sur le littoral d'un cours d'eau ou d'un lac et dont la réalisation est permise aux termes de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (D. 103-96) dans la mesure où de tels travaux, constructions ou ouvrages auront fait l'objet d'une autorisation spécifique d'une municipalité en application d'un règlement de zonage, de lotissement ou de construction, à l'exception de travaux, constructions ou ouvrages destinés à des fins d'accès public ou à des fins municipales, industrielles, commerciales ou publiques qui eux n'y sont pas soustraits;
[…]
[caractères gras ajoutés]
[214] Dans l’affaire Filion[66], la Cour d’appel a interprété cette
version de l’article
[29] Dans la présente espèce, les travaux de détournement de cours d’eau entrepris par les appelants n’étant pas des travaux dont la réalisation est permise par la Politique, ils ne pouvaient pas faire et n’avaient pas fait l’objet d’une autorisation spécifique de la municipalité. En conséquence, de tels travaux, fussent-ils pour des fins privées, étaient assujettis à l’exigence préalable d’un certificat d’autorisation.
[30] L’exception relative aux travaux … « à des fins municipales, industrielles, commerciales ou publiques » est une exception distincte. Si, comme dans l’espèce, les travaux envisagés, même pour des fins privées, ne rencontrent pas les conditions d’application de l’exclusion, ils sont assujettis et le ministère de l’Environnement ne peut prétendre qu’il n’a pas compétence pour délivrer un certificat d’autorisation pour de tels travaux, même lorsque la demande émane d’un citoyen pour ses propres fins.
[notre soulignement]
[215]
On doit donc conclure qu’à cette époque, pour être soustraits à
l’application de l’article
[216] Cette disposition a toutefois été modifiée le 28 avril 2006 par la suppression de la première condition relative à la conformité des travaux à la Politique. Maintenant, on réfère à la Politique de la façon suivante : « les travaux, constructions ou ouvrages sur une rive, dans une plaine inondable ou sur le littoral d'un cours d'eau ou d'un lac au sens de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (chapitre Q-2, r.35) ».
[217] La version actuelle prévoit uniquement que les travaux, constructions ou ouvrages aient fait l’objet d’une autorisation spécifique d’une municipalité en application de sa réglementation, sous réserve de l’exception relative aux travaux, constructions ou ouvrages destinés à des fins d'accès public ou à des fins municipales, industrielles, commerciales ou publiques.
[218] Dans l’affaire 6703917 Canada inc.[67], citant la Cour d’appel, la Cour supérieure s’est aussi prononcée sur l’étendue du pouvoir du Ministre :
[43] Certains commentaires émis par la Cour d’appel dans 6169970 Canada Inc. c. Québec (Procureur général) incitent à penser que cette question doit recevoir une réponse négative :
[40] Avec égards, je ne suis pas d'accord, même en admettant l'argument qu'il faut interpréter de façon restrictive toute exemption à la loi, surtout en matière environnementale. La discrétion dont jouit le ministre pour émettre ou non un certificat d'autorisation ne va pas jusqu'à décider dans quels cas une demande doit lui être présentée. C'est le Règlement qui tranche de la question et qui établit si le ministre doit ou non examiner les impacts potentiels d'un projet. Dans les cas où il y a exemptions, le ministre ne conserve pas ce droit; les municipalités prennent le relais.
[Emphase ajoutée]
[44] Le texte même du
3e paragraphe de l’article
[45] Le Tribunal considère que le pouvoir résiduel du ministre, au terme de cette disposition, se limite à vérifier si une autorisation spécifique de la municipalité en cause a été accordée relativement à des travaux ou ouvrages donnés qui seraient autrement assujettis à l’obtention d’un certificat d’autorisation.
[référence omise]
[219] Ainsi, le pouvoir du Ministre se limite à vérifier si les travaux, constructions ou ouvrages ont fait l’objet d’une autorisation spécifique d’une municipalité en application de sa réglementation, sous réserve de l’exception relative aux travaux, constructions ou ouvrages destinés à des fins d'accès public ou à des fins municipales, industrielles, commerciales ou publiques.
[220] Donc, dans les cas où les travaux, constructions ou ouvrages sont destinés à d’autres fins que des fins d’accès public ou à des fins municipales, industrielles, commerciales ou publiques, le Ministre n’a plus de pouvoir d’intervention en vertu de la LQE, même s’il est d’avis que les travaux autorisés ne sont pas permis aux termes de la Politique.
[221] Toutefois, le Ministre n’est pas sans recours, car il peut demander l'intervention de la Cour supérieure en vertu de l'article 227.1 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[68] (LAU) afin de faire cesser une utilisation du sol ou une construction incompatible avec une disposition d'un règlement d'urbanisme municipal visant la protection des rives, du littoral et des plaines inondables.
[222] Ainsi, le Tribunal juge que le CA 2013-21897 constitue une autorisation spécifique de la Ville en application de sa réglementation pour les travaux de remblayage situés sur le lot 3 969 100, plus précisément sur la superficie du lac au sens de la Politique.
[223] Il reste donc à vérifier l’exception relative aux travaux, constructions ou ouvrages destinés à des fins d'accès public ou à des fins municipales, industrielles, commerciales ou publiques, à savoir à quel usage sont destinés les travaux de remblayage du lac.
[224] M. Wygodny mentionne que l’usage éventuel du lac une fois remblayé n’est pas encore déterminé. Pour l’instant, la priorité est de sécuriser les lieux. D’ailleurs, dans la demande d’autorisation du 21 mai 2013 déposée à la Ville, on indique que le volume nécessaire est estimé à 150 000 mètres cubes pour remblayer l’ensemble de la carrière et que ces travaux sont nécessaires pour assurer adéquatement la sécurité du site, étant donné sa vaste étendue.
[225] Auparavant, dans la demande d’avis concernant le projet de remblayage du lac de la carrière déposée au Ministère le 11 octobre 2012, l’ingénieur Lefebvre de CDGU mentionnait aussi que 3077004 ne pouvait plus assurer la sécurité du site et que le lac formé à l’emplacement de la carrière désaffectée depuis plusieurs années était utilisé par des baigneurs et des fêtards, lesquels avaient sectionné à plusieurs endroits la clôture qui ceinture le site. Étant donné que le site ne pourrait plus être couvert par une assurance responsabilité et que la Ville ne voulait pas se porter garante du site, 3077004 aimerait remblayer le lac de la carrière avant qu’un accident malheureux n’y survienne[69].
[226] On allègue aussi que la question de la sécurité des lieux ne date pas d’hier. En 1969, le chef de Police de la Ville de Vaudreuil dénonce le danger public que représente la carrière, car le site n’est pas clôturé sur trois côtés. Le côté clôturé a été endommagé pour y faire passer des rebuts d’automobiles et des personnes s’y rendent pour se baigner[70]. En août 2003, un homme meurt accidentellement par noyade dans le lac de la carrière[71].
[227] Précisons immédiatement que le motif de sécurité n’est pas pertinent pour décider de l’usage auquel sont destinés les travaux de remblayage, puisqu’il ne concerne pas cet usage, mais plutôt la justification des travaux, selon 3077004. Cela n’est pas du tout la même chose.
[228] Ceci dit, face à cette imprécision au niveau de l’usage éventuel du terrain une fois les travaux de remblai complétés, le Tribunal croit qu’il faut donc se référer aux documents qui ont été déposés à la Ville dans le cadre de la demande d’autorisation ainsi qu’au Règlement de zonage 1275 de la Ville pour déterminer l’usage auquel sont destinés les travaux de remblayage du lac.
[229] Tout d’abord, selon le Règlement de zonage 1275 de la Ville et ses annexe 1 « Grille des usages et normes » et annexe 2 « Plan de zonage (feuillets 1 de 2 et 2 de 2), le lac de la carrière situé sur le lot 3 969 100 se trouve dans la zone H1-202 pour laquelle les usages suivants sont permis :
1. Habitation (H) : Unifamiliale H1 avec la note (2) que « Seule une habitation construite en bordure d’une rue existante le 25 octobre 2004 est autorisée »;
2. Communautaire (P) : Espaces publics P1[72].
[230] L’usage éventuel du terrain doit donc respecter l’un et/ou l’autre des deux usages permis, soit Unifamiliale HI avec la limitation prévue à la note (2) et Espaces publics P1.
[231] Il faut dire que la « Grille des usages et normes » du Règlement de zonage 1275 pour la zone H1-202 a été modifiée ultérieurement à l’ordonnance no 635[73] :
Par le remplacement de la note « (2) » par la suivante :
« (2) Aucun permis de construction ne pourra être émis avant que les espaces prévus dans la phase II, identifiée au schéma d’aménagement, aient été construits à 75 % ».
[232] La demande d’autorisation déposée à la Ville par 3077004 pour les travaux de remblayage du lac est constituée de la lettre du 21 mai 2013[74] signée par M. Wygodny et du plan du projet approuvé par l’ingénieur Lefebvre le 24 mai 2013[75]. La lettre des procureurs de 3077004 du 27 mai 2013 accompagne également la demande[76].
[233] Il y a tout un débat sur l’usage éventuel du terrain vu des indications qui portent à croire que le projet de développement résidentiel s’y prolongera. Tout cela s’avère peu pertinent, car finalement on verra que l’usage à des fins résidentielles n’est pas possible en vertu de la réglementation municipale en vigueur lors de la délivrance du CA 2013-21897 et de l’ordonnance no 635.
[234] Soulevons d’abord ces indications.
[235] À l’instar de M. Wygodny, l’ingénieur Lefebvre prétend que l’usage éventuel du terrain n’est pas encore déterminé. Il confirme que cette phase du projet de développement résidentiel sur le lot 3 969 100 vise uniquement une rue qui contourne le lac au sud et à l’est avec une subdivision de lots de chaque côté. Il ajoute que cette rue, identifiée comme la « RUE DE BORDEAUX (futur) », n’est pas encore réalisée et les travaux d’aqueduc et d’égouts ne sont pas autorisés.
[236] Pourtant, certaines indications sur son plan portent à croire qu’il y aura une prolongation du projet de développement résidentiel.
[237] En effet, au sud, il y a une amorce de rue à partir de la rue de Bordeaux (futur) en direction du lac, soit la « RUE PROJETÉE ‘A’ (futur) ». Dans la cartouche du plan, la localisation du projet illustre des rues et une subdivision de lots sur la superficie du lac. Toujours dans la cartouche, les « Notes générales » indiquent que le plan a été conçu à partir du plan d’opération cadastrale préparé par l’arpenteur-géomètre Boudreault.
[238] Comme M. Wygodny et l’ingénieur Lefebvre, l’arpenteur-géomètre Boudreault prétend que l’usage éventuel du terrain n’est pas encore déterminé. Il précise que le plan pour les dernières phases du projet de développement de 3077004 transmis à la Ville le 6 mars 2013, qui illustre des rues et une subdivision de lots sur la superficie du lac, n’est qu’une proposition parmi tant d’autres[77]. Le plan du projet de développement est celui soumis à la Ville le 22 mai 2013 afin d’obtenir le permis de lotissement où il n’y a ni rue ni subdivision de lots sur la superficie du lac[78].
[239] Pourtant, dans son courriel de transmission du plan du 6 mars 2013 à la Ville, l’arpenteur-géomètre Boudreault écrit que le lot 5 246 501 aura 60 mètres de large pour l’instant et pourra être subdivisé à nouveau en trois lots de 20 mètres si la carrière n’est jamais remplie. Mais si le développement se fait un jour, il y aura deux lots de coin et une rue telle qu’illustrée au plan[79].
[240] 3077004 soulève le fait que le Ministre a utilisé erronément le plan de l’arpenteur-géomètre Boudreault du 6 mars 2013 pour émettre son ordonnance au lieu de celui déposé à la Ville dans le cadre de la demande de permis de lotissement.
[241] Le greffier St-Antoine confirme que le 23 septembre 2013, il a en effet uniquement transmis au Ministère le plan de l’arpenteur-géomètre Boudreault du 6 mars 2013, le jugeant plus complet et représentatif de la situation. Cependant, il mentionne qu’il aurait dû aussi joindre le plan de ce dernier déposé dans le cadre de la demande de permis de lotissement.
[242] Le Tribunal considère que cette omission a peu d’importance, car on constate que l’ingénieur Lefebvre a conçu son plan à partir des deux[80] plans de l’arpenteur-géomètre Boudreault. En effet, on remarque que sur le plan de l’ingénieur Lefebvre, l’amorce de rue, soit la « RUE PROJETÉE ‘A’ (futur) », illustrée au sud à partir de la rue de Bordeaux (futur) en direction du lac, est la même que la rue entre deux lots de coin illustrée sur le lot 5 246 501 du plan de l’arpenteur-géomètre Boudreault du 6 mars 2013.
[243] Enfin, soulignons une dernière indication. Le 23 septembre 2013, l’ingénieur Lefebvre fournit à la Ville les précisions demandées sur la provenance et la qualité des matériaux de remblai de la façon suivante[81] :
Éventuellement, pour permettre la construction des ouvrages d'eau potable et d'égouts, les matériaux de remblai sous les conduites seront remplacés par des matériaux granulaires compactés, à moins d'un avis d'un ingénieur en géotechnique. Pour les constructions résidentielles, un avis d'un ingénieur en géotechnique permettra de déterminer les détails de construction à utiliser pour assurer la stabilité des bâtiments. Du pieutage ou de la compaction dynamique pourraient être des techniques retenues
[244] En somme, selon tous les documents déposés à la Ville dans le cadre de la demande d’autorisation, il y a des éléments qui portent à croire que l’usage éventuel sera destiné à des fins résidentielles. Mais comme déjà mentionné, cela importe peu, car l’usage à des fins résidentielles n’est pas possible en vertu du Règlement de zonage 1275 en vigueur lors de la délivrance du CA 2013-21897 et de l’ordonnance no 635.
[245] En effet, vu la note 2 qui limite l’usage permis pour Habitation (H) : Habitation unifamiliale H1, à une habitation uniquement en bordure d’une rue existante le 25 octobre 2004, l’usage à des fins résidentielles n’est pas possible sur la superficie du lac, car aucune rue n’est existante sur le lot 3 969 100, tel que confirmé par l’ingénieur Lefebvre qui précise que la rue de Bordeaux (futur) n’est pas encore réalisée.
[246] Par conséquent, le Tribunal écarte l’argument de 3077004 à l’effet que la seule destination possible sur la superficie du lac est à des fins résidentielles.
[247] Le Tribunal écarte également l’argument de la procureure générale à l’effet qu’un projet de développement résidentiel avec des rues y est prévu.
[248] En fait, le seul usage possible est celui qui est permis pour du Communautaire (P) : Espaces publics P1, conformément au Règlement de zonage 1275.
[249]
Or, en vertu de l’article
[250] Notons que sur le relevé topographique réalisé par CDGU en 2013[82], il y a le terme « parc » noté à deux reprises sur la partie où est situé le lac[83].
[251]
En conclusion, le Tribunal considère que les travaux de remblayage du
lac et la réalisation d’une digue dans le cours d’eau, le tout situé sur le lot
3 696 100, ne sont pas visés par l’exemption du Règlement
d’application et que, par conséquent, ils sont assujettis à l’application de
l’article
[252]
En somme, le Tribunal juge que
l’activité de pompage des eaux du lac et la réalisation d’une digue dans
le cours d’eau, sans qu’aucun certificat d’autorisation n’ait été délivré
préalablement en vertu de l’article
Question
2 : Le pouvoir d’ordonnance du Ministre prévu à l’article
2.1 Justification de l’ordonnance
[253] 3077004 prétend que le Ministre ne possède aucune donnée à l’appui justifiant l’ordonnance no 635.
[254]
L’article
115.2 Lorsqu’une personne ou une municipalité réalise des travaux, constructions, ouvrages ou activités en violation de la présente loi, de ses règlements, d’une ordonnance, d’une approbation, d’une autorisation, d’une permission, d’une attestation, d’un certificat ou d’un permis, le ministre peut, pour une période d’au plus 30 jours, ordonner de cesser ou de restreindre, dans la mesure qu’il détermine, ces travaux, constructions, ouvrages ou activités s’il est d’avis que ceux-ci représentent une atteinte ou un risque d’atteinte sérieuse à la santé humaine ou à l’environnement, y compris à la végétation ou à la faune.
Le ministre peut également, à cette occasion, ordonner à la personne ou à la municipalité concernée de prendre, dans le délai qu’il fixe, les mesures requises pour empêcher ou diminuer une telle atteinte ou un tel risque d’atteinte.
Le ministre peut déléguer à une personne qu’il désigne le pouvoir d’ordonnance qui lui est attribué en vertu du présent article. Toute ordonnance rendue par cette personne est alors réputée une ordonnance rendue par le ministre pour l’application de la présente loi ou de ses règlements.
[255] Entré en vigueur le 4 novembre 2011, ce pouvoir d’ordonnance fut introduit dans la LQE par la Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin d’en renforcer le respect[84]. En vertu de l’article 115.3, le Ministre peut, pour une période d’au plus 60 jours, prolonger une telle ordonnance s’il est d’avis que les motifs qui la justifiaient demeurent valables.
[256]
Contrairement aux pouvoirs d’ordonnance prévus aux articles
[257] Le Tribunal est d’avis que le libellé évoque la possibilité objective et raisonnable d’une d’atteinte sérieuse à la qualité de l’environnement, à la manière du terme « susceptible » de l’article 22 LQE[86].
[258] Au paragraphe [13] de l’ordonnance no 635, le Ministre indique qu’il juge que les travaux constituent une atteinte sérieuse à l’environnement puisque :
· les fluctuations abruptes du niveau d'eau du lac ne permettent pas aux espèces fauniques et floristiques de s'y acclimater;
· la vidange totale du lac causera des préjudices à la faune et la flore qui s'y trouvent;
· les étangs adjacents au lac seront asséchés mettant en péril les amphibiens (tortues et grenouilles) en rendant d'autant plus précaire leur survie pendant la période hivernale;
· ils font en sorte que les sédiments sont remis en suspension ce qui perturbe la qualité de l'eau du lac;
· l'eau rejetée dans le cours d'eau augmente la vitesse d'écoulement de façon inhabituelle (débit élevé, zones d'érosion riveraines, matières en suspension);
· la présence d'une digue entrave la libre circulation du poisson et accentue !'ennoiement du marécage;
· les niveaux d'eau élevés dans le marécage créent des conditions anoxiques pour les arbres et arbustes, ce qui pourrait mettre en péril leur survie.
[259] En ce qui concerne le niveau d’eau du lac, la preuve est à l’effet que le pompage de l’eau a fait baisser le niveau d’eau d’une vingtaine de pouces (0,5 m) du 13 septembre 2013 au 25 septembre 2103[87]. L’abaissement du niveau d’eau a eu pour effet de couper le lien hydrologique de surface entre le bassin 1 et la fosse principale du lac, tel que constaté par l’expert Lapointe en octobre 2013. De plus, l’abaissement d’environ 0,5 mètre n’apparaît pas négligeable par rapport à une profondeur moyenne de 2,21 mètres dans la fosse principale et d’une profondeur de 1 à 2 mètres dans les bassins 1 et 2.
[260]
Vu la preuve d’experts soumise qui confirme la présence d’espèces
fauniques et floristiques diversifiées, l’abaissement du niveau d’eau du lac qui
a eu pour effet de couper le lien hydrologique entre le bassin 1 et la fosse
principale ainsi que la présomption légale à l’effet que les travaux réalisés
dans un cours d’eau ou un lac sont susceptibles de modifier la qualité de l’environnement, puisqu’ils sont automatiquement
assujettis à l’article
· les fluctuations abruptes du niveau d'eau du lac ne permettent pas aux espèces fauniques et floristiques de s'y acclimater;
· la vidange totale du lac causera des préjudices à la faune et à la flore qui s'y trouvent;
· les étangs adjacents au lac seront asséchés mettant en péril les amphibiens (tortues et grenouilles) en rendant d'autant plus précaire leur survie pendant la période hivernale;
· la présence d'une digue entrave la libre circulation du poisson.
[261] Le Tribunal considère donc que l’ordonnance no 635 est justifiée.
2.2 Absence d’avis préalable
[262] 3077004 prétend qu’il n’y a ni préjudice sérieux ni urgence qui peut justifier l’émission d’une ordonnance sans lui accorder un délai pour permettre de faire ses observations.
[263]
L’article
5. L’autorité administrative ne peut prendre une ordonnance de faire ou de ne pas faire ou une décision défavorable portant sur un permis ou une autre autorisation de même nature, sans au préalable :
1° avoir informé l’administré de son intention ainsi que des motifs sur lesquels celle-ci est fondée;
2° avoir informé celui-ci, le cas échéant, de la teneur des plaintes et oppositions qui le concernent;
3° lui avoir donné l’occasion de présenter ses observations et, s’il y a lieu, de produire des documents pour compléter son dossier.
Il est fait exception à ces obligations préalables lorsque l’ordonnance ou la décision est prise dans un contexte d’urgence ou en vue d’éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé aux personnes, à leurs biens ou à l’environnement et que, de plus, la loi autorise l’autorité à réexaminer la situation ou à réviser la décision.
[caractères gras ajoutés]
[264]
Tel que stipulé à l’article
118.1.1 La personne ou la municipalité à qui est notifiée une ordonnance, sans qu’elle en ait été informée au préalable parce que, de l’avis du ministre, il y a urgence ou danger de causer un préjudice irréparable, peut, dans le délai qui y est indiqué, présenter ses observations au ministre pour en permettre le réexamen.
[265] Notons que deux jours avant l’émission de l’ordonnance no 635, soit le 24 septembre 2013, le Ministère avait transmis à 3077004 un avis de non-conformité pour avoir exécuté une activité de pompage des eaux du lac sans obtenir préalablement le certificat d’autorisation requis en vertu de l’article 22 LQE[88].
[266]
Au paragraphe [14] de l’ordonnance no 635,
le Ministre indique qu’il juge la situation suffisamment urgente pour
notifier l’ordonnance sans avis préalable conformément aux articles
[267] La preuve est à l’effet que des observations ont été présentées au Ministre dans ce délai.
[268] En effet, le 30 septembre 2013, les procureurs de 3077004 demandent au Ministre la transmission de certains documents pour leur permettre de présenter une demande de réexamen concernant la première conclusion de l’ordonnance no 635 (cessation des travaux). En ce qui concerne la seconde conclusion de l’ordonnance (l’enlèvement des ouvrages dans le cours d’eau), y compris son inscription au registre foncier, il présente une demande de réexamen pour sa radiation aux motifs que :
1- Il est futile de nous permettre de demander dans les dix (10) jours de sa signification le réexamen d’une ordonnance qui demande une exécution dans les cinq (5) jours et, en cela, cette conclusion de l’ordonnance est prima facie abusive;
2- L’exigence d’enlever des ouvrages est une exigence permanente incompatible avec une ordonnance dont la nature est temporaire; on ne peut utiliser une disposition d’application temporaire pour obtenir un résultat permanent, car cela rend futile tout recours;
3- L’article 115.2 ne permet pas une mesure aussi radicale que la démolition d’un ouvrage.[89]
[269] Le 2 octobre 2013, étant sans nouvelle du Ministre, les procureurs de 3077004 réitèrent la demande du 30 septembre 2013 pour le réexamen de l’ordonnance no 635[90].
[270] Le 3 octobre 2013, le Ministère transmet aux procureurs de 3077004 les documents demandés les 30 septembre et 2 octobre 2013[91].
[271] Le 4 octobre 2013, le Ministre informe les procureurs de 3077004 qu’il maintient la seconde conclusion de l’ordonnance no 635 parce qu’elle constitue une mesure requise pour empêcher et diminuer une atteinte sérieuse à l’environnement, et ce, pour les motifs suivants :
· Le lien hydrique via le cours d’eau est essentiel pour assurer le libre écoulement des eaux et la libre circulation des espèces entre le lac Chérie et la rivière des Outaouais;
· Les cours d’eau ainsi que leurs bandes riveraines constituent des couloirs de déplacement préférentiels pour les espèces fauniques. La digue et le seuil constituent non seulement des obstacles à la libre circulation des poissons, mais également à celle des autres espèces fauniques tels que les amphibiens, pouvant emprunter le lit du cours d’eau pour leur déplacement de ou vers la rivière des Outaouais, portant préjudice à l’environnement.[92]
[272]
Le 7 octobre 2013, les procureurs de 3077004 demandent le réexamen de l’ordonnance no 635, soit
la radiation des conclusions de l’ordonnance et la radiation de son inscription
au registre foncier. Ils soutiennent que ces travaux sont soustraits à
l’application de l’article
[273]
Enfin, le 18 octobre 2013, le
Ministre informe les procureurs de 3077004 qu’il maintient l’ordonnance no 635, puisque
l’article
[274] Vu la preuve d’experts soumise qui confirme la présence d’espèces fauniques diversifiées et d’un lien hydrologique entre le lac situé sur le lot 3 969 100 et le lac des Deux-Montagnes, il est raisonnable de conclure qu’il y a un danger de causer un préjudice irréparable et qu’il y a urgence d’agir. En effet, la digue et le seuil construits dans le cours d’eau à la sortie du lac peuvent entraver la libre circulation des poissons et des amphibiens. On verra à la section 2.3 qu’il s’agit en fait d’un ouvrage sommaire et temporaire.
[275] Il est vrai que conformément à la deuxième conclusion de l’ordonnance no 635, le délai de 5 jours pour enlever tous les ouvrages réalisés dans le cours d’eau semble au premier abord inconciliable avec le délai de 10 jours pour présenter des observations au Ministre pour en permettre le réexamen.
[276] Toutefois, le contexte d’urgence ou de danger de causer un préjudice irréparable rend ce pouvoir d’ordonnance de la nature d’une injonction provisoire et, par conséquent, il n’est pas abusif que le délai pour l’enlèvement d’un tel ouvrage soit inférieur à celui pour permettre le réexamen de l’ordonnance no 635.
[277] Le Tribunal juge donc que l’émission de l’ordonnance no 635 sans avis préalable est justifiée.
2.3 Démolition d’ouvrages
[278]
3077004 conteste la deuxième
conclusion de l’ordonnance par laquelle le Ministre lui ordonne de procéder à
la démolition des ouvrages réalisés dans le cours d’eau. L’ordonnance de
l’article
[279]
Rappelons qu’en vertu du pouvoir
d’ordonnance prévu à l’article
[280] Le Tribunal est d’avis que le caractère temporaire d’ordonnance, du fait que celle-ci ne peut être émise que pour une période d’au plus 30 jours et prolongée d’au plus 60 jours, n’affecte en rien les mesures requises qui peuvent être ordonnées.
[281] Conformément à la deuxième conclusion de l’ordonnance no 635, les ouvrages réalisés dans le cours d’eau que le Ministre demande d’enlever représentent des digues et un seuil qui entravent la libre circulation du poisson.
[282] Selon le plan déposé dans le cadre de la demande d’autorisation à la Ville[95], il s’agit d’un bassin de sédimentation situé dans l’exutoire du lac et composé d’un enrochement de pierres de 100 à 200 millimètres ainsi que d’une membrane géotextile à une des extrémités. Une note dans la coupe type intitulée « bassin de sédimentation temporaire » indique l’obligation de remettre la zone touchée par le bassin de sédimentation dans le même état qu’avant les travaux.
[283] Lors de l’inspection du 13 septembre 2013, l’inspectrice Fisette constate un amas de roches recouvert d’une membrane géotextile dans le cours d’eau près de la décharge du lac.
[284]
Le Tribunal est d’avis que l’enlèvement d’un ouvrage sommaire et
temporaire est loin d’être abusif et fait certainement partie des mesures que le Ministre peut ordonner en vertu de
l’article
[285] Comme déjà mentionné aux sections 2.1 et 2.2, vu la preuve d’experts soumise, il est raisonnable de conclure que l’enlèvement d’un bassin de sédimentation temporaire construit dans le cours d’eau est justifié pour empêcher ou diminuer une atteinte à l’environnement ou un risque d’atteinte sérieuse, y compris à la végétation ou à la faune.
[286]
Le Tribunal considère donc que le
pouvoir d’ordonnance prévu à l’article
[287]
En somme, le pouvoir d’ordonnance du Ministre prévu à l’article
Question 3 : Le Ministre a-t-il respecté les principes de l’équité procédurale?
[288] 3077004 prétend que l’ordonnance est illégale vu que le Ministre ne s’est pas conformé aux principes de l’équité procédurale. Il aurait excédé ses compétences et poursuivrait une fin impropre en tentant de faire échec au projet selon une trame tissée de longue date avec l’appui de la Ville. On dénonce un manque de transparence dans tout le processus qu’on compare à un procès d’intention. Il aurait même été de mauvaise foi en ignorant les enseignements de la Cour d’appel dans l’arrêt 6169970 Canada inc.[96].
[289] Les principes de l’équité procédurale visent à garantir que les décisions administratives sont prises dans le cadre d’une procédure impartiale, équitable et transparente, adaptée au contexte :
28 […] Les valeurs qui sous-tendent l’obligation d’équité procédurale relèvent du principe selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position, et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision.[97]
[290] Pour se prononcer, il faut donc analyser le processus depuis le début.
[291] On se souvient que la Ville vend le site en 1989 à une compagnie qui s’est engagée à y faire un projet d’unités résidentielles (condominiums) en conservant le lac de la carrière[98].
[292] En 1992, la Ville approuve une grille de rues d’un autre projet en conservant toujours le lac de la carrière[99] et en 1999, elle accepte des modifications au plan directeur qui n’affectent toutefois pas le tracé de rues du projet[100].
[293] Entre-temps, on sait que 3077004 devient propriétaire du site en 1996 et qu’en 2000, le projet de développement domiciliaire « Les Floralies du lac » de Les Castels de Vaudreuil inc., dont le président est M. Wygodny, prévoit aussi conserver le lac Chéri[101].
[294] Le projet de remblayage du lac survient quelques années plus tard.
[295] On se rappelle que le 23 octobre 2008, M. Wygodny demande à la Ville l’autorisation de remblayer le lac de la carrière en prétendant que les travaux ne nécessitent pas d’autorisation du Ministère[102].
[296] Le 11 novembre 2008, Michel Vaillancourt, ingénieur et directeur des Services techniques, urbanisme et des eaux de la Ville, informe M. Wygodny qu’il devra compléter sa demande en faisant parvenir un avis favorable du Ministère autorisant l’exécution des travaux[103].
[297]
Le 21 novembre 2008, M. Wygodny
informe M. Vaillancourt que le Ministère lui a dit qu’il ne donne pas
d’avis dans ce genre de dossier et qu’il doit déposer une demande
d’autorisation en vertu de l’article
[298] Le 28 novembre 2008, le greffier St-Antoine informe M. Wygodny que la Ville considère sa demande prématurée et qu’une demande pour le changement du tracé des rues devrait être faite préalablement[105].
[299]
En mars 2009, la Ville refuse la demande de changement du tracé de rues
de 3077004 dans le cadre du projet « Les Castels de Vaudreuil », car
elle souhaite conserver le tracé de rues actuel qui fut approuvé en 1992[106].
Elle est aussi d’avis que les travaux sont assujettis à l’article
[300] En 2010, dans le cadre de la révision du schéma d’aménagement de la MRC de Vaudreuil-Soulanges, le Ministère signifie son opposition au projet de règlement proposé qui va à l’encontre des orientations ministérielles et demande d’identifier adéquatement le lac de la carrière comme un lac au sens de la Politique afin de le soustraire au développement. Cependant, le projet de règlement est adopté tel quel et le Ministre n’exerce pas son pouvoir prévu à la LAU[107] pour demander la modification du schéma d'aménagement lorsqu'il est d'avis qu'il ne respecte pas la Politique.
[301] Le 18 juillet 2011, M. Wygodny demande à nouveau à la Ville l’autorisation de remblayer le lac de la carrière et un milieu humide. D’abord, il mentionne qu’il désire revenir au concept original de maisons unifamiliales vu la réaction négative des citoyens à l’égard du projet de condominiums lors d’une présentation le 1er juin 2011.
[302] En ce qui concerne le milieu humide, M. Wygodny précise qu’il s’agit d’un petit milieu humide adjacent au lac de la carrière et puisqu’une demande sera adressée au Ministère, la Ville doit produire une attestation signée par le greffier à l’effet que le projet ne contrevient à aucun règlement municipal. Dans le cadre de cette demande, 3077004 avisera le Ministère qu’elle procédera au remblayage de la carrière[108].
[303] Le 9 août 2011, le greffier St-Antoine délivre un certificat attestant que le projet de remblayage de la carrière est conforme à la réglementation municipale[109]. On se souvient qu’à cette date, le lac de la carrière n’est pas un lac au sens de la réglementation de la Ville.
[304] Le 30 juillet 2012, M. Wygodny demande à la Ville la procédure à suivre et les permis requis pour remblayer la carrière[110].
[305] Le 1er août 2012, l’ingénieur Vaillancourt[111] précise à M. Wygodny que la Ville croit qu’il doit obtenir une autorisation du Ministère pour drainer complètement la carrière et la remplir avec de la terre et qu’à la suite de la réception de cette autorisation, elle délivrera un permis pour l’exécution des travaux selon certaines exigences[112].
[306]
On se souvient que, le 11 octobre
2012, l’ingénieur Lefebvre de CDGU demande un avis au Ministère concernant le
projet de remblayage du lac de la carrière. Le 26 novembre 2012, la
biologiste Piché précise que ces travaux de remblayage du lac de la carrière
sont assujettis à l’article
[307] On sait aussi que le 21 mai 2013, M. Wygodny demande à nouveau à la Ville l’autorisation de remblayer l’ensemble du lac de la carrière, soit un mois après la décision de la Cour d’appel dans l’affaire 6169970 Canada inc.[113].
[308]
Le 27 mai 2013, les procureurs de 3077004 écrivent à l’ingénieur Vaillancourt
de la Ville au sujet de la demande de certificat d’autorisation déposée à la
Ville. Ils soutiennent que la carrière abandonnée n’est ni un lac ni un cours
d’eau au sens du Règlement des permis et certificats et de régie interne no 1274
et que la demande est conforme aux dispositions réglementaires municipales[114].
De plus, ils prétendent que lorsque la Ville aura délivré le certificat
d’autorisation pour le remblayage de la carrière, ces travaux seront dès lors
exemptés de l’obtention d’un certificat
d’autorisation en vertu de l’article
[309] Le 19 juin 2013, l’ingénieur Vaillancourt de la Ville informe l’ingénieur Lefebvre de CDGU que la demande d’autorisation pour le remblayage du lac de la carrière est refusée, car un certificat d’autorisation du Ministère est requis au préalable. Il se base sur les informations que Martin Paré, urbaniste et conseiller pour la mise en valeur du territoire à la Ville, a reçues de la biologiste Piché du Ministère, qu’il joint à son courriel[115]. Le lendemain, Diane Lavallée, urbaniste du Service d’urbanisme de la Ville, confirme le refus[116].
[310] Le 4 juillet 2013, les procureurs de 3077004 mettent en demeure la Ville d’émettre le certificat d’autorisation pour le projet de remblayage du lac de la carrière sur la base des motifs exposés dans leur lettre du 27 mai 2013[117].
[311] Le 16 juillet 2013, à la suite d’une plainte, l’inspectrice Fisette du Ministère visite les lieux et constate qu’il n’y a aucun remplissage dans le lac.
[312] Le 19 juillet 2013, l’urbaniste Lavallée demande à l’ingénieur Lefebvre de CDGU des documents supplémentaires afin de compléter l’analyse de la demande[118]. On sait que le même jour, l’ingénieur Vaillancourt de la Ville délivre le CA 2013-21897 pour le remblayage du lot 3 969 100 avec le commentaire suivant :
Pour
votre information, un certificat d’autorisation en vertu de l’article
[313] Les 29 juillet 2013 et le 16 août 2013, les représentants de la Ville rappellent à l’ingénieur Lefebvre de CDGU et à 3077004 respectivement que le permis est conditionnel à l’obtention d’un certificat d’autorisation du Ministère en vertu de l’article 22 LQE[119].
[314] Le
16 août 2013, les procureurs de 3077004 répondent à l’urbaniste Lavallée en lui
précisant que les travaux de remblai de la carrière sont exemptés de
l’obtention d’un certificat d’autorisation en vertu de l’article
[315]
Le 21 août 2013, le greffier
St-Antoine répond aux procureurs de 3077004 en précisant que la position de la
Ville demeure inchangée. À défaut de confirmer que 3077004 détient un certificat d’autorisation du Ministère en vertu
de l’article
[316] Le 22 août 2013, les procureurs de la Ville mettent en demeure 3077004 de cesser tous travaux visant à procéder au remplissage du lac situé sur sa propriété sans avoir démontré qu’elle disposait particulièrement d’un certificat d’autorisation du Ministère en vertu de l’article 22 LQE[122].
[317] On se souvient des inspections du Ministère du 22 août 2013 jusqu’au 23 septembre 2013.
[318] En effet, le 22 août 2013, à la suite d’une autre plainte, l’inspectrice Fisette constate, notamment, qu’un avis de suspension du permis 2013-221897 a été émis par la Ville le 21 août 2013.
[319] Le 11 septembre 2013, la biologiste Piché se rend sur les lieux en compagnie d’une représentante du secteur faune du Ministère. Ses observations lui permettent de conclure que le lac de la carrière est un lac au sens de la Politique.
[320] Ayant été avisée la veille par la Ville que des travaux sont en cours, l’inspectrice Fisette constate, le 13 septembre 2013, que des travaux de vidange du lac sont en cours. Elle note que les travaux ont été arrêtés par deux inspecteurs de la Ville qui se sont présentés sur les lieux avec un ordre d’arrêter les travaux émis par la Ville le jour même.
[321] Enfin, le 23 septembre 2013, à la suite d’une autre plainte et ayant aussi été informé par la Ville que les travaux de pompage ont été repris, l’inspecteur Stéphane De Garie constate sur les lieux qu’une pompe vide les eaux du lac.
[322] D’autres événements sont aussi survenus le 23 septembre 2013.
[323] Le greffier St-Antoine transmet au chef d’équipe Bourque du CCEQ du Ministère le plan de l’arpenteur-géomètre Boudreault du 6 mars 2013[123].
[324] L’urbaniste Lavallée demande à 3077004 de cesser immédiatement de pomper l’eau du lac jusqu’à ce qu’elle fournisse à la Ville certaines informations, à savoir un certificat d’autorisation du Ministère concernant la façon de disposer l’eau de pompage[124]. Ces informations sont également demandées par l’ingénieur Vaillancourt[125].
[325] Les procureurs de la Ville mettent à nouveau en demeure 3077004, entre autres, de cesser tous travaux visant à procéder au vidage de l’eau du lac situé sur sa propriété sans avoir démontré qu’elle disposait d’un certificat d’autorisation du Ministère en vertu de l’article 22 LQE[126].
[326] On se rappelle la suite, soit les inspections effectuées par l’inspectrice Fisette jusqu’au 3 octobre 2013, l’émission de l’ordonnance no 635 le 26 septembre 2013, les demandes de réexamen des 30 septembre 2013 et 7 octobre 2013 et les réponses du Ministre les 4 octobre 2013 et 18 octobre 2013.
[327]
D’abord, comme le souligne la Cour supérieure dans l’affaire 6703917
Canada inc.[127],
le texte même de l’article
[328] Bien que la définition du terme « lac » dans la réglementation municipale en vigueur au moment des événements ajoute de la confusion, il n’est pas étonnant qu’une municipalité et le Ministre soient impliqués dans un même dossier lorsque vient le temps de vérifier la destination des ouvrages pour permettre de départager la responsabilité d’approuver des travaux dans le milieu hydrique, tel un lac.
[329] Le fait également que 3077004 ne précise pas clairement ses intentions en ce qui concerne la destination des travaux n’aide pas. Pourtant, ses procureurs soutenaient que l’usage éventuel après les travaux de remblai ne pouvait être qu’à des fins résidentielles.
[330] Ensuite, on se rend compte que la position du Ministre à l’égard du lac est connue depuis de nombreuses années, du moins depuis 2010. En effet, il s’est opposé dans le cadre de la révision du schéma d’aménagement de la MRC de Vaudreuil-Soulanges au projet de règlement proposé qui allait à l’encontre des orientations ministérielles et a demandé d’identifier adéquatement le lac de la carrière comme un lac au sens de la Politique afin de le soustraire au développement. La biologiste Piché a travaillé dans ce dossier.
[331]
Depuis l’avis de la biologiste Piché du 26 novembre 2012, 3077004 et M.
Wygodny savent que les travaux de remblayage du lac de la carrière sont
assujettis à l’article
[332] On constate aussi que les échanges survenus entre les représentants de la Ville et ceux du Ministère, particulièrement ceux entre la biologiste Piché et l’urbaniste Paré, apparaissent normaux dans un contexte de partage de responsabilités comme précédemment mentionné. De plus, le contenu de ces échanges a été transmis à l’ingénieur Lefebvre le 19 juin 2013.
[333] Le Ministre est intervenu à la suite d’au moins trois plaintes qui ne provenaient pas de la Ville[128].
[334]
Enfin, on constate en effet que le Ministre s’est interrogé[129]
sur sa compétence dans ce dossier à la suite du jugement 6169970 Canada inc.[130],
lequel est venu préciser le sens à donner à l’article
[335] Il faut admettre que la prétention du Ministre n’est pas complètement dénuée de fondement considérant que dans cet arrêt, la Cour d’appel mentionne ce qui suit :
[43] Un ouvrage destiné à des fins d'accès publics, sur une rive, plaine inondable ou sur le littoral réfère à des structures qui peuvent donner au public un accès vers le plan d'eau. On pense alors à un quai, une jetée ou un pont. Un ouvrage destiné à des fins municipales pourrait, par exemple, être un réseau d'aqueduc et d'égout.
[caractères gras ajoutés]
[336] On peut être en désaccord avec l’avis du Ministre, mais cela ne rend pas pour autant tout le processus décisionnel partial, inéquitable, non transparent ou que le Ministre a agi de mauvaise foi.
[337] En conclusion, le Tribunal considère que le Ministre a respecté les principes de l’équité procédurale.
[338]
En résumé, puisque l’activité
de pompage des eaux du lac et la réalisation d’une digue et d’un seuil dans le
cours d’eau, le tout situé sur le lot 3 969 100, contreviennent à la
LQE, que le pouvoir d’ordonnance du Ministre prévu à l’article
PAR CES MOTIFS, le Tribunal :
REJETTE le recours;
CONFIRME l’ordonnance no 635 rendue par le Ministre le 26 septembre 2013.
Daigneault, avocats inc.
Me Robert Daigneault
Procureur de la partie requérante
Bernard, Roy (Justice-Québec)
Me Charles Gravel
Procureur de la partie intimée
Dufresne Hébert Comeau inc.
Me Louis Béland, Me Jean-François Girard
Procureurs de la partie intervenante
[1] Maintenant le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.
[2] RLRQ, chapitre Q-2.
[3] RLRQ, chapitre J-3.
[4] Le lot visé est le lot 3 969 100 conformément au plan de l’arpenteur-géomètre Louis Boudreault, 6 mars 2013, minute 19 167 et non pas le lot 3 696 100 tel que mentionné dans l’ordonnance.
[5] Pièce R-2; Pièce P-30, le certificat d’autorisation 2013-21897 émis le 19 juillet 2013 est signé par l’ingénieur Vaillancourt le 29 juillet 2013.
[6] Pièces R-15, I-15 et I-16.
[7] 3077004 Canada inc. c. Vaudreuil-Dorion
(Ville de),
[8] Pièces R-5 et I-28, Document d’invitation, Ville de Vaudreuil, Projet de développement du site de la carrière, Gendron, Lefebvre consultants aménagement.
[9] Depuis 1983, la Commission de toponymie du Québec le décrit comme étant le lac artificiel dénommé le lac « La Carrière ».
[10] Pièce P-31, Évaluation environnementale du projet de développement domiciliaire « Les Floralies du lac », Consortium MDL-Groupe HBA experts-conseils.
[11] RLRQ, chapitre Q-2, r.35.
[12] Plan de lotissement, 6 mars 2013, minute 19167.
[13] Cie pétrolière Impériale
ltée c. Québec (Ministre
de l’Environnement),
[14] Les Auto-Core Désulmé et Gervais Ltée c. Québec (Procureur général),
CA,
[15] Filion c. Vallée-du-Richelieu (Municipalité régionale
de comté de la),
[16] RLRQ, chapitre Q-2, r.3.
[17] Pièce R-6, La réhabilitation des carrières et sablières : ça vaut le coup d’œil, mai 1979 et La réhabilitation des carrières et sablières : un coup de main à l’environnement, 1er trimestre 1984.
[18] Pièces R-19, R-19.1 et R-22.
[19] Identifiés comme marais.
[20] Pièce P-29, Caractérisation environnementale, Consultants Enviro-Plus, juillet 2012.
[21] Pièce R-20, Rapport d’expertise, 3 077 004 Canada inc., Statut, Déom + Paré Experts-Conseils inc., 17 décembre 2014, complété par les pièces R-22 et P-36.
[22] Toutefois, les dates correspondant aux photographies aériennes du tableau 2 sont de 1949 à 1994 et celles des cartes topographiques « années photo » du tableau 1 sont de 1944 à 1995. De plus, à la page 12 du rapport, on mentionne que des photographies aériennes et des images satellites ont été consultées de 1949 à 2013. Enfin, il n’y a aucun tableau détaillant les images satellites consultées.
[23] Seuil de roc (CDGU 2013) au niveau 23,77 m - 0,30 m = 23,47 m.
[24] Aucune capture avec cet engin de pêche.
[25] Pièce P-33, Rapport de contre-expertise, Lac La Carrière à Vaudreuil-Dorion, MDDELCC, 25 mars 2015.
[26] Pièce P-29, Caractérisation environnementale, Consultants Enviro-Plus, juillet 2012.
[27] Pièces P-24 et P-33, figure 2.
[28] Trait en rouge sur la Figure 1 qui correspond à la cote de crue 0-2 ans à 23,41 mètres.
[29] Pièce P-34, Rapport d’expertise, Valeur écologique du lac La Carrière et de l’ensemble du lot 3 969 100 à Vaudreuil-Dorion, MDDEFP, 20 février 2014.
[30] Pièce P-5.
[31] Pièces P-27, P-24, P-16, P-15, P-14, P-13, P-11, P-9, P-7, P-5.
[32] RLRQ, chapitre 61.1.
[33] RLRQ, chapitre 61.1, r.18.
[34] La bermudienne à feuilles étroites qui est une espèce SDVM a été observée sur le lot voisin.
[35] Spécialiste des reptiles et des amphibiens.
[36] Pièce I-23, Rapport, Caractérisation biologique des terrains non bâtis en zone blanche Ville de Vaudreuil-Dorion, Del Degan, Massé Experts-Conseils, décembre 2012, complété par la pièce R-24.
[37] Dictionnaire Larousse, www.Larousse.fr, juillet 2016.
[38] Dictionnaire Le Nouveau Petit Robert, DICOROBERT Inc., Montréal, Canada, 1993.
[39] Paule HALLEY,
[40] 3563308 Canada inc. c. Québec (Procureure générale),
(Ministère des Transports),
[41] Guide d’interprétation, Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, MDDEP, 2007.
[42] Pièce P-31, page 9.
[43] Pièce I-28 : 1.3.2 page 6, 1.3.7 page 12.
[44] Pièce P-31, pages 10, 13 et 22.
[45] Pièce P-33, littoral est le trait en rouge sur la Figure 1 qui correspond à la cote de crue 0-2 ans à 23,41 mètres.
[46] Reptiles et amphibiens.
[47] Pièce P-31, pages 11, 15 et 21.
[48] 3e volet « conservation » et 2e volet « biodiversité » respectivement.
[49] Un total de 81 individus = 65 dans la fosse principale + 16 dans les bassins 1 et 2.
[50] Pièce P-31, pages 13, 14 et 21.
[51] Voir paragraphe 2 de l’ordonnance no 635.
[52] La version du 18 mai 2005 (décret 468-2005) est applicable au présent dossier. Notez que les définitions ont été modifiées en juillet 2014 (décret 702-2014).
[53] Ministre de
l’Environnement et de la Faune
c. Marina L’Escale inc.,
[54] RLRQ, chapitre C-47.1.
[55] Décret 702-2014 concernant des modifications à la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, (2004) 31 G.O. II, 2767.
[56] 208 mètres moins le tronçon rectiligne d’environ 30 mètres.
[57] Pièce I-28, 1.3.7 page 12.
[58] Pièce P-31, page 22.
[59] Haute-Yamaska (Municipalité régionale de comté de la) c.
Camping Granby inc.,
[60] Succession Paul-Euclide Miron c. Ministère du
Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements
climatiques,
[61] Annexe 1 du Règlement des permis et certificats et de régie interne no 1274.
[62] Pièce I-25, Règlement 1274-16 tel qu’adopté par la Ville le 16 juin 2014.
[63] 6169970 Canada
inc. c. Québec (Procureur
général),
[64] 6703917 Canada inc. c. Procureur général du
Québec,
[65] 6169970 Canada inc. c. Québec (Procureur général), précité, note 63.
[66] Filion c. Vallée-du-Richelieu (Municipalité régionale de comté de la), précité, note 15.
[67] 6703917 Canada inc. c. Procureur général du Québec, précité, note 64.
[68] RLRQ, chapitre A-19.1.
[69] Pièces P-29 et R-14. Entre autres, des photographies étaient jointes à la demande.
[70] Pièce R-12.
[71] Pièce R-18.
[72] Pièces I-25 et R-13.
[73] Pièce I-25, Règlement 1275-200 tel qu’adopté par la Ville le 1er octobre 2013.
[74] Pièce R-1, lettre préparée par l’ingénieur Lefebvre de CDGU.
[75] Pièce R-1; La pièce R-1 a été révisée : Pièce R-3, plan de révision de l’accès au chantier du 14 août 2013.
[76] Pièce P-35.
[77] Pièces I-19 et I-20, Plan de lotissement, 6 mars 2013, minute 19167.
[78] Pièces I-20 et R-4, Plan cadastral, 15 mai 2013, minute 19320. Une copie conforme du 22 mai 2013 du plan de lotissement, 6 mars 2013, minute 19167, a aussi été transmise avec le plan cadastral.
[79] Pièce I-19.
[80] Plan de lotissement, 6 mars 2013, minute 19167 et plan cadastral, 15 mai 2013, minute 19320.
[81] Pièce I-12.
[82] Pièce R-22.
[83] Conformément au plan cadastral de l’arpenteur-géomètre Boudreault du 15 mai 2013, minute 19320, il s’agit du futur lot 5 246 509.
[84] LQ, 2011, chapitre 20.
[85] Ou de ses règlements, d’une ordonnance, d’une approbation, d’une autorisation, d’une permission, d’une attestation, d’un certificat ou d’un permis.
[86] Les Auto-Core Désulmé et Gervais Ltée c. Québec (Procureur général), précité, note 14.
[87] Pièces P-23, P-16 et P-15, environ 20 pouces = 3 pouces le 13 septembre 2013, 12 pouces le 24 septembre 2013 et 3 à 4 pouces le 25 septembre 2013.
[88] Pièce P-17.
[89] Pièce P-10.
[90] Pièce P-8.
[91] Pièce P-4.
[92] Pièce P-3.
[93] Pièce P-2.
[94] Pièce P-1.
[95] Pièce R-1.
[96] 6169970 Canada inc. c. Québec (Procureur général), précité, note 63.
[97] Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et
de l’Immigration),
[98] Pièce I-29.
[99] Pièce I-30, Résolution 92-05-296.
[100] Pièce I-33, Résolution 99-11-998. Le plan de subdivision préparé par l’arpenteur-géomètre Louis Boudreault et Géo-Projet International, en date du 1er novembre 1999, dossier M94-070, cité dans la résolution n’a pas été déposé.
[101] Pièce P-31, figure 2.
[102] Pièce I-21. Le plan joint à la demande n’a pas été déposé.
[103] Pièce I-21.
[104] Pièce I-21.
[105] Pièce I-21.
[106] Pièce I-21, Résolution 09-03-128. La demande du 11 décembre 2008 et le plan préparé par l’arpenteur-géomètre Louis Boudreault, 3 décembre 2008, minute 10479, n’ont pas été déposés.
[107] Articles 53.13 et 165.2.
[108] Pièce I-1. Le plan n’a pas été déposé.
[109] Pièce I-1.
[110] Pièce I-2, demande faite au nom de Les Castels de Vaudreuil inc.
[111] Maintenant directeur du Service du développement et de l’aménagement du territoire de la Ville.
[112] Pièce I-3.
[113] 6169970 Canada inc. c. Québec (Procureur général), précité, note 63.
[114] Pièce P-35.
[115] Pièces I-6, R-9 et R-10.
[116] Pièce I-5.
[117] Pièce I-6.
[118] Pièce I-7.
[119] Pièces I-8 et I-9.
[120] Pièce P-30.
[121] Pièce P-30.
[122] Pièce P-30.
[123] Pièces P-18 et R-11, plan de lotissement préparé par l’arpenteur-géomètre Louis Boudreault, 6 mars 2013, minute 19167.
[124] Pièce P-30.
[125] Pièce I-13.
[126] Pièce P-30.
[127] 6703917 Canada inc. c. Procureur général du Québec, précité, note 64.
[128] Pièces P-21 et P-26 et P-27.
[129] Pièce R-21.
[130] 6169970 Canada inc. c. Québec (Procureur général), précité, note 63.
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