Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

En matière de régime des rentes

 

 

Date : 23 janvier 2015

Référence neutre : 2015 QCTAQ 01598

Dossier  : SAS-Q-197465-1312

Devant les juges administratifs :

LISE BIBEAU

LORRAINE BÉGIN

 

H… D…

Partie requérante

c.

RÉGIE DES RENTES DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]              Par requête présentée au Tribunal, le requérant demande d’infirmer une décision rendue le 5 novembre 2013 par l’agent-réviseur de la Régie des rentes du Québec, ci - dessous désignée l’intimée. Cette décision est conséquente à une demande de rentes d’invalidité présentée par le requérant (né le 22 décembre 1953) et reçue par la Régie intimée le 18 juillet 2012.

[2]              Le requérant demande donc de lui reconnaître le droit à des prestations de rente d’invalidité en raison du fait que sa capacité résiduelle ne lui permet pas d’occuper régulièrement un emploi rémunérateur.

[3]              La Régie intimée considère que le requérant n’est pas éligible à des prestations de rente d’invalidité s’appliquant aux personnes de moins de 60 ans, car la hernie discale qui l’affecte est soulagée par la médication et une chirurgie devrait améliorer la symptomatolo-gie douloureuse. Sa condition de santé n’entraîne pas de limitations fonctionnelles suffi-santes pour empêcher le requérant d’occuper régulièrement tout emploi rémunérateur. Par ailleurs, le requérant n’est pas éligible à des prestations de rente d’invalidité s’appliquant aux personnes âgées de 60 à 65 ans en raison du fait qu’il n’a pas suffisamment cotisé au Régime de rentes du Québec. En vertu des nouvelles dispositions entrées en vigueur le 1er janvier 2013, une personne doit alors avoir cotisé au minimum quatre années au cours des six dernières années de la période cotisable. Puisque c’est en décembre 2013 que le requérant aura 60 ans, la période de cotisation se termine donc le 1er janvier 2014. Des cotisations sont donc nécessaires depuis 2009 pour une durée minimale de quatre années (4 sur les 6 dernières années). N’ayant cotisé à aucune de celles-ci, le requérant n’est pas éligible. C’est ainsi que peut se résumer la décision rendue par la Régie intimée.

[4]              Les parties furent donc convoquées en audience devant les soussignées.

[5]              Au jour prévu, le requérant et le représentant de la Régie intimée sont présents.

[6]              Pour décider, les soussignées disposent d’une preuve documentaire constituée du dossier administratif paginé 1 à 78 et du témoignage du requérant.

[7]              Il serait superfétatoire de faire un compte-rendu détaillé de la preuve présentée.

[8]              Tout au plus, de cette preuve, il convient de souligner ce qui suit :

-        Le requérant était âgé de 59 ans au moment de la présentation de sa demande;

-        Il allègue que depuis février 2005, il a cessé de travailler en raison de douleurs lombaires qui l’affectaient dans ses activités professionnelles et qui l’affectent toujours dans son quotidien;

-        Il occupait alors un emploi manuel d’ouvrier dans une entreprise de mise en marché des produits du tabac. Il occupait un emploi depuis 1976;

-        Il a fait neuf années d’études scolaires;

-        Il détient toujours un permis de conduire de classe 5 et 6a. Néanmoins, il n’est pas con-fortable pour conduire sur de longues distances et limite donc son temps de conduite;

-        Son médecin traitant a produit le 31 juillet 2012 un rapport médical à l’appui de sa de-mande. Notamment, le médecin traitant écrit que son patient ne peut occuper d’emploi tant qu’une chirurgie et une période de réadaptation n'auront pas été complétées. Par ailleurs, il est d’avis qu’il ne pourra reprendre son même emploi ou quelque autre emploi en raison de son incapacité à demeurer en position prolongée assise ou debout;

-        En 2012, son médecin traitant l’a référé auprès d’un neurochirurgien en vue que soit réalisée une opération chirurgicale à la colonne lombaire;

-        La date de la chirurgie n’était pas encore connue au moment de la décision de l’agent-réviseur;

-        Entre-temps, le requérant consomme au besoin du Tylénol et prend des bains chauds. Antérieurement, il s’était vu prescrire de la médication dérivée de la morphine, mais éprouva des effets secondaires indésirables. Il a fait des exercices de stretching qui lui furent bénéfiques, mais pas au point de devenir capable de reprendre son travail;

-        Il passe ses journées souvent couché. Il peut faire de petits travaux ménagers, mais ne peut passer la balayeuse;

-        Une imagerie médicale fut réalisée le 26 mars 2004 révélant une importante hernie discale centro-latérale droite comprimant la portion antérieure du fourreau dural et déplaçant postérieurement la racine S1 droite. La hernie a une épaisseur d’environ 8 mm, mais il n’y a pas de sténose du canal spinal secondaire. Le reste de l’examen au niveau L5-S1 est sans autre particularité;

-        Pour le moment, le requérant reçoit des prestations d’invalidité de sa compagnie d’assurance;

-        La régie demanda une opinion médicale à son médecin évaluateur. Celui-ci fit un rapport daté du 16 octobre 2013.

[9]              Dans ce rapport, on lit notamment que le service médical reconnaît que la condition actuelle de santé du requérant ne lui permet plus d’occuper son emploi antérieur, lequel est sollicitant pour la région lombaire. Bien qu’il pourrait se qualifier médicalement pour une rente d’invalidité destinée aux personnes de 60 ans et plus, reste que sur le plan administratif, le requérant n’a pas suffisamment cotisé pour y avoir droit. Quant à la rente d’invalidité pour personne âgée de moins de 60 ans, le médecin considère que les douleurs associées à ce diagnostic sont soulagées par la prise de médication, qu’il n’y a pas de suivi étroit et de prise en charge en spécialité, que le requérant se déplace sans aide et que la chirurgie à venir devrait en toute probabilité améliorer la symptomatologie douloureuse. De sorte qu’au regard du droit à la rente d’invalidité pour les moins de 60 ans, le médecin évaluateur est d’avis que le requérant demeure, d’ici à ce que la chirurgie soit réalisée, capable d’accomplir un travail rémunérateur de type sédentaire sollicitant peu la colonne lombaire. Il y voit donc seulement une incapacité totale temporaire, de sorte que sa situation ne correspond pas médicalement aux exigences de l’article 95 de la Loi sur le régime de rentes du Québec.

[10]           C’est ainsi que peut se résumer l’ensemble de la preuve présentée.

[11]           Après revue de l’ensemble de cette preuve et des prétentions des parties, les soussignées, ayant délibéré, décident que ce recours présenté par le requérant doit être rejeté.

[12]           Rappelons que ce sont les articles 95 et 106 de la Loi sur le régime de rentes du Québec (RLRQ, chapitre R-9) qui gouvernent le présent litige. Nous reproduisons cet article de loi et avons souligné les passages pertinents au présent litige. Cet article de loi se lit comme suit :

95. Une personne n'est considérée comme invalide que si la Régie la déclare atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée.

Une invalidité n'est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

En outre, dans le cas d'une personne âgée de 60 ans ou plus, une invalidité est grave si elle rend cette personne régulièrement incapable d'exercer l'occupation habituelle rémunérée qu'elle détient au moment où elle cesse de travailler en raison de son invalidité.

Une invalidité n'est prolongée que si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.

La Régie publie périodiquement ses directives en matière d'évaluation médicale de l'invalidité.

1965 (1re sess.), c. 24, a. 109; 1983, c. 12, a. 5; 1993, c. 15, a. 18; 2002, c. 52, a. 4.

(Les soulignements sont des soussignées)

Qu’en est-il du droit du requérant à la rente d’invalidité destinée aux personnes âgées de moins de 60 ans?

[13]           Au moment de la présentation de sa demande de rentes d’invalidité, le requérant avait 59 ans. À juste titre, dans la décision, l’agent-réviseur rappelle que suivant l’article 95 de la loi, lorsque le réclamant est âgé de moins de 60 ans, il doit démontrer que son invalidité est grave et prolongée. Or, toujours selon ce même article de loi, une invalidité peut se qualifier de « grave » si elle rend cette personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cela ne se limite donc pas à l’incapacité de continuer à accomplir l’ancien emploi que le réclamant exécutait avant sa cessation. Cela englobe donc tout type d’emploi.

[14]           Par ailleurs, cette incapacité doit être « prolongée », c’est-à-dire qu’elle doit durer indéfiniment ou entraîner le décès de cette personne.

[15]           Dans le présent litige, tel qu’il appert du rapport du médecin traitant, vu chez son patient la présence d’une importante hernie discale lombaire affectant L5-S1, celui-ci est d’avis qu’il ne peut présentement accomplir son travail habituel. Ceci prévaudra, tant que son patient ne se sera pas fait opérer et qu’un suivi postopératoire en réadaptation physique n’aura pas été complété. Au surplus, le médecin traitant est d’avis que son patient ne peut actuellement accomplir quelque autre type de travail, ce qui inclut donc un emploi de type « sédentaire ». Il explique que cela est en raison des difficultés du patient à demeurer en position assise ou debout de façon prolongée.

[16]           Nonobstant le fait que la période d’attente de cette chirurgie s’avère longue, les soussignées ne peuvent faire autrement que de conclure qu’il s’agit là d’une incapacité temporaire et non définitive.

[17]           D’ailleurs, dans un rapport médical rempli en février 2005 par le médecin traitant à l’intention de l’assureur, ce dernier répond comme suit à la question « Please provide détails, including the date you expect patient will recover sufficiently to resume work ? » :

[18]           « Unable to say untill sees orthopedic surgeon ».[1]

[19]           Il répondra également ainsi dans un autre rapport à l’assureur d’avril 2007.[2]

[20]           En conséquence, une telle invalidité, bien que pouvant être considérée « grave », n’est pas prolongée, car elle ne durera pas indéfiniment.

[21]           Ainsi, le requérant alors âgé de 59 ans au moment de sa demande ne répond pas à l’une des exigences prévues à l’article 95 concernant la rente d’invalidité attribuable pour les personnes âgées de moins de 60 ans.

Néanmoins, le requérant pouvait-il se qualifier à la rente d’invalidité expressément prévue pour les personnes âgées de 60 ans et plus, mais de moins de 65 ans?

[22]           En effet, lorsqu'on lit l’article 95, l’on peut remarquer que les exigences médicales d’admissibilité sont moins restrictives concernant les personnes âgées de 60 ans et plus, mais de moins de 65 ans. En effet, pour être éligible, l’incapacité doit être telle que le requérant ne puisse plus occuper l’emploi qu’il détenait.

[23]           À la lecture de la fiche récapitulative retrouvée au dossier du Tribunal et émanant de la Régie intimée, il semble bien que celle-ci reconnaisse qu’en dépit de la réalisation de cette chirurgie, les limitations fonctionnelles anticipées après sa convalescence seront inconciliables avec les exigences physiques de son dernier emploi. Ainsi, du point de vue médical, il pourrait se qualifier à des rentes d’invalidité, étant donné qu’il est maintenant dans cette tranche d’âge des personnes âgées de 60 ans, mais de moins de 65 ans.[3]

[24]           Toutefois, pour avoir droit au versement de ce type de rentes d’invalidité, le requérant doit avoir suffisamment d’années au régime des rentes du Québec. C’est là la contribution exigée pour recevoir des rentes en provenance de la Régie, à l’instar d’autres régimes d’assurance ou de rentes.

[25]           Or, c’est à l’article 106 de la loi qu’est prescrit le nombre minimal d’années de contribution exigée. On y lit ceci :

106. Un cotisant n'est admissible à une rente d'invalidité que s'il est âgé de moins de 65 ans, est invalide et a versé des cotisations pour l'un des groupes d'années suivants:

a) deux des trois dernières années comprises entièrement ou partiellement dans sa période cotisable ou deux années, si cette période ne comprend que deux années;

b) cinq des 10 dernières années comprises entièrement ou partiellement dans sa période cotisable;

c) la moitié du nombre total des années comprises entièrement ou partiellement dans sa période cotisable, mais au moins deux années.

Toutefois, un cotisant âgé de 60 ans ou plus visé au troisième alinéa de l'article 95 n'est admissible à une rente d'invalidité que s'il a versé des cotisations pour au moins quatre des six dernières années comprises entièrement ou partiellement dans sa période cotisable.

Pour l'application du présent article, la période cotisable du cotisant se termine à la fin du mois où il est devenu invalide.

1965 (1re sess.), c. 24, a. 120; 1974, c. 16, a. 19; 1993, c. 15, a. 35; 1997, c. 73, a. 38; 2011, c. 36, a. 7.

[26]           Puisque le requérant devenait en décembre 2013 âgé de 60 ans, sa période cotisable prenait donc fin le 1er janvier 2014.

[27]           En effet, comme nous le verrons, malgré le fait que le requérant cessa de travailler pour des raisons de santé bien avant le jour de ses 60 ans et ne put ainsi contribuer au régime, celui-ci « est devenu invalide » au sens de la loi que le jour de son soixantième anniversaire.

[28]           Malheureusement, le Tribunal ne peut raccourcir cette période de cotisations exigée de manière à la faire rétroagir au mois de février 2005, mois de son arrêt de travail, et réduire ainsi les années de contribution exigées. L’article 96 de cette loi interdit une telle avenue. En effet, on y prévoit ce qui suit :

96. La Régie fixe, en fonction de la preuve présentée, la date à laquelle une personne est devenue invalide ou cesse de l'être.

Toutefois, la date du début de l'invalidité d'une personne, aux fins de la rente d'invalidité ou du montant additionnel pour invalidité après la retraite, ne peut être fixée avant la dernière des dates suivantes:

 a) le premier jour du douzième mois qui précède la date à laquelle la demande de prestation a été faite;

 b) (paragraphe abrogé);

 c) la date du soixantième anniversaire de naissance du cotisant, si ce dernier est déclaré invalide aux termes du troisième alinéa de l'article 95;

 d) (paragraphe abrogé);

 e) la date de la demande de partage prévue aux articles 102.5 ou 102.10.7, si le cotisant est admissible aux termes des articles 106 ou 106.1, uniquement en raison de gains admissibles non ajustés qui lui ont été attribués.

Le bénéficiaire de la rente d'invalidité ou du montant additionnel pour invalidité après la retraite est réputé régulièrement capable d'exercer une occupation véritablement rémunératrice et, de ce fait, avoir cessé d'être invalide dès qu'il exerce une telle occupation depuis trois mois.

1965 (1re sess.), c. 24, a. 110; 1974, c. 16, a. 16; 1983, c. 12, a. 6; 1985, c. 4, a. 6; 1989, c. 55, a. 36; 1993, c. 15, a. 20; 1997, c. 73, a. 22; 2011, c. 36, a. 4.

[29]           Rappelons qu’aucune preuve documentaire ne fut présentée par le requérant aux soussignées démontrant qu’il aurait cotisé pour la période minimale requise par la loi, la-quelle est de quatre années sur les six dernières années de toute sa période cotisable. De-vant les soussignées, le requérant affirma qu’il n’avait pas occupé quelque emploi depuis février 2005. Or, pour être éligible à ce type de rente d’invalidité, il aurait fallu que de 2009 à 2014, il ait cotisé durant quatre années, et ce, en dépit de ses limitations fonctionnelles.[4]


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

-        REJETTE le recours.


 

LISE BIBEAU, j.a.t.a.q.

 

 

LORRAINE BÉGIN, j.a.t.a.q.


 

Me Michel Bélanger

Procureur de la partie intimée


 



[1]    Voir page 24 du dossier.

[2]    Voir page 27 du dossier.

[3]    Voir pages 35 et 36 du dossier.

[4]    Il s’agit là d’un choix que le législateur a fait résultant de la mise en vigueur le 01-01-2013 de l’article 7 du chapitre 36 des Lois de 2011 dite « Loi modifiant la Loi sur le régime des rentes et d’autres dispositions législatives ».

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