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Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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No: |
33-16-1883 |
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DATE : |
16 février 2017 |
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LE COMITÉ : |
Me Patrick de Niverville, avocat |
Président |
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M. Abdel Arzik, courtier immobilier |
Membre |
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M. Salvatore Ciocca, courtier immobilier |
Membre |
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FRANÇOIS LEBEL, ès qualités de syndic adjoint de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec |
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Partie plaignante |
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c. |
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PHILIPPE SCHUBERT SAMEDI, (E3991) |
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Partie intimée |
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DÉCISION SUR SANCTION |
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[1] Le 23 janvier 2017, le Comité de discipline de l’OACIQ se réunissait pour procéder à l’audition sur sanction de la plainte numéro 33-16-1883;
[2] Le syndic adjoint était alors représenté par Me Vanessa J. Goulet et, de son côté, l’intimé assurait seul sa défense;
[3] Le 2 novembre 2016, l’intimé a été reconnu coupable[1] des infractions suivantes :
1. Entre le ou vers le 7 septembre 2014 et le ou vers le 12 septembre 2014, concernant l'immeuble sis au [...] à Terrebonne, l'intimé a effectué des opérations de courtage, et ce, alors que son permis faisait l'objet d'une suspension, notamment :
a) en visitant ledit immeuble avec le promettant-acheteur, Daniel Junior Moïse et son épouse;
b) en rédigeant et/ou en participant à la rédaction de l'«Offre d'achat - propriété résidentielle»;
c) en présentant l'«Offre d'achat - propriété résidentielle» aux vendeurs, Severine Monget et Miraj I. Chowdhury;
contrevenant ainsi à l'article 17 du Règlement sur la délivrance des permis de courtier ou d'agence.
[4] Cela dit, les parties ont présenté une courte preuve sur sanction ;
I. Preuve sur sanction
[5] Le syndic adjoint, par l’entremise de son avocate, a déposé de consentement les pièces suivantes :
PS-1 : Attestation d’usage du permis de courtier immobilier #E3991 de Philippe Schubert Samedi en date du 20 janvier 2017 ;
PS-2 : En liasse, copie de la décision sur culpabilité et sanction rendue par le Comité de discipline dans le dossier 33-14-1735 en date du 10 février 2015 et copie de la décision de la Cour du Québec dans le dossier 500-80-030390-158 en date du 3 octobre 2016 ;
PS-3 : En liasse, copie des décisions du Comité de discipline rendues en date du 11 avril et 26 août 2016 dans le dossier 33-12-1798.
[6] Suivant la pièce PS-1, l’intimé devait produire au plus tard le 30 octobre 2016, au service des greffes de l’OACIQ, une attestation de son comptable et de lui-même démontrant qu’il avait fait ses remises de taxes aux autorités fiscales, à défaut de quoi son permis serait suspendu ;
[7] Cette condition lui avait été imposée par le Comité de délivrance et de maintien des permis[2] (ci-après, « CDMP ») ;
[8] De fait, cette condition n’ayant pas été respectée par l’intimé, son permis fut suspendu ;
[9] En défense, l’intimé a prétendu avoir fait parvenir lesdits documents au CDMP ;
[10] En contre-preuve, la partie plaignante a fait entendre Me Hudon du Service des greffes afin de démontrer que lesdits documents n’avaient jamais été transmis au CDMP ;
[11] Finalement, un délai fut accordé à l’intimé, jusqu’au 27 janvier 2017, pour tenter de retracer la preuve de l’envoi desdits documents ;
[12] Suite à la réception de cette preuve, le 25 janvier 2017, le Comité a été à même de constater que l’intimé avait effectivement fait ses remises de taxes en temps opportun ;
[13] Cependant, aucun de ces documents n’établit la transmission de ceux-ci au CDMP, se trouvant, par le fait même, à confirmer le témoignage de Me Hudon, suivant lequel le Service des greffes n’a jamais reçu lesdits documents, d’où la suspension du permis ;
[14] Mais il y a plus, le permis de l’intimé fut révoqué le 22 novembre 2016 pour cause de non-paiement ;
[15] Suivant l’intimé, sa situation financière ne lui permettait pas d’acquitter les frais exigés par l’OACIQ ;
[16] Suivant son témoignage, celui-ci est actuellement sur l’aide sociale[3] et demeure chez ses parents vu ses capacités financières pour le moins réduites ;
[17] Il cherche de l’emploi mais sans succès, il est âgé de 48 ans et désire éventuellement revenir à la pratique du courtage immobilier ;
[18] Il estime avoir tiré des leçons de la présente situation et regrette amèrement ses faits et gestes qui l’ont mené, à plusieurs reprises, devant le Comité de discipline ;
II. Argumentation
A) Par le syndic adjoint
[19] Dans un premier temps, Me Goulet a rappelé les grands principes en matière de sanction, à savoir :
· La protection du public ;
· La dissuasion du professionnel à récidiver ;
· L’exemplarité à l’égard des membres de la profession ;
· Le droit de l’intimé d’exercer sa profession ;
[20] De plus, celle-ci a particulièrement insisté sur les antécédents disciplinaires de l’intimé, soit :
· OACIQ c. Samedi, 2015 CanLII 7958 (QC OACIQ), confirmé en appel le 3 octobre 2016, C.Q. no. 500-80-030390-158 ;
· OACIQ c. Samedi, 2016 CanLII 28816 (QC OACIQ) et 2016 CanLII 60395 (QC OACIQ) ;
[21] Cela dit, elle rappelle la gravité objective des infractions lesquelles sont au cœur même de l’exercice de la profession ;
[22] Me Goulet insiste également sur le caractère volontaire des actes posés par l’intimé, celui-ci sachant pertinemment que son permis était suspendu et il a, malgré tout, continué de poser des gestes réservés aux membres de la profession ;
[23] Enfin, elle insiste sur le risque élevé de récidive que représente l’intimé vu ses antécédents disciplinaires ;
[24] Elle suggère donc une suspension de 120 jours sur chacun des chefs d’infraction, à être purgée de façon concurrente entre elles mais de façon consécutive aux autres périodes de suspension imposées par le Comité de discipline dans les autres dossiers de l’intimé[4] ;
[25] De plus, afin de donner un effet dissuasif et exemplaire à la sanction, elle suggère d’imposer également une amende de 1 000 $ par chef, pour un total de 3 000 $ ;
[26] À l’appui de ses prétentions, Me Goulet réfère le Comité aux décisions suivantes :
· OACIQ c. Magete, 2014 CanLII 43819 (QC OACIQ) ;
· OACIQ c. Assi, 2015 CanLII 19181 (QC OACIQ) ;
· OACIQ c. Montreuil, 2012 CanLII 95097 (QC OACIQ) ;
· OACIQ c. Ahmed, 2010 CanLII 100112 (QC OACIQ) ;
· ACAIQ c. Jean-Baptiste, 2005 CanLII 80885 (QC OACIQ) ;
· ACAIQ c. Duclos, 2006 CanLII 84385 (QC OACIQ) ;
[27] De l’ensemble de ces décisions, il ressort que les sanctions suggérées par le syndic adjoint s’inscrivent parfaitement dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour ce type d’infractions ;
[28] En conséquence, Me Goulet demande au Comité d’entériner les sanctions suggérées ;
B) Par l’intimé
[29] De son côté, l’intimé demande au Comité de faire preuve de clémence ;
[30] Celui-ci insiste sur le caractère pour le moins précaire de sa situation financière et plaide en faveur d’une suspension sans l’imposition d’amendes ;
[31] Il réalise qu’il a commis plusieurs erreurs et s’engage à ne pas récidiver ;
[32] Enfin, il conclut en mentionnant qu’une suspension de 120 jours, c’est beaucoup trop long, sans toutefois suggérer une autre durée pour celle-ci ;
II. Analyse et décision
[33] Dans un premier temps, le Comité tient à préciser que les condamnations antérieures de l’intimé ne constituent pas des antécédents disciplinaires au sens strict de ces termes ;
[34] En effet, ces décisions disciplinaires[5] ont été rendues après la commission des infractions reprochées dans le présent dossier, lesquelles ont été commises en 2014, alors que les deux (2) autres décisions disciplinaires ont été rendues en 2015 et 2016 ;
[35] Par contre, le Comité estime qu’il s’agit d’un facteur aggravant démontrant un certain laxisme de la part de l’intimé quant aux règles gouvernant sa profession ;
[36] Ce facteur à connotation négative permet d’apprécier la personnalité de l’intimé et les risques de récidive qu’il représente ;
[37] À cet égard, le Comité fait siens les propos du Tribunal des professions dans l’affaire Dupont[6] :
«[52] Néanmoins, dans l’évaluation des facteurs subjectifs devant être pris en compte dans la détermination de la sanction, le comité mésestime cette dimension du dossier et confond possiblement un antécédent disciplinaire, en terme de condamnation, inscrite comme telle au dossier du professionnel, et la conduite du professionnel, vue comme un aspect important de l’évaluation du risque de récidive, et par voie de conséquence, de la détermination de la sanction juste et appropriée;» [7] (Nos soulignements)
[38] Qui plus est, le principe établi par l’affaire Dupont fut repris par le Tribunal des professions dans l’affaire Huneault[8], laquelle décision a fait l’objet d’une requête en révision judiciaire qui fut, dans un premier temps, accueillie par la Cour supérieure[9] pour finalement être rejetée par la Cour d’appel le 10 juillet 2006, confirmant ainsi la justesse du jugement du Tribunal des professions[10] ;
[39] Cela dit, le Comité considère que la protection du public exige que l’intimé se fasse imposer une suspension de 120 jours tel que suggéré par la poursuite ;
[40] De plus, si l’on désire que cette période de suspension puisse avoir un quelconque effet dissuasif sur le comportement de l’intimé, celle-ci doit nécessairement être consécutive à celles déjà imposées par le Comité de discipline dans les deux (2) autres dossiers de l’intimé ;
[41] Par contre, le Comité doit également favoriser la réhabilitation de l’intimé et éviter de lui imposer une sanction accablante, tel que le soulignait dernièrement la Cour d’appel dans l’arrêt Duhamel[11] :
[14] La Cour suprême du Canada rappelait récemment le rôle important de l’objectif de la réinsertion sociale des délinquants. Le juge Wagner écrit en effet ce qui suit :
[4] Parmi les principaux objectifs du droit criminel canadien, on trouve l’objectif de réinsertion sociale du délinquant. Cet objectif fait partie des valeurs morales fondamentales qui distinguent la société canadienne de nombreuses autres nations du monde et il guide les tribunaux dans la recherche d’une peine juste et appropriée.
[42] Cela dit, la période de suspension de 120 jours semble appropriée au cas de l’intimé, par contre, l’imposition des amendes, dans la situation actuelle de l’intimé, constituerait une sanction accablante qui mettrait en péril ses chances de réhabilitation ;
[43] À cet égard, le Comité estime qu’il y a lieu de reporter le paiement des amendes et des déboursés à une période où l’intimé sera en mesure de les acquitter ;
[44]
Le quatrième
alinéa de l’article
[45] D’ailleurs, la jurisprudence[12] reconnaît que le Comité de discipline possède une très large discrétion pour établir « les conditions et les modalités » de la sanction, à l’exception du fait qu’une période de radiation ne peut jamais être rétroactive ;
[46] Forts de ce pouvoir, certains comités ont même décrété des suspensions inconditionnelles, de sorte que les périodes de suspensions ne furent jamais purgées[13] ;
[47] D’autres comités ont suspendu de façon inconditionnelle le paiement de certaines amendes[14] ;
[48] Cela étant établi, le Comité considère que, d’une part, les faits du présent dossier justifient l’imposition d’une amende mais que, d’autre part, la situation financière de l’intimé ne lui permet pas d’acquitter, à court ou à moyen terme, les amendes et les frais reliés au présent dossier ;
[49] Dans les circonstances, le paiement des amendes et des déboursés, incluant les frais de publication de l’avis de suspension, sera suspendu jusqu’au moment où l’intimé redeviendra titulaire d’un permis de l’OACIQ ;
[50] Dans le même ordre d’idées, un délai de paiement de 12 mois sera accordé à l’intimé pour acquitter lesdits montants, calculé à compter de sa date de réinscription.
PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :
IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes:
Chef 1a):
ORDONNE la suspension du permis de courtier immobilier E3991 de l’intimé pour une période de 120 jours à être purgée à l’expiration des délais d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire ;
ORDONNE le paiement d’une amende de 1 000 $ ;
Chef 1b) :
ORDONNE la suspension du permis de courtier immobilier E3991 de l’intimé pour une période de 120 jours à être purgée à l’expiration des délais d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire ;
ORDONNE le paiement d’une amende de 1 000 $ ;
Chef 1c) :
ORDONNE la suspension du permis de courtier immobilier E3991 de l’intimé pour une période de 120 jours à être purgée à l’expiration des délais d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire ;
ORDONNE le paiement d’une amende de 1 000 $ ;
ORDONNE que les périodes de suspension des chefs 1a) à c) soient purgées de façon concurrente entre elles ;
ORDONNE que les périodes de suspension des chefs 1a) à c) soient purgées de façon consécutive aux périodes de suspension imposées par le Comité de discipline dans les dossiers 33-14-1735 et 33-15-1798 ;
ORDONNE qu’un avis de la décision de suspension soit publié dans un journal local à l’expiration des délais d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire ;
CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés, incluant les frais de publication ;
Conformément au 4e alinéa de
l’article
SUSPEND le paiement des amendes et des déboursés, incluant les frais de publication de l’avis de suspension, jusqu’au moment où l’intimé redeviendra titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ;
ACCORDE à l’intimé un délai de 12 mois pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, incluant les frais de publication de l’avis de suspension, calculé à compter de la date à laquelle l’intimé redeviendra titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec.
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____________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président
____________________________________ M. Abdel Arzik, courtier immobilier Membre
____________________________________ M. Salvatore Ciocca, courtier immobilier Membre
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Me Vanessa J. Goulet |
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Procureure de la partie plaignante |
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M. Philippe Schubert Samedi (personnellement) |
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Partie intimée |
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Date d’audience : 23 janvier 2017 |
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Prise en délibéré : 27 janvier 2017 |
[1] 2016 CanLII 783733 (QC OACIQ);
[2] CDMPT-14-E5784;
[3] Pièce IS-1;
[4] PS-2 et PS-3;
[5] PS-2 et PS-3;
[6] Dentistes c. Dupont,
[7] Ibid., par. 52;
[8] Notaires c. Huneault, [2005] QCTP) 53;
[9] 2006 QCCS 66 (CanLII);
[10] Laliberté c. Huneault,
[11] R. c. Duhamel,
[12] O.I.I.Q. c. Labelle,
Lambert c. Agronomes,
[13] Voir l’affaire Lévesque telle que rapportée au par. 16 de la décision OACIQ c. Tremblay, 2013 CanLII 77825 (QC OACIQ);
[14] CHAD c. Domon, 2016 CanLII 74877 (QC CDCHAD), par. 30 à 37;
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.