Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Bellerose et Manufacture de vêtements St-Félix

2012 QCCLP 3569

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

4 juin 2012

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

387526-63-0908-R2

 

Dossier CSST :

096178272

 

Commissaire :

Pauline Perron, juge administratif

 

Membres :

Conrad Lavoie, associations d’employeurs

 

Claude Breault, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

René Bellerose

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Manufacture de Vêtements St-Félix (Fermé)

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 13 janvier 2012, monsieur René Bellerose (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 20 décembre 2011 (la Commission des lésions professionnelles 2).

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles 2 accueille la requête en révision ou en révocation présentée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et révise la partie de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 14 février 2011 (la Commission des lésions professionnelles 1) en ce qui a trait au droit à la réadaptation, à l’emploi convenable et au droit à l’indemnité de remplacement du revenu. La Commission des lésions professionnelles 2 déclare que le travailleur n’a pas droit à la réadaptation à la suite de la récidive, rechute ou aggravation datée du 1er mars 2011, qu’il est capable d’exercer l’emploi convenable déterminé, soit celui d’intervenant auprès des personnes âgées, et qu’il n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

[3]           Le procureur du travailleur est présent à l’audience tenue sur la présente requête le 8 mars 2012. Manufacture de Vêtements St-Félix (l’employeur) est une entreprise fermée. La CSST est représentée par procureur. La cause est mise en délibéré à la date d’audience.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           Le travailleur demande la révision de la décision rendue au motif qu’elle contient des erreurs de fond de nature à l’invalider.

LES FAITS ET L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[5]           Le procureur du travailleur allègue la présence de deux erreurs de droit et d’une erreur de fait.

[6]           Il reconnaît que dans la première décision, la Commission des lésions professionnelles 1 a interprété plus largement l’article 145 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi). Toutefois, il soumet qu’il n’y a pas une interprétation unique qui peut être donnée à un texte de loi et qu’il n’y a pas d’erreur manifeste et déterminante de la part de la Commission des lésions professionnelles 1 à donner une interprétation différente. En révision, la Commission des lésions professionnelles n’a pas à se faire la gardienne de la cohérence décisionnelle.

[7]           Il soumet que la Commission des lésions professionnelles 2 a commis une deuxième erreur manifeste et déterminante du fait qu’elle sacralise une interprétation, et ce, même si dans le cas particulier du travailleur, cette interprétation amenait à une situation injuste pour le travailleur et donc contraire à l’article 351 de la Loi. Elle a omis de tenir compte de cette dernière disposition.

[8]           À titre d’erreur de fait, il soumet qu’au paragraphe 53 de sa décision, la Commission des lésions professionnelles 2 conclut ce qui suit :

[53]      La Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur n’a pas fait la démonstration de ne pas être capable d’occuper l’emploi d’intervenant auprès des personnes âgées. Les limitations fonctionnelles demeurent inchangées, rien n’explique qu’il ne peut plus à la suite de la récidive, rechute ou aggravation de mars 2001, exercer cet emploi. Les motifs invoqués par le travailleur ne résultent pas d’une modification de sa condition physique ou psychique, mais réfèrent davantage aux aléas du marché du travail.

 

 

[9]           Or, il faut tenir compte du fait que la preuve démontre que le travailleur a été en arrêt de travail pendant huit ans lors de sa récidive, rechute ou aggravation et que la conseillère en orientation, madame Isabelle Granger, conclut que le travailleur est incapable de faire cet emploi.

[10]        Le procureur de la CSST rappelle qu’une requête en révision ou en révocation d’une décision portant sur une telle requête ne doit pas porter sur les mêmes éléments.

[11]        Par ailleurs, il souligne que la Commission des lésions professionnelles 1 a complètement dénaturé la jurisprudence portant sur l’article 145 en ce qui concerne le droit à la réadaptation, faisant en sorte que sa décision est « déraisonnable » et devait être révisée. Il soutient que si la Commission des lésions professionnelles 1 a dénaturé l’interprétation donnée afin de juger en équité, l’article 351 de la Loi ne s’applique pas à la Commission des lésions professionnelles et fait référence à l’équité procédurale et non au contenu des décisions.

[12]        Aussi, il argue que l’interprétation donnée par la Commission des lésions professionnelles 1 va à l’encontre de l’article 132 de la Loi qui prévoit la fin du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

L’AVIS DES MEMBRES

[13]        Le membre représentant les associations syndicales est d’avis que la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles 1 fait autorité et qu’il n’y avait pas de motif pour la réviser. Il recommande d’accueillir la requête.

[14]        Le membre représentant les associations d’employeurs est plutôt d’avis qu’aucune erreur manifeste et déterminante n’a été démontrée dans la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles 2. Il y a lieu de rejeter la requête.


LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[15]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de réviser ou de révoquer la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles 2.

[16]        L’article 429.56 de la Loi permet à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.

[17]        Cette disposition définit les critères donnant ouverture à la révision ou la révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[18]        Elle doit être lue en conjugaison avec le troisième alinéa de l’article 429.49 de la Loi qui édicte le caractère final et sans appel des décisions de la Commission des lésions professionnelles :

429.49.  […] 

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[19]        Le législateur a voulu ainsi assurer la stabilité juridique des décisions rendues par le Tribunal. Il y a donc lieu d’interpréter ces deux dispositions de façon à respecter les objectifs législatifs.


[20]        Comme l’a rappelé la Cour supérieure, dans le cadre des anciens articles 405 et 406 de la Loi mais dont le principe s’applique intégralement aux articles 429.56 et 429.49, les décisions sont finales et sans appel et la Commission des lésions professionnelles ne peut agir comme un tribunal d’appel[2].

[21]        En ce qui concerne le « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision », motif qui est soulevé en l’instance, la Commission des lésions professionnelles, s’inspirant des interprétations données par les tribunaux supérieurs et d’autres tribunaux chargés d’appliquer des dispositions similaires, s’est prononcée à plusieurs occasions sur la portée de ce terme peu de temps après son adoption[3].

[22]        Il ressort de ces décisions qu’une erreur de fait ou de droit peut constituer un « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision » si le requérant démontre que cette erreur est manifeste et qu’elle a un effet déterminant sur la décision rendue. Une erreur manifeste est une erreur flagrante[4].

[23]        Le pouvoir de révision ne peut servir de prétexte à la demande d’une nouvelle appréciation de la preuve soumise au premier Tribunal ou à un appel déguisé[5]. Il ne peut également être l’occasion de compléter ou bonifier la preuve ou l’argumentation soumise au Tribunal[6].

[24]        Aussi, plus récemment, la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur l’interprétation de la notion de vice de fond.

[25]        En 2003, dans l’affaire Bourassa[7], elle rappelle la règle applicable en ces termes :

[21]    La notion [de vice de fond] est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.

 

[22]      Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments(4).

__________

(4)             Yves Ouellette. Les tribunaux administratifs au Canada : procédure et preuve. Montréal : Éd. Thémis, 1997. P. 506-508 ; Jean-Pierre Villaggi. « La justice administrative », dans École du Barreau du Québec. Droit public et administratif. Volume. 7 (2002-2003). Cowansville : Y. Blais, 2002. P. 113, 127-129.

 

 

[26]        La Cour d’appel a de nouveau analysé cette notion dans l’affaire CSST c. Fontaine[8] alors qu’elle devait se prononcer sur la norme de contrôle judiciaire applicable à une décision en révision.

[27]        Le juge Morissette, après une analyse approfondie, rappelle les propos du juge Fish dans l’arrêt Godin[9] et réitère qu’une décision attaquée pour le motif d’un vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.

[28]        La Cour d’appel réitère cette position quelques semaines plus tard dans l’affaire Touloumi[10].

[29]        Ainsi, les principes retenus dès 1998 ont été analysés par la Cour d’appel et ils demeurent. Elle invite la Commission des lésions professionnelles en révision à continuer de faire preuve d’une très grande retenue et de ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère. Elle insiste sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative. En d’autres termes, la première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée.

[30]        Étant donné qu’il s’agit d’une deuxième requête en révision ou en révocation, les principes énoncés ci-dessus s’appliquent à cette dernière décision et non à la première. Il doit donc y avoir une erreur manifeste et déterminante dans le fait d’avoir procédé à la révision de la première décision pour que la requête puisse être accueillie.

[31]        Dans une décision très récente[11], la Cour supérieure accueille une requête en révision judiciaire, infirme une décision en révision de la Commission des lésions professionnelles qui avait accueilli une requête en révision ou révocation et rétablit la décision initiale rendue.

[32]        La Cour supérieure indique que ce n’est pas le fait qu’une décision différente aurait pu être justifiée eu égard à la preuve présentée qui constitue une erreur grave, évidente et déterminante. La Cour supérieure réfère à une décision rendue par la juge Hélène Lebel[12] qui indique :

[13] Lorsque la Commission des lésions professionnelles siège en révision, elle ne siège pas en appel de ses propres décisions. La Commission des lésions professionnelles n’a pas le pouvoir de réviser la justesse de ses propres décisions. Elle a une compétence restreinte. Il est bien établi que la Commission des lésions professionnelles siègeant en révision ne doit pas substituer sa décision ou son analyse des faits à celles du premier commissaire.

 

 

[33]        Ces paramètres étant établis, examinons le présent dossier.

[34]        Dans sa décision, la Commission des lésions professionnelles 2 expose bien le contexte dans lequel elle doit juger la requête en révision ou révocation :

[10]      Le premier juge administratif avait donc à statuer sur l’existence ou non d’une atteinte permanente à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 1er mars 2001 et sur la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable déjà déterminé d’intervenant auprès des personnes âgées à la suite de cette rechute.

 

[11]      Le premier juge administratif convient que le travailleur n’a pas subi d’augmentation de son atteinte permanente à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 1er mars 2001 et cet aspect du dossier n’est pas l’objet de la requête en révision produite par la CSST. Seule la question de la capacité à exercer l’emploi convenable déjà déterminé demeure.

 

[12]      Au paragraphe 27 de la décision, le premier juge administratif identifie le litige et note qu’il doit maintenant déterminer si le travailleur a droit à la réadaptation à la suite de la lésion professionnelle du 1er mars 2001 et, le cas échéant, s’il est capable d’exercer l’emploi convenable d’intervenant auprès des personnes âgées, emploi convenable déterminé en 1993.

 

[13]      Au paragraphe 37 de la décision, le premier juge administratif est d’avis que le travailleur a droit à la réadaptation prévue à l’article 145 de la loi à la suite de la lésion professionnelle du 1er mars 2001 parce qu’il conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles « et ce, bien que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles soient les mêmes qui ont permis de déterminer, en 1993, l’emploi convenable d’intervenant auprès des personnes âgées ».

 

[14]      La CSST soutient que le premier juge administratif commet une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 145 de la loi lorsqu’il accorde le droit à la réadaptation au travailleur alors qu’il ne conserve aucune augmentation de son atteinte permanente et de ses limitations fonctionnelles à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 1er mars 2001.

 

[15]      La CSST soutient que la récidive, rechute ou aggravation est une lésion professionnelle distincte de la lésion professionnelle initiale qui a justifié une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Le représentant de la CSST est d’avis que le premier juge administratif commet une erreur en utilisant l’atteinte permanente de la lésion initiale pour donner droit à la réadaptation et revoir l’emploi convenable sur des considérations qui, avec le temps, font que le travailleur n’a plus les qualifications professionnelles.    Selon la CSST, agir ainsi permettrait à tous les travailleurs de faire revoir leur emploi convenable en raison notamment des aléas du marché du travail.

 

[16]      De plus, la CSST fait valoir que le raisonnement du premier juge administratif est incompatible avec l’article 132 de la loi qui l’oblige à cesser le versement de l’indemnité de remplacement du revenu lorsque la lésion est consolidée et que le travailleur ne conserve aucune limitation fonctionnelle. Enfin, la CSST est d'avis que la seule question que le premier juge administratif devait se poser est de savoir si, à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 1er mars 2001, le travailleur est capable de faire l’emploi convenable déjà déterminé.

 

 

[35]        Après avoir exposé correctement les principes qui sous-tendent le pouvoir de révision ou révocation d’une décision, la Commission des lésions professionnelles 2 conclut à la présence d’erreurs manifestes et déterminantes pour les motifs suivants :

[28]      La Commission des lésions professionnelles retient de cette affaire, contrairement aux faits du présent dossier, que pour avoir droit à la réadaptation et pour pouvoir analyser tous les critères de l’emploi convenable, la lésion professionnelle qu’elle soit initiale ou subséquente doit engendrer de nouvelles limitations fonctionnelles et/ou une nouvelle atteinte permanente.

 

[29]      De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, en utilisant  cet extrait dans le cadre d’une récidive, rechute ou aggravation qui n’engendre pas d’augmentation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, comme en l’instance, il en dénature le propos.

 

[…]

 

[33]      Toutefois, dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles estime que le problème n’est pas le choix, par le premier juge administratif, d’un courant jurisprudentiel plutôt qu’un autre. Ici, le premier juge administratif n’est pas dans la controverse jurisprudentielle. Le problème est que le premier juge administratif commet une erreur manifeste quant à la portée de la jurisprudence en donnant une interprétation qui va au-delà des principes qui se dégagent des deux courants.

 

[34]      De fait, il est erroné de prétendre que « l’absence de séquelles supplémentaires » donne droit à la réadaptation. Pour les deux courants jurisprudentiels, l’existence de nouvelles limitations fonctionnelles et/ou de nouvelle atteinte permanente est un prérequis. Ce qui diffère c’est, pour certains, le fait qu’il n’y a lieu d’analyser que la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable déjà déterminé tandis que, pour d’autres, il y a lieu d’examiner à nouveau chacun des critères  de l’emploi convenable8.

 

[35]      C’est ainsi que l’explique la juge administratif Juteau dans l’affaire Anctil et IGA9 :

 

[43]         La question de l’évaluation de la capacité du travailleur à exercer son emploi en présence de nouvelles limitations fonctionnelles lorsqu’un emploi convenable a déjà été déterminé a fait l’objet de plusieurs décisions du tribunal et la jurisprudence demeure partagée à ce sujet.

 

[44]         Dans certaines décisions2, le tribunal retient qu’il n’y a pas lieu de remettre en question l’emploi convenable déjà déterminé à la suite d’une lésion professionnelle antérieure et qu’il y a lieu uniquement de vérifier la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable déjà déterminé en regard des limitations fonctionnelles découlant de la nouvelle lésion professionnelle.

 

[45]         D’autres décisions3 du tribunal soutiennent plutôt que l’on ne peut se limiter à analyser la seule capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable déjà déterminé en regard des nouvelles limitations fonctionnelles, mais qu’il y a lieu d’examiner à nouveau chacun des critères de l’emploi convenable.

____________________

2              Claveau et Orlando Corporation (fermé), [2008] C.L.P. 521 ; Gauthier et Les Industries Longchamps ltée, C.L.P. 328064-03B-0709, 29 janvier 2009, C. Lavigne; Cyr et Fruits de mer Gascons ltée, précité, C.L.P. 336376-01C-0712, 17 février 2009, N. Michaud; Fournier et Transports D.P.M. ltée, C.L.P. 361395-31-0810, 20 février 2009, C. Lessard; Vitabile et Les piscines Val-Morin inc., C.L.P. 358326-63-0809, 13 mai 2009, I. Piché.

3              Lamy et Northgate Industrie ltd, C.L.P. 311844-61-0703, 11 juin 2008, L. Nadeau, (08LP-77); Béton provincial ltée et Richer [2007] C.L.P. 1690 ; Bourassa et Stationnements Standards Canada ltée, C.L.P. 260512-71-0504, 24 juillet 2006, L. Couture; Savard et Les consultants en personnel Logipro (1997) inc., C.L.P. 221730-71-0312, 15 juillet 2004, D. Gruffy; Gendreau et Aristide Brousseau et Fils ltée, [2003] C.L.P. 1681 ; Labelle et Bertrand Blondin, C.L.P. 324093-64-0707, 5 octobre 2009, E. Malo.

 

 

[36]      Par ailleurs, les deux décisions du tribunal auxquelles réfère le premier juge administratif n’illustrent pas le courant qu’il dit adopter puisqu’il est question, à la suite d’une récidive, rechute ou aggravation, de travailleurs qui conservent une atteinte permanente supplémentaire sans toutefois avoir de nouvelles limitations fonctionnelles.

 

[37]      Dans l’affaire Morin précitée, le travailleur atteint d’une maladie professionnelle voit son déficit anatomo-physiologique passé de 15 % à 25 % à la suite d’une récidive, rechute ou aggravation. Il en est de même dans l’affaire Paul précitée, où le travailleur voit son atteinte permanente passer de 5 % à 8 % lors de la première récidive, rechute ou aggravation et à 14 % lors de la deuxième récidive, rechute ou aggravation.

 

[38]      Expliquer son rationnel par la jurisprudence du tribunal, soit. Or, cette dernière doit s’appliquer au dossier en litige. Ici, les faits diffèrent grandement, les extraits utilisés sont dénaturés par rapport au contexte ou ils illustrent erronément la position du décideur et le courant jurisprudentiel.

 


[39]      Il y a donc une erreur manifeste et elle est déterminante puisqu’elle contribue directement au sort du litige en octroyant un droit auquel le travailleur ne peut se prévaloir. 

__________

8              2011 QCCLP 786 ; 2011QCCLP 3804.

9              C.L.P. 349639-71-0805, 14 décembre 2009, F. Juteau.

 

 

[36]        La Commission des lésions professionnelles constate que la décision de la Commission des lésions professionnelles 2 est claire et intelligible. Elle identifie les erreurs qu’elle juge manifestes et explique pourquoi elle les considère déterminantes. À ce titre, il ne peut y avoir de reproche.

[37]        Toutefois, il faut comprendre que la décision de la Commission des lésions professionnelles 1 est une décision d’espèce. La Commission des lésions professionnelles 1 le souligne clairement :

[39]      En l’instance, l’obligation de réapprécier la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable d’intervenant auprès des personnes âgées est d’autant plus justifiée compte tenu des caractéristiques propres au présent dossier. D’une part, l’emploi convenable a été déterminé en 1993 à la suite d’une lésion professionnelle de 1987. Bien qu’ayant suivi une formation d’environ 1 400 heures au début des années 1990, le travailleur n’a jamais occupé cet emploi. D’autre part, depuis 1987, le travailleur a subi quatre récidives, rechutes, aggravations de sa lésion initiale. Dans le cadre de la récidive, rechute, aggravation du 1er mars 2001, le travailleur a subi deux opérations et la période de consolidation de cette lésion a été d’environ sept ans.

 

[40]      Dans un tel contexte, la Commission des lésions professionnelles juge que le travailleur a droit à la réadaptation à la suite de sa lésion professionnelle du 1er mars 2001 et la CSST devait réapprécier l’emploi convenable déterminé en 1993 à la lumière notamment de la capacité résiduelle et de ses qualifications professionnelles du travailleur.

 

            [Nos soulignements]

[38]        Rappelons que le juge administratif qui entend les témoins est dans une situation privilégiée pour rendre une décision. C’est d’ailleurs pour ce motif qu’on lui accorde une si grande déférence et que ce n’est qu’en cas d’une erreur manifeste et déterminante, c'est-à-dire d’une erreur « dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision » que l’on intervient.

[39]        Dans le cas qui nous occupe, la Commission des lésions professionnelles ne peut considérer qu’il y a des erreurs dont la gravité et l’évidence sont démontrées. L’interprétation donnée à l’article 145 de la Loi par la Commission des lésions professionnelles 1 est certes large, mais elle se justifie par rapport aux faits propres de ce dossier, notamment du fait que le travailleur est en récidive, rechute ou aggravation depuis huit ans.

[40]        La Commission des lésions professionnelles ne peut ici conclure que la Commission des lésions professionnelles 2 était justifiée d’intervenir dans la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles 1 qui était dans une situation privilégiée pour analyser les faits et appliquer la Loi.

[41]        La Commission des lésions professionnelles estime que la Commission des lésions professionnelles 2 a davantage effectué une substitution de décision qu’une révision en raison d’une erreur manifeste et déterminante.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révision ou en révocation;

RÉVISE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 20 décembre 2011;

DÉCLARE que la requête en révision ou en révocation doit être rejetée;

RÉTABLIT la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 14 février 2011.

 

 

__________________________________

 

Pauline Perron

 

 

 

 

Me Claude Bovet

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Mathieu Perron

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, C.S. Montréal 550-05-008239-991, 15 novembre 1999, j. Dagenais.

[3]           Produits forestiers Donahue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[4]           Lamarre et Day & Ross inc., [1991] C.A.L.P. 729 .

[5]           Franchellini et Sousa, précitée, note 3.

[6]           Moschin et Communauté Urbaine de Montréal, [1998] C.L.P. 860 ; Lamarre et Day & Ross précitée, note 4; Sivaco et C.A.L.P., [1998] C.L.P.180; Charrette et Jeno Neuman & fils inc., C.L.P. 87190-71-9703, 26 mars 1999, N. Lacroix; Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, précitée, note 2.

[7]           Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 601 (C.A.).

[8]           [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[9]           Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).

[10]         CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A) .

[11]         Guepe-Groupe Uni des éducateurs-naturalistes et professionnels en environnement c. CSST et CLP, C.S. - Montréal, 500-17-062768-109, 28 février 2012, j. Paquette.

[12]         I.M.P. Group ltd c. Zigby et Commission des lésions professionnelles EYB 2008-152268 (C.S.) Confirmée en appel : Commission de la santé et de la sécurité du travail c. I.M.P. Group ltd EYB 2010-181143 (C.A.).

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