Moreau et Société canadienne des postes |
2014 QCCLP 6252 |
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Montréal |
13 novembre 2014 |
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Région : |
Montérégie |
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373133-62-0903 383798-62-0907 443159-62-1107 470044-62-1205 471983-62-1205 503227-62-1302 528743-62-1312 528891-62-1312[1] |
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Dossiers CSST : |
133277632 136073434 137232641 |
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Commissaire : |
Jean-François Martel, juge administratif |
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Membres : |
Alain Crampé, associations d’employeurs |
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André Tremblay, associations syndicales |
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Assesseure : |
Marie-France Giron, médecin |
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373133 383798 443159 470044 471983 528891 |
503227 528743 |
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Richard Moreau |
Société canadienne des postes |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
et |
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Société canadienne des postes |
Richard Moreau |
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Partie intéressée |
Partie intéressée |
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail, Emploi Développement Social Canada |
Commission de la santé et de la sécurité du travail, Emploi Développement Social Canada |
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Parties intervenantes |
Parties intervenantes |
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Dossier 373133-62-0903
[1] Le 17 mars 2009, monsieur Richard Moreau (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi), par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 5 mars 2009, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme en partie celle qu’elle a initialement rendue le 13 janvier 2009 en application de l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale daté du 22 décembre 2008 et :
DÉCLARE que le diagnostic de contusion de l’épaule et de la palette scapulaire droite est en relation avec l’événement du 18 juin 2008; et
DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en regard de ce diagnostic.
DÉCLARE que la Commission doit cesser de payer les soins et les traitements puisqu’ils ne sont plus justifiés.
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné l’absence d’atteinte permanente.
Par ailleurs, la Révision administrative MODIFIE la décision du 13 janvier 2009 afin de se prononcer sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi; et
DÉCLARE qu’à compter du 29 octobre 2008, le travailleur est capable d’exercer son emploi et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu puisque sa lésion est consolidée, sans atteinte permanente, ni limitations fonctionnelles.
Dossier 383798-62-0907
[3] Le 14 juillet 2009, le travailleur dépose une seconde requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 29 juin 2009, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 14 avril 2009 et « déclare que le travailleur n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation (RRA) le 20 février 2009 ».
Dossier 443159-62-1107
[5] Le 12 juillet 2011, le travailleur dépose une cinquième[3] requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 5 juillet 2011, à la suite d’une révision administrative.
[6] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 21 janvier 2011 et « déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle de nature psychologique le 27 août 2010 » et qu’elle est, par conséquent, « bien fondée de lui réclamer la somme de 1 494,10 $ ».
Dossier 470044-62-1205
[7] Le 7 mai 2012, le travailleur dépose une sixième requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 27 avril 2012, à la suite d’une révision administrative.
[8] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 19 janvier 2012 et « déclare que, malgré les limitations fonctionnelles consécutives à la lésion professionnelle du 13 janvier 2010, le travailleur est capable d’exercer son emploi habituel à compter du 18 janvier 2012 » et que « le versement de l’indemnité de remplacement du revenu prendra fin à cette date ».
Dossier 471983-62-1205
[9] Le 23 mai 2012, le travailleur dépose une septième requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 14 mai 2012, à la suite d’une révision administrative.
[10] Par cette décision, la CSST :
CONCLUT que la demande de révision du 2 mai 2012 a été produite hors délai;
CONCLUT qu’aucun motif raisonnable n’a été démontré permettant de relever le travailleur du défaut d’avoir contesté à temps; et
DÉCLARE donc irrecevable la demande de révision faite le 2 mai 2012.
Dossier 503227-62-1302
[11] Le 25 février 2013, la Société canadienne des postes (l’employeur) dépose une troisième[4] requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 30 janvier 2013, à la suite d’une révision administrative.
[12] Par cette décision, la CSST :
CONFIRME la décision du 22 novembre 2012;
DÉCLARE que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 24 octobre 2012 ; et
DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Dossier 528743-62-1312
[13] Le 4 décembre 2013, l’employeur dépose une quatrième requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 3 décembre 2013, à la suite d’une révision administrative.
[14] Par cette décision, la CSST :
Séquences R-136073434-007 et R-136073434-009 :
CONFIRME la décision du 8 novembre 2013, qui fait suite à l’avis du BÉM;
DÉCLARE que la Commission est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi, étant donné que la lésion est consolidée avec limitations fonctionnelles;
DÉCLARE que la Commission doit cesser de payer pour les soins ou traitements après le 17 juillet 2013, puisqu’ils ne sont plus justifiés;
DÉCLARE que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné la présence d’une atteinte permanente.
CONFIRME la décision du 8 novembre 2013, qui porte sur le pourcentage d’atteinte permanente et sur le montant de l’indemnité pour préjudice corporel;
DÉCLARE que le travailleur conserve une atteinte permanente de 4,70 %;
DÉCLARE que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 3 077,28 $, plus intérêts.
Séquence R-136073434-008 :
CONFIRME la décision du 15 novembre 2013;
DÉCLARE que le travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état, compte tenu des conséquences de sa lésion professionnelle.
Dossier 528891-62-1312
[15] Le 9 décembre 2013, le travailleur dépose une huitième requête par laquelle il conteste la même décision que l’employeur a contestée dans le dossier précédent (528743-62-1312), à savoir la décision de la CSST rendue le 3 décembre 2013, à la suite d’une révision administrative.
[16] Le travailleur est présent et représenté par procureur à l’audience tenue, le 11 mars 2013, les 2, 4, 16 et 18 décembre 2013 ainsi que le 10 mars et le 26 août 2014, à Montréal. L’employeur y est également représenté par procureur. Quant à la CSST, elle avait prévenu le tribunal, par lettre de sa procureure en date du 2 décembre 2013, qu’elle ne serait pas représentée à l’audience.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 373133-62-0903
[17] Le travailleur demande au tribunal de déclarer que la lésion professionnelle subie le 18 juin 2008 n’était pas consolidée en date du 29 octobre 2008 et qu’il n’était, par conséquent, pas capable d’exercer son travail à compter de cette date. Par ailleurs, la lésion n’étant pas consolidée, il était prématuré de statuer à l’égard de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[18] Dans ce dossier, l’employeur soulève un moyen préliminaire. Il allègue que la contestation du travailleur est irrecevable quant à la date de consolidation de la lésion parce que celui-ci n’a pas demandé la révision de la décision du 13 janvier 2009 entérinant les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale dans l’avis rendu le 22 décembre 2008. L’employeur souligne avoir été le seul à demander telle révision, et ce, pour réclamer que la date de consolidation soit devancée au 23 septembre 2008.
[19] En argumentation, le procureur de l’employeur soutient aussi que le diagnostic d’entorse ne faisait pas l’objet de différend au plan médical et ne pouvait, par conséquent, être soumis à la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi. En effet, souligne-t-il, le formulaire de transmission au Bureau d’évaluation médicale rempli par la docteure Hélène Béland-Vachon le 29 octobre 2008 confirme que tant le docteur Jean-François Pépin, alors médecin ayant pris le travailleur en charge, que le docteur André Gilbert, médecin désigné par l’employeur, retenaient un diagnostic d’entorse de l’épaule droite. Le docteur Pépin confirme d’ailleurs ce fait dans son Rapport complémentaire du 10 octobre 2008 : « Dx : entorse épaule droite en amélioration importante ». Ainsi, selon l’employeur, le tribunal est lié par ce diagnostic et nul autre, aux fins des présentes.
Dossier 383798-62-0907
[20] Le travailleur demande de déclarer qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 20 février 2009, sous la forme d’une tendinite de l’épaule droite.
Dossier 443159-62-1107
[21] Le travailleur demande de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle, le 27 août 2010[5], soit une « dépression majeure d’intensité psychotique »[6].
Dossier 470044-62-1205
[22] Le travailleur demande de déclarer qu’il n’était pas capable d’exercer son emploi habituel dès à compter du 18 janvier 2012 et qu’il avait alors toujours droit à l’indemnité de remplacement du revenu.
Dossier 471983-62-1205
[23] Le travailleur demande de déclarer sa demande de révision du 2 mai 2012 recevable.
[24] Sur le fond, le travailleur demande de déclarer qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation, le 9 février 2012, sous la forme d’une tendinite de l’épaule droite.
Dossier 503227-62-1302
[25] Dans son plan d’argumentation déposé le 26 août 2014, « l’employeur demande de déclarer que les soins reçus le 24 octobre 2012, une arthroscopie pour une lésion transfixiante du susépineux droit, n’est pas une rechute de l’événement du 13 janvier 2012 [sic][7]. La lésion était consolidée, sans nécessité de soins additionnels. La chirurgie n’est pas en lien avec une lésion professionnelle. »
Dossier 528743-62-1312
[26] Dans l’éventualité où le tribunal déclarerait que le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 24 octobre 2012, sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation de l’événement du 13 janvier 2010 (dossier C.L.P. 503227-62-1302), l’employeur demande de déclarer qu’à la suite de cette lésion professionnelle, le travailleur n’a pas subi d’augmentation ni de son atteinte permanente ni de ses limitations fonctionnelles.
[27] Dans son argumentation, le procureur de l’employeur signale que « se pose la question de la régularité de l’évaluation par le BEM ». Il fait valoir que dans le formulaire d’Information médicale complémentaire écrite que le docteur François Colin, chirurgien orthopédiste, remplit le 15 août 2013 en sa qualité de médecin qui a charge du travailleur, il se déclare « en parfait accord avec l’expertise réalisée », à savoir celle en date du 24 juillet 2013 par le docteur Michel Germain, chirurgien orthopédiste, à titre de médecin désigné par la CSST. Les conclusions du docteur Germain lient donc le tribunal aux fins des présentes, selon l’employeur, c’est-à-dire que la lésion est consolidée en date du 17 juillet 2013, cette lésion n’entraîne aucun déficit anatomo-physiologique additionnel par rapport à celui ayant résulté d’une lésion professionnelle antérieure (2,0 %) et le travailleur conserve des limitations fonctionnelles telles que décrites par le docteur Joseph Kornacki dans son rapport du 14 mars 2011 :
Il ne doit pas :
· Soulever des charges au-delà de 15 kilogrammes,
· Garder l’épaule droite dans une position d’élévation ou d’abduction plus haut que 90º,
· Garder l’épaule droite dans une position statique d’élévation, plus que 70º,
· Faire des mouvements répétitifs de l’épaule droite.
Dossier 528891-62-1312
[28] Dans son plan d’argumentation déposé le 26 août 2014, le travailleur demande de déclarer que « la date de retour au travail devrait être celle réellement réalisée soit le 9 septembre 2013 ». Dans son argumentation orale, la procureure du travailleur confirme la demande comme suit : « le travailleur demande de déclarer la lésion consolidée juste avant le début de sa formation le 9 septembre 2013 ».
L’AVIS DES MEMBRES
Dossier 373133-62-0903
[29] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la contestation devrait être rejetée.
[30] À la lumière de la prépondérance de la preuve médicale, il y a lieu de confirmer toutes les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale, telles qu’exprimées dans son avis du 28 novembre 2008, y compris celle relative à la consolidation de la lésion en date du 29 octobre 2008.
[31] Vu la conclusion à laquelle ils en sont arrivés sur le fond de cette contestation, les membres issus considèrent qu’il n’y a pas lieu pour eux de se prononcer sur le moyen préliminaire soulevé par l’employeur.
Dossier 383798-62-0907
[32] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la contestation devrait être rejetée. Aucune preuve médicale n’a été présentée pour soutenir la proposition voulant que l’on puisse récidiver d’une entorse à l’épaule droite avec contusion de l’épaule et de la palette scapulaire par une tendinite de l’épaule droite. Par ailleurs, le travailleur a lui-même confirmé l’absence de survenance d’un quelconque événement imprévu et soudain, le ou vers le 20 février 2009, d’abord dans la lettre annexée à son formulaire de réclamation puis lors d’un entretien téléphonique avec son agent d’indemnisation. Les circonstances qu’il décrit n’équivalent pas à un tel événement imprévu et soudain au sens de la loi.
[33] Le membre issu des associations syndicales est, pour sa part, d’avis que la contestation devrait être accueillie. La preuve établit clairement la préexistence d’une condition personnelle dégénérative chez le travailleur, au niveau de l’épaule droite (tendinite du sus-épineux avec capsulite périscapulaire). Les circonstances décrites par le travailleur sont assimilables à l’événement imprévu et soudain dont parle la loi. La preuve démontre que les efforts fournis par le travailleur au cours de la semaine précédant le 20 février 2009 ont aggravé et rendu symptomatique la condition préexistante. Dans ses notes de consultation du 20 février 2009, le médecin traitant pose un diagnostic de « tendinopathie récidivante du sus épineux droit ».
Dossier 443159-62-1107
[34] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la contestation devrait être rejetée. L’employeur a exercé son droit de gérance de façon appropriée sans discrimination à l’égard du travailleur. Les événements survenus en juin et juillet 2010 n’ont produit aucun effet chez le travailleur et ne sont pas en corrélation temporelle avec les symptômes qu’il a présentés à compter de la fin du mois d’août suivant. Les seules circonstances présentant une telle corrélation sont celles ayant eu lieu à la fin août 2010; or, elles ne constituent pas un événement imprévu et soudain au sens de la loi et ne représentent aucun abus du droit de gérance reconnu à un employeur.
[35] Le membre issu des associations syndicales est, au contraire, d’avis que la contestation devrait être accueillie. L’employeur a abusé de son droit de gérance. Des accusations de fraude formulées à l’endroit du travailleur, la filature dont il a fait l’objet et son congédiement débordent clairement le cadre habituel des conditions de travail. Par leur effet incessant et cumulatif, ces mesures constituent l’événement imprévu et soudain dont parle la loi. La gravité intrinsèque de l’acharnement dont le travailleur a été victime alliée à son absence d’antécédents psychiatriques établit une présomption de faits quant au lien causal entre l’événement et la lésion diagnostiquée; le mécanisme de production de la lésion est ici parfaitement apparent. De plus, les notes cliniques versées au dossier révèlent l’opinion des spécialistes traitants quant au lien causal unissant les mesures prises par l’employeur à la dépression subie par le travailleur.
Dossier 470044-62-1205
[36] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la contestation devrait être rejetée. À la suite de la visite et de l’évaluation du poste de travail de facteur qu’elle a réalisée en décembre 2011, l’ergothérapeute mandaté par la CSST a conclu, dans son rapport du 10 janvier 2012, que « les limitations fonctionnelles émises sont respectées dans un tel type d’emploi ». Aucune preuve visant à démontrer objectivement le contraire n’a été offerte. D’autre part, le travailleur n’a présenté aucun élément qui illustre son incapacité d’exercer sa tâche au cours de la période précédant le mois de février 2012.
[37] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la contestation devrait être accueillie. La conclusion du rapport d’évaluation de poste n’est pas soutenue par la preuve administrée, laquelle démontre que dans l’accomplissement des tâches de tri et de livraison, le travailleur doit, soit maintenir l’épaule droite dans une position statique d’élévation de plus de 70 degrés, soit effectuer des mouvements répétitifs de l’épaule droite.
Dossier 471983-62-1205
[38] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la contestation devrait être rejetée. Depuis 2008, le travailleur a demandé la révision d’un grand nombre de décisions dont il était insatisfait; en mars et avril 2012, il était donc bien familier avec le processus de contestation, particulièrement en ce qui a trait au délai imparti par la loi pour exercer ses recours. Dans ses décisions, le tribunal a maintes fois déclaré que l’attente d’un rapport médical ne constitue pas un motif raisonnable justifiant la partie défaillante de ne pas avoir exercé un recours en temps utile. Il n’y a donc pas lieu de relever le travailleur des conséquences de son défaut. La demande de révision déposée le 2 mai 2012 est irrecevable.
[39] De toute façon, même si la demande de révision était déclarée recevable, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la contestation devrait être rejetée sur le fond. En annexe au Rapport du surveillant - Enquête sur un accident du 8 février 2012 déposé comme pièce E-3, - la version contemporaine du travailleur est fournie. La description qu’il y a faite de ses activités du 8 février 2012 confirme deux éléments : il n’est rien arrivé d’inhabituel au travail ce jour-là, d’une part, et la tâche accomplie était en tous points conforme à la description de tâche de l’emploi prélésionnel se retrouvant au rapport d’évaluation de poste émis le 10 janvier 2012, d’autre part. Puisque les limitations fonctionnelles reconnues étaient entièrement respectées, on ne saurait conclure à une récidive, rechute ou aggravation.
[40] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la contestation devrait être accueillie. Il est clair que le travailleur a toujours eu l’intention de demander la révision de la décision rendue le 14 mars 2012, comme il l’a fait pour tant d’autres. Le motif invoqué (l’attente des résultats de l’échographie subie le 4 avril 2012) est plausible et raisonnable. Les tribunaux supérieurs ont maintes fois répété qu’il ne fallait pas faire perdre des droits aux travailleurs pour de simples raisons procédurales. Il y a lieu de relever le travailleur des conséquences de son défaut et de déclarer recevable la demande de révision déposée le 2 mai 2012.
[41] Sur le fond, le membre issu des associations syndicales est d’avis que la contestation devrait être accueillie. Les limitations fonctionnelles reconnues n’ayant pas été respectées, le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle, le 9 février 2012.
Dossier 503227-62-1302
[42] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la contestation devrait être rejetée.
[43] Le fait que le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 13 janvier 2010, à la suite d’une chute dans un escalier en livrant du courrier n’a jamais fait l’objet de litige; en effet, personne n’ayant demandé la révision de la décision rendue le 11 février 2010 qui acceptait la réclamation du travailleur sur la base d’un diagnostic d’« entorse cervicale, tendinite épaule droite et contusion au bras droit », pareille décision est devenue finale et irrévocable.
[44] Seule la question de la relation entre l’événement du 13 janvier 2010 et le nouveau diagnostic de « déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite » faisait l’objet de contestation. Toutefois, en raison du désistement par l’employeur, le 18 décembre 2013, de sa contestation dans le dossier 427707-62-1101, et du désistement par le travailleur de sa contestation dans le dossier 426800-62-11012, le 26 août 2014, la décision rendue, le 26 novembre 2010, à la suite de la révision administrative est désormais finale et irrévocable. L’événement du 13 janvier 2010 a donc causé au travailleur non seulement une entorse cervicale, une tendinite de l’épaule droite et une contusion au bras droit, mais aussi une déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite.
[45] L’intervention chirurgicale pratiquée le 25 octobre 2012 avait pour but de réparer cette même déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite. L’état de santé du travailleur ayant justifié ladite intervention chirurgicale est donc en lien avec l’événement du 13 janvier 2010. Les médecins traitants ont considéré que l’intervention était devenue nécessaire en raison de l’aggravation de l’état du travailleur depuis la consolidation, le 19 octobre 2011, de la lésion professionnelle qu’il avait subie le 13 janvier 2010. En conséquence, il y a lieu de conclure que le travailleur a subi, le 24 octobre 2012 une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 13 janvier 2010.
Dossier 528743-62-1312
[46] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la contestation devrait être accueillie.
[47] Dans le bilan des séquelles actuelles dressé, le 29 octobre 2013, par le docteur Hany Daoud, chirurgien orthopédiste, en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale, la rubrique relative à l’« atteinte des tissus mous du membre supérieur avec séquelles fonctionnelles objectivées » (Code : 102383 - DAP : 2 %) ne fait pas l’objet de controverse. Le dossier révèle que la même atteinte avait été reconnue par un autre membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Garry Greenfield, chirurgien orthopédiste, dans un avis rendu le 27 octobre 2011, en lien avec une lésion professionnelle subie par le travailleur le 13 janvier 2010. À cet égard, la lésion du 24 octobre 2012 n’a donc pas entraîné d’augmentation de l’atteinte permanente.
[48] Dans le présent cas, il n’y a pas lieu de faire une analogie avec une « rupture musculo-tendineuse de la longue portion du biceps opérée », car le Règlement sur le barème des dommages corporels[8] (le barème) prévoit spécifiquement que dans le cas d’une « rupture [...] de la coiffe des rotateurs avec séquelles fonctionnelles » on doit « se référer au tableau 2 des ankyloses de l’épaule [...] ainsi qu’à l’évaluation de l’atteinte des tissus mous ». Cette rubrique du bilan dressé par le docteur Daoud n’est pas retenue.
[49] La prépondérance de la preuve médicale veut que l’évaluation des amplitudes de l’épaule droite faite par le docteur Germain soit préférée à celle du docteur Daoud, compte tenu des bienfaits de la chirurgie que le travailleur lui-même reconnaît avoir ressentis. Dès lors, il n’y a pas lieu de retenir les rubriques relatives à la perte d’amplitude en antéflexion et en abduction (codes 104906 et 104808) mentionnées dans le bilan du docteur Daoud.
[50] Le bilan des séquelles résultant de la lésion professionnelle subie le 24 octobre 2012 se résume donc à un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour atteinte des tissus mous du membre supérieur avec séquelles fonctionnelles objectivées. Compte tenu des séquelles antérieures identiques, il faut conclure que la lésion du 24 octobre 2012 n’a pas entraîné d’augmentation de l’atteinte permanente.
[51] Au chapitre des limitations fonctionnelles, le docteur Daoud recommande, sans justification particulière, des limitations plus sévères que celles constatées par le docteur Germain à une époque plus contemporaine à la consolidation de la lésion et avec lesquelles le médecin traitant s’est déclaré en parfait accord. Il y a lieu de retenir, à cet égard comme à l’égard de l’atteinte permanente, les conclusions des docteurs Kornacki, Germain et Colin, de préférence à celles du docteur Daoud.
Dossier 528891-62-1312
[52] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la contestation devrait être rejetée.
[53] Le docteur Daoud a retenu la date du 17 juillet 2013 pour la consolidation de la lésion, comme l’avait fait le docteur Germain avant lui : « Le docteur Michel Germain, orthopédiste désigné par la CSST, a consolidé la lésion pour le 17 juillet 2013, soit environ 9 mois après la réparation chirurgicale pour une déchirure en soi minime à modérée ». Après avoir constaté que son « examen objectif actuel de l’épaule droite est sensiblement similaire à l’évaluation du docteur Michel Germain », le docteur Daoud conclut à « une stabilisation objective de la lésion ».
[54] Le travailleur n’a pas présenté de preuve médicale contradictoire; il se contente d’affirmer que la date de consolidation de sa lésion devrait être fixée à la veille du début de sa formation, le 9 septembre 2013.
[55] Rien ne justifie d’écarter les conclusions des docteurs Germain et Daoud quant à la date de consolidation retenue, soit le 17 juillet 2013.
LES FAITS ET LES MOTIFS
Dossier 373133-62-0903
[56] Embauché le 1er mai 2006; le travailleur est facteur à plein temps depuis le début d’avril 2008.
[57] Le 18 juin 2008, alors qu’il livre le courrier, le travailleur fait une chute dans un escalier en glissant sur une feuille de vigne.
[58] La réclamation est d’abord acceptée sur la base d’un diagnostic d’« entorse à l’épaule droite »; cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de révision.
[59] Le docteur André Gilbert, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur le 23 septembre 2008, à la demande de l’employeur. Il pose un diagnostic d’« entorse de l’épaule droite avec contusion de l’épaule et de la palette scapulaire droite ». Il conclut que la lésion est consolidée en date de ce jour et qu’il n’y a pas lieu de poursuivre un quelconque traitement. Il est d’avis qu’aucune atteinte permanente ni aucune limitation fonctionnelle ne sont à prévoir.
[60] Dans le formulaire de Rapport médical d'évolution qu’il remplit le 25 septembre 2008, à titre de médecin ayant pris charge du travailleur, le docteur Jean-François Pépin pose un diagnostic d’« entorse épaule droite » en plus de prescrire des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie avec assignation à des « travaux légers ». Il n’indique aucune « période prévisible de consolidation ». Dans son Rapport complémentaire du 10 octobre suivant, il réitère son diagnostic, envisage une « date prévisible de consolidation : 25 octobre 2008 » et prescrit la poursuite du « traitement de physiothérapie ad mi-octobre afin d’augmenter l’endurance du patient ».
[61] Le procureur de l’employeur argue maintenant que le diagnostic lésionnel ne faisait pas l’objet de différend puisque tant le docteur Pépin que le docteur Gilbert posaient un diagnostic d’entorse de l’épaule droite. C’est exact. Mais, le docteur Gilbert posait, en plus, un diagnostic de contusion de l’épaule et de la palette scapulaire droites; un diagnostic que le docteur Pépin, lui, n’a jamais adopté. Il y avait donc bel et bien un différend entre les deux médecins quant au diagnostic. D’ailleurs, la représentante de l’employeur à l’époque (une agente d’administration) l’a compris, elle aussi, de cette façon puisqu’elle a adressé une lettre au docteur Pépin, le 8 octobre 2008, pour lui souligner que le « docteur André Gilbert ne partage pas votre opinion émise le 25 septembre 2008 quant au diagnostic, aux soins et traitements ainsi qu’à la date de consolidation ». [notre soulignement]
[62] Pour sa part, le formulaire de transmission au Bureau d’évaluation médicale rempli par la docteure Béland-Vachon le 29 octobre 2008 reflète également cette divergence d’opinions quant au diagnostic lésionnel, en plus de celles ayant trait à la date de consolidation et à la suffisance des traitements.
[63] Sous la rubrique « RAISON DE L’AVIS » qu’il rend en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale, le 28 novembre 2008, le docteur Théodore Nault, chirurgien orthopédiste, fait état des mêmes divergences d’opinions (c’est-à-dire incluant le différend quant au diagnostic) entre le docteur Pépin et le docteur Gilbert.
[64] Ainsi, force est de constater que le recours à la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi était justifié. Le membre du Bureau d’évaluation médicale était régulièrement saisi de la question du diagnostic lésionnel, de celle de la date de consolidation de la lésion de même que de celle de la suffisance des traitements. L’argument soulevé par le procureur de l’employeur à ce sujet en plaidoirie ne peut donc être retenu.
[65] Dans la section intitulée « DISCUSSION » de l’avis qu’il a rendu en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Nault justifie ainsi le libellé de diagnostic lésionnel qu’il retient :
Nous sommes d’accord avec le diagnostic du médecin désigné de l’employeur d’entorse à l’épaule droite avec contusion de l’épaule et de la palette scapulaire droites. En effet, tel que le patient a décrit son accident, il y a eu un traumatisme direct à la région postérieure de son épaule et un étirement par le bras allongé qui a maintenu la rampe pendant quelque temps avant de glisser en bas des marches de l’escalier.
[66] Or, abstraction faite de l’argument soulevé par le procureur de l’employeur que le tribunal a rejeté précédemment, personne ne conteste le diagnostic retenu par le docteur Nault.
[67] En effet, au paragraphe 32 de son plan d’argumentation, la procureure confirme que la contestation du travailleur dans ce dossier ne vise pas le diagnostic, mais plutôt « la consolidation et/ou sa capacité [celle du travailleur] d’exercer son travail à partir du 29 octobre 2008 »[9].
[68] Pour sa part, l’employeur considère que le diagnostic à retenir est bel et bien celui déterminé par le membre du Bureau d’évaluation médicale, comme l’écrit son procureur au paragraphe 12 de son propre plan d’argumentation : « Pour ces motifs, nous vous demandons [...] de DÉCLARER que le seul diagnostic à retenir est celui d’entorse de l’épaule droite avec contusion de l’épaule et de la palette scapulaire droite ».
[69] Dans ces circonstances, le diagnostic de la lésion subie le 18 juin 2008 à retenir aux fins des présentes est donc celui d’entorse à l’épaule droite avec contusion de l’épaule et de la palette scapulaire droites.
[70] Qu’en est-il maintenant du moyen préliminaire soulevé par l’employeur ?
[71] Le fait que le travailleur n’ait pas demandé la révision de la décision du 13 janvier 2009 rendue par la CSST à la suite de l’avis du docteur Nault l’empêchait-t-il de contester la décision rendue, le 5 mars 2009, suivant révision administrative qui « confirme en partie » la première ?
[72] Selon la procureure du travailleur, il faut répondre à cette question par la négative. Dans son argumentation écrite, elle cite des extraits de deux décisions rendues en ce sens par le tribunal[10]. L’extrait suivant de la décision rendue dans l’affaire Blais et (PP) Dépanneur Idéal enr. résume parfaitement la règle :
[30] Le législateur n’a prévu aucune restriction à l’article 359 de la loi au droit d’une personne qui se croit lésée de contester devant la Commission des lésions professionnelles une décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative. Ce n’est pas au tribunal d’en créer.
[31] Nulle part, la loi n'interdit à une partie de contester une décision rendue en révision administrative à la suite d'une contestation de la décision initiale par une autre partie2.
__________________
2 Roux et For-Net Montréal inc., 201420-72-0303, 03-11-06, Y. Lemire, révision rejetée, 04-06-09, B. Roy; Eversley et Les Aliments Humpty Dumpty, 196942-71-0212, 04-07-02, L. Landriault; Guay inc. et Piché, 171332-04-0110, 05-10-06, A. Gauthier.
[73] Cette approche a maintes fois été retenue[11].
[74] Le tribunal conclut donc que la contestation du travailleur est recevable.
[75] Sur le fond, le tribunal doit d’abord déterminer la date de consolidation de la lésion professionnelle subie le 18 juin 2008.
[76] L’article 2 de la loi définit la consolidation d’une lésion professionnelle comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[77] Au paragraphe 40 de son plan d’argumentation, la procureure du travailleur reproche au membre du Bureau d’évaluation médicale d’avoir déclaré la lésion du travailleur consolidée « sans jamais se prononcer sur la tendinite présente et diagnostiquée à cette époque ». Elle fait ainsi référence au diagnostic de « tendinite susépineux droit » posé par le docteur Mario Ostiguy le 31 octobre 2008 qui a ensuite été repris sous l’appellation de « tendinite épaule droite » par le docteur Pépin, le 2 novembre suivant, et par la docteure Chantal Gauthier, le 13 novembre 2008.
[78] Le tribunal note que ce diagnostic n’a pas été retenu subséquemment par le docteur Pépin, en sa qualité de médecin traitant. En effet, dans les formulaires de Rapport médical d'évolution qu’il a remplis les 15 et 27 novembre ainsi que les 4 et 18 décembre 2008, le docteur Pépin reprend le diagnostic d’entorse à l’épaule droite sans plus mentionner celui de tendinite. De même, la docteure Julie Beaudin pose le diagnostic d’« entorse épaule droite » à la suite des consultations des 6 et 27 janvier ainsi que du 10 février 2009.
[79] Au moment où le docteur Nault signe son avis comme membre du Bureau d’évaluation médicale, le 28 novembre 2008, les médecins traitants du travailleur avaient effectivement déjà abandonné le diagnostic de tendinite pour reprendre celui d’entorse[12].
[80] Dans son anamnèse, le docteur Nault rapporte que le travailleur lui a mentionné l’existence de « signes de tendinite » révélés à l’échographie. Cela explique probablement pourquoi, dans le cours de son examen du travailleur, le docteur a pris soin de vérifier l’hypothèse d’une tendinite. Il n’en a cependant trouvé nulle trace clinique : « Quant à la coiffe des rotateurs, les manœuvres de Neer, de Jobe et de Hawkins sont toutes négatives - les manœuvres de Speed et de Yergason sont également négatives pour la longue portion du biceps »; le tout en présence d’« amplitudes articulaires des épaules droite et gauche [qui] s’exécutent normalement sans douleur et les mouvements sont complets » (amplitude de mouvements à droite complète et symétrique à l’épaule gauche dans tous les axes).
[81] Le docteur Nault était donc justifié de ne pas tenir compte d’un diagnostic de tendinite que les médecins traitants du travailleur avaient ponctuellement posé pour ensuite l’abandonner et dont aucun signe ne se manifestait lors de son propre examen objectif, ni aux épreuves cliniques spécifiques ni à la mesure des amplitudes de mouvement.
[82] Pour ce qui est de la date de consolidation à proprement parler, les données médicales sont les suivantes.
[83] Le docteur Gilbert a déclaré la lésion consolidée en date du 23 septembre 2008 en raison de ses constats cliniques commentés comme suit dans la section « DISCUSSION » de son rapport :
Nous sommes en présence d’un patient qui a récupéré de façon exceptionnelle d’une entorse de l’épaule droite, vraisemblablement avec un facteur contusionnel secondaire à la chute qu’il a faite à la renverse.
Traité de façon conservatrice, le patient a bénéficié de traitements de physiothérapie qui se soldent maintenant par une récupération exceptionnelle de l’épaule, les mouvements étant tous normaux.
L’évaluation de la force musculaire des structures cervico-scapulaires, cervicobrachiales et scapulo-brachiales, ne m’a pas permis d’identifier de déficit chez ce patient, ni même des allégations douloureuses significatives.
Dans ce contexte, je ne crois pas que de poursuivre les traitements de physiothérapie soit indiqué et je crois que le patient pourrait dès maintenant réintégrer son travail habituel de facteur.
[84] Dans le formulaire de Rapport complémentaire qu’il a rempli le 10 octobre 2008, après avoir pris connaissance du rapport du docteur Gilbert, le docteur Pépin lui-même faisait état d’une « entorse épaule droite en amélioration importante » et établissait la « date prévisible de consolidation » au « 25 octobre 2008 ».
[85] Certes, dans le même document, le docteur Pépin recommande la poursuite des traitements de physiothérapie jusqu’à la « mi-octobre », mais cela « afin d’augmenter l’endurance du patient » et non pas pour guérir ou stabiliser l’entorse et/ou la contusion qu’il avait subies. En somme, selon le médecin traitant, aucune amélioration de l'état de santé du travailleur n'était plus prévisible après la fin du mois d’octobre 2008.
[86] Les docteurs Gilbert et Nault n’envisagent, eux non plus, aucun traitement qui permettrait d’améliorer l’état de santé du travailleur :
Docteur Gilbert, le 24 septembre 2008 :
Mon examen clinique d’aujourd’hui ne me permet pas de croire que le patient pourrait bénéficier d’une approche thérapeutique complémentaire ni de la poursuite des traitements de physiothérapie.
Docteur Nault, le 28 novembre 2008 :
Les symptômes résiduels sont des douleurs au niveau musculaire, à la région postérieure de l’épaule.
[...]
L’examen objectif de ce jour est à toute fin pratique normal. En l’absence de signe clinique objectivable, nous ne voyons pas la pertinence de poursuivre d’autres traitements de physiothérapie ni d’ergothérapie.
[...]
Le patient présente actuellement des symptômes de manque d’endurance mais nous croyons que cette situation reviendra à la normale progressivement.
[nos soulignements]
[87] En somme, mis en contexte, tous les avis médicaux convergent : la lésion professionnelle subie par le travailleur le 18 juin 2008 doit être déclarée consolidée en date du 29 octobre 2008, comme l’a recommandé le docteur Nault en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale.
[88] La contestation du travailleur n’est pas fondée à cet égard et doit être rejetée.
[89] Qu’en est-il maintenant de la capacité du travailleur d’exercer son emploi en date du 29 octobre 2008 ?
[90] S’autorisant des dispositions du deuxième alinéa de l’article 221 de la loi, le docteur Nault a donné son avis quant à l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et à la présence de limitations fonctionnelles. En fait, il a conclu que le travailleur ne conservait aucune séquelle permanente de sa lésion professionnelle.
[91] Par sa décision initiale du 13 janvier 2009, la CSST a appliqué les conclusions de l’avis rendu par le docteur Nault. Cette décision fut confirmée par la décision du 5 mars 2009 rendue à la suite de la révision administrative demandée par l’employeur. Le réviseur a de plus modifié la décision initiale « afin de se prononcer sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi ». Vu la consolidation de sa lésion sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, le travailleur a été déclaré capable d’exercer son emploi à compter du 29 octobre 2008.
[92] Le travailleur soutient que cette dernière conclusion n’est pas justifiée. Il en veut pour preuve le fait qu’après avoir travaillé pendant onze heures le 29 octobre 2008, sa condition s’est grandement détériorée. À son avis, cela démontre qu’il n’était pas encore capable d’exercer son travail à cette date. Sa procureure fait valoir que le docteur Nault corrobore les dires du travailleur en confirmant dans son avis que le travail effectué le jour en question a aggravé la condition du travailleur.
[93] Le tribunal ne partage pas cette interprétation de l’avis rendu par le docteur Nault. À l’évidence, le docteur Nault n’a fait que rapporter les déclarations que le travailleur lui a faites[13], sans les endosser. Au contraire, en dépit de la version des faits que le travailleur lui a relatée, le docteur a conclu à la consolidation de la lésion, et ce, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles :
Il a fait une tentative de retour au travail à temps plein le 29 octobre dernier mais son employeur l’a fait travailler une journée de 11 heures, ce qui a immédiatement aggravé sa condition.
[...]
[...] Il y a eu tentative de retour au travail régulier, le 29 octobre 2008, mais le patient nous mentionne qu’il a été obligé de faire du travail supplémentaire et ce surplus de travail a produit de nouvelles douleurs. Il est revenu à un horaire régulier de travail, soit 8 heures par jour.
Nous partageons l’opinion du médecin traitant, qui a consolidé quand même la lésion au 29 octobre 2008 et le patient continue quand même son travail à raison de 8 heures par jour depuis ce temps.
[...]
4. Existence ou pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur
Devant un examen physique normal, nous sommes d’avis qu’aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ne peut être retenue en ce qui concerne l’événement du 18 juin 2008.
5. Existence ou évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur
Nous sommes d’avis qu’il n’existe aucune limitation fonctionnelle pouvant être reliée à l’événement du 18 juin 2008. Le patient présente actuellement des symptômes de manque d’endurance mais nous croyons que cette situation reviendra à la normale progressivement.
[nos soulignements]
[94] D’autre part, la preuve n’a pas révélé la nature du travail accompli par le travailleur le 29 octobre 2008.
[95] Certes, la pièce T-1 (un document informatisé d’« Historique de travail » pour la période du 18 juin 2008 au 8 novembre 2013) atteste que le travailleur a bel et bien été rémunéré pour onze heures de travail effectuées le 29 octobre 2008, mais elle ne permet pas de savoir si le travail accompli était identique, similaire ou encore comparable à sa tâche prélésionnelle.
[96] Questionné à ce sujet à l’audience, le travailleur déclare ne pas se souvenir de ce qu’il a fait ce jour-là, si ce n’est que depuis juillet 2008, « les directives du médecin [traitant] étaient suivies ».
[97] Le tribunal ne peut, à partir des seules données mentionnées précédemment, conclure dans le sens souhaité par le travailleur, faute de preuve établissant qu’il était effectivement incapable d’exercer son emploi.
[98] En effet, en vertu de l’article 46 de la loi, à cause de la consolidation de sa lésion professionnelle, à compter du 29 octobre 2008, le travailleur n’était plus présumé incapable d’exercer son emploi :
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
__________
1985, c. 6, a. 46.
[99] Qui plus est, le travailleur n’a subi aucune atteinte permanente et ne conserve aucune limitation fonctionnelle.
[100] La note évolutive consignée au dossier, le 29 août 2008, par l’agente d’indemnisation révèle que le travailleur a amorcé un retour progressif au travail à compter du 9 juillet 2008, avec l’accord de son médecin traitant.
[101] Au 29 octobre 2008, la situation est donc la suivante : le travailleur effectue un retour progressif à son travail régulier depuis près de quatre mois, sa lésion professionnelle est désormais consolidée, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, et il n’est plus présumé incapable d’exercer son emploi.
[102] En dépit de ses allégations voulant que le travail effectué le 29 octobre 2008 ait aggravé sa condition, le travailleur n’a pas déposé une nouvelle réclamation alléguant une récidive, rechute ou aggravation à cette date, comme il le fera plus tard, en février 2009, par exemple.
[103] Selon la pièce T-1, le travailleur a fourni une prestation de trois heures (« heures générées par ZM00 ») le 30 octobre 2008 et de quatre heures le lendemain. À compter du 3 novembre 2008, ses journées de travail ont comporté cinq « heures générées par ZM00 » et trois heures de « tâches modifiées ». Parfois, des « heures supplémentaires » ont été accomplies (les 12 et 28 novembre ainsi que le 22 décembre 2008 ou le 16 février 2009, par exemple).
[104] Une des notes évolutives du 9 avril 2009 rapporte, entre autres, qu’aux dires du travailleur lui-même, dans la semaine précédant le 20 février 2009, l’employeur l’a obligé « à faire plus d’heures sur la route, soit 6 heures de route et 2 heures de classement ». Le travailleur ajoute ensuite « qu’il a fait du surtemps et que c’était difficile avec la poussette dans la neige » et que « durant la semaine du 16 au 20 février, il a fait 7 heures et 15 minutes de surtemps sur la route ». Le travailleur a de plus déclaré avoir « repris le travail à 8 heures/jour (40 heures/semaine) un peu avant la période des fêtes de noël 2008 » et « qu’il faisait 3 heures de route (1/2 route) et le reste de son quart de travail à faire du classement ».
[105] Le travailleur a donc fourni une prestation de travail sur une base régulière après le 29 octobre 2008 et jusqu’au 20 février 2009; cette prestation comportait à tout le moins certaines - sinon toutes - des tâches de facteur. Mais, là encore, la preuve administrée ne permet pas d’établir si les tâches ainsi accomplies faisaient en sorte que son travail était alors identique, semblable ou, au contraire, différent de son emploi prélésionnel.
[106] Il a déjà été décidé que le fait d'exercer un emploi dont les tâches sont comparables à celles de l'emploi prélésionnel peut constituer un motif de renversement de la présomption de l'article 46 de la loi[14]. À plus forte raison est-on justifié de conclure à la capacité du travailleur quand, comme c’est ici le cas, la présomption de l’article 46 de la loi ne s’applique plus.
[107] De plus, dans le présent cas, le médecin ayant charge du travailleur non seulement l’autorisait à travailler, mais prévoyait que le retour au travail progressif allait connaître son aboutissement le 25 octobre 2008[15].
[108] L’état de santé du travailleur pertinent aux fins de déterminer sa capacité à exercer son emploi (lésion professionnelle consolidée, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles) était amplement connu de la CSST au moment où elle a rendu sa décision du 13 janvier 2009 appliquant l’avis du docteur Nault. Elle aurait pu dès lors statuer sur la capacité du travailleur.
[109] En faisant rétroagir la date de capacité au 29 octobre 2008, la CSST tenait tout simplement compte de la preuve disponible au moment où elle a rendu sa décision à la suite d’une révision administrative, le 5 mars 2009.
[110] Compte tenu de toutes ces circonstances particulières et en l’absence d’une preuve à l’effet contraire, le 5 mars 2009, la CSST était justifiée de déclarer le travailleur capable d’exercer son emploi à compter du 29 octobre 2008.
[111] Rappelons enfin qu’il ne s’agit pas ici de déterminer à quelle date le droit du travailleur à l’indemnité de remplacement du revenu prenait fin (articles 44, 47 et 57 de la loi) non plus que de déterminer à quel moment la CSST pouvait en cesser le versement (article 132 de la loi), car du 18 juin 2008 jusqu’à la fin du mois de février 2009, le travailleur a toujours été rémunéré par son employeur pour du travail accompli soit en assignation temporaire soit en assignation régulière à temps partiel dans le cadre du programme de retour progressif élaboré par son médecin. En l’espèce, le tribunal doit, à la demande du travailleur, tout simplement décider si ce dernier était capable ou non d’exercer son emploi à compter du 29 octobre 2008.
[112] Le présent cas se distingue donc de l’affaire Morissette et Société canadienne des postes[16] où la question en litige concernait « l’extinction du droit de l’intimée [la travailleuse] à une indemnité de remplacement du revenu à la suite d’une lésion professionnelle »[17]. S’inspirant tout de même de l’approche « souple, nuancée et respectueuse du régime » recommandée par la Cour d’appel[18], force est de reconnaître que la date de capacité déterminée par la CSST est ici conforme à la trame factuelle prouvée dans son ensemble.
[113] Pour tous ces motifs, il y a lieu de confirmer la décision rendue le 5 mars 2009, à la suite de la révision administrative, et de rejeter la contestation du travailleur.
Dossier 383798-62-0907
[114] Le tribunal doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 20 février 2009.
[115] Dans le formulaire de Réclamation du travailleur rempli le 25 février 2009 et l’annexe jointe[19], le travailleur donne la « description de l’événement » suivante :
En faisant mon travail de facteur, suite à mon retour précipité. J’ai éprouvé des douleurs, les douleurs ont repris à l’épaule droite.
Enquête:
Vous avez repris votre travail régulier le 16 février ?
Oui.
Quand les douleurs sont-elles réapparues ?
Le 16 février 2009 à la fin de ma journée.
Le 17 février, je me sentais bien mais j’ai encore ressenti des douleurs en fin de journée. Je croyais que c’était parce que j’étais rouillé.
Le 18 février pas de douleur le matin, j’ai ressenti une douleur en début d’après-midi.
Le 19 février petite douleur le matin, pas intense, en début d’après-midi la douleur est revenu. Je n’ai pas livré aux endroits enneigés ma route et je suis parti voir mon médecin.
Quel sorte de sac de facteur utilisez-vous?
Pas de sac de facteur, je prends un chariot.
Vous avez repris votre route le 16 février, y a-t-il eu un fait accidentel durant la semaine ? Non aucun, je n’ai pas forcé, il n’est rien arrivé cette semaine là, j’ai utilisé mon chariot de facteur. [sic]
[116] Une autre annexe à la déclaration d’accident - manuscrite celle-là - portant la date du 25 février 2009 a aussi été versée au dossier. Elle reproduit les mêmes informations que le texte cité au paragraphe précédent, en ajoutant ce qui suit pour la journée du 20 février 2009 :
Le 20 février en entrant la douleur était là. J’ai classé, attaché et suis parti voir mon médecin approx 10hs00. Vu médecin et arrêté.
[117] Le docteur Ostiguy a posé un diagnostic de « récidive tendinite épaule droite » dans le formulaire de Rapport médical d'évolution qu’il a émis le 20 février 2009. Le tribunal note cependant que, dans ses notes de consultation du même jour, le docteur Ostiguy pose plutôt un diagnostic de « tendinopathie récidivante du sus épineux droit ».
[118] Le travailleur allègue avoir subi une récidive.
[119] La loi ne définit pas les termes « récidive », « rechute » et « aggravation ». L’approche jurisprudentielle largement adoptée[20] veut que l’on s’en réfère à leur sens courant, soit celui d’une « reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence » de la lésion professionnelle initiale « ou de ses symptômes ». Selon la décision de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Beauchamp et Inspec-Sol inc.[21], pareille définition « implique nécessairement qu’il y ait modification de la condition de santé du travailleur par comparaison avec la situation prévalant au moment de la dernière consolidation de la lésion et que celle-ci en découle ». Aux fins de commodité, on peut donc regrouper les concepts de « récidive », « rechute » et « aggravation » sous le vocable générique de « modification de l’état de santé » du travailleur. Les allégations de ce dernier à cet égard, si sincères soient-elles[22], ne suffisent cependant pas en soi pour en faire la démonstration prépondérante[23]; une preuve d’ordre médical est requise[24].
[120] Aux termes de la jurisprudence élaborée par la Commission des lésions professionnelles, pour obtenir la reconnaissance d’une rechute, récidive ou aggravation, la partie requérante doit ainsi prouver chacun des deux éléments distincts suivants :
- Un changement dans son état de santé, c’est-à-dire que son état au moment de la rechute, récidive ou aggravation alléguée est différent de celui qui prévalait au moment de la dernière consolidation[25] de sa lésion initiale[26], étant entendu que « la simple persistance du tableau clinique » originaire « n’est pas suffisante »[27] et que « la chronicité d’un état ne peut constituer une récidive, rechute ou aggravation »[28];
et
- L’existence d’un lien de causalité[29] unissant la rechute, récidive ou aggravation à l’événement initial[30], à ses conséquences[31] ou à la lésion professionnelle qui en a résulté[32] et les conséquences de cette lésion[33], étant entendu qu’à cet égard ni la CSST ni le tribunal ne sont liés par l’opinion du médecin traitant[34].
[121] Précisons que la jurisprudence du tribunal qualifie de « chronique » la douleur qui « continue d’exister de manière permanente ou apparaît de nouveau à divers degrés, de façon intermittente »[35]. Rappelons également que « le caractère continu et chronique d’une symptomatologie, même fluctuante, n’est pas assimilable en soi à une récidive, rechute ou aggravation[36] ».
[122] La jurisprudence[37] a identifié certains paramètres permettant de conclure à l’existence du lien de causalité requis, soit : la gravité de la lésion initiale; la continuité de la symptomatologie; l'existence d'un suivi médical; le retour au travail, avec ou sans limitations fonctionnelles; la présence d'une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique; la présence d’une condition personnelle; la compatibilité des symptômes présentés au moment de la rechute, récidive ou aggravation avec la nature de la lésion initiale; le délai entre la rechute, récidive ou aggravation et la lésion initiale; la proximité ou la compatibilité de site anatomique des deux lésions; la similitude des diagnostics.
[123] Aucun de ces paramètres n'est à lui seul décisif, mais, pris ensemble, ils peuvent aider à décider du bien-fondé d'une réclamation. Ils ne sont que des outils mis à la disposition du décideur pour faciliter son analyse de la réclamation. Ils ne font pas partie du texte législatif. Par conséquent, il n’est pas impératif d’avoir recours à tous ni même à l’un quelconque d’entre eux[38]. L’essentiel est de déterminer si la lésion professionnelle initiale ou ses conséquences expliquent la rechute, récidive ou aggravation alléguée par un lien de cause à effet[39].
[124] Autrement dit, la preuve offerte doit démontrer un rapport entre la lésion initiale et la rechute, récidive ou aggravation alléguée « de telle sorte que la première explique la seconde ». La condition prévalant lors de la rechute, récidive ou aggravation « doit découler plus probablement de la lésion première que de toute autre cause»[40].
[125] Qu’en est-il dans le présent cas ?
[126] Puisqu’aucun diagnostic de tendinite à l’épaule droite n’a jamais été reconnu à titre de lésion professionnelle avant le 20 février 2009, il ne saurait être question, à cette date, de la « récidive d’une tendinite à l’épaule droite ».
[127] Telle qu’elle est formulée par le travailleur, la réclamation doit plutôt être analysée sous l’angle d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle subie le 18 juin 2008 (une entorse de l’épaule droite avec contusion de l’épaule et de la palette scapulaire) que le travailleur allègue avoir subie le 20 février 2009 et qui aurait pris la forme d’une tendinite à l’épaule droite.
[128] C’est d’ailleurs l’hypothèse que préconise le docteur Mario Giroux, chirurgien orthopédiste, entendu comme témoin expert à la demande du travailleur, le 16 décembre 2013. Le docteur Giroux souligne que les « premiers intervenants » (lire : les premiers médecins consultés) ont noté des signes cliniques de tendinite dès après l’accident du 18 juin 2008. À son avis, « le mécanisme de traction » dont le travailleur a été victime lors de l’accident survenu le 18 juin 2008 quand il a saisi la rampe de l’escalier avec son membre supérieur droit pour tenter d’éviter la chute « peut engendrer différents mécanismes inflammatoires qui peuvent être localisés particulièrement au niveau de la coiffe des rotateurs » [nos soulignements]; il ajoute que « c’est quelque chose de tout à fait fréquent dans notre pratique que les mécanismes de traction de l’épaule causent ce genre de lésion ».
[129] Avec respect, bien qu’un tel scénario soit toujours possible au plan médical, il est cependant peu probable dans le présent cas, si l’on tient compte de la preuve offerte dans sa globalité.
[130] En effet, bien que ses notes cliniques prises lors des consultations tenues les 19 et 26 juin ainsi que les 17 juillet, 28 août et 28 octobre 2008 mentionnent effectivement certaines épreuves de mises en tension de la coiffe des rotateurs (Jobe et Hawkins) comme étant positives[41], le docteur Pépin n’a jamais alors posé un diagnostic de tendinite; il a toujours réitéré le diagnostic d’entorse à chacune de ces occasions. De fait, le docteur Pépin n’a posé le diagnostic de tendinite pour la première fois que le 2 novembre 2008, après que le docteur Ostiguy l’eut fait le 31 octobre 2008.
[131] Pour sa part, le docteur Michel Larouche n’a pas posé de diagnostic de tendinite le 3 juillet 2008. Ses notes de consultation ne font pas état d’épreuves de mise en tension de la coiffe des rotateurs positives.
[132] Le docteur Johan Michaud, physiatre, n’a pas, lui non plus, posé de diagnostic de tendinite. Dans son rapport de consultation du 26 août 2008 adressé au docteur Pépin, il fait état de « manœuvres d’accrochage et topographiques légèrement positives » sans faiblesse, les douleurs étant « surtout localisées à l’omoplate droite ». [notre soulignement] Il rapporte des amplitudes articulaires complètes des deux épaules, tant passivement qu’activement, « mais avec une antalgie et des mouvements précautionneux ».
[133] Quant au docteur Gilbert, dans son rapport de l’examen réalisé le 23 septembre 2008, il ne fait aucune mention d’une quelconque épreuve de mise en tension de la coiffe des rotateurs positive. Au contraire, il rapporte des amplitudes articulaires symétriques bilatéralement bien que « le patient allègue une certaine raideur au niveau de son épaule droite à l’occasion de la recherche » de certains mouvements. D’autre part, « l’évaluation de la force musculaire des structures cervico-scapulaires, cervicobrachiales et scapulo-brachiales » n’a « pas permis d’identifier de déficit chez ce patient, ni même des allégations douloureuses significatives ». Le docteur n’a pas retenu de diagnostic de tendinite, mais plutôt un diagnostic d’entorse; un diagnostic d’entorse avec lequel le docteur Pépin se déclarera d’ailleurs en accord dans son Rapport complémentaire du 10 octobre 2008.
[134] Les notes de consultation du docteur Ostiguy au 31 octobre 2008 font état d’un étirement postérieur positif [?], d’un arc douloureux négatif, d’un Neer négatif, d’un Hawkins peu concluant (« +/- »), et d’épreuves de Yocum, du Full Can, de la rotation externe, du Lift Off et du Bear Hug toutes négatives.
[135] Le docteur Ostiguy pose alors le diagnostic de tendinite pour la première fois, près de quatre mois et demi après l’accident du 18 juin 2008.
[136] Le docteur Giroux n’a pas expliqué ce long délai entre le fait accidentel et le diagnostic de tendinite alors que, selon lui, celle-ci résulterait du processus inflammatoire déclenché par le traumatisme (mécanisme de traction) initial. Il n’explique pas, non plus, comment un tel phénomène inflammatoire, s’il s’est amorcé dès le mois de juin 2008, a pu échapper pendant tout ce temps à la vigilance de quatre médecins, dont celui qui avait pris le travailleur en charge. Il n’explique pas davantage pourquoi les médecins traitants ont écarté le diagnostic de tendinite dès à compter du 15 novembre 2008 pour ne le reprendre enfin que plus de trois mois plus tard, le 20 février 2009[42], un hiatus de plus de trois mois.
[137] Les notes de la consultation du 13 novembre 2008 rédigées par la docteure Gauthier ne contiennent aucune mention d’épreuves de mise en tension de la coiffe des rotateurs. Quant au diagnostic de tendinite qu’elle a inscrit sur le formulaire de Rapport médical d'évolution, il appert de ses notes qu’elle a simplement assuré ce jour-là le « suivi » de la lésion précédemment diagnostiquée par un autre médecin, en l’occurrence le docteur Pépin.
[138] Les notes de consultation du docteur Pépin pour le 15 novembre 2008 révèlent que l’épreuve de Jobe est maintenant négative. Il revient alors au diagnostic d’entorse qu’il réitérera plusieurs fois par la suite.
[139] Tel que souligné précédemment[43], quand le docteur Nault a examiné le travailleur le 25 novembre 2008, il a vérifié tout particulièrement la présence de signes cliniques d’une tendinite et n’en a trouvé aucun. C’est pourquoi il n’a pas retenu de diagnostic de tendinite, mais seulement celui d’entorse avec contusion.
[140] Le 18 décembre 2008, le docteur Pépin note un Jobe et un Neer négatifs alors que le Hawkins est positif. Le diagnostic porté au formulaire de Rapport médical d'évolution est celui d’entorse et non celui de tendinite.
[141] Les notes de consultation des 27 janvier et 10 février 2009 ne comportent aucune mention d’épreuves de mises en tension de la coiffe des rotateurs positives.
[142] En somme, il ressort des nombreux examens effectués par divers médecins que le travailleur a présenté des signes cliniques fluctuants et variés - lorsqu’ils étaient présents - au cours de la période s’étendant du 18 juin 2008 au 10 février 2009. Au cours de cette période, même les allégations de douleurs exprimées par le travailleur fluctuaient d’une journée à l’autre, d’une semaine à l’autre.
[143] D’ailleurs, le docteur Joseph Kornacki, chirurgien orthopédiste, témoin expert entendu à la demande de l’employeur, adopte un point de vue bien différent de celui du docteur Giroux en ce qui concerne l’étiologie de la condition tendineuse du travailleur. À son avis, les symptômes présentés par le travailleur en février 2009 ne signent pas une tendinite traumatique reliée à l’événement survenu au travail le 18 juin 2008, mais plutôt l’évolution naturelle d’une tendinopathie dégénérative d’origine personnelle associée à un syndrome d’accrochage.
[144] L’examen échographique effectué par le docteur Michaud, le 26 août 2008, a révélé l’existence d’« une zone légèrement hétérogène compatible avec une tendinose de la face profonde du tendon, mesurant 2,7 X 2,9 mm », en plus des « manœuvres d’accrochage » positives déjà notées à l’examen physique[44]. [nos soulignements]
[145] Tel qu’il appert de ses notes cliniques, l’examen physique fait par le docteur Ostiguy, le 31 octobre 2008, a, lui aussi, mis en évidence un syndrome d’accrochage.
[146] Dans son rapport d’interprétation de l’examen par résonance magnétique pratiqué le 3 décembre 2008, le docteur Dalia Rahmouni, radiologiste, constate la présence, entre autres, « d’une légère capsulite chronique » ainsi que d’une « tendinopathie chronique » du tendon sus-épineux et d’une « tendinose insertionnelle du sous-scapulaire » [nos soulignements] pour conclure comme suit :
Tendinopathie chevauchant la portion postérieure du sus-épineux et le tendon conjoint ainsi qu’à l’insertion du sous-scapulaire. Légère capsulite chronique. Légère synovite gléno-humérale et légère bursite sous-acromio-deltoïdienne.
[147] Le docteur Kornacki souligne que cet examen n’ayant pas été réalisé selon la technique « dynamique », il n’a pu formellement documenter la présence d’un syndrome d’accrochage. Cependant, selon lui, les atteintes structurelles décrites sont parfaitement compatibles avec un tel syndrome.
[148] Dans ses notes de consultation du 20 février 2009, le docteur Ostiguy confirme la présence d’un « syndrome d’accrochage » chez le travailleur.
[149] La physiothérapeute Mélanie Bolduc réitère ce constat dans sa note d’évaluation du 16 juin 2009.
[150] Le docteur Kornacki souligne que selon le témoignage du travailleur lui-même, son état de santé n’a guère changé entre le moment de la consolidation de sa lésion initiale en octobre 2008 et la date de la récidive, rechute ou aggravation alléguée en février 2009.
[151] Considérant ce qui précède, le docteur Kornacki exprime l’opinion que les symptômes présentés par le travailleur en février 2009 n’étaient en réalité que la manifestation de sa pathologie chronique caractérisée par un syndrome d’accrochage.
[152] En fin de compte, le tribunal retient la thèse mise de l’avant par le docteur Kornacki de préférence à celle préconisée par le docteur Giroux, car la première est plus cohérente avec l’ensemble de la preuve offerte que la seconde.
[153] Le travailleur n’a pas démontré, par une preuve prépondérante selon la balance des probabilités, que son état de santé avait présenté un changement significatif entre le 29 octobre 2008 et le 20 février 2009. La preuve amène plutôt à conclure qu’il y a eu ici persistance du tableau clinique originaire à la faveur d’un état de chronicité caractérisé par une symptomatologie douloureuse à la fois intermittente et fluctuante.
[154] Le travailleur n’a pas, non plus, fait la preuve d’un lien de causalité unissant sa récidive, rechute ou aggravation alléguée à l’événement initial. Le contenu des notes de consultation analysées précédemment (suivi médical), le maintien au travail au cours de la période pertinente, l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles résultant de la lésion initiale et la présence d’une condition personnelle de nature dégénérative sont autant de facteurs qui permettent de conclure que la démonstration d’un lien de cause à effet n’a pas été faite. Bref, le tribunal ne peut conclure - comme le souhaite le travailleur - que la récidive, rechute ou aggravation du 20 février 2009 découle plus probablement de la lésion subie le 18 juin 2008 que de toute autre cause, notamment son syndrome d’accrochage.
[155] Cela étant, force est de conclure que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 20 février 2009.
[156] Le travailleur aurait-t-il subi une lésion professionnelle sous une autre forme ?
[157] Il n’a jamais été question d’une maladie professionnelle, dans le présent cas.
[158] Les circonstances entourant l’apparition de la tendinite telles que décrites par le travailleur lui-même et telles que plus amplement révélées par l’ensemble de la preuve administrée font en sorte qu’on ne peut ici qualifier cette lésion de « blessure » au sens de l’article 28 de la loi. En effet, la douleur n’est pas apparue subitement ni de façon concomitante à une sollicitation ponctuelle de la structure anatomique lésée[45] au travail alors que le travailleur était à son travail.
[159] En l’absence d’une présomption légale de lésion professionnelle, le travailleur avait donc le fardeau de démontrer tous et chacun des éléments constituants d’un accident du travail, tel que défini à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[160] Le premier de ces éléments dont le fardeau de preuve incombe au travailleur est la démonstration de la survenance d’un événement imprévu et soudain.
[161] Rien dans la preuve offerte ne permet de conclure qu’un pareil événement se soit produit le 20 février 2009. Par ailleurs, aux dires du travailleur lui-même, il n’est rien arrivé d’anormal au cours de la période précédant immédiatement cette date qui permette de conclure que le travailleur aurait alors été confronté à un ensemble de circonstances assimilables à l’événement imprévu et soudain dont parle la loi (notion élargie).
[162] Certes, il est acquis qu’avant février 2009, le travailleur était déjà porteur d’une condition personnelle préexistante de tendinopathie chronique avec syndrome d’accrochage. Le docteur Kornacki n’écarte pas l’hypothèse, toujours possible, qu’une sollicitation du membre supérieur droit dans l’exécution du travail ait pu exacerber ou aggraver une telle condition préexistante.
[163] Mais, pour conclure qu’une lésion professionnelle découle d’un tel scénario, il aurait fallu que le travailleur fasse la preuve que sa condition personnelle a été aggravée ou rendue symptomatique soit par un événement imprévu et soudain ou par le travail exécuté en soi.
[164] En effet, dans l’arrêt PPG Canada c C.A.L.P.[46], la Cour d’appel a rappelé que « pour conclure qu’une aggravation d’une condition personnelle préexistante constitue une lésion professionnelle, il faut que soit survenu un accident du travail ou une aggravation causée par les risques particuliers du travail ».
[165] La Cour souligne qu’une « interprétation de la définition de la lésion professionnelle pour y inclure les cas d’aggravation d’une condition préexistante sans que soient réunies les conditions propres à un accident du travail ou une maladie professionnelle » « ne s’appuie pas sur le texte de la LATMP et, au surplus, s’oppose à l’esprit de cette loi », car « le législateur ne peut avoir voulu, par la LATMP, couvrir des situations autres que celles reliées à un accident du travail ou à une maladie reliée aux risques du travail ».
[166] En l’espèce, ni la survenance d’un événement imprévu et soudain ni la présence de risques particuliers du travail n’ont été démontrées. Mais, surtout, il n’a pas été prouvé que la condition personnelle préexistante du travailleur ait été aggravée ou rendu symptomatique en raison de cela.
[167] Ainsi, le tribunal en vient à la conclusion que le travailleur n’a pas une telle forme de lésion professionnelle, le 20 février 2009, non plus.
[168] La contestation doit être rejetée.
Dossier 443159-62-1107
[169] Le tribunal doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 27 août 2010, soit une dépression majeure d’intensité psychotique.
[170] La date du 27 août 2010 est mentionnée dans les décisions rendues par la CSST à titre de « date de l’événement »; elle correspond à la dernière journée travaillée, telle que déclarée par l’employeur dans le formulaire d’Avis de l’employeur et demande de remboursement qu’il a rempli le 9 novembre 2009.
[171] Dans le formulaire de Réclamation du travailleur qu’elle a rempli pour lui, le 27 septembre 2010, la conjointe du travailleur a indiqué comme « date de l’événement d’origine » celle du 30 août 2010 en précisant qu’il s’agissait là de la date à laquelle il a été hospitalisé. En annexe à ce formulaire, elle fournit les informations suivantes :
Mon conjoint reçoit des indemnités de la CSST (voir dossier 136073434) pour une blessure à l’épaule survenue le 14 janvier 2010.
Mon conjoint Richard Moreau a été admis à l’hôpital Pierre Boucher le lundi 30 août 2010 et il y est hospitalisé depuis cette date pour dépression majeure d’intensité psychotique suite aux événements survenus dans les derniers mois.
Filature de l’employeur, prises de photos, entrevue avec deux gestionnaires; accusations, congédiement etc etc..., pour le réintégrer au travail en date du 5 août 2010 aux travaux légers.
Son état actuel psychologique est en lien direct avec les événements survenus et est lié au dossier mentionné précédemment (136073434).
Vous pouvez obtenir plus d’informations par les médecins et psychiatres de l’hôpital Pierre Boucher en demandant leurs notes cliniques.
[172] En réalité, selon le témoignage du travailleur à l’enquête, la trame factuelle pertinente à sa réclamation débute le 26 juin 2010, quand il a reçu à sa résidence la lettre datée de la veille le convoquant à une rencontre le 28 juin 2010 pour discuter du fait qu’il était soupçonné de fraude (pièce T - 2) :
Monsieur,
Compte tenu que vous êtes actuellement absent du travail, la présente est pour vous informer que conformément à l’article 10.04 de votre convention collective, vous serez rencontré le 28 juin 2010, à 10h00, à la succursale Brossard. Le but de la rencontre sera de discuter du fait que vous êtes soupçonné d’avoir fraudé au niveau de votre accident du travail en date du 19 juin 2010. Nous avons pris connaissance de ce fait, le 22 juin 2010.
Lors de la rencontre, vous pourrez être accompagné de votre représentant syndical, si vous le désirez. Votre dossier personnel pouvant être en cause, vous aurez accès à celui-ci sur demande écrite avant la tenue de la rencontre.
À défaut de vous présenter, nous n’aurons d’autre choix que de procéder unilatéralement.
Une copie de la présente sera versée à votre dossier personnel.
Christian Tremblay
Gestionnaire, zone 7
[173] Le travailleur déclare qu’il a été « choqué » par cette missive, qu’il a trouvé « aberrant » et a « trouvé ça dur » qu’on l’accuse injustement (« être accusé de quelque chose que tu fais pas »).
[174] Le travailleur rapporte que la rencontre du 28 juin 2010 a été dirigée par monsieur Éric Larivière, « gestionnaire OLL »[47]. Ce dernier a d’abord fait état du bilan de ses absences depuis 2008, pour conclure que le travailleur n’était « pas rentable » pour l’employeur, lequel le payait « à rester chez eux, à rien faire ». Une pause dans l’entrevue a alors eu lieu. Au retour, on lui a exhibé cinq photographies prises à son insu : deux à l’épicerie en train de prendre une caisse de douze cannettes de liqueur douce et trois dans un parc, dont une alors qu’il jouait au ballon avec sa fille.
[175] À l’enquête, le travailleur déclare avoir ressenti un certain « malaise » quand il a vu les photographies mentionnées précédemment : il ne comprenait pas « que sa famille soit mêlée à cela ». Il précise que, lors de la rencontre du 28 juin 2010, on ne lui a pas mentionné qu’il avait aussi été filmé; il n’a appris cela qu’au cours du mois de juillet suivant, de la bouche d’un agent d’indemnisation de la CSST.
[176] Lors de la rencontre du 28 juin 2010, monsieur Larivière a dit au travailleur : « ça sert à rien que tu ailles voir ton médecin, c’est fini ». Monsieur Larivière l’a avisé qu’une personne (« un voisin ») avait fait une plainte à son sujet et que cette personne était disposée à en témoigner sous serment. À l’audience, le travailleur déclare qu’il en est resté « méfiant » à l’égard de ses voisins; plus tard, ajoute-t-il, sa méfiance s’est davantage dirigée à l’égard de son employeur.
[177] Un rapport d’évaluation en ergothérapie rédigé le 18 octobre 2010 (faisant partie de la liasse déposée comme pièce E-8) confirme l’effet significatif et durable que cette divulgation (qu’une plainte avait été déposée par un de ses voisins) a eu sur le travailleur :
ENVIRONNEMENT physique, social et économique
M. habite une maison à [...] avec sa conjointe et leurs deux fillettes de 8 et 10 ans. Il entretient de bonnes relations avec les membres de sa famille et ses amis. Il dit se sentir bien entouré et bien supporté. Grand attachement pour ses enfants qu’il cherche à préserver de ses tracas le plus possible. Il craint encore que l’un de ses voisins (il n’est pas certain de son identité) le surveille constamment. Comme il ne sait pas de quel voisin il s’agit, il se montre encore méfiant pour tout le voisinage. La conjointe de M. confirme qu’il y a eu dénonciation et par la suite filature faite par l’employeur, mais que tout ceci est surinvestit par M. Moreau. Il sort peu de la maison, et lorsqu’il le fait, il demeure positionné face à la maison, le dos à la rue. Il dit craindre pour la vie de sa conjointe et est peu flexible dans ses pensées, difficilement réassurable [sic]. Ces éléments sont en amélioration au fil des sorties de fin de semaine.
[nos soulignements]
[178] La note de départ du 25 octobre 2010 rédigée par le docteur Serge Paradis, psychiatre, corrobore, elle aussi, le témoignage du travailleur :
[...] Il a développé également des sentiments paranoïdes par rapport aux voisins parce qu’apparemment, un voisin aurait contacté son employeur pour lui mentionner qu’il transportait des objets lourds. Il avait peur qu’on l’épie qu’on le filme, il pensait même qu’on pouvait lui faire du mal et que sa famille était en danger.
[...]
[…] Certaines fins de semaine il était plus paranoïde par rapport aux voisins, il avait de la difficulté à sortir de chez lui. [nos soulignements]
[179] Dans son rapport d’évaluation psychiatrique du 12 janvier 2011, le docteur Alain Bouthat fait le même constat, pour la période précédant immédiatement le congé des fêtes (décembre 2010) :
[...] Monsieur a ensuite été évalué par la Dr Mylène Anctil le 12 octobre 2010. [...] Lors d’un congé de fin de semaine, le week-end précédent, monsieur s’était senti très anxieux d’être à domicile. Il était resté surtout dans sa maison ou dans la cour arrière. Il avait toujours peur d’être filmé et surveillé. Il croyait encore que des voisins étaient impliqués dans la filature.
[...]
[...] Monsieur dit ensuite « qu’il a eu une fois l’impression que quelqu’un d’étranger était dans la maison une nuit avant les Fêtes ». Il a eu cette impression une autre fois durant la journée la semaine passée. Monsieur dit « qu’il a encore un peu l’impression d’être suivi et surveillé quand il sort à l’extérieur, mais moins dans la maison ».
[nos soulignements]
[180] Le jour même de la rencontre du 28 juin 2010, l’employeur a demandé à la CSST de « suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu » versée au travailleur en invoquant que celui-ci avait « posé des actes qui empêchent ou retardent de manière évidente la guérison de sa lésion » et « au surplus » qu’il était « fortement plausible que le comportement du travailleur ait pu aggraver sa lésion ». L’employeur précisait souhaiter « dans l’éventualité où vous auriez besoin de preuves pour rendre votre décision, vous soumettre des photos ainsi qu’une vidéo qui vous démontreraient notre prétention ».
[181] Dès le lendemain de la rencontre du 28 juin 2010 décrite précédemment, le docteur Carl Farmer, chirurgien orthopédiste, procédait, à la demande de l’employeur, au visionnement d’un enregistrement vidéonumérique de séquences complétées le 19 juin 2010 qui montrent le travailleur se livrant à certaines activités. Le docteur Farmer en a fait rapport, le 29 juin 2010, à l’employeur comme suit :
De plus, aujourd’hui, le 29 juin 2010, j’ai visualisé plusieurs séquences d’un DVD. Les séquences vidéo ont été complétées le 19 juin 2010.
Les séquences vidéo incluent des situations où le travailleur se déplace dans une épicerie et aussi où il joue dans un parc avec un enfant.
Globalement, je constate l’absence d’un mécanisme de protection au repos. Il ne semble pas manifester un tableau douloureux important lorsqu’il fait des gestes habituels. À certaines reprises cependant, il semble éviter les mouvements extrêmes de l’épaule droite et applique sa main gauche au niveau de l’épaule droite. Il est en mesure de déplacer des caisses de ce qui semblent être des boissons gazeuses et de pousser un chariot. Plus tard dans les séquences vidéo, il est en mesure de lancer un ballon léger en faisant un mouvement en général sous le niveau des épaules. À une reprise, il est en mesure de soulever son enfant sur une courte période alors que l’enfant est situé entre ses jambes et qu’il a le bras allongé contre le corps.
À la suite de la visualisation des séquences vidéo et en comparaison avec l’évaluation effectuée le 23 février 2010, je constate une absence de corrélation concernant la manifestation subjective spontanée de douleurs et de limitations de mouvements.
Lors de l’évaluation effectuée le 23 février 2010, j’ai constaté plusieurs trouvailles pointant vers une disproportion et des risques de chronicité.
Cette constatation est maintenue à la suite de la lecture du rapport de la résonance magnétique nucléaire et à la suite de la visualisation des séquences vidéo du DVD.
Je constate toujours des éléments pointant vers une absence de corrélation étroite entre le tableau subjectif et le tableau objectif.
AVIS MOTIVÉ / RÉPONSES AUX QUESTIONS
Est-ce que les gestes personnels posés par monsieur Moreau peuvent avoir retardé ou empêché la consolidation de la lésion, voire même aggravé cette dernière?
Dans les séquences vidéo, je ne retrouve pas de gestes ou de mouvements qui ne respectent pas les limitations fonctionnelles temporaires que j’avais émises lors de l’évaluation du 23 février 2010.
De manière plus générale, est-ce qu’un travailleur qui a une tendinite de la coiffe des rotateurs serait en mesure d’effectuer des gestes tels que ceux que vous avez été en mesure de visualiser sur les photos et la vidéo ?
Certains éléments du vidéo pointent vers une pathologie résiduelle de l’épaule droite. Je ne retrouve pas de gestes ou de mouvements incompatibles avec une manifestation symptomatique inflammatoire de l’espace sous-acromial.
Je maintiens cependant qu’il y a des éléments qui pointent vers une disproportion significative entre le tableau douloureux manifesté et décrit d’une part et d’autre part, les diagnostics retenus et les trouvailles de l’examen objectif documentées lors de l’évaluation effectuée le 23 février 2010. [sic]
[nos soulignements]
[182] La date à laquelle l’employeur a pris connaissance du susdit rapport du docteur Farmer n’a pas été mise en preuve; on doit présumer que ce fut dans les jours ouvrables suivants.
[183] Nonobstant ce rapport, le travailleur fut avisé de son congédiement par lettre du 2 juillet 2010 pour le motif qu’il se serait livré à des activités susceptibles d’entraver son rétablissement ou même d’aggraver sa lésion, commettant ainsi une fraude au détriment de son employeur :
La présente fait suite à la rencontre tenue le 28 juin 2010 à laquelle assistaient également M. Jacques Juhasz, représentant syndical, M. Éric Larivière, gestionnaire OLL, ainsi que le soussigné. Le but de la rencontre était de discuter du fait que vous êtes soupçonné d’avoir fraudé au niveau de votre accident de travail. Nous avons pris connaissance de ce fait le 22 juin 2010.
En effet, le 22 juin 2010, nous avons pris connaissance que vous aviez effectué certaines activités, le 19 juin 2010, qui nuiraient à votre rétablissement suite à l’accident de travail que vous avez déclaré le 13 janvier 2010. Le 19 juin 2010, vous avez été observé pendant que vous effectuiez des emplettes dans un supermarché alors que vous avez soulevé des objets qui vont à l’encontre de vos limitations et de votre rétablissement. Vous avez également été observé jouant au ballon avec un enfant et lançant le ballon avec votre bras droit.
Lors de la rencontre, vous nous avez dit « à l’épicerie je soulève les choses légères comme le pain avec mon bras gauche seulement » et vous avez ajouté « pour les choses lourdes, c’est ma femme qui les prend comme la fin de semaine dernière pour une caisse d’eau ». Or, nous vous avons démontré que nous vous avons observé alors que vous avez soulevé à 2 reprises une caisse de liqueur douce et l’avez déposée dans votre panier. Qui plus est, vous avez de nouveau soulevé cette même caisse pour la déposer dans votre voiture, puis une fois à votre domicile vous l’avez encore soulevée, l’avez prise avec seulement un bras (le droit) pendant que vous fermiez le coffre arrière de votre véhicule.
De plus, vous avez été observé alors que vous jouiez au ballon avec votre fille dans un parc. Vous avez lancé, à plusieurs reprises le ballon en soulevant la main plus haute que votre tête sans difficulté et ce bien que lors de notre rencontre, vous nous avez dit et démontré que vous leviez avec difficulté votre bras. Lors de la même séquence, vous avez été observé alors que vous souleviez votre fille entre vos jambes.
Lors de la rencontre, vous nous avez dit: « ma fille n’a que 7 ans et elle pèse 25 livres et je soutenais son poids avec mon bras gauche ».
Compte tenu de ce qui précède, nous considérons que ces activités constituent une entrave à votre rétablissement et que ces dernières sont susceptibles d’aggraver votre condition.
Ces faits constituent un motif en soi de congédiement et considérant le fait que le lien de confiance est définitivement rompu, nous n’avons d’autre choix que de mettre fin à votre emploi à la Société canadienne des Postes. En conséquence, l’accès aux aires de travail de la Société canadienne des Postes vous est désormais interdit, à l’exception des lieux prévus pour le service à la clientèle. De plus, veuillez nous faire parvenir votre carte d’identité de Postes Canada, ainsi que tout autre bien appartenant à la Société canadienne des Postes.
Une copie de la présente lettre sera déposée à votre dossier personnel.
Christian Tremblay
Gestionnaire
[nos soulignements]
[184] Le travailleur déclare avoir été « atterré » par son congédiement. Il témoigne avoir perçu la filature dont il fut l’objet comme une invasion (« entrer dans ma vie privée »). À partir de ce moment-là, dit-il, il s’est senti « sous surveillance 24 heures sur 24 ». Il n’allait plus faire l’épicerie et quand il sortait, il vérifiait constamment s’il était suivi en automobile. Il a commencé à faire des rêves récurrents dans lesquels il entendait des voix (d’abord celle de monsieur Larivière, puis ensuite celles d’autres supérieurs) qui lui adressaient des reproches.
[185] Le syndicat accrédité chez l’employeur a déposé un grief à l’encontre du congédiement du travailleur.
[186] Le 30 juillet 2010, l’employeur fait volteface et avise le travailleur que la lettre du 2 juillet précédent était retirée de son dossier :
La présente fait suite à la lettre datée du 2 juillet 2010.
En effet, le 2 juillet, une lettre vous fut envoyée concernant votre lien d’employé. Celle-ci mentionnait votre congédiement.
Veillez prendre note que cette lettre est retiré de votre dossier. Par conséquent ceci signifie que vous êtes toujours un employé de Postes Canada.
N’oubliez pas que vous devez respect la convention collective et ainsi justifier toute absence qui ce poursuivrait en fournissant toute la documentation qui vous serait demandée.
Une copie de cette lettre sera placée à votre dossier personnel.
Martin Lefebvre
Superviseur [sic]
[nos soulignements]
[187] Le travailleur confirme avoir repris ses fonctions, sur le quart de jour à la succursale de Brossard, au début du mois d’août 2010[48]. On lui a alors confié la tâche de surligner le tracé de routes de distribution du courrier sur une grande carte de la ville. Il déclare qu’il se sentait alors « nerveux », « stressé », mais tout de même en sécurité à cause de l’encadrement assuré : des superviseurs accompagnés de représentants syndicaux venaient régulièrement voir son travail. Selon le travailleur, ce confort relatif s’est cependant estompé après deux semaines, en raison du départ en vacances des délégués syndicaux. Un superviseur, monsieur Jean Lalonde, venait « très souvent » « regarder si je travaillais », dit-il. Le travailleur s’est alors demandé « s’il était rentré pour ressortir ».
[188] À l’audience, le travailleur relate qu’un certain jour du mois d’août 2010, vers 14h45, il a demandé à son superviseur en chef (« Jonathan ») s’il avait du travail à lui confier. Celui-ci lui aurait répondu « T...[49], t’as des circulaires ». Après que le travailleur eut vérifié auprès de ses collègues que personne n’avait besoin d’aide, Jonathan lui aurait dit de rentrer chez lui.
[189] Une épluchette de blé d’Inde était prévue pour le jeudi 26 août 2010. Comme on lui demandait s’il allait y participer, le travailleur a répondu qu’il n’avait probablement pas la force de ce faire. À la fin de son quart de travail ce jour-là, Jonathan était fâché et l’a pointé du doigt en mimant le geste de tirer la gâchette d’un pistolet et en reproduisant le son de la décharge de coup de feu.
[190] Le vendredi 20 août 2010, le travailleur fut avisé par monsieur Jean Lemonde qu’il serait désormais affecté au quart débutant à 02h00 ou 03h00 (de nuit). Ce jour-là ou le lendemain - le travailleur ne se rappelle pas exactement -, il est allé reconduire sa femme et ses enfants qui partaient en vacances; il s’est senti suivi tout au long du trajet en automobile jusqu’à l’aéroport.
[191] Dans le cadre de sa nouvelle assignation, le travailleur a préparé le courrier de certaines routes de distribution (faire des paquets de lettres dans l’ordre de distribution et les attacher ensemble, etc.), car on ne lui avait donné aucune instruction quant au travail à faire. Selon le travailleur, il était « toujours à la course »; on « l’envoyait un peu partout ». Par exemple, alors qu’il s’acquittait d’une tâche précise qu’un superviseur lui avait confiée, un autre arrivait tout d’un coup avec une priorité ou urgence différente : « non, il faut que tu t’en ailles là, tout de suite ». Puis, le superviseur Jean-François lui a dit qu’il relèverait désormais de lui et qu’il travaillerait maintenant sur le quart de 04h00 du matin à midi[50].
[192] Le témoin Borduas a, pour sa part, expliqué qu’il était de pratique courante (fonctionnement généralisé dans tous les bureaux de poste) de confier à des facteurs affectés à des « travaux légers », à des « tâches modifiées » ou « en retour progressif au travail » des tâches très variées (confectionner des paquets de lettres en les attachant ensemble, préparer une route, surligner le parcours d’une route sur une carte, accomplir divers « travaux cléricaux » ou compléter une « route prioritaire » pour un collègue absent ou en retard, etc.), le tout suivant « les besoins opérationnels les plus pressants ». Cela implique alors qu’un facteur puisse être fréquemment « promené » d’une tâche à l’autre au cours d’une même journée, abandonnant celle à laquelle il se consacrait pour en accomplir une autre plus urgente. Il conclut que « dans un bureau de poste, il y a toujours quelque chose à faire ».
[193] À l’audience, le travailleur rapporte qu’au cours du mois d’août 2010, il a commencé à entendre des voix lui adressant des reproches (« fraude », « menteur »), même quand il était éveillé.
[194] Le travailleur déclare que les 22 et 23 août 2010, en soirée, il est allé répondre à la porte de son domicile pour constater pourtant que personne ne s’y trouvait. Se sentant trop « insécure » [sic], il a décidé d’aller coucher chez sa sœur.
[195] Le travailleur garde un souvenir diffus des journées qui ont précédé son hospitalisation, le 30 août 2010, au Centre Hospitalier Pierre-Boucher. Il rapporte des épisodes de crise de panique, d’incohérence, de découragement, d’idées suicidaires ainsi que d’hallucinations tant auditives que visuelles. Il aurait passé une nuit dans son automobile sur le bord de la route. Finalement, c’est son beau-frère qui l’a amené à l’urgence de l’hôpital.
[196] Après une période de traitement initiale, l’état du travailleur a montré une amélioration progressive de telle sorte qu’il a pu bénéficier de sorties en famille de plus en plus prolongées. En début octobre 2010, le travailleur a été pris en charge par l’équipe multidisciplinaire de l’Hôpital de jour; il a reçu son congé définitif le 25 octobre 2010.
[197] Dans son rapport d’évaluation psychiatrique du 12 janvier 2011, le docteur Bouthat décrit l’état du travailleur au moment de son congé comme suit :
Au départ, monsieur avait des symptômes physiologiques anxieux et des idées paranoïdes de façon régulière et il avait développé des mécanismes d’évitement dans son quotidien. [...] En raison de ses périodes de ruminations prolongées, il demeurait passif et il avait une perception d’épuisement dans son quotidien. Il ne sortait jamais seul. Il ne pouvait plus aller chercher ses enfants à la garderie, par crainte de rencontrer et de parler avec des gens et il avait développé des associations anxiogènes et des comportements d’évitement face à tout ce qui touchait, de près de loin, à son travail. [...] Malgré la stabilisation à la fin du séjour, certaines idéations paranoïdes ciblées dans le milieu de travail demeuraient présentes [...]
[nos soulignements]
[198] Le même rapport d’évaluation mentionne que les antécédents psychiatriques familiaux du travailleur sont « sans particularité ». Les conclusions, selon l’approche multiaxiale préconisée par le manuel DSM-IV[51] , se lisent comme suit :
IMPRESSION :
Axe I :
Dépression majeure avec éléments psychotiques beaucoup moins symptomatique qu’il y a quelques semaines.
Il y a une notion de syndrome de stress post-traumatique possible.
Axe II :
Monsieur présente pour le moins des traits évitants et dépendants.
Axe III :
Antécédents de lithiases urinaires récurrentes.
Axe IV :
Monsieur a été victime d’accidents du travail en 2008 et en janvier 2010, avec des blessures récurrentes à la région cervicale et à l’épaule droite.
Monsieur a été accusé de fraude par l’employeur qui l’a fait espionner lors de son dernier arrêt de travail l’été dernier.
Monsieur a été congédié dans un premier temps, en juin dernier, puis il a été blanchi de ces accusations. Il a été réintégré en travaux légers de nuit au mois d’août, mais il s’est senti harcelé par son employeur et il a développé secondairement un tableau de dépression psychotique.
Ses deux filles ont eu des problèmes de santé qui l’ont inquiété.
Monsieur est inquiet des problèmes de santé de son épouse depuis deux semaines, avec une complication chirurgicale lundi dernier.
Monsieur a une certaine fragilité liée à l’Axe II.
Axe V :
60/100.
[nos soulignements]
[199] Lors de l’audience tenue le 4 décembre 2013, le travailleur a répondu à des questions posées par l’assesseur médical. Il a d’abord confirmé ne pas avoir mentionné à son médecin traitant, avant son hospitalisation le 30 août 2010, qu’il entendait des voix depuis le 28 juin 2010 (date de la rencontre disciplinaire avec le gestionnaire Larivière).
[200] D’autre part, à propos des cinq photographies (prises dans le cadre de la filature commandée par son employeur, soit deux à l’épicerie et trois dans un parc) qui lui ont été exhibées lors de cette rencontre disciplinaire, le travailleur :
- déclare ne pas se souvenir du contenu de la deuxième photo prise alors qu’il se trouvait dans une épicerie,
- n’est pas en mesure d’identifier quel(s) élément(s) contenu(s) dans ces photographies l’a(ont) « marqué ou frappé le plus » - dans le sens d’avoir attiré particulièrement son attention ou d’avoir suscité chez lui une réaction appréciable au plan émotif -, si ce n’est que sa « famille est comme impliquée dedans d’une certaine façon », qu’il se demande si les photographes avaient été autorisés à prendre ces photos [dans des lieux publics, mais dans le cadre d’une activité parascolaire] et qu’il se soucie que « le monde ait pas un mauvais jugement aussi » (ouï-dire), et
- reconnaît qu’il ne s’agit aucunement là de photographies pouvant être qualifiées de « compromettantes ».
[201] Le diagnostic lésionnel qui lie le tribunal aux fins des présentes est celui posé par les médecins traitants (à savoir : les docteurs Marie-Josée Chouinard, Serge Paradis, Mylène Anctil et Alain Bouthat), lequel n’a pas fait l’objet d’une demande de soumission au processus d’évaluation médicale prévu à la loi. Bien que libellé de diverses façons au fil des formulaires de Rapport médical d'évolution successifs (« dépression majeure d’intensité psychotique », « dépression majeure avec caractéristiques » ou « avec éléments psychotiques »), ce diagnostic est demeuré en substance le même tout au long de l’investigation médicale.
[202] Dans les formulaires de Rapport médical d'évolution qu’ils ont remplis à compter du 3 septembre 2010, les médecins traitants ont ajouté, sous la rubrique « Diagnostic et évolution de la pathologie et des traitements » du formulaire, que la lésion susmentionnée est à leur avis « en lien », « secondaire » ou « dans un contexte » de « harcèlement au travail ».
[203] Le tribunal n’est pas lié par l’avis des médecins traitants voulant que la lésion diagnostiquée soit en lien avec le travail puisqu’il ne s’agit pas là d’une question d’ordre médical, mais plutôt une d’ordre juridique[52]. Cette règle s’applique particulièrement dans les cas de lésions psychologiques, car le diagnostic est alors le plus souvent posé sur la seule foi de la version des événements fournie par le travailleur[53].
[204] Il appartient au tribunal de statuer, après enquête, sur l’existence ou non d’un lien de causalité entre le travail et la lésion alléguée professionnelle[54]. Par ailleurs, au strict plan médical, l’avis du médecin traitant fut-il demeuré non contredit, il revient au tribunal d’en apprécier tout de même la valeur probante[55], à la lumière de l’ensemble de la preuve tant profane qu’experte[56].
[205] La jurisprudence du tribunal veut qu’une lésion de nature psychologique ne constitue pas une « blessure » au sens de l’article 28 de la loi[57]. Plus particulièrement, il a été décidé qu’un diagnostic de dépression réactionnelle ne donne pas ouverture à l’application de la présomption de lésion professionnelle prévue au susdit article[58]. Il en a été de même d’un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur dépressive[59].
[206] En l’absence de présomption légale applicable, il appartient au travailleur de démontrer, au moyen d’une preuve prépondérante, qu’il a subi une lésion professionnelle au sens de l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[207] En l’espèce, le travailleur n’allègue pas être atteint d’une maladie professionnelle. Il n’invoque pas, non plus, avoir subi en 2010 une récidive, rechute ou aggravation d’une lésion professionnelle antérieurement reconnue.
[208] La réclamation pour lésion psychologique du travailleur doit donc être analysée à la lumière du concept d’accident du travail tel que défini précédemment. Le travailleur a le fardeau de prouver l’existence de chacun des éléments constituant un accident du travail, soit notamment : la survenance d’un événement imprévu et soudain, par le fait ou à l’occasion de son travail, et qui a entraîné sa lésion.
[209] Dans l’affaire Trudel et Commission scolaire des Navigateurs[60], la Commission des lésions professionnelles rappelle ce qui suit :
[19] En matière de lésion psychologique, la preuve d’un accident du travail porte habituellement sur une série d’événements qui, pris isolément, paraissent bénins, mais qui deviennent significatifs par leur juxtaposition et peuvent être assimilés à un événement imprévu et soudain.
[20] Pour présenter un caractère imprévu et soudain, la série d’événements invoqués par la travailleuse doit déborder du cadre normal ou usuel des relations de travail. De plus, la preuve offerte doit s’apprécier de manière objective et non selon la perception purement subjective de la travailleuse5.
[...]
[54] En vue de déterminer si ces événements constituent des événements imprévus et soudains permettant de conclure à l’existence d’un accident du travail ayant causé une lésion professionnelle, le tribunal doit les analyser, en faire ressortir ou non le caractère traumatisant au plan objectif et déterminer s’ils débordent du cadre normal et habituel du travail.
____________________
5 Roussel et Sûreté du Québec [2003] QCCLP 1294; Gaudreau et Les habitations YNAD inc., C.L.P. 347311-64-0804, 10 octobre 2008, J. David; Dubois et Fillion transport inc., C.L.P. 239436-72-0407, 4 août 2006, L. Crochetière; JL et cie A, [2012] QCCLP 4824.
[nos soulignements]
[210] Dans cette même affaire, la juge administrative cite avec approbation l’extrait suivant d’une autre décision rendue par le tribunal[61] :
[49] Avant de conclure ce qui précède, le tribunal a examiné la preuve, conformément aux critères émis par la jurisprudence, afin de déterminer si la lésion psychologique découle de faits objectivement traumatisants sur le plan psychique, de facteurs exogènes plutôt que de facteurs endogènes, de situations anormales plutôt que du niveau de stress normalement associé à l’emploi ou de situations prévisibles inhérentes au milieu de travail, particulièrement lors de rencontres syndicales et patronales.
[50] Le tribunal s'est également demandé si la cause principale de la difficulté psychologique a trouvé son origine dans la personnalité du travailleur, son attitude ou encore son approche au travail11.
11 Bouffard et Ville de Montréal, C.L.P. 278475-71-0512, 19 octobre 2007, M. Denis.
[nos soulignements]
[211] Elle cite également les principes élaborés dans une autre décision du tribunal[62], particulièrement en ce qui a trait à l’usage normal par un employeur de son droit de gérance en regard d’un harcèlement allégué par un travailleur :
[134] Dans l’affaire Gascon et Conseil du Québec-Unite Here, UTIS (FTQ), la Commission des lésions professionnelles a rappelé que les différents événements invoqués par un travailleur en vue de démontrer l’existence d’un événement imprévu et soudain doivent présenter un caractère particulier. Le tribunal s’exprime comme suit :
[413] Cependant, le tribunal requiert que ces événements présentent un cachet particulier. Ainsi, ils doivent avoir un caractère traumatisant et ils doivent sortir de la sphère des relations de travail et déborder du cadre habituel ou normal du milieu de travail. En outre, ils doivent être objectivement prouvés de façon prépondérante et ils ne doivent pas relever de la seule perception subjective du travailleur5.
[414] Ainsi, dans l’affaire Tremblay et Hydro-Québec6, la Commission des lésions professionnelles s’exprime comme suit au sujet des lésions psychologiques découlant des relations de travail et de la façon dont elles doivent être abordées :
La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il faut généralement exclure du champ d’une lésion professionnelle les problèmes normaux de relations de travail ou administratifs auxquels doit faire face tout travailleur. Le statut de salarié implique forcément certaines contraintes et il apparaîtrait quelque peu abusif d’assimiler à une lésion professionnelle la non-adaptation d’un travailleur à celles-ci.
[415] Il ne suffit donc pas que le travailleur allègue que sa maladie découle de son travail. Il faut qu’il établisse que sa maladie résulte d’événements particuliers, survenus au travail, et revêtant la qualité exigée par la jurisprudence.
[416] Enfin, dans ce litige, il est question du droit de gérance de l’employeur et de l’exercice abusif de ce dernier. Dans une décision très récente7, le tribunal se penche sur ces notions en matière de lésions psychologiques. L’analyse faite étant du plus grand intérêt, la Commission des lésions professionnelles croit opportun d’en citer de larges extraits :
[65] Dans un contexte d’allégation de harcèlement exercé de la part de l’employeur, la Commission des lésions professionnelles considère que les gestes posés par l’employeur, s’ils s’inscrivent dans l’exercice raisonnable de son droit de gérance, relèvent des relations de travail et ne constituent pas un événement imprévu et soudain au sens de l’article 2 de la loi.
[66] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles, saisie de faits, de gestes ou d’actes posés par l’employeur à l’égard d’un travailleur, doit déterminer si en adoptant un tel comportement l’employeur a abusé de son droit de gérance. […]
[…]
[68] Les auteurs Béchard et Lavoie brossent un tableau de ce que peut représenter un exercice déraisonnable des droits de l’employeur dans un contexte de relations de travail :
La jurisprudence et les auteurs de doctrine ont tenté de définir les limites de ce qui compose un agissement abusif dans le contexte des relations de travail. Ainsi, il y a notamment abus de droit lorsque l’employeur abuse de son droit de gérance de façon malicieuse, déraisonnable ou à l’encontre des règles de la bonne foi, lorsque ses agissements ne sont pas animés par des motifs liés au fonctionnement de l’entreprise ou lorsqu’un employeur compétent, qui dirige son entreprise avec bon sens et dans le respect de l’équité, n’aurait de toute évidence pas agi de la même façon. […]
[…]
[70] Dans l’affaire Centre hospitalier régional de Trois-Rivières et Syndicat des infirmiers et des infirmières de Trois-Rivières, l’arbitre définit l’exercice du droit de gérance comme suit :
[249] Rappelons que le traditionnel droit de direction de l’employeur, qui lui confère le pouvoir de diriger et de contrôler les activités de son entreprise, est un pouvoir de nature discrétionnaire et qu’à ce titre, la doctrine et la jurisprudence reconnaissent une liberté d’action assez large à l’employeur qui inclut le droit à l’erreur à la condition que celle-ci ne soit pas abusive ou déraisonnable.
[250] C’est ainsi que dans la direction et le contrôle de son personnel, l’employeur possède une discrétion étendue lorsqu’il s’agit d’établir et de faire respecter les procédures de travail, les règles et les usages du milieu de travail, d’évaluer le rendement des salariés et de contrôler la qualité du travail qu’ils accomplissent : tout cela fait partie de l’exercice normal du droit de direction et il est entendu qu’il peut en résulter du stress et des désagréments. Tout cela fait partie de la normalité des choses. Ce n’est donc qu’en cas d’exercice déraisonnable du droit de direction que l’on peut parler d’abus de droit.
[71] Il ressort de cette analyse que l’exercice du droit de gérance confère un pouvoir discrétionnaire assez large à l’employeur. Dans ce contexte, l’employeur peut l’exercer avec fermeté et commettre des erreurs dans la mesure où cet exercice n’est ni abusif ou déraisonnable.
[72] La Commission des lésions professionnelles considère que pour déterminer si l’employeur a exercé de façon déraisonnable, abusive ou discriminatoire son droit de gérance, elle doit apprécier si les gestes ou actes posés par celui-ci :
° sont en lien et justifiés avec le fonctionnement de l’entreprise;
° s’ils sont justes et équitables compte tenu des circonstances;
° et si un employeur raisonnable et compétent aurait agi de la même façon.[63]
[Références omises]
[nos soulignements]
[212] La juge administrative cite enfin l’extrait suivant d’une autre décision du tribunal[64] insistant sur le caractère objectif des faits allégués au soutien de la demande, lesquels doivent déborder du cadre habituel de ce à quoi l’on doit s’attendre dans le monde du travail :
[57] Dans une décision5, la commissaire Me Louise Desbois rappelle, notamment, que la loi ne réfère aucunement au harcèlement en regard d’une notion pouvant conclure à une lésion psychologique. Cependant, un tel élément pouvait être pris en considération6. Elle rappelle que la preuve de l’événement imprévu et soudain ou des risques particuliers implique celle de leur caractère objectif. Elle mentionne qu’il faut dépasser la perception, les attentes ou les exigences du travailleur (par définition subjective) et retrouver une situation qui déborde véritablement du cadre normal, habituel ou prévisible de ce à quoi l’on peut s’attendre dans le monde du travail7.
5 Émilia Langlais et Centre hospitalier de Chandler, C.L.P. 210630-01B-0306, 1er septembre 2006.
6 G.-M. P. et Société Radio-Canada, [2003] C.L.P. 1422, révision rejetée, 8 septembre 2005, C.-A. Ducharme, requête en révision judiciaire pendante, C.S. Montréal, 500-17-027936-056; St-Martin et Commission scolaire de la Capitale, C.L.P. 195077-31-0211, 30 septembre 2004, M. Carignan.
7 Rhéaume et CSST, 43091-62-9208, 26 janvier 1996, M. Cuddihy, (J8-01-01); CSST et DIK Distribution Kirouac inc., [1998] C.L.P. 1117; Tremblay et Hydro-Québec, 101447-32-9802, 11 juin 1999, J.-G. Roy, Bélanger et Commission des normes du travail, 110670-04-9902, 4 octobre 1999, A. Gauthier; Pelletier et La Commission scolaire de l'Estuaire, 131050-09-0001, 11 septembre 2000, J.-M. Laliberté; Ouellette et Jeno Neuman et Fils inc., 128647-64-9912, 19 septembre 2000, F. Poupart, révision rejetée, 1er octobre 2001, P. Perron; Croteau et Mécanique CNC inc., 134430-63-0003, 1er novembre 2000, H. Rivard; Picard et A. Lamothe 1991 inc., 117476-08-9905, 27 novembre 2000, A. Gauthier; Lalonde et Abattoir Les Cèdres ltée, 105910-62C-9810, 13 février 2001, V. Bergeron; Commission scolaire des Hautes-Rivières et Tougas, 127448-62A-9911, 7 mars 2001, C. Demers; Gélinas et Paroisse de Saint-Barnabé, 139601-04-0005, 2 mai 2001, S. Sénéchal; Bazinet et Buffet chinois Mont-Laurier inc., 156085-64-0102, 24 octobre 2001, J.-F. Martel; Laflamme et Centre de jour Feu Vert inc., 162304-03B-0105, 15 novembre 2001, G. Marquis;précité Brassard et Remax de Francheville, précitée, note 9; Bélanger et P.I.C. Laval, 172919-64-0111, 9 avril 2002, R. Daniel; Bowles et Défense nationale C.R.D.V., 81284-32-9607, 21 mai 2002, L. Langlois; Direction des ressources humaines du Canada, 158428-62-0104, 23 septembre 2002, M. D. Lampron; Lemme et Location d'autos et camions Discount, C.L.P. 120009170, 30 septembre 2002, R. Daniel ; Denis et Ville de Gaspé, [2003] C.L.P. 1319; Dupéré et Ville de Montréal, [2003] C.L.P. 754; Verville et Messageries ADP inc., précitée, note 5; Coulombe et Industries Perfection inc., 169922-61-0110, 21 janvier 2003, G. Morin; Godin et Lalonde et Société canadienne des postes, 164596-63-0107, 22 janvier 2003, J.-M. Charrette; St-Pierre et Groupe de décoration domiciliaire Impérial ULC, 174496-05-0112, 21 mars 2003, F. Ranger, révision rejetée, 6 mai 1999, N. Lacroix; Commission scolaire de Montréal et Hébert, 187127-72-0207, 6 mai 2003, P. Perron; Quenneville et Les Entreprises SJM inc., 199323-62-0302, 7 mai 2003, S. Mathieu; Patenaude et Consultants Hébert & Bertomeu inc., 190873-71-0209, 13 mai 2003, C. Racine; Brouillette et Centre hospitalier Royal Victoria, 151257-71-0011, 5 juin 2003, H. Rivard; Belfort et Château Cartier Sheraton, précitée, note 5; Verville et Messageries ADP inc., précitée, note 5; Plouffe Leblanc et C.H.U.S.-Hôpital Fleurimont, précitée, note 4; Marion et Eduardo Dias, notaire, précitée, note 5; Ariaratnam et Vêtements Peerless inc., 185447-72-0206, 27 juin 2003, D. Lévesque; Caron et R. Plante Snack Foods, précitée, note 5; Gervais et Commission scolaire des Draveurs, 192209-07-0210, 25 juillet 2003, M. Langlois; Gélinas et Min. Sécurité publique Santé-sécurité, 139149-04-0005, 4 septembre 2003, J.-F. Clément; Paradis et Ville de Blainville, [2004] C.L.P. 468; Ratthé et Groupe Alcan Primaire, 180122-02-0202, 20 janvier 2004, R. Deraîche, (03LP-283); Couture et Établissements de détention Québec, 185123-07-0205, 20 janvier 2004, B. Roy; Chiasson et CSST, 179616-09-0202, 20 janvier 2004, D. Sams; Lavoie et Société de transport de Montréal, 203244-62-0303, 4 mars 2004, H. Marchand; TQS inc. et Dufour, 171018-05-0110, 5 mars 2004, L. Boudreault. Laperle et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 201874-07-0303, 22 avril 2004, R.L. Beaudoin; Wilhelmy et Cogeco Radio-Télévision inc., précitée, note 5; Dessureault et Jempak Canada inc., 191558-62-0209, 20 mai 2004, S. Mathieu; Roy et Commission scolaire de la Pointe de l'Île, précitée, note 5; Talbot et Métro Customs Brokers Canada inc., précitée, note 5; Michaud et Peacock Brothers ltd, 170418-62-0110-2, 30 juillet 2004, É. Ouellet; Proulx et Municipalité de St-Anaclet-de-Lessard, 228479-01A-0403, 19 août 2004, G. Marquis; Denoncourt et Revenco (1991) inc., 221733-03B-0312, 27 août 2004, G. Marquis; Bouthillier et Ministère de l'Environnement, 220618-62C-0311, 31 août 2004, M. Sauvé; Mondou et Bois d'œuvre Cedrico inc., 206923-01A-0304, 10 septembre 2004, R. Arseneau; Gingras et Syndicat des travailleuses et des travailleurs de la Maison-Mère des Sœurs SNJM (FSSS-CSN), 188058-63-0207, 13 septembre 2004, L. Crochetière; Grondin et Ministère de la Défense nationale, 217292-32-0310, 28 septembre 2004, C. Lessard; Michaud et Société canadienne des postes, [2005] C.L.P. 129, révision rejetée, 31 juillet 2006, B. Roy.
[213] Dans l’affaire Péloquin et Ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles[65], le tribunal a précisé la notion de « milieu normal de travail » comme suit :
[137] Par ailleurs, le tribunal s’est prononcé à plusieurs reprises sur la notion d’accident du travail en matière de lésion psychologique et sur la preuve devant être démontrée afin de reconnaître le caractère professionnel d’une telle lésion. Ainsi, dans l’affaire Cadieux et Agence des services frontaliers du Canada4, la Commission des lésions professionnelles expose les exigences du tribunal à cet égard. Elle écrit :
[26] En matière de lésion psychologique, pour qu’un événement isolé ou un cumul d’événements puisse être qualifié d’imprévu et soudain, il faut selon la jurisprudence qu’il déborde le cadre normal et prévisible de ce qui est susceptible de se produire dans un milieu de travail, comme le rappelle la Commission des lésions professionnelles dans Hallée et R.R.S.S.S. Montérégie :
[142] Or pour être imprévu et soudain, un incident doit se démarquer de ce qui est prévisible et normal dans le cadre du travail et c’est pour ce motif tout à fait légitime que la jurisprudence a établi comme critère de référence celui du cadre normal du travail.
[143] Lorsqu’en effet, une personne se présente sur le marché du travail, elle doit s’attendre à ce que l’employeur qui l’embauche, exerce sur elle un droit de gérance qui comprend des exigences d’efficacité, de rendement, de discipline et d’encadrement, et à ce que leur non-respect devienne susceptible de mesures qui peuvent être appliquées à l’égard du travailleur, sans que celui-ci puisse s’en surprendre, si elles sont prises dans le respect des droits du travailleur et des lois et conventions en vigueur dans le milieu de travail concerné.
[27] Il ne suffit donc pas d’établir une relation de cause à effet entre la maladie et le travail. Il faut la présence de circonstances exceptionnelles, d’événements qui, pris isolément ou dans leur ensemble, revêtent le caractère d’imprévisibilité et de soudaineté auquel fait référence la notion d’accident du travail.
[28] En règle générale, ne seront pas considérés comme circonstances exceptionnelles, parce que prévisibles dans un milieu normal de travail et relevant de l’exercice du droit de gérance de l’employeur, les circonstances suivantes : le conflit de personnalité avec le supérieur immédiat; l’ordre d’un supérieur immédiat auquel le travailleur refuse d’obtempérer; les avis disciplinaires écrits et verbaux de l’employeur; la rencontre disciplinaire avec l’employeur portant sur les absences répétées du travailleur; son indiscipline face aux directives de son superviseur; son manque de productivité ou encore son rendement qui ne correspond pas aux exigences du poste; l’évaluation du travailleur ou une surveillance accrue; la menace de mesures disciplinaires.
[29] Enfin, dans le cadre d’une lésion psychologique, il est important de faire une distinction entre les facteurs endogènes qui relèvent de la personnalité du travailleur et les facteurs exogènes, soit les faits et les circonstances qui ont pu causer la maladie diagnostiquée. […]
[30] Si la maladie diagnostiquée est attribuable à des facteurs endogènes qui ont trait à la personnalité du travailleur, à son rapport au travail, à ses perceptions, à ses insatisfactions ou à ses frustrations, il ne s’agit pas d’un accident du travail même si c’est le travail qui est en cause.
[Références omises]
[138] Dans l’affaire Benkacem et Classement 2000 inc.5, le tribunal invite cependant à la prudence dans l’utilisation des termes « exceptionnels » ou « extraordinaires » pour qualifier le ou les événements allégués à l’origine de la lésion professionnelle rappelant qu’il s’agit de critères plus exigeants que ceux décrits par le législateur. Le tribunal approuve cependant le principe qui veut que ces événements doivent déborder du cadre habituel, normal et prévisible de ce qui est susceptible de se retrouver dans un milieu de travail.
[139] Dans l’affaire Longtin et Ville de Longueuil section Saint-Lambert6, le tribunal énumère également diverses circonstances relevant de l’exercice du droit de gérance ou qui sont prévisibles dans un milieu de travail et qui, somme toute, ne peuvent être assimilées à un événement imprévu et soudain. Le tribunal cite, jurisprudence à l’appui, les rencontres disciplinaires, le congédiement, l’hostilité ou l’insubordination des employés dirigés par le travailleur qui se prétend victime d’un accident du travail, le fait d’être impopulaire auprès des employés ou des collègues, les problèmes de relations interpersonnelles, la répartition des tâches ou la rétrogradation du travailleur.
[140] Dans l’affaire V.A et N.G7, le tribunal précise aussi ce qui suit quant à la qualité de la preuve nécessaire à la reconnaissance d’un accident du travail :
[63] Les perceptions subjectives d’une personne font également obstacle à la reconnaissance d’une lésion professionnelle. Ainsi, la situation perçue par la travailleuse, examinée de façon objective, ne présente pas le caractère imprévu et soudain requis par la loi.
[38] Selon la jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (La C.A.L.P.) et reprise par la Commission des lésions professionnelles, la survenance d’un événement imprévu et soudain doit être identifiée aux fins de conclure que la travailleuse est victime d’un accident du travail. Dans le cas de lésion psychologique, la jurisprudence énonce clairement que les événements mis en cause doivent toutefois présenter un caractère réel, objectif et identifiable.
[39] La jurisprudence soutient également que la perception de la part de la travailleuse ne constitue pas des événements pathogènes prouvés. Il faut distinguer les perceptions subjectives de la réalité objective…
[Références omises]
___________________
5 Précitée à la note 2.
6 C.L.P. 190257-62-0208, 3 juin 2004, S. Mathieu.
7 2008 QCCLP 787.
[nos soulignements]
[214] Dans l’affaire Miville et Service d'entretien Clean International inc.[66], la Commission des lésions professionnelles a eu l’occasion de rappeler l’importance de distinguer la réalité objectivement démontrée, d’une part, et la perception subjective que le travailleur a pu en avoir, d’autre part :
[34] Tout d’abord, le tribunal considère que l’événement en soi, examiné de façon objective, ne répond pas au caractère suffisamment traumatisant pour être la cause d’une lésion de nature psychologique. Sans en minimiser sa survenance, il y a lieu de rappeler les faits tels qu’ils se sont déroulés réellement. La travailleuse qui travaille seule se rend au bout d’un petit corridor pour rejoindre l’allée centrale afin de vérifier la source d’un bruit anormal qu’elle entend. Elle est à environ 35 pieds de la boutique Ardène et voit un individu en sortir alors qu’elle est fermée. Lorsque l’individu voit la travailleuse, il met ses mains en l’air, se retourne et s’enfuit en direction opposée de la travailleuse par une issue voisine de cette boutique. La travailleuse n’est pas agressée physiquement, n’est pas menacée physiquement ni verbalement par un quelconque comportement de cet individu. En fait, aucun échange de parole n’est rapporté et la travailleuse ne sait pas s’il était armé.
[35] À la suite de cet événement, la travailleuse s’absente de son quart de travail du mercredi soir suivant. Elle tente d’effectuer son quart de travail du samedi 9 juin 2012, mais est contrainte d’abandonner au motif qu’elle ne se sent pas bien ni en sécurité. Le tribunal s’explique mal le fait que la travailleuse ne consulte pas de médecin à l’urgence et qu’elle attende d’obtenir un rendez-vous avec son médecin, lequel a lieu le 20 juin 2012. Il est d’autant plus étonnant que le médecin précise que le stress post-traumatique soit « en installation » alors que déjà 18 jours se sont écoulés depuis la survenance des faits.
[36] Du témoignage de la travailleuse, le tribunal retient qu’elle a peur au moment de l’événement et que par la suite, celui-ci a pris plus d’ampleur que sa réalité. En fait, la travailleuse se lance dans des hypothèses, des anticipations et une dramatisation de ce qui aurait pu se produire si les faits s’étaient déroulés autrement. Elle imagine et se projette dans l’éventualité où l’individu aurait pu prendre la fuite vers elle et aurait pu l’attaquer physiquement. Les pensées et les scénarios figurés par la travailleuse influencent sa perception, ce qui tend à expliquer qu’une problématique soit en installation 18 jours après la survenance des faits, plus que l’événement lui-même pris objectivement.
[37] En outre, la travailleuse fait grandement état du fait qu’elle travaille seule dans le centre commercial en dehors des heures d’ouvertures des boutiques. Toutefois, il s’agit d’une condition intrinsèque propre à l’emploi de préposée à l’entretien ménager d’une bâtisse commerciale. De plus, elle se dit encore à ce jour sur ses gardes et craindre à tout moment pour sa sécurité. La persistance de ces symptômes tend à démontrer la disproportion de la réaction de la travailleuse par rapport aux faits objectifs de voir quelqu’un s’enfuir de loin sans être menacée de quelque manière que ce soit.
[38] Tenant compte de l’événement réellement survenu, du témoignage de la travailleuse, du délai de consultation médicale et d’une problématique en installation lors de la première consultation, le tribunal estime que la preuve prépondérante démontre que l’état de la travailleuse ne découle pas de l’événement en soi, mais bien de sa perception subjective et de l’amplification de ce qui aurait pu arriver.
[nos soulignements]
[215] Le soussigné souscrit aux principes dégagés dans les décisions précitées et entend les appliquer au présent litige.
[216] Passant en revue les divers éléments de preuve pertinents et les appréciant à la lumière des susdits principes, le tribunal retient ce qui suit.
[217] La lettre de convocation T-2 et la rencontre du 28 juin 2010 qui s’ensuivit s’inscrivent dans le cadre de l’application des dispositions de la convention collective de travail régissant les rapports entre l’employeur et ses employés. Elles découlent d’une enquête déclenchée en raison de plaintes d’usagers du service public de livraison postale dénonçant les agissements du travailleur dans les termes suivants :
First Message :
Moi j’apelle au nom de plusieurs sur notre rue concernant un employe qui est a votre service depuis environ 2 ans. C’est son deuxieme accident de travail qu’on denote. Depuis janvier de cette annee. il est sur la CSST et depuis peu nous remarquons qu’il fait des activites qui vont a l’encontre de sa blessure. A maintes reprises, on l’a vu transporter des gros sacs d’epicerie avec ses deux bras. arracher les pissenlits avec un arrache-pissenlit. transporter des matieres dans une brouette avec ses deux bras et tirer la ceinture de securite de sa voiture avec son bras blesse. Il a fait aussi des travaux dans sa cour. Cette periode la, on a vu plus vers la fin avril debut mai. En tant que payeurs de taxes, on est tannes de voir qu’il abuse du systeme. Son nom est Richard, au 210 de rouville a Boucherville. [sic]
Second Message:
Merci de vos commentaires mais nous trouvons bizarre que votre employé puisse faire de façon continue des mouvements allant à l’encontre de sa blessure soit de transporter des sacs de terre avec une brouette durant toute une journée et manipuler, creuser et même soulever la terre. nous sommes persuadés que le médecin lui recommande de faire des mouvements légers et non répétitifs durant toute la journée. ll serait bon selon nous qu’il soit suivi de façon régulière par un de vos inspecteurs car comme payeurs de taxe il joue le système et sait faire attention au cas ou il se ferait voir et nous sommes tannés de voir des gens abuser du système. ll joue la victime et se moque de vous ainsi que de nous. Ne pas oublier son 2ième accident de travail en 2 ans de service au Poste Canada. Peut-être le faire voir par un autre médecin et le diagnostic va sûrement changé qui sait! Merci [sic]
[Troisième plainte]
Clearview Strategic Partners Inc.
A qui de droit
Je vous écris afin de signaler un employé de poste Canada en accident de travail depuis janvier 2010 qui selon moi, devrait se faire mieux investiguer sur ce dit accident. Étant payeur de taxes, je trouve inconcevable, que cet individu n’effectue pas son travail de facteur, étant donné, qu’il fait des travaux qui nécessitent l’usage de ses bras à différentes hauteurs autour de sa maison, et que sa douleur se situe au niveau d’un bras et épaule. Cet employé, est au service des postes depuis deux ans environ et il est à son deuxième occident de travail est-ce normal ! Je crois, qu’il joue le système et ce sont des gens comme eux, qui font augmenter nos taxes et qu’ils méritent qu’on prenne le temps de les dénoncer pour favoriser les gens qui en ont réellement besoin. Cet individu, habite ou 210 De Rouville à Boucherville. Merci de m’avoir lu et suivre ce dossier dans la mesure du possible.
Bien à vous,
Résidant de Boucherville.
Boucherville, 28 avril 2010 [sic]
[218] Le fait que de telles plaintes aient effectivement été reçues par l’employeur et qu’elles l’aient justifié d’entreprendre une enquête incluant la filature du travailleur n’a pas été contesté.
[219] La première lecture que l’employeur a faite du contenu des photographies et des séquences vidéo prises par les investigateurs l’a amené à conclure que les dénonciations des usagers/contribuables étaient fondées.
[220] Dans un tel contexte, l’usage des termes « soupçonné d’avoir fraudé » dans la lettre de convocation du 26 juin 2010 (pièce T-2) n’était pas inapproprié.
[221] De même, le ton employé par le gestionnaire Larivière lors de la rencontre du 28 juin 2010 est compréhensible.
[222] Les reproches adressés au travailleur à propos de ses nombreuses absences depuis 2008 et de sa piètre rentabilité s’inscrivaient, eux aussi, dans le cadre normal du droit de gérance dévolu à tout employeur.
[223] Dans de telles circonstances, on ne saurait affirmer que le congédiement du travailleur constitue une mesure à ce point disproportionnée qu’il témoigne d’un usage abusif ou discriminatoire du droit de gérance de l’employeur. À l’évidence, la mesure appliquée était en lien avec le fonctionnement de l’entreprise et elle pouvait être considérée juste et équitable compte tenu des informations alors disponibles. On ne saurait affirmer qu’un employeur raisonnable et compétent aurait agi autrement.
[224] Sans nier le caractère traumatisant d’un congédiement pour la personne concernée, force est cependant de reconnaître qu’une telle mesure fait partie de la réalité de tout milieu de travail et qu’elle n’a en soi rien d’exceptionnel ou imprévisible; tout salarié peut y être confronté. D’ailleurs chaque régime établissant un rapport collectif de travail comporte des mécanismes (grief et arbitrage, notamment) permettant à quiconque s’estime congédié sans cause juste et suffisante de contester la mesure disciplinaire dont il a été l’objet et d’obtenir le redressement approprié. Ce fut d’ailleurs le cas en l’espèce, puisqu’à la suite du dépôt d’un grief par son syndicat, le travailleur a rapidement été réinstallé dans son emploi. Si un litige subsiste en semblable matière, il revient à l’arbitre de griefs désigné en vertu de la convention collective de le trancher.
[225] D’autre part, le fait d’avoir exhibé au travailleur cinq photographies - toutes prises dans des lieux publics et ne le montrant pas, lui-même ou des membres de sa famille, dans des situations susceptibles d’être interprétées comme embarrassantes par le commun des mortels [selon la description que le travailleur en fait, deux le montrent en train de faire des emplettes à l’épicerie et trois autres en train de jouer au ballon avec sa fille dans un parc] - ne recèle pas le caractère traumatisant requis pour considérer qu’il pourrait s’agir là d’un événement imprévu et soudain au sens de la loi.
[226] Le tribunal ne voit pas là l’invasion dans la vie privée à laquelle le travailleur a fait allusion dans son témoignage. D’ailleurs questionné spécifiquement à ce sujet par l’assesseur, le travailleur lui-même a été incapable d’identifier en quoi la prise de connaissance de ces cinq photographies l’avait marqué émotivement, si ce n’est que de se demander si les photographes avaient obtenu des autorisations au préalable et qu’en penseraient les gens de son entourage.
[227] En réalité, il n’a pas été démontré que la prise de photographies dans des lieux publics soit soumise à des autorisations préalables[67]. Par ailleurs, il n’a pas été établi que la présence d’une personne prenant des photographies - en l’occurrence, au parc, c’était une dame assise dans les gradins - ait amené quiconque à se poser des questions ou à faire des remarques. Il n’a pas été démontré, non plus, que l’entourage du travailleur aurait tiré quelconque conclusion du fait qu’il avait été photographié en public, si tant est que la « nouvelle » s’en soit répandue dans le voisinage - ce qui n’a pas été prouvé.
[228] Le témoignage du travailleur voulant qu’il se soit senti constamment (« 24 heures sur 24 ») sous surveillance, au point de ne plus vouloir sortir de chez lui pour faire des emplettes, atteste d’une réaction fortement disproportionnée par rapport aux faits objectifs mis en preuve.
[229] Au surplus, dans la mesure où le travailleur aurait bel et bien commencé, dès le 2 juillet 2010, à faire des cauchemars récurrents dans lesquels ses supérieurs lui adressaient des reproches, on s’étonne qu’il n’en ait jamais seulement glissé mot à son médecin traitant avant son hospitalisation le 30 août suivant, soit près de deux mois plus tard.
[230] Le tribunal s’explique mal comment l’encadrement serré dont le travailleur a bénéficié lors de son retour au travail, en début d’août 2010 - alors perçu comme un élément rassurant -, a pu susciter chez lui un sentiment de harcèlement, au cours des semaines suivantes. Le travailleur n’a pas établi en quoi il était inhabituel ou discriminatoire que l’employeur exerce une supervision plus étroite à l’égard d’un salarié effectuant un retour au travail dans des tâches modifiées. D’autre part, le témoin Borduas a expliqué par les besoins opérationnels de l’entreprise le fait que des tâches très variées aient été confiées au travailleur, à cette époque, et ce, fréquemment et à peu de préavis : le travailleur a eu l’impression d’être promené d’une affectation à l’autre.
[231] Les paroles et le ton employé par le superviseur « Jonathan », bien que non souhaitables chez un gestionnaire de premier niveau, ne débordent pas vraiment le cadre habituellement rencontré dans un milieu de travail normal. Le tribunal n’y voit rien qui soit objectivement susceptible de déclencher une dépression majeure d’intensité psychotique.
[232] Il en va de même du geste de tirer du pistolet attribué au même superviseur.
[233] En somme, les circonstances décrites précédemment, soit ne revêtent pas un caractère objectivement traumatisant qui dépasse le stade de la pure perception subjective, soit ne constituent pas une situation qui déborde véritablement du cadre normal, habituel ou prévisible de ce à quoi l’on peut s’attendre dans le monde du travail.
[234] Par ailleurs, l’évolution des symptômes présentés par le travailleur ne soutient pas la thèse voulant que sa lésion psychologique soit reliée à son congédiement. En effet, cette mesure a été annulée après seulement 28 jours. Six jours plus tard, soit le 5 août 2010, le travailleur était de retour à pied d’œuvre. Or, c’est justement à compter du moment où l’élément stresseur relatif à la rupture de son lien d’emploi a été retiré que l’état psychologique du travailleur s’est considérablement détérioré, selon son propre témoignage, notamment en ce que : les cauchemars connus en juillet ont été remplacés en août par des hallucinations (auditives et visuelles) en état d’éveil, sa méfiance paranoïde à l’égard des voisins initialement s’est transposée à l’endroit de son employeur et il a commencé à avoir des idées suicidaires.
[235] Alors qu’il était en mesure de reprendre ses activités professionnelles en début d’août 2010, à la fin du même mois, le travailleur était devenu dysfonctionnel au point de devoir être hospitalisé d’urgence.
[236] Ici, comme dans l’affaire Miville précitée, la persistance et la sévérité des symptômes présentés par le travailleur tend à démontrer que sa condition psychologique a découlé bien plus de sa perception subjective et déformée de la réalité que des événements tels qu’il se sont réellement déroulés.
[237] À l’évidence, la conclusion exprimée par le docteur Bouthat sous la rubrique « Axe IV » de son rapport d’évaluation psychiatrique du 12 janvier 2011 est fondée sur le récit que le travailleur lui a fait des événements tels qu’il les a perçus (« il s’est senti harcelé par son employeur et il a développé secondairement un tableau de dépression psychotique ». [notre soulignement], Mais, comme expliqué précédemment, la preuve administrée devant le tribunal a révélé la disparité existant entre cette perception et la réalité factuelle. Ainsi, le tribunal ne considère pas que l’opinion du docteur Bouthat soit probante quant à l’existence d’un lien de causalité entre les événements survenus à l’occasion du travail et la lésion diagnostiquée.
[238] Dans son argumentation écrite, la procureure du travailleur fait grand état du fait que l’employeur a grandement tardé à retirer sa demande de suspension de versement de l’indemnité de remplacement du revenu. Elle y voit la confirmation de l’acharnement dont l’employeur aurait fait preuve envers son client.
[239] Certes, l’employeur aurait pu se montrer plus empressé de retirer sa demande après avoir été informé des conclusions du docteur Farmer.
[240] Mais, en déposant une telle demande et en persistant par la suite, l’employeur n’a fait qu’exercer des recours expressément prévus à la loi. Aucun abus de droit n’a été démontré et il n’a pas été prouvé, non plus, que pareille démarche légale ait été empreinte de malice.
[241] En outre, le travailleur n’a jamais mentionné que l’existence de ce recours ait eu un quelconque effet déstabilisateur sur lui. La preuve documentaire (notes évolutives générales de juillet et août 2010) révèle au contraire que la CSST a informé le travailleur dès le début qu’elle n’entendait pas acquiescer à la demande de l’employeur, laquelle fut d’ailleurs formellement rejetée par la décision rendue à la mi-août 2010.
[242] Ici encore, il n’y a pas corrélation temporelle entre la démarche de l’employeur et le sort que la CSST lui a réservé, d’une part, et la détérioration de l’état de santé psychologique du travailleur, d’autre part.
[243] Pour tous ces motifs, le tribunal en vient à la conclusion que la dépression majeure d’intensité psychotique diagnostiquée chez le travailleur n’est pas une lésion professionnelle.
[244] Le travailleur n’a pas contesté le fait que le remboursement réclamé par la CSST était justifié dans l’hypothèse où le tribunal conclurait qu’il n’a pas subi de lésion professionnelle de nature psychologique le 27 août 2010. Le travailleur n’a pas, non plus, démontré que la somme réclamée est inexacte ou ne correspond pas aux prestations qu’il a reçues sans droit.
Dossier 470044-62-1205
[245] Le tribunal doit décider si le travailleur est devenu capable d’exercer son emploi à compter du 18 janvier 2012.
[246] Le travailleur a subi une lésion professionnelle le 13 janvier 2010.
[247] Le diagnostic lésionnel retenu est celui de contusion au bras droit et déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite.
[248] Appelé à trancher un différend entre le médecin ayant charge du travailleur et le médecin désigné par l’employeur, le docteur Gary Greenfield a donné un avis en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale, le 27 octobre 2011.
[249] Dans cet avis, le docteur Greenfield déclare la lésion consolidée en date du 19 octobre 2011 avec suffisance de traitements. Il conclut que le travailleur a subi une atteinte permanente tenant compte d’un déficit anatomo-physiologique de 2 % et qu’il conserve les limitations fonctionnelles suivantes :
Monsieur doit:
- Éviter de soulever des charges de plus de 15 kilogrammes;
- Éviter de maintenir l’épaule droite dans une position d’élévation ou d’abduction plus haut que 90 degrés;
- Éviter de maintenir l’épaule droite dans une position statique d’élévation plus de 70 degrés;
- Éviter d’effectuer des mouvements répétitifs au niveau de l’épaule droite.
[250] Le 9 novembre 2011, la CSST a rendu deux décisions en conséquence de l’avis du docteur Greenfield, conformément à l’article 224.1 de la loi; l’une d’entre elles déclarait notamment que « compte tenu de la date de consolidation de votre lésion et de vos limitations fonctionnelles, nous concluons que nous devrons évaluer votre capacité à exercer un emploi ». Ces décisions n’ont pas fait l’objet d’une demande de révision administrative, de sorte qu’elles ont désormais acquis un caractère irrévocable.
[251] Dans le cadre du processus annoncé d’évaluation de la capacité du travailleur, la CSST a confié ce mandat à madame Édith Côté, ergothérapeute. Elle a procédé à l’analyse du travail dont le travailleur était titulaire, soit celui de « facteur, Route à pied numéro 43, à Brossard ». Elle s’est livrée aux observations requises « en situation d’opération réelle » lors d’une visite en emploi effectuée le 7 décembre 2011; le travailleur accompagné d’un délégué syndical y a participé.
[252] Madame Côté a fait rapport de son évaluation par écrit, le 10 janvier 2012. Les limitations fonctionnelles énoncées par le docteur Greenfield, ont servi d’étalon de référence. Une description détaillée de la tâche, du déroulement des activités en faisant partie et de leurs conditions d’exécution, avec photographies, est incorporée dans le rapport. L’évaluatrice a analysé les exigences physiques de la tâche en regard de chacune des quatre limitations fonctionnelles retenues par le docteur Greenfield individuellement pour conclure que ces dernières étaient toutes respectées dans l’exercice du travail concerné :
Suite à l’analyse des exigences physiques associées au poste de facteur à pied de la Route 43, les éléments au dossier démontrent que les limitations fonctionnelles émises sont respectées dans un tel type d’emploi.
[253] Le 19 janvier 2012, la CSST a rendu une décision déclarant le travailleur capable d’exercer son emploi à compter de la veille. Cette décision a été maintenue par une autre rendue le 27 avril 2012, à la suite d’une révision administrative. Le travailleur conteste pareille détermination devant la Commission des lésions professionnelles.
[254] Le travailleur ne dépose aucune étude ni aucune évaluation contredisant les constats et les conclusions de l’ergothérapeute Côté.
[255] Le travailleur soutient plutôt que la démonstration de son incapacité à exercer son emploi réside dans le fait que sa tentative de retour au travail régulier s’est soldée par un échec : le 8 février 2012, il a dû quitter le travail à cause de la réapparition de ses douleurs à l’épaule. Selon sa procureure, cette tentative échouée constitue le « test réel » de la capacité du travailleur, nonobstant l’opinion de l’ergothérapeute Côté.
[256] Le tribunal ne partage pas cet avis. L’évaluation de la capacité d’un travailleur victime d’un accident du travail dont il a gardé des séquelles d’exercer son emploi doit répondre à des critères objectifs fiables et vérifiables. Elle ne doit pas reposer entièrement sur la perception empirique personnelle que le travailleur concerné entretient de son état. Si tel devait être le cas, de simples allégations d’inconfort ou de douleurs suffiraient à remettre en question les conclusions d’une analyse faite conformément aux connaissances scientifiques applicables en semblable matière.
[257] Ici, le travailleur est admis à démontrer que les exigences physiques réelles de son travail régulier dépassent l’évaluation que l’ergothérapeute Côté en a faite. Ce faisant, il ne peut cependant pas remettre en question, directement ou indirectement, la substance même des limitations fonctionnelles reconnues par le docteur Greenfield, car il a choisi de ne pas les contester dans le délai et suivant les mécanismes prévus à la loi.
[258] Dans le formulaire de Rapport médical d'évolution rempli le 16 février 2012, le docteur Jean Bougard fait les inscriptions suivantes dans la section intitulée « Diagnostic et évolution de la pathologie et des traitements » :
Tendinite épaule droite. Rechute en faisant des mouvements au-delà des limitations prescrites selon le patient. LDM 30º actif. Retour au travail d’assistant facteur (travail léger ou adapté), AINS, Tramacet.
[notre soulignement]
[259] Les notes cliniques prises par le docteur Bougard lors de la consultation du 16 février 2012 confirment que « selon le patient, les mouvements demandés sont au-delà des limites prescrites suite à l’incapacité permanente → cf CSST ».
[260] Ces déclarations du travailleur à son médecin traitant quant à l’exigence physique de son travail qui excèderait, selon lui, les limitations fonctionnelles reconnues viennent en contradiction avec l’analyse soignée qu’avait faite l’ergothérapeute Côté en décembre 2011. Cependant, elles doivent être prises avec une certaine réserve, compte tenu de ce qui suit.
[261] Dans une « note d’accès au régime » consignée au dossier le 22 février 2012, l’agente d’indemnisation en charge du dossier du travailleur rapporte la conversation téléphonique qu’elle a eue avec le travailleur, ce jour-là, au cours de laquelle il lui a fait état de sa situation :
- ASPECT LÉGAL:
T est revenu à son travail régulier le 24 ou 26 janvier 2012. Lorsqu’il est revenu à son travail régulier, T mentionne qu’il avait toujours de la douleur au niveau de son épaule droite.
T dit que le 6 février 2012, il a classé du courrier. Mentionne que la douleur a commencé à augmenter un peu après cela. Dit avoir pris des AINS pour la douleur.
Le 7 février 2012, T mentionne qu’il n’a pratiquement pas eu de courrier à classer et à livrer cette journée-là. T ressentait sa douleur habituelle.
Le 8 février 2012, T dit qu’il a eu beaucoup de courrier de grands formats à classer.
Lorsqu’interrogé sur le grand format du courrier qu’il devait manipuler, T explique que ce sont de grandes enveloppes, des revues et de petits colis (ayant comme poids maximal 3 livres).
À 9h00 am du 8 février 2012, T est allé voir son superviseur lui disant qu’il ne pouvait plus travailler avec sa douleur.
Présentement, T allègue de la douleur au niveau de son cou, trapèze, épaule, coude, omoplate droits ainsi que des engourdissements à la main droite.
T dit que lorsqu’il lève son bras droit de côté, il ne peut lever son bras plus de 30%.
Lorsqu’il lève son bras droit par devant, il sent que ça accroche dans son épaule.
Le médecin a autorisé les travaux légers. Par contre, T est présentement en arrêt de travail, car son E lui a dit qu’il n’avait pas de travaux légers à lui faire faire.
Je demande à T s’il se sent capable de faire son travail de facteur. Me dit que oui. Je lui dis que pourtant, il a contesté la décision de capacité.
Me répond que tout le monde pensait qu’il aurait une réorientation avec limitations permanentes qu’il a.
Je lui demande qui ça tout le monde. Dit que c’est le syndicat qui lui a dit qu’il ne pouvait pas faire ce travail.
Mentionne qu’il a essayé de refaire son travail et manifestement, il n’en est pas capable car il a rechuté.
[nos soulignements]
[262] Contre-interrogé spécifiquement à ce sujet lors de l’audience tenue le 18 décembre 2013, le travailleur ne répudie en rien l’exactitude de ce compte-rendu de sa conversation avec l’agente d’indemnisation.
[263] L’échange précité ne révèle aucune exigence du travail accompli par le travailleur qui contrevienne aux limitations fonctionnelles reconnues par le docteur Greenfield.
[264] De plus, il ressort de cet entretien téléphonique que bien que le travailleur lui-même se soit estimé capable d’exercer son emploi, ses conseillers syndicaux lui auraient recommandé d’exprimer l’avis contraire.
[265] L’échec de retour au travail allégué ne repose en réalité que sur la persistance de douleurs déjà présentes depuis la consolidation de la lésion et sur les recommandations du syndicat contraires à ce que le travailleur lui-même ressentait quant à sa capacité de travail.
[266] Faisant suite au Rapport médical d'évolution émis par le docteur Bougard et à l’entretien téléphonique du travailleur avec l’agente d’indemnisation, le médecin-conseil régional de la CSST, la docteure Hélène Béland-Vachon, a expédié au docteur Bougard un formulaire d’Information médicale complémentaire écrite, le 29 février 2012. Le médecin du travailleur a répondu, le 9 mars 2012, comme suit :
1 -Suite à votre examen clinique pourriez-vous nous indiquer quelles sont les amplitudes articulaires actives : ce jour
droite gauche Elev
à l’abduction: 60° 180° 180° - 180°
l’adduction: 20° 20° dr gch
la rotation externe: 90° 90°
la rotation interne: 40° 45°
l’extension: 45° 60°
élévation: 180° 180°
dx : tendinite coiffe des rotateurs avec déchirure partielle et aggravation 6 février qui s’améliore depuis.
Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les amplitudes articulaires passives:
à l’abduction: 180° 180° Elev
l’adduction: 20° 20° 180° - 180°
la rotation externe: 90° 90°
la rotation interne: 40° 45°
l’extension: 45° 60°
Pour l’actuelle aggravation qui déjà s’améliore en physio avec médication (AINS, Tramacet) et avec le temps, avec diminution de douleur à 4.5/10 (vs 8/10) aux mouvements et 2/10 au repos: même physio
Pour le problème chronique de tendinite coiffe des rotateurs avec incapacités déjà reconnue par l’évaluation du BEM (Dr Greenfield ) et de Dr Gauthier , il n’y a pas d’autre choix que de respecter les limitations prescrites facilement atteintes semble-t-il au poste d’assistant facteur . J’avais bien reçu l’évaluation en ergo de Mme Edith Côté et le patient est donc retourné au travail de facteur. C’est au tri du courrier qu’il s’est blessé de nouveau. Serait-il possible que les mouvements impliqués soient trop à la limite de ses capacités et qu’un moindre faux-mouvement relance l’inflammation toujours présente à bas bruit?
II semble bien capable de travailler les bras bien en haut de l’horizontal, sans effort de levée et se servant au besoin de la gauche. L’état ici de douleur chronique peut-être un élément aggravant engendrant craintes et tensions musculaires.
Enfin, le Dr Chérif consulté récemment le 20 février recommande une autre infiltration sous écho: ceci avait bien aidé la douleur et la mobilisation en août 2011 lors de la dernière. C’est pourquoi je crois qu’on peut procéder pour soulager le résiduel d’inflammation.
Bref - physio encore quelques séances pour la rechute récente
- infiltration sous écho
- poste adapté “sécuritaire”. [sic]
[nos soulignements]
[267] Clairement, le médecin traitant du travailleur ne remet pas en question ni les limitations fonctionnelles prescrites par le docteur Greenfield [dont il recommande d’ailleurs le respect] ni l’évaluation du poste de travail faite par l’ergothérapeute Côté. Il soulève simplement l’hypothèse [« Serait-il possible que ...? »], sans l’affirmer, « qu’un simple faux mouvement relance l’inflammation » et traite la condition manifestée le 8 février comme étant une « rechute » ou une « aggravation ».
[268] Ce document spécifique émanant du médecin traitant ne soutient pas la thèse voulant que le travailleur ait été incapable d’exercer son emploi à compter du 18 janvier 2012. Sur la foi des allégations du travailleur, il se limite à évoquer la possibilité d’une récidive, rechute ou aggravation qui aurait été causée par un « faux mouvement ».
[269] Or, au plan médical, la docteure Béland-Vachon écarte même l’hypothèse d’une telle récidive, rechute ou aggravation étant donné l’absence de démonstration objective d’une aggravation quelconque. Dans sa note d’intervention du 13 mars 2012, elle souligne qu’au plan clinique, les « valeurs d’amplitudes articulaires » rapportées par les docteurs Greenfield et Gauthier sont « superposables à l’examen du Dr Bougard » :
2012-03-13 10:09:33, Hélène Béland-Vachon - Médecin, NOTE D’INTERVENTION
Titre: BM- RRA
- ASPECT MÉDICAL:
Le Dr Bougard md traitant décrit dans son IMC l’examen de M. Moreau en regard de ce qu’il appelle une "aggravation" de sa condition.
Les documents versés au dossier soit l’avis de BEM du Dr Greenfield auquel la CSST est liée, et le REM du Dr Gauthier auquel la CSST n’est pas liée, révèlent des valeurs d’amplitudes articulaires superposables à l’examen du Dr Bougard.
De plus tous les documents font état d’une douleur résiduelle, même si la condition a atteint un plateau thérapeutique.
Une allégation de douleur n’est pas un signe d’aggravation objective. Il n’y a aucun signe objectif d’aggravation.
Que M. Moreau se voit prescrire une nouvelle échographie cortisonée est tout à fait acceptable compte tenu de ce que la CSST a reconnu une atteinte permanente.
II peut d’ailleurs recevoir 3 infiltrations par année, selon la littérature médicale, payables par la CSST.
H.B.Vachon médecin
[nos soulignements]
[270] Au plan paraclinique, l’échographie prescrite a été réalisée le 4 avril 2012. L’interprétation a tenu compte d’un « examen comparé à ceux pratiqués antérieurement, en juin 2010, mars 2011 et août 2011 ». Il y est souligné, en autres, que « la composante transfixiante est moins évidente actuellement », qu’« il n’y a pas de liquide dans la bourse ni la gouttière bicipitale » et que « la petite déchirure partielle millimétrique de la portion postérieure de ce tendon [du sus-épineux droit] est moins évidente ». Le docteur Gustave Roumy, radiologiste, livre l’opinion suivante :
Déchirure actuellement essentiellement partielle au tendon du sus-épineux droit, qui semble avoir légèrement régressé depuis les examens antérieurs.
[271] L’imagerie médicale ne supporte donc pas, elle non plus, la thèse voulant que le travailleur ait été incapable d’exercer son emploi à compter du 18 janvier 2012 en raison d’une aggravation de son état.
[272] La prépondérance de la preuve milite fortement en faveur du maintien de la décision de la CSST déclarant le travailleur capable d’exercer son emploi à compter du 18 janvier 2012. Son droit à l’indemnité de remplacement du revenu a pris fin à cette date. Il y a lieu de rejeter la contestation.
Dossier 471983-62-1205
[273] Le tribunal doit décider si la demande de révision déposée par le travailleur en date du 2 mai 2012 est recevable.
[274] La susdite demande de révision vise une décision rendue le 14 mars 2012 par laquelle la CSST refusait la réclamation du travailleur pour récidive, rechute ou aggravation alléguée survenue le 9 février 2012.
[275] Aux termes de l’article 358 de la loi, le travailleur pouvait demander la révision de cette décision « dans les 30 jours de sa notification » :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1.
Une personne ne peut demander la révision du taux provisoire fixé par la Commission en vertu de l'article 315.2.
__________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.
[notre soulignement]
[276] La date précise à laquelle le travailleur a reçu la décision du 14 mars 2012 n’a pas été établie. Le travailleur ne nie cependant pas l’avoir reçue dans les jours suivant sa mise à la poste.
[277] En de telles circonstances, le tribunal est justifié de présumer que la décision a été notifiée au travailleur dans les trois à cinq jours suivants, soit au plus tard le 19 mars 2012.
[278] Dans le présent cas, le délai de 30 jours prescrit par l’article 358 de la loi venait donc à échéance le 18 avril 2012.
[279] La demande de révision déposée le 2 mai 2012 l’a donc été en dehors du délai prescrit par la loi.
[280] Le travailleur demande au tribunal de le relever des conséquences de son défaut d’exercer le recours en temps utile. Il allègue n’avoir pu le faire « pour un motif raisonnable », conformément à l’article 358.2 de la loi :
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
__________
1997, c. 27, a. 15.
[281] Le fardeau de faire la preuve d’un tel motif raisonnable repose sur les épaules du travailleur[68], car il lui appartient de démontrer que sa demande de révision est recevable[69].
[282] La loi ne définissant pas la notion de « motif raisonnable » au sens de l’article 358.2 précité, la jurisprudence du tribunal retient la définition suivante originairement élaborée par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles[70] et reprise par la suite dans maintes décisions[71] :
La notion de motif raisonnable est, selon la Commission d’appel, une notion large permettant de considérer un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture, des circonstances, etc., si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion.
[283] Dans l’affaire Chrétien et Société canadienne des postes[72], la Commission des lésions professionnelles souligne l’opportun d’analyser l’ensemble des circonstances propres à l’espèce à l'étude :
[26] La notion de « motif raisonnable » énoncée à l’article 352 est vaste et, de ce fait, sujette à beaucoup d’interprétation ainsi qu’à l’exercice d’une discrétion importante de la part du décideur, lequel doit examiner toutes les circonstances du cas particulier qui lui est soumis1. Le motif raisonnable a par ailleurs déjà été décrit par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles comme étant « un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion. »2.
[références omises]
[284] Il a été jugé que dans son appréciation de l’ensemble des faits, démarches et circonstances, le tribunal doit évaluer le comportement du travailleur en fonction de celui qu’une personne prudente et diligente aurait adopté[73]. La diligence s’entend d’un comportement exempt de négligence, cette dernière demeurant toujours imputable à la personne qui en fait preuve[74].
[285] Qu’en est-il dans le présent cas ?
[286] Dans la décision rendue le 14 mai 2012, à la suite de la révision administrative, la réviseure rapporte que « la représentante du travailleur dit qu’il y a eu de la confusion, le travailleur ayant reçu des décisions de la Révision administrative de façon contemporaine à la présente contestée ».
[287] La note évolutive de la Révision consignée au dossier le 11 mai 2012 confirme que le motif raisonnable invoqué à ce moment-là était bel et bien celui de la « confusion » :
Message reçu le 10 mai à 18h20 de Mme Gélineau qui dit re hors délai qu’il y a eu confusion car des décisions ont été émises par la DRA dans la même période dont une le 19 janvier 2012. [sic]
[288] Rappelons que la décision initiale refusant la réclamation en cause a été rendue le 14 mars 2012, soit presque deux mois après celle du 19 janvier et par une instance différente. Si confusion il y a eu, elle ne saute pas aux yeux; des explications sur cette prétendue confusion sont nécessaires. La représentante du travailleur de l’époque n’en a pas fournies, comme le montrent les notes du 14 mai 2012 :
10h12 Message laissé à Mme Gélineault de me rappeler auj ou demain si elle veut rajouter des éléments ou autres, sinon je ferai la décision. Je dis avoir lu le dossier, constaté que le T a contesté lui-même les 2 premières décisions et que je ne vois pas quelle confusion il a pu y avoir et que même si il y a eu de la confusion, ce ne serait pas un motif raisonnable.
14h Mme Gélineault appelle; je demande si ce sont les T qui leur apportent la décision à contester, elle dit oui. Explications données. [sic]
[289] Or, voilà que devant le tribunal, le travailleur n’invoque plus le motif de confusion pour être relevé des conséquences de son défaut. Cette fois, il prétend plutôt que son médecin traitant et lui ont cru devoir attendre le résultat d’une infiltration cortisonée sous guidage échographique avant de déposer la demande de révision.
[290] Ce changement de tactique laisse le tribunal perplexe : le travailleur allègue-t-il un motif raisonnable ou divers prétextes ?
[291] À titre de membre d’un syndicat accrédité au sein de l’entreprise, le travailleur disposait de ressources amplement suffisantes pour le conseiller adéquatement, l’instruire au besoin sur la signification et la portée de toute décision rendue par la CSST et prendre les mesures appropriées à la défense de ses droits et intérêts. Il n’avait à se livrer qu’à une simple démarche, comme l’a clairement déclaré sa représentante à la réviseure le 14 mai 2012, soit : apporter au syndicat la décision de la CSST qu’il venait de recevoir.
[292] Témoignant à l’audience, le travailleur reconnaît que c’est habituellement son syndicat qui se charge de faire les contestations et que les travailleurs n’ont qu’à lui fournir les documents requis.
[293] En mars 2012, le travailleur avait déjà déposé auparavant quatre demandes de révision à l’encontre de décisions rendues par la CSST[75]. Il ne peut prétendre avoir été ignorant du système; s’il y a réellement eu confusion, il doit être en mesure d’en expliquer la nature ainsi que les tenants et aboutissants. Il ne suffit pas d’alléguer la confusion; encore faut-il la démontrer, pour qu’elle puisse être considérée comme constituant un motif raisonnable.
[294] La réalité est que le travailleur avait été prévenu, dès le 13 mars 2012 par l’agente d’indemnisation au dossier que sa réclamation était refusée et qu’il avait le droit de demander la révision de cette décision, tel qu’il appert de la note générale versée au dossier :
2012-03-13 11:44:59, Josée Lavoie - Agent d’indemnisation, NOTE GÉNÉRALE
Titre : Appel à T
- CONTENU :
Informé du refus de sa réclamation et de son droit de contestation.
[295] Le tribunal n’a aucune raison de ne pas tenir compte des notes générales et des notes de révision consignées au dossier, car il s’agit là d’éléments de la preuve documentaire pertinente dans l’appréciation d’un motif allégué comme étant raisonnable, comme la jurisprudence du tribunal l’a souvent reconnu.
[296] Ainsi, dans l’affaire Lemieux et Bow Groupe de Plomberie inc.[76], la Commission des lésions professionnelles a expliqué en quoi les notes consignées au dossier par les agents de la CSST constituent des éléments pertinents et probants :
[55] Le tribunal accorde une grande valeur aux notes rédigées par les agents de la CSST dans le cours habituel de leur travail et croit qu’il peut certes y référer pour jauger le témoignage de la travailleuse. Le tribunal partage entièrement les propos de la commissaire Tardif dans l’affaire David et Industries Savard inc. (F) et CSST10 lorsqu’elle énonce au sujet des écrits émanant des agents de la CSST:
Dans le cadre de l’exercice de sa compétence, la Commission des lésions professionnelles procède de novo, c’est-à-dire qu’elle se prononce sur la question en litige en considérant non seulement le dossier constitué par la CSST, dont copie est transmise systématiquement aux parties, mais également toute autre preuve additionnelle qui s’avérerait pertinente et ce, afin de déterminer s’il y a lieu de confirmer, d’infirmer ou de modifier la décision rendue, et ultimement de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu (voir l’article 377 de la loi).
Tous les résumés de conversations téléphoniques entre les parties et les agents de la CSST, tous les rapports médicaux, toutes les notes cliniques, tous les rapports de physiothérapie ou d’ergothérapie, ainsi que tous les rapports d’évaluation des capacités de travail, pour ne nommer que ces éléments présents dans les dossiers, constituent du ouï-dire chaque fois que leur auteur ne témoigne pas devant le tribunal, ce qui est la règle plutôt que l’exception. En pratique donc, la preuve au dossier de la Commission des lésions professionnelles comporte habituellement une grande part de ouï-dire.
Néanmoins, dans la mesure où ces résumés, ces notes et ces rapports sont faits dans le cours habituel de leur travail par leurs auteurs, et que ces auteurs n’ont pas, sauf indication à l’effet contraire qui n’existe pas ici, d’intérêt à altérer les faits apparaissant à leurs documents, et en l’absence de circonstances ou de faits prouvés ici démontrant que ces éléments de preuve par ouï-dire ne sont pas fiables, il n’y a pas lieu de les écarter.
Le travailleur aurait pu assigner l’agente de la CSST à témoigner et tester ainsi la fiabilité des notes qu’elle a consignées au dossier. Il a choisi de ne pas le faire. Qui plus est, le travailleur ne contredit pas formellement la teneur de leurs conversations, telles qu’elle les a résumées. Il admet la conformité d’une bonne partie des résumés, et pour le reste, il affirme ne pas se souvenir.
Ceci étant, le tribunal considère qu’il y a lieu de tenir compte des notes consignées par l’agente au dossier et qu’il y a lieu d’apprécier la valeur probante de cette preuve, à la lumière de l’ensemble de la preuve et notamment, du témoignage du travailleur. »
(Les soulignements sont ceux du tribunal)
________________
10 C.L.P. 350201-31-0806, 15 septembre 2008, G. Tardif.
[297] À défaut de confier à son syndicat le mandat ferme de rédiger et déposer une demande de révision, le travailleur aurait pu à tout le moins s’informer. Si le travailleur entretenait quelque doute sur la nature ou la portée de la décision dont on l’avait prévenu verbalement et qu’il venait de recevoir par écrit, il lui était facile d’en apporter le texte reçu à un représentant syndical pour obtenir les explications susceptibles de dissiper toute confusion pouvant subsister dans son esprit.
[298] En somme, prévenu le 13 mars 2012 que sa réclamation pour récidive, rechute ou aggravation était refusée et ayant reçu la confirmation écrite de cette décision dans les jours suivants, alors qu’il n’avait qu’à l’apporter à son syndicat pour que ses droits soient protégés comme cela avait été fait à quatre reprises auparavant, le travailleur a négligé d’agir. Il a fait preuve d’insouciance. Pareille inaction ne constitue pas un « motif raisonnable » au sens de la loi[77].
[299] Aujourd’hui, il tente de couvrir sa négligence en invoquant un nouveau motif : celui de l’attente d’un rapport médical soi-disant nécessaire à sa demande de révision.
[300] Qu’en est-il maintenant de ce prétendu motif ?
[301] L’examen et le traitement en question ont été effectués le 4 avril 2012. Le docteur Roumy en a fait le rapport suivant au docteur Bougard :
PROTOCOLE D’IMAGERIE MÉDICALE
Date examen : Le 4 avril 2012 20120404 - 095
Rens. Cliniques :
ECHOGRAPHIE DES EPAULES
Examen comparé ceux pratiqués antérieurement, en juin 2010, mars 2011 et août 2011.
On revoit la déchirure qui est essentiellement partielle, mesurant actuellement 0,6cm de large. Cette déchirure est plus épaisse en antéro-externe où elle mesure 3.2mm comparativement sa portion postérieure qui mesure 1 mm d’épaisseur, et qui intéresse la substance moyenne du tendon, alors qu’en antérieur, elle intéresse la substance moyenne et inférieure. La composante transfixiante est moins évidente actuellement et n’y a pas de liquide dans la bourse ni la gouttière bicipitale. La petite déchirure partielle millimétrique de la portion postérieure de ce tendon est moins évidente. Petite calcification millimétrique externe au tendon du muscle sous-scapulaire droit. Les autres tendons des coiffes sont sans particularité. Pas de signe de bursopathie significative.
L’étude dynamique démontre un conflit acromio-huméral d’importance légère à modérée à l’épaule droite.
Opinion:
Déchirure actuellement essentiellement partielle au tendon du sus-épineux droit, qui semble avoir légèrement régressé depuis les examens antérieurs.
INFILTRATION CORTISONEE - EPAULE DROITE
Après asepsie et sous guidage échographique, il y a eu ponction et injection de 3cc de Marcaïne et de 40mg de Méthylprednisolone dans la bourse sous-acromio-deltoïdienne droite. La procédure a été bien tolérée sans complication. [sic]
[nos soulignements]
[302] À l’audience, le travailleur prétend que ce rapport était nécessaire à l’appui de sa réclamation pour la récidive, rechute ou aggravation qu’il alléguait avoir subie le 9 février 2012 : « je ne pouvais contester quelque chose que je n’avais pas reçu », dit-il. Le travailleur n’a pas démontré en quoi cet examen était susceptible de démontrer l’aggravation de son état.
[303] Le travailleur n’a pas expliqué, non plus, pourquoi il avait attendu encore un mois de plus, jusqu’au 2 mai suivant, avant de déposer sa demande de révision.
[304] De toute façon, il est de jurisprudence bien établie et de longue date que l’attente d’un quelconque document médical (rapport, expertise ou autre) ne constitue pas un motif raisonnable permettant de justifier l’exercice tardif d’un recours soumis à un délai prescrit par la loi[78].
[305] La raison en a été clairement expliquée dans l’affaire Hollyer Pearce et Affaires indiennes et Nord canadien[79], par référence au libellé même de l’article 358 de la loi précité :
[40] En dernier lieu, la recherche d’une opinion médicale favorable n’est pas essentielle au dépôt d’une demande de révision. En effet, ce qui permet à la travailleuse de contester une décision n’est pas la preuve irréfutable de son droit mais bien l’insatisfaction qu’elle éprouve face à cette dernière2. Le fait de rechercher une opinion médicale favorable n’est donc pas un motif raisonnable permettant à la révision administrative ou à la Commission des lésions professionnelles de prolonger un délai ou de relever la travailleuse des conséquences de son défaut de l’avoir respecté.
___________________
2 Voir, entre autres, à ce sujet : Boulay et Parc National Forillon, C.L.P. 149432-01B-0010, le 18 mai 2001, R. Arseneau ; Cardinal et Les traitements d’eau Cardinal, C.L.P. 100934-62-9805, le 18 janvier 1999, S Mathieu ; Viens et Agents Sautage Richelieu (1988), C.A.L.P. 81366-62-9607, le 19 novembre 1996, J.-Y. Desjardins.
[notre soulignement]
[306] Ainsi, la deuxième explication offerte par le travailleur ne vaut pas davantage que la première à titre de motif raisonnable selon la loi.
[307] Pour toutes ces raisons, le tribunal conclut que la demande de révision du 2 mai 2012 a été déposée en dehors du délai prescrit par la loi et que le travailleur n’a pas fait la démonstration d’un motif raisonnable justifiant son défaut. Elle est donc irrecevable.
[308] Cela étant, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le mérite de la demande de révision. La décision initialement rendue le 14 mars 2012 rejetant la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation alléguée subie le 9 février 2012 a donc acquis un caractère final et irrévocable.
[309] La contestation doit être rejetée.
Dossier 503227-62-1302
[310] Le tribunal doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 24 octobre 2012, sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle subie le 13 janvier 2010.
[311] Rappelons que le diagnostic de la lésion subie le 13 janvier 2010 est multiple et cumulatif en ce qu’il a été établi par couches successives à diverses époques au fil de l’investigation médicale :
- Un diagnostic d’entorse cervicale, tendinite à l’épaule droite et contusion au bras droit, a été posé initialement, sur la base duquel la réclamation du travailleur a été acceptée par la CSST le 11 février 2010. Cette décision d’admissibilité n’a pas fait l’objet d’une demande de révision;
- Un nouveau diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs droite a été posé à compter du 10 juin 2010. Par sa décision du 25 août 2010, la CSST a déclaré qu’il y avait « relation » entre l’événement survenu le 13 janvier 2010 et ce nouveau diagnostic. L’employeur a demandé la révision de cette décision le 21 septembre 2010. Par décision rendue le 26 novembre 2010, à la suite de la révision administrative, la décision du 25 août 2010 a été confirmée. Le travailleur a contesté la décision du 26 novembre 2010, le 15 décembre 2010, mais s’est désisté de son recours (dossier C.L.P. 426800-62-1012) le 26 août 2014. L’employeur a, lui aussi, contesté la décision du 26 novembre 2010, le 4 janvier 2011, mais s’est également désisté de son recours (dossier C.L.P. 427707-62-1101), le 18 décembre 2013. Par conséquent, la décision rendue le 26 novembre 2010, à la suite de la révision administrative, a désormais acquis un caractère final et irrévocable, notamment en ce que le diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs droite fait partie du diagnostic de la lésion subie le 13 janvier 2010;
- Le 16 mai 2011, la CSST déclare que le nouveau diagnostic de capsulite de l’épaule droite, soi-disant posé dans « un rapport médical du Dr Cherif (RM # 00490) »[80], est en lien avec l’événement survenu le 13 janvier 2010.
[312] Suivant l’avis rendu par le docteur Greenfield en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale, le 27 octobre 2011, la lésion professionnelle subie le 13 janvier 2010 a été déclarée consolidée en date du 19 octobre 2011, sans nécessité de soins ou traitements additionnels, mais avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[313] Le diagnostic invoqué au soutien de la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation alléguée survenue le 24 octobre 2012 est celui de réparation de la coiffe des rotateurs droite posé par le docteur François Pierre-André Colin, chirurgien orthopédiste. Aucun événement particulier ne s’est produit le 24 octobre 2012; cette date correspond à celle où le travailleur a été avisé par téléphone de se rendre à l’hôpital pour subir l’intervention chirurgicale le lendemain.
[314] Le travailleur avait d’abord été examiné par le docteur Colin, le 13 juillet 2012. À cette occasion, le docteur Colin a conclu à l’échec du traitement médical et prescrit un examen par résonance magnétique avant d’intervenir chirurgicalement.
[315] L’examen par résonance magnétique a été effectué le 24 juillet 2012.
[316] L’intervention chirurgicale a été pratiquée le 25 octobre 2012; elle fonde la réclamation du travailleur pour récidive, rechute ou aggravation.
[317] Le procureur de l’employeur argue que « la CSST fait erreur lorsqu’elle décide que la réparation de la coiffe des rotateurs constitue une "aggravation" au motif qu’il s’agit d’un "nouveau traitement" pour une lésion professionnelle, tel que l’écrit le médecin-conseil de la CSST dans les notes évolutives ».
[318] À cet égard, il y a lieu de rappeler les propos tenus dans l’affaire Hashempoor et Or massif et Grossiste de l’argent[81] :
[46] En effet, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’intervention chirurgicale ne constitue pas en elle-même une récidive, rechute ou aggravation mais est plutôt la conséquence d’une rechute, récidive ou aggravation. L’intervention chirurgicale est essentiellement un traitement médical additionnel qui peut aider à comprendre la rechute, récidive ou aggravation mais n’est pas en soi un événement.
[319] Les principes de droit gouvernant l’analyse d’une réclamation pour lésion professionnelle sous cette forme ont été énoncés précédemment[82].
[320] L’existence d’un lien de causalité entre l’intervention chirurgicale pratiquée le 25 octobre 2012 et les conséquences de la chute dans un escalier dont le travailleur a été victime le 13 janvier 2010 ne fait pas l’objet d’un véritable débat en l’espèce. En effet, tant le docteur Giroux, pour le travailleur, que le docteur Kornacki, pour l’employeur s’entendent pour reconnaître que ladite chute a probablement aggravé ou à tout le moins rendu symptomatique une condition personnelle préexistante de tendinopathie dégénérative caractérisée par un syndrome d’accrochage de l’épaule droite du travailleur.
[321] Cette conclusion au plan médical est en parfaite harmonie avec la situation qui prévaut maintenant au plan juridique, à savoir qu’aux termes de la décision du 26 novembre 2010 désormais finale et irrévocable, la chute du 13 janvier 2010 a causé ou aggravé la déchirure de la coiffe des rotateurs droite du travailleur.
[322] De toute façon, si besoin était d’avoir recours à l’approche classique à cet égard, la preuve offerte révèle que plusieurs des critères d’analyse sont ici satisfaits : la lésion initiale n’était pas anodine, il y a eu continuité de symptômes et de suivi médical, il n’y a pas eu retour au travail régulier, une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles ont été reconnues à la suite de la lésion initiale, les symptômes présentés lors de la récidive, rechute ou aggravation alléguée sont compatibles avec la lésion initiale alors que le site lésé et les diagnostics posés sont les mêmes.
[323] Autrement dit, l’intervention chirurgicale pratiquée le 25 octobre 2012 découle plus probablement de la lésion subie le 13 janvier 2010 que de toute autre cause démontrée. L’accident de 2010 et ses conséquences expliquent la chirurgie d’octobre 2012 par un lien de cause à effet.
[324] Ici, le débat se situe plutôt au niveau de la deuxième condition d’admissibilité de la récidive, rechute ou aggravation alléguée : y a-t-il eu changement de l’état de santé du travailleur entre le moment de la consolidation de sa lésion initiale, le 19 octobre 2011, et celui de sa récidive, rechute ou aggravation alléguée, le 25 octobre 2012.
[325] À cet égard, le procureur de l’employeur fait valoir « qu’il n’y a pas eu détérioration objective de l’état de santé du travailleur », que « la nouvelle échographie du 4 avril 2012 et la résonance magnétique du 24 juillet 2012 ne font pas la preuve d’une détérioration objective de l’état de santé », que « ces examens confirment une condition déjà connue et documentée au dossier antérieurement », que « l’opinion émise par le Dr Colin le 13 juillet 2012, à l’effet que les traitements prodigués avant lui étaient un "échec de traitement médical", ne fait pas la preuve d’une détérioration objective de l’état de santé du travailleur », que le travailleur ne s’est livré à aucune activité professionnelle ou personnelle « susceptible d’avoir aggravé sa condition », qu’« il y a prépondérance de preuve quant à la non-nécessité de soins additionnels sous forme de chirurgie »[83] et que « pour le Dr Kornacki, l’échographie du 4 avril 2012, l’examen IRM du 24 juillet 2012, et le protocole opératoire du 24 [sic] octobre 2012, ne changent rien à l’opinion formulée dans son rapport du 14 mars 2011 à l’effet que la tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite avec une déchirure partielle était non significative et non chirurgicale ».
[326] Le tribunal rappelle en premier lieu que la notion de récidive, rechute ou aggravation prévue à la loi ne se limite pas à la seule aggravation, laquelle ne doit pas être considérée comme étant le seul terme de référence applicable en la matière[84]. C’est pourquoi les expressions « aggravation » ou « détérioration » ont été remplacées dans la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles par des concepts plus larges et souples qui tiennent compte de l’intention véritable du législateur.
[327] Deuxièmement, le fait que la condition de tendinopathie dégénérative du travailleur ait été connue antérieurement au 13 janvier 2010 n’est pas pertinent en l’espèce, dès lors que la déchirure de la coiffe des rotateurs a été reconnue en lien avec l’accident survenu à cette date. Par ailleurs, le fait que ladite déchirure était connue après le 13 janvier 2010 et avant le 25 octobre 2012 n’amène certes pas à conclure, en soi, qu’il n’y a pas eu changement dans l’état de santé du travailleur au cours de cette période.
[328] Troisièmement, l’absence d’activité, professionnelle ou autre, susceptible d’entraîner une récidive, rechute ou aggravation ne fait pas obstacle à l’admissibilité de la réclamation. Car, la survenance d’un nouveau fait accidentel n’est pas nécessaire[85] à la reconnaissance d’une telle forme de lésion professionnelle.
[329] Quatrièmement, le fait qu’il y ait eu consensus chez les médecins consultés avant la consolidation de la lésion [sauf le docteur Cherif, médecin traitant] sur l’absence d’indication chirurgicale, à ce moment-là, n’implique pas nécessairement qu’aucune récidive, rechute ou aggravation ne pouvait survenir par la suite.
[330] En effet, l’avis alors exprimé par tous les médecins - y compris le membre du Bureau d’évaluation médicale - reflétait l’état connu de la condition du travailleur à cette époque, à savoir l’atteinte d’un plateau thérapeutique « à la suite d’une évolution favorable depuis l’événement du 13 janvier 2010 » qui ne laissait présager aucune amélioration probable advenant que les traitements soient poursuivis. À l’évidence (puisqu’il conservait une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles), le travailleur n’était pas guéri; sa lésion était seulement considérée comme stabilisée. Les médecins n’avaient tout simplement plus de traitement utile à offrir au travailleur à ce moment-là; cela ne voulait cependant pas dire qu’il n’en y aurait jamais aucun à l’avenir.
[331] Quand il a examiné le travailleur, le 14 mars 2011, le docteur Kornacki a pris connaissance d’un rapport d’examen par résonance magnétique effectué le 15 mai 2010 dont il cite et commente le contenu comme suit :
Une imagerie par résonance magnétique est réalisée le 15 mai 2010, interprétée par le Dr Xuan Vien Do, radiologiste. Il note que le patient est porteur :
· D‘une déchirure intra substance approximativement 50 % de l’épaisseur du tendon et s’étendant sur 5 mm,
· Une déchirure partielle du tendon sous épineux, associée avec une légère tendinose du sous scapulaire,
· Récessus axillaire inférieur plus épais que l’étude de décembre 2008, qui peut évoquer une progression de la capsulite,
· Une bursopathie sous acromiale, sous deltoïdienne.
Le radiologiste note que par rapport à 2008, il y a eu progression de l’hypersignal au niveau du tendon de la coiffe des rotateurs, ainsi que de la tendinose. [sic]
[332] Le docteur Kornacki ne mentionne aucun autre examen d’imagerie médicale dans son rapport, sauf celui d’échographie que le « Dr Desautels, chirurgien orthopédiste, a recommandé » en janvier 2011; témoignant à l’audience du 16 décembre 2013, il reconnaît ne pas en avoir pris connaissance.
[333] Le docteur Kornacki a retenu un diagnostic de « tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, avec une déchirure partielle et non significative cliniquement et non chirurgicale ». [notre soulignement] Ses conclusions sont fondées sur cette hypothèse diagnostique : « le patient est plafonné, son état est chronique et les traitements conservateurs sont à cesser » et « il n’y a pas d’indication chirurgicale chez ce patient ».
[334] Or, la situation est bien différente un peu plus d’un an après, à l’été et à l’automne 2012.
[335] Le rapport d’interprétation de l’examen par résonance magnétique effectué le 24 juillet 2012 signé par la docteure Annie Desautels, radiologiste, fait état de deux - non pas une - déchirures du tendon du sus-épineux, dont une est partielle, certes, mais l’autre est transfixiante :
RÉSONANCE MAGNÉTIQUE DE L’ÉPAULE DROITE
TECHNIQUE:
Protocole (C-) standard,
CONSTATATIONS:
Il n’y a pas d’épanchement intra articulaire. II n’y a pas aujourd’hui de bursite sous-acromio-deltoïdienne. Pas de lésion osseuse.
Au niveau du tendon du sus-épineux, on note tout d’abord une déchirure trans-fixiante dans la région antérieure du tendon. Cette déchirure mesure 4 mm de diamètre antéro-postérieur par 6 mm de diamètre transverse.
Dans la région postérieure du tendon du sus-épineux, à sa jonction avec le tendon du sous-épineux, il y a une déchirure infra-substance mesurant 5 mm de diamètre antéro-postérieur par 3 mm de diamètre transverse. Elle implique 50 % de l’épaisseur normale du tendon.
Légère tendinopathie du tendon du sous-épineux, sans déchirure. Aspect normal des tendons du sous-scapulaire et du petit rond.
Phénomènes de ténosynovite modérée au niveau du tendon de la longue portion du biceps.
L’acromion est de type II. Aspect normal de l’articulation acromio-claviculaire.
OPINION:
Il y a deux déchirures distinctes au niveau du tendon du sus-épineux dont une antérieure trans-fixiante et l’autre postérieure infra-substance.
[336] Dans son protocole opératoire du 25 octobre 2012, le docteur Colin « confirme une lésion transfixiante du susépineux droit ». Après ténotomie, il a procédé à une « réinsertion de la coiffe du susépineux ». Il a aussi pratiqué une bursectomie et une acromioplastie.
[337] Selon l’imagerie médicale et les constats de visu du chirurgien, l’état du travailleur en juillet et octobre 2012 est bien différent de celui que le docteur Kornacki avait pris en compte en 2011.
[338] Des commentaires similaires peuvent être faits à l’égard de l’opinion exprimée par le docteur Charles Desautels, chirurgien orthopédiste, dans le formulaire de Rapport médical d'évolution qu’il a rempli le 20 janvier 2011 : « petite déchirure partielle coiffe droite - pas de chirurgie requise actuellement - si pas d’amélioration, suggère écho de contrôle pour voir s’il y a eu aggravation depuis juin 2010 ». [notre soulignement]
[339] Dans le rapport de consultation qu’il a adressé au médecin traitant (le docteur Cherif), le 16 février 2011, le docteur Desautels pose le diagnostic de « déchirure partielle de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite » et fait les recommandations suivantes :
Je ne recommande pas de traitement chirurgical pour l’instant. Advenant la persistance des douleurs, une échographie de contrôle pourrait être effectuée afin de comparer avec l’examen de juin 2010 pour voir s’il y a eu détérioration. Dans ce cas, nous aurons à nous prononcer sur la pertinence d’une chirurgie. Je verrai donc monsieur au besoin.
[nos soulignements]
[340] À l’évidence, le docteur Desautels ne fermait pas la porte définitivement à une intervention chirurgicale.
[341] Il en va de même de l’opinion exprimée le 7 juillet 2010[86] par le docteur John R. Sutton, chirurgien orthopédiste, dans son rapport de consultation au docteur Cherif :
Recommandations :
Clinically he expresses marked guarding on any attempt at examining the shoulder. The MRI[87] was not impressive in that it showed signs of tendinitis but the tear is of no great significance. […]
[notre soulignement]
[342] C’est pourquoi le docteur Sutton a écrit dans son formulaire de Rapport médical d'évolution du 7 juillet 2010 la mention « not surgical ».
[343] Dans l’avis qu’il a rendu le 27 octobre 2011, le docteur Greenfield, réfère aux conclusions des docteurs Kornacki, Desautels et Sutton précitées. Les seuls rapports d’imagerie médicale dont il fasse état sont celui de la résonance magnétique du 15 mai 2010 et celui de l’échographie du 2 juin 2010 commentés précédemment ainsi que celui de l’échographie du 13[88] mars 2011. Or, l’opinion exprimée par le docteur Roumy à la suite de ce dernier examen était que la « déchirure partielle au tendon du sus-épineux droit, [demeurait] relativement inchangée depuis l’examen antérieur, sauf qu’il existe une petite composante transfixiante actuellement de 3mm ». [nos soulignements] Contrairement à ce que le docteur Kornacki a avancé dans son témoignage à l’audience, le docteur Greenfield ne semble pas avoir pris en compte le rapport de l’échographie pratiquée le 10 août 2011, car il n’en fait pas mention dans son avis.
[344] L’imagerie dont le membre du Bureau d’évaluation médicale a tenu compte en octobre 2011 ne montrait donc pas une déchirure aussi importante que ce qui allait s’avérer en juillet et en octobre 2012. En fait, en 2012, il y avait deux déchirures bien distinctes dont la plus grave était franchement transfixiante, alors qu’en 2010 et en 2011, on notait la présence d’une seule déchirure, surtout partielle quoiqu’avec une « petite composante transfixiante ».
[345] Ainsi, faut-il conclure, à la lumière de l’ensemble de la preuve offerte, que le consensus de non-indication chirurgicale élaboré au cours des années 2010 et 2011 n’est plus applicable en octobre 2012; car, la situation avait évolué de façon significative entre ces deux époques. Or, c’est l’état du travailleur en octobre 2012 que le tribunal doit prendre en compte aux fins de décider si le travailleur a subi, à cette époque-là, une récidive, rechute ou aggravation.
[346] Témoignant à l’audience, le docteur Kornacki exprime l’opinion que la chirurgie pratiquée en octobre 2012 était indiquée pour traiter la « condition personnelle du travailleur » (à savoir une tendinopathie dégénérative caractérisée par un syndrome d’accrochage), mais pas en lien avec l’événement survenu le 13 janvier 2010. Par contre, il admet que la chute de janvier 2010 a pu aggraver ou précipiter la condition personnelle préexistante (depuis 2008) du travailleur.
[347] Contre-interrogé à l’audience du 10 mars 2014, le docteur Kornacki reconnaît que s’il avait été placé dans la même situation que le docteur Colin, il aurait agi comme lui.
[348] En réponse aux questions de l’assesseur médical, le docteur Kornacki concède qu’un syndrome d’accrochage peut provoquer une tendinopathie et qu’inversement une tendinopathie peut aussi produire un syndrome d’accrochage.
[349] Il admet également que les deux chutes subies par le travailleur, en juin 2008 et en janvier 2010, ont soit aggravé ou rendu symptomatique sa condition personnelle préexistante.
[350] Appelé à commenter l’extrait de l’ouvrage de doctrine médicale (pièce T-3) déposé par le docteur Mario Giroux au soutien de son propre témoignage[89], le docteur Kornacki confirme que dans leur évolution naturelle, les déchirures partielles de la coiffe des rotateurs progressent éventuellement en des déchirures transfixiantes.
[351] En somme, on est ici en présence d’une condition de tendinopathie d’origine dégénérative avec syndrome d’accrochage qui, à la suite d’un événement traumatique (l’accident du 13 janvier 2010), a entraîné une déchirure de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite - c’est du moins ce que la décision du 25 août 2010 a établi de manière irrévocable au plan juridique. La preuve médicale offerte veut que pareille déchirure de la coiffe des rotateurs évolue naturellement et progressivement pour se changer en déchirure transfixiante. C’est ce que la chirurgie pratiquée le 25 octobre 2012 a réparé.
[352] Pour le docteur Giroux, la simple persistance des symptômes du travailleur constituait une indication chirurgicale.
[353] Aucune expertise en évaluation clinique de l’état du travailleur, contemporaine à l’été ou l’automne 2012, n’a été déposée pour contredire l’opinion du docteur Colin selon lequel le traitement médical dont le travailleur avait jusque-là bénéficié s’avérait un échec.
[354] Dans Hamelin et J Walter Cie ltée[90] ainsi que dans Beaudin et Vergers Leahy inc.[91], la Commission des lésions professionnelles a estimé satisfaisante la preuve établissant la détérioration objective de l’état de santé d’un travailleur à l’aide de l’analyse comparative de divers rapports d’imagerie médicale.
[355] D’autre part, la Commission des lésions professionnelles a déjà décidé que l’évolution naturelle d’une condition peut justifier la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation[92].
[356] Enfin, dans l’affaire St-François et Corporation Jean-Brillant (fermée)[93], il a été décidé que la chronicité d’une condition ne faisait pas obstacle en soi à la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation :
[73] La chronicité de la condition ne fait pas échec à la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation, dans la mesure où malgré cette chronicité, une modification à la baisse de l’état de santé est observée et justifie, comme dans le présent dossier, une infiltration et des traitements, tel que le démontre d’ailleurs l’évolution de cette condition depuis 2005.
[357] Dans l’affaire Produits Forestier LFA inc. et Fortin[94], la Commission des lésions professionnelles a jugé que la chirurgie pratiquée constituait le « traitement » de la lésion subie plus de deux ans auparavant et que la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation était bien fondée.
[358] Pour tous ces motifs, le tribunal en arrive à la conclusion que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation, le 24 octobre 2012. La contestation de l’employeur doit être rejetée.
Dossiers 528743-62-1312 et 528891-62-1312
[359] Les deux contestations visent la même décision, soit celle rendue le 3 décembre 2013, à la suite de la révision administrative. Celle-ci applique les conclusions d’un troisième avis rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale dans le dossier du travailleur, en l’occurrence celui du docteur Hany Daoud, chirurgien orthopédiste, en date du 29 octobre 2013, relatif à la lésion professionnelle du 24 octobre 2012.
[360] Il y a lieu de statuer d’abord à l’égard du moyen préalable soulevé par le procureur de l’employeur.
[361] L’employeur soutient que la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi ne trouvait pas application en l’espèce puisqu’il n’y avait pas divergence d’opinions entre le médecin désigné par la CSST, le docteur Michel Germain, chirurgien orthopédiste, d’une part, et le médecin ayant alors pris le travailleur en charge, le docteur Colin, d’autre part. Cela étant, aux fins des présentes, le tribunal serait lié, en vertu de l’article 224 de la loi, par l’avis du docteur Colin qui s’est déclaré en parfait accord avec le docteur Germain sur tous les sujets médicaux ayant fait l’objet de l’avis donné par le docteur Daoud, le 29 octobre 2013.
[362] Le 7 juin 2013, le docteur Colin a rempli un formulaire de Rapport médical d'évolution dans lequel il indique une « période prévisible de consolidation » de la lésion de plus de 60 jours, nonobstant l’« évolution favorable » de la condition du travailleur depuis l’opération de réparation de la coiffe pratiquée le 25 octobre 2012. Il recommande une assignation temporaire s’échelonnant sur huit semaines suivies d’un bilan et n’exprime évidemment aucun avis sur l’existence de séquelles permanentes. Il s’agit là du rapport contesté.
[363] Le travailleur a été examiné, le 17 juillet 2013, par le docteur Michel Germain, chirurgien orthopédiste, à la demande de la CSST, en vertu de l’article 204 de la loi. Dans son rapport daté du 24 juillet 2013, le docteur Germain déclare la lésion du travailleur consolidée en date du 17 juillet 2013 et se prononce sur l’existence de séquelles permanentes. C’est le rapport infirmant, dont il convient de citer ici les conclusions :
OPINION:
Suite au questionnaire et à l’examen de monsieur Richard Moreau à mon bureau de Brossard le 17 juillet 2013, suite à l’étude du dossier qui m’a été confié compte tenu de tous les traitements dont a bénéficié monsieur Moreau, compte tenu que le traitement chirurgical soit une arthroscopie de l’épaule a eu lieu, il y a près de neuf mois, compte tenu de l’examen clinique actuel, j’estime que monsieur Moreau a atteint une consolidation de cette lésion. La date de consolidation est donc établie à la date du présent examen, soit le 17 juillet 2013.
Monsieur Moreau a une atteinte permanente à son intégrité physique
Séquelles antérieures :
Atteinte des tissus mous du membre supérieur droit, avec séquelles fonctionnelles, DAP de 2%, 102 383.
Séquelles actuelles :
Atteinte des tissus mous du membre supérieur droit, avec séquelles fonctionnelles, DAP de 2%, 102 383.
À mon avis, il n’y a aucun DAP supplémentaire, les mouvements étant superposables au niveau des deux épaules.
Finalement, j’estime que monsieur Moreau a des limitations fonctionnelles.
Les limitations fonctionnelles retenues par le docteur Kornacki dans un rapport du 14 mars 2011 semblent être tout à fait indiquées, à savoir que monsieur Moreau ne soulève plus de charges de plus de 15 kilos, ne garde pas l’épaule droite en position d’élévation ou d’abduction au-delà de 90°, ne garde pas l’épaule droite dans une position statique d’élévation plus de 70° et ne fasse pas de mouvements répétitifs de rotation interne ou de rotation externe de l’épaule droite.
[364] Il y avait donc, à cette époque, divergence d’opinions entre le docteur Colin et le docteur Germain.
[365] Le 6 août 2013, le docteur Colin a transmis un Rapport complémentaire réitérant en substance les conclusions qu’il avait exprimées dans le rapport contesté précité.
[366] La divergence d’opinions entre les deux médecins persistait donc.
[367] La docteure Béland-Vachon, médecin-conseil à la CSST, a transmis au docteur Colin copie du rapport infirmant, le 7 août 2013, lui demandant de remplir un formulaire d’Information médicale complémentaire écrite pour qu’il se prononce sur les sujets couverts par le docteur Germain.
[368] Le docteur Colin a répondu le 15 août 2013. La seule inscription apparaissant sur le formulaire de réponse est la suivante : « En parfait accord avec l’expertise réalisée ».
[369] L’exemplaire de ce formulaire versé au dossier montre qu’il a été expédié à la CSST via télécopieur le jour même, soit le 15 août 2013 à 10h26.
[370] À partir de ce moment-là, aucune divergence d’opinions ne subsistait plus.
[371] Le formulaire de « transmission au BEM » porte la date du 26 août 2013. Il fait état du rapport contesté et du rapport infirmant seulement, mais ne tient aucunement compte de la réponse donnée le 15 août par le docteur Colin dans le formulaire d’Information médicale complémentaire écrite.
[372] Le 30 août 2013, le docteur Colin a transmis à la CSST un deuxième formulaire de Rapport complémentaire dans lequel il confirme qu’il n’y aura « pas d’autre chirurgie à faire », que les traitements de physiothérapie peuvent être cessés et que le travailleur était « en travaux légers actuellement ».
[373] Le même jour, le docteur Colin a aussi transmis un deuxième formulaire d’Information médicale complémentaire écrite faisant état de la situation du travailleur « au 7 juillet » et réitérant que le travailleur était « apte aux travaux légers ».
[374] La difficulté résulte dans le fait que les deux formulaires transmis par le docteur Colin, le 30 août 2013, semblent contredire la réponse qu’il avait donnée le 15 août précédent.
[375] Appréciant cette preuve dans son contexte global, le tribunal en retient ce qui suit :
- La réponse donnée par le docteur Colin, le 15 août 2013, ne souffre d’aucune ambiguïté : il était clairement en entier accord avec toutes les conclusions du docteur Germain, et ce, sans réserve aucune;
- Les deux formulaires expédiés par le docteur Colin, le 30 août 2013, n’avaient ni pour but ni pour effet de renier l’avis qu’il avait exprimé le 15 août précédent, il n’y fait même pas allusion; notamment, le 30 août, il n’écrit pas s’être trompé le 15 en se déclarant d’accord avec le docteur Germain;
- En conséquence, l’interprétation à retenir quant à la portée des deux formulaires du 30 août est la suivante : ils ne traitent ni de la date de consolidation de la lésion ni de l’existence ou de l’évaluation de séquelles permanentes - ils font simplement état de la condition du travailleur, en juillet et en août, ainsi que de sa capacité à accomplir des travaux légers, tout en confirmant qu’aucun autre traitement (chirurgical ou de physiothérapie) n’est envisagé.
[376] Dans ces circonstances, force est de conclure qu’au 26 août 2013, il ne subsistait aucune divergence d’opinions entre le médecin traitant et le médecin désigné par la CSST.
[377] Les articles 205.1 et 217 de la loi s’appliquent au présent cas :
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
__________
1997, c. 27, a. 3.
217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
__________
1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.
[378] Ainsi, à compter du 15 août 2013, « le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l’application de l’article 204 » de la loi n’infirmait plus aucune des conclusions du médecin ayant charge du travailleur (article 205.1 de la loi précité) puisque ce dernier s’était déclaré « en parfait accord » avec le premier. Dès lors, à compter de cette date, il n’y avait plus de « contestation prévue à l’article 205.1 » de la loi à soumettre au Bureau d’évaluation médicale ni aucun « litige » dont il fallait aviser le ministre (article 217 de la loi précité).
[379] La Commission des lésions professionnelles a conclu en ce sens, dans l’affaire Tremblay et Greenmar Intermodal inc.[95] qui recèle beaucoup de similitudes avec la présente :
[40] Le 8 juin 2010, le docteur Cunningham a fait parvenir à la CSST le rapport complémentaire écrit où il se disait en accord avec l’évaluation effectuée par le docteur Hyacinthe. Une estampille datée du 25 juin 2010 atteste que la CSST a pris connaissance de ce rapport à ce moment. Ainsi, le 25 juin 2010, la CSST sait qu’il n’existe aucun différend entre l’opinion exprimée par le professionnel de la santé qu’elle a désigné et le médecin traitant, le docteur Cunningham.
[...]
[42] Compte tenu qu’au 25 juin 2010, il n’existait plus de différend entre le médecin désigné et le médecin traitant sur la question de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles, il n’y avait plus lieu de diriger le dossier au Bureau d’évaluation médicale.
[380] Le but de la procédure d’évaluation médicale instaurée par le législateur est de résoudre des litiges existants, pas d’en créer de nouveaux. Cette approche est conforme à l’orientation jurisprudentielle fortement majoritaire du tribunal en cette matière[96].
[381] Il convient de souligner qu’il ne s’agit pas ici d’un cas tombant sous le coup des dispositions de l’article 206 de la loi, puisqu’en se déclarant d’accord avec les conclusions du docteur Germain, le 15 août 2013, le docteur Colin s’est effectivement prononcé sur tous les sujets médicaux pertinents : la date de consolidation de la lésion ainsi que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles en résultant.
[382] La décision de la CSST de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale était donc contraire à la loi. Le docteur Daoud, en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale, n’a pas été régulièrement saisi du dossier.
[383] Ainsi, la CSST n’était pas liée légalement par l’avis rendu par le docteur Daoud (article 224.1 de la loi), mais plutôt par l’avis du médecin ayant charge du travailleur, le docteur Colin, lequel adoptait les conclusions du docteur Germain, le tout conformément à l’article 224 de la loi :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[384] En ce qu’elle applique les conclusions exprimées par le docteur Daoud dans l’avis qu’il a rendu en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale, le 29 octobre 2013, la décision rendue le 3 décembre 2013, à la suite de la révision administrative, doit donc être infirmée.
[385] Procédant à rendre la décision qui aurait dû être rendue à l’origine, le tribunal déclarera la lésion professionnelle subie par le travailleur le 24 octobre 2012 consolidée en date du 17 juillet 2013, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles additionnelles à celles ayant déjà résulté de la lésion professionnelle du 13 janvier 2010.
[386] Qu’en est-il alors de la date de capacité du travailleur à exercer son emploi et de la fin de son droit à l’indemnité de remplacement du revenu ?
[387] À compter du moment où elle a reçu le formulaire d’Information médicale complémentaire écrite rempli par le docteur Colin, le 15 août 2013, la CSST était en mesure d’évaluer la capacité du travailleur à exercer son emploi puisqu’elle savait alors que la lésion professionnelle du 24 octobre 2012 n’avait entraîné aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[388] En des circonstances semblables, la Commission des lésions professionnelles a décidé que le droit du travailleur à l’indemnité de remplacement du revenu prend fin au moment où la CSST est en mesure de se prononcer sur sa capacité de travail, soit au moment où elle est avisée par le médecin traitant que la lésion n’a pas entraîné de séquelles permanentes[97] :
[24] La Commission des lésions professionnelles estime qu’il y a lieu de rétablir la décision initiale de la CSST à ce sujet. Rappelons quelques-unes des dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles relatives au droit à l’indemnité de remplacement du revenu :
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
__________
1985, c. 6, a. 46.
47. Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable.
__________
1985, c. 6, a. 47.
57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants:
1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48;
2° au décès du travailleur; ou
3° au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.
__________
1985, c. 6, a. 57.
132. La Commission cesse de verser une indemnité de remplacement du revenu à la première des dates suivantes:
1° celle où elle est informée par l'employeur ou le travailleur que ce dernier a réintégré son emploi ou un emploi équivalent;
2° celle où elle reçoit du médecin qui a charge du travailleur un rapport indiquant la date de consolidation de la lésion professionnelle dont a été victime le travailleur et le fait que celui-ci n'en garde aucune limitation fonctionnelle, si ce travailleur n'a pas besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi.
Cependant, lorsque le délai pour l'exercice du droit au retour au travail du travailleur est expiré à la date de consolidation de sa lésion, la Commission cesse de verser l'indemnité de remplacement du revenu conformément à l'article 48.
__________
1985, c. 6, a. 132.
[25] La lecture de ces dispositions révèle que le droit à l’indemnité de remplacement du revenu ne s’éteint pas au moment de la consolidation mais bel et bien au moment où la CSST est en mesure de se prononcer sur la capacité de travail. La date de consolidation peut coïncider avec la fin des indemnités de remplacement du revenu mais pas nécessairement. La fin des indemnités est intimement liée à la capacité de travail, laquelle se détermine à partir des séquelles. Ainsi la CSST ne peut pas mettre fin à l’indemnité de remplacement du revenu, malgré la consolidation, tant qu’elle ne sait pas si la travailleuse demeure ou non avec des limitations fonctionnelles afin de déterminer si elle est ou non capable d’exercer son emploi. La jurisprudence en a d’ailleurs décidé ainsi4.
[26] Dans le présent dossier, la lésion professionnelle de la travailleuse est consolidée le 5 janvier 2005. C’est seulement le 20 juillet 2005 que la CSST reçoit du médecin qui a charge un rapport indiquant que la travailleuse ne garde aucune limitation fonctionnelle. C’est donc à cette date qu’elle peut cesser le versement de l’indemnité de remplacement du revenu en vertu du 2e paragraphe de l’article 132 de la loi.
[27] La travailleuse avait donc droit de recevoir son indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST se prononce sur sa capacité de travail, ce que la CSST a pu faire après avoir reçu le rapport du Dr Tarakdjian.
______________________
4 Bujold et Carrosserie du Havre inc., C.A.L.P. 16484-60-9001, 20 janvier 1993, F. Dion-Drapeau, (J5-04-13); Liberta et Carrelage Pascal Gagnon inc., C.A.L.P. 49102-60-9302, 21 mars 1995, N. Lacroix, (J7-03-17); Russo et Canadien Pacifique, [1998] C.L.P. 1166; Poulin et Manac inc., C.L.P. 125439-03B-9910, 9 juin 2000, R. Savard
[nos soulignements]
[389] Cette interprétation de la loi a été retenue en maintes occasions par la Commission des lésions professionnelles[98]; le soussigné y adhère.
[390] Ainsi, dans le présent cas, la date à laquelle le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi - et par le fait même, la date à laquelle son droit à l’indemnité de remplacement du revenu a pris fin - serait celle du 15 août 2013. C’est ce qui aurait dû être décidé à ce moment-là.
[391] Cependant, le 30 août 2013, la CSST s’est vue rappeler par le deuxième formulaire de Rapport complémentaire et le deuxième formulaire d’Information médicale complémentaire écrite transmis par le docteur Colin que le travailleur était déjà engagé dans un programme de retour progressif au travail établi dès le 7 juin 2013, lequel programme allait bientôt déboucher sur une formation en milieu de travail. Cette dernière a débuté le 9 septembre 2013, selon les données contenues dans la pièce T-1.
[392] Il y a lieu pour le tribunal de tenir compte de ces éléments de preuve qui permettent d’établir avec précision la date à compter de laquelle le travailleur est effectivement redevenu capable d’exercer son emploi, au 9 septembre 2013 et, par voie de conséquence, celle à laquelle son droit à l’indemnité de remplacement du revenu a pris fin, soit le 8 septembre 2013.
[393] La décision rendue à la suite de la révision administrative sera donc modifiée pour refléter cette réalité.
[394] Évidemment, vu l’absence d’atteinte permanente, le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel, à la suite de la lésion professionnelle subie le 24 octobre 2012.
[395] De même, l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles fait en sorte que le travailleur n’a pas droit, non plus, à la réadaptation en lien avec cette lésion professionnelle.
[396] La contestation est bien fondée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 373133-62-0903
DÉCLARE recevable la contestation déposée le 17 mars 2009 par monsieur Richard Moreau, le travailleur;
REJETTE la contestation du travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 5 mars 2009, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE qu’à la suite de la lésion professionnelle subie le 18 juin 2008, le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi à compter du 29 octobre 2008;
Dossier 383798-62-0907
REJETTE la contestation du travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 29 juin 2009, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle, le 20 février 2009;
Dossier 443159-62-1107
REJETTE la contestation du travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 5 juillet 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle de nature psychologique, le 27 août 2010;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est bien fondée à réclamer au travailleur la somme de 1 494,10 $;
Dossier 470044-62-1205
REJETTE la contestation du travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 27 avril 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE qu’à la suite de la lésion professionnelle subie le 13 janvier 2010, le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi à compter du 18 janvier 2012;
DÉCLARE que le droit du travailleur à l’indemnité de remplacement du revenu a pris fin à compter de la susdite date à laquelle il est redevenu capable d’exercer son emploi;
Dossier 471983-62-1205
REJETTE la contestation du travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 14 mai 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE irrecevable la demande de révision déposée par le travailleur, le 2 mai 2012;
Dossier 503227-62-1302
REJETTE la contestation de Société canadienne des postes, l’employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 30 janvier 2013, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation, le 24 octobre 2012 :
Dossiers 528743-62-1312 et 528891-62-1312
ACCUEILLE le moyen préalable soulevé par l’employeur;
ACCUEILLE la requête de l’employeur;
ACCUEILLE en partie la requête du travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 3 décembre 2013, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE la lésion professionnelle subie par le travailleur le 24 octobre 2012, consolidée en date du 17 juillet 2013;
DÉCLARE qu’à la suite de la susdite lésion professionnelle, le travailleur n’a subi aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique additionnelle;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit à l’indemnité pour préjudice corporel en lien avec la susdite lésion professionnelle;
DÉCLARE qu’à la suite de la susdite lésion professionnelle, le travailleur ne conserve aucune limitation fonctionnelle additionnelle;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit à la réadaptation en lien avec la susdite lésion professionnelle;
DÉCLARE qu’à la suite de la susdite lésion professionnelle, le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi à compter du 9 septembre 2013;
DÉCLARE qu’à la suite de la susdite lésion professionnelle, le droit du travailleur à l’indemnité de remplacement du revenu a pris fin le 8 septembre 2013.
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Jean-François Martel |
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Me Céline Allaire |
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PHILION LEBLANC BEAUDRY |
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Procureure du travailleur |
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Me Jean Benoît |
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SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES, AFFAIRES JURIDIQUES |
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Procureur de l’employeur |
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Me Sylvana Markovic |
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VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON |
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Procureure de la partie intervenante |
[1] En cours d’enquête et audition, les parties se sont désistées de certaines contestations qu’elles avaient déposées. Le travailleur s’est désisté de son recours dans le dossier C.L.P. 426800-62-1012 lors de la séance du 26 août 2014 et de celui dans le dossier C.L.P. 429534-62-1101 lors de la séance du 16 décembre 2013. L’employeur s’est pour sa part désisté de son recours dans le dossier C.L.P. 427707-62-1101 lors de la séance du 18 décembre 2013 et de celui dans le dossier C.L.P. 431615-62-1102 lors de la séance du 11 mars 2013. Le tribunal a donné acte de ces désistements aux parties dans les procès-verbaux d’audience correspondants.
[2] RLRQ, c. A-3.001.
[3] Entre-temps, le travailleur avait déposé une troisième requête, le 15 décembre 2010, dans le dossier C.L.P. 426800-62-1012, dont il s’est désisté le 26 août 2014. Le travailleur avait aussi déposé une quatrième requête, le 25 janvier 2011, dans le dossier C.L.P. 429534-62-1101, dont il s’est désisté le 16 décembre 2013.
[4] L’employeur avait déjà déposé une première contestation, le 4 janvier 2011, dans le dossier C.L.P. 427707-62-1101, mais il s’est désisté de ce recours le 18 décembre 2013. L’employeur avait également déposé une seconde contestation, le 25 février 2011, dans le dossier C.L.P. 431615-62-1102, mais il s’est désisté de ce recours le 11 mars 2013.
[5] C’est la date que la CSST a retenue aux fins de ses décisions; elle correspond au « dernier jour travaillé en tout ou en partie » selon les inscriptions faites par l’employeur dans son formulaire d’Avis de l’employeur et demande de remboursement. Mais, dans ce même formulaire, l’employeur identifie la « date de l’événement d’origine » comme étant celle du « 2010-08-30 ». Dans son formulaire de Réclamation du travailleur, ce dernier identifie, lui aussi, la « date de l’événement d’origine » comme étant celle du « 2010-08-30 »; il précise qu’il s’agit-là de la « date d’hospitalisation ».
[6] Diagnostic posé par la docteure Marie-Josée Chouinard, psychiatre, le 3 septembre 2010.
[7] Probablement une erreur d’écriture, puisque l’événement dont il s’agit est survenu le 13 janvier 2010.
[8] RLRQ, c. A-3.001, r.2.
[9] Sous réserve de l’argument que la procureure tire de l’existence d’une tendinite à cette époque pour soutenir que la lésion n’était alors pas encore consolidée; argument qui fera l’objet d’analyse plus loin.
[10] Eversley et Les Aliments Humpty Dumpty, C.L.P. 196942-71-02012, 2 juillet 2004, L. Landriault; Blais et (PP) Dépanneur Idéal enr., C.L.P. 314885-08-0704, 29 octobre 2007, F. Daigneault.
[11] Voir notamment : Purolator Courrier ltée et Lachance, C.L.P. 174653-31-0112, 9 décembre 2002, H. Thériault; Daoust et Services Industriels Savaria inc., [2003] C.L.P. 546; Roux et For-Net Montréal inc., C.L.P. 201420-72-0303, 6 novembre 2003, Y. Lemire, révision rejetée, 9 juin 2004, B. Roy; Commission scolaire de Laval et Dicroce, C.L.P.206578-61-0304, 9 janvier 2004, L. Nadeau; Guay inc. et Piché, C.L.P. 171332-04-0110, 6 octobre 2005, A. Gauthier; Desmarais et Beaulieu Canada (Corp. Peerless), [2005] C.L.P. 228; Demers et Industries de Maintenance Empire inc., C.L.P. 274948-71-0511, 2 avril 2007, F. Juteau; Chagnon et C.H.S.L.D. Trèfle d’Or, C.L.P. 316102-62A-0705, 6 février 2008, J. Landry; St-Louis et Entrepôt du Non-Périssable (Mtl), 2012 QCCLP 5403.
[12] Le diagnostic de tendinite ne fera surface à nouveau par la suite qu’à compter du 20 février 2009, dans le cadre de la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation alléguée survenue ce jour-là.
[13] Contre-interrogé à ce sujet, le travailleur reconnaît que « ça doit être moi qui a dit ça au docteur ».
[14] Leduc et Demers machinerie inc., [1995] C.A.L.P. 58, révision rejetée, C.A.L.P. 50269-62-9304, 14 juin 1995, M. Denis ; Hassan et CSST, C.A.L.P. 73277-62-9509, 31 juillet 1997, M. Zigby. Voir aussi : Lapierre et Chaîne de travail adapté inc., C.L.P. 328360-02-0709, 3 juillet 2008, R. Bernard (08LP-92).
[15] Voir le contenu du Rapport complémentaire du docteur Pépin en date du 10 octobre 2008 rapporté au paragraphe 60 des présentes.
[16] 2010 QCCA 291.
[17] Id., paragraphe 5.
[18] Id., paragraphe 47.
[19] Faisant état des détails fournis par le travailleur lors de l’’enquête menée par l’employeur.
[20] Lapointe et Compagnie minière Québec-Cartier, [1989] C.A.L.P. 38; Morel et Le Centre Routier inc., [1989] C.A.L.P. 1171; Lafleur et Transport Shulman ltée, C.A.L.P. 29153-60-9105, 26 mai 1993, J. L'Heureux, (J5-24-15); Marshall et Adam Lumber inc., [1998] C.L.P. 1216; Thibault et Société canadienne des postes, C.L.P. 246132-72-0410, 26 mai 2006, Anne Vaillancourt (06LP-53).
[21] [2009] C.L.P. 93.
[22] Loiselle et Brasserie La Seigneurie, C.A.L.P. 89782-05-9707, 23 février 1998, B. Lemay.
[23] Belleau-Chabot et Commission scolaire Chomedey de Laval, [1995] C.A.L.P. 1341.
[24] Sorel c. CLP, C.S. Montréal, 500-05-074874-023, 13 février 2003, j. Frappier; Dubé et Entreprises du Jalaumé enr., C.L.P. 380599-01A-0906, 21 septembre 2009, G. Tardif, (09LP-112); Aspamill inc. et Cloutier, C.L.P. 321354-63-0706, 8 décembre 2009, J.-P. Arsenault; Gendron et Transport Week N inc. (F), C.L.P. 305153-04-0612, 9 décembre 2009, J. A. Tremblay, révision rejetée, 19 juillet 2010, Monique Lamarre.
[25] Beauchamp et Inspec-Sol inc., [2009] C.L.P. 93. Voir aussi : Côté et Alkinco inc., 2011 QCCLP 5185; Savard et Centre des services partagés Québec, 2011 QCCLP 3109; Loignon et Industries Canatal inc. (Usine), 2011 QCCLP 63.
[26] Dugas et Éti Canada inc., C.L.P. 295326-01C-0607, 30 décembre 2009, L. Desbois.
[27] Bélanger et Commission scolaire des Rives-Du-Saguenay, C.L.P. 325045-02-0708, 10 mars 2008, G. Morin. Voir aussi : St-Pierre et Gestion Deniso Lebel inc., C.L.P. 210684-01A-0306, 11 juin 2004, L. Langlois; Pratte et Viasystems Canada inc., C.L.P. 246524-62B-0410, 5 décembre 2005, N. Blanchard; Castonguay et Pretium Canada Co., C.L.P. 314387-63-0704, 22 septembre 2008, F. Mercure.
[28] Fontaine et Knirps Canada inc. (fermé), C.L.P. 263575-61-0506, 10 janvier 2007, S. Di Pasquale, (07LP-195); Rancourt et Pointe-Nor inc., C.L.P. 301952-08-0610, 3 juin 2009, P. Prégent. Ces principes sont désormais solidement ancrés dans la jurisprudence du tribunal qui les a réaffirmés dans plus de 300 décisions rendues au fil des ans depuis 2007. Il serait fastidieux d’en faire la nomenclature ici.
[29] Lanthier et Au Printemps Gourmet, C.L.P. 307560-64-0612, 26 octobre 2007, J. David.
[30] Boisvert et Halco inc., [1995] C.A.L.P. 19; D... D... et Compagnie A, C.L.P. 400383-31-1001, 28 octobre 2010, M. Beaudoin.
[31] Succession de René Massé et Commission hydroélectrique de Québec, C.L.P. 228580-71-0403, 10 juin 2005, L. Crochetière, (05LP-58).
[32] Rivest et Star Appetizing Products inc., C.L.P. 175073-61-0112, 7 juillet 2003, J.-F. Martel, révision rejetée, 7 avril 2004, L. Nadeau, (04LP-24); Otis et Maax Laval (Division Cuisine Expert), C.L.P. 269240-61-0508, 30 octobre 2006, L. Nadeau, (06LP-181); Lanthier et Au Printemps Gourmet, précitée à la note 29 ; Mondor et Hyundai de Châteauguay, C.L.P. 320355-62C-0706, 20 mars 2008, R. Hudon; Millette et Teinturiers Élite inc., C.L.P. 341126-04B-0802, 6 juin 2008, M. Watkins; Guérard et Service de police de la Ville de Montréal, C.L.P 329286-61-0710, 21 juillet 2008, G. Morin, (08LP-98); E... L... et Compagnie A, C.L.P. 321039-64-0706, 10 novembre 2008, M. Montplaisir, (08LP-191); Chiasson et ThyssenKrupp Materials CA ltd., C.L.P. 418803-63-1008, 25 novembre 2010, P. Bouvier.
[33] Cadoret et Quincaillerie R. Durand, C.L.P. 250935-03B-0412, 27 avril 2006, C. Lavigne, (06LP-19), révision rejetée, 29 novembre 2006, G. Tardif, (06LP-223); Foster et Bar routier chez Zac, C.L.P. 276783-03B-0511, 26 mai 2006, R. Savard, (06LP-54).
[34] Périard et Raymond Chabot & associés, C.L.P. 115872-07-9904, 14 novembre 2001, D. Martin (décision accueillant la requête en révision); Bissonnette et Gérald Robitaille & associés, C.L.P. 168535-03B-0109, 2 octobre 2002, P. Simard (décision sur requête en révision); Comeau et Rest. Nouvelle Chine dorée inc., C.L.P. 168930-61-0109, 18 octobre 2002, L. Nadeau, (02LP-115) (décision accueillant la requête en révision), requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Laval, 540-05-006970-028, 27 mai 2003, j. Piché; Lafontaine et C.H.-C.H.S.L.D. de Papineau, C.L.P. 170168-07-0110, 27 août 2003, N. Lacroix, (03LP-139) (décision accueillant la requête en révision); Lagarde c. CLP, [2004] C.L.P. 1846 (C.S.); CSST c. Bélair, C.A. Montréal, 500-09-014207-047, 28 mai 2004, jj. Mailhot, Baudouin, Pelletier, (04LP-49).
[35] Robinson et Supermarché B.M. inc., 2013 QCCLP 2098.
[36] Nadeau et Les Scies nord-américaines inc. C.L.P. 222731-03B-0312, 1er novembre 2004, G. Marquis; Rancourt et Pointe-Nord inc., C.L.P. 301952-08-0610, 3 juin 2009, P. Prégent; Courville et Adecco - Entreprise d'atelier ou d'usine, Consumer Impact Marketing ltd, Systèmes de mobilier Triangle inc., 2013 QCCLP 871.
[37] Boisvert et Halco inc., précitée à la note 30, maintes fois citée avec approbation dans les décisions ultérieures, lesquelles ont d’ailleurs ajouté les deux derniers paramètres de l’énumération.
[38] Dubois et C.H.S.L.D. Biermans-Triest, C.L.P. 234432-62-0405, 19 mars 2007, B. Roy (décision sur requête en révision); Doré et Rollerball, C.L.P. 355595-71-0807, 15 septembre 2010, Monique Lamarre (décision sur requête en révision).
[39] Lanthier et Au Printemps Gourmet, précitée, note 29.
[40] Rivest et Star Appetizing Products inc., précitée, note 32.
[41] Il est aussi fait mention d’une épreuve de Speed positive, en regard de la longue portion du biceps.
[42] Les notes cliniques du 6 janvier 2009 font certes état d’un rapport de résonance magnétique révélant la présence d’une « tendinopathie du sus épineux », mais ce volet n’a pas été retenu dans l’énoncé du diagnostic inscrit sur le formulaire de Rapport médical d'évolution émis ce jour-là.
[43] Voir le paragraphe 80 des présentes.
[44] Voir le paragraphe 132 des présentes.
[45] Voir la décision rendue dans l’affaire Boies et C.S.S.S Québec-Nord et CSST, 2011 QCCLP 2775, citée par la procureure du travailleur, au paragraphe186.
[46] [2000] C.L.P. 1213 (C.A.), pp. 1216 et 1217. Voir, au même effet : Commission scolaire La Jeune Lorette et Brière, C.L.P. 125829-31-9910, 19 juin 2001, M.-A. Jobidon; Beaudet et Cie américaine de fer & métaux inc., C.L.P. 153079-71-0012, 19 novembre 2001, L. Crochetière; Gagné et C.H.U.S. Hôtel-Dieu, C.L.P. 163084-05-0106, 27 mars 2002, M.-C. Gagnon; Germain et Bourassa Automobiles International, [2003] C.L.P. 553 ; Société canadienne des postes c. Boivin, [2002] C.L.P. 220 (C.S.), requête pour permission d'appeler rejetée, C.A. Québec, 200-09-004051-022, 30 janvier 2003 ; Dépanneur Paquette et St-Gelais, [2005] C.L.P. 1541.
[47] Ni l’employeur ni le travailleur n’ont jugé opportun de faire entendre monsieur Larivière comme témoin, non plus que monsieur Christian Tremblay, gestionnaire, ou monsieur Jacques Juhasz, représentant syndical, eux aussi participants à cette rencontre. La version du travailleur est donc la seule dont le tribunal dispose quant au contenu de cette entrevue.
[48] La pièce T-1 indique que le travailleur aurait effectué des « tâches modifiées » pendant 6 heures, le 5 août 2010. La note évolutive consignée au dossier le 19 janvier 2011 mentionne que le travailleur a « recommencé le 5 août (de 7h de matin à 15h) ».
[49] Sacre.
[50] Les parties n’ont pas assigné à comparaître aucune des personnes suivantes : messieurs Lefebvre et Lalonde, le superviseur chef « Jonathan », monsieur Lemonde ou encore le superviseur « Jean-François » n’ont été appelés à témoigner. Seul monsieur Daniel Borduas, superviseur aux opérations pour le territoire de la rive-sud et une partie de la ville de Montréal, a témoigné à la demande de l’employeur. Cependant, il n’a agi à titre de superviseur du travailleur qu’à compter du 1er février 2012. Il ne se souvient pas d’avoir rencontré le travailleur ou de lui avoir parlé avant cette date, non plus que d’avoir discuté de son dossier avec d’autres superviseurs. C’est à cette époque seulement (en 2012) qu’il a pris connaissance du dossier du travailleur, pas avant.
[51] AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, DSM-IV : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e éd., Paris, Masson, 1996, 1008 p.
[52] C.U.M. et Blouin, [1987] C.A.L.P. 62; Turgeon et Northern Telecom Canada ltée, C.A.L.P. 45465-60-9209, 27 juillet 1995, M. Zigby; Marcoux et CSST, [1996] C.A.L.P. 931, révision rejetée, 64179-60-9411, 24 février 1997, L. Boucher, deuxième révision rejetée, 5 septembre 1997, S. Moreau (lésion psychologique); Delisle et Ispat-Sidbec inc., [1999] C.L.P. 929.
[53] Welch c. CALP, [1998] C.A.L.P. 553 (C.A.).
[54] Ville de Québec c. CLP (Succession Aldérick Morissette), C.S. Québec, 200-17-011312-097, 27 janvier 2010, j. Allard, (09LP-229), requête pour permission d'appeler rejetée, C.A. Québec, 200-09-006973-108, 1er juin 2010, j. Dutil.
[55] Bélisle et Restaurant Mikes, [2008] C.L.P. 780 (décision sur requête en révision). Voir aussi : Whitty et Centre hospitalier régional de Sept-Îles, C.L.P. 194088-09-0211, 17 août 2004, G. Marquis, (04LP-93) (décision sur requête en révision).
[56] Pelletier c. CLP, [2002] C.L.P. 207 (C.S.); Côté et W. Côté & Fils ltée, C.L.P. 180994-62C-0203, 8 avril 2005, C.-A. Ducharme (décision sur requête en révision); JTI-Macdonald corp. et Succession Jacques Côté, [2008] C.L.P. 1377. Voir, en matière de lésion psychologique : Campione et 2989751 Canada inc., C.L.P. 185351-72-0205, 22 décembre 2004, F. Juteau, (04LP-231).
[57] Claveau et CSSS Chicoutimi - CHSLD Chicoutimi, [2008] C.L.P. 224. Règle maintes fois reprise depuis, notamment dans Deschesne et Hamel-CRT, 2014 QCCLP 478 ainsi que dans M... V... et Compagnie A, 2014 QCCLP 1981 et aussi dans Florkow et STM - Directions corporatives, 2014 QCCLP 5265.
[58] Chicoine et Société de transport de la communauté urbaine de Montréal, C.A.L.P. 27647-61-9103, 30 juin 1994, M. Zigby, (J6-17-12), révision rejetée, 31 janvier 1995, J.-M. Duranceau.
[59] Gallo et R. Faillance & associés ltée, C.L.P. 123427-73-9909, 13 avril 2000, D. Taillon.
[60] 2014 QCCLP 3476.
[61] Veillette et Agence du revenu du Canada, 2013 QCCLP 5214.
[62] Gascon et Conseil du Québec-Unite Here, UTIS (FTQ), 2011 QCCLP 4653.
[63] Cette règle a été appliquée dans l’affaire Théroux et Sécurité des incendies de Montréal, 2011 QCCLP 540.
[64] Brépols et Cargill ltée, C.L.P. 279987-62A-0601, 6 mars 2007, D. Rivard.
[65] 2013 QCCLP 4075.
[66] 2013 QCCLP 3278.
[67] C’est leur publication et/ou leur usage subséquent qui fait l’objet d’un encadrement juridique en matières civile et commerciale; ce qui n’est pas notre propos ici. Pour ce qui est du droit à la vie privée, du motif suffisant pour décider de faire procéder à une filature et de la notion de déconsidération de la justice - concepts qui peuvent être pertinents dans ce genre d’affaire -, ils n’ont fait l’objet d’aucun débat dans le présent cas.
[68] Lemieux et Bow Groupe de Plomberie inc., C.L.P. 357894-62B-0808, 14 septembre 2009, M. Watkins; Jobin et Groupe-Conseil en PVA-Mécanique inc. et CSST, C.L.P. 375852-31-0904, 20 janvier 2010, J.-L. Rivard.
[69] Boucher et Arrondissement Mercier/Hochelaga-Maisonneuve, 290817-63-0605, 12 octobre 2006, J.-F. Clément; Currie et Volailles Grenville inc., 273348-64-0510, 10 octobre 2006, J.-F. Martel; Jobin et Groupe-Conseil en PVA-Mécanique inc. et CSST, précitée à la note précédente.
[70] Roy et Communauté urbaine de Montréal, [1990] C.A.L.P. 916.
[71] Voir parmi les plus récentes : Bouffard et Services Manpower Canada ltée, 2012 QCCLP 5650; L’Écuyer et Construction Talbot & Fils, 2012 QCCLP 7137; Massaro et École Marie-Clarac, 2013 QCCLP 6742; Grenier et Transport Xtra BM inc., 2014 QCCLP 5190; Desgroseillers, 2014 QCCLP 5227.
[72] C.L.P. 232023-01B-0403, 4 mai 2006, L. Desbois.
[73] Viault et Le Bifthèque, C.L.P. 242031-32-0408, 18 janvier 2005, L. Langlois; Beaumont et Groupe Qualinet inc., C.L.P. 258489-32-0503, 16 juin 2005, C. Lessard; Asmar et C. Soins Prolongés de Montréal, C.L.P. 399806-71-1001, 11 juin 2010, R.-M. Goyette.
[74] Beaumont et Groupe Qualinet inc., précitée à la note précédente; Rodrigues et Solutions Xcel Qualité inc. (F) et CSST, 2012QCCLP 3076.
[75] Voir les dossiers C.L.P. 383798-62-0907, 429534-62-1101, 443159-62-1107 et 470044-62-1205.
[76] Précitée à la note 68. Voir au même effet : Jobin et Groupe-Conseil en PVA-Mécanique inc. et CSST, également citée à la note 68; Cherbina et Hôpital Ste-Anne et R.H.D.C.C. Direction travail, 2011 QCCLP 7160.
[77] Voir : Carey et Corporation Développement Bâtiment Focus, 2014 QCCLP 5298.
[78] Desgroseillers et Express du midi inc., C.L.P. 104959-62-9809, 8 janvier 1999, L. Vallières; Cardinal et Traitements d’eau Cardinal, C.L.P. 100934-62-9805, 18 janvier 1999, S. Mathieu; Pouliot et Ministère des Transports du Québec, C.L.P. 178732-03B-0202, 30 septembre 2002, M. Cusson; Bédard et Transport R. Gingras inc., C.L.P. 214036-03B-0308, 24 février 2004, M. Cusson; Azar et Commission scolaire Crie, C.L.P. 209423-72-0306, 24 mai 2005, Y. Lemire; Beaumier et Disque Améric inc., C.L.P. 315053-04B-0704; 24 avril 2007, A. Quigley; Gagnon et Graviers Donckin Simard & Fils inc., C.L.P. 322703-02-0707, 20 septembre 2007, J.-F. Clément; Harbour (Succession) et Syndicat des Copropriétaires Le Louisbourg, C.L.P. 332890-31-0711, 12 août 2008, D. Lajoie; Provost Harquail et Clinique médicale Ste-Dorothée, C.L.P., 391457-63-0910, 28 avril 2010, P. Bouvier; Chiasson et Cégep de Sept-Îles, C.L.P. 392981-09-0911, 28 mai 2010, C.-A. Ducharme; Côté et Fabrique de la Paroisse St-Jérôme, C.L.P. 407534-02-1004, 20 août 2010, M. Sansfaçon; Manna et RSM Richer inc. Syndic, C.L.P. 384818-63-0907, 5 octobre 2010, J.-P. Arsenault; Pavel et Paysages DGB inc., 2011 QCCLP 1861; Carpentier, 2011 QCCLP 914; Cherbina et Hôpital Ste-Anne, déjà citée à la note 76; Kettly et C.H. Champlain -- Marie-Victorin, 2012 QCCLP 66; Thibault et Ébénisterie F. Sirois inc., 2012 QCCLP 7685; Massaro et École Marie-Clarac, précitée à la note 71.
[79] C.L.P. 160566-07-0105, 2 octobre 2001, C. Racine.
[80] Il s’agit d’un formulaire de Rapport médical d'évolution rempli par le docteur Tewfik Yahia Cherif le 14 avril 2011 dont le texte intégral ne comporte aucune mention d’un tel diagnostic : « Tendinite épaule droite - echo déchirure sus épineux avec composante transfixiante - revoir Dr Desautels orthopédiste pour follow up - arrêt de travail - rendez-vous 1 mois ». Cela n’a pas d’impact sur la décision à rendre.
[81] C.L.P. 132108-73-0002, 14 août 2000, D. Sams.
[82] Voir les paragraphes 119 à 124 des présentes.
[83] Référence faite aux avis des docteurs « Sutton, Desautels, Kornacki et Greenfield ».
[84] Michaud-Rousseau et Via rail Canada,[1996] C.A.L.P. 1108; Brassard et MacIsaac Industries ltée, C.L.P. 119244-01A-9906, 22 juin 2000, L. Boudreault; St-Pierre et 154860 Canada inc., C.L.P. 159441-63-0104, 12 mars 2002, M. Gauthier; Gingras et Zellers inc., C.L.P. 194259-62A-0211, 31 octobre 2003, G. Robichaud; Guarna et Aliments Humpty Dumpty, C.L.P. 232909-61-0404, 2 août 2004, S. Di Pasquale; Charest et CSST, [2008] C.L.P. 1180; Harrisson et Groupe Relions Matane inc., C.L.P. 334304-01A-0712, 30 janvier 2009, N. Michaud; De Melo et Lingerie Lov’Lee Made inc. (F), C.L.P. 339845-71-0802, 26 février 2009, S. Arcand.
[85] Lapointe et Société canadienne des postes, C.AL.P. 08302-60-8806, 22 novembre 1991, J.-D. Kushner, (J3-23-10); Rios et Stardel Électrique enr., C.L.P. 141042-71-0006, 20 février 2001, A. Suicco; Thibault et Société canadienne des postes, C.L.P. 246132-72-0410, 26 mai 2006, Anne Vaillancourt, (06LP-53); St-Laurent et Stadacona S.E.C., C.L.P. 326647-31-0708, 12 mars 2009, R. Napert, révision rejetée, 5 janvier 2010, C. Racine.
[86] Avant que la CSST ne déclare par sa décision du 25 août 2010 que la déchirure de la coiffe des rotateurs droite est en lien avec l’accident survenu le 13 janvier 2010.
[87] Celle du 15 mai 2010 précitée.
[88] En réalité, l’examen a été fait le 16 mars 2011.
[89] BERGERON, FORTIN, LECLAIRE, Pathologie médicale de l’appareil locomoteur, 2e édition, Édisem inc., 2008, 576-581.
[90] 2011 QCCLP 6796.
[91] 2013 QCCLP 2798.
[92] Mode Optimo inc. et Noël, C.L.P. 141242-04-0006, 10 novembre 2000, C. Lessard, (00LP-89), révision rejetée, 9 mai 2001, M. Carignan; Mercier et Les Entreprises forestières de l'Alverne inc., [2002] C.L.P. 503; Côté et Francofor inc., C.L.P. 336030-01B-0712, 26 novembre 2009, A Tremblay.
[93] 2013 QCCLP 4281.
[94] C.L.P. 317243-64-0704, 15 février 2008, J. David.
[95] 2011 QCCLP 5886.
[96] Voir entre autres : D'aoust et Toiture Qualitruss inc., C.L.P. 212070-07-0307, 24 février 2004, M. Langlois; Les Carrelages Centre du Québec et Thibodeau, C.L.P 230800-04-0403, 28 janvier 2005, J.-F. Clément; Mercier et Entreprises Diane Roy enr., C.L.P 259298-08-0504, 24 février 2006, J.-F. Clément; Lamarre et C.S. Brooks Canada inc., C.L.P 276822-05-0511, 27 juin 2006, M. Allard; Gosselin et Maison Île Centre Convalescence inc., C.L.P 287307-64-0604, 2 novembre 2007, D. Armand; Tokessy et Polymed Chirurgical inc., C.L.P 301487-62C-0610, 7 décembre 2007, M. Auclair, révision rejetée, 8 octobre 2009, S. Di Pasquale; Blais et Papineau international SEC, C.L.P 326451-04-0708, 11 janvier 2008, A. Quigley; La Maison des meubles Corbeil inc. et Hopkins, 2012 QCCLP 5622; Chichester et Centre de Réadaptation de l'Ouest de Montréal, 2014 QCCLP 2359; Maçonnerie André Desfossés inc., Rémi Truchon et Rémi Truchon, Maçonnerie André Desfossés inc., 2014 QCCLP 3295; Robertson et Centre Transition le Sextant inc., 2014 QCCLP 3666; Corporation ambulancière Beauce inc. et Grondin, 2014 QCCLP 5300.
[97] McHakke et Qualipak, C.L.P. 277954-61-0512, 16 mars 2006, L. Nadeau.
[98] Voir notamment : Saint-Pierre et Société canadienne des postes, C.L.P. 205902-61-0304, 3 juillet 2007, L. Nadeau; Société canadienne des postes (Santé et sécurité) et Jean-Louis, C.L.P. 285348-61-0603, 1er octobre 2008, C. Racine; Malorni et Société canadienne des postes-Santé et sécurité, C.L.P. 321254-61-0706, 28 octobre 2008, C. Racine; Larochelle et Manoir St-Amand inc., C.L.P. 358174-03B-0809, 2 juin 2009, G. Marquis; Restaurant Baleineau et Rivard, C.L.P. 395174-31-0911, 20 mai 2010, M. Beaudoin; Centre Petite Enfance la Salopette et Binet, C.L.P. 419009-03B-1009, 15 février 2011, L. Daoust; CSSS de la Pointe-de-l'île et Prévost, 2011 QCCLP 3647; Walt-Mart Canada (Commerce détail) et Rouleau, 2012 QCCLP 5300; Robert Tardif Électrique inc. et Charbonneau, 2014 QCCLP 930.
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