Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

En matière de régime des rentes

 

 

Date : 16 janvier 2015

Référence neutre : 2015 QCTAQ 01224

Dossier  : SAS-Q-200961-1404

Devant les juges administratifs :

CHRISTINE CÔTÉ

ANDRÉE DUCHARME

 

A… F…

Partie requérante

c.

RÉGIE DES RENTES DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]              Le requérant conteste la décision rendue en révision par la partie intimée, la Régie des rentes du Québec, le 26 mars 2014.

[2]              Par cette décision, la partie intimée confirme la décision du 10 septembre 2013 refusant de reconnaître le requérant invalide au sens de la Loi sur le régime de rentes du Québec[1] aux motifs suivants :

-        il n’est pas atteint d’une condition médicale grave qui l’empêche d’exercer à temps plein tout genre d’emploi;

-        il n’est pas admissible à une rente d’invalidité à 60 ans n’ayant pas cotisé pendant quatre des six dernières années de sa période cotisable.

[3]              À l’audience, le requérant est présent mais non représenté. La partie intimée est représentée par Me Michel Bélanger.

 

Le contexte

[4]              De l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale, le Tribunal retient essentiellement ce qui suit.

[5]              Le requérant est né le 16 avril 1953.  Il a travaillé comme électricien d’appareillage pour Hydro-Québec jusqu’au 26 avril 2007. Dans le cadre de son travail, il veillait à l’entretien, la réparation et la maintenance de l’équipement électrique sous ou hors tension.

[6]              Il cesse de travailler en raison de sa condition médicale qui ne lui permettait plus d’accomplir son travail habituel.

[7]              Il n’a pas occupé d’autres emplois par la suite.

[8]              Le 28 mars 2012, le requérant fait une demande de rente d’invalidité auprès de la partie intimée.  Il a alors 58 ans.

[9]              Il joint à sa demande un rapport médical de son médecin, Dr Pierre Béland, qui traite de son atteinte des deux épaules (syndrome d’abutement) et d’une hernie discale L4-L5.

[10]           Le Dr Béland est d’avis que le requérant ne peut refaire son emploi d’électricien d’appareillage en raison des limitations fonctionnelles lombaires de classe III de l’IRSST émises en 2005 par la Dre Line Jacques. Cependant, il estime que le requérant peut occuper un autre emploi respectant les limitations fonctionnelles émises.

[11]           La demande de rente d’invalidité est refusée le 3 juillet 2012 par la partie intimée, considérant que la condition médicale du requérant n’est pas suffisamment grave pour l’empêcher d’exercer à temps plein tout genre d’emploi existant sur le marché du travail[2].

[12]           De plus, cette décision rappelle au requérant que les conditions pour avoir droit à une rente d’invalidité sont différentes à 60 ans.  La partie intimée indique alors ce qui suit :

«Comme votre dossier actuel indique que vous ne pouvez plus faire votre travail habituel, la Régie pourrait, si vous n’avez pas recommencé à travailler, vous reconnaître invalide le mois suivant celui où vous aurez 60 ans. Si vous êtes admissible, la rente pourrait alors vous être payée à compter de septembre 2013, soit le 5e mois suivant votre 60e anniversaire, comme le prévoit la Loi.

Pour savoir si vous avez droit à la rente selon ces dernières conditions, vous n’avez pas besoin de présenter une nouvelle demande. Nous communiquerons avec vous en août 2013 pour évaluer de nouveau votre dossier.[3]

[13]           À la mi-août 2013, le requérant est avisé par téléphone qu’il ne sera pas admissible à la rente d’invalidité.

[14]           Par sa décision du 10 septembre 2013, la partie intimée refuse la demande de rente d’invalidité du requérant, réitérant que sa condition médicale n’est pas suffisamment grave pour l’empêcher d’occuper tout emploi à temps plein.

[15]           De plus, la partie intimée souligne que le requérant n’est pas admissible à la rente d’invalidité à 60 ans considérant les règles applicables depuis le 1er janvier 2013 concernant l’attachement au marché du travail.  Le requérant n’ayant pas cotisé dans au moins quatre des six dernières années de sa période cotisable, il ne rencontre donc pas cette condition d’admissibilité prévue par la Loi.

[16]           Le requérant demande la révision de cette décision en contestant l’application des récentes modifications législatives à son dossier.  Il souligne que les nouveaux critères sont contraires aux critères applicables avant le 1er janvier 2013.  Il soumet qu’il ne pouvait plus occuper son emploi et qu’il n’a pas travaillé par la suite.

[17]           Le 10 février 214, le requérant est rencontré par le Dr Serge Rheault, chirurgien orthopédique, à la demande de la partie intimée.  Le Dr Rheault retient les diagnostics suivants :

-        dégénérescence discale L4-L5 responsable d’une hernie qui a fini par se résorber d’elle-même;

-        arthrose du genou droit avec déchirures probablement dégénératives au niveau des deux ménisques;

-        luxation acromio-claviculaire gauche asymptomatique.

[18]           Il émet les limitations fonctionnelles suivantes en lien avec le diagnostic retenu de hernie discale L4-L5 :

Ø  éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités exigeant de soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 10kg,

Ø  éviter les mouvements répétitifs ou à amplitudes extrêmes du tronc,

Ø  éviter les vibrations de basse fréquence et les contrecoups à la colonne,

Ø  éviter de ramper ou de grimper,

Ø  limiter la position assise à des périodes de 30 minutes d’affilée,

Ø  limiter la circulation en automobile à des périodes d’environ 45 minutes d’affilée.[4]

[19]           Considérant le diagnostic d’arthrose du genou droit avec déchirures dégénératives des ménisques, il recommande :

Ø  limiter la marche à des périodes d’environ deux heures d’affilée,

Ø  limiter les positions accroupies,

Ø  limiter la circulation sur terrain inégal ou glacé,

Ø  limiter la circulation répétitive dans les escaliers.[5]

[20]           Finalement, le Dr Rheault considère le requérant apte à exercer régulièrement tout genre d’emploi qui respecterait ces limitations fonctionnelles.

[21]           Le 26 mars 2014, la partie intimée confirme en révision le refus de reconnaître le requérant invalide au sens de la Loi sur le régime de rentes du Québec référant d’abord au rapport médical du Dr Pierre Béland du 21 mars 2012 et à l’expertise du Dr Louis Serge Rheault du 18 février 2014, lesquels concluaient à la capacité du requérant à occuper un emploi respectant les limitations fonctionnelles émises.

[22]           Par ailleurs, la partie intimée conclut qu’elle ne peut reconnaître le requérant invalide en vertu des règles s’appliquant aux personnes de 60 à 65 ans, parce que ce dernier n’a pas suffisamment cotisé.

[23]           Cette décision est contestée par le requérant auprès du Tribunal administratif du Québec le 28 avril 2014, en ces termes :

«je crois avoir droit à une prestation de rente d’invalidité n’ayant plus été capable d’occupé l’emploie d’origine. Les critères selon la régie des Rentes ont été changé en janvier 2013 pour ce qui est du nombre d’année de cotisation à la régie. Venant ainsi à l’encontre de leur propre règlementation datant d’avant janvier 2013. Voir annexe

Dans les conclusions recherché, je demande le paiement rétroactif de la rente d’invalidité à partir du 30 sept 2013 avec intérêts. De plus la reconnaissance de mon invalidité de la part de la régie (RRQ) comme le mentionne plusieurs documents ci-joint.[6]

(Transcription conforme)

 

Position du requérant

[24]           Le requérant reconnaît ne pas avoir cotisé durant quatre des six dernières années de sa période cotisable. Il dit avoir arrêté de travailler et avoir pris sa retraite pour des raisons de santé.  Il avait tenté sans succès de se relocaliser à l’interne.

[25]           Il s’attendait à recevoir une rente d’invalidité compte tenu des dispositions en vigueur au moment où il a cessé de travailler en 2007.

[26]           Il n’a jamais été informé des modifications apportées à la Loi sur le régime de rentes.

[27]           Il a cotisé pendant 36 ans au Régime de rentes du Québec et soumet que cette nouvelle mesure est drastique.

[28]           Il confirme finalement avoir reçu depuis mai 2013, une rente de retraite de la Régie des rentes du Québec.

Position de la partie intimée

[29]           Le procureur de la partie intimée soumet que la décision contestée est conforme aux dispositions législatives applicables.

[30]           Il rappelle que la partie intimée admet que le requérant est incapable d’exercer son travail habituel.  Cependant, il ne rencontre pas les critères prévus par la Loi pour être reconnu invalide.

[31]           Il soumet finalement que les modifications entrées en vigueur le 1er janvier 2013 s’appliquent au requérant, puisque son droit à une rente d’invalidité «60 ans» s’ouvre en avril 2013.

[32]           Il souligne l’absence de mesures transitoires.

 

Analyse et discussions

[33]           Le Tribunal est appelé à déterminer si la décision en révision rendue par la Régie le 26 mars 2014 est bien fondée ou si elle doit être modifiée ou infirmée.

[34]           Par cette décision, la partie intimée a refusé de reconnaître le requérant invalide au sens de la Loi sur le régime de rentes du Québec.

[35]           Le présent litige s’analyse donc à la lumière des dispositions de l’article 95 de la Loi sur le régime de rentes du Québec :

«95. Une personne n'est considérée comme invalide que si la Régie la déclare atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée.

Une invalidité n'est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

En outre, dans le cas d'une personne âgée de 60 ans ou plus, une invalidité est grave si elle rend cette personne régulièrement incapable d'exercer l'occupation habituelle rémunérée qu'elle détient au moment où elle cesse de travailler en raison de son invalidité.

Une invalidité n'est prolongée que si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.

La Régie publie périodiquement ses directives en matière d'évaluation médicale de l'invalidité.»

[36]           Ainsi afin d’être déclaré invalide au sens de la Loi sur le régime de rentes du Québec, il faut démontrer être atteint d’une condition grave et prolongée. Une invalidité grave est celle qui rend incapable d’occuper tout emploi.

[37]           En l’espèce, la condition médicale du requérant le rend régulièrement incapable à exercer son emploi habituel d’électricien d’appareillage. Cette question ne fait l’objet d’aucun litige.

[38]           Cependant, la preuve médicale au dossier établie de façon prépondérante que le requérant conserve des capacités à occuper un autre emploi à temps plein, respectant les limitations fonctionnelles émises tant en 2005 par la Dre Line Jacques que par le Dr Louis Serge Rheault en février 2014.

[39]           Par ailleurs, l’article 95 de la Loi prévoit des règles différentes pour les personnes de 60 à 65 ans.  En effet, la notion d’invalidité grave est alors définie par une condition médicale rendant la personne incapable d’effectuer l’emploi qu’elle détenait au moment où elle cesse de travailler en raison de son état.

[40]           Le requérant se trouve dans cette situation, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la partie intimée.

[41]           Toutefois, la Loi sur le régime de rentes du Québec prévoit également :

«105. La Régie doit, selon les règles établies dans la présente loi, payer les rentes et prestations suivantes:

(…)

b) une rente d'invalidité à un cotisant invalide admissible;

(…)»

(Notre emphase)

[42]           Or, pour une rente d’invalidité, l’admissibilité d’un cotisant est définie à l’article 106 qui se lit comme suit, depuis le 1er janvier 2013 :

«106. Un cotisant n'est admissible à une rente d'invalidité que s'il est âgé de moins de 65 ans, est invalide et a versé des cotisations pour l'un des groupes d'années suivants:

a) deux des trois dernières années comprises entièrement ou partiellement dans sa période cotisable ou deux années, si cette période ne comprend que deux années;

b) cinq des 10 dernières années comprises entièrement ou partiellement dans sa période cotisable;

c) la moitié du nombre total des années comprises entièrement ou partiellement dans sa période cotisable, mais au moins deux années.

Toutefois, un cotisant âgé de 60 ans ou plus visé au troisième alinéa de l'article 95 n'est admissible à une rente d'invalidité que s'il a versé des cotisations pour au moins quatre des six dernières années comprises entièrement ou partiellement dans sa période cotisable.

Pour l'application du présent article, la période cotisable du cotisant se termine à la fin du mois où il est devenu invalide.»

(Notre emphase)

[43]           En l’espèce, le requérant ayant eu 60 ans en avril 2013, sa période de cotisation se termine en mai 2013.  Ainsi, le requérant ne rencontre pas la règle prévue à l’avant-dernier alinéa de l’article 106 précité, n’ayant nullement cotisé depuis 2008.

[44]           Le requérant a d’ailleurs confirmé par son témoignage ne pas avoir travaillé depuis qu’il a cessé son emploi d’électricien d’appareillage en raison de sa condition de santé.

[45]           Cette nouvelle règle d’admissibilité est entrée en vigueur le 1er janvier 2013.  Or, la modification apportée par le législateur aux dispositions de l’article 106 précité ne comporte aucune mesure transitoire.  Ces nouvelles dispositions sont donc d’application immédiate.

[46]           Au soixantième anniversaire du requérant, ces dispositions étaient en vigueur et elles doivent s’appliquer.

[47]           Le Tribunal a pris bonne note des représentations du requérant. En effet, le requérant a cotisé au Régime de rentes pendant 36 ans et il a cessé de travailler en raison d’une condition médicale ne lui permettant plus d’exercer son emploi habituel.  Considérant la définition d’invalidité prévue à la Loi, il comptait recevoir la rente d’invalidité à 60 ans.

[48]           Bien que sensible à l’effet des nouvelles règles d’admissibilité entrées en vigueur quelques mois avant le soixantième anniversaire du requérant, le Tribunal ne peut faire droit au recours de ce dernier.

[49]           La décision en révision du 26 mars 2014 est conforme aux dispositions législatives applicables, lesquelles ne comportent d’ailleurs pas d’exception.

[50]           En effet, le requérant ne peut être reconnu invalide au sens de la Loi sur le régime de rentes du Québec, n’ayant pas suffisamment cotisé au Régime de rentes du Québec pour avoir droit à la rente d’invalidité à compter de 60 ans.

PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

REJETTE le recours du requérant.

CONFIRME la décision rendue en révision le 26 mars 2014.


 

CHRISTINE CÔTÉ, j.a.t.a.q.

 

 

ANDRÉE DUCHARME, j.a.t.a.q.


 

Arav, Robillard, Laniel

Me Michel Bélanger

Procureur de la partie intimée


 

/cf



[1] RLRQ, chapitre R-9

[2] Pages 45 et 46 du dossier

[3] Page 46 du dossier

[4] Page 65 du dossier

[5] Page 66 du dossier

[6] Pages 77 et 78 du dossier

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