DÉCISION
[1] Le 5 mars 2002, monsieur Sylvain Forgues (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par cette instance le 1er février 2002.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare irrecevable la contestation formulée par le travailleur le 26 mars 2001 et déclare par conséquent qu’aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ne résulte de la lésion subie le 15 juin 1999.
[3] La présente décision est rendue sur dossier conformément à l’article 429.57 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
L'OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue le 1er février 2002pour le motif que la première commissaire a pris l’affaire en délibéré et rendue la décision le 1er février 2002 sans avoir pris connaissance des notes et autorités transmises par courrier express le 30 janvier 2002. Ce faisant, il soutient qu’il n’a pu bénéficier d’une défense pleine et entière.
[5] Au surplus, il reproche à la première commissaire d’avoir omis de considérer les limitations fonctionnelles que l’on retrouve au rapport d’évaluation médicale produit par le Dr Lemire allant ainsi à l’encontre de sa conclusion à l’effet qu’il y a absence d’atteinte permanente découlant de la lésion professionnelle. À cet égard, il réfère à l’avis du Dr Bernucci, lequel conclut à une diminution de la mobilité de l’ordre de 10 % lui donnant droit à un déficit anatomo-physiologique de 2 % à lequel s’ajoute un déficit pour perte de jouissance de la vie (un DPJV) de .2 %.
LES FAITS PERTINENTS À LA REQUÊTE
[6] Le travailleur et son représentant ne pouvant se présenter à l’audience prévue le 16 janvier 2002, il est entendu que la décision soit rendue sur dossier au terme du délai pour leur permettre de compléter la preuve documentaire et soumettre une argumentation écrite, selon la lettre transmise le 15 janvier 2002 par la commissaire saisie de ce litige. La commissaire y précise qu’elle acquiesce à sa demande de lui accorder un délai jusqu’au plus tard au 25 janvier 2002 afin de lui permettre de compléter le dossier et de soumettre les représentations par écrit. La commissaire ajoute que dans la mesure où un délai additionnel s’avère nécessaire, le représentant du travailleur devra lui formuler une demande à cet effet avec motifs à l’appui. À défaut d’obtenir une telle autorisation, la commissaire précise qu’une décision sera rendue sur dossier dès le 25 janvier 2002.
[7] Au procès-verbal, la commissaire mentionne avoir reçu de la part de la secrétaire du représentant du travailleur, une demande pour extensionner le délai déjà alloué afin de lui permettre l’envoi du document prévu au cours de la semaine du 28 janvier 2002. À cet égard, la commissaire y consigne avoir laissé un message, mardi le 29 janvier 2002, à l’effet qu’elle accorde un délai additionnel et que le tout sera pris en délibéré le 1er février 2002. Elle avise également qu’à cette date, si elle n’a pas reçu copie des documents attendus, une décision sera rendue à la lumière de la preuve documentaire telle que constituée.
[8] En fin de journée le 28 janvier 2002, le représentant du travailleur informe la Commission des lésions professionnelles par télécopieur que les documents sont transmis à son client afin qu’il soit assermenté et qu’ensuite, ils les fera parvenir.
[9] Le 30 janvier 2002, la Commission des lésions professionnelles accuse réception de ce message et l’informe que ce document est transmis au commissaire.
[10] Le 6 février 2002, la Commission des lésions professionnelles reçoit les notes et autorités et elle le confirme par écrit au représentant du travailleur.
L'AVIS DES MEMBRES
[11] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d'employeurs sont d’avis qu’il y a vice de procédure et que, par conséquent, le travailleur n’a pu se faire entendre. Il y a donc lieu de révoquer la décision rendue le 1er février 2002 conformément à l’article 429.56 de la loi.
[12] Sur le fond, les membres sont tous deux d’avis que le travailleur ne peut contester les conclusions de son médecin en l’absence d’une disposition de la loi à cet effet de sorte que sa contestation est irrecevable.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[13] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il existe un motif justifiant la révision de la décision qu’elle a rendue le 1er février 2002.
[14] L’article 429.56 de la loi prévoit que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision dans certains cas. Cet article se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[15] En l’instance, le travailleur reproche à la première commissaire d’avoir rendu la décision avant d’avoir reçu les notes et autorités. Il soulève donc le deuxième paragraphe de l’article précité.
[16] Or, il ressort clairement de la lettre transmise par la première commissaire et du procès-verbal, que le délai initialement alloué pour la production des documents est prolongé jusqu’au 1er février 2002 au terme duquel le représentant est avisé que l’affaire sera prise en délibéré.
[17] Toutefois, le 28 janvier 2002, le représentant informe par une lettre transmise par télécopieur que les documents sont acheminés au travailleur de sorte qu’ils lui parviendront sous peu. À sa face même, il demande alors à la commissaire de prolonger le délai jusqu’à la réception dudit document.
[18] Or, la Commission des lésions professionnelles constate que la première commissaire ne fait aucunement mention dans sa décision qu’elle ait pris connaissance de cette nouvelle demande de prolongation puisqu’elle n’en dispose pas et rend la décision au terme du délai alloué, soit au 1er février 2002.
[19] Dès lors, il semble que la demande acheminée par télécopieur à la Commission des lésions professionnelles n’a pas été remis en temps utile à la commissaire. Il apparaît donc à la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision qu’il y ait eu vice de procédure et que, dans les circonstances, le travailleur n’a pu se faire entendre pour des raisons jugées suffisantes.
[20] Conséquemment, la Commission des lésions professionnelles révoque la décision rendue le 1er février 2002 et rend la présente décision sur le fond du litige à la lumière des faits et de l’argumentation soumise par le travailleur le 6 février 2002.
[21] La question en litige portant sur la détermination de l’atteinte permanente, il y a lieu de référer l’article 224 de la loi lequel édicte ce qui suit :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
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1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[22] En l’instance, il ressort des rapports médicaux contenus au dossier que le Dr G. Leclerc renonçant à produire un rapport d’évaluation des séquelles, le Dr M. Harvey réfère le travailleur au Dr Luc Lemire afin que celui-ci procède à une telle évaluation. Dès lors, la Commission des lésions professionnelles considère que c’est en qualité de médecin ayant charge du travailleur que le Dr Lemire produit le rapport d’évaluation des séquelles en se référant au Règlement sur le barème des dommages corporels[2] (le barème).
[23] Or, la Commission des lésions professionnelles souligne que conformément à l’article 224 de la loi, la CSST est liée par les conclusions du médecin ayant charge. Par ailleurs, la loi ne comporte aucune disposition permettant au travailleur de contester les conclusions du médecin ayant agi en qualité de médecin ayant charge.
[24] Par ailleurs, il ressort du rapport d’évaluation médicale que l’examen objectif effectué par ce médecin ne révèle aucune séquelle fonctionnelle de sorte que celui-ci s’est référé au barème dont le code correspondant pour ce type de lésion indique un déficit anatomo-physiologique de l’ordre de 0 %.
[25] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision souligne que l’identification de limitations fonctionnelles par le Dr Lemire n’est pas en fait contradictoire comme le prétend le représentant du travailleur à la conclusion d’un déficit anatomo-physiologique de l’ordre de 0 %. À cet égard, il faut en comprendre que le déficit anatomo-physiologique de 0 % est celui correspondant au barème pour ce type de lésion. Ainsi, cela ne signifie pas qu’il y a absence d’une atteinte permanente mais indique plutôt qu’elle ne donne pas droit de recevoir une indemnité pour dommages corporels.
[26] Au surplus, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision souligne que le rapport médical ainsi que le billet médical produits par le Dr Bernucci concluant à une perte de mobilité pour laquelle il reconnaît un déficit anatomo-physiologique sont imprécis. En effet, il s’agit d’un avis laconique sur la seule question du pourcentage d’atteinte permanente lequel ne réfère aucunement au barème. Enfin, pour les motifs précédemment énoncés, cet avis ne peut être substitué aux conclusions déjà émises par le Dr Lemire qui, rappelons-le, a agi en qualité de médecin ayant charge.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête formulée par monsieur Sylvain Forgues;
RÉVOQUE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 13 février 2001;
REJETTE la contestation de monsieur Sylvain Forgues formulée le 11 mai 2000;
CONFIRME la décision de la révision administrative.
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HÉLÈNE THÉRIAULT |
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Commissaire |
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ÉRIC MORIN, AVOCAT |
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Représentant de la partie requérante |
AVIS :
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