Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE

 

Le

1er avril 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

140131-63-0006

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Diane Besse

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Mme Lorraine Patenaude

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

M. Gérald Dion

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

006190326

AUDIENCE TENUE LE :

29 janvier 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Joliette

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CYNTHIA PHILLIPS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL DE LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 


 

DÉCISION

 

[1]               Le 8 juin 2000, madame Cynthia Phillips (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 24 mai 2000, à la suite d’une révision administrative confirmant deux décisions rendues antérieurement.

[2]               La CSST confirme tout d’abord la décision rendue le 6 janvier 1999 déclarant que la travailleuse n’a pas droit à l’aide personnelle à domicile et elle confirme de plus la décision rendue le 25 janvier 1999 refusant le remboursement des frais encourus pour des travaux d’entretien du domicile.

[3]               Le 29 janvier 2003, la Commission des lésions professionnelles tient une audience en présence de la travailleuse qui est représentée.  L’employeur, Centre hospitalier régional de Lanaudière, et la CSST, partie intervenante au dossier, sont absents bien que dûment convoqués.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a droit à l’aide personnelle à domicile depuis le mois d’avril 1992 et de retourner le dossier à la CSST afin que le calcul des sommes auxquelles elle a droit soit effectué.

[5]               De plus, elle demande au tribunal de reconnaître qu’elle a droit au remboursement des frais encourus pour des travaux d’entretien courant du domicile comme le déneigement, la tonte de la pelouse, la manipulation du bois de chauffage et le ménage.

 

LES FAITS

[6]               La travailleuse, qui est âgée de 34 ans, est infirmière auxiliaire chez l’employeur lorsque, le 27 septembre 1990, elle ressent une douleur à la nuque, à l’épaule gauche et au dos en déplaçant un bénéficiaire.

[7]               Le 23 septembre 1992, le docteur Napoléon Martinez, neurochirurgien et membre du Bureau d’évaluation médicale, évalue à 11 % le déficit anatomo-physiologique résultant de la lésion qui a nécessité une discoïdectomie C5-C6 avec greffe; un préjudice esthétique de 3 % est aussi reconnu.

[8]               Le Bureau de révision paritaire accepte, en date du 9 mars 1994, les réclamations de la travailleuse pour les récidives, rechutes ou aggravations qui se sont manifestées le 15 avril 1992 pour un syndrome du défilé thoracique, le 4 mars 1993 pour un syndrome costo-claviculaire gauche et le 27 juillet 1993 pour une hernie discale cervicale avec syndrome cervico-brachial.  Dans une décision rendue le 19 février 1996, la CSST accepte les réclamations de la travailleuse pour la réduction mammaire effectuée le 5 janvier 1995 et l’intervention en chirurgie plastique effectuée le 19 mars 1996.

[9]               Dans le cadre de l’évaluation des séquelles permanentes de ces lésions, la travailleuse est examinée à quatre reprises par des membres du Bureau d’évaluation médicale entre le 22 août 2000 et le 22 novembre 2000.  Les décisions rendues par la CSST reprenant les conclusions de ces médecins ont été contestées par la travailleuse.

[10]           Le 2 octobre 2001, la Commission des lésions professionnelles entérine un accord intervenu entre la travailleuse et la CSST précisant les séquelles permanentes de ces lésions.

[11]           Dans le cadre de cet accord, les parties reprennent l’évaluation du docteur Lionel Béliveau, psychiatre, attribuant un pourcentage de 15 % d’atteinte permanente à l’intégrité psychique.  Au niveau physique, les parties retiennent l’évaluation effectuée le 16 août 2000 par le docteur Serge Bourdua, orthopédiste, augmentant de 41 % le déficit anatomo-physiologique reconnu suite à la consolidation de la lésion initiale.

[12]           Dans son expertise, le docteur Bourdua précise que le docteur Louis-Normand Poirier, neurochirurgien, a procédé a une discoïdectomie cervicale C5-C6 avec greffe osseuse autogène le 24 avril 1991; cette chirurgie n’a pas amélioré la condition de la travailleuse.  Le 4 mars 1993, madame Phillips a été opérée par le docteur Paul Cartier pour un syndrome costo-claviculaire gauche.  Suite à cette chirurgie, le suivi médical s’est poursuivi pour un syndrome post hernie discale, exérèse de la première côte cervicale et réaction dépressive situationnelle.  Le 5 janvier 1995, la travailleuse a subi une réduction mammaire bilatérale qui n’a apporté aucun soulagement à ses malaises; elle est par la suite suivie pour des troubles somatoformes et référée à la Clinique de la douleur.  Le 12 décembre 1997, le docteur Benoît Cartier procède à une sympathectomie thoracique par cautérisation de T2, T3 et T4.  Le docteur Bourdua décrit comme suit l’état de madame Phillips à la date de son examen :

Madame Cynthia Phillips se plaint toujours de la même douleur qu’elle situe en arrière du cou et qui irradie vis-à-vis de l’omoplate gauche, à l’épaule gauche et à tout le membre supérieur gauche.  La douleur est continuelle 24 heures / 24 heures.

 

Depuis le mois de mai 2000, elle a reçu trois infiltrations au niveau cervical qui l’ont soulagée de façon temporaire.  La dernière infiltration épidurale a été faite le 27 juin 2000 et elle a été soulagée jusqu’au 23 juillet 2000.

 

Le caractère de cette douleur ressemble à une brûlure comme du feu.  Elle dit que la main change de couleur.  Si elle fait un effort, par exemple couper un steak, les doigts se crispent et la douleur devient plus intense au membre supérieur gauche.  La main devient mauve et froide.  Elle n’a plus de sensibilité à la piqûre à tout le membre supérieur gauche.  Elle n’a pas de force à la main gauche.  Lorsqu’elle élève l’épaule gauche, elle devient étourdie et elle perd parfois l’équilibre.

 

La douleur l’empêche dormir confortablement.  Elle a besoin de l’aide d’une autre personne pour prendre son bain.  Elle ne peut accomplir les tâches ménagères.  En résumé, elle est incapable d’utiliser le membre supérieur gauche pour effectuer les gestes de la vie quotidienne.

 

Elle se plaint aussi d’une douleur au site de prélèvement du greffon osseux sur la crête iliaque antérieure droite.  Cette douleur irradie jusqu’à la région inguinale droite.

 

Elle ne peut plus porter de soutien-gorge depuis qu’elle a été opérée.

 

 

[13]           Afin de bien comprendre les séquelles permanentes retenues par les parties, la Commission des lésions professionnelles juge utile de reproduire les séquelles antérieures et actuelles retenues par le docteur Bourdua :

SÉQUELLES ANTÉRIEURES

 

CODE

DESCRIPTION

%

DAP

DPJV

203 719

Discoïdectomie à C5-C6 avec greffe

     3

 

207 396

Ankylose incomplète, perte de 25 % et moins de 50 % de la flexion antérieure

     1,5

 

207 421

Extension de la colonne cervicale avec perte de 25 % et moins de 50 %

     1,5

 

207 458

Flexion latérale avec perte de 25 % et moins de 50 %

     1,5

 

207 485

Flexion latérale gauche avec perte de 25 % et moins de 50 %

     1,5

 

207 500

Rotation à droite avec perte de moins de 25 %

     1

 

207 537

Rotation vers la gauche avec perte de moins de 25 %

     1

 

224 215

Cicatrice au niveau du cou

     2

 

224 386

Cicatrice au niveau de la crête iliaque droite

     1

 

 

 

SÉQUELLES ACTUELLES

 

CODE

DESCRIPTION

%

DAP

DPJV

203 755

Discoïdectomie cervicale antérieure à C5-C6 avec greffe à un niveau avec séquelles fonctionnelles

     3

 

Ankylose incomplète de la colonne cervicale

207 519

Rotation droite 40°, perte de 33 %

     3

 

207 546

Rotation gauche 40°, perte de 33 %

     3

 

321 084

Sympathectomie unilatérale gauche

     3

 

121 317

Douleur causalgique du membre supérieur gauche, par analogie ou équivalence avec le système vasculaire :  classe IV :  douleur importante apparaissant à la suite d’un effort léger avec le membre supérieur gauche

   40

 

Préjudice esthétique majeur

224 206

Cicatrice au cou non vicieuse

     0

 

224 377

Cicatrice non vicieuse au tronc (sterno-claviculaire gauche axillaire gauche et crête iliaque gauche)

     0

 

 

 

[14]           Le docteur Bourdua réfère à une évaluation faite par le docteur Jean Gauthier à la Clinique de la douleur selon qui la travailleuse avait possiblement fait une dystrophie sympathique réflexe; les douleurs actuelles apparaissent davantage d’allure neuropathique et d’origine myofasciale au niveau de l’épaule gauche mais pourraient être secondaires à une ancienne dystrophie sympathique réflexe, la chaleur et la sécheresse de la main gauche étant possiblement attribuables à la sympathectomie.  Il note que toutes les interventions chirurgicales auxquelles la travailleuse s’est soumise n’ont apporté aucun soulagement durable ou notable.  Il dit avoir évoqué la possibilité de l’implantation d’un neurostimulateur pour tenter de contrôler les douleurs mais que madame Phillips ne veut plus se soumettre à d’autres chirurgies et préfère poursuivre les traitements sous forme d’analgésiques et d’antidépresseurs.

[15]           Lors de cet accord, les parties retiennent les limitations fonctionnelles de classe IV selon l’Institut de recherche en santé et sécurité du travail (l’IRSST), soit des restrictions très sévères pour la colonne cervicale ou dorsale supérieure.  Ces limitations fonctionnelles sont les suivantes :

CLASSE 1 :  Restrictions légères

 

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

·         soulever, porter, pousser, tirer des charges supérieures à environ 25 kg

·         ramper

·         effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale

·         subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (provoqués par du matériel roulant sans suspension par exemple)

 

 

CLASSE 2 :  Restrictions modérées

 

En plus des restrictions de la classe 1, éviter les activités qui impliquent :

·         soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 15 kg

·         effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude

 

 

CLASSE 3 :  Restrictions sévères

 

En plus des restrictions des classes 1 et 2, éviter les activités qui impliquent de :

·         maintenir la colonne cervicale en position fixe plus de 30 à 60 minutes, même en position neutre (ex. :  comme lorsqu’on fixe un écran devant soi)

·         effectuer des mouvements répétitifs des membres supérieurs

 

 

CLASSE 4 :  Restrictions très sévères

 

En plus des restrictions des classes 1, 2 et 3 :

·         Le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et sur la capacité de concentration sont incompatibles avec tout travail régulier.

·         On peut toutefois envisager une activité dont l’individu peut contrôler lui-même le rythme et l’horaire.

 

 

[16]           Ce tableau sommaire de la condition physique de la travailleuse étant brossé, il faut revoir les éléments du dossier quant à la demande formulée par la travailleuse et son représentant pour de l’aide personnelle à domicile.  Cette demande, qui a été initialement refusée par la CSST le 6 janvier 1999 et confirmée par la révision administrative le 24 mai 2000, constitue l’un des litiges dont le tribunal est saisi.

[17]           Après une revue des notes évolutives, le tribunal constate que la CSST a reconnu que la travailleuse était admissible à de l’aide personnelle à domicile suite à la discoïdectomie cervicale du 24 avril 1991 et ce jusqu’à son retour au travail progressif au printemps 1992.

[18]           Entre 1992 et 1996, aucune demande d’aide à domicile n’est retracée au dossier.

[19]           En date du 14 février 1996, les notes évolutives de la CSST indiquent que la travailleuse prévoit avoir besoin d’aide personnelle à domicile suite à la chirurgie prévue dans les jours suivants.  Elle explique qu’elle aura le haut du corps immobilisé, qu’elle ne pourra conduire son véhicule, faire le ménage, se laver les cheveux, etc.  Plusieurs conversations sont rapportées au dossier jusqu’au 22 octobre 1997 mais aucune ne traite spécifiquement de cette demande de la travailleuse.

[20]           Les notes évolutives du 22 octobre 1997 indiquent que la travailleuse est toujours souffrante, qu’elle peut vaquer à différentes activités, qu’elle plante des fleurs, fait un peu de bénévolat et qu’un voisin l’aide lorsqu’elle ne peut effectuer certaines tâches.

[21]           Le 12 décembre 1997, le docteur Benoît Cartier procède à une sympathectomie thoracique.  Jusqu’au 14 octobre 1998, les notes évolutives rapportent plusieurs conversations ou rencontres avec la travailleuse, son représentant ou les médecins qui décrivent sommairement les difficultés rencontrées par la travailleuse.

[22]           Le 14 octobre 1998, monsieur Claude Bougie, ergothérapeute, signe un rapport d’évaluation du domicile, à la demande de la CSST qui lui a confié le mandat d’identifier les aides techniques requises pour assurer l’autonomie de la travailleuse.  À ce document, il mentionne que madame Phillips et son conjoint sont propriétaires d’une maison unifamiliale.  Le conjoint de madame Phillips est routier et doit régulièrement s’absenter du domicile pour des périodes de deux à trois jours.

[23]           Lors de cette visite, la travailleuse se décrit comme étant autonome dans les activités de la vie quotidienne comme l’habillage, les soins d’hygiène, l’alimentation, les transferts et les déplacements en ajoutant que depuis plusieurs années, elle a des méthodes compensatoires pour conserver son autonomie.  Monsieur Bougie prescrit certaines aides techniques et décrit comme suit les principales difficultés que la travailleuse rencontre :

Elle a de la difficulté à réaliser les activités bilatérales de motricité fine comme boutonner les boutons de poignets de chemise d’où elle a modifié le type d’habillement.  Au niveau des activités d’hygiène, elle est autonome pour la douche mais requiert un minimum de surveillance lors des transferts au bain.  Elle utilise un bain tourbillon en coin de type podium.  La travailleuse est autonome pour ses transferts au lit, à la toilette et à la douche.

 

Les difficultés identifiées par la travailleuse se situent principalement lors de la préparation des repas.  Elle a de la difficulté à stabiliser ses contenants et à bien utiliser certains ustensiles.  Le déplacement de charge est également problématique si elle doit utiliser ses deux mains.  Lors de l’acquisition de la maison, certaines modifications ont été apportées, notamment au niveau des armoires de cuisine qui sont un peu plus basses que la hauteur standard.  Une ouverture au mur du sous-sol permet d’accéder au garage et entrer le bois de chauffage.  Le couple a convenu d’un partage de tâches qui permet à la travailleuse de ne pas assumer les travaux lourds.  [sic]

 

 

 

[24]           Dans une lettre transmise à la CSST le 11 novembre 1998, maître André Laporte, procureur de la travailleuse qui, selon les notes évolutives, est impliqué dans le dossier depuis 1993, indique que madame Phillips l’a informé que sa demande d’aide à domicile avait été refusée; il demande qu’une décision écrite soit rendue parce qu’il a l’intention de la contester.

[25]           Le 15 décembre 1998, la travailleuse rencontre, en compagnie de son procureur, les personnes responsables de son dossier à la CSST.  Cette rencontre a pour but, entre autres, de donner suite à la demande écrite formulée par maître Laporte le 11 novembre 1998 qui soumet que sa cliente a droit à de l’aide personnelle à domicile et aux frais encourus pour l’entretien du domicile.

[26]           L’agent d’indemnisation note qu’il n’y a pas eu de demande d’aide personnelle à domicile suite à la chirurgie de 1997 et qu’en 1998, alors que la CSST s’est entendue avec la travailleuse pour lui apporter tout le support possible, elle exige d’avoir accès à tous les programmes.  Il explique que l’admissibilité aux programmes n’est pas automatique, que la CSST est une compagnie d’assurances publiques, que les critères spécifiques doivent être rencontrés et que dans le cas de la travailleuse, elle ne se qualifie pas pour de l’aide personnelle à domicile.

[27]           En ce qui a trait aux travaux d’entretien du domicile, il refuse la demande d’aide pour entrer le bois de chauffage du garage à la maison au motif que madame Phillips occupe une maison construite il y a environ trois ans et disposant d’un chauffage électrique.

[28]           De plus, son conjoint a déclaré en octobre 1998 qu’ils s’étaient entendus lors de l’achat de la maison qu’il exécuterait les travaux lourds, comme la tonte du gazon et le déneigement, ou qu’il assumerait le coût de ces travaux lorsqu’il serait à l’extérieur.  Il ajoute que madame Phillips n’exécutait pas ces travaux avant l’achat de la maison puisqu’elle était locataire.

[29]           L’agent d’indemnisation refuse de plus la demande de la travailleuse relativement au remboursement des frais encourus pour le lavage des planchers au motif que ces travaux ne relèvent pas de l’entretien courant du domicile.  Il ajoute que pour avoir droit au remboursement des travaux d’entretien courant du domicile, la travailleuse doit faire la preuve d’une atteinte permanente grave, laquelle s’analyse en fonction de la perte d’autonomie et s’applique à des personnes lourdement handicapées; la travailleuse ne rencontre pas ces critères d’autant plus qu’elle a reconnu avoir passé la souffleuse à l’hiver 1997 en l’absence de son conjoint, soit peu après avoir subi une chirurgie.

[30]           Dans une lettre transmise à la CSST le 21 décembre 1998, maître Laporte demande qu’une décision écrite soit rendue concernant les sujets discutés lors de la rencontre du 15 décembre 1998.  Ces décisions seront rendues le 6 et le 25 janvier 1999 et font l’objet du litige dont le tribunal est saisi.

[31]           À l’audience, la travailleuse affirme que lorsqu’elle demeurait chez ses parents, jusqu’à l’âge de 21 ans, elle déneigeait l’entrée, les perrons et les escaliers et rentrait du bois de chauffage.  Avant son accident du travail de 1990, elle affirme qu’elle faisait l’entretien de son logement et effectuait les travaux lourds, comme le lavage des vitres et des planchers, etc.  Elle était locataire d’un logement qui possédait sa propre entrée et elle déneigeait son accès au trottoir mais payait quelqu’un pour déneiger le stationnement.

[32]           Elle explique que suite à la chirurgie pratiquée le 4 mars 1993, soit une résection de la première côte gauche avec scalénectomie gauche, elle était incapable de rester seule à la maison pendant les mois qui ont suivi et sa fille a dû aller en pension.  Elle devait payer un ami qui avait été infirmier, monsieur Yves Boucher, pour faire son épicerie, le ménage, ses repas, conduire l’auto, l’accompagner lors de ses rendez-vous médicaux, pour l’aider lors de ses soins d’hygiène personnelle et pour lui laver les cheveux.  Elle précise qu’elle était incapable d’utiliser son membre supérieur gauche, qu’elle ressentait des blocages cervicaux, avait des problèmes d’équilibre, de la difficulté à marcher de même qu’à utiliser les escaliers et à conduire son véhicule.

[33]           Entre la chirurgie de 1993 et celle de 1995, la travailleuse affirme qu’elle était incapable de prendre soin d’elle-même et qu’elle a même demandé à être placée dans une résidence pour personnes en perte d’autonomie à cause des difficultés qu’elle rencontrait pour obtenir de l’aide.  Elle affirme qu’elle était incapable de passer le balai ou la balayeuse, de laver ou repasser ses vêtements, de laver les vitres, de faire son épicerie et d’aller payer ses factures.  Elle ajoute que sans l’aide de monsieur Boucher, elle aurait été incapable de rester à son domicile.

[34]           En 1995, suite à la réduction mammaire, elle ne pouvait pas bouger les bras et avait des douleurs importantes au cou et au membre supérieur gauche.

[35]           Elle était incapable de prendre un bain, de couper ses aliments et de faire l’entretien de son logement.  Elle devait boire à la paille parce qu’elle ne pouvait lever son verre, ayant les bras pliés près du corps.  Suite à cette chirurgie, la plaie s’est infectée et la convalescence a été prolongée.  Sa fille était toujours pensionnaire et elle a payé monsieur Boucher pour être avec elle pendant quelques mois et il est venu par la suite tous les jours lui rendre visite.

[36]           En 1996, son conjoint et elle ont fait construire la maison qu’ils habitent aujourd’hui.  Comme il est routier, son conjoint s’absente quelques jours par semaine.  Depuis 1996, elle paie pour le déneigement et l’entretien extérieur de sa maison.  Elle reconnaît avoir essayé de passer la souffleuse en décembre 1997 pendant l’absence de son conjoint, qu’elle a été obligée d’arrêter rapidement parce que les douleurs augmentaient et son voisin est venu l’aider.

[37]           Elle ajoute que bien que la maison dispose d’un chauffage électrique, ils chauffent principalement au bois, ce qui nécessite environ quinze cordes de bois par année.  Lorsque son conjoint est absent, elle paie quelqu’un pour rentrer le bois dans le garage.

[38]           En décembre 1997, elle a subi la dernière chirurgie, soit une sympathectomie dans l’espoir d’augmenter sa dextérité et son autonomie.  Cette intervention n’a pas eu le succès escompté puisqu’elle n’a plus de sensibilité au membre supérieur gauche qui ne répond plus adéquatement.  Monsieur Boucher a toujours continué à s’occuper d’elle dans la mesure où son conjoint est souvent à l’extérieur.

[39]           Madame Phillips explique que depuis environ le mois de mai 1998, une dame vient faire son ménage deux fois par semaine et une autre personne vient à la maison lorsqu’il faut laver les plafonds et les planchers.  Elle paie aussi quelqu’un pour faire son épicerie ou l’accompagner lors de cette activité, rentrer le bois et faire l’entretien extérieur de la maison.  Elle est toujours incapable de prendre son bain seule et a de la difficulté à se laver les cheveux.

[40]           La travailleuse affirme que tout au long de ces années, monsieur Boucher a été auprès d’elle pour l’aider et, sans lui, elle aurait été incapable de demeurer à son domicile.  Elle affirme avoir payé monsieur Boucher pour l’aide qu’il lui apportait et que cet arrangement se poursuit encore en 2003.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[41]           Le membre issu des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs sont d’avis que les requêtes de la travailleuse devraient être accueillies en partie.

[42]           En ce qui a trait à l’aide personnelle à domicile, les membres considèrent que la preuve médicale et le témoignage de la travailleuse établissent que suite à chacune des chirurgies effectuées depuis 1993, la travailleuse a vécu des périodes où elle était incapable de s’occuper seule d’elle-même et que sans l’aide d’un ami, elle aurait été incapable de demeurer à son domicile.  Toutefois, entre 1993 et 1996, on ne retrouve pas de demande d’aide personnelle à domicile et dans ces circonstances, la requête de la travailleuse couvrant cette période devrait être rejetée.

[43]           Par contre, à compter du 14 février 1996, la travailleuse a demandé à la CSST d’avoir accès à de l’aide personnelle à domicile et aucune suite n’a été donnée à cette demande avant la décision de refus rendue en 1999.  Après une analyse sommaire de la grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile, les membres considèrent que la travailleuse a démontré, par preuve prépondérante, que cette aide était justifiée depuis 1996.

[44]           En ce qui a trait au remboursement des frais encourus pour les travaux d’entretien du domicile, les membres considèrent que la travailleuse présente une atteinte permanente grave ayant des conséquences importantes au niveau fonctionnel.  Ils sont d’avis que les frais encourus pour le lavage des vitres, plafonds, murs et planchers devraient être remboursés, à compter de la demande soumise en 1998, dans les limites prévues par la réglementation.

[45]           Les membres considèrent que les demandes relatives au bois de chauffage et à l’entretien extérieur du domicile devraient être refusées.  En effet, lors de l’achat de la maison du couple, il avait été convenu que le conjoint de la travailleuse effectuerait ces travaux ou en assumerait le coût.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[46]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a droit à l’aide personnelle à domicile et au remboursement des frais encourus pour divers travaux d’entretien du domicile.

[47]           L’aide personnelle à domicile se retrouve au chapitre des dispositions traitant de la réadaptation sociale dont le but est précisé à l’article 151 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) qui se lit comme suit :

 

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

[48]           Les articles 158 à 161 de la loi encadrent l’exercice de ce droit :

158.  L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui - même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

159.  L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui‑même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui‑même si ce n'était de sa lésion.

 

Cette personne peut être le conjoint du travailleur.

________

1985, c. 6, a. 159.

 

 

160.  Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.

________

1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.

 

 

161.  Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.

________

1985, c. 6, a. 161.

 

 

 

[49]           L’article 5 du Règlement sur les normes et barèmes à l’aide personnelle à domicile[2] prévoit que les besoins d’aide personnelle à domicile sont évalués par la CSST conformément à la grille d’évaluation prévue à l’annexe « en tenant compte de la situation du travailleur avant la lésion professionnelle, des changements qui en découlent et des conséquences de celle-ci sur l’autonomie du travailleur ».

[50]           La travailleuse a eu droit à l’aide personnelle à domicile en 1992 lorsqu’elle a subi un première chirurgie, soit une discoïdectomie cervicale.  Entre 1993 et 1996, elle a subi deux chirurgies incapacitantes et, selon le témoignage détaillé de madame Phillips, sans l’aide d’un ami elle aurait été incapable, à tout le moins dans les mois qui ont suivi ces interventions, de demeurer à son domicile.

[51]           La Commission des lésions professionnelles a lu avec attention le dossier de la travailleuse et constate que pendant cette période de 1993 à 1996, bien qu’il y ait eu de nombreuses communications avec des intervenants de la CSST, aucune demande n’a été rapportée relativement à de l’aide personnelle à domicile.  Dans ces circonstances, bien que le tribunal accorde foi au témoignage de la travailleuse quant aux difficultés auxquelles elle a été confrontée, il rejette sa requête pour cette période.

[52]           Toutefois, à compter du 14 février 1996, la CSST est informée par la travailleuse qu’elle aura besoin d’aide personnelle à domicile lorsqu’elle quittera l’hôpital suite à la chirurgie prévue le 19 mars 1996.  On retrouve aux notes évolutives de la CSST une mention à l’effet que cette aide sera nécessaire parce que la travailleuse aura le haut du corps immobilisé, ce qui l’empêchera d’effectuer un certain nombre d’activités.  À l’audience, la travailleuse a précisé la nature de l’aide dont elle a eu besoin et affirmé qu’il en a été de même lors de la dernière chirurgie subie en décembre 1997.

[53]           La Commission des lésions professionnelles constate que malgré une demande claire exprimée par la travailleuse le 14 février 1996, aucune suite n’a été donnée à cette demande d’aide personnelle à domicile et on ne retrouve au dossier aucune indication que la grille prévue au règlement permettant d’évaluer une telle demande ait été complétée.  Le tribunal constate de plus que même lorsque la demande a été formulée à nouveau en 1998, qu’une rencontre ait eu lieu à laquelle participait entre autres le procureur de la travailleuse, la CSST n’a pas procédé à une évaluation formelle de cette demande à l’aide de la grille mais a décidé, en invoquant des motifs d’assurance, que la travailleuse n’y avait pas droit.

[54]           La Commission des lésions professionnelles considère que la CSST avait l’obligation, à compter du 14 février 1996, de procéder à une évaluation des besoins d’aide à domicile de la travailleuse et de réévaluer ceux-ci de façon périodique comme le lui impose la loi.  Le défaut par la CSST de se conformer à l’article 158 de la loi ne peut avoir comme conséquence, pour la travailleuse, d’être privée de l’application de cette disposition.

[55]           Par ailleurs, selon la preuve soumise, la travailleuse avait besoin d’une telle aide dans les périodes contemporaines aux chirurgies et, dans une moindre mesure, entre celles-ci.  Après un examen non exhaustif de la grille réglementaire d’évaluation de ses besoins, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse se qualifiait, lors de la chirurgie du 19 mars 1996, pour obtenir de l’aide personnelle à domicile.

[56]           En effet, elle avait besoin d’une telle aide pour son hygiène personnelle, l’habillage et le déshabillage, l’alimentation, l’utilisation des commodités du domicile, la préparation des repas, le ménage léger et lourd, le lavage du linge et son approvisionnement.

[57]           Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles retourne le dossier à la CSST pour qu’elle précise le montant d’aide auquel la travailleuse avait droit à compter du 19 mars 1996.

[58]           En ce qui a trait aux travaux d’entretien courant du domicile, l’article 165 de la loi, qui se retrouve au chapitre de la réadaptation physique, précise dans quelles circonstances le remboursement des frais encourus pour ces travaux est autorisé :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui‑même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[59]           La Commission des lésions professionnelles retient que la travailleuse conserve une atteinte permanente grave en relation avec sa lésion professionnelle.  En effet, suite à de nombreuses chirurgies, un déficit anatomo-physiologique de 52 % a été reconnu au niveau musculo-squellettique et le docteur Bourdua a noté lors de son examen du 16 août 2000, retenu par la CSST aux fins d’évaluation des séquelles, que la travailleuse présente une douleur causalgique importante du membre supérieur gauche même à l’effort léger.  Le docteur Bourdua résume la condition en disant qu’à toutes fins utiles, la travailleuse est incapable d’utiliser son membre supérieur gauche dans les gestes de la vie quotidienne.

[60]           Dans ce contexte, le tribunal conclut qu’il s’agit d’une atteinte permanente grave se manifestant par des difficultés fonctionnelles majeures.  La travailleuse a affirmé qu’avant son accident du travail, elle effectuait les travaux d’entretien courant de son domicile comme le grand ménage, le lavage des planchers et des vitres.  On ne retrouve au dossier aucun élément de preuve permettant de mettre en doute cette affirmation.  Or, ces travaux sollicitent de façon significative la région cervicale et le membre supérieur gauche, ce qui est incompatible avec la condition de la travailleuse et les limitations fonctionnelles de classe IV selon l’IRSST pour la région cervico-dorsale retenues lors de l’accord entériné par la Commission des lésions professionnelles le 2 octobre 2001.

[61]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a droit au remboursement des frais encourus pour l’entretien courant de son domicile à compter du 15 décembre 1998, soit à compter du moment où une demande à été faite à la CSST à cet effet.  La travailleuse a droit au remboursement pour le grand ménage, soit le lavage des vitres, murs, plafonds et planchers.

[62]           Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles considère que la travailleuse n’a pas droit aux frais encourus pour entrer le bois de chauffage du garage à la maison, l’entretien du terrain et le déneigement.  En effet, le tribunal considère que lors de l’achat de la maison unifamiliale en 1996, il avait été convenu que le conjoint de madame Phillips assumerait ces travaux d’entretien extérieur du domicile en les exécutant lui-même ou en en assumant le coût d’un tel service.  En ce qui a trait plus spécifiquement au transport du bois de chauffage, le tribunal retient que la maison occupée par la travailleuse est récente et dispose d’un chauffage électrique.  Bien que la travailleuse affirme qu’elle chauffe principalement au bois, il s’agit là d’un choix personnel qui n’est pas couvert par l’article 165 de la loi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de madame Cynthia Phillips, la travailleuse;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 24 mai 2001, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse a droit, à compter du 19 mars 1996, à l’aide personnelle à domicile;

RETOURNE le dossier à la CSST afin qu’elle effectue le calcul de la somme à laquelle a droit la travailleuse; et

DÉCLARE que la travailleuse a droit à compter du 15 décembre 1998, sur remise des pièces justificatives et jusqu’à concurrence du maximum prévu au règlement, au remboursement des frais encourus pour les travaux d’entretien du domicile, à savoir : le lavage des vitres, murs, plafonds et planchers.

 

 

 

 

DIANE BESSE

 

Commissaire

 

 

 

 

 

LAPORTE ET LAVALLÉE

(Me André Laporte)

 

Représentant de la partie requérante

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          (1997) G.O. II, 7365.

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