Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Morin et Ent. forestière Daniel Morin enr. (F)

2014 QCCLP 3609

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

20 juin 2014

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte - Nord

 

Dossier :

489981-01A-1212

 

Dossier CSST :

121444004

 

Commissaire :

Monique Lamarre, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

André Morin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ent. Forestière Daniel Morin enr. (F)

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 25 octobre 2013, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose une requête en révocation à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 3 septembre 2013.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles ordonne à la CSST de rendre une décision sur la relation entre le diagnostic de « thermorégulation secondaire » et la lésion professionnelle initiale.

[3]           L’audience sur la présente requête en révision a lieu à Rivière-du-Loup, le 28 janvier 2014, en présence de l’avocate de la CSST et de monsieur André Morin (le travailleur) qui est assisté d’un avocat. La cause est prise en délibéré à la date de l’audience.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           La CSST demande de révoquer la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 3 septembre 2013, et de convoquer de nouveau les parties pour qu’elles soient entendues sur le fond du litige.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de révoquer la décision rendue le 3 septembre 2013.

[6]          Le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles de réviser ou de révoquer une décision qu'elle a rendue est prévu par l'article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), lequel se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[7]           Le recours en révision ou en révocation s’inscrit dans le contexte de l’article 429.49 de la loi qui prévoit qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 de la loi est établi.

[8]           Aux fins de l’analyse de la présente requête, il y a lieu de préciser quant à l’expression « vice de fond ... de nature à invalider la décision » qu’elle a été interprétée par la Commission des lésions professionnelles[2] comme étant une erreur manifeste, de droit ou de faits, ayant un effet déterminant sur l’issue du litige.

[9]           Tel que le rappelle la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Garage Windsor ltée et Michaud[3], il ne peut s'agir d'une question d'appréciation de la preuve ni d'interprétation des règles de droit parce que le recours en révision n'est pas un second appel.

[10]        Par contre, la notion de « vice de fond » peut englober une pluralité de situations, mais l'erreur doit être suffisamment fondamentale et sérieuse pour être de nature à invalider la décision[4].

[11]        La jurisprudence considère notamment que l’omission d’un juge administratif de se prononcer sur une question qui fait l’objet du litige constitue un vice de fond qui est de nature à invalider la décision[5].

[12]        Ceci étant établi, sans reprendre tous les éléments de preuve au dossier, il y a lieu de rapporter brièvement les faits suivants pour bien cerner les questions soulevées devant nous.

[13]        Le 28 février 2002, le travailleur subit un accident du travail en faisant une chute d’une hauteur d’environ 10 pieds, alors qu’il atterrit sur les talons et tombe finalement, par en arrière, sur le cou et l’épaule droite.

[14]        De nombreux litiges surviennent concernant l’admissibilité de différents diagnostics et le pourcentage d’atteinte permanente.

[15]        Pour les fins de la présente requête, il y a lieu de souligner que, dans une décision datée du 7 mars 2011[6], la Commission des lésions professionnelles a notamment reconnu que le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe (syndrome de dystrophie réflexe) constitue une atteinte neurologique reliée au polytraumatisme initial.

[16]        À la suite de cette décision, le docteur Raymond a produit un rapport d’évaluation médicale afin de déterminer les séquelles permanentes de cette lésion. Le 29 février 2012, la CSST rend une décision déterminant que le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, en relation avec la lésion professionnelle du 28 février 2002, est évalué à 188,60 %.

[17]        Il y a également lieu de souligner que le travailleur se déplace en fauteuil roulant motorisé et que la CSST a déterminé qu’il était impossible de lui déterminer un emploi convenable qu’il serait capable d’exercer à plein temps.

[18]        Le 23 mai 2012, le travailleur envoie une lettre à la CSST par laquelle il demande diverses adaptations de son domicile.

[19]        Le 11 juin 2012, le conseiller en réadaptation fait une visite au domicile du travailleur afin d’évaluer les différentes adaptations possibles. À sa note évolutive, il mentionne que le système d’air climatisé demandé sera remboursable compte tenu du problème de syndrome douloureux régional complexe et des problèmes de thermorégulation que cela entraîne.

[20]        Le 13 juin 2012, le docteur Raymond remplit un rapport médical d’ordonnance sur lequel il indique qu’un air climatisé est nécessaire sur tous les étages du domicile du travailleur étant donné le problème de thermorégulation secondaire au syndrome douloureux régional complexe qui provoque de l’hypersudation au niveau de l’hémicorps gauche.

[21]        À la note évolutive du 18 juin 2012, le conseiller en réadaptation indique les motifs qu’il retient pour accorder le remboursement d’un système de climatisation pour la maison. Il intitule ainsi sa note : « Titre : Décision : air climatisés » « objectifs : Problème de thermorégulation ». Puis, pour justifier le remboursement du système de climatisation, il indique prendre en considération le rapport d’ordonnance du docteur Raymond du 13 juin 2012, le fait que le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe soit reconnu comme étant en lien avec l’accident du travail et que l’hypersudation constitue un symptôme documenté en lien avec cette lésion.

[22]        Le 28 juin 2012, la CSST rend la décision acceptant de rembourser le système de climatisation selon la plus basse soumission.

[23]        À la note évolutive du 4 septembre 2012, le conseiller en réadaptation fait état du scénario envisagé pour l’adaptation du domicile concernant l’aménagement d’un élévateur et d’une salle de bain. Concernant la construction d’un corridor isolé et de l’isolation d’un garage dans le but de protéger le travailleur des écarts de température, le conseiller en réadaptation indique qu’une demande d’avis sera soumise au médecin conseil.

[24]        À la note évolutive du 24 septembre 2012, le conseiller en réadaptation note qu’il communique avec le travailleur pour l’informer qu’un rapport d’information médicale complémentaire sera envoyé à son médecin afin d’évaluer la nécessité et la pertinence d’avoir un accès au garage isolé et protégé des intempéries.

[25]        Le 26 septembre 2012, le médecin conseil de la CSST envoie une demande d’information médicale complémentaire au médecin traitant. Il lui pose la question suivante :

Vous avez sous vos soins M. André Morin. Vous avez émis la limitation fonctionnelle suivante : Dysfonction de la thermorégulation secondaire à son algodystrophie. Nous aimerions savoir quels sont les écarts autant au niveau de la température que de la durée sans qu’il y ai un risque pour la santé et la sécurité de votre patient.   [sic]

 

 

[26]        Le 2 octobre 2012, le docteur Raymond répond que le travailleur ne doit pas être exposé à des températures inférieures à 10o et supérieures à 23o, pendant plus de deux minutes.

[27]        À la note évolutive du 12 octobre 2012, une agente d’indemnisation écrit qu’après vérification, aucun diagnostic de dysfonction de la thermorégulation secondaire n’a été accepté au dossier après le rapport d’évaluation médicale du 24 octobre 2011 et qu’aucune limitation fonctionnelle n’a été reconnue à cet égard.

[28]        Ne tenant pas compte de la note de l’agente, à la même date, le conseiller en réadaptation écrit qu’il refuse la demande du travailleur d’aménager un garage isolé ainsi qu’un corridor y accédant, étant donné qu’aucune limitation fonctionnelle n’a été reconnue au dossier concernant une dysfonction de la thermorégulation.

[29]        Le 15 octobre 2012, la CSST rend une décision déterminant que le travailleur n’a pas droit au remboursement des travaux pour la construction d’un garage isolé ni pour un corridor reliant la maison au garage, au motif que ces travaux ne sont pas en lien avec la lésion professionnelle.

[30]        Le 7 décembre 2012, dans une décision faisant suite à une révision administrative, la CSST confirme la décision initiale. Elle retient que, tel qu’il apparaît du rapport d’évaluation médicale, la lésion professionnelle n’a pas entraîné de limitations fonctionnelles. Elle retient également que la demande étant en lien avec une dysfonction de thermorégulation secondaire entraînant un phénomène d’hypersudation, il n’est pas documenté ni démontré, de façon probante, la nécessité d’adapter le domicile tel que demandé.

[31]        Le 30 août 2013, l’avocat du travailleur dépose au tribunal, pour les fins de l’audience, un rapport d’ordonnance du docteur Raymond précisant que le travailleur ne peut être exposé au froid ni à la chaleur à cause d’un problème important de thermorégulation secondaire à une algodystrophie réflexe sévère de l’hémicorps gauche et qu’en conséquence, son garage et le corridor menant à celui-ci doivent être isolés.

[32]        Une audience a lieu devant le premier juge administratif en présence du travailleur qui est assisté de son représentant.

[33]        À l’écoute de l’enregistrement de l’audience, le tribunal siégeant en révision constate que le premier juge administratif établit d’abord le litige qui est devant lui. Il indique être saisi de la question du refus de l’adaptation du domicile du travailleur pour l’isolation du garage de la maison et d’un corridor y attenant.

[34]        Puis, il demande à l’avocat du travailleur s’il a fait une demande pour que soit reconnu le diagnostic de dysfonction de la thermorégulation. L’avocat lui répond que cette dysfonction fait partie du syndrome douloureux régional complexe. Le premier juge administratif affirme que la CSST ne voit pas cela de la même manière et qu’elle considère plutôt qu’aucune décision n’a été rendue sur l’admissibilité de ce diagnostic.

[35]        Il propose donc à l’avocat de remettre le dossier pour permettre à la CSST de rendre une décision à cet égard. Il insiste sur le fait que s’il rend la décision, il ne rendra pas nécessairement service au travailleur. L’avocat n’est pas vraiment d’accord pour remettre l’audience. Cependant, devant l’insistance du premier juge administratif pour ne pas procéder dans le dossier, il lui demande de rendre une ordonnance pour forcer la CSST à rendre une décision sur l’admissibilité de ce diagnostic. Il veut que l’ordonnance soit précise afin d’éviter que la CSST recommence tout le processus. Après avoir manifesté une certaine hésitation, le premier juge administratif accepte finalement de rendre une telle ordonnance.

[36]        C’est dans ce contexte que le premier juge administratif rend seul la décision manuscrite suivante, directement sur le procès-verbal d’audience :

Le médecin du T. le Dr. Yves Raymond émet un dx. de thermorégulation secondaire que le T. est atteint selon lui.

 

            La CSST n’a pas rendu de décision suite à ce dx. et refuse la réclamation du T. d’adapter son domicile pour ce problème.

 

            Afin de protéger les droits du T, le tribunal en vertu de l’article 378 de la loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles ordonne à la CSST de rendre une décision sur ce nouveau dx à savoir s’il y a une relation avec la lésion professionnelle initiale acceptée et ce Dx.

 

 

[37]        La CSST dépose une requête en révocation de cette décision invoquant qu’elle comporte un vice de fond de nature à l’invalider. Elle soutient que le premier juge administratif « ne disposait d’aucune compétence » pour rendre cette ordonnance puisqu’il n’était pas saisi de la question de l’admissibilité du diagnostic de dysfonction de thermorégulation et de la relation avec l’accident du travail. Elle ajoute que le pouvoir octroyé à l’article 377 de la loi, de décider de toute question de droit, ne peut s’exercer que dans le cadre du litige dont elle est saisie et que l’ordonnance émise n’était ni utile ni nécessaire à « l’exercice de sa compétence ». Par ailleurs, elle soutient que le premier juge administratif pouvait rendre la décision puisque le dossier était complet sur le litige dont il était saisi.

[38]        Quant à l’avocat du travailleur, il soutient d’abord que la CSST ne s’était pas présentée à l’audience initiale et qu’elle avait donc renoncé à son droit d’être entendu sur la question. Elle ne peut donc se plaindre de l’ordonnance qui a été rendue, d’autant plus, souligne-t-il, que c’est la CSST qui a tout compliqué.

[39]        Il soutient que l’ordonnance rendue est connexe au litige dont la Commission des lésions professionnelles était saisi et que c’est nécessaire à la solution du litige. Il ajoute que le litige ne portait pas que sur la construction d’un garage et d’un corridor, mais également sur la dysfonction de thermorégulation.

[40]        Il plaide que le premier juge administratif a pris une excellente initiative en rendant une telle ordonnance puisque, lorsque nécessaire, la Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de régler une situation rendue confuse par la CSST.

[41]        Compte tenu du premier argument soulevé par l’avocat du travailleur, il y a d’abord lieu de préciser que, dans le passé, la Commission des lésions professionnelles a maintes fois décidé que la CSST a le droit de demander la révision d'une décision du tribunal même si elle n'est pas intervenue à l’audience initiale[7]. Selon cette jurisprudence, il a notamment été décidé que la CSST a un intérêt suffisant, en tant qu'organisme chargé de l'application de la loi et à titre d'administrateur du régime, pour exercer le recours en révision et ce, afin de s'assurer du respect de la loi. Ainsi, le fait que la CSST ne soit pas intervenue à l’audience initiale, n’est pas une fin de non-recevoir à sa requête en révocation.

[42]        Ceci étant précisé, le tribunal siégeant en révision estime que la décision, consignée au procès-verbal par le premier juge administratif, comporte un vice de fond de nature à l’invalider.

[43]        Cependant, contrairement à ce que prétend la CSST dans le cadre de son premier argument, le tribunal siégeant en révision estime que le vice de fond ne vient pas du fait que le premier juge administratif a commis un « excès de compétence ». Il y a plutôt lieu de retenir son argument secondaire, selon lequel le premier juge administratif a omis de se prononcer sur le litige dont il était valablement saisi.

[44]        En vertu de l'article 369 de la loi, deux éléments sont indispensables pour que le tribunal puisse se saisir d’un litige : une décision régulièrement rendue par l'instance appropriée et une contestation de cette décision. L’article 369 prévoit ce qui suit :

369.  La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal :

 

1° sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451;

 

2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).

__________

1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[45]        La Commission des lésions professionnelles statue sur les recours formés en vertu de l’article 359 de la loi, lequel se lit comme suit :

359.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.

__________

1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.

 

 

[46]        En vertu de ces dispositions, la Commission des lésions professionnelles peut donc se saisir d’un recours provenant d’une décision rendue et dûment contestée.

[47]        Dans le présent cas, la décision contestée concerne le refus de rembourser certains frais d’adaptation du domicile du travailleur. Or, il ressort de la décision initiale, de celle faisant suite à la révision administrative et des notes évolutives contemporaines que, pour refuser de rembourser ces frais, la CSST retient essentiellement que la relation entre ces adaptations du domicile et l’accident du travail n’a pas été démontrée, compte tenu que le médecin traitant du travailleur n’a pas retenu de limitations fonctionnelles en relation avec le problème de dysfonction de la thermorégulation.

[48]        À l’écoute de l’enregistrement de la première audience, le tribunal siégeant en révision constate que le premier juge administratif refuse de se prononcer sur le fond du litige parce qu’il considère que, selon la CSST, aucune décision n’a jamais été rendue relativement à l’admissibilité d’un diagnostic de dysfonction de la thermorégulation.

[49]        Certes, il y a une mention plutôt laconique à cet égard à la note évolutive du 12 octobre 2012 écrite par une agente d’indemnisation. Cependant, selon l’ensemble du dossier, ce n’est manifestement pas ce que retient la CSST, incluant le conseiller en réadaptation appelé à se prononcer sur la demande du travailleur, qui considère plutôt que le problème de dysfonction de la thermorégulation n’est pas en soi un diagnostic, mais plutôt un symptôme faisant partie du syndrome douloureux régional complexe, qui a déjà été accepté et ayant fait l’objet d’une évaluation au regard des séquelles permanentes.

[50]        Par ailleurs, même si l’avocat du travailleur s’oppose aujourd’hui à ce que la requête en révision de la CSST soit accueillie, il était clairement d’avis lors de l’audience initiale, que la dysfonction de thermorégulation était un symptôme du diagnostic de syndrome douloureux régional complexe et que le premier juge administratif était en mesure de procéder à l’audience sur le litige dont il était saisi.

[51]        En outre, tel qu’il l’avait lui-même souligné lors de l’audience initiale, la CSST avait même déjà accepté de rembourser des frais d’adaptation du domicile pour un système de climatisation au regard du problème de dysfonction de la thermorégulation secondaire au syndrome douloureux régional complexe.

[52]        Ainsi, dans le présent cas, tel que l’avait initialement argumenté l’avocat du travailleur devant le premier juge administratif et tel que le soutient la CSST dans le cadre du présent recours, conformément à l’article 377 de la loi, le premier juge administratif pouvait rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu, puisque le dossier était complet sur l’ensemble du litige.

[53]        De surcroît, en ordonnant à la CSST de rendre une décision sur un symptôme en relation avec un diagnostic déjà accepté de syndrome douloureux régional complexe, cela a pour effet de permettre éventuellement de recommencer tout le processus ainsi que l’évaluation des séquelles permanentes en relation avec ce diagnostic, alors qu’elles ont déjà été évaluées dans le cadre du rapport d’évaluation médicale du docteur Raymond.

[54]        Pourtant, c’était justement ce que voulait éviter le travailleur en demandant au premier juge administratif de rendre l’ordonnance qu’il a rendue. En effet, à l’écoute de l’enregistrement de l’audience, on constate que devant l’insistance du premier juge administratif à ne pas vouloir procéder dans le dossier, l’avocat du travailleur s’est finalement résigné à lui demander de rendre une ordonnance assez précise sur l’admissibilité du diagnostic de dysfonction de la thermorégulation, le but recherché étant d’éviter de recommencer tout le processus.

[55]        Par conséquent, le tribunal siégeant en révision estime que le premier juge administratif a omis de disposer d’une contestation dont il était valablement saisi. Cette erreur de droit constitue un vice de fond de nature à invalider la décision. Il y donc lieu de révoquer la décision et de convoquer les parties afin qu’elles soient entendues sur le fond du litige.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES 

ACCUEILLE la requête en révocation déposée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 25 octobre 2013;

RÉVOQUE la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue, le 3 septembre 2013;

CONVOQUERA de nouveau les parties à une audience sur le fond de la contestation déposée par monsieur André Morin, le 13 décembre 2012.

 

 

 

__________________________________

 

Monique Lamarre

 

 

 

 

Me Marc Bellemare

BELLEMARE, AVOCATS

            Représentant de la partie requérante

 

 

Me Sarah Hébert

VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON

            Représentante de la partie intervenante

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

[2]           Voir notamment : Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.

[3]           C.L.P. 294594-01A-0607, 29 avril 2008, C.-A. Ducharme.

[4]           Bourassa c. CLP, [2003] C.L.P. 601 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 04-01-22, (30009).

[5]          Voir notamment Garage Windsor ltée et Michaud, précitée note 3. Voir également Mireault et Les             Aciers JP inc., C.L.P. 180032-08-0203, 1er novembre 2005, M. Carignan; Vêtements Peerless inc.           et Li, C.L.P. 265613-71-0506, 21 juillet 2008, M. Langlois; Lalancette et Cie de Volailles Maxi ltée          (La), C.L.P. 296262-64-0607, 11 décembre 2009, Alain Vaillancourt; Chapdelaine et Concept     Pronox inc., [2011] QCCLP 262; Vaillancourt et C.H.U.S. - Hôpital Fleurimont, [2003] C.L.P. 71.

[6]           C.L.P. 402510-01A-1002, 7 mars 2011, J. Landry.

[7]        CSST et Restaurants McDonald du Canada ltée, [1998] C.L.P. 1318; Hardoin et Société Asbestos ltée, C.L.P. 116756-03-9905, 5 septembre 2000, G. Tardif, révision rejetée, 4 mars 2002, M. Beaudoin; Gauthier et Proulx, [2000] C.L.P. 994; Systèmes Polymère Structural Canada et Manseau, [2007] C.L. P. 1496; Lemieux et Estampro inc., C.L.P. 311157-03B-0702, 28 juillet 2009, P. Simard, révision accueillie sur un autre point, 12 avril 2011, M. Juteau.

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