Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Richelieu-Salaberry

SAINT-JEAN-SUR-RICHELIEU

 

Le

7 juillet 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

182820-62A-0204

DEVANT la COMMISSAIRE :

Me Johanne Landry

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉe DES MEMBRES :

Guy-Paul Hardy

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Mario Benjamin

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

121261622

AUDIENCE TENUE LE :

20 mars 2003

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

27 mars 2003

 

 

 

 

 

 

À :

Saint-Jean-sur-Richelieu

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MICHEL MONGRAIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ÉBÉNISTERIE SAPELE INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 23 avril 2002, monsieur Michel Mongrain (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 17 avril 2002 par le Service de recours et conciliation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST).

[2]               Par cette décision, la CSST rejette la plainte du travailleur formulée en vertu de l’article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]               À l’audience, les parties sont présentes et représentées.

[4]               À la demande du représentant du travailleur, le représentant de l’employeur a produit après audience, copie de la liste de classification et d’ancienneté des employés. Ces documents ont été reçus le 27 mars 2003 et l’affaire a été prise en délibéré à cette date.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[5]               Le travailleur demande de déclarer qu’il a été congédié parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle. Il demande à être réintégré dans son emploi et de recevoir le salaire et les avantages dont il a été privé.

LES FAITS

[6]               Le 4 septembre 2001, alors qu’il est au service de la compagnie Ébénisterie Sapèle inc. (l’employeur), le travailleur subit un accident du travail. Il s’inflige une entorse lombaire.

[7]               Le 9 novembre 2001, le médecin traitant autorise une assignation temporaire et met fin à celle-ci le 7 décembre 2001 à cause de l’exacerbation des douleurs. Il l’autorise à nouveau le 24 janvier 2002.

[8]               La lésion professionnelle étant consolidée sans séquelles vendredi le 15 février 2002, le travailleur réintègre son emploi lundi le 18 février 2002. Il est congédié le même jour.

[9]               Le 21 février 2002, le travailleur dépose à la CSST une plainte en vertu de l’article 32 de la loi. Il indique qu’il a été congédié la même journée qu’il a remis son rapport médical confirmant son retour au travail régulier.

[10]           Le 17 avril 2002, un conciliateur décideur de la CSST, après avoir entendu le témoignage du travailleur et de monsieur Michel Tremblay directeur de l’usine, dispose de la plainte. Du témoignage du travailleur, le conciliateur décideur retient qu’il a été embauché par l’employeur en août 2000. Il est devenu machiniste B, opérateur de scie à panneaux. Il était également affecté à d’autres postes à l’intérieur de l’usine car il pouvait opérer différentes machines. Le travailleur a quitté son emploi de lui-même en juillet 2001. Il est cependant revenu un mois plus tard et l’employeur l’a engagé à nouveau, toujours comme machiniste B. Le travailleur était alors en période de probation d’une durée de 90 jours. Lorsqu’il a subi son accident du travail le 4 septembre 2001, cette période n’était pas terminée. Il travaillait alors 40 heures/semaine, du lundi au jeudi de 16 h 15 à 3 h 00. Le travailleur est convaincu d’avoir été congédié à cause de sa lésion professionnelle. Il a tenté à plusieurs reprises d’avoir de l’aide du syndicat de l’usine, mais sans succès. Il croit que le poste de scie à panneaux sur le quart de soir est fermé en raison du type de contrat en cours actuellement chez l’employeur et que ce poste sera rouvert, lorsqu’il y aura de nouveaux contrats. Le travailleur demande l’annulation de son congédiement, la réintégration dans un emploi chez l’employeur et le remboursement du salaire perdu. Il estime que l’employeur devait le réaffecter à un autre poste dans l’usine.

[11]           Du témoignage de monsieur Tremblay, la CSST retient que l’employeur a effectivement réembauché le travailleur en août 2001 car il était en manque de personnel durant cette période des vacances estivales. Durant la même période, l’employeur a retenu les services d’un consultant lequel a conclu que le poste de scie à panneaux devait être fermé le soir. L’employeur a donc pris la décision de fermer le poste le 14 septembre 2001. Depuis sa fermeture à cette date, il n’a pas été rouvert à temps plein. Monsieur Tremblay admet que le poste à été rouvert à quelques reprises de façon temporaire, pour dépanner. Depuis le congédiement du travailleur, il n’y a pas eu d’embauche de nouveau personnel. La convention collective ne permet pas à l’employeur de réaffecter les travailleurs selon son bon vouloir. Il y a une période de probation de 90 jours travaillés pour tout nouvel employé et le travailleur n’avait pas terminé cette période lorsqu’il a été congédié. L’employeur pouvait donc le congédier « à sa guise ». L’employeur soumet qu’il n’y a aucun lien entre la fermeture du poste du travailleur et sa lésion professionnelle.

[12]           Le conciliateur décideur conclut que la preuve non contredite démontre que le poste à la scie à panneaux sur le quart de soir a été fermé le ou vers le 14 septembre 2001. Il a fonctionné par la suite à quelques reprises sur une base temporaire et ne sera jamais rouvert de façon permanente. La CSST rejette donc la plainte du travailleur au motif que l’employeur a démontré une cause juste et suffisante à l’appui du congédiement le travailleur, en l’occurrence la fermeture du poste d’opérateur de scie à panneaux sur le quart de soir.

[13]           À l’audience devant la Commission des lésions professionnelles, messieurs Michel Tremblay, Jean-François Alix ainsi que le travailleur témoignent.

[14]           Monsieur Tremblay est directeur de l’usine depuis février 2002 et auparavant il était aux ressources humaines. Il commente les différentes catégories de travailleurs énumérées en annexe à la Convention collective en soulignant que ce classement n’est pas toujours « strictement » respecté. Il explique que les machinistes A opèrent plusieurs machines tout comme les machinistes B, mais ces derniers ont besoin d’aide pour la lecture de plans. Il relate qu’en février 2001, l’employeur a acheté une nouvelle scie à commandes numériques. Celle-ci s’est avérée très efficace au point qu’en septembre 2001, sur la recommandation d’un consultant, il a aboli le poste de scie à panneaux sur le quart de soir. Il s’agit de l’ancienne scie sur laquelle travaillait le travailleur. L’employeur formait d’autres employés sur la nouvelle scie à commandes numériques.

[15]           Monsieur Tremblay mentionne que lorsqu’il a réembauché le travailleur en juillet 2001, c’était pour travailler sur la scie à panneaux, sur le quart de soir, car il savait que celui-ci avait l’expérience pour travailler avec cette machine. Durant cette période de l’été 2001, il y avait une grande demande au niveau de la production et plusieurs employés en vacances. Il a embauché non seulement le travailleur mais une dizaine d’autres employés. Il en a aussi engagé une dizaine d’autres de septembre à décembre 2001 mais aucun apprenti-machiniste ou machiniste. Ces employés étaient affectés au département de la finition ou de l’assemblage.

[16]           Monsieur Tremblay reconnaît qu’il a embauché monsieur Jean-Pierre Allard, un autre machiniste B en janvier 2002. Il explique que lui et le travailleur étaient en probation et qu’il a préféré monsieur Allard, qu’il connaissait bien car c’était aussi un ancien employé. Monsieur Tremblay dira que monsieur Allard, contrairement au travailleur, est polyvalent et peut occuper différents postes dans l’usine. Il affirme que le travailleur était en mesure d’opérer la scie à panneaux mais qu’il n’était pas assez spécialisé pour opérer les autres machines.

[17]           Monsieur Tremblay affirme catégoriquement que le poste sur la scie à panneaux sur le quart de soir est fermé depuis le 14 septembre 2001 et que personne ne l’a occupé de façon permanente depuis sa fermeture.

[18]           Monsieur Jean-François Alix est au service de l’employeur depuis près de trois ans et il est président du syndicat depuis le mois de mars 2002. Il indique que le syndicat est avisé lorsqu’un poste est aboli. Il ne sait pas si ce fut le cas pour le poste de scie à panneaux sur le quart de soir occupé par le travailleur parce qu’il n’occupait pas ses fonctions syndicales à ce moment-là. Il confirme qu’il arrive que des employés en probation sont congédiés, sans recours.

[19]           Le travailleur pour sa part, explique qu’il avait été embauché comme apprenti-machiniste B, le 21 août 2000. En février 2001, il a reçu une formation pour travailler sur la scie à panneaux, sur le quart de soir. Il a donc été classé machiniste B. Compte tenu qu’il considérait qu’il effectuait le même travail que le machiniste A sur le quart de jour, il a demandé de changer de poste. L’employeur a refusé au motif que la production de jour n’est pas la même que le soir. Le travailleur a donc décidé de quitter volontairement son emploi le 20 juin 2001.

[20]           Le travailleur est revenu un mois plus tard. L’employeur l’a réembauché le 23 juillet 2001, comme machiniste B, au poste de scie à panneaux, sur le quart de soir. Le travailleur savait qu’il était soumis à la période de probation de 90 jours « travaillés ». Il a été congédié « verbalement » le 18 janvier 2002. On lui a dit qu’il ne répondait plus aux normes. Le travailleur relate que lorsqu’il était en assignation temporaire, il a vu d’autres employés opérer la scie à panneaux sur le quart de soir. Il croit que ces employés travaillaient en temps supplémentaire. L’employeur n’a jamais voulu qu’il revienne sur la scie à panneaux. Il devait le faire en assignation temporaire avec de l’aide mais l’employeur a refusé.

[21]           Le travailleur mentionne qu’il est toujours sans emploi depuis son congédiement. Il a reçu des prestations de l’assurance-emploi puis des prestations de la sécurité du revenu.

[22]           La Commission des lésions professionnelles a examiné les mises à jour hebdomadaires de la liste d’ancienneté déposées par l’employeur. On constate que lorsque le travailleur a quitté son emploi en juin 2001, il y avait 8 machinistes B et il était le seul sur le quart de soir. Lorsqu’il est réembauché en juillet 2001, il y a six machinistes B et aucun sur le quart de soir.

[23]           Du 13 novembre au 4 décembre 2001, période pendant laquelle le travailleur est en assignation temporaire, il y a cinq machinistes B y compris le travailleur. Celui-ci est le seul sur le quart de soir. Le 11 décembre 2001, il y six machinistes B sur la liste y compris le travailleur. En effet, selon ce document, monsieur Jean-Pierre Allard aurait été embauché comme machiniste B cette semaine-là. Le 20 décembre 2001, il y a sept machinistes B y compris le travailleur. Monsieur Allard ainsi que monsieur Pierre Pinsonneault sont machinistes B sur le quart de soir. On remarque que monsieur Pinsonneault avait été embauché le 27 mars 2000 et qu’il était classé machiniste C sur le quart de soir la semaine du 11 décembre 2001. Donc, messieurs Allard et Pinsonneault sont classés machiniste B et travaillent sur le quart de soir à compter de la semaine du 20 décembre 2001.

[24]           Du 20 décembre 2001 au 12 février 2002, il y a sept machinistes B sur la liste, dont le travailleur, qui est à nouveau en assignation temporaire ainsi que monsieur Allard et monsieur Pinsonnault. Ils sont tous les trois sur le quart de soir. À compter du 19 février 2002, il y a six machinistes B (le travailleur vient d’être congédié) et monsieur Allard et monsieur Pinsonneault continuent sur le quart de soir.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[25]           Le représentant du travailleur soumet que dans l’hypothèse ou le poste sur la scie à panneaux sur le quart de soir a été aboli de façon permanente, ce fait ne peut justifier le congédiement puisque les machinistes ne sont pas attitrés à un seul poste. Quoi qu’il en soit, il ne croit pas que l’employeur veut fermer le poste de scies à panneaux à long terme, puisque parmi les tâches en assignation temporaire proposées au travailleur il y avait celle d’aider à faire fonctionner cette machine. De plus, il se demande pourquoi l’employeur n’a pas avisé le travailleur dès le mois de septembre 2001. Il estime que la période de probation n’est pas pertinente dans le cas du travailleur puisque celui-ci avait déjà une année d’expérience. D’ailleurs lorsqu’il a été réembauché en juillet 2001, le travailleur n’était pas rémunéré à 75 % tel que prévu à la convention collective pour les employés en probation, mais il était payé plein salaire.

[26]           En outre, selon le représentant du travailleur, la preuve démontre qu’avant que le travailleur revienne au travail régulier, l’employeur a embauché un nouvel employé classé machiniste B et qu’au moins deux machinistes B travaillaient sur le quart de soir. Il n’y a avait donc pas de diminution au niveau du besoin de main-d’œuvre ni en terme de productivité. Finalement, le représentant souligne que l’employeur a donné plusieurs versions relativement aux motifs du congédiement. Il a d’abord allégué et écrit que le travailleur « ne répondait plus aux normes ». Ensuite il a ajouté que le poste était aboli, puis il a invoqué que le travailleur était en période de probation.

[27]           Le représentant de l’employeur soumet pour sa part que celui-ci a démontré une cause juste et suffisante pour expliquer le congédiement du travailleur, en l’occurrence l’abolition du poste pour lequel le travailleur avait été spécifiquement réembauché. Le travailleur était en période de probation. Compte tenu qu’il avait quitté un mois auparavant parce qu’il était insatisfait du salaire, il était normal pour l’employeur de le reprendre au salaire qu’il avait en quittant et non à 75 % du salaire régulier. Le fait que les travaux légers incluent des tâches à la scie à panneaux sur le quart de soir n’est pas significatif puisqu’il est habituel que l’employeur propose plusieurs possibilités de tâches en assignation temporaire. L’employeur a préféré monsieur Allard au travailleur car il le jugeait plus polyvalent. C’est le genre de choix qu’il peut faire face à deux employés en période de probation. Quant à l’allégation du travailleur à l’effet que l’employeur aurait dû l’affecter à un autre poste, il souligne que l’employeur doit respecter la convention collective avant de désigner un employé à un poste de travail.

 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[28]           Conformément à la loi, la soussignée a reçu l’avis du membre issu des associations d’employeurs et du membre issu des associations syndicales ayant siégé auprès d’elle dans la présente affaire.

[29]           Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que l’employeur a repoussé la présomption de l’article 255 de la loi et a fait la preuve qu’il avait une cause juste et suffisante pour congédier le travailleur, soit l’abolition du poste à la scie à panneaux sur le quart de soir pour lequel il avait été spécifiquement réembauché. Ils estiment tous les deux que la plainte du travailleur devrait être rejetée.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[30]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le congédiement du travailleur le 18 février 2002 constitue une mesure prohibée par l’article 32 de la loi :

32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.

 

Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253.

________

1985, c. 6, a. 32.

 

 

[31]           Par ailleurs, les parties conviennent que la présomption prévue à l’article 255 de la loi s’applique au présent cas :

255. S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d'une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice de ce droit.

 

Dans ce cas, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.

________

1985, c. 6, a. 255.

 

 

[32]           Le représentant s’interroge sur le fait que l’employeur n’ait pas congédié le travailleur dès le mois de septembre 2001 lorsque son poste a été aboli, mais qu’il ait plutôt attendu que celui-ci soit en mesure de reprendre son emploi pour le faire. À cet égard, la Commission des lésions professionnelles rappelle que les articles 235 et 238 de la loi stipulent ce qui suit :

235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle :

 

1°  continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N - 1.1);

2°  continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.

 

Le présent article s'applique au travailleur jusqu'à l'expiration du délai prévu par le paragraphe 1° ou 2°, selon le cas, du premier alinéa de l'article 240.

________

1985, c. 6, a. 235.

 

 

238. Lorsqu'un employeur lié par une convention collective ne réintègre pas un travailleur qui est redevenu capable d'exercer son emploi pour le motif que ce travailleur aurait été déplacé, suspendu, licencié, congédié ou qu'il aurait autrement perdu son emploi s'il avait été au travail, les dispositions pertinentes de la convention collective s'appliquent comme si ce travailleur avait été au travail lors de ce déplacement, de cette suspension, de ce licenciement, de ce congédiement ou de cette perte d'emploi.

________

1985, c. 6, a. 238.

 

 

[33]           Or, en l’espèce, la convention collective prévoit ce qui suit, à ses articles 5.05 et 14.01 :

5.05     La période d’essai de tout nouvel employé est limitée à quatre-vingt-dix (90) jours effectivement travaillés à compter de sa date d’entrée. Durant cette période il n’y a aucun recours en cas de congédiement ou dans le cas ou l’employeur met fin à l’emploi de l’employé concerné.

 

14.01    Tout salarié pour acquérir le droit d’ancienneté doit d’abord compléter la période d’essai de quatre-vingt-dix jours (90) jours effectivement travaillés dans un poste couvert par la présente unité de négociation. Une fois complétée ladite période d’essai, le salarié acquiert son droit et son ancienneté est calculée à compter de la date d’embauchage, s’appliquant sur la base de l’usine en entier.

 

 

[34]           Ainsi, en vertu de la convention collective, le travailleur n’aurait bénéficié d’aucun droit supplémentaire du fait que l’employeur aurait mis fin à son emploi en septembre 2001 au lieu de février 2002. Selon la convention collective, dans les deux cas il n’avait pas obtenu son droit à l’ancienneté car il n’avait pas cumulé les 90 jours effectivement travaillés. Il ne pouvait donc bénéficier de l’article 235 de la loi et continué à accumuler de l’ancienneté au sens de la convention collective durant son absence pour une lésion professionnelle. Dans les deux cas également, il ne pouvait recourir à la procédure de grief pour contester son congédiement.

[35]           Par ailleurs, la loi étant d’ordre public, même si le contrat de travail prévoit l’absence de recours lors d’un congédiement pour l’employé en période d’essai, l’article 32 de la loi s’applique s’il est démontré tel qu’il est allégué ici, que le travailleur a été congédié parce qu’il a subi une lésion professionnelle.

[36]           Compte tenu que le travailleur bénéficie de la présomption de l’article 255 de la loi, l’employeur doit pour établir l’existence d’une autre cause juste et suffisante, démontrer qu’il avait un motif réel et sérieux d’agir comme il l’a fait à l’égard du travailleur et que la sanction imposée à ce dernier ne constituait pas un simple prétexte camouflant d’autres motifs.[2]

[37]           Après avoir analysé l’ensemble de la preuve et tenu compte de toutes les circonstances particulières au présent cas, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’employeur a démontré l’existence d’une autre cause juste et suffisante.

[38]           La Commission des lésions professionnelles considère que le conciliateur décideur dans sa conclusion, résume bien le cas :

La preuve non contredite est à l’effet que le poste de travail de monsieur Mongrain [opérateur de scie à panneaux sur le quart de soir] a été fermé le ou vers le 14 septembre 2001.

 

Le poste a fonctionné de soir à quelques reprises depuis mais uniquement pour de courtes périodes temporaires. L’employeur affirme qu’à moins de changements majeurs dans l’établissement, le poste ne réouvrira jamais sur une base permanente.

(...)

Le soussigné reconnaît à Sapele son droit de gérance d’affecter son personnel à sa guise; ordonner à l’employeur de muter monsieur Mongrain dans un autre poste de travail serait s’ingérer dans la gestion interne de l’entreprise et contraire à la loi.

(...)

Accident du travail ou non, de toute façon monsieur Mongrain aurait été mis à pied, son poste de travail a été fermé en permanence. (sic)

 

 

[39]           En effet, la Commission des lésions professionnelles retient elle aussi que le travailleur a été spécifiquement réembauché pour occuper un poste précis, soit sur la scie à panneaux sur le quart de soir et que ce poste a été fermé vers le 14 septembre 2001, alors qu’il était absent à cause d’un accident du travail. De plus, l’employeur a démontré pourquoi il avait supprimé ce poste. À cet égard, la Commission des lésions professionnelles retient le témoignage de monsieur Tremblay qui lui est apparu tout à fait crédible. Il a expliqué que suite à l’acquisition d’une nouvelle scie à commandes numériques qui s’est avérée hautement efficace et sur l’avis d’un consultant industriel, l’employeur a constaté qu’il n’était plus nécessaire d’opérer un poste sur la scie à panneaux sur le quart de soir. Il s’agit là d’un motif sérieux et non d’un prétexte.

[40]           Le travailleur soumet que l’employeur aurait dû l’affecter à un autre poste lors de son retour au travail le 18 février 2002. À cet égard, la Commission des lésions professionnelles croit nécessaire de rappeler dans quelles circonstances le travailleur a été embauché le 23 juillet 2001. Il travaille pendant près d’une année pour l’employeur et quitte en juin 2001 au moment où le besoin de main-d’œuvre de l’employeur est important, à cause entre autre des vacances estivales des employés réguliers. Le travailleur témoigne qu’il a quitté à ce moment-là parce que l’employeur refusait de lui accorder une autre affectation plus avantageuse. Lorsqu’il revient un mois plus tard en juillet 2001, l’employeur le reprend car il a un fort besoin de personnel. Toutefois il l’affecte alors à un poste précis et le travailleur est en période de probation comme tout nouvel employé.

[41]           Au sujet des travailleurs en période de probation et de l’article 32 de la loi, voici comment s’exprimait la Commission des lésions professionnelles récemment, en s’appuyant sur deux décisions antérieures [3]:

Il est également important de rappeler que le travailleur, lors de son congédiement, n’avait pas complété sa probation et qu’en conséquence, son employeur avait une grande marge de manœuvre pour terminer son emploi. Cet élément doit être pris en considération au niveau de l’appréciation de la cause juste et suffisante afin de ne pas intervenir avec le droit de gérance de l’employeur en pareille matière.

 

 

[42]           Ainsi, dans le cas présent, la Commission des lésions professionnelles estime qu’en ne réaffectant pas le travailleur à un autre poste et en lui préférant un autre employé classé au même niveau (monsieur Allard) et lui aussi en période de probation, l’employeur n’a fait qu’exercer son droit de gérance dans un contexte où il n’était pas tenu aux règles d’ancienneté. Il avait un motif légitime d’agir de cette façon puisqu’il avait évalué que monsieur Allard était plus polyvalent que le travailleur. Il est aussi possible que l’employeur ait gardé certains doutes face au travailleur compte tenu de l’historique relaté ci-dessus. Il n’appartient pas à la Commission des lésions professionnelles de déterminer si cette évaluation et ce choix sont justifiées. La Commission des lésions professionnelles doit seulement déterminer si le travailleur a été traité différemment des autres employés en probation, parce qu’il a subi une lésion professionnelle. La preuve a démontré que ce n’était pas le cas.

[43]           À l’inverse, la Commission des lésions professionnelles rappelle que le travailleur ne peut à cause qu’il a subi une lésion professionnelle, être traité plus avantageusement que les autres employés en période de probation. Selon le contrat de travail, ces employés ne bénéficient pas de la même protection que les employés réguliers et ils peuvent en tout temps être remerciés de leur services durant la période d’essai de 90 jours « travaillés ».

[44]           Finalement, la Commission des lésions professionnelles considère que la liste de classification et d’ancienneté produite par l’employeur à la demande du représentant du travailleur n’apporte aucun élément à l’appui des prétentions de ce dernier. Au contraire, ce document montre que lorsque le travailleur a quitté en juin 2001, il y avait huit machinistes B et après sa réembauche en juillet 2001 il n’y a jamais eu plus de sept.

[45]           L’employeur ayant démontré une autre cause juste et suffisante à l’appui du congédiement du travailleur, la plainte de ce dernier doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Michel Mongrain (le travailleur);

CONFIRME la décision rendue le 17 avril 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

DÉCLARE que le congédiement du travailleur survenu le 18 février 2002 ne constitue pas une mesure prohibée par l’article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

Me Johanne Landry

 

Commissaire

 

 

 

MONSIEUR JEAN BERGERON

 

Représentant de la partie requérante

 

 

C.I.S.S. INC.

Monsieur André Côté

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1]          L.R.Q.,c.A-3.001

[2]          CLICHE, Bernard, Martin GRAVEL et Louis STE-MARIE. Les accidents du travail et les maladies professionnelles - Indemnisation et financement, Les Éditions Yvon Blais inc., 1997.

 

[3]          Statopex inc. et Steve Thiffeault, C.L.P. 179915-04-0203, le 28 novembre 2002, commissaire J.F. Clément.

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