Décision

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Gabarit EDJ

Cazzetta c. R.

2016 QCCS 4660

 

JB3703

 
COUR SUPÉRIEURE

(chambre criminelle et pénale)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

 

N:

505-01-082718-095

 

DATE :

28 septembre 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE JAMES L. BRUNTON, j.c.s.

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SALVATORE CAZZETTA

Requérant

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

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JUGEMENT

ARRÊT DES PROCÉDURES - DÉLAIS DÉRAISONNABLES

 

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A.  INTRODUCTION

[1]       Dans un jugement connexe - R v Rice et al, 505-01-082718-095 - déposé ce jour, la Cour relate, notamment, le contexte de la présente requête, la criminalité alléguée, un résumé de la méthodologie adoptée par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Jordan, 2016 C.S.C. 27, une chronologie de l’historique procédurale de la présente cause et la mise en application des principes Jordan. Cette décision doit être considérée comme étant récitée au long dans le présent jugement.

[2]       La Cour ajoutera les faits suivants.

[3]       Le requérant était accusé des chefs 1 à 4 inclusivement (complot et fraude des deux niveaux de gouvernement) et du chef 6 (commettre un acte criminel au profit d’une organisation criminelle). Étant un membre en règle allégué des Hell’s Angels, il représente le lien factuel qui a permis à l’intimée d’avancer sa théorie principale sur le chef 6 de l’acte d’accusation à l’effet que les fraudes alléguées ont été commises au bénéfice de cette organisation criminelle.

[4]       Son rôle allégué dans la vente des produits de tabac en était un d’administrateur réel ou de facto dans la compagnie des Rice. Il recrutait des clients pour l’achat en gros des produits de tabac.

B.  L’ANALYSE JORDAN

          i  -  Est-ce que le plafond de 30 mois est dépassé ?

[5]       Le requérant a été accusé le 3 juin 2009. La Cour accepte que le procès du requérant se terminera le 28 avril 2017. Ces délais représentent un délai de 94 mois.

[6]       Il faut déduire de ce total le délai entre le 18 avril 2011 et le 25 octobre 2011 qui a fait l’objet d’une renonciation par le requérant. Ce délai est le seul qui est déduit de la période de 25 mois consacrée à la fixation et la fin de l’enquête préliminaire (voir paragr. 51 à 56 de l’arrêt Rice et al).

[7]       Le requérant argumente qu’une deuxième période de temps doit être soustraite. Cette période s’étend du 29 juillet 2013 au 1er avril 2014. Cette période comprend la présentation d’une requête en séparation du requérant des Rice, dû à la maladie de l’une des avocates de la défense, l’octroi de la requête et le retour de l’avocate, le 1er avril 2014. Il s’agit d’une période de 9 mois.

[8]       En déduisant ces deux périodes du total de 94 mois, on arrive à une période de 79 mois.

          ii  -  Circonstances exceptionnelles

[9]       L’intimée argumente que la maladie d’une des avocates de la défense était un événement distinct exceptionnel. Elle a raison. Contrairement au requérant, l’intimée argumente que cet événement doit résulter dans la déduction de 41,5 mois de délai, soit la période entre l’octroi de la requête en séparation (5 novembre 2013) et la fin du procès anticipé (28 avril 2017).

[10]    Cette position est basée sur les postulats suivants :

-        la décision d’accuser le requérant au début des procédures conjointement avec les Rice faisait partie de sa discrétion et était raisonnable ;

-        le seul motif pour accorder la requête en séparation était dû à la maladie d’une des avocates du requérant ;

-        lorsque l’avocate est revenue sur la scène le 1er avril 2014, la raison d’être de la séparation n’existait plus. En n’acceptant pas de se rejoindre au dossier des Rice, le requérant devenait responsable de tous les délais subséquents ;

-        l’intimée a été proactive, à partir du 1er avril 2014, dans ses tentatives de rejoindre le requérant aux Rice et d’éviter les délais qui seront créés par la tenue de deux procès.

[11]    Avec égard, la Cour ne peut pas accepter cette position.

[12]    La Cour accepte que la seule raison que la séparation des dossiers ait été accordée était due à l’état de santé d’une des avocates. Elle accepte que cette raison avait disparu au moment où l’avocate est retournée au dossier, le 1er avril 2014.

[13]    Mais, en revenant au dossier le 1er avril 2014, l’équipe des avocates du requérant était confrontée à une situation juridique qui était radicalement différente de celle qui existait au moment où la requête en séparation avait été accordée.

[14]    Une série de requêtes avait été entendue et des jugements rendus par le juge de gestion dans le dossier des Rice. Une des requêtes (re : s. 42 de la Loi sur les jurés), qui avait été accordée, avait le potentiel d’avoir un impact considérable sur la formation des candidats jurés qui seront convoqués. Alors, le requérant était absent durant tous ces débats.

[15]    L’intimée argumente qu’elle a tenté de mitiger les délais en présentant une requête pour joindre les dossiers. Avec égard, la Cour croit que cette persistance de l’intimée était mal placée et a contribué aux délais dans le dossier du requérant. Nonobstant qu’on peut prétendre que la Cour, par sa gestion de cette question en repoussant la date de l’audition de la requête, a encouragé l’intimée à persister dans son désir de joindre les dossiers, cette dernière aurait dû comprendre, dès le 1er avril 2014, que cette position était non-viable, considérant que des requêtes avaient été décidées dans le dossier Rice et que le requérant n’était pas présent pour les auditions. D’ailleurs, la Cour a exposé cette position lorsqu’elle a éventuellement rejeté la requête recherchant à joindre les dossiers[1]. En conséquence, suivant la volonté exprimée par le requérant, une date de procès dans son cas aurait dû être fixée dès le 1er avril 2014 lorsqu’il s’est déclaré prêt.

[16]    Pour ce qui est de la complexité de la cause et la bouée de sauvetage ultime qui est prévue au paragr. 97 de l’arrêt Jordan, la Cour adopte l’analyse de ces questions qu’on retrouve dans le jugement qui concerne les Rice.

[17]    Comme dans ce dernier dossier, si on accorde un délai généreux de 24 mois pour des délais inhérents, 18 mois pour des délais institutionnels et 15 mois pour les délais attribuables à la défense, on arrive à un total de 57 mois. La fin projetée du procès du requérant dépasse ce total par 37 mois. La requête devra être accordée.

[18]    EN CONSÉQUENCE, LA COUR :

[19]    ACCORE la requête;

[20]    ORDONNE l’arrêt des procédures contre Salvatore Cazzetta dans le dossier 505-01-082718-095;

[21]    LIBÈRE Salvatore Cazzetta dans le dossier 505-01-082718-095.

 

 

__________________________________

JAMES L. BRUNTON, j.c.s.

 

Me Anne-Marie Lanctôt

Me Nellie Benoît

Avocates du Requérant

 

Me Philippe Vallières-Roland

Me Geneviève Côté

Avocats de l’Intimée

 

 

Date d’audience :

19 septembre 2016

Jugement oral sommaire : 21 septembre 2016

 



[1]     R. c. Cazzetta, 505-01-082718-095, 20.05.16.

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