Montréal (Ville de) c. Savard |
2009 QCCM 74 |
COUR MUNICIPALE DE LA VILLE DE MONTRÉAL
CANADA
DISTRICT DE MONTRÉAL
No : 737-749-655
DATE : Le 6 mars 2009
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE ALAIN ST-PIERRE
Ville de Montréal
Poursuivante
c.
André Savard
Défendeur
Me Myrtho Adrien
Pour la poursuite
Défendeur absent
I. LES FAITS
[1] Le défendeur est poursuivi dans le présent dossier pour avoir :
« Sans être titulaire d’un permis de propriétaire de taxi a effectué un transport rémunéré de personnes à l’aide d’une automobile. »
Le tout, contrairement à l’article 117, paragraphe 1 de la Loi concernant les services de transport par taxi (L.R.Q. c. S-6.01) (ci-après mentionné sous Loi).
[2] Le défendeur ayant fait défaut de se présenter lors de l’instruction de son dossier, bien que régulièrement avisé, celle-ci s’est déroulée en son absence.
[3] La poursuite a déposé le constat d’infraction en preuve et elle a fait entendre le constable Éric Bournivale.
[4] Celui-ci relate à la Cour que le 26 février 2006, vers les 6 h 00 du matin, il patrouille un certain secteur de la rue St-Jacques car plusieurs activités d’intérêt pour les policiers (bagarres, prostitution, etc.) s’y produisent.
[5] Alors qu’il circule dans le stationnement du Motel Chablis situé sur la rue St-Jacques, il remarque un homme d’une quarantaine d’années qui se trouve seul à l’intérieur d’une automobile à la place du conducteur. Le constable identifie cette personne comme étant le défendeur dans le présent dossier. Le véhicule est stationné dos à une clôture. L’individu parle au téléphone cellulaire.
[6] Le constable Bournivale et son partenaire, le constable Ouimet, poursuivent leur patrouille du secteur. Ils se rendent alors à une autre adresse située en face du stationnement du Motel Chablis. Une à deux minutes après s’être rendu à cet endroit, le constable Bournivale voit l’individu observé plus tôt sortir du stationnement en automobile avec une passagère à l’avant. Cette passagère lui apparaît être très jeune. Les policiers constatent également que le défendeur commet une infraction au Code de la sécurité routière alors qu’il change de voie à l’approche d’une intersection. De plus, compte tenu de l’ensemble des circonstances et de leur expérience de travail dans le secteur, ils croient que le conducteur conduit des escortes contre rémunération et qu’il commet ainsi une infraction à la Loi.
[7] Ils procèdent alors à l’interception du véhicule. La vérification des pièces d’identification de la passagère indique qu’elle se nomme Dominique Carrier Therriault. Elle a 19 ans. Le défendeur est arrêté par les policiers et son véhicule est remorqué. Les vérifications faites relativement à son identité avaient indiqué que le défendeur faisait l’objet d’un mandat d’arrestation. L’identité du défendeur a été établie à partir de son permis de conduire.
[8] Après l’arrestation, le constable Bournivale a procédé à une vérification de l’intérieur du véhicule à moteur. Il a constaté la présence de certains objets (une carte de la Ville de Montréal de la compagnie Pearly, un sac brun contenant des préservatifs) et en a saisi d’autres (deux (2) carnets avec adresses, téléphones, descriptions physiques et noms de personnes de sexe féminin, ainsi que des inscriptions comptables. De plus, le constable Bournivale a saisi cinq (5) bouts de papier avec adresses et noms féminins).
[9] Il s’agit de la preuve présentée dans ce dossier.
[10] L’objet de la Loi est spécifié à l’article 1.
[11] Cet article énonce :
« 1. La présente loi établit les règles applicables au transport rémunéré de personnes par automobile et encadre plus particulièrement les services de transport par taxi, y compris ceux de limousine et de limousine de grand luxe, afin d'accroître la sécurité des usagers, d'améliorer la qualité des services offerts et d'établir certaines règles particulières applicables aux activités des intermédiaires en services de transport par taxi. »
[12] L’article 117, paragraphe 1 de la Loi participe aux objectifs de celle-ci en interdisant à une personne qui n’est pas titulaire d’un permis de propriétaire de taxi d’effectuer un transport rémunéré de personnes à l’aide d’une automobile.
[13] Le législateur, afin d’assurer la sécurité des personnes transportées à l’aide d’une automobile contre rémunération ainsi que la qualité du service rendu, oblige ceux effectuant un tel transport à détenir un permis de propriétaire de taxi.
[14] On veut ainsi éviter que le propriétaire d’une automobile ou celui qui la conduit s’improvise chauffeur de taxi et transforme son automobile en un tel véhicule sans avoir à respecter aucune des conditions exigées des détenteurs légitimes d’un tel permis pour s’adonner à cette activité commerciale.
[15] Quelle est donc la preuve que la poursuite doit présenter dans le présent dossier pour établir l’infraction reprochée au défendeur en vertu de l’article 117, paragraphe 1 de la Loi?
[16] Dans le présent dossier, le constat d’infraction reproche au défendeur de ne pas être autorisé par un permis de propriétaire de taxi pour effectuer un transport rémunéré. Cet énoncé doit être lu en conjonction avec l’article 117, paragraphe 1 de la Loi.
[17] Compte tenu de l’infraction reprochée au défendeur, il appartient à celui-ci d’établir qu’il était titulaire d’un tel permis selon l’article 66 , paragraphe 3 du Code de procédure pénale.
[18] Par conséquent, dans le présent dossier, la poursuite doit établir :
1. l’identité du défendeur;
2. le fait que le défendeur a effectué le transport rémunéré d’une personne;
3. le fait que ce transport a été fait à l’aide d’une automobile.
[19] La preuve établit hors de tout doute raisonnable l’identité du défendeur et le fait que le défendeur était le conducteur d’une automobile (voir article 2 de la Loi).
[20] La preuve a également démontré hors de tout doute raisonnable que le défendeur a déplacé cette automobile d’un certain point à un autre alors qu’une autre personne que lui était passagère de ce véhicule.
[21] La seule question qu’il reste à déterminer est de savoir s’il s’agissait d’un transport rémunéré de personnes.
[22] Pour faire cette preuve, la poursuite bénéficie de la présomption édictée à l’article 121 de la Loi. Cet article se lit ainsi :
« 121. Dans toute poursuite, un transport de personnes par automobile est réputé rémunéré, sauf preuve contraire. »
[23] Pour les fins particulières de la question que le tribunal doit trancher dans le présent dossier, les mots « un transport de personnes par automobile » contenus à l’article 121 de la Loi signifient le fait d’amener une ou plusieurs personnes d’un lieu à un autre à l’aide d’une automobile.
[24] Le dictionnaire Le Petit Robert définit le terme « transport » comme étant le fait de porter pour faire parvenir en un autre lieu.
[25] Le mot transport ne peut recevoir une signification connotant une activité économique ou commerciale sans vider de tout sens la présomption édictée à l’article 121. Le but de la présomption est justement d’établir le caractère économique ou commercial du transport.
[26] La présomption édictée à l’article 121 de la Loi peut être contrée par une preuve contraire.
[27] La preuve dans le présent dossier établit que le défendeur a transporté (porté) une personne d’un lieu vers un autre à l’aide d’une automobile. Par conséquent, la présomption édictée à l’article 121 de la Loi doit s’appliquer. Compte tenu qu’il n’existe pas dans la preuve présentée de preuve contraire à l’encontre de cette présomption, le tribunal conclut que le défendeur a effectué un transport de personnes rémunéré à l’aide d’une automobile au sens de l’article 117, paragraphe 1 de la Loi.
[28] De plus, aucune preuve n’a été présentée à l’effet que le défendeur était titulaire d’un permis de propriétaire de taxi au moment de l’infraction.
II. CONCLUSIONS
[29] Le tribunal arrive à la conclusion que le défendeur a commis l’infraction qui lui est reprochée.
[30] Il y a lieu de mentionner que les éléments observés par le policier Bournivale lors de l’inspection du véhicule du défendeur contribuent également à établir hors de tout doute raisonnable qu’il s’agissait d’un transport rémunéré. Toutefois, le tribunal ne juge pas nécessaire, compte tenu de la conclusion à laquelle celui-ci est arrivé précédemment, de procéder à une analyse détaillée de celles-ci dans l’établissement de l’aspect rémunération du transport de personnes effectué dans le présent dossier.
[31] Considérant l’ensemble de la preuve et la présomption prévue à l’article 121 de la Loi, le tribunal est convaincu hors de tout doute raisonnable que le défendeur a commis l’infraction reprochée et par conséquent, déclare le défendeur coupable de celle-ci.
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Alain
St-Pierre, j.c.m.v.m.
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