Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Droit de la famille — 171202

2017 QCCS 2299

JL 4473

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUHARNOIS

 

N° :

760-04-012582-152

 

 

 

DATE :

1er juin 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CHANTAL LAMARCHE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

M... K...

Demandeur

c.

S... S...

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

1.      APERÇU

[1]           Monsieur demande la garde partagée des enfants ainsi que le partage inégal de la résidence utilisée par la famille dont il est copropriétaire avec Madame.

[2]           Lors de l’audience, Monsieur modifie ses conclusions à l’égard de la résidence et réclame plutôt une compensation de 60 000 $ pour enrichissement sans cause étant donné que les parties ne sont pas mariées.  Il soutient que les parties ont convenu que Madame participerait financièrement aux charges du ménage à compter de 2012.  Or, elle refuse d’assumer sa part des dépenses relatives à la résidence.

[3]           Madame demande que la résidence soit vendue et que le produit de la vente soit séparé à parts égales.

[4]           Lors de l’audience, les parties informent le Tribunal qu’elles ont convenu d’une entente pour la garde des enfants.  Madame aura la garde des enfants et Monsieur des droits d’accès.  Le Tribunal donne acte à leur entente dans le présent jugement.

2.      CONTEXTE

[5]           En 1999, les parties célèbrent un mariage religieux au Burkina Faso[1], leur terre natale.  Cependant, aucun mariage civil n’est célébré.  Selon la preuve déposée au dossier, elles ne sont pas légalement mariées.  Les parties sont donc des conjoints de fait.

[6]           Monsieur immigre au Québec en 1997 et Madame en 2000.  Il est inutile d’éla­borer les détails entourant leur arrivée et leurs premières années au Québec sauf pour mentionner que les parties ont toutes deux contracté une dette auprès du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale en raison de prestations d’aide sociale reçues sans droit.

[7]           Monsieur est camionneur de longue distance, travailleur autonome.  Il quitte le dimanche et revient le vendredi suivant.  Toutefois, pendant environ trois ans, soit de 2007 à 2009, il a travaillé comme camionneur de courte distance à Ville A.  Il exploite une société dans laquelle il verse les revenus qu’il reçoit et de laquelle il perçoit son salaire.

[8]           Le [...] 2001, Madame donne naissance à X.  Elle reste à la maison pour prendre soin de l’enfant et des tâches ménagères. 

[9]           En 2004, les parties s’entendent pour que Madame termine ses études de niveau secondaire et obtienne un diplôme d’études collégiales en soins infirmiers pendant que Monsieur continu d’être le seul soutien financier de la famille.

[10]        Les parties considèrent important qu’un des deux parents complète des études afin de pouvoir aider leurs enfants dans leurs devoirs.  Monsieur comprend aussi qu’à compter du moment où Madame aura son diplôme, elle pourra alors contribuer finan­cièrement aux charges du ménage.  Madame considère que l’entente est qu’elle poursuive une formation au niveau universitaire.

[11]        Pendant ses études, elle travaille pendant les congés scolaires et reçoit des prêts et bourses.  Elle dit remettre tous ses revenus à Monsieur.

[12]        En 2008, Monsieur et Madame achètent leur première maison.  Leur nom à tous deux apparaît sur l’acte notarié.

[13]        À la fin de l’année 2011, Madame termine ses études collégiales en soins infirmiers.  En 2012, elle obtient un emploi de trois à quatre jours par semaine dans un hôpital.

[14]        Six mois plus tard, Madame est de nouveau enceinte.  Monsieur réagit mal à la nouvelle et le couple se sépare pendant quelques mois jusqu’à la naissance de leur enfant.  Monsieur habite alors au sous-sol de leur résidence lorsqu’il revient les fins de semaine.

[15]        Au début de l’année 2013, Madame commence son congé de maternité.

[16]        Y naît le [...] 2013.

[17]        Entre-temps, les parties se réconcilient.

[18]        En août 2013, ils vendent leur première maison et en achètent une deuxième.  Leur nom à tous deux apparaît sur l’acte d’achat notarié.

[19]        La vie commune des parties cesse définitivement et à partir de ce moment Monsieur retourne habiter le sous-sol de la maison lorsqu’il revient les fins de semaine.  Le Tribunal revient plus loin sur la date où la vie commune cesse.

[20]        Monsieur remet à Madame les six cartes de crédit que le couple utilise pour les dépenses du ménage avec un solde dû d’environ 9 000 $.

[21]        Les cartes de crédit sont toutes au nom de Madame étant donné que Monsieur a fait faillite juste après avoir acheté la première maison.

[22]        Madame retourne au travail au début de l’année 2014.

[23]        Elle ne peut se trouver un emploi à temps plein étant donné qu’elle a de facto la garde des enfants. Monsieur est toujours à l’extérieur la semaine et elle a de la difficulté à trouver une garderie ou une gardienne pour les enfants; elle travaille quelques fois le soir et la nuit. De plus, comme infirmière, elle doit obligatoirement travailler quelques fins de semaine par mois et ne peut compter sur Monsieur pour prendre soin des enfants de façon régulière pendant cette période.

[24]        Monsieur demande à Madame de payer sa part des frais relatifs à la résidence familiale.  Elle refuse de le faire tant qu’elle n’aura pas terminé de rembourser les soldes dus sur les cartes de crédit.

[25]        Monsieur paie donc tous les frais afférents à la maison.  Madame assume le téléphone, l’internet et le câble. 

[26]        Monsieur témoigne remettre 150 $ par semaine à Madame pour l’épicerie, ce que nie Madame.  Elle soutient payer seule l’épicerie de même que les activités de hockey et de soccer de l’aîné.

[27]        Madame demande à Monsieur de vendre la maison dont ils sont copropriétaires.

[28]        Le 24 novembre 2015, en réaction à la demande de Madame, Monsieur s’adresse à la Cour afin d’obtenir la garde partagée des enfants et d’être déclaré seul propriétaire de leur résidence.

[29]        Le 11 février 2016, une ordonnance intérimaire, du consentement des parties, confie aux parties la garde partagée des enfants. Madame continue d’utiliser la résidence familiale à charge de payer un loyer mensuel de 900 $ par mois.  Comme les parties considèrent que le loyer ne représente que la moitié de l’hypothèque et des taxes municipales, Monsieur ne paie pas de pension alimentaire pour les enfants  Tous les autres frais pour les enfants sont partagés à parts égales.

[30]        Les parties ne respectent pas ce jugement.

[31]        Le 31 août, la juge Nicole-M. Gibeau rend une ordonnance intérimaire par laquelle elle confie la garde des enfants à Madame et des droits d’accès à Monsieur une fin de semaine sur deux, soit celles où Madame doit travailler.  Monsieur exerce ses droits d’accès à la résidence familiale.  Madame doit verser 800 $ par mois à Monsieur.  Ce montant correspond à sa part de l’hypothèque, des taxes et des assurances.  Monsieur doit verser une pension alimentaire pour les enfants de 458,15 $ par mois.  Les parties doivent assumer à parts égales les frais scolaires de l’aîné qui fréquente une école privée.

[32]        Les parties respectent ce jugement.

[33]        Monsieur considère avoir droit à une somme de 60 000 $ à titre d’enrichissement sans cause puisque Madame refuse de contribuer financièrement aux charges du ménage dans la proportion de ses moyens à partir du moment où elle obtient son diplôme en 2012.  Il soutient que de 2012 à avril 2014, il continu d’assumer seul toutes les dépenses de la famille et, par la suite, tous les frais concernant la résidence et l’école privée de l’aîné ce qui représente une somme totale d’environ 140 000 $[2].

[34]        Il plaide qu’il y a également un enrichissement injustifié de Madame depuis la fin de la vie commune puisqu’elle est copropriétaire de la résidence et ne paie pas la moitié des dépenses qui y sont reliées.

[35]        Madame conteste s’être enrichie aux dépens de Monsieur depuis 2012 et demande que le Tribunal ordonne la vente de la maison et le partage à parts égales du produit net qui en résultera.

[36]        Les parties reconnaissent que la résidence familiale a une valeur de 357 500 $.  Elles acceptent la mise à prix à 375 000 $ et leur obligation d’accepter toute offre égale ou supérieure à 350 000 $.

[37]        Le Tribunal doit donc déterminer s’il y a eu enrichissement sans cause par Madame et, le cas échéant, la compensation monétaire due à Monsieur.  Il doit aussi déterminer le revenu de Monsieur afin de fixer la pension alimentaire pour enfants.

3.      ANALYSE

3.1         L’enrichissement sans cause

3.1.1           Le droit

[38]        Le législateur codifie aux articles 1493 et suivants du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») le principe de l’enrichissement injustifié. Ces dispositions sont ainsi libellées :

1493. Celui qui s'enrichit aux dépens d'autrui doit, jusqu'à concurrence de son enrichissement, indemniser ce dernier de son appauvrissement corrélatif s'il n'existe aucune justification à l'enrichissement ou à l'appau­vrissement.

1494. Il y a justification à l'enrichissement ou à l'appauvrissement lorsqu'il résulte de l'exécution d'une obligation, du défaut, par l'appauvri, d'exercer un droit qu'il peut ou aurait pu faire valoir contre l'enrichi ou d'un acte accompli par l'appauvri dans son intérêt personnel et exclusif ou à ses risques et périls ou, encore, dans une intention libérale constante.

1495. L'indemnité n'est due que si l'enrichissement subsiste au jour de la demande.

Tant l'enrichissement que l'appauvrissement s'apprécient au jour de la demande; toutefois, si les circonstances indiquent la mauvaise foi de l'enrichi, l'enrichis­sement peut s'apprécier au temps où il en a bénéficié.

1496. Lorsque l'enrichi a disposé gratuitement de ce dont il s'est enrichi sans intention de frauder l'appauvri, l'action de ce dernier peut s'exercer contre le tiers bénéficiaire, si celui-ci était en mesure de connaître l'appauvrissement.

[39]        La jurisprudence a abordé à plusieurs reprises ce principe d’enrichissement injustifié et a, au fil du temps, établi les principes qui s’appliquent en la matière.

[40]        Cinq conditions doivent être respectées pour donner lieu à une compensation pour enrichissement injustifié :

Ø  un enrichissement;

Ø  un appauvrissement;

Ø  une corrélation entre l’enrichissement et l’appauvrissement;

Ø  l’absence de justification légalement reconnue à l’enrichissement ou à l’appauvrissement;

Ø  l’absence de tout autre recours de l’appauvri[3].

[41]        La théorie de l’enrichissement sans cause doit être appliquée avec beaucoup de souplesse dans un dossier en matière familiale[4].

[42]        La jurisprudence rappelle aussi qu’il faut prendre garde de ne pas remplir le vide législatif concernant les couples conjoints de fait et de créer une société d’acquêts[5]

[43]        C’est également ce que soulignait la juge Marie-Claude Lalande en ces mots :

[] le Tribunal doit exercer son pouvoir discrétionnaire avec souplesse tout en respectant le choix des parties de ne pas se marier ni de signer de contrat d’union de fait[6].

[44]        La détermination de l’existence ou non d’un enrichissement injustifié doit se faire au moment où les procédures à cet égard sont intentées[7].

3.1.2           Application aux faits

[45]        Avant de déterminer si Monsieur a droit à une compensation en raison de l’enrichissement sans cause de madame, il y a lieu de déterminer la date de la fin de la vie commune.

3.1.2.1        La fin de la vie commune

[46]        La fin de la vie commune survient lorsque les parties ne sont plus considérées des conjoints de fait, soit lorsqu’il n’y a plus de cohabitation et de secours mutuel.  Le secours mutuel se manifeste par une aide physique, morale et financière[8]

[47]        Madame situe cette période au début 2012 lorsque Monsieur lui remet les cartes de crédit utilisées pour les dépenses du ménage.  Elle soutient qu’après l’annonce de sa grossesse, Monsieur est allé vivre au sous-sol et ne payait plus pour l’épicerie.  Il serait revenu vivre avec la famille qu’une très courte période après la naissance de Y.

[48]        Pour Monsieur la séparation a lieu à la fin de l’année 2013.

[49]        Le Tribunal considère qu’il ne peut y avoir fin de la vie commune en 2012 puisqu’en août 2013, les parties achètent la deuxième maison de la famille et le nom de Madame apparaît sur l’acte d’achat même si, selon Monsieur, elle ne contribue pas financièrement à cet achat[9].

[50]          Monsieur continue de payer les soldes sur les relevés des cartes de crédit utilisées pour les dépenses du ménage jusqu’au début 2014[10].  Dans son contre-interrogatoire, il affirme remettre à Madame les cartes de crédit afin qu’elle en assume les paiements, un an après la naissance de Y, soit au moment où elle retourne au travail.  Comme Y naît le 19 avril 2013, Monsieur remet les cartes de crédit à Madame vers le 19 avril 2014.  Le solde de l’ensemble des cartes est d’environ 9 000 $.  À partir de ce moment, Monsieur ne paie plus les dépenses de la famille.  Il continue cependant d’assumer les dépenses de la maison seul jusqu’au jugement de la juge Gibeau, le 31 août 2016, ainsi que les frais de l’école privée de X.

[51]        Le Tribunal estime que la preuve prépondérante démontre qu’il y a eu fin de la vie commune vers le 13 avril 2014.

3.1.2.2        L’enrichissement sans cause

[52]         Monsieur allègue que Madame s’est enrichie à ses dépens, car lors de la dispo­sition de la maison, elle aura droit à la moitié du produit net de la vente[11], alors que, contrairement à leur projet commun, elle ne participe pas financièrement aux frais de cette maison à compter de 2012. 

[53]        Le Tribunal ne peut retenir la position de Monsieur, du moins pendant la vie commune.

[54]        En effet, pendant la vie commune, les parties conviennent que Monsieur sera le soutien financier de la famille et que Madame s’occupera seule des enfants.  Monsieur est effectivement à l’extérieur de la ville du dimanche au vendredi soir pendant la majorité de la durée de la vie commune.  De plus, Madame prend charge des tâches ménagères et étudie afin d’assurer un meilleur avenir à la famille et un soutien scolaire aux enfants.  En outre, elle travaille pendant les congés scolaires.

[55]        En 2012, Madame travaille pour une très courte période puisqu’elle se trouve de nouveau enceinte et arrête de travailler.  Elle continue de prendre seule soin des enfants et des tâches ménagères puisque Monsieur effectue toujours du transport de longue distance et est rarement présent les fins de semaine.  Elle ne retourne sur le marché du travail qu’en avril 2014, ce qui coïncide avec la fin de la vie commune telle qu’établie plus haut par le Tribunal.

[56]        Même si l’apport de Madame n’est pas financier, il est indéniable qu’elle con­tribue autrement aux charges du ménage[12].  D’ailleurs, Monsieur le reconnaît puisqu’il ne réclame aucune compensation pour les années antérieures à 2012.

[57]        La situation n’est pas différente entre 2012 et la fin de la vie commune.  Madame contribue, bien que différemment, aux charges du ménage et il ne peut être question ni d’enrichissement ni d’appau­vrissement par l’une ou l’autre des parties.

[58]        Cependant, à compter du moment où la vie commune cesse, il n’y a plus de projet commun ou d’entente convenue sur le partage des dépenses reliées à la résidence. Ce sont plutôt les règles énoncées au Code civil du Québec qui s’ap­pliquent voulant que les dépenses doivent être partagées dans la même proportion que la part de chacun[13]

[59]        Étant donné que la part de chacun est présumée égale[14] et en l’absence d’une preuve susceptible de renverser cette présomption, chaque partie est donc responsable de la moitié des frais reliés à la résidence, et ce, depuis la fin de la vie commune, soit vers le 14 avril 2014. Pour faciliter les calculs, le Tribunal utilise comme date de la fin de la vie commune le 1er mai 2014.

[60]        En l’espèce, l’enrichissement de Madame correspond au paiement que Monsieur fait après la fin de la vie commune qui excède sa part des frais de la résidence, soit 50 %.  L’appauvrissement de Monsieur n’est pas exactement du même montant bien qu’il y ait une corrélation directe.  Le Tribunal doit en effet tenir compte que Madame assume l’entièreté des soldes des cartes de crédit utilisées pour les dépenses du ménage et dont le solde à la fin de la vie commune est d’environ 9 000 $.  Bien que ces cartes de crédit soient au nom de Madame, elles étaient utilisées pour la famille.  Le Tribunal attribue une part de 4 500 $ à Monsieur à l’égard de ces cartes et qu’il devra assumer.

[61]        Par ailleurs, les autres conditions donnant droit à une compensation en raison d’un enrichissement sans cause sont respectées puisqu’il n’existe aucun autre recours pour Monsieur et qu’il n’y a aucune justification légalement reconnue à l’enrichissement de Madame ou à l’appauvrissement de Monsieur. 

[62]        Les dépenses reliées à la résidence sont les suivantes[15] :

Ø  l’hypothèque :                    1 228 $ par mois[16];

Ø  les taxes municipales :    306 $ par mois[17];

Ø  les taxes scolaires :         72 $ par mois[18];

Ø  les assurances :               88 $ par mois[19];

Ø  Hydro-Québec :                150 $ par mois[20]

Total :                                 1 844 $

[63]        La part de Madame s’élève donc à 922 $ par mois.

[64]        Étant donné que la vie commune a cessé le 1er mai 2014, en date du présent jugement, Madame doit à Monsieur la somme de 22 292 $[21].  Cette somme sera remboursée à même la part de Madame dans le produit net de la vente de la résidence.

[65]        À compter du présent jugement, Madame, qui habite toujours cette maison, doit continuer d’assumer le téléphone, l’internet et le câble et payer à Monsieur la somme de 922 $ par mois tant que la maison ne sera pas vendue.  Monsieur devra quant à lui assumer la totalité des frais relatifs à la résidence à l’exception du téléphone, de l’Internet et du câble.

3.2         Pension alimentaire pour enfants

[66]        Bien que les parties s’entendent sur la garde des enfants, le Tribunal doit déterminer le revenu de Monsieur afin d’établir le montant de la pension alimentaire pour ces derniers.

[67]        Madame demande que le Tribunal lui attribue un revenu de 50 000 $.

[68]        Monsieur reconnaît que le Tribunal doit ajouter une partie des bénéfices non répartis de sa société à son revenu déclaré de 27 214 $[22], pour un total qu’il arrondit à 38 000 $. 

[69]        En 2015, le total des bénéfices non répartis de la société de Monsieur est de 15 171 $.  Il doit laisser une certaine somme d’argent dans cette société dans l’éven­tualité d’un problème mécanique avec son camion lors des voyages. 

[70]        Monsieur indique avoir très peu de dépenses personnelles.  Lorsqu’il travaille, il habite dans son camion et la fin de semaine, il habite dans la résidence des parties.  Ses repas ne lui coûtent rien puisqu’il a des coupons repas aux stations-service où il achète l’essence pour son camion.

[71]        Selon le tableau que Monsieur dépose, ses dépenses annuelles sont d’environ 38 000 $[23] depuis 2012, et ce, sans tenir compte de ses repas au restaurant lorsqu’il exerce des droits d’accès auprès des enfants ni des deux véhicules tout-terrains usagés qu’il a achetés en 2106 aux enfants[24] et d’une voiture Audi usagée achetée en 2017 pour 1 000 $ et un Lincoln Navigator 2004 acheté en 2011 pour 3 500 $.

[72]        En 2016, Monsieur déclare un revenu brut de 27 000 $.  Selon son sommaire exécutif, son revenu net est d’environ 20 000 $.  En 2015, il déclare un revenu brut de 23 211 $ ce qui correspond à un revenu net d’environ 18 000 $[25].  En 2014, il déclare un revenu brut de 20 564 $[26].

[73]        Si le Tribunal fait un parallèle entre ses revenus nets[27] et ses dépenses pour ces trois années, Monsieur aurait un manque à gagner d’environ 58 000 $.  Or, ses dettes sont d’environ 36 000 $[28] pour cette même période.

[74]        Le Tribunal conclut que Monsieur a nécessairement des revenus plus élevés que ceux qu’il déclare.  D’ailleurs, ses déclarations de revenus ne concordent pas avec les états financiers de sa société à certains égards et il ne peut expliquer les écarts soulignés lors de son contre-interrogatoire.

[75]        Le Tribunal estime justifié d’ajouter une somme de 7 000 $[29] aux revenus déclarés de Monsieur en sus du revenu de 38 000 $ qu’il reconnaît devoir s’attribuer pour tenir compte des dividendes non déclarés de sa société.  Pour l’année 2016, le Tribunal fixe le revenu de Monsieur aux fins du calcul de la pension alimentaire à 45 000 $.

[76]        Le revenu annuel de Madame à 50 000 $ n’est pas contesté.

[77]        Selon le Formulaire de fixation de pension alimentaire pour enfants, Monsieur doit payer une pension alimentaire mensuelle de 520,11 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[78]        ACCUEILLE en partie la demande du demandeur;

[79]        ACCUEILLE en partie la requête amendée de la défenderesse;

[80]        PREND ACTE de l’entente intervenue entre les parties, soit :

-        de confier la garde des deux enfants, X et Y à la défenderesse;

-        d’accorder au demandeur des droits d’accès auprès des enfants du vendredi 17h00 au dimanche 17h00 une fin de semaine sur deux avec partage de la résidence familiale lors de ces droits d’accès;

-        les parties se partageront à parts égales la période de vacances scolaires à l’occasion de Noël et du Nouvel An;

-        entre le 24 juin et le retour en classes, le demandeur pourra être avec les enfants deux périodes non consécutives d’une semaine chacune en sus des droits d’accès mentionnés plus haut et la défenderesse une période de deux semaines consécutives;

-        le choix des dates pour l’été sera communiqué à l’autre parent au plus tard le 30 mai de chaque année;

-        s’il y a conflit dans le choix des dates pour l’été, la défenderesse aura le choix des dates les années impaires et le demandeur les années paires;

-        le demandeur pourra avoir accès auprès des enfants à tout autre moment convenu entre les parties;

[81]        ORDONNE aux parties de se conformer à leur entente;

[82]        DÉCLARE que les parties sont titulaires conjointement de l’autorité parentale et ORDONNE que toute décision significative affectant la santé, l’éducation ou les activités des enfants soit prise en consultation avec l’autre parent, sauf en cas d’urgence, ce qui inclut toutes les décisions concernant l’école, les activités parascolaires, les cours, les vacances et tout autre sujet similaire;

[83]        ORDONNE aux parties de communiquer entre elles pour toute question con­cernant les enfants de façon respectueuse et de ne pas se dénigrer mutuel­lement;

[84]        ORDONNE que les frais de garde et les frais particuliers concernant l’école privée que fréquente X incluant les frais de scolarité, les livres, l’uniforme et les sorties scolaires soient partagés à parts égales;

[85]        ORDONNE au demandeur de verser à la défenderesse une pension alimentaire mensuelle de 520,11 $ au bénéfice des enfants, et ce, à compter du présent jugement;

[86]        DÉCLARE que la défenderesse est endettée d’une somme de 22 414 $ envers le demandeur à titre d’enrichissement sans cause;

[87]        ORDONNE la mise en vente de la résidence des parties sise au [...], Ville A pour la somme de 375 000 $;

[88]        ORDONNE aux parties d’accepter toute offre égale ou supérieure à 350 000 $;

[89]        ORDONNE que suite à la vente de cette résidence, tous les frais et dettes y reliés soient payés à même le prix de vente dont, notamment, le créancier hypothécaire, l’agent immobilier, le notaire instrumentant, toutes taxes dues et que le produit net de la vente soit partagé à parts égales sous réserve du paragraphe suivant;

[90]        DONNE instruction au notaire instrumentant de payer au demandeur à même la part du produit net de la vente qui revient à la défenderesse, la somme de 22 414 $;

[91]        ACCORDE à la défenderesse l’usage exclusif de la résidence sise au [...], Ville A, sauf pour l’exercice des droits d’accès du demandeur, tant et aussi longtemps que cette résidence ne sera pas vendue;

[92]        ORDONNE à la défenderesse d’assumer seule le téléphone, l’Internet et le câble tant et aussi longtemps qu’elle aura l’usage de cette résidence;

[93]        ORDONNE à la défenderesse de payer mensuellement au demandeur à compter du 1er juin 2017 et le premier jour de chaque mois par la suite, la somme de 922 $ représentant sa part de l’hypo­thèque, des assurances, des taxes scolaire et municipale et d’Hydro-Québec pour la résidence sise au A, Ville A, et ce, tant que cette résidence ne sera pas vendue, à charge par le demandeur de payer la totalité des dépenses ci-devant mentionnées;

[94]        SANS FRAIS DE JUSTICE.

 

 

 

 

__________________________________

Chantal Lamarche, j.c.s.

 

Me Normand Haché

HACHÉ ET ASSOCIÉS

Avocat du demandeur

 

Me Daniel Charpentier

DANIEL CHARPENTIER AVOCAT

Avocat de la défenderesse

 

Dates d’audience:

1er et 2 mai 2017

 



[1]     Il y a deux célébrations religieuses, l’une de confession musulmane et l’autre catholique.

[2]     Pièce P-10.  Le montant apparaissant sur P-10 est de 146 370,26 $ duquel Monsieur soustrait 7 700 $ représentant des frais scolaires calculés en double.  Les relevés de cartes de crédit (P-12) établissent les sommes payées par Monsieur entre 2011 et 2014.  Ils n’établissent pas les sommes payées par Monsieur après 2014 puisque c’est Madame qui prend charge de ces cartes de crédit.  Les derniers relevés sont du début de l’année 2014.

[3]     Droit de la famille - 132495, 2013 QCCA 1586; Labrecque c. Carrier, 2014 QCCA 856.

[4]     Droit de la famille - 132495, préc., Id.; Labrecque c. Carrier, préc., Id.

[5]     M.B. c. L.L., [2003] R.D.F. 539, par. 31.

[6]     Ménard c. Blaizel, 2014 QCCS 3932, par. 33.

[7]     Art. 1495 C.c.Q.; Côté c. Laforest, 2014 QCCS 4779, par. 31; Clément c. Leduc, 2011 QCCS 4240, par. 166.

[8]     Guylaine DUPLESSIS et Sylvain BOURASSA, « Mesures accessoires: garde et droits d'accès à l'enfant », dans JurisClasseur Québec: Personnes et famille, fasc. 28, Union de fait, Montréal, LexisNexis, mis à jour [en ligne].

[9]     Pièce P-7.

[10]    Pièce P-12.

[11]    Art. 1015 C.c.Q. :

Les parts des indivisaires sont présumées égales.

[12]    Frias c. Botran, 2007 QCCA 1794; H.L. c. J.S., B.E. 2004BE-629 (C.S.); Cadieux c. Caron, [2004] R.D.F. 242; Droit de la famille - 071055, 2007 QCCS 2168, par. 95 à 102.

[13]    Art. 1019 et 1020 C.c.Q., H.L. c. J.S., préc., note 12, par.31;  Tanguay c. Beauregard-Champagne, 2017 QCCQ 2840.

[14]    Art. 1015 C.c.Q.

[15]    Le Tribunal arrondit les chiffres.

[16]    Pièce P-10, tableau de Monsieur.

[17]    Pièce P-10, p.117.  Selon le relevé de taxes municipales de 2015, le plus récent fourni par Monsieur, les taxes municipales annuelles sont de 3 666,45 $.

[18]    Pièce P-10, p. 129.

[19]    Pièce P-10, tableau de Monsieur.

[20]    Pièce p-10, p.175.

[21]    922 $ par mois X 37 mois (1er mai 2014 au 1er juin 2017) = 34 114 $.  De cette somme, le Tribunal soustrait les sommes déjà payées par Madame en vertu du jugement de la juge Gibeau, soit 800 $ par mois depuis le 1er septembre 2016, pour un total de 7 200 $.  Le Tribunal soustrait aussi la somme de 4 500 $ représentant la part de Monsieur dans les dépenses de la famille que Madame rembourse après que Monsieur lui eut remis les cartes de crédit.  34 114 $ - 7 200 $ - 4 500 $ = 22 414 $.

[22]    Pièce P-14.

[23]    Le montant annuel de 38 000 $ est calculé en tenant compte des dépenses indiquées sur le tableau de Monsieur produit avec la pièce P-10.  Le Tribunal considère que la majorité de ces dépenses étaient sur trois ans.  Les dépenses pour la maison sont pour la période d’août 2013 à janvier 2017 soit un peu plus de trois ans, les dépenses relatives aux cartes de crédit sont pour une période un peu inférieure à trois ans puisque Monsieur dit avoir arrêté de les payer en avril 2014.  Les dettes prévues à la pièce P-11 et les frais du collège sont calculés sur une période de cinq ans.

[24]    Pièce D-5.

[25]    Pièce P- 13.

[26]    Pièce P-3.

[27]    N’ayant aucun document démontrant le revenu net pour 2014, le Tribunal retient le même revenu net que pour 2015.

[28]    Pièce P-10, tableau de Monsieur. Le Tribunal ne tient pas compte de ses dettes fiscales indiquées à son tableau (4 626 $ et 3 555 $), mais ajoute aux dettes indiquées au tableau le prêt de 5 000 $ contracté auprès de sa nièce et celui de Capital One de 3 407 $ ajouté lors du témoignage de Monsieur.

[29]    Il y a un écart de 22 000 $ entre les dépenses qu’il déclare sur trois ans et ses dettes ce qui correspond à environ 7 000 $ par année.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.