Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

Le 30 septembre 2003

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

189873-71-0208

 

Dossier CSST :

120367594

 

Commissaire :

Me Danièle Gruffy

 

Membres :

Raynald Asselin, associations d’employeurs

 

Roland Meunier, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Dr Serge Bélanger, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Alicja Matyskiewcz

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Bureau de relations d’affaires internationales inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 30 août 2002, madame Alicja Matyskiewcz (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 18 juillet 2002 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 8 novembre 2001 et déclare que le 28 juin 2001, la travailleuse n’a pas subi une lésion professionnelle.

[3]                À l’audience tenue le 23 juin 2003, les parties sont présentes et dûment représentées.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande de reconnaître que le 28 juin 2001, elle a subi une maladie professionnelle conformément aux dispositions de l’article 29 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la loi) soit une intoxication par des hydrocarbures aliphatiques et aromatiques. Subsidiairement, la travailleuse demande de reconnaître qu’elle a subi une maladie professionnelle conformément aux dispositions de l’article 30 de la loi soit une maladie reliée directement aux risques particuliers de son travail.

LES FAITS

[5]                La travailleuse occupe un emploi de journalier pour le compte de la compagnie Bureau de relations d’affaires internationales inc. (l’employeur) depuis le 9 mars 2001.

[6]                Le 2 avril 2001, elle consulte à l’urgence du Centre hospitalier Fleury. Les notes de consultation du docteur J.-C. Chartrand se lisent comme suit :

« Vertiges au travail (vs étourdissements) avec grande fatigue générale et impression de perte de conscience imminente sans syncope. Pas de nausée pas de vomissement. Il faisait très chaud. Mme était à jeun. Émanations de ROH industriel ... pas de DRS pas de dyspnée. »

 

 

[7]                Le docteur Chartrand conclut à un examen sommaire normal et à un bilan négatif. Il retient le diagnostic de « Sx vagaux le plus probable ».

[8]                Selon le témoignage de la travailleuse à l’audience, celle-ci cesse alors de travailler pendant deux jours puis retourne à son travail régulier. D’autres épisodes similaires se produisent par la suite lors desquels elle prend à nouveau congé.

[9]                Le 28 juin 2001, elle consulte le docteur Y. Camille, médecin traitant. Les notes de consultation de ce médecin (difficilement lisibles) mentionnent ceci :

« Since 4 months ... headache ...Swelling eyes. »

 

 

[10]           À son examen clinique, le docteur Camille note une conjonctivite au niveau des yeux, un examen du nez négatif, une bouche avec des muqueuses pâles et une gorge normale. Son impression diagnostique se lit comme suit : « fatigue - intolerance to painting material ». Il suggère à la travailleuse de se trouver un autre travail. Il complète une attestation médicale destinée à la CSST.

[11]           La travailleuse cesse alors de travailler et un formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement » est complété par l’employeur en faisant référence à un événement en date du 28 juin 2001.

[12]           Le 3 juillet 2001, la travailleuse revoit le docteur Camille qui note une légère amélioration de son état. Ce médecin pose un diagnostic de vision troublée, de fatigue et d’intolérance au matériel de peinture.

[13]           Le 9 juillet 2001, la travailleuse consulte le docteur K.E. Shirmer, ophtalmologiste. Ce médecin pose un diagnostic de conjonctivite folliculaire.

[14]           Le 10 juillet 2001, la travailleuse est examinée par un médecin (dont le nom est illisible) et dont l’impression diagnostique est celle d’une conjonctivite allergique.

[15]           À la même date, le docteur Camille rédige une note médicale par laquelle il recommande que la travailleuse cesse de travailler en mentionnant ceci : « Because she developped a strange conjunctivitis related to her work. »

[16]           On retrouve au dossier une note médicale manuscrite datée du 26 juillet 2001 et libellée comme suit :

« Patiente se sent bien. N’est plus fatiguée. A pris un peu de poids...Yeux : conjonctive non irritée - pupilles égales - oreilles, nez, gorge normal. »

 

 

[17]           Le 28 juillet 2001, la travailleuse donne sa démission.

[18]           Le 25 octobre 2001, une autre note médicale manuscrite se lit comme suit :

« Impression : normal exam. Has had allergic reaction to chemicals ».

 

 

[19]           Le 29 novembre 2001, la travailleuse est examinée par le docteur A. Gutkowski, spécialiste en immunologie clinique. Au chapitre intitulé « Histoire clinique », ce médecin s’exprime comme suit :

« At work has been exposed to different solvents. Irritating fumes, smell of ink and paint. Started to work in march and developped malaise ocular and pharyngeal irritation. No asthma, no cutaneous symptoms. One episode of fainting. Asymptomatic when not exposed and symptoms reoccur when exposed. Has no other allergic diseases. Generally healthy. »

 

 

[20]           Dans une lettre du 16 avril 2003, le docteur Gutkowski ajoute les commentaires suivants concernant la consultation du 29 novembre 2001 :

« Based on the above history, my impression was that she suffered from conjunctivitis and pharyngitis when exposed to fumes and other environmental agents at work. There are no tests to prove or disprove the origin of these symptoms and the best treatment would be to avoid exposure to these irritants, which can be done by changing her job. »

 

 

[21]           L’employeur a déposé au dossier les fiches signalétiques des différents produits utilisés dans le département de la production, département où était assignée la travailleuse. Il s’agit du « UV Screen printing Inks », de l’ « Isopropanol 99% » et du « VR-1472 ».

[22]           En ce qui concerne le produit « UV Screen printing Inks », on peut lire ce qui suit à la section 6 intitulée « Propriétés toxicologiques » :

« Peut être absorbé par contact avec la peau, contact avec les yeux, inhalation et ingestion. (...) Une surexposition par inhalation peut causer une irritation respiratoire. Une exposition répétée ou prolongée à la substance peut entraîner des troubles à certains organes cibles. (...) Extrêmement dangereux en cas d’inhalation (irritants pour les poumons). Très dangereux en cas de contact avec la peau (irritant, sensibilisateur), de contact avec les yeux (irritant), d’inhalation. Dangereux en cas de contact avec la peau (absorbé par la peau) d’ingestion. Une sévère surexposition peut causer la mort. L’inflammation des yeux est caractérisée par des rougeurs, des larmoiements et des démangeaisons. L’inflammation de la peau est caractérisée par des démangeaisons, une peau rugueuse, l’apparition de rougeurs ou, occasionnellement, d’ampoules. »

 

 

[23]           En ce qui concerne le produit « VR-1472 » utilisé à titre de diluant-nettoyeur, la fiche signalétique rapporte que ce produit est composé de toluène de 40 à 80% et d’acétone de 30 à 60%. Au chapitre des « Propriétés toxicologiques, on mentionne les effets suivants d’une surexposition aiguë au niveau des yeux : « peut provoquer de l’irritation modérée, rougeurs, larmes. » Au niveau de la respiration « une inhalation excessive de vapeur peut provoquer des irritations nasales et respiratoires ».

[24]           Finalement, en ce qui concerne l’ « Isopropanol 99% », produit utilisé à titre de solvant, ce dernier est composé d’isopropanol à 100%. Au chapitre intitulé « Propriétés toxicologiques », les effets d’une surexposition aiguë, au niveau des yeux « peut provoquer de l’irritation modérée, rougeur, larmes ». Au niveau de la respiration, « une inhalation excessive de vapeur peut provoquer des irritations nasales et respiratoires. » Au chapitre intitulé « Mesures préventives », on mentionne ceci : « Au lieu de travail, si les limites d’exposition d’un produit ou d’un composant excèdent les normes, un respirateur d’air approuvé NIOSH-MSHA est recommandé en l’absence d’un contrôle environnemental adéquat. Régulation de OSHA permet l’utilisation d’autres respirateurs NIOSH-MSHA sous des conditions particulières (voir votre fournisseur d’équipement de protection). Il faut appliquer des contrôles administratifs et techniques pour diminuer le niveau d’exposition. Au sujet de la ventilation, on mentionne ceci :

« Assurer une ventilation d’échappement suffisante (générale et/ou locale) pour maintenir le niveau d’exposition sous la limite permise. »

 

 

 

[25]           La travailleuse a témoigné à l’audience. Lorsqu’elle a commencé à travailler en mars 2001, elle était principalement affectée à l’emballage à raison de 8 heures par jour, 5 jours par semaine. Graduellement, elle a commencé à faire de l’impression sur différents objets promotionnels tels que des crayons, des stylos, des règles, des tasses ou encore des « té » de golf.  À cette fin, elle utilisait de l’alcool pour nettoyer les objets avant leur impression, de l’encre (pour procéder à l’impression) et un diluant à peinture pour nettoyer les machines. Le travail à l’impression pouvait parfois être exécuté sur une période de 6 heures consécutives, selon les commandes. La travailleuse portait des gants mais ne portait pas de masque.

[26]           Toutes les tâches de travail étaient effectuées dans la même pièce. La travailleuse mentionne qu’on pouvait percevoir des odeurs sur les lieux du travail, de façon constante. Elle ajoute que les produits utilisés (alcool, encre, diluant) étaient gardés dans des contenants non fermés recouverts de papier. Un système de ventilation au plafond était présent mais la travailleuse mentionne qu’elle ne sentait pas cette ventilation et qu’il faisait très chaud dans la salle de travail.

[27]           La travailleuse relate que ses problèmes de santé ont débuté en avril 2001 alors qu’elle consulte pour la première fois à l’urgence de l’hôpital Fleury. Lors de cet épisode, elle travaillait à l’impression et elle a commencé à ressentir une faiblesse, un mal de tête et des problèmes respiratoires. Graduellement, elle a commencé à éprouver des brûlures au niveau de ses yeux avec des sécrétions. Ceci l’amène à consulter à nouveau le 28 juin 2001.

[28]           La travailleuse mentionne que les problèmes aux yeux s’estompaient lorsqu’elle était en congé mais réapparaissaient dès qu’elle retournait au travail. Il en est de même des maux de tête qu’elle a ressentis et qui sont devenus de plus en plus fréquents avec le temps. La travailleuse a remarqué que ses symptômes étaient plus importants lorsqu’elle devait procéder au lavage des machines. Elle ajoute avoir également ressenti comme une sensation de picotement au niveau de son nez comme si elle était enrhumée. À l’extérieur de son travail, elle mentionne que les symptômes disparaissaient.

[29]           Elle indique qu’avant d’exercer ce travail, elle n’a jamais éprouvé de problèmes au niveau de ses yeux. Actuellement, elle va bien.

[30]           Le docteur Serge Lecours a également témoigné à l’audience, à la demande de la travailleuse. Au soutien de son témoignage, ce médecin a déposé un rapport d’expertise médicale daté du 30 mai 2003. Au chapitre intitulé « Discussion », le docteur Lecours s’exprime comme suit :

« Il s’agit donc d’une patiente qui a travaillé à un poste de travail où il y avait de l’impression avec des agents chimiques dont des encres d’impression UV ainsi que des solvants. La patiente a présenté des symptômes que nous retrouvons dans les fiches signalétiques. Il s’agit essentiellement de symptômes d’irritation oculaire. Docteur Gutkowski mentionne aussi des symptômes reliés à une pharyngite, mais la patiente ne se souvient pas en avoir parlé en référence à la période de travail. La patiente réfère à des céphalées très intenses, ces symptômes sont donc compatibles avec une irritation à des solvants que nous retrouvons dans les fiches signalétiques. Notons que dans son cas nous n’avons pas la liste des ingrédients dangereux de manière claire vu la photocopie qui est incomplète. Cependant, dans cette même fiche nous retrouvons qu’il s’agit d’un produit très irritant.

 

Le docteur Camille a noté une anomalie des conjonctives lorsque rencontré le 28 juin 2001. Les examens subséquents étaient normaux.  La patiente a vu un ophtalmologiste, mais nous n’avons pas son rapport.

 

Nous retenons donc, un diagnostic de conjonctivite, rhinite (selon l’histoire) ainsi que des symptômes plus systémiques tels que céphalée et fatigue. Ces symptômes sont compatibles avec une surexposition à des solvants.

 

La relation s’établit par l’histoire de la patiente qui rapporte une amélioration à l’extérieur du travail et une aggravation lors du retour au travail. Cette information est d’ailleurs, reprise par le docteur Gutkowski. Nous retrouvons aussi, cette information dans les notes manuscrites médicales à l’été 2001.

 

En résumé, l’histoire médicale de madame Matyskiewcz en juin et juillet 2001 est compatible avec une intoxication aux produits utilisés au travail, principalement des solvants.  Notons que la conjonctivite la rhinite et les céphalées lorsqu’ils sont causés par des agents chimiques, représentent un effet d’intoxication (Cf. la définition d’intoxication par LAUWERYS).

 

Pour répondre à votre seconde question, je pense que le cas de madame Matyskiewcz répond aux critères de l’article 29. En effet, le toluène appartient à la classe des hydrocarbures aromatiques tel que mentionné au paragraphe 12 de la section 1 de l’annexe 1 de la LATMP. De même, l’acétone appartient à la classe des hydrocarbures aliphatiques. L’isopropanol appartient à cette même classe d’hydrocarbure aliphatique.  Au moins, un ingrédient du UV Screen printing Inks appartient à la classe des hydrocarbures aromatiques (Benzolphénone). »

 

 

[31]           À l’audience, le docteur Lecours indique qu’il maintient les conclusions auxquelles il en vient à son rapport d’expertise médicale et retient un diagnostic d’intoxication s’étant manifestée par une conjonctivite, une rhinite et des céphalées. Il souligne que les produits utilisés par la travailleuse soit l’Isopropanol 99%, le VR-1472 et le UV Screen printing Inks sont tous des produits qui s’évaporent. Il mentionne que la travailleuse a subi une conjonctivite de type allergique ou de type toxique mais que les données au dossier ne permettent pas de retenir un type ou l’autre. Il admet cependant que la mécanique lésionnelle la plus certaine demeure l’irritation.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[32]           Le procureur de la travailleuse plaide que l’opinion du docteur Lecours devrait être retenue et qu’il y a une preuve que la travailleuse a subi une intoxication par les hydrocarbures aliphatiques et aromatiques tel que prévu à l’annexe 1 de la loi et que la présomption édictée à l’article 29 de la loi devrait s’appliquer. Subsidiairement, il plaide que la preuve prépondérante est à l’effet qu’il y a une relation entre les diagnostics posés et le travail exercé par la travailleuse. Il souligne que les symptômes de la travailleuse sont les mêmes que ceux qui apparaissent aux fiches signalétiques déposées en preuve, que lesdits symptômes diminuaient ou s’estompaient lorsque la travailleuse était retirée de son milieu de travail et que cette dernière n’était plus exposée à des produits irritants pour les yeux.

[33]           De son côté, la représentante de l’employeur plaide que la ventilation du département de production s’effectue par un système indépendant ainsi que par deux portes extérieures pour le chargement et le déchargement de la marchandise et par une porte régulière. Elle souligne que plusieurs moyens de protection sont mis à la disposition des employés qui ne semblent pas les utiliser. Elle confirme, par ailleurs, que des odeurs sont perceptibles dans la salle de production.

L’AVIS DES MEMBRES

[34]           Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont d’avis que la preuve prépondérante est à l’effet que le 28 juin 2001, la travailleuse a subi une lésion professionnelle et plus particulièrement une maladie professionnelle.

[35]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis qu’on doit retenir un diagnostic d’intoxication par les hydrocarbures aliphatiques et aromatiques et que la présomption édictée à l’article 29 de la loi trouve application.

[36]           Pour sa part, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis qu’il existe une relation entre la conjonctivite de la travailleuse et le travail qu’elle exerçait.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[37]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le 28 juin 2001, la travailleuse a subi une lésion professionnelle.

[38]           L’article 2 de la loi définit ainsi la lésion professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[39]           Tout d’abord, il n’est nullement prétendu par la travailleuse ni soutenu par la preuve que le 28 juin 2001 soit survenu un accident du travail ou encore une récidive, rechute ou aggravation d’une lésion antérieure. La Commission des lésions professionnelles doit donc décider, comme le prétend la travailleuse, si le 28 juin 2001, elle a subi une maladie professionnelle.

[40]           L’article 2 de la loi définit ainsi la maladie professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[41]           Cette définition doit se lire avec les articles 29 et 30 de la loi qui prévoient ceci :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[42]           Afin de rendre sa décision et conformément aux dispositions de l’article 224 de la loi, la Commission des lésions professionnelles doit s’en remettre au diagnostic établi par le médecin traitant de la travailleuse soit le docteur Camille. Il appert qu’après une consultation avec le docteur Shirmer, ophtalmologiste, le diagnostic qui est retenu est celui d’une conjonctivite. La Commission des lésions professionnelles ne retient pas le diagnostic de pharyngite posé ultérieurement par le docteur Gutkowski, ce diagnostic n’ayant jamais été posé de façon contemporaine à l’arrêt de travail du 28 juin 2001 ni lors du suivi médical subséquent de la travailleuse. C’est d’ailleurs ce que confirme le docteur Lecours lorsqu’il mentionne que « la patiente ne se souvient pas en avoir parlé en référence à la période de travail ». 

[43]           La Commission des lésions professionnelles ne retient pas le diagnostic de rhinite posé par le docteur Lecours, médecin expert, puisque ce diagnostic n’a jamais été posé par le médecin traitant de la travailleuse. Au surplus, les examens cliniques faits de façon contemporaine à l’arrêt de travail du 28 juin 2001 sont négatifs au niveau du nez. La Commission des lésions professionnelles ne retient pas davantage le diagnostic d’intoxication pour les mêmes motifs et en raison du fait que, tel que reconnu par le docteur Lecours lui-même, la mécanique lésionnelle en l’espèce s’apparente beaucoup plus à une irritation qu’à une intoxication.

[44]           Finalement, les céphalées et la fatigue ressenties par la travailleuse constituent plutôt des symptômes systémiques et ne sont pas retenus à titre de diagnostics.

[45]           La Commission des lésions professionnelles retient donc le diagnostic de conjonctivite.

[46]           Ce diagnostic ne constitue pas l’une des maladies énumérées à l’annexe 1 de la loi et, en conséquence, la présomption de maladie professionnelle édictée à l’article 29 précité ne peut s’appliquer au présent cas.

[47]           Il reste donc à déterminer si les dispositions de l’article 30 précité trouvent application.

[48]           D’abord, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la preuve présentée ne permet pas de conclure que la maladie de la travailleuse est caractéristique du travail de journalier chez l’employeur.

[49]           Cependant, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que cette maladie est reliée directement aux risques particuliers du travail effectué par la travailleuse chez l’employeur pour les raisons ci-après exposées.

[50]           Il appert que la travailleuse a exercé son travail de journalier, à temps plein, du mois de mars 2001 au 28 juin 2001. Dans le cadre de son travail, elle a utilisé quotidiennement des produits chimiques et des solvants. La Commission des lésions professionnelles en conclut qu’au moment où la travailleuse a exercé son travail, elle a été exposée à des produits irritants.

[51]           Les fiches signalétiques déposées au dossier indiquent que l’exposition à de tels produits peut entraîner des symptômes d’irritation oculaire.

[52]           La travailleuse a effectivement présenté ce genre de symptômes et une conjonctivite a été diagnostiquée.

[53]           La Commission des lésions professionnelles tient également compte de la preuve d’une relation temporelle entre l’apparition des symptômes de la travailleuse et l’exercice de son travail. En effet, avant d’exercer ce travail, la travailleuse n’éprouvait pas de symptômes. Ceux-ci apparaissent graduellement au travail et dès que la travailleuse est retirée de son milieu de travail, la symptomatologie diminue et même disparaît.

[54]           De plus, la Commission des lésions professionnelles retient l’opinion bien étayée du docteur Lecours à l’audience. Il en ressort que le travail exercé par la travailleuse est responsable de la conjonctivite dont elle a souffert.

[55]           La Commission des lésions professionnelles estime donc que les dispositions de l’article 30 de la loi s’appliquent en l’espèce et que le 28 juin 2001, la travailleuse a subi, en raison des risques particuliers de son travail soit l’exposition à des produits irritants, une maladie professionnelle soit une conjonctivite.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de la travailleuse, madame Alicja Matyskiewcz;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 18 juillet 2002 à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que le 28 juin 2001, la travailleuse a subi une lésion professionnelle.

 

 

 

__________________________________

 

Me Danièle Gruffy

 

Commissaire

 

 

 

 

F.A.T.A. - Montréal

Me Jacques Lauzon

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

Dany Miville

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

 

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.