Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

26 octobre 2006

 

Région :

Laurentides

 

Dossiers :

245646-64-0410-R2           257962-64-0503-R2

 

Dossier CSST :

123348112

 

Commissaire :

Me Mireille Zigby

 

Membres :

Lise Tourangeau-Anderson, associations d’employeurs

 

Allen Robindaine, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Mario Lefebvre

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Les Agences Kyoto ltée

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Monsieur Mario Lefebvre (le travailleur) demande la révocation d’une décision rendue le 30 mars 2006 par la Commission des lésions professionnelles et la révision d’une autre décision rendue le 8 septembre 2005 par la Commission des lésions professionnelles.

[2]                La décision du 30 mars 2006 rejette la requête en révision que le travailleur avait présentée le 24 octobre 2005 à l’encontre de la décision rendue le 8 septembre 2005.

[3]                La décision du 8 septembre 2005 rejette la contestation du travailleur, retient comme diagnostic celui de douleur de spondylose simple référée à la région inguino - scrotale droite et déclare que ce diagnostic n’est pas relié à l’événement survenu le 3 février 2003 et ne constitue pas une lésion professionnelle.

[4]                À l’audience, le travailleur et son procureur sont présents. La compagnie Les Agences Kyoto ltée (l’employeur) est représentée.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[5]                Le travailleur demande de révoquer la décision rendue le 30 mars 2006 au motif qu’il n’a pu se faire entendre sur sa requête en révision.

[6]                Il demande également d’accueillir sa requête en révision du 24 octobre 2005 et de réviser la décision rendue le 8 septembre 2005 au motif que cette décision est entachée de plusieurs erreurs de droit manifestes et déterminantes, lesquelles sont assimilables à autant de vices de fond de nature à l’invalider.

[7]                Sur le fond, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que la douleur référée à la région inguinale droite est une conséquence de l’entorse dorsolombaire qu’il a subie le 3 février 2003 et qu’il s’agit de séquelles de cette entorse.

L’AVIS DES MEMBRES

[8]                Conformément à l’article 429.50 de Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), la soussignée a obtenu l’avis des membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs.

[9]                Les deux membres sont d’avis qu’il y a lieu de révoquer la décision rendue le 30 mars 2006 car le travailleur n’a manifestement pas eu l’occasion de se faire entendre sur sa requête en révision.

[10]           Les deux membres sont, par ailleurs, d’avis qu’aucun motif de révision n’a été démontré à l’égard de la décision qui a été rendue le 8 septembre 2005.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[11]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur requérant a démontré un motif donnant ouverture à la révocation demandée en ce qui concerne la décision qui a été rendue le 30 mars 2006.

[12]           Advenant qu’il y ait matière à révocation en ce qui concerne cette décision, la Commission des lésions professionnelles devra également décider si le travailleur requérant a démontré un motif donnant ouverture à la révision demandée en ce qui concerne la décision qui a été rendue le 8 septembre 2005.

La décision du 30 mars 2006

[13]           L’article 429.56 de la loi permet la révision ou la révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans les cas suivants :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[14]           La requête du travailleur, en ce qui concerne la décision du 30 mars 2006, réfère au deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Le travailleur allègue qu’il n’a pas eu l’occasion de se faire entendre sur la requête en révision qu’il avait présentée, le 24 octobre 2005, à l’encontre de la décision rendue le 8 septembre 2005 par la Commission des lésions professionnelles.

[15]           Les faits sont les suivants.

[16]           Le travailleur est convoqué à une audience sur sa requête en révision du 24 octobre 2005. Cette audience doit avoir lieu le 22 mars 2006. Le travailleur se présente à la Commission des lésions professionnelles le jour de l’audience. Il attend son représentant, monsieur Marc Caissy, qui arrive un peu plus tard. À l’arrivée de ce dernier, ils s’installent dans une salle de consultation adjacente à la salle d’audience pour discuter du dossier. Le travailleur est alors informé que son représentant a l’intention de se retirer du dossier et de demander une remise afin qu’il puisse se trouver un avocat. Son représentant n’est pas avocat et il croit préférable que le travailleur soit représenté par un avocat au niveau du recours en révision.

[17]           Selon le témoignage du travailleur, son représentant ne souhaitait pas qu’il l’accompagne dans la salle d’audience. Il préférait se présenter seul devant le commissaire pour demander la remise. Le travailleur mentionne qu’il n’était pas d’accord. Il aurait voulu entrer dans la salle d’audience lui aussi et parler lui-même au commissaire mais il dit que son représentant lui a fait comprendre qu’il était préférable qu’il ne le fasse pas. C’est dans ce contexte qu’il a quitté les lieux avec l’assentiment de son représentant. Ce dernier s’est présenté seul devant le commissaire mais sa remise ne fut pas accueillie. Le représentant ayant obtenu la permission de se retirer du dossiser, il a quitté la salle d’audience et l’affaire a procédé en l’absence du travailleur et du représentant.

[18]           Dans la décision qui a été rendue le 30 mars 2006, le commissaire fait état de ces absences :

[…]

 

[3] À l’audience tenue le 22 mars 2006, le travailleur était absent et non représenté.  L’employeur était présent et représenté par procureure.

 

[…]

 

 

[19]           Il explique également, aux paragraphes suivants, pourquoi il a quand même décidé de procéder à l’audition de la requête :

[…]

 

[13] Avant de procéder à l’analyse de la décision rendue le 8 septembre 2005, le tribunal est d’avis qu’il y a lieu de souligner d’abord qu’avant l’audience du 22 mars 2006, le travailleur était présent et accompagné par son représentant, monsieur Marc Caissy et ce, dans une salle de consultation adjacente à la salle d’audience. Lorsque les parties ont été convoquées au début de l’audience, le travailleur était absent. Monsieur Caissy a demandé la permission de se retirer du dossier, parce qu’il y avait mésentente entre lui et le travailleur. Monsieur Caissy a alors informé le tribunal que le travailleur avait quitté.

 

[14] Le tribunal souligne qu’il a tenté de rejoindre le travailleur au numéro de téléphone indiqué au procès-verbal, mais qu’il n’a obtenu aucune réponse.

 

[15] Compte tenu que le travailleur avait quitté sans informer le tribunal des motifs de son comportement, il a été décidé de procéder à l’audience sur le mérite de la requête en révision.

 

[…] 

 

 

[20]           Lors de son témoignage, le travailleur mentionne qu’il était persuadé que la remise avait été accordée. C’est lors d’une rencontre avec un conciliateur de la Commission des lésions professionnelles, dans le cadre d’un autre dossier, quelques jours plus tard, qu’il a été incité à vérifier auprès de la Commission des lésions professionnelles ce qu’il était advenu de sa demande de remise. Cette vérification lui a permis d’apprendre que le commissaire avait procédé à l’audition de sa requête malgré son absence et que le dossier était en délibéré.

[21]           Le travailleur écrit donc une lettre au commissaire, le 3 avril 2006, afin de lui expliquer pourquoi il était absent à l’audience du 22 mars 2006 et lui exposer les motifs pour lesquels, selon lui, la décision du 8 septembre 2005 devrait être révisée. Il demande au commissaire de tenir compte de ses commentaires avant de rendre sa décision.

[22]           Entre-temps, le commissaire rend sa décision. C’est la décision du 30 mars 2006 mais le travailleur ne l’a pas encore reçue au moment où il écrit sa lettre.

[23]           La lettre du travailleur est traitée comme une requête en révision de la décision rendue le 8 septembre 2005 comme le montre l’accusé de réception de la Commission des lésions professionnelles en date du 5 avril 2006 :

« Nous avons reçu votre requête en révision ou en révocation de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles ainsi qu’une demande pour la tenue d’une audience. Cette requête concerne la décision rendue le 08 septembre 2005.

 

[…] »

 

 

[24]           À l’audience, le procureur du travailleur demande de considérer la lettre du 3 avril 2006 comme une requête en révocation de la décision rendue le 30 mars 2006, dans les circonstances, puisque cette décision a été rendue sans que le travailleur n’ait eu l’occasion de se faire entendre à cause d’un malentendu. Il insiste sur le fait que le travailleur croyait de bonne foi qu’une remise allait être accordée.

[25]           À la lumière de ces faits, il apparaît évident que le travailleur n’a pu se faire entendre pour des raisons que le tribunal juge suffisantes. En effet, si le travailleur ne s’est pas présenté devant le commissaire le 22 mars 2006 et qu’il a quitté les lieux, c’est parce que son représentant lui a dit qu’il était préférable qu’il ne se présente pas devant le tribunal. Son représentant l’avait assuré qu’une remise serait accordée et le travailleur a cru de bonne foi que cela avait été le cas.

[26]           Le représentant du travailleur n’aurait pas dû refuser que le travailleur l’accompagne dans la salle d’audience. Le travailleur avait non seulement le droit mais le devoir d’être présent et compte tenu que son représentant avait l’intention de demander à la Commission des lésions professionnelles la permission de se retirer du dossier, c’est le travailleur lui-même qui aurait dû demander la remise de l’audience. De plus, le représentant n’aurait pas dû présumer que la demande de remise serait accueillie. Le travailleur était absent parce qu’il a été mal conseillé et il a quitté les lieux sur un malentendu, soit avec l’assurance que l’audience allait être remise. Ce n’est pas ce qui s’est produit. Les explications contenues dans la lettre du travailleur, en date du 3 avril 2006, auraient pu donner lieu à une réouverture d’enquête afin de lui permettre d’être entendu mais cette lettre est arrivée trop tard. La décision avait déjà été rendue et le travailleur n’a pas eu l’occasion de se faire entendre.

[27]           Le travailleur n’ayant pas pu se faire entendre pour des raisons jugées suffisantes, la décision rendue le 30 mars 2006 doit être révoquée afin de donner au travailleur l’opportunité de se faire entendre sur le mérite de la requête en révision qu’il a présentée, le 24 octobre 2005, à l’encontre de la décision qui a été rendue le 8 septembre 2005.

[28]           Cette opportunité lui ayant été donnée à l’audience, le tribunal entend disposer maintenant de cette requête et procéder à l’examen de la décision du 8 septembre 2005 qui en fait l’objet.

La décision du 8 septembre 2005

[29]           La requête en révision du travailleur, à l’encontre de la décision qui a été rendue le 8 septembre 2005, s’appuie sur le troisième paragraphe de l’article 429.56 de la loi, soit le vice de fond de nature à invalider la décision.

[30]           Selon une jurisprudence bien établie de la Commission des lésions professionnelles depuis les décisions de principe rendues dans les affaires Donohue[2] et Franchellini[3], la notion de « vice de fond … de nature à invalider la décision » réfère à une erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur le sort du litige.

[31]           L’erreur manifeste a été interprétée comme étant celle qui méconnaît une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un élément de preuve important ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[4].

[32]           Dans l’arrêt Fontaine[5] récemment rendu par la Cour d’appel, l’Honorable juge Morissette mentionne que « … la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur sont des traits distincts susceptibles d’en faire un vice de fond de nature à invalider [une] décision ». Il parle également d’une « erreur manifeste … voisine d’une forme d’incompétence » pour qualifier le vice de fond. Il ne peut s’agir d’une simple question d’appréciation des faits ou d’interprétation du droit. Cet arrêt invite la Commission des lésions professionnelles à la plus grande retenue dans l’exercice de son pouvoir de révision interne. Il y a lieu de citer l’extrait suivant des propos du juge Morisette concernant la notion de vice de fond :

[…]

 

[…]

 

On voit donc que la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur sont des traits distincts susceptibles d’en faire « un vice de fond de nature à invalider [une] décision. »

 

[51] En ce qui concerne la raison d’être de la révision pour un vice de fond de cet ordre, la jurisprudence est univoque. Il s’agit de rectifier les erreurs présentant les caractéristiques qui viennent d’être décrites. Il ne saurait s’agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins moins défendable que la première51. Intervenir en révision pour ce motif commande la réformation de la décision par la Cour supérieure car le tribunal administratif «commits a reviewable error when it revokes or reviews one of its earlier decisions merely because it disagrees with its findings of fact, its interpretation of a statute or regulation, its reasoning or even its conclusions»52L’interprétation d’un texte législatif «ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique»53 mais, comme «il appart[ient] d’abord aux premiers décideurs spécialisés d’interpréter»54 un texte, c’est leur interprétation qui, toutes choses égales d’ailleurs, doit prévaloir. Saisi d’une demande de révision pour cause de vice de fond, le tribunal administratif doit se garder de confondre cette question précise avec celle dont était saisie la première formation (en d’autres termes, il importe qu’il s’abstienne d’intervenir s’il ne peut d’abord établir l’existence d’une erreur manifeste et déterminante dans la première décision)55.  Enfin, le recours en révision «ne doit […] pas être un appel sur la base des mêmes faits» : il s’en distingue notamment parce que seule l’erreur manifeste de fait ou de droit habilite la seconde formation à se prononcer sur le fond, et parce qu’une partie ne peut «ajouter de nouveaux arguments» au stade de la révision56.

____________

51    Voir l’arrêt Godin, supra, note 12, paragr. 47 (le juge Fish) et 165 (le juge Chamberland) et l’arrêt Bourassa, supra, note 10, paragr. 22

52    Ibid., paragr. 51.

53        Arrêt Amar, supra, note 13, paragr. 27.

54    Ibid., paragr. 26

55    Supra, note 10, paragr. 24.

56    Ibid., paragr. 22.

 

 

[33]           Le tribunal estime qu’aucune erreur de cette nature n’a été démontrée dans le cas présent.

[34]           Les faits sont brièvement les suivants :

[35]           Le travailleur a subi une lésion professionnelle le 3 février 2003 et un diagnostic d’entorse lombaire a été retenu en relation avec cette lésion, laquelle fut consolidée le 11 juin 2003 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[36]           De façon contemporaine à cet événement, le travailleur a présenté une douleur au niveau de la région inguino-scrotale droite. Le litige devant la commissaire siégeant au mérite (la première commissaire) portait sur cette manifestation douloureuse dont il s’agissait de préciser le diagnostic et de déterminer si elle était en relation avec l’événement survenu le 3 février 2003 et pouvait être considérée, elle aussi, comme une lésion professionnelle. Advenant qu’il s’agisse d’une lésion professionnelle, la première commissaire devait également se prononcer sur les autres aspects médicaux de celle‑ci, lesquels avaient fait l’objet d’un avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale.

[37]           Après analyse de la preuve, la première commissaire a conclu que le diagnostic à retenir pour rendre compte de cette douleur inguino-scrotale droite était celui de « douleur de spondylose simple référée à la région inguino-scrotale droite » et qu’il s’agissait là d’une condition personnelle préexistante non en relation avec l’événement du 3 février 2003. Les raisons qui ont amené la commissaire à conclure ainsi sont exposées aux paragraphes suivants de la décision qui a été rendue le 8 septembre 2005 :

[41] Le tribunal estime plutôt que la preuve médicale prépondérante milite en faveur du diagnostic posé par le docteur Raymond — le diagnostic de douleur de spondylose simple référée à la région inguino-scrotale droite — pour expliquer la manifestation douloureuse inguino-scrotale droite présentée par monsieur Lefebvre. 

 

[42] Effectivement, ce diagnostic rejoint celui posé par le docteur Jean-François en date du 19 mars 200415.  Dans un rapport complémentaire du 11 avril 2005, le docteur Jean‑François écrit que monsieur Lefebvre « présente trois éléments qui favorisent des problèmes de douleur lombaire avec possibilité d'irradiation » et que ces pathologies préexistantes sont toutes en mesure de provoquer de la douleur et d'entraîner une symptomatologie référée au niveau inguinal. 

 

[43] Le docteur Jean-François émet également l'opinion selon laquelle il y a un « vice » à associer la symptomatologie au niveau inguinal à l'effort modéré posé par monsieur Lefebvre en date du 3 février 2003 considérant l'importance relative des conditions personnelles préexistantes présentées par rapport au caractère léger du fait accidentel du 3 février 2003. 

 

[44] Le docteur Jean-François ajoute que l'entorse lombaire subie par monsieur Lefebvre le 3 février 2003 était banale et qu'elle a été consolidée le 11 juin 2003 sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.  À son avis, cette pathologie ne peut expliquer les douleurs référées à la région inguinale.

 

[45] L'opinion du docteur Jean-François est partagée par l'orthopédiste Bouchard qui écrit dans son rapport du 10 septembre 2003 que la douleur inguino-scrotale « ne pourrait logiquement être expliquée par la blessure d'entorse lombaire ».

 

[46] L'opinion de la physiatre Lavoie est au même effet puisque cette dernière écrit qu'elle ne peut expliquer la symptomatologie de monsieur Lefebvre par un problème dorsal ou lombaire.

 

[47] Le tribunal retient donc de l'ensemble de ces avis médicaux que le diagnostic qui explique le mieux les douleurs inguino-scrotales présentées par monsieur Lefebvre est celui posé par le docteur Raymond, soit celui de douleur de spondylose simple référée à la région inguino-scrotale droite, et que cette lésion ne constitue pas une lésion professionnelle résultant de l'événement du 3 février 2003, mais correspond à une condition personnelle préexistante.

 

[48] La Commission des lésions professionnelles estime, d’autre part, qu'il n'y a pas lieu de conclure à l'aggravation d'une condition personnelle.

 

[49] Selon la théorie du crâne fragile, une condition préexistante n’est pas un obstacle à la reconnaissance d’une lésion professionnelle dans la mesure où il est établi, dès le départ, qu’un événement inhabituel, dans le cadre du travail, aggrave ou déstabilise cette condition.

 

[50] Dans le présent dossier, le représentant de monsieur Lefebvre n'a pas plaidé l'aggravation d'une condition préexistante et n'a pas offert de preuve pour tenter de démontrer que le fait accidentel du 3 février 2003 a aggravé ou déstabilisé les conditions personnelles préexistantes que monsieur Lefebvre présente au niveau lombaire. 

 

[51] Il est vrai que la symptomatologie au niveau inguino-scrotal est apparue de façon contemporaine à l'événement.  Toutefois, ce seul élément ne convainc pas le tribunal de l'existence d'une relation de cause à effet entre l'événement du 3 février 2003 et la manifestation de douleurs inguino-scrotales.  En effet, la banalité de l'événement et le fait que l'entorse lombaire a été consolidée dès le 11 juin 2003, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, alors que le problème de douleur au niveau inguino-scrotal a persisté bien au-delà de cette période sont des éléments qui ne militent pas dans le sens de l'hypothèse de l'aggravation ou de la déstabilisation d'une condition personnelle préexistante.

 

[52] Tel que le souligne le docteur Raymond dans son rapport, l'examen du rachis lombaire de l'orthopédiste Bouchard fait en août 2003 et celui de l'orthopédiste Lamarre fait en septembre 2003 étaient normaux.  Le docteur Raymond rapporte que le tableau clinique a fluctué par la suite puisque le docteur Imbeault décrit un blocage de la rotation en novembre 2004 alors qu'en décembre 2004, il décrit un examen normal à ce niveau.  Le docteur Raymond conclut que l'ensemble des éléments au dossier lui laisse croire qu'il y a eu « présence d'une façon intermittente de dysfonction lombaire accompagnée de cruralgie droite ».

 

[53] la douleur de spondylose simple référée à la région inguino-scrotale droite ne peut donc être considérée comme une lésion professionnelle.

 

[54] En raison des conclusions auxquelles en arrive le tribunal dans ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles estime qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la date de consolidation, la nécessité de traitements et l'existence d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles en relation avec la douleur de spondylose simple référée à la région inguino-scrotale droite.

____________

15        Discopathie, dégénérescence discale L4‑L5 et spondylolisthésis L5‑S1 grade I/IV »

 

 

[38]           Le travailleur demande la révision de cette décision pour les motifs qu’il expose ainsi dans sa requête :

« […]

 

5.   La décision du commissaire (…), contient des erreurs fondamentales, sérieuses et manifestement déraisonnables, lesquelles ont eu un effet déterminant sur le sort de la contestation présentée par le travailleur, tel que le tout sera plus amplement démontré lors de l’audition de la présente requête.

6.   La CLP n’a nullement tenu compte de l’historique du travailleur qui se plaignait depuis le début, de douleur au niveau inguino-scrotale.

 

7.   La CLP, a ignoré les explications du Dr Sarto Imbault, bien que celles-ci étaient soutenus par une littérature médicale abondante.

 

[…] » (sic)

 

 

[39]           À l’audience, le nouveau procureur du travailleur plaide que la première commissaire a commis une erreur de droit manifeste et déterminante en ne retenant pas la thèse du docteur Imbault et en considérant la douleur inguino-scrotale droite comme une lésion distincte alors qu’il s’agit d’une séquelle de l’entorse subie par le travailleur le 3 février 2003, laquelle aurait dû donner lieu à la reconnaissance d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Il reproche à la première commissaire de ne pas avoir considéré tous les faits, d’avoir omis d’analyser le dossier sous l’angle de l’aggravation d’une condition préexistante si elle considérait que la douleur au niveau inguino-scrotal était d’origine personnelle et surtout, de ne pas avoir accordé une force prépondérante à l’opinion du docteur Imbault. Il reconnaît, toutefois, que la preuve médicale était contradictoire et que deux thèses s’affrontaient, dans le présent dossier, quant à l’origine de cette douleur inguino-scrotale droite.

[40]           Le tribunal ne peut retenir aucun des arguments soumis par le procureur du travailleur.

[41]           D’abord, en ce qui concerne le fait que la commissaire n’aurait pas considéré qu’il puisse s’agir de l’aggravation d’une condition préexistante, mentionnons immédiatement qu’il s’agit d’un nouvel argument qui n’a pas été plaidé devant la première commissaire comme on peut le constater à la lecture du paragraphe [50] de la décision. La commissaire mentionne même, à ce paragraphe, que le représentant du travailleur n’a fait aucune preuve pour tenter de démontrer que l’événement du 3 février 2003 avait aggravé ou déstabilisé les conditions personnelles préexistantes que le travailleur présente au niveau lombaire. Or, le recours en révision n’existe pas pour permettre à une partie de bonifier sa preuve ou de faire valoir de nouveaux arguments.

[42]           Quant aux autres arguments, ils concernent tous la façon dont la première commissaire a apprécié la preuve, ce qui ne constitue pas non plus un motif de révision comme nous l’avons vu précédemment à la lumière de la jurisprudence. La preuve médicale soumise à la Commission des lésions professionnelles était une preuve contradictoire comme le reconnaît, d’ailleurs, le procureur du travailleur. La première commissaire qui, faut-il le rappeler, était assistée d’un assesseur médical, a analysé cette preuve de façon rigoureuse et exhaustive. Sa conclusion s’appuie sur l’opinion de plusieurs experts qui n’établissaient pas de relation entre la douleur inguino-scrotale droite et l’entorse survenue le 3 février 2003. La première commissaire n’avait aucune obligation de retenir la thèse opposée défendue par le docteur Imbault et elle n’a commis aucune erreur en ne la retenant pas. Il lui appartenait de déterminer où se situait la prépondérance de la preuve dans le cadre de son appréciation de celle-ci. L’appréciation de la preuve relève exclusivement du commissaire qui entend l’affaire au mérite. Le commissaire siégeant en révision n’a pas à réapprécier cette preuve de nouveau car il ne s’agit pas d’un appel. C’est pourtant ce que cherche à obtenir le travailleur par le biais de sa requête.

[43]           La décision qui a été rendue le 8 septembre 2005 est bien motivée. Elle s’appuie sur plusieurs éléments de preuve auxquels la première commissaire a accordé une force prépondérante. La démarche de la commissaire est rationnelle, logique et cohérente. À la lecture de la décision, on peut facilement suivre son raisonnement et comprendre pourquoi elle est arrivée à la conclusion qui est la sienne. Le tribunal ne voit aucune erreur manifeste et déterminante de droit ou de faits dans la décision qui a été rendue. Rien ne le justifie d’intervenir pour réviser cette décision.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révocation du travailleur, monsieur Mario Lefebvre, concernant la décision rendue le 30 mars 2006;

RÉVOQUE la décision qui a été rendue le 30 mars 2006 par la Commission des lésions professionnelles;

ET

REJETTE la requête en révision de monsieur Mario Lefebvre concernant la décision qui a été rendue le 8 septembre 2005 par la Commission des lésions professionnelles.

 

 

__________________________________

 

Me Mireille Zigby

 

Commissaire

 

 

Me André Legault

ALARIE, LEGAULT, HÉNAULT

Procureur de la partie requérante

 

 

Me Émilie Lessard

BÉCHARD, MORIN & ASS.

Procureure de la partie intéressée

 

JURISPRUDENCE DÉPOSÉE PAR LE TRAVAILLEUR

 

 

Fernandes et Dominion Bridge inc. C.L.P. 106678-712-9810, 10 février 2000, G. Robichaud

 

 

JURISPRUDENCE DÉPOSÉE PAR L’EMPLOYEUR

 

 

Rodrigue et Béton St-Éphrem inc., C.L.P. 111991-03B-9903-R, 4 août 2000, M. Carignan

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Produits forestiers Dohonue inc. et Villeneuve [1998] C.L.P. 733 .

[3]           Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 783 .

[4]           Desjardins et Réno-Dépôt inc. [1999] C.L.P. 898 ; Thériault et Commission scolaire des Portages de l’Outaouais, C.L.P. 91038-07-9708, 30 mars 1999, B. Lemay; Commission de la santé et de la sécurité du travail et Aliments Or-Fil, C.L.P. 86173-61-9702, 24 novembre 1998, S. Di Pasquale.

[5]           Commission de la santé et de la sécurité du travail  c. Fontaine [2005] C.L.P. 626 (C.A).

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