Financière agricole du Québec c. Ferme Vi-ber inc. |
2014 QCCA 1886 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
500-09-022462-121; 500-09-022461-123 |
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(750-17-001373-087) (750-17-001822-109) |
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DATE : |
Le 14 octobre 2014 |
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No : 500-09-022462-121 |
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FINANCIÈRE AGRICOLE DU QUÉBEC |
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APPELANTE - Défenderesse |
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c. |
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FERME VI-BER INC. |
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INTIMÉE - Demanderesse |
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No : 500-09-022461-123 |
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FINANCIÈRE AGRICOLE DU QUÉBEC |
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APPELANTE - Défenderesse |
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c. |
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SIMON CLOUTIER ET AL.[1] |
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INTIMÉES - Demanderesses |
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DOSSIER 500-09-022462-121 :
[1] La Financière agricole du Québec se pourvoit contre un jugement rendu le 3 février 2012 par la Cour supérieure, district de Saint-Hyacinthe (l'honorable Michèle Monast), qui accueille en partie la requête introductive d’instance amendée de Ferme Vi-Ber inc. et la condamne à lui payer 71 479,12 $, avec intérêts et indemnité additionnelle depuis le 1er avril 2008, avec dépens.
[2] Pour les motifs de la juge Savard, auxquels souscrivent les juges Hilton et Gagnon, LA COUR :
[3] ACCUEILLE l’appel;
[4] INFIRME le jugement de première instance;
[5] REJETTE la requête introductive d’instance amendée de Ferme Vi-Ber inc.;
[6] Chaque partie payant ses frais, tant en première instance qu’en appel.
DOSSIER 500-09-022461-123 :
[7] La Financière agricole du Québec se pourvoit contre un jugement rendu le 3 février 2012 par la Cour supérieure, district de Saint-Hyacinthe (l'honorable Michèle Monast), qui accueille en partie la requête introductive d’instance ré-réamendée de Simon Cloutier et al. et la condamne à leur payer respectivement la somme indiquée au paragraphe 179 dudit jugement, avec intérêts et indemnité additionnelle depuis le 1er avril 2008, avec dépens.
[8] Pour les motifs de la juge Savard, auxquels souscrivent les juges Hilton et Gagnon, LA COUR :
[9] ACCUEILLE l’appel;
[10] INFIRME le jugement de première instance;
[11] REJETTE la requête introductive d’instance ré-réamendée de Simon Cloutier et al.;
[12] Chaque partie payant ses frais, tant en première instance qu’en appel.
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MOTIFS DE LA JUGE SAVARD |
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[13] Les intimées, au nombre de 135, sont des entreprises agricoles qui participent au Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles (« Programme Asra ») adopté par l’appelante, la Financière agricole du Québec.
[14] Selon la juge de première instance, la Financière agricole ne leur a pas versé les compensations auxquelles elles ont droit en vertu du Programme Asra pour l’année 2007, de sorte qu’elle la condamne à leur payer le solde dû, totalisant près de 15 millions de dollar[2]. Elle estime que la décision de la Financière agricole de prendre en compte l’aide financière reçue par les intimées en vertu de programmes fédéraux sur une base collective plutôt qu’individuelle aux fins de déterminer leur compensation respective est déraisonnable et ne respecte pas les termes du Programme Asra.
[15] La Financière agricole se pourvoit et plaide que la juge de première instance a erronément qualifié le Programme Asra de contrat d’assurance, faussant ainsi l’ensemble de son analyse. Selon elle, le Programme Asra lui confère le pouvoir de déterminer la façon dont elle tient compte de l’aide financière reçue par les adhérents aux fins du calcul de la compensation. Ayant exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable et dans l’intérêt de l’ensemble des adhérents, la juge de première instance aurait dû faire preuve de déférence et refuser d’intervenir.
[16] La question centrale que soulève ce pourvoi consiste à qualifier la nature juridique du Programme Asra et les règles d’interprétation qui lui sont applicables[3].
[17] Pour les raisons qui suivent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et de rejeter les actions des intimées.
[18] Pour une bonne intelligence du pourvoi, il importe, d’abord, de situer les parties et expliquer la nature du Programme Asra, pour ensuite revoir, dans ses grandes lignes, la méthode retenue par la Financière agricole pour prendre en considération l’aide financière provenant des programmes fédéraux en 2007 aux fins du calcul de la compensation. On peut se reporter aux paragraphes 1 à 93 du jugement entrepris pour connaître le détail de la preuve présentée en première instance.
[19] La Financière agricole est une personne morale de droit public, mandataire de l’État, et constituée en vertu de la Loi sur la Financière agricole du Québec (« la Loi »)[4]. Cette société a principalement pour mission de soutenir et promouvoir le développement du secteur agricole et agroalimentaire québécois, dans une perspective de développement durable[5]. À cette fin, elle met à la disposition des entreprises agricoles des programmes « […] de protection du revenu, d’assurance et de financement agricole adaptés à la gestion des risques inhérents à ce secteur d’activités »[6], dont elle détermine les conditions et limites d’application[7].
[20] En 2001, la Financière agricole adopte le Programme Asra, qui se trouve à remplacer le Régime d’assurance-stabilisation des revenus agricoles administré jusqu’alors par la Régie des assurances agricoles du Québec[8]. Celui-ci est par la suite modifié, de sorte que la version du 31 décembre 2006[9] est celle en vigueur au cours de l’année 2007.
[21] Ce programme s’adresse à certains secteurs agricoles[10] et vise à garantir un revenu annuel positif malgré les fluctuations des marchés. Lorsque le prix du marché est inférieur aux coûts de production, la Financière agricole verse aux adhérents une compensation, dont le calcul repose sur les paramètres d’une ferme-type. Il s’agit d’un programme volontaire auquel participent, en 2007, près de 17 000 entreprises agricoles, dont les intimées.
[22] L’objectif du Programme Asra est ainsi décrit :
1. Le Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles a pour objectif de garantir un revenu annuel net positif aux entreprises agricoles ou catégories d’entreprises agricoles qui opèrent selon les structures de production et de mise en marché prévues aux sections suivantes. À cette fin, une compensation est versée à l’adhérent par La Financière agricole du Québec lorsque le revenu annuel net est inférieur au revenu annuel net stabilisé.
[…]
(je souligne)
[23] La compensation à laquelle l’adhérent a droit est ainsi fonction de deux notions définies au Programme Asra, soit d’une part, le revenu annuel net et, d’autre part, le revenu annuel net stabilisé.
[24] Le revenu annuel net correspond essentiellement aux résultats de la ferme-type spécialisée, dont la description propre à chaque produit assurable se trouve au tableau 4 de l’article 86. Il est établi par la Financière agricole sur la base d’une étude économique d’une ferme-type spécialisée propre à chacun des produits (ou sous-produits) couverts par le Programme Asra (art. 87). Il correspond, pour chaque unité d’un produit assurable, aux recettes annuelles diminuées des déboursés monétaires et de la dépréciation, dont les modalités de détermination sont énoncées au Programme Asra (art. 86 à 88 et 91).
[25] Seules la définition de « recettes annuelles » et ses modalités de détermination sont pertinentes aux fins du présent pourvoi. Celles-ci sont calculées pour chaque unité d’un produit assurable et composées essentiellement des revenus provenant de la vente d’un produit, majorés « des compensations, subventions ou octrois venant d’organismes gouvernementaux obtenus durant l’année » (art. 2). Je reviendrai sur ce dernier aspect.
[26] Le revenu annuel net stabilisé est également établi pour chaque unité d’un produit couvert par le Programme Asra, après consultation des représentants des entreprises agricoles (art. 2 et 89). Techniquement, il est calculé sur la base d’un pourcentage (variant selon le produit entre 70 et 90 %) du « salaire régulier annuel moyen de l’ouvrier spécialisé » (ou d’une portion de celui-ci, variant entre 0.38 et 1.35), fixé en 2000 à 42 461 $[11] (et indexé par la suite).
[27] La Financière agricole verse une compensation lorsque, pour un produit assurable donné, le revenu annuel net de la ferme-type spécialisée est inférieur au revenu annuel net stabilisé, laquelle correspond à la différence entre ces deux revenus (art. 92) (ou autrement dit, en des termes moins techniques, lorsque le prix du marché est inférieur aux coûts de production (incluant la rémunération du producteur)). Ainsi, la compensation versée à un adhérent est déterminée sans égard à sa situation financière en ce qu’elle ne tient pas compte du revenu réel de ses ventes ni de son coût individuel de production; elle est plutôt fonction du type de production et de son propre volume de produits assurés (art. 5).
[28] Les compensations sont versées à même le Fonds d’assurance stabilisation des revenus agricoles, auquel contribuent les adhérents et la Financière agricole dans une proportion d’un tiers, deux tiers (art. 80). Le montant de la contribution, qui peut être revu en cours d’année, est déterminé par cette dernière qui voit également à l’administration du Fonds au bénéfice des adhérents (art. 6).
[29] Une entreprise agricole qui désire adhérer au Programme Asra doit s’engager pour une période de cinq ans (art. 16). La Financière agricole lui délivre un certificat attestant de son adhésion, tout en lui remettant une copie du Programme Asra (art. 20). Les droits conférés à un adhérent en vertu du Programme Asra, ainsi que ses obligations, sont sujets aux modifications qui peuvent lui être apportées annuellement (art. 21).
[30] Entre 1998 et 2008, le gouvernement fédéral intervient pour soutenir et promouvoir le développement de l’agriculture au pays en mettant sur pied divers programmes d’aide financière au bénéfice des entreprises agricoles, dont le Programme canadien de l’assurance-stabilisation des revenus agricoles. Au Québec, ces interventions ont pris la forme de transferts d’une somme globale à la Financière agricole, qui a vu à sa redistribution aux adhérents, ou encore de paiements versés directement aux producteurs agricoles, chaque programme ayant ses propres particularités.
[31] Afin notamment d’éviter la double indemnisation et de limiter les coûts de participation au Programme Asra, la Financière agricole prend en compte l’aide financière provenant de ces autres programmes gouvernementaux lors du calcul de la compensation. Celle-ci est incluse dans les recettes annuelles aux fins de la détermination du revenu annuel net de la ferme-type spécialisée :
2. Aux fins du présent Programme, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
[…]
« recettes annuelles » : pour chaque unité d’un produit, les revenus provenant de la vente ou d’une indemnité versée en vertu d’un programme d’assurances récolte administré par La Financière agricole, majorés des compensations, subventions ou octrois venant d’organismes gouvernementaux obtenus durant l’année;
[…]
88. Les éléments qui entrent dans le calcul des recettes annuelles sont les suivants :
1. […]
3. Les montants auxquels a droit un adhérent en fonction du volume de production et des sous-produits mis en marché si ces montants sont accordés par des organismes gouvernementaux à titre d’indemnité de prix pour le produit assurable ou en vertu d’un programme gouvernemental de gestion des risques d’entreprise agricole.
4. Le montant qui représente la somme à laquelle a droit l’adhérent en vertu d’une participation réputée à un niveau de couverture de 100% au Programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA) divisée par deux tiers, et ce, à l’égard de l’année ou d’une partie de l’année d’assurance.
Toutefois, la somme à laquelle a droit l’adhérent pour les fins de ce calcul ne peut dépasser les deux tiers de la différence entre la marge de production du participant et sa marge de référence PCSRA.
[55] La méthode retenue pour évaluer les avantages conférés aux adhérents par ces programmes varie selon les conditions d’application de chaque programme et les conséquences de l’arrimage sur l’ensemble des adhérents.
[56] Dans certains cas, les interventions du fédéral sont prises en compte sur une base collective. Dans d’autres cas, cependant, l’approche privilégiée par la Financière agricole est de pendre en compte les sommes versées par le gouvernement fédéral sur une base individuelle.
(référence omise; je souligne)
[34] Au cours de l’année 2007, le gouvernement fédéral met sur pied deux programmes ayant pour but de venir en aide aux entreprises agricoles canadiennes : le programme Indemnité de coûts de production (« ICP ») et le programme Agri-investissement (démarrage) (collectivement « les programmes fédéraux »). Au Québec, le gouvernement fédéral confie le mandat à la Financière agricole d’administrer les programmes fédéraux et de verser directement aux entreprises agricoles les montants auxquels chacune d’elles a droit.
[35] La juge de première instance en donne une description détaillée aux paragraphes 64 à 78 de ses motifs. Il suffit, aux fins du présent pourvoi, de mentionner que ces programmes prévoient le versement d’une aide financière aux producteurs agricoles, sans égard à leur situation financière, sur la base de leurs ventes nettes admissibles de 2000 à 2004[12], sujet par ailleurs au plafond prévu par chacun des programmes[13]. Compte tenu de ces plafonds, l’aide financière maximale qu’un producteur peut recevoir s’élève à 12 240 $ en vertu du programme ICP et à 96 000 $ en vertu du programme Agri-investissement démarrage.
[36] La manière dont la Financière agricole a tenu compte de l’aide financière obtenue en vertu des programmes fédéraux aux fins du calcul de la compensation pour l’année 2007 est à l’origine du débat au cœur du présent pourvoi. Celle-ci a procédé à ce que les parties ont identifié comme étant « un arrimage collectif », c’est-à-dire en fonction d’un modèle collectif fondé sur la ferme-type spécialisée. En d’autres mots, aux fins du calcul des recettes annuelles, la Financière agricole a déterminé les montants reçus des programmes fédéraux en fonction des caractéristiques de la ferme-type spécialisée pour chaque produit assurable. Je reviendrai, lors de mon analyse de la raisonnabilité de cette décision, sur le processus décisionnel adopté par la Financière agricole et les motifs à son soutien.
[37] Pour certains adhérents, une telle façon de procéder a eu pour effet que la déduction appliquée au calcul de la compensation s’est avérée plus élevée que le montant d’aide financière réellement reçu. Tel a été le cas pour ceux dont les ventes nettes admissibles excèdent les plafonds prévus par les programmes fédéraux, les ventes nettes admissibles de la ferme-type spécialisée étant inférieures aux plafonds (501 adhérents, dont 82 intimées, pour le programme ICP et 21 adhérents, dont 15 intimées, pour le programme Agri-investissement démarrage[14]). Les adhérents ayant acquis leur entreprise après 2004, ou ayant eu une croissance de leur production entre 2004 et 2007 ou encore un épisode de maladie durant la période de référence 2000-2004 ont également été pénalisés (4 intimées, le nombre d’adhérents visés n’ayant pas été précisé). Pour les intimées, l’écart en pourcentage entre la déduction appliquée et le montant d’aide réellement reçu est important et varie de 120 % à 1 150 %[15].
[38] Ces dernières contestent cette méthode de calcul de la compensation. Selon elles, le paragraphe 88 (3) du Programme Asra prescrit que la Financière agricole doit plutôt procéder sur une base individuelle, en prenant en considération les sommes réellement reçues par chaque adhérent. Elles estiment avoir été injustement privées de compensations représentant pour l’ensemble d’eux 14 903 059 $[16].
[39] Deux recours judiciaires sont institués pour réclamer cette somme. Celui initié par l’intimée Ferme Vi-Ber inc. comporte également des conclusions de la nature d’un jugement déclaratoire visant notamment à obtenir une déclaration d’invalidité de la décision de la Financière agricole de procéder sur une base collective.
[40] En 2008, la Financière agricole modifie le Programme Asra afin de prévoir des modalités propres au programme Agri-investissement, qui s’applique maintenant de manière récurrente[17]. Il est à nouveau modifié en 2009[18], afin d’ajouter l’alinéa suivant au paragraphe 88 (3) du Programme Asra :
Ces montants [accordés par les organismes gouvernementaux] sont déterminés en fonction des caractéristiques de la ferme-type décrite au tableau 4 à moins que La Financière agricole ne juge pertinent d’ajouter aux recettes annuelles les montants réellement reçus par chacun des adhérents compte tenu des modalités spécifiques de paiement prévues pour chacune des interventions gouvernementales.
[41] Dans un jugement soigné et détaillé, la juge de première instance conclut au bien-fondé de la réclamation des intimées. Son analyse est plus précisément énoncée aux paragraphes 148 à 170 de ses motifs.
[42] Elle reconnaît d’abord le pouvoir de la Financière agricole d’établir des programmes d’assurance pour soutenir et encourager l’agriculture, d’en déterminer le contenu et d’en fixer les paramètres. Une fois un tel programme établi, la Financière agricole est cependant liée par son contenu et ne peut le modifier en cours « d’année d’assurance », sauf en ce qui a trait au taux de contribution.
[43] La juge qualifie ensuite le Programme Asra de contrat d’assurance et applique les règles d’interprétation propres à un tel contrat.
[44] Elle note qu’en vertu du paragraphe 88 (3) du Programme Asra, les montants auxquels ont eu droit les adhérents dans le cadre des programmes fédéraux faisaient partie des éléments que la Financière agricole devait considérer dans le calcul des recettes annuelles. Par contre, bien que ces dernières soient une composante du revenu annuel net, la prise en compte de l’aide gouvernementale ne doit pas nécessairement être collective.
[45] Au contraire, en raison des pratiques passées et des expectatives légitimes des adhérents, la juge retient que l’interprétation donnée ici par la Financière agricole au paragraphe 88 (3) a eu pour effet de modifier les conditions du contrat en cours d’année d’assurance, ce qu’elle ne pouvait pas faire. Elle estime que la modification apportée à cette disposition en 2009 confirme cette interprétation.
[46] Elle retient par ailleurs la prétention de la Financière agricole voulant qu’elle ait discrétion pour décider de la méthode de calcul, mais conclut qu’elle ne l’a pas exercée en conformité avec les paramètres du programme et de manière raisonnable. Selon elle, la méthode retenue est déraisonnable et arbitraire en ce qu’elle pénalise injustement de nombreux adhérents et donne lieu à des distorsions trop importantes, d’autant plus qu’elles étaient prévisibles. Finalement, elle la considère discriminatoire, en ce qu’elle créé deux catégories d’adhérents selon que la réduction de leur compensation a été plus ou moins élevée que les sommes réellement reçues des programmes fédéraux.
[47] La juge déclare alors invalide le calcul des compensations versées aux intimées en 2007 et condamne la Financière agricole à leur payer les sommes dont elles auraient été injustement privées, totalisant près de 15 millions de dollars.
[48] Bien qu’elle ne se prononce pas expressément sur cette question, il faut comprendre de la conclusion de la juge qu’elle rejette l’argument de la Financière agricole voulant que le montant de la condamnation, le cas échéant, doive être réduit pour tenir compte de l’augmentation de leur contribution qui en aurait résulté.
[49] Les parties ne s’entendent pas sur la formulation des questions en litige. Je me permets donc de les circonscrire dans les termes suivants :
A. Aux termes du Programme Asra, la Financière agricole pouvait-elle tenir compte des montants versés en vertu des programmes fédéraux sur une base collective?
B. Le cas échéant, cette décision était-elle raisonnable dans les circonstances?
C. La réclamation des intimées pouvait-elle, le cas échéant, être accueillie sans que la juge ne prononce la nullité de la décision de la Financière agricole de procéder sur une base collective?
D. La compensation ainsi accordée par la juge de première instance devait-elle être réduite d’un montant correspondant à la contribution afférente à celle-ci?
[50] Une réponse positive aux deux premières questions suffira à clore le débat et mettre fin au pourvoi.
[51] Avant d’analyser les dispositions du Programme Asra relatives au pouvoir de la Financière agricole de procéder à l’arrimage des montants versés en vertu des programmes fédéraux, je me pencherai d’abord sur sa qualification juridique et les règles d’interprétation qui lui sont applicables. Les parties ont beaucoup insisté sur cet aspect du dossier et il convient de s’y attarder, même si en bout de ligne, cette question n’est pas à elle seule déterminante.
[52] Selon la juge de première instance, le Programme Asra constitue un contrat d’assurance qui doit être interprété à la lumière des règles applicables à ce type de contrat. Elle écrit :
[150] Dans le cas du Programme ASRA, [la Financière agricole] s’oblige envers l’adhérent à assurer un risque, moyennant le paiement d’une contribution. Elle doit compenser l’adhérent lorsque le risque se réalise, c’est-à-dire lorsque la perte survient. Il s’agit, ni plus ni moins, que d’un contrat d’assurance et les règles d’interprétation qui doivent être suivies à l’égard de ce contrat sont les mêmes que celles qui s’appliquent à l’égard d’un contrat d’assurance[19].
[151] Le contenu de ce contrat d’assurance est
réputé faire état de toutes ses conditions. Les producteurs agricoles
choisissent d’y adhérer ou non. Ils ne jouissent d’aucune faculté pour en
négocier les stipulations essentielles qui sont déterminées par la Financière
agricole. Il s’agit d’un contrat d’adhésion au sens de l’article
(je souligne)
[53] La Financière agricole conteste la qualification juridique retenue par la juge de première instance. Tout en reconnaissant la nature contractuelle du Programme Asra, elle refuse d’y voir un contrat d’assurance « dans le sens strict du terme ». Sans pour autant le qualifier, elle invite la Cour à interpréter le Programme Asra en tenant compte de la mission qui lui est confiée par sa loi constitutive de voir à la promotion du secteur agricole et agroalimentaire. Elle ajoute qu’un tribunal ne devrait pas s’immiscer dans ses décisions sauf s’il lui est démontré que celles-ci ne sont pas raisonnables, selon les normes d’intervention reconnues en droit public à l’égard d’un organisme administratif conformément à l’arrêt Dunsmuir[20].
[54] Je partage en partie la position adoptée par la Financière agricole. J’estime, avec égards pour la juge de première instance, qu’elle commet une erreur de droit en qualifiant le Programme Asra de contrat d’assurance au sens du Code civil du Québec et en identifiant les règles d’interprétation applicables ici comme étant celles auxquelles un tel contrat est assujetti. Celui-ci, selon moi, est un contrat administratif qui participe de deux régimes, le droit public et le droit privé. Je m’explique.
19. La société peut prescrire toute mesure nécessaire à la mise en application de la présente loi. À ces fins, elle peut notamment : 1) accorder, dans le cadre de ses programmes de protection du revenu, d’assurance et de financement agricole, une aide financière et en déterminer les conditions et les limites d’application; 2) établir les critères servant à déterminer les entreprises qui peuvent bénéficier d'une aide, lesquels peuvent varier en fonction, notamment, des personnes qui la composent, de leur âge, de leur occupation, de leurs qualifications ou de leurs intérêts dans l'entreprise et du type de risques à assurer; 3) établir annuellement le prorata des contributions d'une entreprise et de la société dans un programme;
4) prévoir que le taux de contribution d'une entreprise fixé en cours d'année peut être applicable à l'ensemble de cette année; 5) […] |
19. The agency may prescribe any measure necessary for the carrying out of this Act. To that end, the agency may 1) grant financial assistance under its income protection, insurance and farm financing program and determine the applicable conditions and limits;
2) establish the criteria to be used to determine the enterprises to which assistance may be granted, which may vary according to, in particular, the persons in the enterprise, their age, occupation, qualifications or interest in the enterprise and type of risk to be covered;
3) establish on an annual basis the respective proportions of the contributions of an enterprise and of the agency in respect of a program; 4) provide that an enterprise's contribution rate fixed during the year may be applicable to the entire year;
5) […] |
[56] Le Programme Asra, une fois établi et ses modalités déterminées par la Financière agricole, est publié à la Gazette officielle du Québec (art. 20 de la Loi). Les modifications qui y sont apportées par la Financière agricole doivent également être publiées, celles-ci n’ayant par ailleurs d’effet que l’année suivant leur adoption (à l’exception du taux de contribution) comme le stipule l’article 21 du Programme Asra :
21. Les droits conférés à un adhérent en vertu du Programme, ainsi que les obligations auxquelles il est assujetti, sont sujets aux modifications qui peuvent être apportées annuellement à ce Programme ou, le cas échéant, à son abrogation à la fin d’une année d’assurance.
Lorsque des modifications sont introduites au Programme, tous les adhérents y sont assujettis dès le début de l’année d’assurance suivant l’entrée en vigueur de ces modifications. Toutefois, les taux de contribution fixés en cours d’année peuvent être applicables à l’année d’assurance en cours.
(je souligne)
[57] L’exercice par la Financière agricole de tels pouvoirs, soit d’adopter, déterminer et modifier les modalités du Programme Asra, relève de sa compétence à titre de mandataire de l’État et est soumis, à mon avis, aux mécanismes de contrôle du droit public[21].
[58]
Par ailleurs, une fois un programme adopté, la Financière agricole doit
respecter « les règles du jeu qu’elle a elle-même fixées »[22].
L’adhésion au Programme Asra n’est pas imposée par la Loi; il demeure
volontaire. Elle comporte tous les éléments d’un contrat selon l’article
[59] L’auteur Denis Lemieux souligne d’ailleurs que le recours par l’État au procédé contractuel, comme c’est le cas ici, est de plus en plus répandu[24] :
Le recours au procédé contractuel a été étendu à de nouveaux secteurs, où il tend à remplacer ou à compléter les modes classiques d’octroi et de gestion d’autorisations et de prestations administratives. Il sert alors à promouvoir des politiques ou programmes publics.
[…]
La popularité du procédé contractuel est facilement justifiable. En effet, le contrat offre aux parties une sécurité juridique plus grande que la décision unilatérale. Il comporte également une plus grande flexibilité, car l’on peut plus facilement faire du « sur mesure » que dans le cadre réglementaire traditionnel. Il offre enfin une très grande richesse au niveau des règles d’interprétation ainsi que des recours (exécution forcée, exception d’inexécution, résiliation, dommages-intérêts, contrôle des clauses abusives dans certains cas).
À l’Administration, il offre aussi une plus grande légitimité par l’atteinte d’un consensus, qui limite les possibilités de contestation subséquentes de la part du partenaire contractuel. Il lui permet également d’imposer à son partenaire des normes susceptibles d’excéder celles qui sont requises par la loi.
(Je souligne)
[60] Les auteurs Dussault et Borgeat ajoutent que l’État peut privilégier la formule contractuelle « […] pour éviter le débat public qui entoure nécessairement l’édiction d’une loi ou d’un règlement, ou bien, plus simplement, parce qu’il n’est pas opportun de mettre en marche la machine législative lorsque l’objet du contrat ne concerne qu’un petit nombre d’individus »[25].
[61] Le fait que ce contrat soit conclu entre d’une part, une société mandataire de l’État et, d’autre part, une personne physique ou morale, n’en modifie pas pour autant la nature contractuelle et il demeure, selon moi, soumis au droit privé, sous réserve des autres règles de droit qui lui sont applicables[26].
[62] Est-il par ailleurs soumis aux règles d’interprétation applicables à un contrat d’assurance, tel qu’énoncées au Code civil du Québec[27]? Selon les intimées, tel serait le cas, alors que la Financière agricole, tout en soulignant son désaccord, réfère tout de même au Programme Asra comme étant « la mise en place d’une assurance collective (…) lui permettant d’atteindre sa mission de promouvoir le secteur agricole et agro-alimentaire »[28].
[63] Cette question fait l’objet de peu de discussions en jurisprudence[29] qui, au surplus, ne fait pas consensus. Dans l’affaire Trépanier c. Financière agricole du Québec[30], que la juge de première instance cite avec approbation, le juge Jocelyn Geoffroy ne se prononce pas expressément sur sa qualification, mais écrit :
[56] Le programme d’Asra s’apparente plus à une directive qu’à un règlement. Il comporte une souplesse qui permet à La Financière agricole de s’adapter de façon à permettre qu’elle respecte pleinement les exigences de la loi et du programme Asra.
[64] Dans un jugement prononcé ultérieurement au jugement entrepris et qui fait l’objet d’un pourvoi devant notre Cour, le juge Édouard Martin refuse quant à lui de recourir aux règles propres au contrat d’assurance aux fins d’interpréter le Programme Asra[31].
[65] La doctrine utilise également une terminologie différente pour qualifier le Programme Asra. Selon le professeur Lluelles, il s’agirait d’assurances administratives, de type contractuel[32]. Les auteurs Issalys et Lemieux estiment plutôt que l’assurance agricole est « une forme particulière d’assurance sociale », qui comporte par ailleurs certains traits spécifiques, en raison de son caractère volontaire et de l’importance du rôle joué par l’État quant à son financement[33] :
Les prestations d’assurance agricole peuvent être considérées comme une application particulière de la technique de l’assurance sociale […]. Elles relèvent donc bien de la sécurité sociale, puisqu’elles comportent le versement à titre définitif, aux personnes relevant d’une catégorie déterminée - les exploitants agricoles -, en contrepartie du paiement de cotisations, de prestations en espèces destinées à protéger ces personnes de l’insécurité économique attribuable à la réalisation de certains risques - risques d’origine économique ou naturelle. L’assurance agricole présente toutefois, par rapport aux caractéristiques habituelles de l’assurance sociale, certains traits spécifiques. Le premier est que l’assujettissement à la cotisation n’est pas généralisé; non seulement certains types de culture ou d’élevage sont-ils exclus de la couverture, mais encore l’assujettissement d’un exploitant agricole dépend-il d’un acte d’adhésion de sa part. Le second trait spécifique est la persistance d’un important subventionnement de l’assurance agricole par l’État, alors que depuis 1990 les régimes québécois et canadiens d’assurance sociale reposent tous sur l’autofinancement.
(je souligne)
[66]
À mon avis, le Programme Asra ne cadre pas en tout point avec le régime
d’assurance privé. Le contrat d’assurance est défini au premier alinéa de
l’article
[67] Traitant du risque en tant qu’élément aléatoire du contrat, le professeur Lluelles s’exprime ainsi[34] :
La définition de l’article 2389 expose le caractère essentiellement aléatoire de la convention d’assurance, fondé sur le principe de la mutualité : au contraire de l’obligation contractuelle soumise à une condition, le contrat d’assurance suppose que le preneur sera toujours débiteur de la prime, même si le risque ne se réalise jamais. En effet, entre l’assureur et le preneur, « il y a chance de gain ou de perte pour les deux parties ».
Par ailleurs, si la prestation promise n’est pas fondée sur la réalisation d’un risque, mais sur celle d’un événement qui est certain, au niveau de sa réalisation, de son caractère prématuré ou de son intensité, le contrat en question n’en est pas un d’assurance.
(Références omises; je souligne)
[68] Il insiste également sur le caractère onéreux du contrat d’assurance[35] :
Également relié au principe de la mutualité, le caractère onéreux de l’assurance est une autre caractéristique essentielle de ce contrat. Une assurance n’est jamais gratuite, même dans les cas où celui qui en bénéficie - le tiers bénéficiaire- n’a rien à payer, puisque la prime est due par le titulaire du contrat preneur, cessionnaire ou titulaire subrogé.
Advenant l’hypothèse où un assureur s’engagerait à assurer un preneur à titre gratuit, il ne s’agirait pas d’un contrat d’assurance mais d’une convention aléatoire sui generis, vraisemblablement assujettie à la seule théorie générale des obligations. Les articles spécifiquement consacrés à l’assurance ne s’appliqueraient techniquement pas, le juge pouvant, tout au plus, les appliquer par analogie[36], sur le fondement d’une probable intention des parties.
(je souligne)
[69]
Ici, plusieurs caractéristiques du Programme Asra sont distinctes de
celles d’un contrat d’assurance au sens de l’article
Ø l’activité principale de la Financière agricole n’est pas la spéculation sur les risques, comme une compagnie d’assurances, mais vise à promouvoir le secteur agricole et agro-alimentaire; le Programme Asra constitue l’un des moyens mis en place par la première pour atteindre cet objectif et ne peut être vu sous l’angle d’un produit d’assurance offert par un assureur privé;
Ø l’entreprise agricole s’engage à adhérer au Programme Asra pour une durée de cinq ans au cours desquels la Financière agricole peut en modifier les termes annuellement;
Ø le risque économique couvert par le Programme Asra n’est pas fonction de la situation financière propre de chaque adhérent (on ne compense donc pas sa perte réelle), mais repose sur le revenu net annuel de la ferme-type, dont les paramètres peuvent être modifiés annuellement par la Financière agricole durant la période d’adhésion. Celle-ci exerce ainsi un certain contrôle sur la survenance du risque économique couvert;
Ø le risque est « imprévisible » pour une année donnée, mais demeure omniprésent et, en quelque sorte, certain sur une longue période (l’adhérant devant d’ailleurs s’engager pour cinq ans); c’est en effet pour protéger les producteurs contre les difficultés économiques inhérentes au secteur agricole de certains produits donnés que ce programme est établi par une société mandataire de l’État. Dans le cas où le risque ne se manifesterait pas sur une certaine période et que les montants versés au Fonds sont suffisants, il pourrait même y avoir absence de contribution pour une année donnée;
Ø l’État, par le biais de la Financière agricole, y contribue majoritairement;
Ø l’ensemble des contributions, provenant au tiers des adhérents et au deux tiers de la Financière agricole, doit permettre à long terme le paiement des compensations auxquelles les premiers ont droit. Dès lors, chaque dollar versé par l’adhérent devrait théoriquement et sur le long terme, lui en procurer deux;
Ø s’il est mis fin à la protection pour une production assurée et à défaut de programme de substitution ou d’entente, tout surplus ou déficit du Fonds d’assurance stabilisation des revenus agricoles est attribué aux adhérents et à la Financière agricole au prorata de leur participation[37].
[70] Bien que s’inspirant d’un contrat d’assurance, tant par sa terminologie[38] que certains de ses concepts, repris d’ailleurs par les témoins de l’appelante en vue de décrire le Programme Asra, il ne peut pour autant être qualifié de contrat d’assurance au sens du Code civil du Québec. Par un véhicule contractuel qui s’inspire d’un régime d’assurances, sans en être un pour autant, il s’affirme d’avantage comme un programme de protection du revenu : l’État fournit un soutien financier aux producteurs agricoles des produits assurables contre les pertes inhérentes à leur secteur d’activités[39].
[71] Le régime ainsi mis en place par le Programme Asra est celui du contrat administratif sui generis[40] : à titre de société mandataire de l’État, la Financière agricole détermine, en vertu de son pouvoir statutaire, les modalités du contrat, qu’elle peut modifier à son gré (art. 21 du Programme Asra), dans le respect de la mission confiée par le législateur. À ce titre, comme je le mentionnais précédemment, il participe de deux régimes juridiques, le droit public et le droit privé. Il s’ensuit que les rapports juridiques entre la Financière agricole et un adhérant relèvent dès lors du droit privé (ici le Code civil du Québec), sous réserve des autres règles de droit qui leur sont applicables.
[72] Dans un tel contexte, je suis d’avis, avec égards, que la juge de première instance ne pouvait faire reposer son raisonnement sur la qualification du Programme Asra comme étant un simple contrat d’assurance en vertu du Code civil du Québec et lui appliquer les règles d’interprétation propres à un tel contrat.
[73] En raison de l’erreur de droit commise par la juge de première instance quant à la qualification juridique de la participation au Programme Asra et, dès lors, quant aux règles d’interprétation ici applicables, la déférence à l’égard de l’interprétation qu’elle retient du Programme Asra ne s’impose pas[41].
[74] Il s’agit maintenant de déterminer si le Programme Asra permet à la Financière agricole de déterminer les montants d’aide financière provenant des programmes fédéraux en fonction des caractéristiques de la ferme-type spécialisée (base collective).
[75] Le paragraphe 88 (3) du Programme Asra, que je reproduis à nouveau, est au cœur du litige :
88. Les éléments qui entrent dans le calcul des recettes annuelles sont les suivants :
1. […]
3. Les montants auxquels a droit un adhérent en fonction du volume de production et des sous-produits mis en marché si ces montants sont accordés par des organismes gouvernementaux à titre d’indemnité de prix pour le produit assurable ou en vertu d’un programme gouvernemental de gestion des risques d’entreprise agricole.
4. […]
[76] La juge de première instance semble reconnaître le pouvoir discrétionnaire de la Financière agricole de décider de la méthode de calcul appropriée en fonction des caractéristiques propres du programme d’aide financière, sans par ailleurs en préciser le fondement légal. Elle écrit :
[161] La Financière agricole prétend qu’elle a discrétion pour décider de la méthode d’arrimage. Elle a raison. Cependant, son pouvoir discrétionnaire doit être exercé en conformité avec les paramètres du programme (ou les conditions du contrat) et de manière raisonnable.
[77] Dans les paragraphes précédents, elle conclut que le paragraphe 88 (3) ne lui confère pas une telle discrétion lorsque l’aide financière est versée directement aux producteurs, en raison de la pratique passée adoptée par La Financière agricole et des « expectatives légitimes des assurés » et s’en explique ainsi :
[152] En vertu de l'article 88(3) du Programme ASRA, les montants auxquels ont eu droit les adhérents dans le cadre des programmes ICP et Agri-investissement (démarrage) faisaient partie des éléments que La Financière agricole devait considérer dans le calcul des recettes annuelles.
[153] Même si les recettes annuelles sont une composante de l'équation qui sert à déterminer le revenu annuel net, cela ne signifie pas que la prise en compte des interventions gouvernementales doit nécessairement être collective.
[154] D'ailleurs, ce n'est pas l'interprétation que La Financière agricole donnait au paragraphe 88(3) avant 2007. Le texte de l'article 88(3) référait explicitement aux montants auxquels un adhérent avait droit en fonction du volume de production et des sous-produits mis en marché. Les termes utilisés dans cet article ne faisaient pas obstacle à ce que La Financière agricole fasse un arrimage individuel des sommes reçues directement par les adhérents, bien au contraire.
[155] C'est d'ailleurs le choix que La Financière agricole a fait à l'égard de nombreux autres programmes lorsque le montant de l'aide était déterminé en fonction des VNA [ventes nettes admissibles] et qu'il faisait l'objet d'un paiement direct aux agriculteurs plutôt que d'une contribution générale à son fonds d'assurance.
[…]
[158] Si l'on se fie aux pratiques passées de La Financière agricole et aux expectatives légitimes des adhérents, l'interprétation donnée à l'article 88(3) a eu pour effet de modifier les conditions du contrat en cours d'année d'assurance, ce qu'elle ne pouvait pas faire sauf en ce qui concerne les taux de contribution.
(je souligne)
[78] Avec égards, les deux propositions suivantes énoncées par la juge me semblent difficilement réconciliables : on ne peut à la fois conclure que le Programme Asra permet à la Financière agricole de décider, de façon discrétionnaire, du mode d’arrimage, selon les particularités du programme accordant l’aide financière, tout en statuant que le paragraphe 88 (3) l’oblige à procéder sur une base individuelle si l’aide financière est versée directement aux producteurs.
[79] Selon moi, le paragraphe 88 (3) ne peut recevoir une telle interprétation en ce qu’il permet plutôt à la Financière agricole de déterminer la méthode de calcul appropriée selon les particularités de chaque programme, que ce soit en fonction des caractéristiques propres de la ferme-type (base collective) ou des montants reçus individuellement (base individuelle). Ma conclusion repose sur les cinq motifs suivants.
[80] Premièrement, le paragraphe 88 (3), tel qu’il se lisait à l’époque pertinente, ne précise pas la façon dont la Financière agricole doit tenir compte de l’aide financière. Il énonce simplement que ces montants entrent dans le calcul des recettes annuelles, comme le prévoit d’ailleurs l’article 2. Les deux méthodes demeurent donc possibles. C’est d’ailleurs ce que la juge de première instance semble retenir puisqu’elle écrit d’une part, que le paragraphe 88 (3) ne signifie pas que « la prise en compte des interventions gouvernementales doit nécessairement être collective » (paragr. 153, je souligne) et, d’autre part, que « les termes utilisés dans ce (paragraphe) ne faisaient pas obstacle à ce que la Financière agricole fasse un arrimage individuel des sommes reçues directement par les adhérents, bien au contraire » (paragr. 154).
[81] Deuxièmement, contrairement à ce que plaident les intimées, l’utilisation de l’expression « les montants auxquels un adhérent a droit […] » au paragraphe 88 (3) ne signifie pas que chaque adhérent doit nécessairement être considéré sur une base individuelle, par opposition à « l’adhérent fictif de la ferme-type »[42]. Retenir une telle interprétation signifierait qu’en tout temps à l’égard des programmes visés au paragraphe 88 (3), le montant de l’aide financière devrait être pris en considération sur une base individuelle puisque celle-ci est toujours versée au bénéfice des adhérents, chacun y ayant dès lors droit. La lecture proposée par les intimées n’est cependant pas conforme à l’interprétation que les parties lui ont donnée, la méthode de calcul retenue variant plutôt selon les conditions d’application des programmes d’aide et de ses conséquences sur l’ensemble des adhérents (voir paragr. 55 et 56 du jugement entrepris reproduits au paragraphe [33]).
[82]
Troisièmement, on ne peut lire cette disposition en vase clos, ni
s’arrêter à son seul sens littéral (art.
[83] Or, le Programme Asra repose essentiellement sur la notion de la ferme-type spécialisée. L’article 88 est d’ailleurs situé dans la section XI du Programme Asra qui porte le titre[43] « Modèles de ferme » et regroupe l’ensemble des modalités relatives à la détermination du revenu annuel net de la ferme-type spécialisée. L’article 86 prévoit également que la ferme-type spécialisée est considérée participante à tout programme de protection du revenu agricole basé sur le revenu global. Reconnaître que la Financière agricole peut notamment déterminer les montants d’aide reçus en fonction des caractéristiques de la ferme-type (base collective) appert compatible avec la structure du Programme Asra basée sur les paramètres de la ferme-type, et non de la situation financière propre à chaque adhérent.
[84] Quatrièmement, l’interprétation que je propose du paragraphe 88 (3) respecte la finalité du Programme Asra. Celui-ci est un programme complémentaire aux autres programmes gouvernementaux en ce qu’il prévoit expressément la prise en compte des montants ainsi reçus aux fins du calcul de la compensation. Cette aide financière peut prendre différentes formes, chaque programme ayant ses propres particularités[44]. La Financière agricole n’en contrôle ni la teneur, ni le moment de l’année où cette aide est accordée aux entreprises agricoles, pas plus que son impact financier éventuel sur sa propre contribution financière au Programme Asra. Je rappelle que les contributions des adhérents et de la Financière agricole doivent permettre à long terme le paiement des compensations. Dans ce contexte, la finalité du Programme Asra requiert que la Financière agricole puisse déterminer, au cas par cas, la meilleure façon de procéder dans l’intérêt de l’ensemble des adhérents. Une telle latitude concorde d’ailleurs avec l’article 87 qui prévoit que le revenu annuel net, dont les recettes annuelles sont une composante, est ajusté et fixé par la Financière agricole, pour chaque année d’assurances, « en fonction d’études statistiques ou en fonction d’autres données qu’elle juge pertinentes ».
[85] Elle s’inscrit également dans la logique de la Loi voulant qu’il revienne à la Financière d’accorder une aide financière aux entreprises agricoles et d’« en déterminer les conditions et les limites d’application » (art. 19).
[86] Finalement, le fait que la Financière agricole ait dans le passé procédé à un arrimage individuel des sommes reçues directement par les adhérents ne signifie pas pour autant qu’elle doive nécessairement procéder de la même façon toutes les fois[45]. Même si la notion des attentes légitimes propre à l’interprétation des contrats d’assurance en vertu du Code civil du Québec s’appliquait ici, il ne pourrait être question que des attentes de l’ensemble des 17 000 adhérents, et non des seules intimées, d’autant plus qu’il est difficile de parler d’attentes raisonnables dans un contexte qui fluctue selon les programmes d’aide.
[87] Dès lors, je suis d’avis que le Programme Asra confère à la Financière agricole le pouvoir de décider si l’aide financière provenant d’autres programmes gouvernementaux doit, aux fins du calcul de la compensation, être prise en considération en fonction des caractéristiques propres de la ferme-type (base collective) ou des montants reçus individuellement (base individuelle).
[88] Ce qui nous amène à la prochaine question en litige, soit le caractère raisonnable ou non de la décision de la Financière agricole, ici, de déterminer les montants d’aide financière provenant des programmes fédéraux en fonction des caractéristiques de la ferme-type (base collective).
[89] Je rappelle d’abord les faits pertinents à l’étude de cette question. En cours d’année 2007, le gouvernement fédéral met en place les programmes fédéraux, obligeant la Financière agricole à déterminer la méthode de calcul (collective ou individuelle) devant être adoptée à leur égard. Avant de prendre sa décision, la Financière agricole procède à une analyse des programmes fédéraux et à une simulation de l’impact éventuel de chaque mode d’arrimage sur l’ensemble du programme, mais non sur chacun des adhérents individuellement. Elle rencontre également, par le biais de la Table de sécurité des revenus de l’UPA, les présidents des fédérations spécialisées qui ont des produits assurables aux termes du Programme Asra et autres représentants du secteur agricole. À l’issue de cette rencontre, tous sont d’accord à ce que la prise en compte des montants provenant des programmes fédéraux se fasse sur une base collective, en fonction des caractéristiques de la ferme-type spécialisée. Le conseil d’administration de la Financière agricole, sur lequel siègent des représentants des entreprises agricoles, approuve cette décision[46] dont la motivation lui est ainsi résumée[47] :
Afin d'éviter d'indemniser doublement la même perte, le programme ASRA prévoit la prise en compte de paiement de ce type dans le calcul des recettes annuelles faisant partie de l'équation indemnitaire.
[…]
Afin d'opérer cet arrimage, il est nécessaire de prendre en considération d'une part le fait que les paiements sont destinés à l'ensemble des secteurs agricoles et non seulement à ceux couverts par le programme ASRA et d'autre part, que l'arrimage ne peut pas être réalisé en fonction des montants réellement reçus par chaque entreprise car les données PCSRA pour les années 2000, 2001 et 2002 ne permettent pas de ventiler les revenus agricoles par secteur, ni les dépenses agricoles pour l'ensemble des cinq années visées car elles sont déclarées de façon globale.
Un arrimage « collectif » peut être réalisé en fonction de la moyenne des ventes nettes admissible des fermes modèles pour les années 2000 à 2004. Ce paiement est considéré dans les recettes annuelles, diminuant d'autant le revenu stabilité de l'année concernée.
Cette méthode fait en sorte que la déduction appliquée à la compensation ASRA ne correspond pas précisément au montant reçu du programme fédéral. Toutefois, l'arrimage collectif permet de ne soustraire des compensations ASRA que la partie du paiement liée aux secteurs couverts par l'ASRA. Cette méthode est simple à appliquer, permettant ainsi de respecter l'échéance visée pour le premier versement, soit la fin juin 2007. Elle est de plus compatible avec les principes du programme ASRA dont les interventions sont calculées en fonction de critères collectifs.
(je souligne)
[90] La juge de première instance conclut au caractère déraisonnable et abusif de la décision en ce qu’elle pénalise injustement de nombreux adhérents et donne lieu à des distorsions prévisibles trop importantes. Elle l’estime également discriminatoire au motif qu’elle créé deux catégories d’adhérents selon que la réduction de leur compensation a été plus ou moins élevée que les sommes réellement reçues des programmes fédéraux.
[91] Avec égards, j’estime que la juge commet une erreur de droit dans son raisonnement. En raison de la qualification juridique du Programme Asra, qui se distingue d’un contrat entre parties privées, l’analyse de la raisonnabilité de la décision de la Financière agricole ne pouvait reposer essentiellement sur son impact à l’égard des adhérents désavantagés par la méthode d’arrimage adoptée, dont les intimées, mais devait tenir compte de l’objet et la finalité recherchée par la Loi lors de la mise en place de ce programme et de l’intérêt de l’ensemble des adhérents. Pour ma part, à la lumière des critères pertinents, je suis d’avis que la décision de la Financière agricole n’est pas déraisonnable. Je m’explique.
[92] La décision ici contestée par les intimées relève du pouvoir discrétionnaire confié à la Financière agricole lors du calcul de la compensation pour l’année 2007. Bien que stipulé au Programme Asra aux fins de son application, ce pouvoir, je le rappelle, est intimement lié au pouvoir statutaire confié à la Financière agricole de déterminer les modalités de l’aide financière accordée aux adhérents; celle-ci a décidé, lors de l’adoption de ce Programme, de conserver le pouvoir de déterminer, en pratique, la façon dont elle prendrait en considération l’aide financière provenant de programmes gouvernementaux.
[93]
Dès lors, la raisonnabilité de la décision de la Financière agricole
doit être examinée à la lumière du droit contractuel (articles
[94] Ici, tous les adhérents au Programme Asra, au nombre de 16 747, ont bénéficié de l’aide provenant des programmes fédéraux, contrairement à d’autres programmes où, dans le passé, la Financière agricole a procédé à un arrimage individuel[48]. En raison de leurs caractéristiques propres, dont la taille de leur entreprise et de leur type de production[49], certains ont été avantagés par le choix de la Financière agricole, alors que d’autres auraient plutôt été avantagés par un arrimage sur une base individuelle[50]. Le Programme Asra étant collectif, la Financière agricole doit l’administrer au bénéfice de l’ensemble des adhérents. Le fait que sa décision de procéder sur une base collective ait un impact défavorable sur les intimées devait être pris en considération dans l’analyse, mais ne rendait pas, pour cette seule raison, sa décision déraisonnable.
[95] La décision de la Financière agricole tient compte des caractéristiques propres des programmes fédéraux dont le fait que les paiements reçus aux termes de ceux-ci ne sont pas exclusivement liés aux produits assurés en vertu du Programme Asra, mais visent tous les produits agricoles exploités par un adhérent. Les ventes nettes annuelles servant de référence au calcul de l’aide reçue en vertu des programmes fédéraux peuvent dès lors être attribuables à des produits non couverts par le Programme Asra. L’arrimage collectif basé sur les caractéristiques de la ferme type spécialisée permettait donc de ne prendre en compte que les paiements liés aux produits assurés.
[96] Elle est également fonction des plafonds imposés par les programmes fédéraux. Sur ce dernier point, le vice-président aux assurances et à la protection du revenu de la Financière agricole explique[51] :
R |
[…] Un des arguments qu’on avait à l’époque et qu’on a toujours est à l’effet que le jour où on s’entend, où on signe un accord d’appliquer- on signe une entente d’appliquer des programmes fédéraux, on est mandatés pour le - les appliquer de telle et telle façon que ces programmes-là incluent des mesures de plafonnement, on ne pouvait pas indirectement par un autre programme, venir déplafonner, donc de contourner les ententes prises, qui étaient à l’effet qu’il y ait des - qu’on applique des plafonds dans les en… - dans les deux (2) programmes, ICP et Agri-investissement de démarrage et de venir par l’ASRA enlever ces plafonds-là en donnant de l’ASRA, en lieu et place de ce qui avait pas été reçu par les entreprises dû aux plafonds dans ICP et dans contribution démarrage. |
Q |
Est-ce que c’est l’effet que c’aurait donné de faire un arrimage individuel? |
R |
Ben, toutes les sommes que… toutes les sommes qui n’ont pas été versées à cause des plafonds, c’est l’ASRA qui les aurait versées. Le fédéral nous aurait pas payés pour ces montants-là. Donc, c’est l’ASRA qui aurait payé les montants en cause, ce déplafonnement. Donc, quand c’est l’ASRA qui paie, la facture est répartie sur l’ensemble des seize mille (16 000) entreprises ASRA. […] |
[97] Or, bien que le Programme Asra ne prévoie pas l’existence d’un tel plafond, l’impact financier de sa décision de procéder sur une base collective ou individuelle est un facteur que la Financière agricole pouvait prendre en considération dans son analyse, pour autant par ailleurs qu’elle respecte le Programme Asra, comme c’est le cas ici. Celle-ci voit à l’administration d’un programme financé notamment par l’État et les entreprises agricoles dont leurs contributions devront à long terme correspondre aux compensations versées. Les considérations à long terme de sa décision à l’égard des adhérents et du respect de sa mission visant à soutenir le milieu agricole sont à mon avis des facteurs pertinents à considérer.
[98] Je note d’ailleurs qu’en 2008, la recommandation de l’UPA présentée à la Financière agricole dans le cadre de discussions faisant suite à la décision à l’étude maintenait les mesures de plafonnement dans les montants arrimés[52].
[99] Finalement, son effet négatif sur les intimées n’a pas pour effet de constituer deux catégories d’adhérents, la compensation étant pour tous calculée selon les mêmes modalités de la ferme-type, indépendamment des revenus et des coûts de production réels de chaque adhérent.
[100] Vu ma conclusion sur le caractère raisonnable de la décision de la Financière agricole, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur les deux autres questions en litige. Je propose ainsi d’accueillir le pourvoi, d’infirmer le jugement de première instance et de rejeter la requête introductive d’instance des intimées dans les dossiers 750-17-001373-087 et 750-17-001822-109. Compte tenu de la relation entre les parties et de la nature des questions soulevées par ce pourvoi, j’estime justifier que chaque partie paie ses frais, tant en première instance qu’en appel.
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MANON SAVARD, J.C.A. |
ANNEXE
DENIS TRÉPANIER
SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE AGRICOLE DES BOIS-FRANCS
COOPÉRATIVE AGRICOLE COVILAC
LA COOP PURDEL
SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE AGRICOLE LA SEIGNEURIE
COOPÉRATIVE AGRICOLE UNICOOP
9012-2151 QUÉBEC INC.
SOGÉPORC INC.
GABRIEL TURGEON INC.
SOCIÉTÉ EN COMMANDITE PASCOPORC
GROUPE DYNACO, COOPÉRATIVE AGROALIMENTAIRE
COOPÉRATIVE AGROALIMENTAIRE COMAX
R. ROUSSEAU & FILS, S.E.C.
FERME OLYMPIQUE, S.E.C.
MOULÉES DÉSY, S.E.C.
INTER AGRO INC.
TECHNI-PORC INC.
ÉLEVAGE LA BRETANNE INC.
9038-7747 QUÉBEC INC.
FERME LOR-RE INC.
GINETTE MARCHESSEAULT
FERME CASIMIR INC.
C&G PAQUETTE INC.
LES ENTREPRISES B. PAQUETTE LTÉE
PORCHERIES DU BUTTON LTÉE
ÉLEVAGES DU BAS STE-ANNE INC.
FERME SUPORSONIQUE
GÉNE-ALLIANCE INC.
9076-1776 QUÉBEC INC.
CULTURES EXCEL INC.
FRANCINE SAUVAGEAU INC.
FERME JÉTIZACK INC.
CULTURES QUINTO INC.
LES ÉLEVAGES HÉBERTVILLE S.E.N.C.
JEAN-MARC HENRI INC.
LES MARAÎCHERS DE ST-GILLES "1991" S.E.N.C.
FERME GOSFORD ENR. S.E.N.C.
FERME ANDRÉ BRETON INC.
FERME S. & M. MÉNARD INC.
FERME LUC LORANGER INC.
MÉLOPORC INC.
FERME FRANGIS S.E.N.C.
FERME R.M. CÔTÉ & FILS (2000) INC.
FERME PORCINE MARINE S.E.N.C.
F. MÉNARD INC.
ÉLEVAGES JACQUES JOYAL INC.
FERME LA RONCHONNERIE INC.
FERME MAFRAN INC.
COOPÉRATIVE AGRICOLE PROFID'OR
ISOPORC INC.
FERME GERVAIS GOSSELIN INC.
R. ROBITAILLE ET FILS INC.
LE GROUPE C D L M INC.
FERME GAUDREAU INC.
9039-2648 QUÉBEC INC.
FERME DENIS ROBITAILLE INC.
ÉLEVAGES DU HAUT-RICHELIEU INC.
VIAPORC INC.
PORC S.B. INC.
FERME G. ROMPRÉ INC.
9084-9183 QUÉBEC INC.
LES PORCS N & M INC.
FERME PORCLAIR S.E.N.C.
FERME R.D.S. INC.
LES ÉLEVAGES L.D. LTÉE
PORC P.G. S.E.N.C.
FERME M.Y. TURGEON INC.
COOPÉRATIVE AGRICOLE DE ST-BERNARD
ÉLEVAGE Y. DUCHARME INC.
PRODUCTION A. COUTURE (NO 1) LTÉE
PRODUCTION A. COUTURE (NO 2) LTÉE
PRODUCTION A. COUTURE (NO 3) LTÉE
PRODUCTION A. COUTURE (NO 4) LTÉE
PRODUCTION A. COUTURE (NO 5) LTÉE
PRODUCTION A. COUTURE (NO 6) LTÉE
PRODUCTION RENÉ LAIT INC.
ALFRED COUTURE LIMITÉE
FERME B.E.L. PORCS LTÉE
PORCS M.L. INC.
FERME VALLIÈRES & GOSSELIN INC.
MEUNERIE ST-ELZÉAR LTÉE
LES ÉLEVAGES LABRECQUE INC.
JOLY-GRAINS INC.
JOLY-PORCS INC.
LE SITE DE LA COLLINE INC.
LE SITE DES ÉRABLES INC.
FERME SERGE INC.
FERME JOLIVOIR INC.
ALIMENTS BRETON INC.
FERME C.B. INC.
MERMILI INC.
GÉNÉTIPORC INC.
LES ENTREPRISES MAGNUM INC.
TRANS-PORCITÉ INC.
LAIT-PORCITÉ INC.
FERME C.M. S.E.N.C.
FERME PORC SAINT S.E.N.C
LES ENTREPRISES RÉMY LATERREUR INC.
RÉMY LATERREUR
ÉLEVAGES EXPLORATEURS INC.
FERME PALENE INC.
FERME ANDRÉ HÉNAULT S.E.N.C.
GERMAIN LAPOINTE
LA FERME JENLICA INC.
LES IMMEUBLES CLÉMENT DUBOIS INC.
FERMES RODA INC.
FERMES RICHARD INC.
FERME JOCKO S.E.N.C.
FERME D.J. FRAPPIER INC.
LES ENTREPRISES PAUL CLAESSENS INC.
FERME H. ET M. POTVIN S.E.N.C.
FERME JEAN-PAUL PALARDY INC.
ENTREPRISES DENIS LACOSTE INC.
CHANTAL D'AMOUR
FERME BONNETERRE INC.
FERME D'ANJOU & FILS INC.
M.B.M. DAIGLE S.E.N.C.
FERME RÉJEAN TURGEON INC.
FERME JYMDOM INC.
FERME JULES CÔTÉ ET FILS INC.
FERME D.M.L. INC.
RANCH ST-SYLVESTRE INC.
JOHN HOULEY INC.
LA FERME BELGICA INC.
FERME BOVIPRO S.E.N.C.
JACQUES DESROSIERS ET ÉRIC DESROSIERS
FERME B & L DESROSIERS S.E.N.C.
9078-1170 QUÉBEC INC.
FERMES ST-HENRI, S.E.C.
FERME RAY-LOI, S.E.C.
FERMES ST-APOLLINAIRE, S.E.C.
ÉLEVAGES ST-FÉLIX, S.E.C.
LES ÉLEVAGES ST-PATRICE, S.E.C.
FERME BEAUMONTOISE, S.E.C.
[1] Voir liste des INTIMÉES - Demanderesses (ANNEXE).
[2]
Ferme Vi-ber inc. c. Financière agricole du Québec (La),
[3] La Cour rend ce jour son arrêt dans le dossier Lafortune c. Financière agricole du Québec, nº 200 - 09-007762-120 (C.S.), qui soulève, entre autres, cette même question.
[4] Loi sur la Financière agricole du Québec, RLRQ, c. L-0.1.
[5] Ibid., art. 3.
[6] Ibid.
[7] Ibid., art. 19.
[8] (2001) 133 G.O. I, 1336. Plus précisément, c’est en 1975 que le lieutenant-gouverneur en conseil a établi le Régime d’assurance-stabilisation des revenus agricoles, dont l’administration est alors confiée à la Commission administrative des régimes d’assurance-stabilisation des revenus agricoles en vertu de la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, RLRQ c. A-31. En 1979, par la Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, RLRQ, c. 73, la Régie des assurances agricoles du Québec succède à la Commission administrative des régimes d'assurance-stabilisation des revenus agricoles. En 2001, la Financière agricole est substituée à la Régie des assurances agricoles du Québec et à la Société de financement agricole en vertu de la Loi et, en cette qualité, elle en acquiert les droits et pouvoirs et en assume les obligations. Aux termes de l’article 78 de la Loi, le Programme Asra remplace le Régime d’assurance-stabilisation des revenus agricoles.
[9] (2007) 139 G.O. I, p. 132.
[10] Le Programme Asra ne s’applique qu’aux entreprises agricoles mettant en marché l’un des produits agricoles suivants : les agneaux, les bouvillons et bovins d’abattage, les veaux d’embouche, les veaux de grain, les veaux de lait, les porcelets, les porcs, les céréales, maïs-grain et oléagineux, les pommes et les pommes de terre (art. 3).
[11] Ce montant est indexé selon les modalités prévues à l’article 89 du Programme Asra, in fine.
[12] Il s’agissait des ventes nettes admissibles déclarées dans le cadre du Programme canadien de stabilisation des revenus agricoles.
[13] Le montant maximum des ventes nettes admissibles est de 450 000 $ pour le programme ICP et de 3 millions de dollars pour la contribution de démarrage au programme Agri-investissement.
[14] Notes sténographiques de l’audition du 26 mai 2011, M.A., vol. 6, p. 1493-1494 et 1615-1616.
[15] Jugement entrepris, supra, note 2, paragr. 147.
[16] Le tableau reproduit au paragraphe 79 du jugement entrepris illustre les écarts entre les montants réellement reçus par les intimées aux termes des programmes fédéraux et les montants attribués par la Financière agricole. La différence entre ces montants représente le montant de leur réclamation respective. La Financière agricole ne conteste pas l’exactitude de ces chiffres.
[17]
Modifications apportées aux articles 86 et 88 du Programme Asra du 31
décembre 2007,
(2008) 140 G.O. I, 114.
[18] (2009) 141 G.O. I, 51.
[19]
Rollo-Bay Holdings Ltd. v. Prince Edward Island Agricultural
Development Corp. 22 Administrative Law Report (2d) 231; George A.
Demeyere Tobacco Farms Ltd. v. Continental Insurance Co. et al, 46
O.R. 2d) 423; Jean Brissette c. La Financière agricole du Québec,
[20]
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick,
[21] Dès 1975, au moment de sa création, la Commission administrative des régimes d'assurance-stabilisation des revenus agricole se limite à administrer le programme d’assurance-stabilisation alors que c’est le gouvernement qui se charge d’établir le contenu du programme, Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, supra, note 8, art. 2. En 1981, lorsque la Régie des assurances agricoles du Québec succède à la Commission, la Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, supra, note 8 par son article 2 limite le rôle à nouveau de la Régie à un rôle d’administrateur, le gouvernement demeurant celui qui établit le contenu du programme. Ce n’est qu’en 2001, au moment de la création de la Financière agricole, que le gouvernement octroie le pouvoir à l’organisme de déterminer le contenu du programme d’assurance-stabilisation. Je souligne que la situation est par ailleurs différente en vertu de la Loi sur l’assurance récolte, RLRQ, c. 44 où la détermination du contenu du régime de l’assurance-récolte relevait de l’organisme (initialement la Régie de l’assurance récolte) chargé de son administration.
[22] M.I., paragr. 18.
[23]
Didier Lluelles et Benoît Moore,
no 750-05-000023-928 (C.S.) (décision non rapportée).
[24] Denis Lemieux, « Un contrat administratif peut comporter un élément unilatéral », dans Bulletin CCH, Juin 2008, volume 10, no 3.
[25] René Dussault et Louis Borgeat, Traité de droit administratif, 2e édition, Tome 1, P.U.L., 1984, p. 600.
[26]
Article
[27]
Souscripteurs du Lloyd's c. Alimentation Denis & Mario Guillemette
inc.,
[28] M.A., paragr. 71.
[29]
Contrairement à ce que plaide les intimées, dans l’affaire Fédération des
producteurs de cultures commerciales du Québec c. Financière agricole (La),
[30] Trépanier c. Financière agricole du Québec, supra, note 19.
[31] Lafortune c. Financière agricole du Québec, supra, note 3, paragr. 64.
[32]
Didier Lluelles,
[33]
Pierre Issalys et Denis Lemieux,
[34] D. Lluelles, supra, note 32, p.25.
[35] Ibid., p.26.
[36] C.f. René Carton et Tournai et Pierre Van der Meersch, Précis des assurances terrestres en droit belge, Bruxelles, Éd. Émile Bruylant, 1970, no 26, p. 12.
[37] Programme Asra, art. 12 -13.
[38] On retrouve dans le Programme Asra notamment les termes suivants : assurance (dans le titre même du programme), produits assurables, année d’assurance, certificat d’assurance, certificat d’adhésion, volume assurable, superficies assurées, analyse du risque actualisé.
[39] Voir d’ailleurs à ce sujet Lafortune c. Financière agricole du Québec, supra, note 3, paragr. 64 et 65.
[40]
P. Issalys et D. Lemieux, supra, note 33, p. 1122; Patrice Garant,
[41]
Compagnie de chemin de fer du littoral nord du Québec et du Labrador c.
Sodexho Québec ltée,
[42] M.I., paragr. 34.
[43]
Tout comme pour l’interprétation d’une loi, les titres utilisés dans un
contrat peuvent être utiles à son interprétation. Voir : Caisse
populaire St-Louis de France c. Productions Mark Blandford inc.,
[44] Jugement entrepris, supra, note 2, paragr. 57 à 77. Les interventions gouvernementales peuvent être ponctuelles ou récurrentes, comporter ou non un plafond. Elles peuvent viser les producteurs d’un ou plusieurs produits assurés ou encore être calculées sur le revenu global des revenus provenant notamment de produits non assurés. Seule une partie des adhérents d’un produit donné, ou encore l’ensemble de ceux-ci peuvent bénéficier de l’aide. Elle peut prendre la forme de transferts d’une somme globale à la Financière agricole ou de paiements versés directement aux producteurs agricoles.
[45] La modification apportée en 2008 au paragraphe 88 (3) n’est à mon avis d’aucune aide aux fins d’interprétation du Programme, en ce qu’elle peut être interprétée tant comme une volonté de confirmer la façon de faire que de la modifier.
[46] Je rappelle que la Financière agricole n’a pas modifié le Programme Asra, sa décision relevant ici de son pouvoir de voir à son application et son administration.
[47] Pièce D-14, M.A., vol. 4, p. 1221.
[48] Voir notamment Trépanier c. Financière agricole du Québec (la), supra, note 19. Il est intéressant de souligner que dans cette affaire, certains adhérents se plaignaient de la décision de la Financière agricole d’avoir tenu compte, dans le calcul de la compensation, des montants d’aide réellement reçus en vertu d’un autre programme d’aide provenant du gouvernement fédéral et s’adressant aux producteurs de bovins.
[49] Selon la preuve, les producteurs de porc ont été plus affectés par cette décision, en raison des particularités propres à ce secteur agricole.
[50] Pièce D-12, M.A., vol. 3, p. 877.
[51] Notes sténographiques de l’audition du 27 mai 2011, M.A., vol. 8, p. 1583.
[52] Pièce D-13, M.A., vol. 4, p. 1220. L’UPA n’a d’ailleurs pas donné suite au projet de résolution présenté par l’intimée Ferme Vi-Ber réclamant un arrimage individuel - voir pièce P-30, M.A., vol. 4, p. 1042-1044.
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