Guérin et Régie intermunicipale de police Thérèse-de-Blainville |
2012 QCCLP 829 |
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[1] Le 30 mars 2011, monsieur Jean-Pierre Guérin dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 18 mars 2011.
[2] Par cette décision, la CSST rejette la plainte déposée par monsieur Guérin le 16 novembre 2010 et déclare qu'à la suite de la lésion professionnelle qu’il a subie le 26 juin 2010, ce dernier n'a pas été l'objet d'une mesure discriminatoire, ni d'une sanction ou d'une autre mesure prohibée par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] Le 12 décembre 2011, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à Saint-Jérôme à laquelle monsieur Guérin est présent et est représenté par Me Michel Morissette. L'employeur, la Régie Intermunicipale de police Thérèse-de Blainville, est représenté par Me Lise Boily-Monfette.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Monsieur Guérin demande de reconnaître qu’il a été victime d'une mesure discriminatoire de la part de son employeur qui, le 4 novembre 2010, l'aurait privé d'avantages liés à son emploi en débitant de sa banque de congés un certain nombre d'heures de congés fériés auxquels il aurait eu normalement droit n'eut été de la lésion professionnelle qu’il a subie en date du 26 juin 2010.
L'AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis qu'il y a lieu de rejeter la requête de monsieur Guérin, de confirmer la décision rendue par la CSST le 18 mars 2011, de rejeter sa plainte et de déclarer qu’à la suite de la lésion professionnelle qu’il a subie le 26 juin 2010, ce dernier n'a pas été l'objet d'une mesure discriminatoire, ni d'une sanction ou d'une autre mesure prohibée par la loi.
[6]
L’article
[7] Le membre issu des associations syndicales est d'avis qu'il y a lieu d'accueillir la requête de monsieur Guérin, d'infirmer la décision rendue par la CSST 18 mars 2011 et de déclarer que ce dernier a subi une mesure discriminatoire en raison de la lésion professionnelle qu’il a subie le 26 juin 2010.
[8]
La réduction du nombre d'heures dans la banque de congés fériés à
laquelle l'employeur procède lorsqu'un policier est de retour au travail à la
suite d'une lésion professionnelle constitue une mesure qui contrevient aux
dispositions de l'article
LES FAITS ET LES MOTIFS
[9] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la plainte déposée par monsieur Guérin le 16 novembre 2010 doit être accueillie.
[10]
L'article
32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.
Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253 .
__________
1985, c. 6, a. 32.
[11]
L'article
255. S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d'une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice de ce droit.
Dans ce cas, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.
__________
1985, c. 6, a. 255.
[12] Il ressort également de cet article que lorsque la présomption s'applique en faveur du travailleur, il revient à l'employeur de démontrer qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.
[13] Monsieur Guérin dépose une plainte à la CSST le 16 novembre 2010 alléguant avoir été victime d'une mesure discriminatoire de la part de son employeur qui, le 4 novembre 2010, l'aurait privé d'avantages liés à son emploi en débitant de sa banque de congés un certain nombre d'heures de congés fériés auxquels il aurait eu normalement droit n'eut été de la lésion professionnelle qu’il a subie en date du 26 juin 2010.
[14] Monsieur Guérin explique qu’il est policier pour la Régie Intermunicipale de police Thérèse-de Blainville au grade de sergent de gendarmerie lorsqu'il est victime, le 26 juin 2010, d'un accident du travail lui entraînant une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi à compter du 27 juin 2010.
[15] Pendant sa période d'arrêt de travail, il reçoit une indemnité de remplacement du revenu équivalant à 100 % de son salaire net.
[16] Monsieur Guérin reprend un travail en assignation temporaire du 23 septembre 2010 au 22 octobre 2010 dans le cadre d'une formation de contrôle de foule.
[17] Une fois la formation terminée, monsieur Guérin n'est pas encore capable d'exercer son emploi prélésionnel et, comme l'employeur ne peut lui offrir un autre travail en assignation temporaire, il est de nouveau en arrêt de travail.
[18] Selon les informations consignées par l'employeur dans une lettre adressée à la CSST le 3 février 2011, monsieur Guérin reprend un travail en assignation temporaire du 8 décembre 2010 au 15 décembre 2010 puis son travail habituel à compter du 16 décembre 2010.
[19] Monsieur Guérin relate qu'à titre de policier chez l'employeur, il a droit à un certain nombre de jours fériés par année. Les modalités relatives aux jours de fêtes chômés et payés sont prévues à sa convention collective en vigueur lors du dépôt de la plainte.
[20] Les articles 8.01 et 8.04 de cette convention collective prévoient ce qui suit à ce sujet :
« […]
8.01 Chaque année, la Régie accorde aux policiers régis par la convention collective, cent vingt-six (126) heures fériées (14 jours), incluant la Fête nationale ou toute autre fête déclarée obligatoire en vertu de la loi.
Si le policier a moins d'un an de service continu, le nombre d'heures de congé fériées est proportionnel au nombre de mois durant lesquels il sera à l'emploi de la Régie durant l'année concernée.
Cependant, malgré ce qui précède, les policiers qui travaillent sur un horaire 21-14-35 ont droit à soixante-trois (63) heures fériées par année, incluant la Fête nationale ou toute autre fête déclarée obligatoire en vertu de la loi et ce, en raison de la compensation opérée entre le nombre d'heures effectivement travaillées par les policiers de la gendarmerie ou des enquêtes et le nombre d'heures pour lequel ils sont effectivement rémunérés.
Les jours non pris par l'employé durant l'année lui sont payés au taux horaire régulier, à la première paie du mois de décembre.
Les policiers affectés à l'horaire 22-13-35 ont droit à cent vingt-six (126) heures fériées (14 jours), incluant la Fête nationale ou toute autre fête déclarée obligatoire en vertu de la loi, ainsi que 27 heures (3 jours) non monnayables compensatoires devant être prises durant les périodes des fêtes de Noël et du Nouvel An ou de la période de la fête de Pâques.
[…]
8.04 Lorsqu'un policier quitte le service en cours d'année, il a droit au paiement des congés fériés proportionnellement aux nombres de mois travaillés avant son départ.
Les jours fériés sont accordés en fonction des mois travaillés au courant de l'année. Toute absence prévue ou non à la convention collective affecte le nombre de jours fériés auquel l'employé a droit.
Le paiement des jours fériés se calcule au prorata du temps effectué selon les postes occupés à l'intérieur d'une année. (Ex.) un patrouilleur travaille six (6) mois à la gendarmerie et six (6) mois aux enquêtes ; les fériés sont payables 31.5 à son taux de constable et 31.5 à son taux d'enquêteur.
[…] » [sic]
[21] Monsieur Guérin déclare que le 4 novembre 2010, au moment où il reçoit son premier relevé de paie à la suite de la reprise du travail en assignation temporaire en septembre 2010, il constate que l'employeur a effectué une réduction de 15,75 heures dans sa banque de journées fériées, ce qui représente l'équivalent des heures de congés fériés pour une période de trois mois à raison de 5,25 heures par mois.
[22] Madame Jasmine Lajoie, qui est responsable des ressources humaines chez l'employeur et qui témoigne à la demande de celui-ci, confirme qu'une coupure d'heures a été faite dans la banque de congés fériés de monsieur Guérin.
[23] Madame Lajoie explique qu'un policier qui travaille sur un horaire de 21-14-35, comme c'est le cas de monsieur Guérin, a droit, en vertu du 3e alinéa de l'article 8.01 de la convention collective, à 63 heures fériées par année, soit 5,25 heures par mois.
[24] Comme le système de paie n'est pas conçu pour inscrire mensuellement dans chacune des banques des policiers les heures de congés auxquelles ils ont droit, l'employeur dépose, au 1er janvier de chaque année, un total de 63 heures de congés dans le cas des policiers qui travaillent sur un horaire de 21-14-35 et un total de 126 heures de congés dans le cas des policiers qui travaillent sur un horaire de 22-13-35.
[25] Donc, au début de l'année, monsieur Guérin, qui travaille sur un horaire de 21-14-35, reçoit 63 heures de congés dans sa banque.
[26] Au fur et à mesure qu'il prend ses congés, l'employeur retranche le nombre d'heures correspondant à ce congé dans sa banque.
[27] À la fin de l'année, les heures qui n'ont pas été prises en congés sont payées en argent au policier. Un policier peut donc, à la fin d'une année, avoir gagné plus de 100 % de son salaire.
[28] Madame Lajoie souligne que cette façon de procéder a pour but de faciliter la gestion des heures de congés payés, mais précise que les jours fériés sont accordés en fonction des mois travaillés au cours de l'année et que toute absence affecte le nombre de congés auquel un policier a droit.
[29] Madame Lajoie fait référence au 2e alinéa de l'article 8.04 précité qui stipule que « les jours fériés sont accordés en fonction des mois travaillés au courant de l'année » et que « toute absence prévue ou non à la convention collective affecte le nombre de jours fériés auquel l'employé a droit » [sic].
[30] Aussi, lorsqu'un policier est retiré du travail à la suite d'un accident du travail, l'employeur déduit de sa banque de congés le nombre d'heures de congés correspondant au nombre de mois durant lesquels il a été absent.
[31] Un mois est considéré comme n'ayant pas été travaillé si une absence qui se prolonge au-delà de ce mois a débuté le ou avant le quinzième jour du mois.
[32] Un mois est considéré comme ayant été travaillé si une absence qui se prolonge au-delà de ce mois a débuté après le quinzième jour du mois.
[33] Un mois est considéré comme n'ayant pas été travaillé si le retour au travail à la suite d'une absence s'effectue le ou après le quinzième jour du mois.
[34] Un mois est considéré comme ayant été travaillé si le retour au travail à la suite d'une absence s'effectue avant le quinzième jour du mois.
[35] Lorsque monsieur Guérin reprend son travail en assignation temporaire en septembre 2010, sa banque de congés est donc réduite de 15,75 heures, soit l'équivalent de trois mois de 5,25 heures, car l'absence du travail de ce dernier se déroule du 27 juin 2010 au 23 septembre 2010.
[36]
Le représentant de monsieur Guérin demande d'accueillir la plainte de ce
dernier, car la réduction du nombre d'heures dans la banque de congés fériés à
laquelle l'employeur procède lorsqu'un policier est de retour au travail à la
suite d'une lésion professionnelle constitue une mesure qui contrevient aux
dispositions de l'article
[37] Le procureur de monsieur Guérin soutient que le droit d'un policier de recevoir des heures dans ses banques de congés au 1er janvier de chaque année est un avantage qui n'est pas en lien avec la prestation de travail, mais qui est relié à l'emploi.
[38] Le tribunal ne retient pas les arguments du procureur de monsieur Guérin.
[39]
Les articles
235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle :
1° continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1);
2° continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.
Le présent article s'applique au travailleur jusqu'à l'expiration du délai prévu par le paragraphe 1° ou 2°, selon le cas, du premier alinéa de l'article 240 .
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1985, c. 6, a. 235.
242. Le travailleur qui réintègre son emploi ou un emploi équivalent a droit de recevoir le salaire et les avantages aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficierait s'il avait continué à exercer son emploi pendant son absence.
Le travailleur qui occupe un emploi convenable a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à cet emploi, en tenant compte de l'ancienneté et du service continu qu'il a accumulés.
__________
1985, c. 6, a. 242.
[40] L'interprétation de l'article 242 a donné lieu à deux courants jurisprudentiels au sein de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et de la Commission des lésions professionnelles.
[41] Dans l'affaire Centre hospitalier de l'Université de Montréal (Pavillon Notre-Dame) et Chicoine[2], la soussignée résume comme suit ces deux courants jurisprudentiels :
« […]
[38] Selon un premier courant5, l’article 242 crée une fiction selon laquelle il faut considérer la période d’absence d’un travailleur à la suite d’une lésion professionnelle comme s’il s’agissait de temps travaillé afin qu’à son retour au travail il ne soit pas pénalisé du fait qu’il a été victime d’une lésion professionnelle6. Les tenants de ce courant sont divisés cependant quant à la portée rétroactive de cette fiction. Pour certains, le salaire et les avantages sont payables s’ils ont été accumulés pendant l’absence. L’article 242 couvre la situation lors du retour et pour le futur. Quant au passé, c’est l’article 67 qui couvre cette situation puisque l’on tient compte du passé pour indemniser le travailleur. Tous les avantages sont considérés de la même façon. Pour les autres, on ne reconnaît un avantage que pour le futur parce que les avantages sont pris en compte dans le calcul de l'indemnité de remplacement du revenu par l’application de l’article 67. Les avantages ne sont pas tous égaux et on module l’interprétation de ces dispositions en fonction de l’avantage réclamé.
[39] Selon un deuxième courant7, l’absence à la suite d’une lésion professionnelle n’équivaut pas à une période de travail8. En effet, le travailleur doit se retrouver, lors de son retour au travail, dans la même situation que celle où il aurait été s’il ne s’était pas absenté en raison d’une lésion professionnelle9. Il ne s’agit donc pas de compenser de façon rétroactive le salaire et les avantages dont il aurait bénéficié durant cette période, mais seulement de retrouver le salaire et les avantages reliés à son emploi, aux mêmes taux et conditions que s’il était resté au travail. Il faut se garder d’accorder une portée rétroactive à l’article 242. Ainsi, l’article 67 comble tous les avantages prévus pendant l’absence et l’article 235 dresse la liste de ceux-ci aux fins de l’application de l’article 24210. Puisqu’on ne prend en compte le salaire et les avantages que pour le futur, le type d’avantage réclamé n’a aucune importance puisqu’il n’y aura aucune reconnaissance pendant la période d’absence.
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5. Marin
et Société canadienne de métaux Reynolds
ltée,
6. Métro-Richelieu inc. (division Newton)
et Lefrançois, C.L.P.
7. Baker
et Coopérative fédérée du Québec,
8. C.H.S.L.D.
Biermans-Triest et Gomez, C.L.P.
9. Société
Lucas aérospace (La) et Malandrakis, C.L.P.
10. Société Lucas aérospace (La) et Malandrakis, précitée, note 9
[…] »
[42]
Comme le souligne la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire
Corporation Urgences-Santé et Rhéaume[3],
la jurisprudence majoritaire récente[4] de la Commission des lésions professionnelles retient le deuxième courant selon lequel l'absence à
la suite d'une lésion professionnelle n'équivaut pas à une période de travail et
qu’il faut se garder d'accorder une portée rétroactive à l'article
[43] La soussignée constate que depuis la décision rendue dans l'affaire Corporation Urgences-Santé et Rhéaume[5], la Commission des lésions professionnelles a rendu une décision dans l'affaire Senneville et CSSS du Nord de Lanaudière[6] dans laquelle elle réitère ces principes.
[44] Le présent tribunal partage cette interprétation pour les motifs exprimés dans l'affaire Centre hospitalier de l'Université de Montréal (Pavillon Notre-Dame) et Chicoine[7] :
« […]
[42] La soussignée considère que l'article 242 protège et vise à encadrer le régime des conditions de travail qui s'applique à un travailleur au moment de son retour au travail11 et de s'assurer que ce dernier bénéficie, dès ce moment et pour l'avenir, des mêmes conditions de travail que s'il n'avait pas subi un accident du travail.
[43] C'est ce qui se dégage de différentes décisions d'arbitrage de grief12 qui ont traité de cette question dès les années 80.
[44] C'est également ce qui ressort de nombreuses décisions de la Commission d'appel. Dans l'affaire Courchesne et C.H. Hôtel-Dieu de Sherbrooke13, la Commission d'appel exprime ce qui suit sur ce sujet :
« […]
Cet article doit s'appliquer au moment de la réintégration du travailleur dans son emploi. Son salaire et les avantages acquis ne doivent pas avoir été affectés durant son absence mais seront ceux qu'il devra bénéficier s'il avait continué son travail.
Il ne s'agit pas selon la Commission d'appel de l'interpréter comme étant du « temps travaillé » et qu'à son retour au travail le travailleur a droit de recevoir rétroactivement tout ce qui lui avait été dû durant cette période en vertu de la convention comme s'il s'agissait des heures effectivement travaillées.
Les
jours d'absence, sous réserve de l'article
[…]
La Commission d'appel
considère donc que l'objet de l'article
Dans le
cas des congés-maladie, l'employeur n'a fait qu'appliquer la convention
collective pertinente aux parties en présence. On ne peut considérer qu'il a
exercé de ce fait des sanctions ou des mesures allant à l'encontre de l'article
L'employeur possédait certainement pour ce faire une cause sérieuse et suffisante et il ne s'agissait certainement pas d'un simple prétexte.
[…] »
[45] La Commission d'appel fait référence au principe de la complémentarité des articles 235 et 242, le premier visant à protéger les droits pendant l'absence qui résulte de la lésion professionnelle et le second visant à protéger les droits lors du retour au travail.
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11 Laberge et Garderie Rousselle, précitée, note 7
12
Syndicat National des employés
de l'alimentation en gros de Québec inc. (C.S.N.) et Épiciers unis Métro-Richelieu inc.,
13 Précitée, note 7
[…] »
[45] Plusieurs décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles retiennent le principe selon lequel l'article 242 s'applique au moment du retour au travail et pour le futur et non en regard de la période d'absence du travail en lien avec la lésion professionnelle.
[46]
Dans l'affaire CLSC-Notre-Dame-de-Grâce et Carrier[8],
la Commission des lésions professionnelles écrit qu'en demandant la
reconnaissance du cumul de ses congés durant son absence pour sa lésion
professionnelle, la travailleuse « veut récupérer des sommes
rattachées à son absence CSST passée, ce que ne permet pas de faire l’article
« […]
[51] Ainsi, la convention collective prévoit les conditions d’ouverture du droit au congé annuel ainsi que les modalités de ce droit, le cumul étant une modalité. Ce cumul est sujet à interruption lorsque survient une période d’invalidité de plus de 12 mois. La cause de l’invalidité n’étant pas mentionnée, cette disposition couvre tout type d’invalidité, incluant une invalidité dont la cause est une lésion professionnelle.
[52] Il en est de même pour les congés de maladie. La convention collective prévoit le cumul, sujet à interruption lorsque survient toute absence autorisée de plus de 30 jours complets. La cause de cette absence n’étant pas mentionnée, cette disposition couvre tout type d’absence, incluant une absence en raison d’une lésion professionnelle.
[53] Lorsque la travailleuse réintègre son emploi, elle retrouve les mêmes avantages prévus à sa convention collective, aux mêmes taux et conditions, et, dans le cas de congés de maladie et du congé annuel, ces avantages comprennent le cumul sujet à interruption selon les dispositions prévues à cette convention collective.
[54] Interpréter qu’à sa réintégration au travail, la travailleuse a le droit de recevoir un paiement rétroactif, pour les jours de congé de [sic] annuel et de maladie durant son absence CSST, serait lui conférer des droits allant directement à l’encontre des dispositions spécifiques de la convention collective qui prévoient l’interruption du cumul des congés.
[55] L’article
[…] » [sic]
[47] Les propos de la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Lefebvre et Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Notre-Dame[9] sont au même effet :
« […]
[38] Cette fiction permet donc d’utiliser des données
relatives à la période de référence, soit la période d’absence pour lésion
professionnelle, aux fins de calculer ou d’établir un taux, une condition, un
nombre, etc. Cet exercice ne fait pas de la période de référence une période
à indemniser et ne permet pas de récupérer du salaire ou des avantages
rattachés à la période d’absence pour lésion professionnelle. La jurisprudence
établit clairement que l’article
[…] » [sic]
Les soulignements sont de la soussignée.
[48] La soussignée estime que les mêmes principes s'appliquent au cas de monsieur Guérin.
[49]
L’article
[50] Or, selon l'article 8.04 de cette convention collective, « toute absence prévue ou non à la convention collective affecte le nombre de jours fériés auquel l'employé a droit ».
[51] La preuve révèle, en outre, que tous les policiers sont traités de la même façon par l'employeur et qu’il n'y a pas de distinction qui est faite selon la nature de l'absence.
[52]
Le recalcul fait par l'employeur en regard du nombre d'heures que
monsieur Guérin conserve dans sa banque de congés au moment où il reprend
le travail ne constitue donc pas une mesure prohibée par l'article
[53] L'article 242 ne permet pas à monsieur Guérin d'obtenir ce qu’il réclame, car ce dernier revendique un avantage qu’il n'a pas acquis pendant la période de son absence.
[54] Dans l'affaire R.T.C. Garage et Giroux[10], la Commission des lésions professionnelles conclut dans le même sens :
« […]
[54] La décision de l’employeur de ne pas payer les vacances devant être prises en 2006 est également conforme à la convention collective, vu l’exclusion prévue à la convention collective lorsqu’un travailleur ne travaille pas un seul jour dans une année. La convention collective doit recevoir application relativement à la période de l’absence telle qu’elle a été négociée entre les parties.
[55] L’exclusion qui y est prévue vise tous les droits
associés aux vacances payées. Au moment de son retour au travail en janvier
2007, le travailleur ne pouvait revendiquer en prenant appui sur l’article
[56] Quant aux congés maladie qui aurait été autrement mis en banque le 1er janvier 2006 en prévision de leur usage au cours de cette année, le travailleur ne peut non plus les avoir acquis en vertu de la convention collective, puisqu’il n’a pas travaillé au cours de l’année 2006. Sa situation est couverte par l’exclusion prévue à l’article 21.03 b) 2 de la convention collective. Par surcroît, aux termes de la convention collective, cet avantage ne peut être reporté. Il ne pouvait qu’être monnayé le 31 décembre 2006, soit au cours de la période d’absence pour cause de lésion professionnelle.
[57] À nouveau, quant à cet avantage, le travailleur revendique donc un droit pour la période couverte par son arrêt de travail, de sorte que l’article 242 ne s’applique pas. Il ne peut non plus y prétendre en vertu de la convention collective.
[…] » [sic]
[55] Le procureur de monsieur Guérin soutient que l'avantage réclamé n'est pas pour le passé, mais pour le futur.
[56] Le présent tribunal écarte cet argument, car monsieur Guérin n'a pas acquis dans le passé les droits qu’il réclame au moment de son retour au travail. Il ne peut donc se plaindre d'une atteinte, pour l'avenir, de ces droits.
[57] Par ailleurs, le tribunal ne retient pas l'argument du représentant de monsieur Guérin qui soutient que l'avantage qu’il réclame en est un lié à l'emploi de policier et non à la prestation de travail, car le libellé de l'article 8.04 révèle le contraire.
[58] Le tribunal constate, en effet, que le 2e alinéa de l'article 8.04 stipule spécifiquement que « les jours fériés sont accordés en fonction des mois travaillés au courant de l'année ».
[59] Le représentant de monsieur Guérin soutient également que les policiers qui s'absentent du travail pour une raison personnelle sont traités différemment de ceux qui s'absentent en raison d'un accident du travail. Le procureur de monsieur Guérin fait référence à l'article 11.03 de la convention collective selon lequel un policier n'accumule plus de jours de maladie après quatre mois continus d'absence.
[60] Cet argument ne tient pas, de l'avis de la soussignée.
[61] En effet, il n'y a pas de différence entre le traitement d'un policier et celui d'un autre selon la cause de leur absence.
[62] La seule différence notée ici est que le recalcul effectué par l'employeur en regard du nombre d'heures dans la banque de congés diffère selon qu’il s'agit de congés de maladie ou d'autres sortes de congés puisque l'article 11.03 permet le cumul de congés de maladie pendant une période de quatre mois continus d'absence, ce qui n'est pas permis pour les autres types de congés. C'est donc dire qu'un policier qui est en congé pendant une période inférieure à quatre mois conserve son droit au crédit de jours de maladie.
[63] Le tribunal ne voit rien de discriminatoire dans cette façon de procéder, car tous les policiers, peu importe la nature de leur absence, sont traités de la même façon, sans discrimination. Il s'agit là d'un choix que les parties ont fait au moment de signer leur convention collective.
[64] Le représentant de monsieur Guérin fait aussi référence à la méthode de calcul de l'employeur décrite aux paragraphes 31 à 34 de la présente décision et soutient que celle-ci n'a pas de source dans la convention collective ni dans la loi et que selon les dates de début et de fin de l'incapacité de travail, une personne peut être favorisée par rapport à une autre.
[65] Le tribunal ne retient pas cet argument.
[66] Effectivement, comme le précise la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Sobey’s Québec inc. et Pérodeau[11] « qu’il puisse y avoir un traitement différent pour des travailleurs qui ne se retrouvent pas dans la même situation n’est pas l’objet du présent litige et n’est pas pertinent à sa solution »[12].
[67]
Le tribunal considère, en conséquence, que l'employeur n'a pas pris de
mesure ou de sanction envers monsieur Guérin. Ainsi, la présomption prévue à l'article
[68] La plainte de monsieur Guérin est donc rejetée.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Jean-Pierre Guérin en date du 30 mars 2011 ;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 18 mars 2011 ;
REJETTE la plainte déposée par monsieur Guérin le 16 novembre 2010 ;
DÉCLARE qu'à la suite de la lésion professionnelle que monsieur Guérin a subie le 26 juin 2010, ce dernier n'a pas été l'objet d'une mesure discriminatoire, ni d'une sanction ou d'une autre mesure prohibée par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Martine Montplaisir |
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Me Michel Morissette |
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Poudrier Bradet, avocats, S.E.N.C. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Lise Boily-Monfette |
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Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert & associés, s.e.n.c.r.l. |
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Représentante de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] C.L.P.
[3] C.L.P.
[4] Jean-Ricard et C.H. Université de Montréal, C.L.P.
[5] Précitée, note 3
[6] C.L.P.
[7] Précitée, note 2
[8] Précitée, note 4
[9]
[10] Précitée note 4
[11] C.L.P.
[12] Voir aussi : Métro-Richelieu
inc. (Div. Newton) et Lefrançois,
C.L.P.