Bonduelle Canada inc. |
2009 QCCLP 3280 |
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[1] Le 15 janvier 2008, l’employeur, Bonduelle Canada inc., dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 10 janvier 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST en maintient une autre initialement rendue le 31 août 2007 et refuse la demande formulée par l’employeur, de transférer à tous les employeurs les coûts reliés à une lésion subie le 22 mars 2005 par monsieur Rock Parent, le travailleur.
[3] Une audience est tenue à Montréal le 31 mars 2009. Un représentant de l’employeur et son procureur sont présents.
OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de transférer à tous les employeurs les coûts reliés à un accident du travail subi le 22 mars 2005 par monsieur Parent parce que cet accident est attribuable un tiers et qu’il et donc injuste qu’il en supporte les coûts.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] Le premier alinéa de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit le principe général d’imputation des coûts reliés à un accident du travail :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
[6] Certaines exceptions sont prévues à ce principe. L’employeur allègue une des exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi qui se lit comme suit :
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
[7] L’employeur allègue que l’accident subi par monsieur Parent est attribuable à un tiers et qu’il est donc injuste qu’il en supporte les coûts.
[8] Un délai est prescrit au troisième alinéa de l’article 326 pour invoquer cette exception :
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
[9] L’accident dont monsieur Parent est victime survient le 22 mars 2005. L’employeur produit sa demande de transfert le 23 février 2006.
[10] L’employeur respecte donc le délai prescrit par le troisième alinéa de l’article 326 de la loi. Sa demande est recevable.
[11] La CSST reconnaît que l’accident survenu est attribuable à un tiers. En effet, on lit dans la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative :
…, la Révision administrative estime que les éléments au dossier démontrent que la responsabilité du tiers est contributive à plus de 50 % à la survenance de l’accident.
(sic)
[12] Cette partie de la décision n’est pas contestée.
[13] La CSST refuse toutefois la demande de transfert formulée par l’employeur au motif qu’il n’est pas injuste qu’il en supporte les coûts parce qu’il fait partie des risques inhérents aux activités qu’il exerce.
[14] L’employeur produit sous la cote A-1 la décision de classification rendue par la CSST pour l’année 2005, année de la survenance de l’accident objet du présent dossier
[15] L’unité 20040 est retenue; elle est décrite comme suit :
Préparation, mise en conserve ou congélation de fruits ou légumes; préparation de boyaux naturels à des fins de charcuterie; service d’emballage de fruits ou légumes.
[16] L’employeur explique que monsieur Parent est carriste, c’est-à-dire chauffeur de chariot-élévateur, à l’emploi de Aliments Carrière depuis 34 ans lorsqu’il décède.
[17] Aliments Carrière inc. devient Bonduelle Canada inc. en mars 2005.
[18] Le seul client de l’usine où travaille monsieur Parent est Géant vert; celui-ci exige qu’une photo soit prise à chaque fois que des aliments doivent être détruits. Ce client est le seul à avoir cette exigence parmi tous les clients de toutes les usines de l’employeur.
[19] À toutes les deux semaines, lorsque le conteneur est plein, monsieur Parent suit jusqu’au site d’enfouissement le camion spécial qui apporte ce conteneur au site situé 15 kilomètres plus loin.
[20] Monsieur Parent doit prendre des photos lorsque le camion déverse le conteneur et que les déchets sont recouverts. L’employeur garde ces photos en filière.
[21] Ce travail prend environ une à une heure et demie et la distance à parcourir est 30 kilomètres (15 x 2).
[22] Monsieur Parent exécute ce travail depuis une dizaine d’années. Le 22 mars 2005, il est écrasé par une chargeuse-pelleteuse et tué dans l’exécution de cette tâche particulière, sur le site d’enfouissement qui n’appartient pas à l’employeur. Le conducteur de la chargeuse-pelleteuse n’est pas un employé de Aliments Carrière inc.
[23] Depuis le décès de monsieur Parent, cette pratique a été abolie.
[24] Il n’est pas contesté que l’accident ayant causé le décès de monsieur Parent est attribuable à un tiers.
[25] Est-il injuste que l’employeur en supporte les coûts?
[26] Selon le courant jurisprudentiel majoritaire de la Commission des lésions professionnelles[2], cette injustice est prouvée à l’aide de la notion des risques inhérents aux activités de l’employeur.
[27] C’est à cette notion que la CSST en révision administrative a recours pour statuer qu’il n’est pas injuste que l’employeur supporte les coûts reliés à l’accident survenu le 22 mars 2005.
[28] Avec égards, la soussignée ne souscrit pas à ce courant parce que la notion de risques inhérents est étrangère à la loi, n’en respecte pas l’esprit ni le but visé par les exceptions au principe général d’imputation, crée une discrimination entre les employeurs et amène des incohérences entre l’interprétation donnée aux différents articles de la loi particulièrement au chapitre du financement.
[29] De plus, dans le présent dossier, il est clair que l’accident survenu le 22 mars 2005 n’est pas relié aux risques inhérents aux activités exercées par l’employeur.
[30] Celui-ci œuvre dans le domaine de la mise en conserve et de la congélation de fruits et légumes. Monsieur Parent est écrasé le 22 mars 2005 par une chargeuse-pelleteuse sur un site d’enfouissement.
[31] Il se rend sur ce site une fois à toutes les deux semaines; les déchets sont enfouis à la demande expresse d’un client spécifique qui exige de plus qu’une photographie soit prise à chaque enfouissement.
[32] L’employeur exploite d’autres usines où il ne procède pas de la même façon.
[33] D’ailleurs, cette procédure a été abolie après le 22 mars 2005 et l’employeur opère toujours son entreprise.
[34] La preuve démontre donc que l’accident du 22 mars 2005 ne survient pas dans l’exercice des activités de l’employeur, mais plutôt dans l’exercice d’une activité accessoire, exercée pour un seul client.
[35] Force est de conclure que cet accident ne fait pas partie des risques inhérents aux activités de l’employeur.
[36] Il est injuste qu’il supporte les coûts reliés à cet accident.
[37] La requête de l’employeur est accueillie.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de l’employeur, Bonduelle Canada inc.;
INFIRME la décision rendue le 10 janvier 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que les coûts des prestations versées à la suite de l’accident du travail subi le 22 mars 2005 par monsieur Rock Parent doivent être transférés à tous les employeurs.
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Yolande Lemire |
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Vézina, Labelle associés |
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Jean-Pierre Labelle |
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Représentant de la partie requérante |
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AVIS :
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