DÉCISION
[1] Le 4 septembre 2001, monsieur Claude Laroche (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite d’une révision administrative le 30 août 2001.
[2] Par cette décision, la CSST statue sur trois demandes de révision distinctes de la part du travailleur.
[3] La CSST confirme une décision qu’elle a rendue le 26 avril 2001 quant au refus de reconsidérer sa décision initiale du 29 avril 1997 portant sur le revenu brut annuel qui sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu du travailleur à la suite d'une récidive, rechute ou aggravation reconnue le 23 mars 1997.
[4] La CSST déclare irrecevable la demande de révision logée par le travailleur le 4 juillet 2001 à l'encontre d'une lettre du 26 juin 2001 par laquelle la CSST refuse une nouvelle contestation de la base salariale du 3 mai 2001, au motif qu'une décision a déjà été rendue à ce sujet le 26 avril précédent.
[5] La CSST confirme une décision qu'elle a rendue le 11 mai 2001 à l'effet de retenir l'emploi convenable de préposé au service à la clientèle et d'accorder au travailleur une formation de base en informatique ainsi que des cours d'anglais à titre de mesure de réadaptation visant à le rendre apte à exercer cet emploi.
[6] Le travailleur est présent et représenté à l'audience. La CSST est également représentée. L'employeur est absent alors qu'il a cessé ses opérations.
[7] La Commission des lésions professionnelles rend la présente décision après avoir analysé la preuve documentaire soumise, entendu le témoignage du travailleur, soupesé les arguments respectifs des parties et reçu l'avis des membres du tribunal.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[8] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de faire droit à ses demandes visant à augmenter le montant du revenu brut ayant servi de base au calcul de son indemnité de remplacement du revenu depuis le 23 mars 1997.
[9] Le travailleur invoque une majoration du revenu prévu par son contrat de travail en mars 1997 pour tenir compte, entre autres, du montant hebdomadaire de 310 $ que lui versait l'employeur à l'époque à titre de pension, de la rémunération pour les heures supplémentaires et de l'emploi plus rémunérateur qu'il aurait pu exercer au moment de sa lésion professionnelle, n'eût été de circonstances particulières.
[10] Le travailleur soutient que le délai pour loger les demandes ne lui est pas imputable. Il appartenait, selon lui, à la CSST de l'informer des conditions permettant une majoration de la base salariale suivant la loi. Or, il estime avoir plutôt été induit en erreur par l'agent au dossier.
[11] Le travailleur déclare par ailleurs être en accord avec la détermination de l'emploi convenable de préposé au service à la clientèle et les mesures de réadaptation s'y rapportant. Sa contestation porte plutôt sur le maintien de sa capacité de gain qu'il entend établir notamment par le biais de sa base salariale.
L'AVIS DES MEMBRES
[12] Les membres issus des associations d'employeurs et syndicales considèrent que les demandes de modification de la base salariale en vertu de l'article 67 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) (la loi) ont été logées hors délai. Or, il n'a pas été démontré que le travailleur ait été induit en erreur par un agent de la CSST ni aucun autre motif raisonnable pour expliquer le retard à demander la révision ou la reconsidération de la base de salaire.
[13] Il revenait au travailleur de démontrer à la CSST qu'il a tiré un revenu brut plus élevé que celui indiqué à son contrat de travail, notamment pour les heures supplémentaires, alors que les données invoquées à cet effet à compter de l'automne 2000 étaient déjà connues de lui en mars 1997. Le travailleur connaissait aussi le montant reçu à titre de frais de chambre et pension en vertu du Décret de la construction.
[14] Au surplus, la CSST a retenu lors de la récidive du 23 mars 1997 le revenu brut qui a servi au calcul de l'indemnité précédente (1987-1988) en le revalorisant et non le revenu annualisé du contrat de travail de 1997 auquel le travailleur veut désormais inclure diverses majorations.
[15] Quant à l'article 76 de la loi, il ne peut trouver application en l'absence de preuve à l'effet que, n'eût été de circonstances particulières, le travailleur aurait pu exercer un emploi plus rémunérateur que celui d'aide-foreur au moment de la survenance de sa lésion professionnelle.
LES FAITS ET MOTIFS DE LA DÉCISION
[16] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit à une majoration du revenu brut annuel retenu par la CSST pour le calcul de l'indemnité de remplacement du revenu à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 23 mars 1997.
[17] Il s'agit de la seule question en litige dont la Commission des lésions professionnelles est actuellement saisie alors que le travailleur reconnaît que l'emploi de préposé au service à la clientèle correspond aux critères de l'emploi convenable et se dit en accord avec cet emploi qu'il occupe présentement et qui a été désigné par la CSST suivant la recommandation expresse de la conseillère en orientation mandatée au dossier.
[18] La contestation du travailleur porte essentiellement sur le maintien de sa capacité de gain qu'il entend établir par le biais de la majoration de la base de salaire ayant servi au calcul de l'indemnité versée par la CSST à la suite de la lésion professionnelle du 23 mars 1997.
[19] L'historique détaillé du présent dossier est déjà rapporté dans des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles le 29 mars 1999, le 29 janvier 2001, le 26 avril 2001 et le 17 octobre 2001.
[20] Rappelons cependant que le travailleur se blesse au genou droit lors d'un accident du travail survenu le 27 avril 1987 alors qu'il travaille comme poseur de système intérieur pour Les entreprises Nortec inc. À la suite de cette lésion professionnelle, le travailleur se voit accorder par la CSST une subvention en vue d'exercer l'emploi convenable de gérant et propriétaire d'épicerie qui est retenu le 27 septembre 1991.
[21] Une récidive, rechute ou aggravation de cette lésion professionnelle est reconnue par la CSST à compter du 27 mars 1997, alors que le travailleur occupe le poste d'aide-foreur suivant un contrat à durée déterminée qu'il a débuté chez Les forages Kennebec ltée le 10 mars 1997. L'indemnité de remplacement du revenu du travailleur est alors calculée à partir du revenu brut annuel le plus élevé qui est non pas celui provenant du contrat de travail en cours mais celui ayant servi de base au calcul de son indemnité précédente, revalorisé, soit 44 004,57 $ selon les avis de paiement émis par la CSST à compter du 29 avril 1997.
[22] Survient une autre récidive, rechute ou aggravation le 16 mars 1998 sous forme de synovite chronique au genou droit et de méralgie par compression du nerf fémoro-cutané pour laquelle une intervention chirurgicale est réalisée en octobre 1998. Cette lésion professionnelle que reconnaît la Commission des lésions professionnelles dans une décision du 29 mars 1999 prolonge la durée de l'incapacité en cours depuis mars 1997. La lésion est consolidée en mai 1999 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles en résultant.
[23] La détermination du pourcentage d'atteinte permanente et la capacité de retour au travail font l'objet de contestations de la part du travailleur.
[24] La Commission des lésions professionnelles étant saisie du pourcentage d'atteinte permanente résultant de la méralgie paresthésique à la cuisse droite conclut à un déficit anatomo-physiologique de 4 % en relation avec cette lésion professionnelle du mois de mars 1998 dans une décision du 26 avril 2001, confirmée en révision le 17 octobre suivant.
[25] La capacité du travailleur à refaire l'emploi convenable de propriétaire ou gérant d'épicerie est infirmée par la Commission des lésions professionnelles dans une autre décision du 29 janvier 2001 au motif que cet emploi ne respecte pas les nouvelles limitations fonctionnelles reconnues en 1999 chez le travailleur, lequel doit éviter entre autres de marcher ou de rester debout sur de longues périodes. Un nouvel emploi convenable de préposé au service à la clientèle est déterminé le 11 mai 2001 avec l'accord du travailleur.
[26] Entre temps, soit le 16 novembre 1999, le travailleur qui reçoit des indemnités de la CSST demande à l'agent au dossier que soit corrigée sa situation familiale pour tenir compte d'un conjoint et de personnes à charge. Cette demande est accordée par la CSST suivant la teneur des notes évolutives du 19 octobre 2000.
[27] À cette dernière date, soit le 19 octobre 2000, le travailleur invoque à la CSST le fait qu'il gagnait 230 $ à titre de prime d'éloignement puisqu'il travaillait hors Québec en 1997. Madame Plante, à titre d'agent au dossier, demande alors au travailleur de produire son rapport d'impôt ou son contrat de travail suivant ce qui est le plus rémunérateur.
[28] Dans une demande écrite adressée à la CSST le 22 mars 2001, le travailleur affirme avoir droit à un revenu brut majoré considérant l'attestation écrite de son employeur à l'effet qu'il lui versait une pension de 310 $ par semaine à l'époque de la réclamation en 1997 et aussi en 1994, 1995 et 1996. Le travailleur soutient avoir été induit en erreur par madame Plante car selon d'autres informations qu'il aurait obtenues, la pension en cause n'est pas imposable. Le travailleur en déduit qu'il a bel et bien droit à la majoration du revenu demandée.
[29] Dans une autre lettre datée du 29 mars 2001, le travailleur fait état à la CSST de ses revenus pour la période qui précède la récidive, rechute ou aggravation du 23 mars 1997, talons de paie et relevé d'emploi à l'appui. Le travailleur invoque les faits qu'il décrit comme suit :
« […]
Mon premier jour de travail a été le 10 mars 1997 et mon dernier jour payé a été le 20 mars 1997. Durant ces 10 jours j'ai fait 94.50 heures en temps régulier aux taux de $18.47 ainsi que 17.00 heures en temps doubles aux taux de $36.94 et $261.08 de vacances, pour des gains cumulatifs de $2634.48, ce qui fait $1317.24 par semaine pour 55.75 heures par semaine. […] » [sic]
[30] Le 17 avril 2001, la CSST communique avec le travailleur et lui fait part que sa demande de reconsidération de la base salariale est hors délai tout en lui précisant que ce n'est pas le contrat de travail sur la construction en 1997 qui a servi de base au calcul de l'indemnité mais bien le revenu supérieur provenant de la réclamation précédente qui a été revalorisé.
[31] Dans une décision du 26 avril 2001, la CSST refuse de reconsidérer la base de salaire en spécifiant que ce refus ne peut faire l'objet d'une demande de révision. Une telle demande est cependant logée par le travailleur à l'encontre de cette décision qui sera maintenue ensuite pour d'autres motifs.
[32] Le 3 mai 2001, le travailleur demande la reconsidération du revenu brut ayant servi de base au calcul de l'indemnité le 29 avril 1997. Il allègue des faits essentiels inconnus au moment de cette décision qui comporte, selon lui, des erreurs relatives à l'application d'une règle de droit et d'une règle administrative. Le travailleur soutient qu'il s'agit d'une première demande de reconsidération alors qu'il aurait seulement souligné à l'agent au dossier une erreur de calcul en octobre 2000 de même que le 22 mars 2001.
[33] La nouvelle demande du travailleur n'énonce aucun fait particulier mais plutôt les dispositions générales se rapportant à la démonstration d'un revenu brut plus élevé que celui prévu au contrat de travail. Elle fait mention aussi de la détermination d'un revenu brut plus élevé lorsque le travailleur démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur au moment où s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières. Elle indique enfin que l'indemnité de remplacement du revenu vise à protéger non seulement le revenu du travailleur mais aussi sa capacité de gain.
[34] Le 26 juin 2001, la CSST refuse la demande logée par le travailleur le 3 mai précédent puisqu'une décision a déjà été rendue concernant le refus de reconsidérer la base de salaire le 26 avril 2001. Le travailleur conteste à nouveau le 4 juillet 2001 en précisant avoir logé trois demandes différentes aux fins de la majoration du revenu brut retenu pour le calcul de l'indemnité en avril 1997. La première repose sur le montant hebdomadaire de 310 $ versé par l'employeur. La seconde vise les heures supplémentaires effectuées. La troisième a trait à l'emploi plus rémunérateur que le travailleur aurait pu occuper au moment de sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
[35] Le 30 août 2001, la révision administrative de la CSST rend la décision présentement en litige.
[36] À l'audience, le travailleur estime avoir été induit en erreur par l'agent de la CSST sur plusieurs éléments de son dossiers tels le pourcentage d'atteinte permanente, le calcul de l'indemnité pour dommages corporels et la détermination de sa base salariale suivant la teneur des notes évolutives complétées à partir du 12 octobre 1999. Il explique que c'est à force de contester, de passer en audience devant la Commission des lésions professionnelles et de chercher des informations pertinentes sur Internet qu'il aurait pris connaissance de ses droits, y compris le fait de pouvoir inclure diverses sources de revenu supplémentaire dont il bénéficiait en mars 1997. Le travailleur soutient qu'il incombait à la CSST d'obtenir les renseignements sur les sources de revenu supplémentaire alors que c'est elle qui connaît et applique la loi.
[37] Il demande ainsi la reconsidération avec majoration du revenu brut ayant servi de base au calcul de son indemnité depuis la lésion professionnelle du 23 mars 1997 pour tenir compte du montant hebdomadaire de 310 $ que lui versait son employeur à titre de frais de chambre et pension suivant le décret de la construction, des heures supplémentaires pour lesquelles il a été rémunéré à l'époque et aussi de l'emploi plus rémunérateur qu'il aurait pu exercer, n'eût été de circonstances particulières. Le travailleur mentionne aussi à l'audience l'usage d'une camionnette que lui fournissait l'employeur pour se rendre sur le chantier situé à Ottawa en mars 1997.
[38] Bien qu'il soit en accord avec l'emploi convenable de préposé au service à la clientèle qu'il occupe actuellement, le travailleur précise que le salaire rattaché à cet emploi fait l'objet d'une décision contestée dont la révision administrative de la CSST est présentement saisie. Le travailleur soutient que sa capacité de gain demeure malgré tout au coeur du présent débat devant la Commission des lésions professionnelles étant donné l'emploi plus rémunérateur qu'il aurait pu occuper, considérant l'état du revenu actuel d'un foreur et d'un aide-foreur qui est mis en preuve à l'audience. À l'époque de la lésion, le travailleur souligne qu'il était susceptible d'être promu au poste de foreur alors qu'il était déjà en mesure d'opérer la machine.
[39] Le travailleur invoque en premier lieu l'application de l'article 67 de la loi, lequel se lit comme suit :
67. Le revenu brut d'un travailleur est déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de travail et, lorsque le travailleur est visé à l'un des articles 42.11 et 1019.4 de la Loi sur les impôts (chapitre I - 3), sur la base de l'ensemble des pourboires que le travailleur aurait déclarés à son employeur en vertu de cet article 1019.4 ou que son employeur lui aurait attribués en vertu de cet article 42.11, sauf si le travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de l'emploi pour l'employeur au service duquel il se trouvait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle ou du même genre d'emploi pour des employeurs différents pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.
Pour établir un revenu brut plus élevé, le travailleur peut inclure les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations pour heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèces n'est pas incluse dans le salaire, les rémunérations participatoires, la valeur en espèces de l'utilisation à des fins personnelles d'une automobile ou d'un logement fournis par l'employeur lorsqu'il en a perdu la jouissance en raison de sa lésion professionnelle et les prestations en vertu de la Loi sur l'assurance‑emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23).
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1985, c. 6, a. 67; 1997, c. 85, a. 4.
[40] Le 29 avril 1997, la CSST émet un avis de paiement adressé au travailleur en même temps que le premier chèque d'indemnité à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 23 mars 1997. Un tel avis de paiement constitue la décision de la CSST concernant la base salariale retenue pour les fins du calcul de l'indemnité de remplacement du revenu[1].
[41] La modification de la base salariale qu'invoque le travailleur à la CSST en novembre 2000 et le 22 mars 2001 pour tenir compte du montant hebdomadaire payé par l'employeur en mars 1997 à titre de frais de chambre et pension ne respecte pas le délai de 30 jours pour demander la révision d'une telle décision suivant l'article 358 de la loi, lequel stipule ce qui suit :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[42] Il en est de même de la demande de modification de la base salariale logée par le travailleur en mars puis en juin 2001 pour tenir compte de la rémunération reçue à l'époque de la réclamation de 1997 pour les heures supplémentaires effectuées.
[43] La preuve ne comporte aucun motif raisonnable susceptible d'expliquer la contestation très tardive du travailleur et permettre de prolonger le délai en sa faveur suivant l'article 358.2 de la loi, dont le libellé se lit comme suit :
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
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1997, c. 27, a. 15.
[44] Il n'y a pas au dossier de preuve qui soutienne les allégations du travailleur voulant qu'il ait été induit en erreur par la CSST. Celle-ci a plutôt demandé au travailleur de produire son rapport d'impôt ou son contrat de travail après que ce dernier lui ait fait part, trois ans et demi après la décision initiale, de son intention de demander une majoration de la base salariale en fonction de la pension hebdomadaire versée par l'employeur en mars 1997. Il est à noter que le travailleur avait déjà demandé une telle majoration au présent dossier dans une réclamation antérieure de 1988. Par ailleurs, le fait que la pension invoquée soit non imposable n'indique aucunement qu'elle soit admissible à titre de revenu supplémentaire suivant le deuxième alinéa de l'article 67 de la loi.
[45] Selon le libellé de l'article 67, il revient non pas à la CSST mais au travailleur de démontrer qu'il a obtenu un revenu brut plus élevé que celui prévu par son contrat de travail. L'ignorance de la loi et le fait que les agents de la CSST n'aient pas informé d'emblée le travailleur des dispositions lui permettant d'établir un revenu brut plus élevé que celui prévu au contrat de travail ne sauraient constituer un motif raisonnable pour ne pas avoir agi plus tôt[2].
[46] Qui plus est, la preuve au présent dossier révèle que la CSST a utilisé non pas le revenu du contrat de travail même annualisé de mars 1997 pour établir la base de salaire du travailleur mais bien le revenu plus élevé ayant servi au calcul de son indemnité antérieure, après revalorisation, conformément aux prescriptions suivantes de l'article 70 de la loi :
70. Le revenu brut d'un travailleur qui subit une récidive, une rechute ou une aggravation est le plus élevé de celui qu'il tire de l'emploi qu'il occupe lors de cette récidive, rechute ou aggravation et du revenu brut qui a servi de base au calcul de son indemnité précédente.
Aux fins de l'application du premier alinéa, si la récidive, la rechute ou l'aggravation survient plus d'un an après le début de l'incapacité du travailleur, le revenu brut qui a servi de base au calcul de son indemnité précédente est revalorisé.
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1985, c. 6, a. 70.
[47] La preuve indique, d'autre part, que c'est en vertu de l'article 365 de la loi que le travailleur a demandé à la CSST de reconsidérer sa base salariale. Cet article se lit comme suit :
365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.
Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.
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1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1997, c. 27, a. 21; 1996, c. 70, a. 43.
[48] Les demandes telles que formulées par le travailleur ne sont pas fondées sur le motif de l'erreur mais sur la connaissance de faits essentiels nouveaux. Il s'agit, par conséquent, d'une reconsidération en vertu du deuxième alinéa de l'article 365 qui n'est pas visé par la restriction prévue au deuxième alinéa de l'article 358 de la loi.
[49] La preuve révèle toutefois que les prescriptions du deuxième alinéa de l'article 365 ne sont pas rencontrées en l'espèce. Les faits invoqués par le travailleur en 2000 et 2001 étaient connus de lui dès 1997. Il n'y a pas non plus de motif raisonnable expliquant le retard à soumettre la demande de reconsidération, suivant l'article 352 de la loi.
352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
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1985, c. 6, a. 352.
[50] Le travailleur invoque la découverte non pas de faits nouveaux essentiels mais d'une disposition légale, soit le deuxième alinéa de l'article 67, afin d'inclure désormais dans la base de salaire les majorations pour les heures supplémentaires en plus d'un montant hebdomadaire reçu de l'employeur à titre de frais de chambre et pension. Or, une erreur dans l'application ou l'interprétation d'une règle de droit, encore qu'elle soit prouvée, ne peut donner ouverture à la reconsidération compte tenu du principe de la stabilité des décisions[3].
[51] Quant à l'application de l'article 76 de la loi, elle n'est assujettie à aucun délai si ce n'est que le travailleur doit être demeuré incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle pendant au moins deux ans avant sa demande. Cet article stipule ce qui suit :
76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.
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1985, c. 6, a. 76.
[52] Comme le précise la jurisprudence en la matière[4], l'article 76 de la loi vise à protéger la capacité de gain sur laquelle le travailleur peut compter au moment même de la survenance de sa lésion professionnelle compte tenu de l'emploi qu'il aurait alors pu occuper et dont il a toutefois été privé en raison de circonstances particulières.
[53] Cette disposition ne vise cependant pas la situation d'un travailleur qui est privé d'un revenu plus rémunérateur en raison de l'incapacité qui résulte de sa lésion professionnelle. Le législateur n'a pas voulu inclure dans la notion de «circonstances particulières» le fait que le travailleur soit incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle. Dès lors, la démonstration de la progression salariale qu'aurait été susceptible de connaître le travailleur s'il avait poursuivi l'exercice de son emploi d'aide-foreur ou même s'il avait accédé au poste de foreur après la survenance de sa lésion professionnelle n'est pas pertinente à l'application de l'article 76 de la loi.
[54] Le législateur a prévu d'autres mécanismes spécifiques, bien que limités, qui permettent au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'être indemnisé en tenant compte du revenu qu'il tirait au moment de sa lésion professionnelle et aussi, dans une certaine mesure, de la perte de capacité de gain qui résulte de cette lésion. Il s'agit, dans tous les cas, de la revalorisation annuelle de la base salariale servant au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu. De plus, si le travailleur demeure incapable de refaire l'emploi prélésionnel, la loi prévoit des mesures de réadaptation en vue de le rendre apte à exercer un emploi convenable et le versement d'une indemnité réduite de remplacement du revenu jusqu'à ce que le travailleur tire de l'emploi convenable ou d'un autre emploi qu'il occupe, un revenu annuel égal ou supérieur à celui qu'il avait au moment de la lésion professionnelle.
[55] Considérant ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit aux demandes du travailleur telles que formulées en l'instance.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête logée par monsieur Claude Laroche (le travailleur) à la Commission des lésions professionnelles le 4 septembre 2001;
CONFIRME pour d'autres motifs la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite de la révision administrative le 30 août 2001;
DÉCLARE que les demandes logées par le travailleur auprès de la CSST en vue d'obtenir la majoration de sa base salariale en vertu de l'article 67 de la loi ne respectent pas les délais légaux et qu'il n'y a pas de motif raisonnable permettant de prolonger le délai pour demander la révision ou la reconsidération de la décision initiale rendue par la CSST à ce sujet le 29 avril 1997;
DÉCLARE que les prescriptions de l'article 76 de la loi ne sont pas applicables au travailleur dans le cadre du présent dossier;
DÉCLARE que l'emploi de préposé au service à la clientèle constitue un emploi convenable pour le travailleur qui avait droit aux mesures de réadaptation accordées par la CSST en vue de le rendre apte à exercer cet emploi.
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Me Geneviève Marquis |
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Commissaire |
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U.I J. (LOCAL 1275) (M. Lionel Léo Pelchat) |
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Représentant de la partie requérante |
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PANNETON, LESSARD (Me Odile Tessier) |
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Représentante de la partie intervenante |
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[1] Lamontagne et Ross Finlay 2000 inc., C.L.P. 134626-08-0002, 01-01-09, M. Lamarre; Loyer et Entreprises Éric Loyer, C.L.P. 134286-61-0003, 00-11-08, S. Di Pasquale.
[2] Tousignant et Les filés canadiens ltée, C.L.P. 132123-73-0002, 01-03-30, C.A. Ducharme.
[3] Akkari et Les entreprises Deland 2000 inc., C.L.P. 156435-62-0103, 01-03-6-18, S. Mathieu.
[4] Létourneau et Automobile transport inc., C.L.P. 126297-61-9911, 01-02-26, G. Morin.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.