Centre Jardin de l'Aéroport inc. et Granger |
2011 QCCLP 5147 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Drummondville |
28 juillet 2011 |
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Région : |
Mauricie-Centre-du-Québec |
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Dossier CSST : |
135973667 |
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Commissaire : |
Denys Beaulieu, juge administratif |
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Membres : |
Guy-Paul Hardy, associations d’employeurs |
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André Poirier, associations syndicales |
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Partie requérante |
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et |
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Emmanuel Granger |
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Partie intéressée |
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[1] Le 9 mars 2011, Centre Jardin de l’Aéroport inc. (l’employeur) dépose, par l’intermédiaire de ses procureurs, une requête à la Commission des lésions professionnelles en l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 2 février 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST dispose de trois contestations. D’une part, elle confirme la décision initiale qu’elle a rendue le 6 décembre 2010 à la suite d’un avis du Bureau d’évaluation médicale qui s’est prononcé sur les cinq sujets médicaux de l’article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Cette décision avait été contestée par les deux parties. D’autre part, la CSST confirme la décision initiale qu’elle a rendue le 14 décembre 2010 et déclare que le travailleur, monsieur Emmanuel Granger, a droit à la réadaptation que requiert son état, compte tenu des conséquences de sa lésion professionnelle du 28 novembre 2009.
L’AUDIENCE
[3] L’employeur est absent à l’audience tenue à Drummondville le 20 juin 2011, mais il est représenté par son procureur. Le travailleur est présent et il est accompagné de sa procureure.
[4] Dès le début de l’audience, les procureurs des parties ont informé le tribunal de leur intention de ne procéder que dans la présente contestation bien qu’une autre contestation ait été déposée au greffe du tribunal le 3 juin 2011.
[5] Le soussigné a informé les procureurs que le tribunal n’avait toujours pas reçu, en date de l’audience, le dossier que la CSST doit lui transmettre conformément aux dispositions de la l’article 429.26 de la loi.
[6] Le procureur de l’employeur a tenu à compléter la preuve documentaire constituant le dossier du tribunal en déposant le rapport d’expertise obtenu du docteur Paul-O. Nadeau, chirurgien orthopédiste, le 7 avril 2010 (document coté sous E-1). Bien que ce dépôt ait été effectué tardivement et contrairement aux dispositions de la règle 12 des Règles de preuve et de procédure de la Commission des lésions professionnelles[2], le soussigné en a autorisé la production.
[7] Le présent dossier a été mis en délibéré le 20 juin 2011.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[8] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de retenir en partie l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale en écartant le diagnostic de syndrome du canal carpien gauche et en retenant la date de consolidation de la lésion avec suffisance de soins à cette date, tel que ce membre du Bureau d’évaluation médicale le propose.
[9] Par contre, en ce qui a trait aux séquelles permanentes, l’employeur soutient que l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique qui doit être retenue comme étant en relation avec la lésion professionnelle est celle qui fut attribuée par le docteur Paul-O. Nadeau, chirurgien orthopédiste, dans son rapport daté du 2 septembre 2010.
[10] Quant aux limitations fonctionnelles, la lésion n’en entraînerait aucune conformément à l’opinion exprimée par le médecin qui a charge du travailleur. L’employeur soutient en cela que la procédure de référence au Bureau d’évaluation médicale quant aux séquelles permanentes est irrégulière et illégale.
[11] Enfin, quant au droit du travailleur à la réadaptation, second objet de la contestation de l’employeur, celui-ci est en fonction de la décision que rendra le tribunal sur l’avis du Bureau d’évaluation médicale précité.
LES FAITS
[12] En raison du caractère particulier de la présente contestation, le tribunal se limite à ne rapporter l’essentiel des faits permettant de comprendre l’évolution du litige ainsi que la motivation de la présente décision.
[13] Ainsi, le travailleur est âgé de 39 ans à la date de l’événement à l’origine de la présente contestation et il occupait un emploi de fleuriste chez l’employeur depuis cinq mois.
[14] Le 17 décembre 2009, le travailleur remplit un formulaire Réclamation du travailleur à l’égard d’un événement survenu le 28 novembre précédent et qui lui a causé une blessure à la main gauche.
[15] À la suite de cet accident du travail, le travailleur consulte les docteurs Villeneuve et Langlois sur une base régulière.
[16] Le 6 avril 2010, le docteur Hervé Genest, chirurgien plasticien, adresse un rapport de consultation à la docteure Josée Fortier, physiatre, après avoir examiné le travailleur. Le docteur Genest considère que le travailleur devrait être suivi dans cette spécialité.
[17] Au cours des semaines qui suivent, le docteur Genest effectue le suivi constant et régulier du travailleur quant à l’évolution de la plaie consécutive à la lacération du pouce gauche qu’a subie le travailleur.
[18] Le 2 septembre 2010, le travailleur est examiné par le docteur Paul-O. Nadeau, à la demande de l’employeur et en application des dispositions des articles 209 et suivants de la loi.
[19] Le docteur Nadeau conclut aux diagnostic de « lacération au niveau du pouce avec une atteinte du nerf digital du côté cubital », condition dont il fixe la date de consolidation au jour même de son examen avec suffisance de soins et traitements à cette date.
[20] Quant aux séquelles permanentes, le docteur Nadeau attribue un déficit anatomophysiologique (DAP) de 2,5 % selon le code 101936 du Barème des dommages corporels[3] (barème) ainsi qu’un déficit sensitif additionnel de 2,5 % selon ce même code. Quant aux limitations fonctionnelles, la conclusion émise par le docteur Nadeau à cet égard est équivoque quant à leur présence ou non.
[21] Le 9 septembre 2010, l’employeur transmet au docteur Genest ce rapport obtenu du docteur Nadeau daté du 2 septembre précédent. Un formulaire de rapport complémentaire, prévu aux dispositions de l’article 212.1 de la loi, est joint à cet envoi transmis au docteur Genest par télécopie.
[22] Le 21 septembre 2010, le docteur Gélinas, médecin-conseil du Bureau médical de la CSST, transmet au docteur Genest un formulaire « INFORMATION MÉDICALE COMPLÉMENTAIRE ÉCRITE », conformément aux dispositions de l’article 202 de la loi.
[23] À la suite de la réception de ce rapport du docteur Nadeau, l’employeur demande à la CSST de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale en opposant ses conclusions à celles mises par le docteur Genest dans son rapport du 5 août 2010. La contestation porte sur les trois premiers sujets médicaux prévus à l’article 212 de la loi.
[24] Le 14 octobre 2010, le dossier est acheminé au Bureau d’évaluation médicale au regard des cinq sujets médicaux de l’article 212 de la loi. Madame Carole Young, agente d’indemnisation de la CSST, indique aux notes évolutives qu’elle rédige ce même jour que le Rapport complémentaire transmis au docteur Genest n’a pas été reçu en date du 13 octobre.
[25] Le 28 octobre 2010, le docteur Labonté, médecin qui avait pris charge du travailleur, remplit un formulaire de rapport final en fixant la date de consolidation de la lésion au jour même de son examen en cochant les cases appropriées quant à l’existence de séquelles permanentes reliées à la lésion professionnelle.
[26] Le 1er novembre 2010, le Bureau d’évaluation médicale transmet au travailleur un avis de convocation à un examen médical devant être réalisé le 18 novembre suivant par le docteur André Léveillé, chirurgien plasticien.
[27] Le 15 novembre 2010, le docteur Genest remplit le formulaire de Rapport complémentaire que lui a transmis l’employeur le 9 septembre précédent. Le tribunal reproduit le contenu de ce rapport :
« Patient revu depuis. Me dit avoir encore amélioration avec physio. Si plateau atteint → consolidation → je serai d’accord avec les conclusions de l’expertise actuelle. Il ne me paraît pas indiqué d’envisager une réparation du nerf digital compte tenu de l’évolution. »
[28] Le même jour, le docteur Genest remplit le formulaire INFORMATION COMPLÉMENTAIRE ÉCRITE qui lui a transmis la CSST le 21 septembre précédent. Le tribunal reproduit le contenu de ce rapport :
« Légère amélioration.
Physio ad plateau atteint. Compte tenu de l’évolution, je ne crois indiquer de pratiquer la réparation nerveuse du nerf collatéral.
Je ne crois pas à des limitations fonctionnelles permanentes ici.»
[29] Le sceau apposé par la CSST révèle que ces deux formulaires auraient été reçus à la direction régionale Mauricie-Centre-du-Québec le 17 novembre 2010.
[30] Le 18 novembre 2010, le travailleur est examiné par le docteur André Léveillé, en sa qualité de médecin membre du Bureau d’évaluation médicale. Quant au diagnostic, le docteur Léveillé retient celui de « lacération pouce gauche avec atteinte nerf digital collatéral cubital pouce gauche » déjà émis par le docteur Nadeau et il ajoute celui de « syndrome de canal carpien gauche opéré ». Il fixe la date de consolidation de la lésion au 2 septembre 2010, date retenue par le docteur Nadeau avec suffisance de traitement à cette date.
[31] Quant aux séquelles permanentes, le docteur Léveillé attribue un DAP de 2,5 % selon le code 101936 du barème précité à titre de « code utilisé par analogie pour altération sensitive pulpaire cubitale pouce gauche ». Il attribue également un DAP de 1 % selon le code 100526 à titre de « syndrome de canal carpien gauche opéré sans séquelles fonctionnelles avec changement électromyographique » ainsi qu’un DAP de 0 % selon le code 224359 pour préjudice esthétique à l’égard de la séquelle cicatricielle non vicieuse au pouce gauche.
[32] Au titre des séquelles antérieures, le docteur Léveillé ajoute un DAP de 1 % selon le même code 100526 mais à l’égard d’un « syndrome de canal carpien gauche non opéré avec changement électromyographique ».
[33] En ce qui a trait aux limitations fonctionnelles, le docteur Léveillé attribue la suivante :
« Éviter les tâches qui nécessitent une dextérité fine pulpaire pouce gauche de façon répétitive ou prolongée. »
[34] Le 22 novembre 2010, l’agente Carole Young rédige des notes évolutives dans lesquelles elle précise avoir reçu le Rapport complémentaire hors délai et que l’Avis du Bureau d’évaluation médicale a eu lieu le 18 novembre précédent. Une note identique est rédigée à l’égard du formulaire INFORMATION MÉDICALE COMPLÉMENTAIRE ÉCRITE précité.
[35] Le 6 décembre 2010, la CSST rend une décision à la suite de l’Avis du Bureau d’évaluation médicale. Cette décision est contestée tant par l’employeur que par le travailleur qui en demandent tous deux la révision. Il s’agit de la première décision initiale à l’origine de la contestation.
[36] Le 14 décembre 2010, la CSST rend une décision concernant la réadaptation. L’employeur conteste cette décision dont il demande la révision. Il s’agit de la seconde décision initiale à l’origine de la présente contestation.
[37] Le 2 février 2011, la CSST rend une décision à la suite de la révision administrative qui fait l’objet de la présente contestation.
[38] Il s’agit là de l’essentiel de la preuve documentaire constituant le dossier du tribunal.
[39] À l’audience, le travailleur a témoigné brièvement en commentant la nature de ses activités de la vie quotidienne. Ainsi, il a affirmé éprouver une difficulté de préhension de la main gauche et il ressent toujours une zone sensible au pouce.
[40] Ces problèmes l’amènent à avoir de la difficulté à écrire et il ne peut pas effectuer un travail qui exige de la minutie.
[41] En contre-interrogatoire, le travailleur a reconnu qu’il ne présente pas de problème de nature motrice, mais bien de nature sensitive. Par ailleurs, en plus de son pouce gauche, l’index et l’annulaire de la main gauche présentent une sensation de « doigts cassés ».
[42] Le travailleur a reconnu qu’il est propriétaire d’un établissement commercial consistant en une boutique cadeaux et de fleuriste. Jusqu’au 31 mai 2011, le travailleur avait un associé dans cette entreprise dont il a « racheté les parts » comme le veut l’expression familière.
[43] L’entreprise compte trois employés, soit une comptable et deux fleuristes à temps partiel à raison de 20 heures par semaine. Le travailleur, quant à lui, se consacre à l’administration du commerce. Il a affirmé y être présent tous les jours.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[44] Le procureur de l’employeur a soutenu que le formulaire de référence au Bureau d’évaluation médicale que la CSST avait rempli le 14 octobre 2010, révélait que seuls les trois premiers sujets de l’article 212 de la loi faisaient l’objet de la contestation alors que l’avis du Bureau d’évaluation médicale avait été requis sur les cinq sujets médicaux.
[45] Ainsi, bien que le membre du Bureau d’évaluation médicale puisse se prononcer sur les séquelles permanentes puisque la demande lui en est faite, dans la présente affaire, il ne pouvait y procéder valablement étant donné que la CSST avait obtenu du docteur Genest, médecin qui a charge du travailleur, le formulaire de Rapport complémentaire ainsi que le formulaire d’INFORMATION MÉDICALE COMPLÉMENTAIRE ÉCRITE.
[46] Ces deux formulaires sont tous deux datés du 15 novembre 2010 et la CSST les a reçus le 17 novembre 2010, soit la veille de l’examen par le docteur Léveillé, médecin membre du Bureau d’évaluation médicale.
[47] Or, comme le docteur Genest y précisait qu’il ne prévoyait pas des limitations fonctionnelles résultant de la lésion, cette référence au Bureau d’évaluation médicale était donc irrégulière.
[48] D’autre part, quant à l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, le docteur Léveillé n’avait pas, dans les circonstances, à se prononcer sur ce sujet dans la mesure où le docteur Genest exprimait son accord avec le rapport du docteur Nadeau.
[49] Le procureur de l’employeur a conclu son plaidoyer en soumettant au tribunal que, dans la mesure où celui-ci fait droit à son argumentation sur l’invalidité de l’avis du Bureau d’évaluation médicale sur les séquelles permanentes, celle-ci emportait la décision rendue par la CSST par laquelle elle informait le travailleur de son droit à la réadaptation. Il a ainsi commenté une décision de jurisprudence afin d’étayer son propos.
[50] En contrepartie, la procureure du travailleur a soutenu que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale était régulier et que le rapport complémentaire obtenu de la part du médecin qui a charge, ne modifiait pas les conclusions retenues par le Bureau d’évaluation médicale.
[51] À cet égard, elle a rappelé que le témoignage du travailleur confirmait les affirmations faites au docteur Léveillé, à savoir que le travailleur présente toujours une perte de sensibilité au pouce gauche ce qui justifiait d’emblée les limitations fonctionnelles émises par celui-ci.
L’AVIS DES MEMBRES
[52] Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la loi, le soussigné a demandé et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui sur les questions faisant l’objet de la contestation ainsi que les motifs de cet avis.
[53] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la preuve dont dispose le tribunal révèlerait que l’avis rendu par le Bureau d’évaluation médicale est irrégulier quant aux séquelles permanentes.
[54] En effet, les membres sont d’avis que la CSST aurait dû transmettre au docteur Léveillé, dès réception, les formulaires de Rapport complémentaire ainsi que d’INFORMATION MÉDICALE COMPLÉMENTAIRE ÉCRITE. remplis par le docteur Genest.
[55] Quant aux autres sujets médicaux, les membres sont d’avis que le diagnostic de syndrome du canal carpien gauche n’aurait pas dû être retenu par le docteur Léveillé étant donné qu’il s’agit d’une lésion de nature personnelle.
[56] Ce faisant, l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique qui devrait être retenue dans ce dossier est celle qui fut attribuée par le docteur Nadeau dans son rapport du 2 septembre 2010.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[57] La Commission des lésions professionnelles doit statuer sur les cinq sujets médicaux prévus à l’article 212 de la loi à l’égard de la lésion professionnelle qu’a subie le travailleur le 28 novembre 2009.
[58] Il convient de reproduire ici les dispositions de cet article 212 précité :
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
__________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
[59] D’autre part, l’application de ce qui est convenu d’appeler « la procédure d’évaluation médicale » est prévue au Chapitre VI de la loi, plus précisément aux articles 199 et suivants. On y énonce le droit de l’employeur de convoquer un travailleur à un examen médical à être réalisé par un professionnel de la santé désigné de son choix aux articles 209, 210 et 211 de la loi qui prévoient ce qui suit :
209. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut exiger que celui-ci se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'il désigne, à chaque fois que le médecin qui a charge de ce travailleur fournit à la Commission un rapport qu'il doit fournir et portant sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
L'employeur qui se prévaut des dispositions du premier alinéa peut demander au professionnel de la santé son opinion sur la relation entre la blessure ou la maladie du travailleur d'une part, et d'autre part, l'accident du travail que celui-ci a subi ou le travail qu'il exerce ou qu'il a exercé.
__________
1985, c. 6, a. 209; 1992, c. 11, a. 14.
210. L'employeur qui requiert un examen médical de son travailleur donne à celui-ci les raisons qui l'incitent à le faire.
Il assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre.
__________
1985, c. 6, a. 210.
211. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle doit se soumettre à l'examen que son employeur requiert conformément aux articles 209 et 210 .
__________
1985, c. 6, a. 211.
[60] C’est à la suite de la réception de ce rapport de son médecin désigné, que l’employeur peut demander à la CSST de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale en précisant le rapport médical du médecin qui a charge du travailleur auquel il oppose les conclusions obtenues de son médecin désigné sur l’un, plusieurs ou tous les sujets médicaux énoncés à l’article 212 précité.
[61] De plus, conformément aux dispositions de l’article 215 de la loi, l’employeur transmet ainsi au travailleur et au médecin qui en a la charge copie du rapport qu’il a obtenu de son médecin désigné, même s’il n’a pas l’intention de demander à la CSST de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale. Il convient de reproduire ici cet article :
215. L'employeur et la Commission transmettent, sur réception, au travailleur et au médecin qui en a charge, copies des rapports qu'ils obtiennent en vertu de la présente section.
La Commission transmet sans délai au professionnel de la santé désigné par l'employeur copies des rapports médicaux qu'elle obtient en vertu de la présente section et qui concernent le travailleur de cet employeur.
__________
1985, c. 6, a. 215; 1992, c. 11, a. 17.
[62] D’autre part, l’article 212.1 énonce la possibilité pour le médecin qui a charge du travailleur de remplir un formulaire de Rapport complémentaire après avoir pris connaissance de ce rapport qui lui est transmis selon la procédure précédemment décrite. Cet article prévoit ce qui suit :
212.1. Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
__________
1997, c. 27, a. 5.
[63] En outre, dans la présente affaire, la CSST, par l’intermédiaire du médecin-conseil de son bureau médical régional, a obtenu du médecin qui a charge un complément d’opinion au moyen du formulaire d’INFORMATION MÉDICALE COMPLÉMENTAIRE ÉCRITE prévu aux dispositions de l’article 202 de la loi qui énoncent ce qui suit :
202. Dans les 10 jours de la réception d'une demande de la Commission à cet effet, le médecin qui a charge du travailleur doit fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport qui comporte les précisions qu'elle requiert sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
__________
1985, c. 6, a. 202; 1992, c. 11, a. 12.
[64] C’est ainsi que le docteur Genest a rempli le formulaire de Rapport complémentaire précité ainsi que le formulaire d’INFORMATION MÉDICALE COMPLÉMENTAIRE ÉCRITE le 15 novembre 2010, documents reçus à la CSST de la direction régionale Mauricie-Centre-du-Québec le 17 novembre 2010.
[65] Or, l’examen par le docteur Léveillé, membre du Bureau d’évaluation médicale, devait avoir lieu le lendemain, 18 novembre 2010, et son rapport fut dactylographié le lendemain, 19 novembre 2010, mais fut signé par lui le 24 novembre 2010. Cet avis du Bureau d’évaluation médicale fut finalement expédié à la CSST le 29 novembre 2010.
[66] Dans l’intervalle, les notes évolutives rédigées par madame Carole Young, agente d’indemnisation de la CSST, le 22 novembre 2010, révèlent qu’elle a pris connaissance alors des deux formulaires précédemment décrits et transmis par le docteur Genest conformément à la loi, lesquels furent reçus le 17 novembre 2010.
[67] La CSST a alors considéré que ces documents avaient été produits hors délai, ce qui est certes le cas du Rapport complémentaire prévu à l’article 212.1 de la loi, un délai de trente jours étant accordé au médecin qui a charge pour ce faire.
[68] Par contre, comme cet article n’impose aucune sanction au cas de défaut de respect du délai de trente jours qui y est prévu, il ne saurait donc s’agir d’un délai de rigueur ni d’un délai de déchéance.
[69] Au surplus, en date du 22 novembre 2010, le docteur Léveillé n’a toujours pas signé son avis motivé de sorte que si la CSST avait agi en temps utile, soit dès le 17 novembre 2010 ou, à la rigueur, le 22 novembre 2010, le docteur Léveillé aurait pu tenir compte des commentaires exprimés par le médecin qui a charge du travailleur et ainsi rendre un avis conforme à la loi[4].
[70] L’ensemble de ces circonstances révèle que l’Avis exprimé par le docteur Léveillé quant aux séquelles permanentes est irrégulier et illégal et, partant, irrecevable.
[71] Quant au diagnostic, le soussigné précise que le diagnostic de « syndrome du canal carpien gauche opéré », retenu par le docteur Léveillé dans son Avis motivé, n’est pas en relation avec la lésion professionnelle.
[72] Quant aux autres sujets médicaux, le soussigné considère que la preuve révèle avec prépondérance que la date du 2 septembre 2010 doit être retenue, le tout avec suffisance de soins à cette date.
[73] En raison de ce qui précède, le tribunal considère qu’il y a lieu de faire droit, en partie, à la contestation de l’employeur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE, en partie, la requête déposée par l’employeur, Centre Jardin de l’Aéroport inc., à la Commission des lésions professionnelles le 9 mars 2011;
INFIRME, en partie, la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 février 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que les sujets médicaux liant la CSST à l’égard de la lésion professionnelle subie par le travailleur, monsieur Emmanuel Granger, le 28 novembre 2009 sont les suivants :
Diagnostic :
lacération au niveau du pouce avec une atteinte du nerf digital du côté cubital;
Date de consolidation de la lésion :
2 septembre 2010;
Nature, nécessité, suffisance des soins et traitements prescrits ou administrés :
Suffisants à la date de consolidation de la lésion;
Atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique :
CODE DAP
101 936 Atteinte, ankylose au niveau de l’interphalangienne 2.5 %
101 936 Atteinte sensitive pulpaire cubitale pouce gauche 2.5 %
(par analogie)
Limitations fonctionnelles :
la lésion professionnelle n’entraîne aucune limitation fonctionnelle.
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Denys Beaulieu |
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Me Mark-André Archambault |
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LEBLANC LAMONTAGNE ET ASSOCIÉS |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Claude Traversy |
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Représentante de la partie intéressée |
JURISPRUDENCE CITÉE PAR L’EMPLOYEUR
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Règlement modifiant les Règles de preuve, de procédure et de pratique de la Commission des lésions professionnelles (2007) 139 G.O. II, 3404.
[3] Règlement sur le barème des dommages corporels (1987) 119 G.O. II, 5576.
[4] Huard et Société Canadienne des Postes, 199404-71-0302, 21 février 2007, F. Juteau, révision rejetée, 28 mars 2008, M. Zigby..
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.