Pouliot et Sécurité des incendies de Montréal |
2012 QCCLP 6683 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 14 mars 2012, monsieur François Pouliot (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 5 mars 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, l’instance de révision confirme deux décisions initiales qui suspendent le versement de l’indemnité de remplacement du revenu :
o celle du 12 janvier 2012 qui suspend le versement le 16 janvier 2012 au motif que le travailleur a, sans raison valable, omis ou refusé de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
o celle du 13 février 2012 qui suspend le versement à compter du 10 février 2012 au motif que le travailleur a, sans raison valable, omis ou refusé de se soumettre à l’examen médical demandé par la CSST.
[3] L’audience est tenue à Montréal le 4 juillet 2012. Le travailleur est présent et n’est pas représenté. Sécurité des Incendies de Montréal (l’employeur) n’est pas représenté. La cause est prise en délibéré le même jour.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande d’annuler les suspensions du versement de son indemnité de remplacement du revenu en janvier et février 2012.
LA PREUVE
[5] Le 14 novembre 2003, le travailleur se blesse aux épaules dans le cadre de son emploi de pompier à la Ville de Montréal. Sa réclamation est acceptée, il est indemnisé et bénéficie d’un suivi médical.
[6] Selon l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 23 février 2007, la tendinite des deux épaules avec déchirure partielle de la coiffe et accrochage sévère à l’épaule gauche n’est pas consolidée et nécessite une évaluation en orthopédie et une acromioplastie pour les deux épaules.
[7] Le 11 février 2009, le docteur Sébastien Guimond-Simard, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à la demande de la CSST. Il considère que la lésion n’est pas consolidée et nécessite encore des soins ou traitements, à savoir des infiltrations de cortisone et une acromioplastie au niveau des deux épaules.
[8] Le 10 juin 2010, le travailleur consulte le docteur Sylvain Gagnon, chirurgien orthopédiste, qui diagnostique une rupture partielle de la coiffe des rotateurs droite et qui « cédule » une chirurgie de reconstruction. Durant l’attente de la chirurgie, le travailleur est suivi par le docteur Allen Payne.
[9] Les notes évolutives au dossier documentent quelques refus de la part du travailleur pour des dates de chirurgie proposées par l’hôpital.
[10] Le présent litige porte sur la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu, en janvier et février 2012. Le contexte est un projet personnel de voyage à l’étranger.
[11] Pour mieux comprendre les faits, il y a lieu de revenir un peu en arrière. Depuis le mois d’avril 2009, le travailleur a pris sa retraite et a pour projet de voyager. Dès la fin de l’année 2009, le travailleur discute avec les intervenants de la CSST d’un projet de voyage qui interfère avec le processus du dossier.
[12] Les 30 novembre 2009 et 15 décembre 2009, madame Sylvie Doucet de la CSST avise le travailleur qu’il reçoit des indemnités et doit demeurer disponible pour les rendez-vous médicaux, les traitements, les chirurgies, sinon le versement de ses indemnités sera suspendu.
[13] Ainsi, le 30 novembre 2009, madame Doucet écrit :
Le T me dit avoir pris sa retraite chez E et cela dans le but de voyager, d’aller à chasse et la pêche. L’an dernier son projet de voyage a échoué car il a été assigné pour aller en expertise et a dû annuler son voyage.
Cette année il a comme projet de partir soit en noël et le jour de l’an ou début janvier 2010 pour aller en Indonésie et revenir vers le 15 avril 2010. Je lui explique qu’il a beau avoir pris sa retraite de chez l’E, il reçoit toujours des indemnités de la CSST et c’est normal qu’il demeure disponible pour les rendez-vous médicaux et les tx, tel que la chx.
Si il n’est pas disponible nous suspendons les irr. T me dit qu’il est d’accord avec cela, il veut partir la têtre tranquille mais ne veux pas annuler son voyage comme la dernière fois. Il dit qu’il veut jouer fare. Je lui dit que c’est la même chose, il doit s’organiser avec le rendez-vous avec dr Gagnon. il doit leur expliquer la situation et essayer d’avoir un r-v avant son départ à moins que le r-v ne soit pas disponible avant quelques mois. Le T a parlé avec la secrétaire, ils remettent les documents au md et c’est le Dr Gagnon qui priorise ses cas et les r-v sont fixé selon l’ordre de priorité.
La secrétaire lui a dit de tél. la sem. prochaine et il va me tél. la sem. prochaine aussi.
J’insiste pour dire qu’il serait beaucoup préférable de prendre les arrangements pour le r-v et/ou la chx avant son départ.
Le T me dit que s’il savait qu’il doit être de retour par exemple pour le 6 avril alors il s’arrangerait. Sinon, si on l’appelle durant son voyage et qu’il n’est pas disponible pour se rendre au r-v ou la chirurgie il comprendrait que nous devions suspendre les irr, il veut éviter la chicane et être bon joueur. [sic]
(le tribunal souligne)
[14] Le 15 décembre 2009, elle écrit :
Me dit qu’il a confirmé auprès du Dr Gagnon, ont ne devrait pas lui téléphoner avant 6-9 mois pour la 1ère visite. En ce moment, ils donnent r-v a ceux qui ont envoyé leur documents en juillet dernier. J’explique au T que comme il doit partir pour quelques mois, je devrais probablement suspendre les indemnités car si il est absent, il ne sera pas disponible pour une chx advenant le cas ou il y aura une annulation de dernière minute. T me dit qu’il peut me laisser son courriel et qu’il peut arriver rapidement si une disponibilité survenait pour une chx. Son courriel est : (...) on peut aussi laisser un message sur sa boite vocale et son fils lui fera parvenir le message.
T me dit que si nous suspendons les IRR nous règlerons le tout à la CLP.
J’explique que je ne veux pas de guerre, que j’apprécie sa franchise mais que si un employé quitte un emploi quelques mois après avoir écoulé son temps de vacance, par la suite c’est du sans solde. Normalement, le T doit être disponible pour expertise, etc. T est à la retraite et se montre disponible pour une chx en me donnant son courriel, je verrai avec mes supérieurs. [sic]
(le tribunal souligne)
[15] D’autre part, même si le travailleur est en attente de chirurgie, compte tenu des séquelles prévisibles, la CSST débute le processus de réadaptation afin d’explorer les possibilités professionnelles.
[16] Le 19 mai 2010, monsieur Karim Ben Maiz, de la CSST, débute cette démarche. Malgré le fait qu’il ait pris sa retraite de son emploi de pompier, en avril 2009, le travailleur se dit toujours intéressé à travailler.
[17] Une rencontre a lieu, le 19 mai 2010, entre le travailleur, monsieur Ben Maiz et madame Doucet qui écrit :
Donc, T dit qu’il attend toujours un premier rv avec Dr Gagnon, car selon les expertises médicales 204 et BEM, les experts auraient conclus que le T doit avoir une chirurgie.
T a déjà eu une infiltration dans l’épaule par Dr Markland et cette dernière le suivait avant son déménagement dans l’ouest Canadien. L’infiltration lui a permit de récupérer les mouvements de ses bras qu’il ne pouvait presque plus bouger. N’arrivait pas à mettre une chemise dans son pantalon.
T aurait des tendinites à chaque épaule ainsi qu’un tendon déchiré.
T dit toujours tenter d’obtenir une consultation avec le Dr Corriveau sans succès car ce md, ne prends pas de nouveaux patients.
Les dr Gagnon et Corriveau lui ont été référé par des amis soignés avec succès par ces derniers.
T est informé qu’il n’est pas obligé d’avoir la chirurgie. Il est pourrait être évalué avec la condition actuelle.
T affirme voulait avoir la chirurgie ou au moins avoir l’opinion du Dr Gagnon sur la dite chx. J’explique au T que nous demandons un suivi régulier, soit une fois par mois. Ainsi, son md traitant pourra relever une détioriation le cas échéant, et référer au besoin pour des traitements, etc.
Je reviens sur le fait que nous avons toujours été francs et transparents. J’ai permis que le T parte en vacance l’hiver dernier tout en conservant ses prestations car la secrétaire du Dr Gagnon m’avait préciser qu’il était certain que le T ne serait pas appelé avant le début de l’été et que le T m’avait remis son adresse courriel ou on aurait pu le joindre si une place de chx avait été disponible.
Cependant, je clarifie immédiatement que puisque le T est en attente de chx, il n’est pas question que nous acceptions que le T soit à l’extérieur du pays l’hiver prochain car ce dernier sera possiblement appelé pour sa chirurgie, de plus le T doit être disponble pour la réadaptation que nous débutons avant la consolidation ainsi lorsque la chx a lieu, la démarche de réadaptation est déjà bien amorcé. Il serait déraisonnable que le T ne soit disponible et qu’il soit mis au bas de la liste d’attente.
Donc, T dit être bien conscient de tout cela et bien comprendre les enjeux. T dit qu’il a déjà été représentant syndical et ne rien vouloir savoir d’une consolidation avec RRA si chirurgie éventuelle. Il a trop vu de refus de RRA. Ne fait pas confiance. [sic]
(le tribunal souligne)
[18] Le 7 juin 2010, monsieur Ben Maiz convient avec le travailleur de déterminer « à titre administratif » d’un emploi convenable de commis à la saisie de données :
- ASPECT PROFESSIONNEL:
Je questionne le T sur sa décision par rapport à ce qui a été dit lors de la dernière rencontre. T me dit qu’il est allé vérifier auprès de son ex-conjointe (propriétaire d’une agence de voyage) pour la formation qui pourrait l’amener travailler par la suite comme conseiller de voyage. Il a su qu’il devrait étudier pour au moins une année et ajoute qu’il n’est plus capable de faire ça à son âge.
Je lui dit alors qu’avec un secondaire 5 et une expérience professionnelle unique, il ne pourra pas espérer trouver un emploi avec un salaire de 18 ou 20 $ de l’heure s’il ne fait pas une formation académique minimale d’une année dans un domaine particulier. T me dit clairement qu’il ne se voit pas retourner aux études ni travailler à temps plein dans un emploi quelconque.
Je demande alors au T si cela veut dire qu’il est plutôt favorable à une entente financière avec détermination d’un EC à titre administratif et avec un salaire horaire minimale de 14$ de l’heure. T me répond clairement qui oui, mais ça va dépendre des IRR réduites qu’il recevra par la suite. Je lui fais alors la simulation du PIR avec 14$ de l’heure soit un salaire brut annuel de 29 198,40 $. Ceci nous a donné des IRR réduites annuelles de 16 055,77 $. T se dit tout a fait d’accord avec cette entente.
Enfin, il a été convenu de retenir l’emploi de “commis à la saisie des données’’ comme emploi convenable avec 14$ de l’heure. Cet emploi respecte l’ensemble des critères en se basant pour le moment sur l’existence de LF prévisibles émises par le Dr. Guimond-Simard. [sic]
(le tribunal souligne)
[19] Le 17 décembre 2010, après vérifications, madame Claudette Lessard de la CSST écrit, aux notes évolutives, que le travailleur est en attente de chirurgie pour son épaule droite depuis juin 2010, qu’il devrait être appelé par l’hôpital du Sacré-Coeur en février ou mars 2011 et que, s’il refuse ou retarde sa chirurgie, son dossier sera réévalué et le versement de ses indemnités suspendu.
[20] Madame Lessard a une conversation téléphonique avec le travailleur, à cette date, et l’avise que s’il n’est pas disponible pour sa chirurgie, le versement de ses indemnités sera suspendu. Il répond qu’il est au courant, qu’il comprend et qu’un emploi convenable a déjà été déterminé avec monsieur Ben Maiz.
[21] Dans les mois suivants, madame Lessard doit insister auprès du travailleur pour qu’il s’assure d’avoir un suivi médical afin que des rapports médicaux soient produits au dossier, durant l’attente de la chirurgie, puisque la CSST lui verse des indemnités.
[22] Le 10 octobre 2011, monsieur Francis Allard de la CSST rencontre le travailleur, toujours en attente de chirurgie, mais qui veut partir en vacances.
[23] Monsieur Allard informe le travailleur de la nécessité d’obtenir l’autorisation de son médecin et qu’habituellement une absence de deux semaines est autorisée :
- ASPECT MÉDICAL :
T est toujours en attente d’une chirurgie à l’épaule droite. Il sera opéré éventuellement par le docteur Gagnon à l’hôpital Sacré-Coeur mais il n’a toujours pas obtenu la date de son rendez-vous. Je lui indique que de notre côté nous essayerons de nous informer pour la date de sa chirurgie. T est septique de nos chances de réussite d’obtenir une date. Il dit que de son côté, aussitôt qu’il aura un appel il va nous contacter aussitôt pour nous en aviser.
T me dit qu’il trouve contraignant d’avoir des suivis médicaux avec son médecin puisqu’il n’y a pas de changement a sa situation depuis longtemps. Il dit que son médecin veut le revoir seulement après qu’il soit fait opéré. Je lui dis qu’il est important malgré cela qu’il est des suivis réguliers avec son médecin car nous devons savoir si il y progression (positive ou négative) de sa condition.
Le prochain rendez-vous du T avec son médecin traitant est le 20 octobre. Il a aussi prit des rendez-vous d’avance pour le 8 et 29 décembre.
T ne fait pas de physiothérapie ni d’ergothérapie.
T m’indique qu’il veut partir en vacances. Je lui dis que pour se faire il doit nous faire parvenir une autorisation de la part de son médecin. Il me dit qu’il le fera mais veut avoir l’assurance qu’il pourra s’en aller. Je lui dis que je ne lui promet rien puisque nous sommes en attente d’une date de chirurgie. T me dit qu’il peut prendre ses messages à distance régulièrement et qu’il peut aussi être rejoint par courriel. T m’indique son adresse courriel: [...]. Il me dit que ça lui prendrait 2 jours pour revenir à Montréal advenant qu’il obtienne une date de chirurgie lorsqu’il sera partie. Je demande au T quand et combien de temps il compte partir. T me dit de janvier à avril. Je lui dis qu’habituellement nous versons les indemnités pour une période deux semaines si le congé est accordé. Je dis au T que I’agente vérifiera si elle peut avoir de l’information sur la date de chirurgie et que par la suite nous serions plus en mesure de savoir si il est possible de lui accorder un délai pour des vacances.
Je demande au T comment il se sent au niveau de l’épaule droite. Il me dit qu’il se sent quand même assez bien car il fait attention. Il me dit que son épaule se fatigue assez rapidement par exemple lorsqu’il est en conversation téléphonique. Il dit qu’au bout de 5 minutes il doit s’accoter. Il dit qu’il fait attention pour ne pas lever ses bras trop haut comme le stipule les limitations prévisibles. T dit qu’il est en mesure de porter des poids comme des sacs d’épicerie mais il se fatigue plus vite.
T considère qu’il a plus de douleur au niveau de l’épaule gauche que de l’épaule droite.
T me dit qu’il a reçu des injections de cortisone dans les deux épaules (une dans chaque épaule) en 2004-2005 environs et cela l’avait beaucoup aidé.
T émet des craintes par apport à la chirurgie car d’après l’information qu’il a obtenue il y aurait une période de 3 semaines où 1 ne pourrait pas bouger. Il y aurait aussi une période de convalescence de 9 mois. T dit qu’il émet ces craintes car il n’a pas d’aide à la maison. [...]
J’indique au T que lorsqu’il aura un appel pour son opération à l’épaule que nous n’accepterons pas qu’il refuse ou retarde l’opération. Il dit qu’il en est conscient.
- ASPECT PROFESSIONNEL:
J’indique au T qu’une agente devait participer à la rencontre mais elle a dû s’absenter.
Je m’assure de la compréhension du T du processus de réadaptation et de l’emploi convenable suite à la consolidation. Il me dit qu’il avait discuté de tout cela avec le conseiller de réadaptation, Karim Ben Maiz, qui était au dossier auparavant, Il m’indique qu’il avait convenu ensemble d’établir l’emploi de commis à la saisie de données à 14$/hrs comme emploi convenable. T me dit que cela fait du sens pour lui. J’indique au T que nous serons tenu de se prononcer sur sa capacité de travail lors de la consolidation médicale. [sic]
[24] Le 12 octobre 2011, monsieur Allard suggère au travailleur une « solution » alternative pour lui permettre de partir en voyage de janvier à avril 2012 tout en recevant sa pleine indemnité de remplacement du revenu :
- ASPECT PROFESSIONNEL:
Je dis au T que tel que j’avais discuté avec lui au sujet de sa demande de vacances de janvier à avril nous serions en mesure de lui accorder un délai de deux semaines et ce si son médecin est d’accord puisqu’il est en consolidation médicale.
J’indique au T qu’il y aurait une autre solution. Je lui dis que lorsqu’il ira voir le Dr Payne à sa visite du 20 octobre il pourrait lui demander sa consolidation avec rapport final. Le docteur Payne pourrait alors le référer à un médecin qui produira le REM. Par la suite lorsqu’il devra se faire opérer il fera alors une demande de rechute que nous accepterons et nous poursuivrons ses indemnités. Je lui dis qu’entre-temps étant donné que nous aurons son REM il pourra aller en voyage et sera indemnisé dans la période de son année de recherche d’emploi.
T me dit qu’il refuse catégoriquement cette solution. Il me dit qu’il ne fera jamais de demande de consolidation avant qu’il ne soit opéré. Il me dit qu’il a déjà fait une demande de rechute dans le passé et que ça avait été refusé. Je lui explique que nous lui assurons que sa rechute soit accepté puisqu’il se fera opéré au même siège de lésion. T me demande si je peux lui mettre ça par écrit. Je lui dis que je devrai vérifier si je peux lui envoyer cette information au niveau légal.
T me demande aussi sur quelle article de loi nous nous basons pour le 2 semaines. Je lui dis que par apport aux deux semaines nous nous basons sur ce qu’on en moyenne les travailleurs. Je lui dis qu’il est considéré comme un travailleur car il reçoit des indemnités de notre part. T me dit que lorsqu’il travaillait il avait 7 semaines de vacances. Je lui dis que nous ne basons pas le nombre de semaines sur du cas par cas.
En terminant T me dit qu’il ira voir le Dr Payne pour lui demander de lui accorder sa période de vacances et qu’après nous aurons qu’à refuser cette période et il nous enverra une plainte en 32. Je lui dis qu’une plainte en 32 est plus au niveau de l’employeur et pas de nous. T me dit que c’est nous son employeur. Je lui dis que dans le cas qui nous concerne il pourra plutôt faire une contestation de nos décisions.[sic]
(le tribunal souligne)
[25] L’Hôpital du Sacré-Coeur fixe la date de la chirurgie au 4 novembre 2011, puis la reporte au 2 décembre 2011.
[26] Le 14 novembre 2011, monsieur Allard mentionne aux notes évolutives le mécontentement du travailleur face au report de sa date de chirurgie :
- ASPECT PROFESSIONNEL:
T m’avait laissé un message comme quoi sa chirurgie prévue pour le 4 novembre était annulée et remise au 2 décembre.
T me dit que ça ne fait pas son affaire que sa chirurgie soit annulé et remise au 2 décembre puisque ça retarde tout. Il dit qu’il aura sûrement trois semaines de physiothérapie après ça.
T me dit qu’il devra réfléchir à tout ça. Je lui demande qu’est ce qu’il veut dire par là. Je lui dis qu’il est dans l’obligation de se présenter à la date prévue de sa chirurgie. T me dit qu’il se demande si il se fera opérer le 2 décembre ou demandera sa consolidation par son médecin le 8 décembre. Je lui demande de me tenir au courant. [sic]
(le tribunal souligne)
[27] Le 7 décembre 2011, madame Marie-Claude Blouin de la CSST écrit que le travailleur a refusé la date de chirurgie au 2 décembre 2011 :
- ASPECT MÉDICAL:
Le travailleur nous confirme qu’il a refusé l’opération le 2 décembre. T doit voir son médecin demain et il demandera son RMF. Nous lui mentionnons que c’est la solution la plus acceptable dans son cas considérant qu’il partira pour environ 4 mois à l’extérieur (voyage) et qu’il ne pourra pas être payé pour cette période. Lorsque nous lui demandons de nous transmettre son RMF par fax, il nous mentionne que c’est son médecin qui le fera.
Nous lui demandons dans ce cas, qu’il nous téléphoner pour nous faire le suivi. [sic]
(le tribunal souligne)
[28] Le 8 décembre 2011, le travailleur consulte le docteur Payne qui émet un rapport final consolidant la lésion le même jour et attestant de l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (atteinte permanente) et de limitations fonctionnelles. Sur ce dernier point, le docteur Payne fait référence aux limitations fonctionnelles suggérées cinq ans plus tôt, en 2006, par le docteur Serge Tohmé, chirurgien orthopédiste. Le travailleur explique que c’est à sa propre suggestion que le docteur Payne réfère à ce rapport du docteur Tohmé qui n’est pas au dossier. Le travailleur témoigne qu’il veut alors utiliser une évaluation déjà faite afin d’éviter de retarder son dossier vu son départ en voyage.
[29] Le 20 décembre 2011, madame Mélanie Périard de la CSST téléphone au travailleur et lui apprend qu’elle agit à titre de nouvelle conseillère en réadaptation. Ils discutent du voyage projeté le 2 janvier 2012 et de l’emploi convenable de commis à la saisie de données au sujet duquel le travailleur déclare ne pas être qualifié.
[30] Pour cette raison, madame Périard veut rencontrer le travailleur en janvier 2012 afin de poursuivre l’exploration des possibilités professionnelles mais ce dernier rappelle qu’il sera parti en voyage :
- ASPECT PROFESSIONNEL;
J’indique au T que je suis la nouvelle conseillère en réadaptation dans son dossier. J’ajoute que son agente m’a informée du fait qu’il était consolidé, et qu’il prévoyait partir en voyage du 2 janvier au mois d’avril 2012. Je lui mentionne que j’ai pris connaissance de son dossier, et que j’ai constaté qu’un EC avait déjà été identifié avec un conseiller précédent, soit l’emploi de commis à la saisi des données. Je lui demande pourquoi cet emploi avait été choisi. Il me dit qu’il ne savait même pas qu’il s’agissait de ce titre d’emploi, et qu’en fait, ils s’étaient entendu seulement sur le salaire de l’emploi, soit 14$/heure. Il ajoute que le conseiller lui a dit que la CSST n’accepterait pas un EC qui offre un salaire inférieur à cela. Je lui demande s’il est qualifié pour occuper l’emploi de commis à la saisi des données (ex doigté, connaissances en informatique), Il me dit qu’il n’est nullement qualifié pour occuper cet emploi, comme tout autre emploi de bureau d’ailleurs. Il précise que tout ce qu’il sait faire c’est éteindre des feus. Il me parle ensuite d’un emploi au salaire minimum, comme par exemple “employé dans une boîte, dans un terrain de stationnement”.
Je lui dis que nous devrons nous rencontrer, afin de poursuivre l’exploration de ses possibilités professionnelles, et que par conséquent, il devra être disponible en janvier. Il me dit qu’il s’en va en vacances, et qu’il n’a pas l’intention de venir me rencontrer. Il ajoute qu’il est à la retraite. Je lui demande s’il compte retourner sur le marché du travail éventuellement. Il me répond clairement que non. Je lui explique que s’il souhaite bénéficier des services de réadaptation professionnelle, il doit se rendre disponible pour participer au processus. Dans le cas contraire, nous devrons suspendre ou mettre fin à ses IRR. Il me demande s’il doit se prendre un avocat. Je lui dis que c’est son droit.
Je lui dis que je discuterai de son dossier avec ma gestionnaire, et que je le rappellerai en fin de journée ou demain, car je serai en vacances à partir du 22 décembre, et ce jusqu’au 3 janvier inclusivement. [sic] (le tribunal souligne)
[31] Le 21 décembre 2011, madame Périard rapporte aux notes évolutives :
- ASPECT PROFESSIONNEL:
J’indique au T que nous devrons nous rencontrer afin d’identifier un titre d’EC qui respecte les 5 critères. J’ajoute que je lui ai fais parvenir une lettre de convocation pour le 6 janvier a 10h30. il me répète qu’il part en voyage le 2 janvier, et qu’il sera de retour en avril. Il n’est donc pas disponible pour venir me rencontrer.
Le T me dit qu’en fait nous savons très bien tous les deux qu’il s’agit d’identifier un titre d’emploi “bidon’’, puisqu’il est évident qu’il ne retournera pas sur le marché du travail à 58 ans. Je lui dis que s’il n’avait pas pris sa retraite, il serait dans l’obligation de retourner travailler, et qu’une démarche de réadaptation serait vraiment necessaire.
Il me demande d’oublier ce qu’il m’a dit hier, et il ajoute qu’il est très qualifié en informatique. Il ajoute qu’il est même “overqualified” pour tous les emplois à 14$/heure.
Je lui dis que je discuterai de son dossier avec ma chef d’équipe, et que je le recontacterai. Il me laisse une adresse courriel [...] à laquelle je peux le joindre. [sic]
[32] Le 11 janvier 2012, madame Périard fait parvenir au travailleur, à son domicile et par courriel, une convocation pour une rencontre le 16 janvier 2012 dans le cadre du processus de réadaptation. Le travailleur lui répond, par courriel, qu’il sera absent, étant en voyage.
[33] Le 12 janvier 2012, au nom de la CSST, elle émet la décision en litige qui suspend le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 16 janvier 2012 au motif que le travailleur a, sans raison valable, omis ou refusé de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation.
[34] Dans les notes évolutives du 16 janvier 2012, madame Périard expose plus en détail les motifs de cette décision :
- SITUATION:
Le T était en attente d’une chirurgie à l’épaule depuis plusieurs mois, mais il a choisi de ne plus se faire opérer, préférant partir en voyage (de janvier à avril 2012). Ainsi, il a demandé à son médecin de consolider sa lésion, et ce dernier a inscrit sur le RMF qu’il retenait les mêmes limitations que celles inscrites dans l’expertise du Dr. Tohmé, datée de 2006. Considérant que cette expertise n’est pas contemporaine, une demande d’expertise a été faite.
Le T n’est toutefois pas disponible avant son retour de voyage.
Par ailleurs, en ce qui a trait à la réadaptation professionnelle, mentionnons que le T est un pompier à la retraite, qui ne compte pas retourner sur le marché du travail, mais qui ne souhaite pas, non plus, renoncer à son droit à la réadaptation. Considérant qu’il n’est pas disponible actuellement pour participer à son PIR, ses IRR ont été suspendues. [sic]
(le tribunal souligne)
[35] Dans le même courriel du 11 janvier 2012, madame Périard informe le travailleur qu’il recevra prochainement une convocation pour un examen médical car les limitations fonctionnelles émises en 2006 par le docteur Tohmé ne peuvent être retenues car elles ne sont pas contemporaines.
[36] Le 1er février 2012, madame Périard fait parvenir un courriel au travailleur l’informant que sa date de retour de voyage, le 26 avril 2012, est trop éloignée et qu’il est convoqué à un examen médical chez le docteur Chaikou Bah, chirurgien orthopédiste, le 10 février 2012.
[37] Le 3 février 2012, le travailleur répond ce qui suit :
Je n’irai pas voir ce médecin (Dr Bah’Chaikou) pour la date prévue (10-02-2012, car l’hôpital Sacré-Coeur me convoque à une opération pour le mois avril 2012 date, que je vous ferez parvenir avec plaisir le plus tôt possible de sa connaissance. De plus le Medecin ci-mentionné me voyait pour mes limitations, alors que lors de l’opération, les limitations auront surement changé. [sic]
[38] Le 3 février 2012, madame Périard rapporte, aux notes évolutives, les motifs au soutien de la décision initiale qui sera émise le 13 février 2012, suspendant le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 10 février 2012 :
Titre: Suspension des IRR en vertu de l’article 142.2 a
- ASPECT LÉGAL:
- Considérant que le T nous informe qu’il ne se présentera pas à l’expertise 204 prévue pour le 10 février 2012, et ce compte tenu qu’il envisage une chirurgie à son retour de voyage, soit en avril 2012.
- Considérant qu’il a choisi d’annuler sa chirurgie prévue pour le 2 décembre 2011, et qu’il s’est fait consolider, afin de pouvoir partir en voyage.
- Considérant que les limitations fonctionnelles émises par son médecin traitant, dans le RMF, ne sont pas conformes, car non-contemporaines, et que nous devons obtenir l’opinion d’un expert.
- Considérant que selon Mme [...] du bureau des admissions de l’Hôpital Sacré-Coeur, le T pourrait être opéré le 14 février 2012.
- Considérant que le T a refusé à plusieurs reprises des dates de chirurgie proposées par l’Hôpital, dont le 1er février 2012 (voir note du 31 janvier 2012).
Nous suspendons les IRR en vertu de l’article 142.2a, à partir du 10 février 2012, soit la date à laquelle est prévue l’expertise 204. [sic]
[39] À l’audience, le travailleur témoigne et confirme qu’il a effectué ce voyage à l’étranger du 2 janvier 2012 au 26 avril 2012. Depuis son retour, il n’a consulté aucun médecin pour son épaule, ni le docteur Payne, ni le docteur Gagnon. Il n’a pas communiqué avec la CSST. Il affirme que cette dernière l’a convoqué, par écrit, devant un médecin pour être examiné, le docteur Bah, que cet examen a eu lieu le 27 avril 2012 mais le rapport n’est pas versé au dossier.
[40] Le travailleur explique qu’avant d’effectuer ce voyage, il est d’abord informé par une agente de la CSST que, s’il part, le versement de son indemnité de remplacement du revenu sera suspendu durant son voyage et repris à son retour. Il considère cette situation acceptable puisque la CSST n’est pas responsable de ses voyages.
[41] Par la suite, d’autres intervenants de la CSST, messieurs Ben Maiz et Allard lui proposent une autre solution qu’il retient parce que la date de chirurgie fixée au 2 décembre 2011 est trop proche de sa date de départ en voyage le 2 janvier 2011. Il confirme avoir refusé cette date de chirurgie et avoir pris cette décision seul sans consulter son médecin.
[42] Le travailleur consulte ensuite le docteur Payne, le 8 décembre 2011, pour faire consolider sa lésion. Il suggère au docteur Payne de référer aux limitations fonctionnelles émises par le docteur Tohmé.
[43] Le travailleur compte sur le fait qu’en raison de son « entente » avec la CSST concernant un emploi convenable fictif, il pourra bénéficier de sa pleine indemnité de remplacement du revenu durant son année de recherche d’emploi au cours de laquelle il fera son voyage et pourra éventuellement avoir droit à une indemnité réduite de remplacement du revenu. Il pourra ensuite réclamer en récidive, rechute ou aggravation pour subir sa chirurgie et recevoir sa pleine indemnité de remplacement du revenu.
[44] Le travailleur explique que les problèmes commencent lorsque madame Périard, sa nouvelle conseillère en réadaptation, l’interroge quant à l’emploi convenable de commis à la saisie de données, discuté avec monsieur Ben Maiz et au sujet duquel il prétend avoir une entente verbale avec la CSST. Madame Périard lui demande s’il possède « le doigté » et le travailleur lui répond qu’il s’agit d’un emploi fictif.
[45] Au sujet de la démarche avec monsieur Ben Maiz, le travailleur affirme avoir questionné ce dernier à l’époque afin de savoir pourquoi il y avait lieu de déterminer un emploi convenable avant la consolidation de sa lésion. Ce dernier lui aurait répondu que cette démarche avait pour but d’éviter de prendre du retard. Ainsi, l’emploi convenable pourrait « démarrer » dès que la lésion serait consolidée.
[46] Le travailleur témoigne qu’au moment de l’« entente » avec monsieur Ben Maiz, il ne sait même pas le titre de l’emploi que ce dernier retient, l’élément le plus important étant le revenu de cet emploi estimé au taux horaire de 14,00$. Monsieur Ben Maiz lui aurait dit qu’il n’est pas obligé d’occuper cet emploi, pourvu qu’un emploi convenable soit déterminé. À noter qu’aucune décision n’est rendue au dossier quant à la détermination d’un emploi convenable.
[47] Pour revenir à la discussion avec madame Périard, le travailleur témoigne qu’il lui dit que son emploi convenable est déjà déterminé. Elle veut le rencontrer mais il la supplie de le faire avant le 2 janvier 2012, date de son départ. Il rapporte que celle-ci refuse, n’étant pas disponible car elle part en vacances. Il affirme avoir demandé que son dossier soit traité par un autre intervenant et cette suggestion n’est pas retenue.
L’AVIS DES MEMBRES
[48] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête au motif que le travailleur ne démontre aucune raison valable et que, dans les circonstances, la CSST était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[49] Le membre issu des associations syndicales ajoute que la CSST devrait reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 27 avril 2012 car le travailleur s’est présenté à l’examen médical effectué par le docteur Bah, la cause de cette suspension ayant donc cessé.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[50] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à deux reprises et pour deux situations différentes.
[51]
La première suspension du versement de cette indemnité est effectuée le
16 janvier 2012 en raison du fait que le travailleur ne se présente pas à
une rencontre convoquée par la conseillère en réadaptation en charge de son
dossier. Cette décision est basée sur l’alinéa d) du paragraphe 2 de l’article
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
[...]
2° si le travailleur, sans raison valable :
[...]
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
[...]
__________
1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[52]
La seconde suspension est effectuée le 10 février 2012 en raison du fait
que le travailleur ne se présente pas à un examen médical convoqué par la CSST pour
évaluer l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Cette décision
est basée sur l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
[...]
2° si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
[...]
__________
1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[53]
L’examen médical dont il est question est celui prévu à l’article
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .
__________
1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
[54] La preuve démontre, de façon prépondérante, que le travailleur est davantage intéressé par son voyage à des fins personnelles que par les traitements offerts pour sa lésion professionnelle ainsi que par sa réadaptation professionnelle. Sans consulter son médecin, le travailleur refuse la date de chirurgie offerte par l’Hôpital du Sacré-Coeur, le 2 décembre 2011 afin de pouvoir partir en voyage à l’étranger, le 2 janvier 2012, durant quatre mois. Il ne s’agit pas de son premier refus.
[55] Il est fort surprenant que certains intervenants de la CSST suggèrent au travailleur d’utiliser des mécanismes prévus dans la loi dans le but d’en tirer avantage à des fins personnelles, à savoir comment faire pour partir en voyage tout en recevant sa pleine indemnité de remplacement du revenu et réclamer au retour des prestations dans le cadre d’une récidive, rechute ou aggravation. Cette dynamique ne respecte pas le but de la loi qui vise la réparation d’une lésion professionnelle et ses conséquences.
[56] Le travailleur est libre de choisir de subir une chirurgie ou non. Là n’est pas la question. Le travailleur doit cependant faire ce choix sans tergiverser pour des raisons strictement personnelles. Il doit en discuter avec son médecin qui pourra décider de consolider la lésion si aucun autre traitement actif ne peut procurer une amélioration. Si le médecin alloue une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, le travailleur pourra bénéficier de la réadaptation que requiert son état et devra participer activement au processus de réadaptation. Le cas échéant un emploi convenable pourra être déterminé en conformité avec les critères prévus à la loi.
[57] Lorsque des limitations fonctionnelles sont prévisibles, il arrive que la CSST amorce un processus de réadaptation malgré le fait que la lésion ne soit pas encore consolidée. C’est ce que la CSST tente de faire dans le présent dossier mais, force est de constater, que les interventions se soldent par un échec. Le travailleur parle d’ailleurs d’un emploi convenable « bidon ». Le tribunal constate que ce processus s’inscrit davantage dans la « solution » offerte par certains intervenants afin que le travailleur continue de recevoir ses indemnités durant son voyage.
[58] La dernière intervenante, madame Périard constate la nécessité de poursuivre l’exploration des possibilités professionnelles, situation qui met un frein au projet personnel du travailleur. Mal encadré par les intervenants précédents, le travailleur semble peu conscient du fait que les modalités du processus d’indemnisation dont il bénéficie sont prévues dans la loi. Il n’appartient pas au travailleur de « gérer » son dossier comme il l’entend en faisant consolider sa lésion pour partir en voyage et en suggérant même à son médecin de référer à des limitations fonctionnelles, déjà rédigées mais datant de cinq ans, pour accélérer le processus.
[59] De toute évidence, le tribunal constate, en écoutant le témoignage du travailleur, qu’il est intelligent, articulé, bien informé, au courant de son dossier. Le travailleur n’est pas une personne démunie qui a de la difficulté à comprendre les explications. Il les comprend, sait s’en servir et en profiter. Il n’a pas la vulnérabilité de celui qui peut valablement invoquer avoir été induit en erreur. D’ailleurs, le travailleur savait, dès le départ, que sa non disponibilité durant le processus médical et le processus de réadaptation pouvait entraîner la suspension du versement de son indemnité de remplacement du revenu.
[60] Ceci étant, le tribunal rappelle qu’aucune disposition de la loi n’oblige la CSST à donner l’autorisation à un travailleur pour partir en vacances alors qu’il doit être disponible pour son suivi et ses traitements médicaux ainsi que son processus de réadaptation et qu’il reçoit son indemnité de remplacement du revenu.
[61] Or, le 7 décembre 2011, le travailleur refuse volontairement la date de chirurgie offerte pour pouvoir partir en voyage et obtient, le 8 décembre 2011, un rapport final consolidant la lésion en attestant de l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, soit celles émises en 2006 par le docteur Tohmé. Ce rapport final confirme le droit à la réadaptation. Avant ce rapport, il s’agit d’une référence « précoce » en réadaptation. Après ce rapport, une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, même si elles sont contestables, servent d’assise au processus de réadaptation.
[62] La décision prise par madame Périard, à la suite d’une conversation téléphonique du 20 décembre 2011, de poursuivre l’exploration des possibilités professionnelles est justifiée en raison des déclarations du travailleur quant à l’emploi convenable de commis à la saisie de données précédemment suggéré. Le travailleur commence par dire qu’il n’est nullement qualifié pour cet emploi, qu’il s’agit d’un emploi « bidon ». Lorsqu’il s’aperçoit de l’effet de ses propos entraînant la nécessité d’une rencontre, il se dit surqualifié pour tenter d’éviter la rencontre et pouvoir partir en voyage. Le fait, pour le travailleur, de vouloir partir en voyage à l’étranger durant quatre mois n’est pas une raison valable pour omettre de se prévaloir des mesures que prévoit un plan individualisé de réadaptation, les rencontres avec la conseillère en réadaptation en font partie. La suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 16 janvier 2012 est maintenue.
[63]
Par ailleurs, ayant reçu le rapport final du docteur Payne du 8 décembre
2011 qui réfère à des limitations fonctionnelles émises par le docteur Tohmé en
2006, la CSST décide de faire examiner le travailleur. L’article
[64]
Chacune de ces suspensions a un motif distinct. Elles sont donc traitées
distinctement et peuvent prendre fin, en application de l’article
143. La Commission peut verser une indemnité rétroactivement à la date où elle a réduit ou suspendu le paiement lorsque le motif qui a justifié sa décision n'existe plus.
__________
1985, c. 6, a. 143.
[65] Le présent tribunal n’est toutefois pas saisi d’une décision portant sur la fin de ces suspensions et ne dispose pas d’une preuve suffisante pour en traiter.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête du travailleur, monsieur François Pouliot;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 5 mars 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 16 janvier 2012 ainsi que le 10 février 2012;
|
|
|
Lina Crochetière |
Mme Sylvie Whittom
VILLE DE MONTRÉAL- SECTION LITIGES
Représentante de la partie intéressée
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.