Décision

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Pavao et Maçonnerie Latour

2008 QCCLP 6884

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

27 novembre 2008

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

315338-64-0704

 

Dossier CSST :

126703891

 

Commissaire :

Martine Montplaisir, juge administratif

 

Membres :

Jean E. Boulais, associations d’employeurs

 

Robert Cloutier, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Bernard Gascon, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Edgar Pavao

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Maçonnerie Latour

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 10 avril 2007, monsieur Edgar Pavao dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d'une révision administrative, le 14 mars 2007.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision du 11 janvier 2007 par laquelle elle se déclare liée par l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale du 5 décembre 2006 qui conclut que les diagnostics de la lésion professionnelle subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 sont ceux de traumatisme crânien avec commotion cérébrale légère, de fracture de L1 et de L2 avec entorse lombaire et d'entorse cervicale avec légère ankylose résiduelle[1], que les lésions diagnostiquées comme traumatisme crânien, fracture de L1 et de L2 et entorse cervicale sont consolidées le 10 juillet 2006, qu’il y a suffisance des traitements en regard de ces lésions, qu'elles entraînent un déficit anatomo-physiologique de 9 % de même que des limitations fonctionnelles au niveau cervical et lombaire équivalant à la classe 1 de l'échelle de l'Institut de recherche en santé et en sécurité du travail du Québec (l'IRSST)[2].

[3]                De plus, la CSST déclare qu'il y a lieu de poursuivre le versement de l'indemnité de remplacement du revenu de monsieur Pavao jusqu'à ce qu'une décision sur sa capacité de travail soit rendue et que ce dernier n'a plus droit au remboursement du coût de ses traitements en regard des lésions de nature neurologique.

[4]                La CSST confirme également une décision du 17 janvier 2007 et déclare que l'atteinte permanente à l’intégrité physique de monsieur Pavao équivaut à 10,35 %, ce qui lui donne droit à une indemnité pour préjudice corporel de 8 251,12 $, montant auquel s'ajoutent les intérêts courus depuis la date de la réclamation.

[5]                Les 27 août 2008 et 2 octobre 2008, la Commission des lésions professionnelles tient des audiences à Saint-Jérôme auxquelles monsieur Pavao est présent et est représenté par Me André Laporte.  Maçonnerie Latour (l'employeur) n'est pas représenté à l'audience.  La CSST est représentée par Me Sabrina Khan.


L'OBJET DE LA CONTESTATION

[6]                Monsieur Pavao demande de reconnaître que la lésion professionnelle qu’il a subie le 7 septembre 2004 entraîne un déficit anatomo-physiologique de 15 % pour un syndrome cérébral organique, de 13 % pour la fracture de L1 et de L2 et de 15 % pour des vertiges post-traumatiques.  Monsieur Pavao ne remet pas en question l'évaluation du déficit anatomo-physiologique cervical faite par le membre du Bureau d'évaluation médicale.  Monsieur Pavao demande de déclarer qu’il a droit à l'indemnité pour préjudice corporel qui correspond à ce préjudice.

[7]                Monsieur Pavao demande de retenir que les limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle qu’il a subie le 7 septembre 2004 correspondent à celles décrites par la neuropsychologue M.-C. Harvey dans son rapport du 30 novembre 2006[3].  De plus, la lésion au niveau lombaire entraîne des limitations fonctionnelles de classe 2 selon l'échelle de l'IRSST[4].  Monsieur Pavao ne remet pas en question l'évaluation des limitations fonctionnelles relatives à la région cervicale.


[8]                Monsieur Pavao ne remet pas en question les conclusions de cette décision en regard du diagnostic et de la date de consolidation.

L'AVIS DES MEMBRES

[9]                Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis qu’il y a lieu d'accueillir la requête de monsieur Pavao, d'infirmer la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 14 mars 2007 et de déclarer que la lésion professionnelle subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 entraîne une atteinte permanente à l’intégrité physique de 60,75 %, qu’il a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 48 430,51 $ et qu’il conserve des limitations fonctionnelles de classe 2 pour la colonne lombaire ainsi que des limitations qui l'empêchent de travailler dans les hauteurs, de conduire une bicyclette, d'effectuer un travail trop exigeant sur le plan de l'attention, de travailler dans un environnement trop bruyant lorsqu'un effort de concentration est requis, d'effectuer un emploi où il doit focaliser son attention sur un point précis ou faire des mouvements latéraux ou horizontaux de la tête, d'effectuer une activité cognitive soutenue au-delà de 120 minutes, d'effectuer un travail où il doit faire preuve d'une grande capacité d'analyse en vue de trouver une solution efficace et optimale à un problème, d'effectuer un travail nécessitant une grande rétention d'informations complexes sans utiliser de stratégies compensatoires, d'exécuter un travail où il doit être en contact constant avec la clientèle et où il doit répondre à leurs exigences.

[10]           L'avis du neurochirurgien M.-F. Giroux relatif aux limitations fonctionnelles et à l'atteinte permanente à l’intégrité physique qui résulte de la lésion professionnelle du 7 septembre 2004 est prépondérant à celui du membre du Bureau d'évaluation médicale puisque ses conclusions tiennent compte des séquelles fonctionnelles qui résultent de la commotion cérébrale.  Les conclusions de la neuropsychologue Harvey relatives aux limitations fonctionnelles qui résultent des séquelles fonctionnelles de la commotion cérébrale sont prépondérantes puisque ses conclusions reposent sur des analyses sérieuses et détaillées et qu'elles sont partagées par le neurochirurgien Giroux et le neurologue N. Moussette.

LES FAITS ET LES MOTIFS

Atteinte permanente à l’intégrité physique

[11]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la lésion professionnelle subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 entraîne un déficit anatomo-physiologique additionnel de 15 % pour un syndrome cérébral organique, de 13 % pour la fracture de L1 et de L2 et de 15 % pour des vertiges post-traumatiques.

[12]           L'article 83 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[5] (la loi) prévoit qu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit à une indemnité pour préjudice corporel qui tient compte du déficit anatomo-physiologique et du préjudice esthétique qui résultent de cette atteinte et des douleurs et de la perte de jouissance de la vie qui résultent de ce déficit ou de ce préjudice.  Cet article est libellé comme suit :

83. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, pour chaque accident du travail ou maladie professionnelle pour lequel il réclame à la Commission, à une indemnité pour préjudice corporel qui tient compte du déficit anatomo-physiologique et du préjudice esthétique qui résultent de cette atteinte et des douleurs et de la perte de jouissance de la vie qui résultent de ce déficit ou de ce préjudice.

__________

1985, c. 6, a. 83; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

 

[13]           Le premier alinéa de l'article 84 de la loi prévoit, par ailleurs, que le montant de l'indemnité pour préjudice corporel est égal au produit du pourcentage, n'excédant pas 100 %, de l'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique par le montant que prévoit l'annexe II au moment de la manifestation de la lésion professionnelle en fonction de l'âge du travailleur à ce moment.

[14]           L'article 90 de la loi, enfin, prévoit que la CSST paie au travailleur des intérêts sur le montant de l'indemnité pour préjudice corporel à compter de la date de la réclamation faite pour la lésion professionnelle qui a causé l'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique.

[15]           Dans le présent cas, monsieur Pavao conteste une décision par laquelle la CSST établit à 10,35 % l'atteinte permanente à l’intégrité physique qui résulte de la lésion professionnelle qu’il a subie lors d'un accident du travail survenu le 7 septembre 2004.

[16]           Lors de cet accident, monsieur Pavao fait une chute d'une douzaine de pieds lors de laquelle il subit un traumatisme crânien avec commotion cérébrale légère, une fracture de L1 et de L2, une entorse lombaire et une entorse cervicale[6]


[17]           La lésion professionnelle au niveau physique subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 est consolidée le 10 juillet 2006[7].

[18]           À la suite de la consolidation de cette lésion professionnelle, divers médecins se prononcent sur l'existence et l'évaluation de l’atteinte permanente à l’intégrité physique.

[19]           Le neurologue Y. Duchastel, professionnel de la santé désigné par la CSST qui examine monsieur Pavao le 10 juillet 2006, estime que cette lésion professionnelle n'entraîne aucune atteinte permanente à l’intégrité physique du point de vue neurologique.

[20]           Le chirurgien orthopédiste S. Ferron, professionnel de la santé désigné par la CSST qui examine monsieur Pavao le 2 novembre 2006 et qui produit un rapport d’expertise médicale le 6 novembre 2006, conclut que le déficit anatomo-physiologique équivaut à 6 %. 

[21]           Son bilan des séquelles est dressé comme suit :

Préjudice

Code du Barème

Pourcentage

Entorse cervicale sans séquelle fonctionnelle objectivée

203504

0

Fracture par écrasement d'un corps vertébral consolidée (un ou plusieurs corps vertébraux) avec séquelles fonctionnelles sans séquelle neurologique (tableau 12 de la colonne dorsolombaire) 

 

 

Flexion antérieure 70o

207608

3

Extension 20o

207644

1

Flexion latérale droite 25o

207680

1

Flexion latérale gauche 25o

207724

1

Déficit anatomo-physiologique total

 

6

 

 

 

[22]           Le neurologue et membre du Bureau d'évaluation médicale Filiatrault qui examine monsieur Pavao le 31 octobre 2006 et qui produit son avis écrit le 5 décembre 2006 conclut que le déficit anatomo-physiologique équivaut à 9 %. 


[23]           Son bilan des séquelles est dressé comme suit :

Préjudice

Code du Barème

Pourcentage

Traumatisme craniocérébral avec commotion cérébrale légère

211283

1

Fracture par écrasement d'un corps vertébral consolidée moins de 25 % du corps vertébral

pour L1

204022

2

Fracture par écrasement d'un corps vertébral consolidée moins de 25 % du corps vertébral

pour L2

204022

2

Entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées avec ou sans changement radiologique

203513

2

Entorse dorsolombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées avec ou sans changement radiologique

204004

2

Déficit anatomo-physiologique total

 

9

 

 

 

[24]           Le neurochirurgien Giroux, qui examine monsieur Pavao le 12 septembre 2007, conclut que le déficit anatomo-physiologique équivaut à 29 %. 

[25]           Son bilan des séquelles est dressé comme suit :

Préjudice

Code du Barème

Pourcentage

Fracture d'un ou plusieurs corps vertébraux consolidée avec séquelles fonctionnelles sans séquelle neurologique

 

 

Flexion antérieure 30 degrés retenus

207582

7

Extension 10 degrés retenus

207635

2

Flexion latérale droite 20 degrés retenus

207680

1

Flexion latérale gauche 20 degrés retenus

207724

1

Rotation droite 20 degrés retenus

207760

1

Rotation gauche 20 degrés retenus

207804

1

Traumatisme crânien mineur

211283

1

Syndrome cérébral organique cognitif et émotif classe 1

211005

15

Déficit anatomo-physiologique total

 

29

 

 

 

[26]           Le représentant de monsieur Pavao demande au tribunal d'établir le déficit anatomo-physiologique de la façon suivante :

Préjudice

Code du Barème

Pourcentage

Fracture d'un ou plusieurs corps vertébraux consolidée avec séquelles fonctionnelles sans séquelle neurologique

 

 

Flexion antérieure 30 degrés retenus

207582

7

Extension 10 degrés retenus

207635

2

Flexion latérale droite 20 degrés retenus

207680

1

Flexion latérale gauche 20 degrés retenus

207724

1

Rotation droite 20 degrés retenus

207760

1

Rotation gauche 20 degrés retenus

207804

1

Syndrome cérébral organique cognitif et émotif classe 1

211005

15

Vertiges  Classe 2  Présence de signes de vertiges périphériques ou centraux et peut accomplir les activités de la vie quotidienne sans assistance, sauf certaines activités qui peuvent compromettre sa propre sécurité ou celle des autres telles que la conduite de véhicules moteurs ou même d'une bicyclette

216377

15

Entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées avec ou sans changement radiologique

203513

2

Déficit anatomo-physiologique total

 

45

 

 

 

[27]           Le tribunal retient les arguments du représentant de monsieur Pavao.

[28]           Le tribunal note que le chapitre du Système nerveux central du Règlement sur le barème des dommages corporels[8] (le règlement) prévoit une section intitulée « D) Traumatisme cranio-cérébral ». 

[29]           Dans le présent cas, monsieur Pavao a subi un traumatisme crânien avec commotion cérébrale légère.  La partie « a) » de cette section du règlement prévoit les préjudices pour la commotion, laquelle est décrite comme « une altération transitoire de l'état de vigilance secondaire à un traumatisme crânien, avec ou sans perte de conscience, mais quantifiable, sans déficit permanent ».  Le règlement prévoit trois catégories de commotions : mineure, modérée ou grave, les préjudices allant de 1 à 5, selon la catégorie.

[30]           Le règlement prévoit, de plus, qu'en cas de commotion cérébrale suivie de séquelles, c'est le pourcentage de déficit anatomo-physiologique le plus élevé de la commotion cérébrale ou des séquelles fonctionnelles qui est retenu. 

[31]           Dans le présent cas, le tribunal estime que la preuve prépondérante révèle que la commotion cérébrale est suivie de séquelles. 

[32]           Effectivement, dès le 14 février 2005, le physiothérapeute note que monsieur Pavao se plaint de pertes de mémoire.  Le 7 décembre 2005, le physiothérapeute note des déficits attentionnels et le 9 décembre 2005, il fait référence à une altération des capacités cognitives ainsi qu’à une diminution de l'attention et de la concentration.

[33]           En outre, le 11 avril 2005, la neuropsychologue Harvey, qui est mandatée par la CSST pour évaluer si monsieur Pavao présente des atteintes cognitives et comportementales consécutives à son accident du travail du 7 septembre 2004, indique dans le rapport qu’elle adresse à la CSST que monsieur Pavao présente notamment des troubles d'attention qui perturbent la mémoire et des troubles comportementaux, soit une intolérance à la frustration et à l'impulsivité, qui ont pour effet de diminuer son efficacité lors de résolutions de problèmes.  Elle conclut que les résultats de l'évaluation neuropsychologique sont compatibles avec un diagnostic de traumatisme crânien mineur et indiquent, de façon globale, une perturbation des lobes frontaux ainsi que des perturbations hémisphériques gauches.  La neuropsychologue ajoute que les incapacités cognitives de monsieur Pavao sont légères, mais qu'elles sont accompagnées d'un syndrome postcommotionnel et d'étourdissements qui réduisent de façon marquée ses capacités cognitives ainsi que la gestion du comportement. 

[34]           De plus, le 12 avril 2006, le neurochirurgien Giroux pose le diagnostic de traumatisme crânien avec séquelles cognitives.

[35]           À la même époque, soit le 16 avril 2006, le physiothérapeute H. Sainz de la Clinique de Rééducation Vestibulaire Vertigo note que monsieur Pavao se plaint d'une diminution de la concentration et de pertes de mémoire.

[36]           Enfin, le 22 mai 2006, la neuropsychologue Harvey produit un rapport d'évaluation complet et détaillé qu'elle adresse à la CSST.  Madame Harvey en arrive à des conclusions similaires à celles élaborées dans son rapport du mois d'avril 2005.  Elle ajoute que les incapacités cognitives et comportementales sont d'intensité légère et perturbent encore le fonctionnement général de monsieur Pavao ainsi que sa capacité à œuvrer de façon compétitive sur le marché du travail.

[37]           Le tribunal constate que le règlement permet d'évaluer le pourcentage de déficit anatomo-physiologique des séquelles fonctionnelles au niveau cérébral en se référant à la section intitulée « A. Cerveau (déficit des fonctions cérébrales) » du chapitre sur le Système nerveux central qui traite de l'atteinte des fonctions mentales supérieures[9].

[38]           Le règlement y prévoit que les déficits qui découlent d'une atteinte cérébrale peuvent se manifester par des troubles de l'orientation, de la compréhension, de la mémoire (immédiate et ancienne), du jugement, de l'autocritique, de même que par l'incapacité de prendre des décisions, des troubles de l'humeur (euphorie et dépression), du rire et des pleurs spasmodiques, de l'intolérance à la frustration, du comportement et autres.

[39]           Le règlement prévoit que les atteintes se divisent en quatre classes.

[40]           Le tribunal considère qu’il y a lieu de retenir l'analyse du neurochirurgien Giroux selon laquelle le préjudice de monsieur Pavao se situe dans la classe 1 puisque le règlement prévoit que cette classe s'applique lorsqu'il y a une atteinte des fonctions cérébrales intégrées, mais que le travailleur est capable de remplir la plupart des activités de la vie quotidienne. 

[41]           Cette catégorie correspond à la condition de monsieur Pavao selon le docteur Giroux puisque l'atteinte des fonctions cérébrales intégrées de monsieur Pavao ne l'empêche pas de remplir la plupart des activités de la vie quotidienne.

[42]           Le tribunal note que le préjudice qui correspond à cette atteinte équivaut à 15 %.  Ce pourcentage de déficit anatomo-physiologique est donc plus élevé que celui prévu pour la commotion cérébrale qui se situe entre 1 et 5 selon qu’il est de catégorie mineure, modérée ou grave. 

[43]           Par conséquent, le préjudice qui doit être attribué à monsieur Pavao pour la commotion cérébrale équivaut à 15 %.  Le préjudice de 1 % attribué par le membre du Bureau d'évaluation médicale Filiatrault doit être écarté puisque le règlement stipule clairement que c'est le pourcentage de déficit anatomo-physiologique le plus élevé qui doit être retenu et non les deux.

[44]           Le tribunal ne retient pas l'argument de la procureure de la CSST qui soutient que la lésion professionnelle subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 n'entraîne pas un tel préjudice puisque le diagnostic de syndrome cérébral organique n'est pas retenu par le membre du Bureau d'évaluation médicale.

[45]           Le tribunal constate, à l'instar de la CSST, que le diagnostic de syndrome cérébral organique ne fait pas partie des diagnostics posés par le membre du Bureau d'évaluation médicale.  Toutefois, comme il est expliqué dans ce qui précède, le déficit anatomo-physiologique de 15 % n'est pas attribué en raison d'un syndrome cérébral organique, mais pour compenser les séquelles fonctionnelles qui découlent de la lésion professionnelle diagnostiquée comme commotion cérébrale, comme le permet le règlement.

[46]           Le tribunal estime, d’autre part, que monsieur Pavao a également droit à un déficit anatomo-physiologique de 13 % pour la fracture de L1 et de L2, tel que décrit dans ce qui précède.

[47]           Le tribunal ne retient pas l'évaluation du membre du Bureau d'évaluation médicale Filiatrault puisque le préjudice attribué par ce dernier[10] s'applique dans le cas d'une fracture par écrasement d'un corps vertébral consolidée sans séquelle fonctionnelle ni instabilité alors que dans le cas de monsieur Pavao, la preuve prépondérante révèle que les fractures entraînent des séquelles fonctionnelles.

[48]           Effectivement, l'orthopédiste Ferron note, à l'examen objectif qu’il réalise en novembre 2006, qu’il y a une diminution des amplitudes articulaires du rachis dorsolombaire.  Dans son rapport, il indique que la flexion est à 55 degrés[11], que l'extension est à 20 degrés[12] et que les flexions latérales sont à 20 degrés bilatéralement[13].  Il est vrai que le docteur Ferron souligne que les amplitudes articulaires sont meilleures en position assise.  Il demeure, toutefois, que ces mouvements ne sont pas normaux puisque la flexion antérieure est alors à 70 degrés et que l'extension est à 20 degrés.

[49]           Le docteur Filiatrault note, lui aussi, une diminution des amplitudes articulaires du rachis dorsolombaire à l'examen puisqu'il écrit que la flexion antérieure est à 20 degrés et que l'extension et les flexions latérales sont à zéro degré.

[50]           Le neurochirurgien Giroux constate également des ankyloses de la colonne lombaire puisqu'il note que la flexion antérieure est à 30 degrés, que l'extension est à dix degrés et que les rotations et les flexions latérales sont à 20 degrés bilatéralement.

[51]           Enfin, le neurologue Moussette, qui examine monsieur Pavao le 16 novembre 2006 et produit un rapport d’expertise médicale le 20 janvier 2007 à la demande de son procureur, écrit que la flexion antérieure est à dix degrés, que les rotations sont à 20 degrés et que les flexions latérales sont à 15 degrés. 

[52]           Il y a donc unanimité chez les divers professionnels de la santé qui examinent monsieur Pavao que ce dernier présente une diminution de ses amplitudes articulaires au niveau de la colonne dorsolombaire.

[53]           Lorsque la fracture d'un ou de plusieurs corps vertébraux entraîne des séquelles fonctionnelles, mais n'entraîne pas de séquelle neurologique[14] — comme c'est le cas de monsieur Pavao — le règlement prévoit qu’il y a lieu de se référer au tableau des ankyloses de la colonne dorsolombaire pour évaluer le déficit anatomo-physiologique.

[54]           Ainsi, monsieur Pavao a droit aux préjudices prévus par le barème pour les ankyloses du rachis dorsolombaire. 

[55]           Comme l'évaluation réalisée par le neurochirurgien Giroux est la plus contemporaine, le tribunal estime qu’il y a lieu de retenir son examen pour calculer cette atteinte, ce qui lui donne droit à un déficit anatomo-physiologique de 13 %, tel que rapporté dans ce qui précède.

[56]           Le tribunal estime, d’autre part, qu'il n'y a pas lieu d'attribuer à monsieur Pavao un préjudice de 2 % pour une entorse dorsolombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées puisque les ankyloses du rachis dorsolombaire sont déjà compensées par le biais du préjudice pour la fracture de L1 et de L2.

[57]           Le tribunal considère, enfin, que monsieur Pavao a droit à un préjudice de 15 % pour les vertiges.

[58]           Le neurochirurgien Giroux n'évalue pas cette composante dans son Rapport d’évaluation médicale du 12 septembre 2007 en précisant qu'une évaluation en oto-rhino-laryngologie pourrait être réalisée.  Le membre du Bureau d'évaluation médicale Filiatrault fait lui aussi cette recommandation.  Le tribunal estime, toutefois, que ce préjudice fait partie de l'atteinte permanente à l’intégrité physique et qu’il a en mains les informations suffisantes permettant d'évaluer cet aspect.

[59]           Sur ce sujet, le tribunal ne retient pas l'argument de la procureure de la CSST qui soutient que la preuve de l'existence des vertiges n'a pas été faite.

[60]           En effet, il ressort du témoignage non contredit de monsieur Pavao que ce dernier présente des étourdissements depuis le fait accidentel du 7 septembre 2004.  Monsieur Pavao précise qu'il est difficile pour lui d'établir la date exacte d'apparition des vertiges, car de façon consécutive à l'événement, il était complètement assommé par la médication forte qu’il prenait et il dormait beaucoup.

[61]           Le tribunal constate, toutefois, que dès le 4 novembre 2004, l'agente de la CSST indique, dans une note évolutive qui fait suite à une rencontre avec monsieur Pavao, que ce dernier se plaint d'étourdissements.  Le 8 décembre 2004, l'agente note que monsieur Pavao souligne qu’il est étourdi.  L'agente de la CSST fait également référence à des plaintes d'étourdissements ou de vertiges de la part de monsieur Pavao dans huit autres notes évolutives[15].

[62]           De plus, l'existence de vertiges est notée à maintes reprises par les intervenants médicaux au dossier, et ce, depuis le mois de février 2005.

[63]           Effectivement, à compter du 14 février 2005 et à neuf reprises[16] par la suite, un physiothérapeute écrit que monsieur Pavao se plaint d'étourdissements avec céphalées ainsi que de vertiges[17].

[64]           Le 4 avril 2005, la docteure P. Vézina dirige monsieur Pavao à la « clinique d'étourdissements ».

[65]           Le 11 avril 2005, la neuropsychologue Harvey, qui examine monsieur Pavao à la demande de la CSST afin de mettre en évidence de possibles atteintes cognitives et comportementales consécutives à son accident du travail, indique dans son rapport que ce dernier se plaint d'étourdissements.  Dans ses rapports des 19 août 2005 et 29 décembre 2005, la neuropsychologue fait encore référence aux étourdissements.

[66]           À compter du 15 avril 2005 et à treize reprises par la suite[18], le physiothérapeute Sainz de la Clinique de Rééducation Vestibulaire Vertigo note que monsieur Pavao se plaint d'étourdissements constants et augmentés par les mouvements céphaliques.  Dans des rapports plus détaillés en date des 18 avril 2005 et 16 avril 2006, le physiothérapeute Sainz précise que depuis son accident, monsieur Pavao « éprouve des étourdissements constants (6/10) et exacerbés par les mouvements céphaliques (9/10) ».

[67]           Le 8 septembre 2005, le physiatre S. Imbeault écrit que monsieur Pavao constate une amélioration de 35 % de ses vertiges.

[68]           Le 24 janvier 2006, la docteure A. Lemire pose le diagnostic de vertiges sur un Rapport médical.  Dans sa note médicale du même jour, la docteure Lemire fait aussi référence aux étourdissements dont se plaint monsieur Pavao.

[69]           Le 1er mars 2006, la neurologue L. Rosu note que monsieur Pavao se plaint d'une céphalée chronique postcommotionnelle qui pourrait être accompagnée d’étourdissements et fait aussi référence à une composante vertigineuse secondaire au traumatisme.  Le même jour, elle produit un Rapport médical sur lequel elle pose le diagnostic de céphalée chronique et de vertiges post-traumatiques.  La neurologue Rosu produit également un Rapport médical le 22 mars 2006 sur lequel elle pose les diagnostics de commotion cérébrale et de vertiges résiduels.

[70]           Le neurochirurgien Giroux fait lui aussi référence aux vertiges, car il indique, dans son Rapport d’évaluation médicale du 12 septembre 2007, que monsieur Pavao présente des vertiges fréquents et quotidiens et précise qu’il a été traité en clinique de rééducation vestibulaire en raison d'étourdissements fréquents.

[71]           Le tribunal constate, d’autre part, que le neurologue Moussette considère qu’il n'y a pas lieu d'attribuer un déficit anatomo-physiologique pour les vertiges et les étourdissements puisqu'ils sont associés à l'aspect psychologique, à son avis. 

[72]           Le tribunal écarte toutefois cet avis puisque ces symptômes sont notés au dossier dès le mois de février 2005, soit bien avant le 1er novembre 2005, date à laquelle le premier diagnostic[19] au niveau psychique est posé.

[73]           De plus, la preuve médicale ne milite pas dans le sens de l'avis exprimé par le docteur Moussette puisque la neurologue Rosu note que la composante vertigineuse est secondaire au traumatisme et pose le diagnostic de vertiges post-traumatiques le 1er mars 2006. 

[74]           Monsieur Pavao doit donc être indemnisé pour ce préjudice dans l'évaluation de son atteinte permanente à l’intégrité physique.

[75]           Le 3e alinéa de l'article 84 de la loi prévoit que si un préjudice corporel n'est pas mentionné dans le barème, le pourcentage qui y correspond est établi d'après les préjudices corporels qui y sont mentionnés et qui sont du même genre.

[76]           Le chapitre sur l'appareil auditif du règlement prévoit une section sur les vertiges dans le cas d’une perte totale de la fonction vestibulaire.

[77]           En dépit du fait que la situation de monsieur Pavao ne concerne pas une perte totale de la fonction vestibulaire, le tribunal estime qu'en vertu de l'article 84, les vertiges et les étourdissements éprouvés par ce dernier peuvent être évalués par le biais des déficits anatomo-physiologiques prévus dans ce chapitre.

[78]           Le règlement divise ces préjudices en cinq classes.  Les deux classes pertinentes sont les classes 1 et 2.

[79]           La classe 1 s'applique en présence de signes de vertiges périphériques ou centraux et lorsque le travailleur peut accomplir les activités de la vie quotidienne sans aucune assistance.

[80]           La classe 2 s'applique en présence de signes de vertiges périphériques ou centraux et lorsque le travailleur peut accomplir les activités de la vie quotidienne sans assistance, sauf certaines activités qui peuvent compromettre sa propre sécurité ou celle des autres telles que la conduite de véhicules moteurs ou même d'une bicyclette.

[81]           Le tribunal estime que la classe 2[20] est celle qui correspond le mieux au cas de monsieur Pavao puisque la preuve permet d'établir que les vertiges qu’il présente ne l'empêchent pas d'accomplir les activités de la vie quotidienne sans assistance, mais qu’ils l'empêchent de faire de la bicyclette. 

[82]           C'est ce qui ressort du témoignage non contredit de monsieur Pavao.  Ce dernier affirme qu’il peut faire du vélo stationnaire, mais qu’il est incapable d'utiliser un vélo ordinaire.  Il éprouve également un problème avec les hauteurs.

[83]           Le déficit anatomo-physiologique total de la lésion professionnelle au niveau physique subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 équivaut donc à 45 %.

[84]           À ce préjudice s'ajoute celui pour les douleurs et la perte de jouissance de la vie de 15,75 %[21].

[85]           L'atteinte permanente à l’intégrité physique qui résulte de la lésion professionnelle subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 totalise donc 60,75 %, ce qui lui donne droit à une indemnité pour préjudice corporel de 48 430,51 $, montant qui correspond au produit du pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique — 60,75 % — par le montant prévu par l'annexe II de la loi — 79 721 $ — en fonction de l'âge de ce dernier — 24 ans — au moment de la manifestation de sa lésion professionnelle du 7 septembre 2004.

[86]           Monsieur Pavao a également droit aux intérêts sur le montant de l'indemnité pour préjudice corporel à compter de la date de sa réclamation.

[87]           Le tribunal constate, par ailleurs, que la lésion professionnelle au niveau psychique subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 n'est pas consolidée le 31 octobre 2007 selon l'avis émis par la psychiatre H. Fortin, membre du Bureau d'évaluation médicale.  Cette dernière indique qu’il est trop tôt, à ce moment, pour se prononcer quant à l'existence d'une atteinte permanente à l’intégrité psychique.

[88]           L'évaluation de l'atteinte permanente rapportée dans ce qui précède est donc incomplète puisqu'elle ne tient pas compte d'une possible atteinte permanente à l’intégrité psychique.  S'il est ultérieurement décidé que monsieur Pavao conserve une telle atteinte, il reviendra à la CSST de recalculer le pourcentage pour les douleurs et la perte de jouissance de la vie se rapportant au déficit anatomo-physiologique en tenant compte du déficit anatomo-physiologique qui résulte de la lésion au niveau physique additionné à celui qui résulte de la lésion au niveau psychique

Limitations fonctionnelles

[89]           La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur les limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004.

[90]           Le tribunal note que le membre du Bureau d'évaluation médicale Filiatrault en arrive à la conclusion que la lésion professionnelle au niveau lombaire subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 entraîne des limitations de classe 1 selon l'échelle de l'IRSST.  Le tribunal ne retient pas cet avis puisqu'il n'est pas supporté par la preuve médicale prépondérante.

[91]           Effectivement, selon le neurochirurgien Giroux, il y a lieu de recommander des limitations fonctionnelles pour la région lombaire de classe 2 selon l'échelle de l'IRSST.  

[92]           Le chirurgien orthopédiste Ferron, pour sa part, décrit les limitations comme suit :

« […]

Éviter les vibrations très répétitives au rachis dorsolombaire ;

Éviter les mouvements très répétitifs d'amplitude extrême de flexion, torsion, de rotation du rachis dorsolombaire ;

Éviter de lever des charges à répétition de plus de 25-30 livres.

[…] » [sic]

 

 

[93]           Ces limitations ne correspondent pas exactement à la classe 2 selon l'échelle de l'IRSST. 

[94]           Le tribunal note, toutefois, qu'elles sont plus sévères que les limitations de classe 1 auxquelles fait référence le membre du Bureau d'évaluation médicale[22] dans son avis, notamment en ce qui a trait au poids.  En effet, la limite de poids se situe entre 25 et 30 livres pour le docteur Ferron, soit entre 11,4 et 13,7 kilogrammes, alors que selon la classe 1, il y a lieu d’éviter d'accomplir, de façon répétitive ou fréquente, les activités qui impliquent de soulever, de porter, de pousser et de tirer des charges de plus de 15 à 25 kilogrammes.

[95]           Dans ces circonstances, le tribunal estime que les limitations prévues par le docteur Ferron s'apparentent plus à celles décrites par le docteur Giroux.

[96]           Le tribunal est donc d'avis qu'en raison de la lésion au niveau lombaire qu’il a subie le 7 septembre 2004, monsieur Pavao doit éviter d'accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de soulever, de porter, de pousser et de tirer des charges de plus de cinq à quinze kilogrammes, de travailler en position accroupie, de ramper, de grimper, d'effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude, de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale, de monter fréquemment plusieurs escaliers et de marcher en terrain accidenté ou glissant. 

[97]           Le tribunal estime, par ailleurs, qu'en raison des séquelles fonctionnelles de la commotion cérébrale qu’il a subie le 7 septembre 2004, monsieur Pavao conserve les limitations fonctionnelles telles que décrites par la neuropsychologue Harvey dans son rapport du 30 novembre 2006. 

[98]           Monsieur Pavao doit donc éviter d'effectuer un travail trop exigeant sur le plan de l'attention, de travailler dans un environnement trop bruyant lorsqu'un effort de concentration est requis, d'effectuer un emploi où il doit focaliser son attention sur un point précis ou faire des mouvements latéraux ou horizontaux de la tête, d'effectuer une activité cognitive soutenue au-delà de 120 minutes, d'effectuer un travail où il doit faire preuve d'une grande capacité d'analyse en vue de trouver une solution efficace et optimale à un problème, d'effectuer un travail nécessitant une grande rétention d'informations complexes sans utiliser de stratégies compensatoires et d'exécuter un travail où il doit être en contact constant avec la clientèle et où il doit répondre à leurs exigences.

[99]           La procureure de la CSST demande au tribunal d'écarter les conclusions de la neuropsychologue Harvey, car les vertiges ne sont pas objectivés et que cette dernière tient compte de ceux-ci dans l'élaboration des limitations.  À l'appui de ses propos, la représentante de la CSST soumet que l'oto-rhino-laryngologiste F. Lavigne indique, dans un rapport du 6 février 2005, qu'un électromyogramme s'avère normal, que l'examen neurologique réalisé le 22 mars 2006 par la docteure Rosu est normal, que l'examen cérébral par résonance magnétique réalisé le 25 avril 2006 s'avère également normal[23] et que dans un rapport du 9 mars 2008, le neurologue J.-P. Roy qualifie les vertiges présentés par monsieur Pavao comme étant des vertiges positionnels bénins.

[100]       La représentante de la CSST souligne, de plus, que la neuropsychologue n'a pas objectivé les vertiges par le biais de tests.  En outre, les conclusions de cette professionnelle de la santé ne tiennent pas compte du fait que monsieur Pavao est atteint d'une dépression alors que les symptômes qu'elle décrit sont similaires à ce type de pathologie.  Enfin, le fait de conclure qu'un traumatisme crânien mineur entraîne une incapacité totale de travail est discordant, selon la procureure de la CSST.

[101]       Le tribunal ne retient pas les arguments de la procureure de la CSST.

[102]       Le tribunal tient à souligner, dans un premier temps, que la neuropsychologue Harvey a initialement obtenu son mandat de procéder à une évaluation dans ce dossier de la part même de la CSST qui remet aujourd'hui ses conclusions en question.

[103]       Par ailleurs, il ressort du témoignage non contredit de la neuropsychologue Harvey que lors de ses entrevues avec monsieur Pavao, elle a constaté que certains mouvements avaient pour effet de provoquer des haut-le-cœur et des nausées.  Il présentait ce type de manifestations pratiquement à chacune des rencontres et se plaignait de vertiges à chaque occasion.  La neuropsychologue Harvey ajoute que monsieur Pavao a d'ailleurs été suivi dans une clinique vestibulaire spécialisée dans les vertiges et les étourdissements et qu’il n'a jamais été examiné par un neurologue spécialisé en vertiges.

[104]       Le tribunal estime, d’autre part, que la CSST n'a présenté aucune preuve médicale appuyant l'hypothèse selon laquelle les résultats de l'électromyogramme ou de la résonance magnétique cérébrale permettent de conclure à l'absence de vertiges objectivés.

[105]       Les conclusions des neurologues Roy et Rosu auxquelles fait référence la procureure de la CSST n'éclairent pas plus le tribunal sur ce sujet.  La soussignée estime, au contraire, que la neurologue n'endosse certainement pas la conclusion selon laquelle monsieur Pavao ne présente pas de vertiges puisqu'elle pose elle-même ce diagnostic à deux reprises, soit les 1er mars 2006 et 22 mars 2006.

[106]       Le tribunal estime, d’autre part, que le fait que les symptômes[24] que la neuropsychologue décrit dans son rapport du 22 mai 2006 comme étant en relation avec le traumatisme crânien soient similaires à ceux d'une dépression n'implique pas nécessairement que dans le cas particulier de monsieur Pavao, ils soient en relation avec sa dépression. 

[107]       En effet, madame Harvey indique au tribunal qu'elle a rencontré monsieur Pavao les 24 février 2006, 3 mars 2006 et 8 mars 2006 alors que la psychiatre A. Bego pose le diagnostic de dépression majeure modérée le 26 mai 2006 seulement.  En outre, la neuropsychologue indique dans son rapport du 11 avril 2005 consécutif à des évaluations réalisées les 10 décembre 2004, 17 décembre 2004 et 22 décembre 2004 que monsieur Pavao présente déjà certains de ces symptômes, tels que des troubles d'attention, des réactions agressives, des troubles de sommeil, de l'anxiété et des maux de tête.  Ces symptômes apparaissent donc bien avant la dépression diagnostiquée en mai 2006 et aussi avant le trouble d'adaptation diagnostiqué en novembre 2005.

[108]       Le tribunal estime, par ailleurs, que la CSST n'a pas démontré en quoi le fait de conclure qu'un traumatisme crânien mineur entraîne une incapacité totale de travail est discordant.  De toute façon, le tribunal ne se prononce pas sur la capacité de travail de monsieur Pavao, mais sur ses limitations fonctionnelles.

[109]       Le tribunal ne retient donc pas les arguments de la CSST et considère que les conclusions de la neuropsychologue Harvey relativement à la description des limitations fonctionnelles qui résultent des séquelles de la commotion cérébrale sont prépondérantes, et ce, d'autant plus que cette dernière statue dans son champ d'expertise, que ses conclusions reposent sur des analyses sérieuses et détaillées et qu'aucun autre neuropsychologue ne se prononce dans ce dossier eu égard aux limitations fonctionnelles qui découlent des séquelles fonctionnelles de la commotion cérébrale. 

[110]       Enfin, le neurochirurgien Giroux et le neurologue Moussette sont tous eux en accord avec l'octroi de ces limitations fonctionnelles.

[111]       Le tribunal considère, finalement, qu'en raison des vertiges et des étourdissements qui persistent, monsieur Pavao est incapable de travailler dans les hauteurs et de conduire une bicyclette.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Edgar Pavao en date du 10 avril 2007 ;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 14 mars 2007 ;

DÉCLARE que la lésion professionnelle subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 entraîne une atteinte permanente à l’intégrité physique de 60,75 % ;

DÉCLARE que la lésion professionnelle subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 entraîne des limitations fonctionnelles qui l'empêchent d'accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de soulever, de porter, de pousser et de tirer des charges de plus de cinq à quinze kilogrammes, de travailler en position accroupie, de ramper, de grimper, d'effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude, de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale, de monter fréquemment plusieurs escaliers et de marcher en terrain accidenté ou glissant ;

DÉCLARE que la lésion professionnelle subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 entraîne des limitations fonctionnelles qui l'empêchent de travailler dans les hauteurs, de conduire une bicyclette, d'effectuer un travail trop exigeant sur le plan de l'attention, de travailler dans un environnement trop bruyant lorsqu'un effort de concentration est requis, d'effectuer un emploi où il doit focaliser son attention sur un point précis ou faire des mouvements latéraux ou horizontaux de la tête, d'effectuer une activité cognitive soutenue au-delà de 120 minutes, d'effectuer un travail où il doit faire preuve d'une grande capacité d'analyse en vue de trouver une solution efficace et optimale à un problème, d'effectuer un travail nécessitant une grande rétention d'informations complexes sans utiliser de stratégies compensatoires, d'exécuter un travail où il doit être en contact constant avec la clientèle et où il doit répondre à leurs exigences ;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est justifiée de poursuivre le versement de l'indemnité de remplacement du revenu de monsieur Pavao jusqu'à ce qu'une décision sur sa capacité de travail soit rendue ;

DÉCLARE que monsieur Pavao a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 48 430,51 $, montant auquel s'ajoutent les intérêts courus depuis la date de sa réclamation ;

DÉCLARE inchangées les autres conclusions de cette décision.

 

 

__________________________________

 

Martine Montplaisir

 

 

 

 

Me André Laporte

Laporte Lavallée

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Sabrina Khan

Panneton Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           Le membre du Bureau d'évaluation médicale retient également le diagnostic de possibilité de dépression situationnelle avec anxiété, mais précise que son avis ne porte pas sur cette lésion puisqu'il ne s'agit pas de son champ d'expertise.

[2]           Le membre du Bureau d'évaluation médicale décrit ces limitations comme suit : « Éviter d'accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer des charges supérieures à environ 25 kg, ramper, effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne cervicale, subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (comme celles provoquées par du matériel roulant sans suspension).  Éviter d'accomplir, de façon répétitive ou fréquente, les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg, travailler en position accroupie, ramper, grimper, effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire et de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (comme celles provoquées par du matériel roulant sans suspension). » [sic]

[3]           Ces limitations sont définies comme suit : « Monsieur ne peut effectuer un travail trop exigeant sur le plan de l'attention (c.f. attrait pour les stimuli saillants, perturbation de la mémoire de travail, etc.) ; Monsieur ne peut travailler dans un environnement trop bruyant s'il doit effectuer un travail qui demande un effort de concentration (i.e. sensibilité à l'interférence, troubles d'attention divisée, etc.) ; Monsieur ne peut effectuer un emploi où il doit focaliser son attention sur un point précis et/ou faire des mouvements latéraux et/ou horizontaux de la tête car ces types de mouvements entraînent une augmentation des vertiges, ce qui réduit son attention et son efficacité en plus de créer des situations qui peuvent comporter des risques de danger ; Monsieur ne peut effectuer une activité cognitive soutenue au-delà de 120 minutes ; Monsieur ne peut effectuer un travail où il doit faire preuve d'une grande capacité d'analyse en vue de trouver une solution efficace et optimale à un problème (i.e. lacunes affectant la gestion des détails, troubles de planification, impulsivité, rigidité, mentale, etc.) ; Monsieur ne peut effectuer un travail nécessitant une grande rétention d'informations complexes sans utiliser de stratégies compensatoires (c.f. difficultés d'encodage de détails et sensibilité à l'interférence) ; Monsieur ne peut exécuter un travail où il doit être en contact constant avec la clientèle et où il doit répondre à leurs exigences (c.f. baisse de tolérance à la frustration, exacerbation de la sensibilité affectant la gestion du stress, etc.) » [sic].

[4]           Ces limitations sont décrites comme suit : « Classe 2 : Restrictions modérées  En plus des restrictions de la classe 1, éviter les activités qui impliquent de : soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 à 15 kg, effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude, monter fréquemment plusieurs escaliers, marcher en terrain accidenté ou glissant.  Classe 1 : Restrictions légères  Éviter d'accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de : soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg, travailler en position accroupie, ramper, grimper, effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire, subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (provoqués par du matériel roulant sans suspension par exemple) » [sic].

[5]           L.R.Q., c. A-3.001

[6]           Ces diagnostics sont posés par le membre du Bureau d'évaluation médicale R. Filiatrault dans son avis du 5 décembre 2006 et ne sont pas contestés par monsieur Pavao.

[7]           La conclusion du membre du Bureau d'évaluation médicale Filiatrault selon laquelle la lésion professionnelle au niveau physique subie par monsieur Pavao le 7 septembre 2004 est consolidée le 10 juillet 2006 n'est pas contestée par ce dernier.

[8]           (1987) 119 G.O. II, 5576

[9]           Chapdelaine et Thompson Tremblay inc. et CSST, C.L.P. 171916-72-0110, 8 avril 2003, F. Juteau

[10]         Au code 204022

[11]         La normale étant à 90 degrés selon le règlement.

[12]         La normale étant à 30 degrés selon le règlement.

[13]         La normale étant à 30 degrés selon le règlement.

[14]         Au code 204040

[15]         Celles des 15 mars 2005, 7 avril 2005, 30 juin 2005, 22 juillet 2005, 4 août 2005, 22 août 2005, 9 décembre 2005 et 7 mars 2006

[16]         Les 7 mars 2005, 18 avril 2005, 9 mai 2005, 30 mai 2005, 20 juin 2005, 11 juillet 2005, 11 octobre 2006, 1er novembre 2006 et 22 novembre 2006

[17]         La mention des vertiges apparaît dans un rapport du 8 mai 2005.

[18]         Les 6 mai 2006, 27 mai 2006, 17 juin 2005, 8 juillet 2005, 27 juillet 2005, 19 août 2005, 7 septembre 2005, 28 septembre 2005, 19 octobre 2005, 9 novembre 2005, 2 décembre 2005, 21 décembre 2005 et 6 janvier 2006

[19]         Le docteur C. Dutil pose alors le diagnostic de trouble d'adaptation anxio-dépressif secondaire à des séquelles d'accident.

[20]         Le préjudice qui correspond à cette classe équivaut à 15 %.

[21]         Code 225456 du barème

[22]         « Éviter d'accomplir, de façon répétitive ou fréquente, les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg, travailler en position accroupie, ramper, grimper, effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire et de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (comme celles provoquées par du matériel roulant sans suspension). »

[23]         Le radiologiste écrit ce qui suit sur son rapport : « […] Je ne vois pas de lésion ischémique ni hémorragique.  L’étude en pondération d'écho de gradient ne démontre pas d'évidence de résidu d'hémosidérine.  Il n'y a donc pas d'évidence de lésion post-traumatique ni de lésion pouvant être compatible avec un dommage axonal diffus. […] ».

[24]         Troubles d'attention, réactions agressives, troubles de sommeil, anxiété, maux de tête, irritabilité, fatigue, dévalorisation, découragement

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